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28.03.2024 à 09:15

L’urbanisme culturel et transitoire : un contre-modèle à la ville créative ?

Frédérique Cassegrain

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Les politiques inspirées par la notion de « ville créative » ont donné une place de choix à l’art et la culture pour revitaliser des métropoles post-industrielles, en les rendant dynamiques et attractives. Mais face aux crises sociétales actuelles, notamment écologiques et démocratiques, ce modèle n’est plus aussi prisé. Parmi les voix critiques, s’élèvent celles d’acteurs et actrices qui œuvrent à la croisée de l’urbanisme et des enjeux culturels, sociaux et citoyens. Le Média de l’OPC a recueilli les témoignages de Fanny Broyelle et Jules Infante qui opèrent sur le territoire nantais à partir de logiques culturelles et urbaines alternatives.

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Texte intégral (3443 mots)
Scène de foule à Transfert. Paquebot festif
Ouverture de Transfert. Photo @ Alice Grégoire

Fanny Broyelle est directrice de projets artistiques, culturels et d’urbanisme culturel, et sociologue. Pendant cinq ans, elle a contribué au projet Transfert (Pick Up Production), parc urbain expérimental, zone libre d’art et de culture, espace éphémère d’urbanisme transitoire, installé sur le terrain désert des anciens abattoirs de Rezé. Jules Infante a fondé, à Nantes, Territoires InterStices qui travaille pour le développement des arts de rue. Dans cette dynamique, l’association a créé les Ateliers Magellan (Nantes), une friche qui réunit un atelier d’auto-réparation de vélos, un bar, un jardin partagé, un espace de résidence artistique et de fête.

Jules comme Fanny plaident pour la fabrique d’une urbanité plus conviviale, permissive et hospitalière.

Quelles critiques des politiques culturelles urbaines inspirées du modèle de la ville créative pouvez-vous formuler ?

Fanny Broyelle – J’aimerais reprendre les trois axes critiques de la ville créative exposés entre autres par les chercheurs Elsa Vivant et Luca Pattaroni E. Vivant, Qu’est-ce que la ville créative ?, Paris, PUF, 2009 ; L. Pattaroni, La Contre-culture domestiquée. Art, espace et politique dans la ville gentrifiée, Genève, MētisPresses, 2020.. Le premier point concerne l’instrumentalisation des artistes : mobilisés pour redorer des environnements délaissés, ils sont ensuite évincés des espaces qu’ils ont contribué à réhabiliter, par un phénomène d’augmentation de la valeur du foncier. Le deuxième aspect porte sur le processus de gentrification, c’est-à-dire le remplacement d’une population de classe populaire par une autre, de classe moyenne voire supérieure, transformant un quartier populaire en quartier hype. Il s’agit d’une forme de destruction de la mixité sociale au sein des villes. La troisième critique renvoie à la question du marketing territorial et du storytelling. Un nouveau récit est produit et efface certaines identités passées. La richesse immatérielle – que sont la mémoire, la poésie, les liens, c’est-à-dire tout ce qui n’a pas de valeur financière – disparaît au profit d’une vision marketée de la ville, qui cherche à se vendre comme un produit.

Jules Infante – Je partage cette analyse et ajoute que, dans ce processus de gentrification, il y a aussi une réécriture de la culture populaire, vernaculaire, de lutte. L’identité et la mémoire des lieux sont retravaillées. Les artistes, malgré eux, contribuent à remodeler ces histoires et à en effacer des passages devenus gênants, sous couvert de commande publique et par nécessité d’obtenir des financements.

L’île de Nantes est un bon laboratoire pour observer la manière dont les espaces se modifient après l’installation d’artistes dans des friches. Le patrimoine industriel est réinvesti, mais en ne mettant en avant que son aspect esthétique. Il est aussi intéressant de rappeler qu’à Nantes l’entité qui a la compétence sur ce qui relève de la sphère créative est un aménageur : la Samoa (Société d’aménagement de la métropole Ouest Atlantique). Et force est de reconnaître qu’ils font ça très bien depuis trente ans. Ils sont à l’avant-garde du développement de l’aspect dit « créatif », avec tout ce que ce terme peut recouvrir : les nouvelles technologies, la smart-city, les « nouvelles démocraties »… et ne se cantonnent pas au champ dit « culturel ».

F. B. – Pour compléter ce qu’évoque Jules, il y a aussi un changement de vocabulaire. On ne parle plus d’« action culturelle » mais d’« industrie créative ». Il y a un glissement marketing d’un lexique issu au départ de l’éducation populaire, de la médiation et de la politique de la relation, vers des choses qui relèvent du monde marchand et de l’économiquement viable.

Nantes s’est transformée en s’appuyant sur des liens forts entre culture et développement urbain. Les politiques publiques volontaristes et leur mise en récit ont rendu cette métropole particulièrement attractive. Quelles évolutions constatez-vous aujourd’hui ?

