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10.01.2024 à 17:33

La création médiatique de Gabriel Attal, un autre Macron

Le Monde Moderne

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Nous devons bien évidemment à Emmanuel Macron la nomination de Gabriel Attal. Mais ne devons-nous pas également remercier BFM TV ? Oui, à n’en pas douter. Exemple parfait de la fabrique du consentement et de la manipulation des masses par des opérations de communication ayant depuis longtemps remplacé le plébiscite citoyen et la vitalité démocratique, […]

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Texte intégral (1223 mots)

Nous devons bien évidemment à Emmanuel Macron la nomination de Gabriel Attal. Mais ne devons-nous pas également remercier BFM TV ?

Oui, à n’en pas douter.

Exemple parfait de la fabrique du consentement et de la manipulation des masses par des opérations de communication ayant depuis longtemps remplacé le plébiscite citoyen et la vitalité démocratique, le cas Attal explose tous les scores en terme d’hagiographie laudative.

Nous avions eu un avant-goût de ce que la modernité pouvait nous réserver de pire en politique en décembre 2016 avec la mise sur orbite du Mozart de la finance dont les moindres mots et les moindres actions sans éclat étaient parées des ors de la génialité.

Les recettes sont les mêmes, les jeux sont faits, et la démocratie n’est plus.

Le « du pain et des jeux » romain est devenu à l’aube de cette deuxième année de second quinquennat « des faux chèques alimentaires et du spectacle en réalité virtuelle ».

Car en quarante-huit heures, voici le petit florilège de ce que vous pouviez voir et entendre sur une chaîne dite d’information.

Après un live sur la chaise vide de Gabriel Attal, encore ministre de l’Éducation, devant animer une réunion mardi matin avec les 14 000 chefs d’établissements scolaires, alors que sa nomination à l’Élysée venait de tomber, assumant par ce plan fixe le ridicule d’un suspense d’opérette, tous les pseudo journaleux à la manque furent réquisitionnés et positionnés en des planques dignes des pires téléfilms de fin d’après-midi, devant lieux de pouvoir et autres ministères. Piétinant depuis plus de 24 heures, en comblant le vide du temps par le vide de l’esprit, ils tentaient de nous décrire le rien, nous abrutissant de scoops incroyables tels que la mise en route des phares de la voiture du jeune prodige et les allumages de moteurs des véhicules ministériels. Pour autant, aucun ne fut capable de savoir que Macron et Attal prirent un petit-déjeuner de plus de 2 heures le matin même de la grande annonce. Vinrent-ils déguisés pour se rencontrer ?

Quelle mascarade. Quel théâtre de guignols. Quelle vacuité face aux drames que vivent les français. Comme l’inégalable et trop rapide ministre de l’Éducation allait manquer à ses collègues, si vite conquis, à l’image de cette dame, avouant son amour du personnage et son regret de le voir déjà la quitter. Quelle fébrilité dans ce micro tendu à des lèvres qui prononçaient enfin les mots qu’il fallait, les phrases attendues.

Car Mesdames et Messieurs, à 9 ans, ses camarades le voyaient déjà président de la République. Oui oui oui. Et au coeur de l’Alsacienne en 2007, il organisait des élections, démontrant alors un sens politique innée et rarement vu même au sein de cette prestigieuse école. Par la suite, militant au PS, il coordonnait un comité de soutien à Ingrid Betancourt (et si l’on en croit les intervenants en plateau, obtenait la libération de cette dernière à lui seul.)

Nous nous souviendrons avec émotion de cette professeure d’Histoire écumant les plateaux télé, de la matinale de Télématin jusqu’au show bolloréen du soir, l’arène clownesque et incontournable qu’est devenue TPMP, pour nous narrer les exploits de son cher et divin enfant, le jeune archange Gabriel.