J. I. – Ce phénomène d’attractivité a entraîné de véritables tensions liées au foncier et au bâti à Nantes. Tout n’est pas saturé, mais il y a moins d’aisance dans le champ des possibles que dans les années 1980-1990 quand il y avait des friches partout. Aujourd’hui, les espaces vacants sont plutôt des zones industrielles ou commerciales qui font moins rêver. Il faudrait d’ailleurs peut-être qu’on apprenne à se défaire d’une forme d’esthétique romantique qu’on a pu avoir vis-à-vis des grandes friches pour s’investir dans ces espaces.

F. B. – Le récit autour du développement métropolitain à Nantes est en train de changer. On passe de la ville créative à la ville nature, la ville accessible, la « ville du quart d’heure » La ville du quart d’heure est le modèle d’une ville où tous les services essentiels sont à une distance d’un quart d’heure à pied ou à vélo, concept relancé sous cette dénomination en 2015 par Carlos Moreno, un urbaniste franco-colombien, afin de réduire les transports motorisés et ainsi limiter les émissions de gaz à effet de serre (source Wikipédia).. Dans le discours de lancement du Grand Débat « Fabrique de nos villes », organisé de mars à juillet 2023 par Nantes Métropole, la dimension culturelle comme levier d’attractivité du territoire n’était quasiment pas présente. C’est assez symptomatique d’un changement de storytelling.

J. I. – J’ajoute que l’île de Nantes est devenue le nouvel hypercentre et, à mon sens, il y a un trust de l’aspect culturel et créatif par la Samoa sur cette portion de territoire ; tandis que la politique publique de la culture travaille en périphérie, dans les quartiers. Une segmentation s’est opérée. On le voit d’ailleurs dans le fait que la compétence « culture » est municipale alors que la métropole a la compétence « tourisme et attractivité », avec Le Voyage à Nantes.

Ce qui motive vos engagements professionnels et militants pour un autre modèle de fabrique de la ville relève-t-il encore du champ culturel et artistique ?

J. I. – Aux Ateliers Magellan, ce qui nous porte depuis longtemps est de ne plus être dépendants des subventions du secteur culturel pour vivre. Nous pensons que la culture ne peut pas répondre à tous les enjeux et valeurs que l’on souhaite défendre. En revanche, elle va être un très bon liant pour toucher à une multitude de sujets tels que l’hospitalité qui nous tient à cœur.

Mais de ce fait, on a beaucoup de mal à présenter le projet Magellan : est-ce un tiers-lieu, un espace de friche artistique et culturelle, un local associatif à destination du quartier… ? C’est tout cela à la fois.

F. B. – Le champ qui m’intéresse est celui des espaces publics et la manière dont la ville évolue, dans un mouvement permanent. La ville créative a des bons côtés mais entraîne aussi vers ce que Luca Pattaroni appelle la « domestication » ou l’« encaissement » de l’art dans l’espace public M. Piraud, L. Pattaroni, « Le droit à la ville comme politique culturelle : post contre-culture et lignes de fuite », L’Observatoire, no 59, avril 2022.. Il veut dire par là que le caractère subversif de certaines interventions artistiques n’est souvent pas accepté, voire gommé par les pouvoirs publics. Or beaucoup d’artistes aspirent à se frotter à des choses rêches, qu’on n’a pas envie de voir et qui vont à l’encontre du storytelling des villes. À cet endroit du subversif, il y a un angle mort de la ville créative.

J. I. – C’est vrai du côté des pouvoirs publics, mais je regrette aussi que cette volonté de subversion ne soit pas plus présente et affirmée par les artistes. Beaucoup d’entre eux ont été biberonnés à l’appel à projets, à l’aide à l’émergence. Pour moi, la gentrification s’est faite au sein même de la classe artistique.

Par ailleurs, à Nantes, je ne dénombre plus aucun squat dit « artistique » dans lequel se vit une marge, qui développe des espaces vraiment subversifs. Il y a des lieux, subventionnés, qui proposent des « esthétiques d’alternative », mais il n’y a pas de mouvement culturel underground structuré. Tandis que, dans le même temps, beaucoup de squats se montent pour répondre à d’autres besoins, moins pris en compte par la politique publique : hébergement, alimentation, scolarisation.

Je pense aussi que des personnes qui auraient pu épouser des carrières culturelles et artistiques ont préféré aller se frotter plus concrètement à des sujets de crise, en s’investissant sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes par exemple.

F. B. – J’aimerais souligner un autre angle mort de la ville créative, et sur lequel je m’engage : celui de l’intervention artistique dans la matrice de la fabrique urbaine, le hardware. J’entends par hardware la gouvernance et la conception des projets urbains, considérant que le software relève de l’animation, l’évènementiel, la décoration. J’essaye de faire en sorte que la création artistique ne soit pas seulement du saupoudrage, mais puisse être une des parties prenantes de la fabrique urbaine. Qu’elle soit au cœur de sa matrice, comme devraient l’être d’autres expertises : celles des mondes sociaux, de l’éducation, des habitants-citoyens…

Ateliers Magellan. Photo © Laura Severi

Urbanisme culturel, temporaire, transitoire… Ces notions recouvrent des caractéristiques différentes mais cherchent à repenser l’urbanisme classique en incluant notamment l’expertise habitante et en partant des besoins existants. Où vous situez-vous dans ce champ ?