Sur BFM TV, la logorrhée ne peut cesser, car en effet, c’est sur elle que tout repose. Alors, on brode, et petit à petit, on gravit les échelons de l’indécence et de la bêtise la plus crasse, « Gabriel Attal ne coche aucune case des critères précédemment requis pour être un premier ministre d’Emmanuel Macron. Il fait de l’ombre aux personnes avec lesquelles il travaille car il est brillant et très intelligent. » Malgré ce palmarès qui aurait dû inquiéter Jupiter, dieu connu pour craindre par-dessus tout que l’on puisse lui faire de l’ombre, le président, magnanime, ne pouvait passer à côté d’un tel profil et a donc surmonté ses appréhensions de voir le soleil moins l’illuminer, afin de bénéficier d’un homme comme rarement nous en vîmes.

Après avoir loué toutes les qualités de ce génie bien né qu’est Gabriel Attal, les éditorialistes de BFM TV devaient faire croire aux français que le sosie de notre président avait aussi des atouts bien à lui. Le réhumaniser en quelque sorte. Et c’est ainsi que son passé au Parti socialiste fut mis à contribution afin de faire de lui, le visage social et de gauche de la macronie. Ce serait même à cause de cela que les membres du gouvernement se seraient opposés à sa nomination. Jamais au grand jamais car eux aussi prétendaient au trône.

Que de couleuvres à avaler en visionnant pendant quelques heures une chaîne de propagande n’ayant rien à envier à la Chine, à la Russie ou à la Corée du Nord. Car honnêtement, où fait-il se situer sur l’échiquier politique pour considérer Gabriel Attal comme un homme de gauche, surtout quand ses dernières décisions le placeraient plutôt bien à droite ?

BFM TV ne se prive pas non plus de faire passer sa nomination comme un éventuel piège tendu par Emmanuel Macron à son plus fidèle lieutenant, pariant sur sa jeunesse pour ne pas être à la hauteur du poste offert et détruisant ainsi toute velléité de présidentialisme pour 2027.

Ici aussi, la ficelle est grosse. On veut simplement nous faire croire que s’il réussit, ce sera d’autant plus incroyable et méritoire, car ne nous trompons pas, ce qui se passe aujourd’hui s’appelle une courte échelle vers une victoire, dont l’orchestration ne fait que commencer, aux prochaines présidentielles.

Comme l’a si bien dit Jean-Luc Mélenchon, voir à la tête du gouvernement un ex porte-parole, démontre la volonté d’Emmanuel Macron de régenter toutes les strates d’un système démocratique totalement corrompu. Le premier ministre ne sera pas un plus, il sera un double, le renforcement de l’hégémonie d’un hyper-président assoiffé de pouvoir.

En 2018, dans Crépuscule, Juan Branco ne faisait pas une fixette sur son camarade de promo. Il savait et nous alertait sur les compromissions d’une République qui trahissait déjà son nom. Il fut raillé. Chaque mois et chaque année qui passent lui redonnent légitimité et vérité. Qu’il ait pu prédire tout ce qui se produisit est la preuve éclatante que le peuple ne décide plus de rien.

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28.07.2023 à 16:02

Du fascisme en France

Alexis Poulin

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Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, les institutions ont été mises au service des lobbies et le président de la République a fait usage de tous les rouages de la Vème pour asseoir un pouvoir unipersonnel, dont la marque de fabrique est le mépris de classe et la violence, et qui ne rencontre quasiment aucun contre-pouvoir, ces […]

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Texte intégral (2363 mots)

Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, les institutions ont été mises au service des lobbies et le président de la République a fait usage de tous les rouages de la Vème pour asseoir un pouvoir unipersonnel, dont la marque de fabrique est le mépris de classe et la violence, et qui ne rencontre quasiment aucun contre-pouvoir, ces derniers s’amenuisant de jour en jour.

Aidé par un paysage médiatique, propriété des grands industriels et des champions du CAC40, Emmanuel Macron a pu assumer une dérive continue dans l’illibéralisme et l’autoritarisme contraires aux valeurs démocratiques qu’il prétend défendre. En 2017, l’illusion était parfaite, avec un parti fantoche créé pour l’occasion de la présidentielle, un programme sur-mesure pour attirer les investisseurs et condamner la République sociale, et une image de golden boy du Nouveau Monde.