J. I. – Même si on y travaille tous plus ou moins, j’ai rarement vu des expériences d’urbanisme transitoire à proprement parler, c’est-à-dire l’occupation d’un espace vacant dont les activités vont transformer son devenir pérenne. Il est rare que les décideurs politiques ou les aménageurs soutiennent ce que l’équipe de Patrick Bouchain a développé à l’Hôtel Pasteur à Rennes avec le « non-programme » « Hôtel Pasteur : les dix ans d’un lieu citoyen », 1er juin 2023, dans Le Média de l’Observatoire des politiques culturelles..

Je préfère donc parler d’urbanisme ou d’occupation « intercalaire », c’est-à-dire un entre-deux : occuper des lieux laissés vacants pour y développer des projets à différentes échelles, sans avoir la prétention d’élaborer ou de modifier le devenir du site. Mais ce n’est pas par manque d’ambition. Le fait de ne pas se projeter tout de suite permet de répondre à des besoins existants immédiats. L’aspect temporaire autorise aussi à être agile et à tester des choses qui seraient plus difficiles à réaliser dans un cadre classique. De ces zones grises d’un point de vue de la norme vont naître des espaces de liberté qu’on n’aurait pas dans des structures plus conventionnelles, avec des cahiers des charges. Je crois aussi beaucoup à la spontanéité de la programmation. Quand on occupe un lieu pendant un an, il faut aller vite.

F. B. – C’est aussi dans l’occupation, la présence in situ que l’urbanisme classique a beaucoup à apprendre. Aujourd’hui, rares sont les urbanistes qui vivent dans les lieux sur lesquels ils travaillent. L’expérience habitante n’est plus là. Avec Transfert, on a fait de l’« urbanisme de trottoir », qui implique de se placer à hauteur d’humain, parcourir la ville à pied, et ne plus la regarder d’en haut depuis un plan.

L’urbanisme culturel, intercalaire, éphémère, transitoire propose de procéder avec agilité à partir de la contextualisation immédiate d’un lieu par rapport aux besoins des gens qui y vivent, pour créer des ambiances et de l’interrelation.

La complémentarité entre une vue du ciel par des regards techniques, juridiques, normatifs, et une vue du sol, une permanence, une expérience habitante sensible et poétique, permettrait clairement d’avoir une autre vision de la fabrique de la ville. C’est ce couple-là qui manque aujourd’hui.

Inauguration de Transfert. Photo © Kevin Charvo

Est-ce que le fait d’être identifiés comme des acteurs et actrices culturels a pu vous desservir pour porter des projets de développement urbain, notamment en termes de légitimité ? Si oui, quelle stratégie de « pas de côté » avez-vous mise en place ?

J. I. – Je vois trois stratégies de contournement. D’abord, quitter le champ culturel pour mieux y revenir à partir du champ social, notamment parce que c’est une thématique qui a pris de l’importance à Nantes. C’est la trajectoire que j’ai empruntée. Un autre moyen est de sortir de la métropole pour retrouver des zones de liberté en dehors d’un territoire saturé. On peut aussi se réapproprier des espaces en les achetant, monter des modèles économiques, juridiques et inventer les moyens de créer nous-mêmes notre commande.

Je prends pour exemple La Charpenterie, un nouveau lieu qui se développe à La Grigonnais (44). Une compagnie d’arts de la rue a acheté ce bâtiment de 3 600 m2 qui ne sera pas juste une résidence de travail pour eux. Ils souhaitent en faire un tiers-lieu en s’appuyant sur les problématiques du territoire, avec des espaces de convivialité, de coworking, etc. En prenant le parti d’être propriétaires du lieu, ils proposent un autre modèle et attirent l’attention des élus de la région qui viennent les voir et souhaitent maintenant les soutenir.

F. B. – Pour ma part, je me positionne encore comme une actrice culturelle qui a son mot à dire sur la question de la fabrique d’une ville conviviale En référence au principe de convivialité développé par Ivan Illich, La Convivialité, Paris, Seuil, 1973., à savoir donner aux sachants et aux non-sachants le même niveau de parole pour discuter d’un sujet qui les concerne tous. Mais le monde de l’urbanisme est très hermétique. On l’a vécu au premier plan avec Transfert. Même si, au départ, il y avait une vraie volonté d’associer le projet urbain à un projet culturel expérimental, les portes se sont refermées les unes après les autres et, au bout de cinq ans, il ne reste pas grand-chose : le projet urbain suit son cours et le projet culturel a complètement disparu du champ de vision…

J. I. – Oui, et je pense qu’il y a un problème d’acculturation des deux côtés et qu’il manque encore des structures intermédiaires comme les nôtres pour faire la traduction entre ces mondes. Là on a un rôle à jouer, ça nous donne une utilité et une raison d’être.

Les acteurs et actrices culturels demeurent donc selon vous de bons intermédiaires pour penser le développement d’une urbanité accueillante et hospitalière ?

F. B. – Oui ils restent de bons acteurs dans leur capacité à proposer des espaces conviviaux, mais encore une fois au sens d’Illich : qui donnent leur place à des personnes auxquelles on ne pense pas de prime abord. Ils développent souvent des projets dans un désir de mixité humaine avec un gros effort pour mélanger des personnes, des cultures, des manières de voir. Dans un projet urbain, par le prisme de l’art et de la culture, on catalyse de l’expression habitante qui sort du champ des concertations publiques. Cela peut permettre de dépasser les conflits et d’influer sur le projet initial en le faisant évoluer différemment. Et tout le monde en sort grandi. La culture et l’art sont des filtres intéressants pour entendre les controverses, les traduire, les esthétiser, voire les rendre universelles et pouvoir en faire quelque chose de constructif de manière pacifiée.

J. I. – Effectivement, mais selon moi le champ de la culture et des arts doit retrouver une place d’humilité et se mettre davantage « au service de ». C’est ce qu’on fait à Magellan : par le biais de l’accompagnement à la régie, à la mise en scène, à la fabrique d’un récit, on soutient des gens qui ont des choses à dire, qui ont besoin de rencontrer un public. Le drame c’est que les artistes sont devenus inaudibles à force de croire qu’ils avaient toujours un mot à dire et qu’ils avaient raison, alors qu’ils sont comme des citoyens lambda : ils ne maîtrisent pas plus les sujets que les autres…

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21.03.2024 à 09:14

Un portable sinon rien ? Les pratiques culturelles des jeunes à l’ère numérique

Frédérique Cassegrain

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« Vital » pour la plupart des jeunes, le smartphone est devenu le principal terminal culturel de la nouvelle génération. Pour autant, leurs sorties culturelles ne sont pas en recul et leurs usages numériques viennent nourrir des pratiques à forte valeur collaborative. Désir d’interaction, besoin d’expressivité et aspiration à se lier au monde global font partie des traits distinctifs qualifiant leur rapport à la culture, ainsi que l’analyse Aurélien Djakouane dans les données rassemblées ici.

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Texte intégral (4696 mots)
Infographie. Un portable sinon rien ? Jeune fille assise sur un canapé qui consulte son téléphone
Illustration © Marion Boucharlat. Infographie complète à retrouver en fin d’article.

Les pratiques culturelles des jeunes suivent les mutations technologiques qui transforment nos manières de lire, d’écouter, de regarder. En une décennie, les usages numériques sont devenus majoritaires dans le quotidien des jeunes, qu’il s’agisse d’écouter de la musique ou de regarder des vidéos en ligne, d’échanger sur les réseaux sociaux ou encore de jouer aux jeux vidéo. Les médias traditionnels, comme la radio ou la télévision, perdent de leur centralité tandis que les réseaux sociaux sont devenus une source d’information incontournable. Comme le rappelle Sylvie Octobre, l’appétit des jeunes à l’égard des technologies n’est pas nouveau S. Octobre, « Retour sur les pratiques culturelles des jeunes. Questions à… », Le Français aujourd’hui, no 207, décembre 2019, p. 11-18.. Depuis plusieurs décennies, il prend forme dans une culture de la chambre où s’agrègent toutes sortes d’appareils technologiques (télévision, radio, console, ordinateur…)  H. Glevarec, La Culture de la chambre. Préadolescence et culture contemporaine dans l’espace familial, Paris, La Documentation française, 2009.. Cette technophilie s’est accélérée avec le numérique et la convergence des médias qui consacrent le smartphone comme le principal terminal culturel des jeunes. Cet attrait s’inscrit désormais dans les stratégies éducatives des familles et les inégalités qu’elles contiennent.

La culture comme lien

La question de l’expressivité est centrale dans la construction des pratiques culturelles de la jeunesse. C’est une tendance qui n’a fait que s’accentuer depuis les années 1960, et dans laquelle la musique joue un rôle clé. En 2008, 86 % des 15-28 ans écoutent de la musique tous les jours Ph. Lombardo, L. Wolff, Cinquante ans de pratiques culturelles en France, DEPS, ministère de la Culture, 2020, p. 1-92.. Outre les chorégraphies ou chants qu’elle suscite, la force expressive de la musique réside dans une série de dispositifs (vestimentaires, groupes affinitaires, langages spécifiques, posters, goodies…) qui en prolongent l’expérience via Internet, l’ordinateur ou le smartphone. Ils deviennent ici des outils de créativité avec les tutos, les mods, les mèmes et autres apps dédiées.

En outre, les jeunes se distinguent par l’importance qu’ils accordent aux dimensions relationnelles de leurs pratiques culturelles. Celles-ci sont désormais totalement liées à leurs pratiques de communication, elles en sont à la fois un objet, un vecteur et une finalité. De fait, la montée en puissance des réseaux sociaux et des valeurs collaboratives qu’ils véhiculent accompagne la construction de nouvelles références culturelles qui déjouent le clivage classique entre culture savante et culture populaire.