Évidemment, à partir de l’affaire Benalla, qui révélait la création d’une milice présidentielle et les premières dérives autocratiques, la violence déversée sur le premier mouvement social d’ampleur, les Gilets Jaunes, est restée impunie et validée par la classe bourgeoise qui soutient le maintien de l’ordre injuste dans la défense de ses intérêts.

Oubliés, les éborgnés, les mutilés, les morts, les victimes de bavures, ces derniers ayant été bien vite catalogués comme des intouchables, séditieux et factieux, ennemis de la République.

Depuis 2018, nous sommes témoins de la dégradation permanente du niveau de vie de millions de compatriotes, de la caricature grossière macroniste qui se défend de toute dérive fascisante et de la radicalité d’un Young Leader qui a pour feuille de route la dissolution de la région France dans la région EMEA (Europe Middle East & Africa), région marketing des multinationales US.

Mais au-delà de la sympathie pour Pétain et pour les valeurs réactionnaires, mâtinées de wokisme bon marché, Emmanuel Macron a installé un système de conflits d’intérêts au coeur de la République, sans jamais être réellement inquiété par le pouvoir judiciaire mis au pas par un casting ministériel de choix.

Aujourd’hui, il est obligé de céder aux pressions du lobby policier afin de préserver son pouvoir chancelant et antidémocratique. Dernière étape avant l’État policier et un changement de régime assumé.

Le mirage médiatique

Rien sur l’ingérence des cadres d’un cabinet américain de conseil comme McKinsey dans la création du parti En Marche, rien sur l’affaire Alstom, démantèlement d’un fleuron industriel national au profit de GE, groupe américain, dont les nombreux dirigeants français ont été décorés ou sont passés par le cabinet d’Emmanuel Macron à Bercy, rien sur les multiples conflits d’intérêts de plusieurs ministres et élus de la majorité, rien sur l’usage systématique de la violence d’État contre les mouvements sociaux. Rien. Comme si Macron avait tous les droits et pouvait tout se permettre.

Et pourtant, la communauté internationale s’inquiète de l’état de la France dans les mains du Mozart de la lacrymo : l’ONU, la Ligue des Droits de l’Homme, Amnesty, Human Rights Watch, le Conseil de l’Europe, la presse internationale et même la Maison-Blanche se sont émus des violences policières en France.

Et en France? Il suffit d’allumer télé et radio pour ne rien voir, ne rien entendre et constater que beaucoup de «journalistes» sont payés pour ne rien dire ou assurer a minima un service après-vente de propagande molle.

Nous vivons au coeur d’une dystopie totalitaire où des BRAV-M harnachées comme des pacificateurs du film Hunger Games sèment la terreur au coeur des manifestations à coups de bastonnades et de tirs de LBD ou de grenades explosives.

À Sainte-Soline, un palier a été franchi avec l’utilisation d’un arsenal pour faire la guerre aux militants écologistes venus dénoncer les bassines : quads, affrontements dignes d’une guérilla et de trop nombreux blessés chez les manifestants et les policiers, avec un jeune manifestant entre la vie et la mort. Tout ça parce qu’il ne doit plus y avoir aucune ZAD (Zone à Défendre) selon le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.

Et c’est bien Gérald Darmanin qui a mandat du président pour ouvrir tout grand la fenêtre d’Overton vers une logique fasciste de l’ennemi de l’intérieur, n’hésitant pas à qualifier les manifestants d’«éco-terroristes», les opposants de terroristes intellectuels et globalement, l’ensemble des français opposés à la politique antisociale de Macron, de dangereux radicaux.
Or une ZAD, c’est d’abord un refus de l’ordre injuste actuel, c’est la preuve qu’il existe des alternatives à l’univers impitoyable de la prédation financière et de la violence antihumaniste des fous d’argent.