Comme le rappelle Dominique Pasquier, l’utilisation des réseaux sociaux souligne ce qui semble être la dimension ambivalente des cultures adolescentes : le travail en équipe et le besoin d’un public D. Pasquier, « La communication numérique dans les cultures adolescentes », Communiquer, no 13, 2015.. Ce double aspect contribution/exhibition illustre l’imbrication de plus en plus forte entre pratiques culturelles et sociabilités à l’ère numérique. La valeur socialisatrice de la culture devient primordiale, et l’on passe ainsi d’une « culture comme bien à une culture comme lien L. Allard, « Express yourself 2.0 ! », dans É. Maigret et É. Macé (dir.), Penser les médiacultures. Nouvelles pratiques et nouvelles approches de la représentation du monde, Paris, Armand Colin, 2005, p. 162. » faisant de la jeunesse un des ambassadeurs, avant l’heure, des droits culturels.

Pour de nombreux jeunes, être ensemble constitue parfois l’objet et la finalité de la plupart des sorties.

Désaffection des médias traditionnels

Cette tendance s’accompagne d’une certaine désaffection des médias traditionnels qui ne répondent plus à ce besoin d’expression. C’est le cas pour la radio, longtemps considérée comme emblématique des pratiques de la jeunesse, mais c’est aussi le cas de la télévision. Comme l’indique la dernière enquête sur les pratiques culturelles des Français, si en 2008, 79 % des 15-24 ans la regardaient tous les jours, ils ne sont plus que 58 % en 2018 Ph. Lombardo, L. Wolff, 2020, op. cit.. Certes, il s’agit d’une tendance généralisée. Mais c’est chez les jeunes qu’elle est la plus forte. Cette baisse des pratiques télévisuelles ne signifie pas pour autant qu’ils se détournent des écrans. Souvent, elle s’accompagne d’une consommation accrue de contenus audiovisuels sur Internet qui, en soi, représente une pratique largement spécifique à la jeunesse : 59 % des 15-24 ans regardent quotidiennement des vidéos sur Internet, en dehors de la télévision.

Des sorties en retrait ?

Ce développement des loisirs domestiques n’est pas forcément synonyme d’un recul des pratiques de sortie. Les 15-24 ans fréquentent toujours assidûment les lieux culturels, qu’il s’agisse des cinémas (84 % y sont allés au moins une fois en 2018), des bibliothèques ou même des sites patrimoniaux (musée, exposition ou monument historique). Toutefois, si leurs niveaux de fréquentation des spectacles restent élevés (41 % en 2018), ils connaissent, en l’espace de dix ans, une forte baisse (51 % en 2008). Ce phénomène est d’autant plus remarquable que les Français sont, par ailleurs, de plus en plus nombreux à fréquenter les lieux culturels. Tandis que le cinéma – pratique longtemps emblématique de la jeunesse –connaît un regain d’intérêt chez les plus âgés, et que la danse et le théâtre voient leur programmation jeune public couronnée de succès, le spectacle vivant reste à la peine auprès des 15-24 ans. Ce décrochage est moins vrai pour les festivals dont la fréquentation reste stable chez les moins de 25 ans (27 %), et nettement supérieure à la moyenne des Français (19 %). Sans doute parce que la dimension sociale et collective demeure une composante essentielle de l’expérience qu’on y vit A. Djakouane, « Ce que les sociabilités font à l’écoute musicale. Le cas des Eurockéennes de Belfort », Culture & Musées, no 25, Actes Sud, 2015, p. 23-45.. C’est d’ailleurs un élément que l’on retrouve au-delà des sorties culturelles où, pour de nombreux jeunes, être ensemble constitue parfois l’objet et la finalité de la plupart des « sorties Ch. Dayan, Chr. Détrez (dir.), Goûts, pratiques et usages culturels des jeunes en milieu populaire, Injep, Rapport d’étude, octobre 2020, p. 31-32. ».

Nouveaux rapports à la culture et cosmopolitisme

Accéléré par le numérique, l’essor de la culture des écrans participe à l’émergence de nouvelles perceptions du temps, de l’espace et des chaînes de valeurs. Il favorise une certaine hybridation des catégories culturelles qui se traduit par un éclectisme croissant et une porosité des comportements : divertissement et culture, (fiction et autofiction, virtuel et réel. Avec les réseaux apparaissent de nouvelles catégories d’acteurs (leaders d’opinion, influenceurs, modérateurs, etc.) qui s’affirment comme de nouvelles instances de légitimité (de consécration, de labellisation) en marge des institutions traditionnelles (famille, école, équipements culturels). L’observation des modalités d’accès à l’information éclaire autrement cette question. Télévision et réseaux sociaux font désormais jeu égal chez les jeunes, puisque 65 % des 15-24 ans les considèrent comme leurs outils privilégiés d’accès à l’information, loin devant la presse (44 %) – papier et numérique – et la radio (28 %).

Cet affaissement des vecteurs traditionnels de transmission se couple à une plus grande ouverture sur le monde qui s’observe à travers le succès des produits culturels asiatiques (mangas, manhwas, séries, K-pop et J-pop), nord-européens (séries et polars) mais aussi indiens ou africains (Bollywood et Nollywood). Les jeunes ont désormais accès à des productions issues d’aires géographiques de plus en plus étendues. Plusieurs facteurs expliquent ce cosmopolitisme culturel V. Cicchelli, S. Octobre, L’Amateur cosmopolite. Goûts et imaginaires culturels juvéniles à l’ère de la globalisation, ministère de la Culture – DEPS, 2017.. D’un côté, l’élévation du niveau d’étude des jeunes et l’accroissement de leur mobilité, et de l’autre, les jeunes issus de l’immigration qui importent des musiques provenant de leur pays d’origine. S’ajoutent à cela, la généralisation des réseaux sociaux et la puissance des industries culturelles numériques mondiales qui excellent dans l’art d’hybrider les références culturelles.

Affaiblissement des transmissions verticales

Ce cosmopolitisme interroge la stratification habituelle des pratiques culturelles. Il montre l’aspiration d’une partie de la jeunesse à entrer en lien avec le monde global, et propose des leviers pour penser une citoyenneté culturelle à l’ère de la globalisation. De nombreux travaux font état d’une fragmentation des jeunesses S. Octobre, R. Sirota, Inégalités culturelles : retour en enfance, ministère de la Culture – DEPS, 2021. en archipels de comportements et de goûts H. Glevarec, M. Pinet, « La “tablature” des goûts musicaux : un modèle de structuration des préférences et des jugements », Revue française de sociologie, no 50-3, juillet-septembre 2009, p. 599-640. qui rend les généralisations de plus en plus délicates. Par ailleurs, rien n’interdit de penser que ces comportements, exacerbés chez les jeunes, n’affectent pas les générations plus âgées : des continuités s’observent, notamment dans la baisse de la lecture, dans la transformation du rapport à l’information ainsi que dans la complexification des demandes formulées à l’égard des institutions S. Octobre, « Pratiques culturelles des jeunes et stéréotypes », Hermès, La Revue, no 83, Paris, CNRS Éditions, 2019, p. 238-242..

Les jeunes disposent désormais d’une culture commune prolifique (musique, émissions de télévision ou de radio, magazines, jeux vidéo, réseaux sociaux…), dont le livre, fondement de la culture scolaire, reste en retrait. De fait, tout un pan des transmissions et des socialisations culturelles classiques semble s’affaisser traduisant ainsi la crise du programme institutionnel dont parle François Dubet à propos des valeurs de l’école Fr. Dubet, Le Déclin de l’institution, Paris, Seuil, 2002.. Bien qu’ouverte vis-à-vis de l’éclectisme des jeunes, celle-ci maintient un apprentissage qui favorise un rapport cultivé à la culture savante Ph. Coulangeon, « Lecture et télévision : les transformations du rôle culturel de l’école à l’épreuve de la massification scolaire », Revue française de sociologie, no 48-4, octobre-décembre 2007, p. 657-691.. Alors que dans la famille moderne, les identités culturelles sont négociées et construites dans l’interaction S. Octobre, « Pratiques culturelles chez les jeunes et institutions de transmission : un choc de culture ? », Culture Prospective, ministère de la Culture, 2009., à l’école, les mécanismes traditionnels de transmission sont concurrencés par Internet qui met à mal son autorité. Ceci incite à une réflexion sur les modes d’apprentissage où les aptitudes des jeunes générations, leur fonctionnement multitâche, leur désir d’interaction remettent en question les présupposés de l’éducation cartésienne, silencieuse et dissertative.

Les paradoxes du smartphone

Aborder les pratiques culturelles de la jeunesse oblige à s’intéresser aux effets du téléphone portable. Omniprésent dans le quotidien des adolescents, il s’impose désormais pour rester connecté à soi-même et aux autres M. Amri, N. Vacaflor, « Téléphone mobile et expression identitaire : réflexions sur l’exposition technologique de soi parmi les jeunes », Les Enjeux de l’information et de la communication, no 11/1, 2010, p. 1-17.. Couplé aux réseaux sociaux, cet appareil – qui contient « toute leur vie L. Allard, « Express yourself 3.0 ! Le mobile comme technologie pour soi et quelques autres entre double agir communicationnel et continuum disjonctif soma-technologique », dans L. Allard, L. Creton, R. Odin (dir.) Téléphone mobile et création, Armand Colin, Paris, 2014, p. 156. » – participe à la construction d’un récit de soi dans une existence de plus en plus documentée.

Si les jeux vidéo ont longtemps été emblématiques des pratiques juvéniles, ce sont désormais 44 % des Français qui s’y adonnent (dont 83 % des 15-28 ans). C’est dès lors au téléphone portable qu’il convient de s’intéresser : 90 % des 12-17 ans possèdent un téléphone mobile (86 % un smartphone) et 99 % des 18-24 ans (98 % un smartphone) J. Baillet, P. Croutte, V. Prieur, Baromètre du numérique 2019. Enquête sur la diffusion des technologies de l’information et de la communication dans la société française, Rapport Crédoc, décembre 2020.. Pratique discrète mais massive, le SMS (les 12-17 ans en envoient 250 par semaine en moyenne) est progressivement détrôné par les messageries instantanées (WhatsApp, Messenger, Snapchat, FaceTime…), utilisées par 79 % des 12-17 ans et 90 % des 18-24 ans. L’âge est aussi le principal facteur de l’usage des réseaux sociaux : 80 % des moins de 18 ans et 94 % des 18-24 ans les utilisent, contre 61 % des 40-59 ans.