Une ZAD, c’est défendre l’humain, le droit à la créativité, le droit à la vie fors du profit et de la performance économique, le droit à la solidarité, le droit à l’autogestion, le droit à la protection de la violence de l’État en voie de devenir Big Brother.

«There is no Alternative» était le slogan de Madame Thatcher dans les années 80 pour imposer la dérégulation financière et la violence contre les syndicats. De manière tardive et anachronique, le golden boy Macron est resté coincé dans ces années de la mondialisation forcée et de l’argent roi, il veut nous imposer à notre tour, la fin du modèle français, jugé obscène par les fonds vautours comme BlackRock et Vanguard qui ne tolèrent aucun secteur hors de leur pouvoir absolu.

Ce «there is no alternative» est le néo-fascisme qui nous violente dorénavant. Sans limites politiques, par peur d’utiliser concrètement des concepts politiques, dans un monde du marketing politique.

Du fascisme et pas autre chose

Prenons la définition politique du fascisme par le Larousse :

«1. Régime établi en Italie de 1922 à 1945, fondé sur la dictature d’un parti unique, l’exaltation nationaliste et le corporatisme.

2. Doctrine ou tendance visant à installer un régime autoritaire rappelant le fascisme italien ; ce régime lui-même.

3. Attitude autoritaire, arbitraire, violente et dictatoriale imposée par quelqu’un à un groupe quelconque, à son entourage».

Nous voyons bien la création du parti unique du centre absolu, le ni de droite ni de gauche de Macron qui a permis de rassembler tous les traits des familles politiques en une entité centrale, autonome et autoproclamée «camp de la raison».

L’exaltation européiste a remplacé l’exaltation nationaliste, mais on peut voir dans le fanatisme guerrier et l’affirmation d’une pensée unique sans contradiction, portée par Madame Von der Leyen, une filiation fasciste évidente, mantra de pensée, unité de valeurs communes, niant les particularismes et les opinions personnelles.

Et enfin, le corporatisme a été remplacé par le lobbying, Macron étant la créature de McKinsey adossée au pouvoir oligarchique de l’argent.

Jusqu’où Macron peut-il se radicaliser ?

La tendance visant à installer un régime autoritaire est plus qu’évidente, avec les nombreuses censures des opposants, la violence de la répression contre les mouvements sociaux, et le pouvoir d’un seul sur un parti fantôme de figurants soumis à son autorité.

Concernant l’attitude violente, les mauvaises pratiques de management et les nombreuses démissions pour harcèlement, sont légions au sein de la macronie. Dernier drame en date, un employé de l’Élysée, remercié à 50 ans après 23 ans de bons et loyaux services, s’est jeté sous un RER et demeure aujourd’hui dans un état critique. J’avais d’ailleurs alerté dès 2019 sur ce président de la violence qui n’a pas sa place en République.

Il suffit donc de se référer à la définition officielle du fascisme pour se rendre compte que le macronisme est bien un fascisme au sens de sa définition politique.

Il n’est plus nécessaire de se cacher derrière des pudeurs de gazelles pour nommer le mal qui défigure et torture la société française, toute négation serait simplement une condamnation de notre pays à la nuit.

«L’ordre, l’ordre, l’ordre», a donc remplacé «liberté, égalité, fraternité». Macron est un autocrate, qui a trahi son rôle de garant des institutions, pour en devenir le fossoyeur. Il assume sans vergogne ce rôle, en revendiquant l’autorité comme seule forme de ciment de la société française violentée par ses politiques de fracturation.

La faillite des institutions

Le Conseil d’État, institution Potemkine, se révèle incapable de réclamer au ministère de l’Intérieur l’affichage du RIO des policiers, pourtant obligatoire depuis 2014. Conseil d’État qui ne vaut pas mieux que le Conseil Constitutionnel, organe moribond capable de valider un dispositif totalitaire anti-constitutionnel comme le pass vaccinal, et ne jamais revenir sur ses erreurs.

Le parlement est devenu un lieu de spectacle vide de tout pouvoir, où les ministres comme Gérald Darmanin, ou encore Marlène Schiappa, peuvent commettre parjures et mensonges devant des commissions d’enquêtes parlementaires sans jamais être inquiétés.