Paradoxalement, alors que les adolescents sont en quête d’autonomie relationnelle, les notifications permanentes les contraignent à rester connectés à leurs amis. D’un côté, ces notifications les maintiennent en contact permanent avec l’extérieur du foyer familial, tandis que, d’un autre côté, elles exigent d’eux une hyperconnectivité qui les assigne à leur téléphone et réduit leurs mouvements.

L’amitié est d’ailleurs un objet de surenchère qui implique d’apporter constamment la preuve de son affection C. Balleys, « Socialisation adolescente et usages du numérique », Rapport d’étude, juin 2017, Injep.. Cette sociabilité médiatisée prolonge les sociabilités en présentiel, tant et si bien que la distinction réel/virtuel perd de son sens. Très normées, les interactions générées par les médias sociaux se caractérisent par une certaine « orientation positive des échanges », qui fait que « le plus souvent, on approuve, ou on s’abstient A. Coutant, Th. Stenger, « Processus identitaire et ordre de l’interaction sur les réseaux socionumériques », Les Enjeux de l’information et de la communication, no 11/1, 2010, p. 45-64. ». Toutefois, lorsqu’elle advient, la désapprobation s’impose alors comme une marque publique de désaffiliation. Alors qu’il est pensé comme un outil d’intégration sociale, le smartphone accélère la quantification des ressources symboliques qui devient, à son tour, un enjeu d’intégration et de popularité. Être soi-même, c’est souvent être comme les autres ou une injonction à avoir un style qui génère une forme de conformisme et de radicalisation des appartenances propres aux cultures juvéniles Fr. Dubet, « Cultures juvéniles et régulation sociale », L’Information psychiatrique, vol. 90, no 1, janvier 2014, p. 21-27..

L’ambivalence des stratégies familiales

Dans la famille contemporaine où le modèle de l’indépendance a remplacé celui de l’obéissance Fr. de Singly, Les Adonaissants, Paris, Armand Colin, 2006, p. 46., l’acquisition d’appareils électroniques (télévision, ordinateur, console de jeux, smartphone, etc.) participe au processus d’autonomisation des jeunes. Le smartphone accélère leur émancipation relationnelle et gustative sur laquelle les parents n’ont plus prise A.-S. Pharabod, « Territoires et seuils de l’intimité familiale. Un regard ethnographique sur les objets multimédias et leurs usages dans quelques foyers franciliens », Réseaux, no 123, vol. 22, 2004, p. 85-117.. L’entrée au collège marque souvent l’arrivée du premier portable auquel les parents résistent difficilement. Malgré une prise de conscience des effets négatifs liés à la surexposition aux écrans – en matière de santé ou de difficultés scolaires – et des dérives liées aux médias sociaux– cyberharcèlement S. Couchot-Schiex (dir.), « Le cybersexisme chez les adolescent·e·s (12-15 ans). Étude sociologique dans les établissements franciliens de la 5e à la 2nde », Rapport pour le Centre francilien pour l’égalité femmes-hommes (Centre Hubertine Auclert), 2016., surexposition à la pornographie IFOP, 2017, « Les adolescents et le porno : vers une “Génération Youporn” ? Étude sur la consommation de pornographie chez les adolescents », Rapport pour l’Observatoire de la Parentalité et de l’Éducation numérique, mars 2017. – le smartphone rassure les parents. D’un côté, il leur permet de maintenir un lien avec leurs enfants, et de l’autre, il les aide à les accompagner dans leur autonomie relationnelle. Plusieurs travaux ont montré l’effet positif de certaines activités médiatiques sur le lien familial S. M. Coyne, L. M. Padilla-Walker, A. M. Fraser, K. Fellows, R. D. Day, « “Media Time = Family Time”: Positive Media Use in Families with Adolescents », Journal of Adolescent Research, vol. 29, no 5, p. 663-688. ou sur la socialisation à la vie adolescente D. Pasquier, La Culture des sentiments. L’expérience télévisuelle des adolescents, Paris, Éditions de la MSH, 1999.. Le téléphone portable devient, paradoxalement, un outil de contrôle des contenus et des mobilités des enfants dans des espaces publics considérés comme dangereux. Tout comme l’augmentation des consommations multimédias, il participe aux stratégies parentales de maintien de l’enfant dans la sphère domestique.

Au sein de la famille contemporaine, l’équilibre entre l’individu et le collectif reste précaire. Il fait d’ailleurs l’objet d’intenses négociations car plus les équipements s’individualisent au sein du cercle familial, plus les temps partagés se réduisent. En 2017, une étude menée sur 700 collégiens montrait que 34 % des jeunes passent plus d’une heure sur leur téléphone après le dîner, 15 % plus de deux heures, et près de 15 % l’utilisent la nuit.