Les dérives ne sont plus des dérives, mais un mode de gouvernance, par la violence, pour imposer la vision radicalisée d’un seul à tout un peuple réfractaire.

Désolé, mais je n’appelle pas ça une démocratie. Libre aux français de continuer de croire à ce cirque débile, où tous les cinq ans, un pantin de la finance est mis en scène face à une héritière de Jean-Marie Le Pen, c’est ridicule mais malheureusement, l’artifice fonctionne encore à merveille.

Chaque campagne devient une campagne de mensonge et de dissimulation, tout en cherchant à rendre illégitime toute opposition concrète. Extrême droite, complotisme, terrorisme, tout ce qui n’est pas la doxa du parti unique doit disparaître. Et pourtant, les alternatives et les oppositions sont déjà largement invisibilisées par les médias subventionnés et poussées toujours plus loin du jeu politique, qui est un jeu anti-populaire de quelques nantis qui s’amusent à s’opposer. Des bourgeois bourgeonnant entre eux comme le disait si bien Jaurès.

Ce jeu est truqué, et ce sont toujours les mêmes français qui sont perdants. Toujours plus nombreux à être poussés dans la précarité, toujours plus nombreux sous le seuil de pauvreté, toujours plus nombreux broyés par la politique du choix de la pauvreté.

La reprise en main

Nous devrions réécrire la constitution, maintenant, par des comités populaires constituants et assurer enfin que les maltraitants ne se sentent plus intouchables et hors de contrôle.

Il est urgent de recouvrir nos institutions, et d’en chasser les coucous de McKinsey et autres carriéristes sans valeurs qui y ont fait leur nid.

Serons-nous assez nombreux? La réponse est non. Mais l’espoir est déjà plus qu’un espoir, car les médias indépendants se constituent alors en corps nécessaires du sursaut démocratique face à la menace fasciste.

Il s’agit maintenant de rassurer les peureux, de libérer la parole contrainte et de montrer que la démocratie, c’est le peuple et donc le nombre, contre les mirages et les mises en scène des propriétaires des médias mainstream et des sponsors des futurs grands maltraitants.

Les mots ont un sens et le macronisme est le sommet de l’art de vider le langage de tout sens. Et comme le disait Malcolm X, «La presse a un pouvoir de l’image si puissant qu’elle peut faire passer un criminel pour une victime et montrer la victime comme un criminel».

Cet épisode tragique de ce parti comique, où les ministres posent dans Playboy pour cacher leurs turpitudes réelles, où le président de la République se comporte en chef de clan pour diviser et violenter, aura une fin.

Oui, le marcionisme ne survivra pas à Macron. Il faudra du temps pour soigner le pays et apporter enfin le peu de justice que réclament les dépossédés, mais ce temps, nous l’avons, et eux se savent déjà condamnés, d’où leur frénésie à tout massacrer avant l’issue fatale de leur éjection de tout poste de pouvoir.

La revanche de «ceux qui ne sont rien» arrive et elle sera une libération nécessaire et surtout le sauvetage du naufrage fasciste auquel nous pensons assister en spectateur.

Cet article est initialement paru dans la revue «Le Banquet»

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21.07.2023 à 13:07

La déliquescence programmée de l’État social

Bénédicte

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La scène politique… L’arène politique… La politique ne serait que théâtre ou version modernisée des jeux du cirque. Qu’on puisse parler de jeu politique m’est inaudible. Imaginez donc ma contemporaine souffrance. L’oligarchie a remplacé la démocratie. Nos gouvernements n’existent plus. Ils sont devenus des théâtres de marionnettes dans lesquels des pantins s’agitent selon le bon […]

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Texte intégral (3559 mots)

La scène politique… L’arène politique… La politique ne serait que théâtre ou version modernisée des jeux du cirque. Qu’on puisse parler de jeu politique m’est inaudible. Imaginez donc ma contemporaine souffrance. L’oligarchie a remplacé la démocratie. Nos gouvernements n’existent plus. Ils sont devenus des théâtres de marionnettes dans lesquels des pantins s’agitent selon le bon vouloir de quelques multinationales toutes puissantes. Le politique, mort sur l’autel du profit économique et de la collusion systémique, est une coquille vide remplie par les désirs d’une centaine de lobbyistes tels que Total, Air France, LVMH, Renault, L’Oréal, Danone, Saint-Gobain, Nestlé, Engie, Suez… 

Amas de plumes voletant au gré du souffle des fonds d’investissement, des holdings et des actionnaires, les hommes politiques n’ont plus aucune conviction ni aucun idéal. Ils savent très bien dès le départ qu’ils obéiront sans obtenir nul pouvoir. Ceux qui pensent avoir une marge de manœuvre laissée vacante par la corruptibilité de leurs prédécesseurs déchantent très vite. Ils devront participer au cynisme universel. Ils attendront la fin de leur mandat en faisant le moins de vagues possibles. Ceux dont la clairvoyance et l’inhumanité sont totales se lèchent les babines et profitent de la curée avec délectation. Ils sont les amis de ces industriels et cette association de malfaiteurs leur convient parfaitement. Penser pouvoir convertir politiciens ou industriels à une nouvelle forme d’économie vertueuse et équitable est une utopie. Parce que le système ne le permet pas. 

Une fois les élections passées, le peuple redevient esclave. Une fois nos représentants au pouvoir, rien ne les oblige à défendre l’intérêt général et le citoyen ne possède aucun moyen d’action légal pour intervenir sur l’exécutif, le législatif ou le judiciaire. Le citoyen n’a aucun pouvoir sur le politique et le politique est lui-même entravé par le marché et le capital. Qu’importe aux politiciens et aux industriels un monde juste quand ils ont l’assurance qu’ils ne seront jamais impactés par les réformes, les taxes et les pénuries. Personne ne se sent concerné par un fait qui ne l’atteindra pas.

La déliquescence de l’état social imprègne toutes les strates de notre société, et plus grave encore, de ce que nous nommons aveuglément notre civilisation. Le bien commun et l’intérêt général n’existent plus que dans l’esprit de quelques consciences au pire égarées, au mieux tentant de s’organiser dans cette lutte contre le seul obscurantisme qui soit, celui des riches contre les pauvres. En fut-il toujours ainsi ? Certainement. Cela doit-il entraîner un nihilisme néronien ? Absolument pas. L’être humain lutte. Telle est sa nature. 

Ils nous font croire que la décroissance leur fait peur mais c’est faux. Ils veulent nous laisser penser que nous pouvons encore peser dans la balance et inverser la tendance. Feindre la crainte est leur stratégie la plus rentable pour que rien ne change. Nous sommes en train de leur dire que le changement climatique va créer un clivage entre les extrêmement fortunés et les dramatiquement pauvres (Messieurs Bezos et Musk ont respectivement engrangé 100 et 30 milliards de dollars durant les 3 mois estivaux de l’année 2020), générer des guerres civiles, des famines, des morts, des migrations et des exodes massifs. Ils n’attendent que cela et leurs business plans pour en tirer les meilleurs chiffres d’affaires sont déjà prêts. Pensons-nous sincèrement les attendrir avec la pauvreté, la maladie et la mort de millions de personnes ne représentant pour eux que de lointaines données ? Leur système entier a toujours reposé sur ce principe.

Le politique ne doit pas se situer au-dessus de l’humain mais il le peut grâce à un système qui le lui permet. Le politique sous le joug de l’économique nie la vie chaque jour davantage jusqu’au jour où nous trouverons cela normal. Pour beaucoup cela est déjà fait. Pour les autres, le combat est éreintant.  

En une époque où une major pétrolière intègre l’un des plus hauts lieux de savoir de notre pays, et où suite à une pandémie consécutive à notre inconscience écologique, notre gouvernement fait le choix d’injecter des milliards d’euros dans des compagnies alimentant le déclin environnemental tout en creusant le fossé social à coup de plusieurs milliers de licenciements, le doute raisonnable n’est plus permis. 