Les transformations anthropologiques que le numérique produit sur nos vies et celles des adolescents ne doivent pas faire oublier les inégalités culturelles sur lesquelles elles de développent.

Une fracture culturelle

Derrière cette hyperconnectivité, d’importants clivages persistent. La jeunesse n’est pas une catégorie homogène, et sa sociologie reste liée aux inégalités (économiques et sociales) présentes dans la société. De fait, la fracture numérique est avant tout une fracture culturelle C. Rizza, « La fracture numérique, paradoxe de la génération Internet », Hermès, La Revue, no 45, 2006, p. 25-32.. Et pour les jeunes d’aujourd’hui, il s’agit moins d’accéder à des technologies (Internet, ordinateur, smartphone) que d’acquérir les savoirs et les compétences qui en conditionnent l’usage : gérer son identité en ligne, maîtriser la confidentialité de ses données, savoir repérer, évaluer et classer les contenus, trouver des sources, etc. S. Livingstone, M. Bober, « UK children go online: Surveying the experiences of young people and their parents », London School of Economics and Political Science, Londres, juillet 2004.. Malgré le nom dont on les affuble (« digital natives »), les nouvelles générations ne sont pas naturellement mieux disposées à l’égard du numérique. Comme l’indique danah boyd Nous respectons ici l’écriture sans majuscules souhaitée par l’auteur, et dont l’explication est donnée sur son blog [NDR]., un grand nombre de jeunes tiennent pour vrais les résultats qui arrivent en tête dans un moteur de recherche  d. boyd, It’s Complicated. The Social Life of Networked Teens, New Haven/Londres, Yale University Press, 2014.. Plus naïves que natives, les nouvelles générations sont prises au sein d’une fracture numérique à plusieurs dimensions : « fracture d’accès (en résorption), fracture des usages, fracture des réinvestissements (passer des usages ludiques à ceux liés aux exigences de la vie sociale) et fracture des capacités réflexives et des compétences critiques (particulièrement sollicitées dans l’immense machine à mélanger information et bruit des réseaux sociaux), etc. S. Octobre, « Pratiques culturelles des jeunes et stéréotypes », Hermès, La Revue, no 83, 2019, p. 238-242. ».

Les transformations anthropologiques que le numérique produit sur nos vies et celles des adolescents ne doivent pas faire oublier les inégalités culturelles sur lesquelles elles se développent. Trois mouvements de fond semblent se dessiner. D’abord, le déclin des formes de transmissions institutionnelles, descendantes et hiérarchiques. Celles-ci laissant place à l’expression de réseaux de sociabilités à géométries, espaces et temporalités, variables et ajustables. Ensuite, la construction de référentiels culturels s’effectue désormais, non plus par l’imposition des valeurs des pères, mais dans un espace négocié entre pairs. En découle le fait que la valeur de l’art ne repose plus uniquement sur une forme d’expertise privatisée par des spécialistes homologués par l’institution. S’adjoint désormais celle des usagers dont l’importance croît avec les réseaux d’information contributifs. Enfin, s’amorce un changement profond de la conception de la participation culturelle : le passage du spectateur docile, discipliné et complice à celui du spectateur actif et participant. Une rupture dont la jeunesse se fait l’écho dans la mesure où, comme le rappelle Sylvie Octobre, « le nouvel amateurisme est fondé sur les compétences que les jeunes acquièrent par le jeu, l’écoute, la transformation et qui affectent la façon dont ils participent au processus éducatif, politique, civique et à la constitution du lien social […] Pour que les jeunes participent, il faut qu’ils pensent que ce qu’ils apportent au contenu l’enrichit et enrichit l’expérience des autres S. Octobre, « Les enfants du 21e siècle », L’Observatoire, no 46, automne 2015, p. 22-26.. »

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14.03.2024 à 14:45

Jard’In Zur : un terrain de jeu pour mêler pratiques artistique et agricole

Aurélie Doulmet

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Le groupe d’artistes Zur (pour zone utopiquement reconstituée) défend un art qui prône le mélange des genres et des langages artistiques et qui dépasse les spécialisations. Les trois artistes fondateurs, animés par l’envie de rencontrer d’autres publics que ceux du spectacle vivant, ont imaginé à Angers, sur un ancien terril d’ardoises, le « Jard’In Zur », poétique, […]

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Le groupe d’artistes Zur (pour zone utopiquement reconstituée) défend un art qui prône le mélange des genres et des langages artistiques et qui dépasse les spécialisations. Les trois artistes fondateurs, animés par l’envie de rencontrer d’autres publics que ceux du spectacle vivant, ont imaginé à Angers, sur un ancien terril d’ardoises, le « Jard’In Zur », poétique, collaboratif et expérimental. Ils cherchent à combiner et alterner pratiques artistique et agricole. Les deux disciplines nourrissent des propositions qui se font écho, les actions culturelles se mêlant au potager. Dans ce lieu de détente, mais aussi de travail et d’expérimentation, collaborent les artistes de Zur, des étudiant·es, des structures sociales et culturelles, ainsi que des entreprises.

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