Une fois n’est pas coutume, notre cher (dans le sens coûteux cela va sans dire) Président fut honnête en répétant pendant les trop nombreux confinements que nous étions en guerre. Sa posture déclamatoire vidée de tout sémantisme – comme toujours avec le personnage – possédait en réalité une adéquation parfaite avec la société que ce dernier s’efforce de préserver depuis son mandat : une poignée d’élus associés au secteur privé travaillant à la destruction d’un peuple. Complètement stupides et consanguins, ils s’ingénient à bloquer toute survie du capital humain à la source de leur petit pouvoir mesquin. Leur temps est dédié au blocage de la moindre ouverture pouvant faire émerger un système qui fonctionnerait. Occupés à agir contre et jamais avec, par peur de perdre de maigres intérêts ne les rendant même pas heureux, ils nourrissent des règles définies par eux seuls mais qu’ils prétendent inaltérables et éternelles. Formés à entraver sans réfléchir, ils ne perçoivent pas qu’ils signent leur propre arrêt de mort.  

La transition écologique n’est qu’un exemple représentatif du défi que notre société se doit d’affronter avec déjà trop de retard, celui de changer de focale et d’enfin bousculer des lignes qui ne sont pas issues d’une surpuissance immanente sur laquelle nous n’aurions aucune prise, mais bien établies par nous-mêmes. Démocratie et écologie sont au cœur de notre avenir et la préservation de nos libertés est aujourd’hui plus que jamais entravée par de gigantesques chaînes entretenues par le système et assimilées par nos esprits à un degré tel, que de là naît la difficulté à instaurer le moindre vrai changement. Les stratégies adverses au bien-être des populations, et j’entends par adverses les stratégies gouvernementales, économiques et celles de tous les pouvoirs en place, sont dans ces deux domaines strictement identiques. Il s’agit toujours de diviser pour mieux régner, de faire croire à une complexité tellement tentaculaire, que tout effort serait vain avant que d’être initié.

L’entretien de ces deux idées passe par des outils connus et employés de toute éternité comme la déformation des propos, l’alimentation constante de tout ce qui peut générer des amalgames et créer des tensions entre les communautés, la transmission d’idées nauséabondes, la récupération de craintes fondées sur des chimères, l’infantilisation, le dénigrement des oppositions, et cette liste non exhaustive pourrait encore être allongée. Toutes ces techniques sont excessivement bien rodées, car existantes depuis la nuit des temps, elles ont été patiemment peaufinées.

Face à un système nous paraissant inattaquable, beaucoup se cachent derrière la litanie du « Il aurait fallu mais peu importe il est trop tard » et préfèrent baisser les bras plutôt que s’épuiser. Mais le système n’est pas invincible. Il réussit simplement à encore nous le faire croire. Les signes avant-coureurs de l’imminence d’une chute rendue chaque jour plus inévitable sont légions et la condescendance d’une partie de la bourgeoisie illusoirement établie sur un ersatz de hauteur qui s’écroule chaque jour davantage ne trompe plus personne. Cette classe moyenne ne s’aperçoit même pas qu’elle profite des derniers soubresauts de privilèges qui disparaissent grâce à l’émergence grandissante de l’écart se creusant entre extrême misère et richesse vulgaire. Incapable de réinvention et de modernité, figée dans une temporalité indéfinie, elle ne peut se figurer qu’elle sera bientôt la bénéficiaire de la soupe populaire qui aura été (je l’espère pour elle) conservée par ceux qu’elle dénigre et snobe dans ses années de sénile vieillesse.

Ce sont les mêmes qui choisissent le repos sur la jeune génération par de basses flatteries manipulatrices la décrivant comme plus intelligente, consciente et impliquée. Les parents lèguent le sale boulot à leurs propres enfants en usant contre eux des mêmes tactiques dont se sert le gouvernement envers la population. La honte ne sera pas un garde-fou car elle n’atteint pas les puissants. La honte est encore un cadeau réservé aux peuples. Le régime inégalitaire de la monarchie demeure sous d’autres habits. La ploutocratie mène toujours la danse.

Cependant la résistance contemporaine possède un atout majeur de son côté. Contrairement aux vents de révolte précédents et aux révolutions antérieures, elle peut s’organiser à une vitesse inédite et à une échelle maximale. C’est d’ailleurs ce qu’elle doit faire. Se tenir informée par-delà les frontières, mutualiser les idées, faire front commun constituent ses principaux moyens pour réussir à s’imposer face à une économie déshumanisée. Et ceux que l’on a coutume d’appeler à tort les puissants de ce monde l’ont bien compris. Ils passent chaque minute de leurs piètres existences à tenter de museler la société civile.

La seule réponse viable et souhaitable viendra de la base sans laquelle rien de pérenne ne se fonde. Face à l’immense défi à relever, les gourous nouvelle génération affirmant sentencieusement savoir exactement quoi faire et comment agir, ne m’inspirent qu’une confiance toute relative pour user d’une courtoise litote. Parallèlement à ces individus, les humbles et les conscients peinent à se faire entendre ou ne souhaitent même plus l’être par lassitude et fatalisme à ne pas être suivis. N’attendons pas le messie qui nous sauvera tous, prendra sur lui la totalité du poids des enjeux actuels et nous proposera les dix nouveaux commandements d’un avenir radieux. Laissons les théoriciens poursuivre leurs réflexions sans les critiquer pour leur absence de recommandations concrètes. Les faiseurs n’appliqueraient rien si en amont certains ne faisaient pas le choix qui leur correspond de privilégier le raisonnement à l’action. Et ne forçons pas ceux qui ont ouvert la voie et ont déjà dit tout ce qu’ils avaient à dire à jouer les perroquets. Ne tombons pas à bras raccourcis sur toutes ces consciences nécessaires se situant à mi-chemin du dire et du faire et qui avancent à tâtons. Cessons de critiquer et de juger la moindre initiative personnelle car ces dernières ne le sont pas, leur but étant le bien commun. Ne repoussons pas la bienveillance même maladroite (et bien souvent la bienveillance ne l’est pas, elle bénéficie d’une inspiration globale qui la porte dans la bonne direction). Ne décourageons pas les bonnes intentions. N’ergotons pas sur le réseau de certains. Réseau n’est pas un gros mot. Il faut redéfinir les mots pour ce qu’ils sont et non ce qu’ils sont devenus dans la bouche et sous la plume de nos ennemis. Nous nous trouvons confrontés à une première mondiale. Il est bien évident que des erreurs seront commises. Oublions donc les défauts de notre nature faillible et concentrons-nous sur toutes les avancées allant dans le sens d’un avenir où l’écologie et la démocratie seront au cœur de nos vies quotidiennes. Il n’y a pas de dictateur vert. Les seuls dictateurs sont les dictateurs du billet vert.

Face aux adorateurs de la controverse stérile trouvant leur seule jouissance à évoluer dans des rapports de force, plus souvent énergivores et chronophages que constructifs, et comblant ainsi le vide pathétique de leurs piètres existences dominées par l’ennui, doivent se dresser tous ceux pour qui l’affrontement est un cauchemar. Les doux pacifistes le sont par sensibilité mais également par clairvoyance. Se fier à ses émotions, à ses instincts et à son cœur n’empêche aucunement de savoir consulter son cerveau et de le solliciter bien plus souvent que ceux qui ont perdu leur âme. Et le jour où l’altruisme s’engage, il n’accepte aucun compromis et aucun avilissement jusqu’à ce que la victoire soit acquise. Servir l’intérêt général, c’est préserver l’humanité de ses propres démons, choisir le vivant au lieu des inventions humaines auxquelles nous nous sommes soumis jusqu’à en devenir les prisonniers. Les empêcheurs de tourner en rond, les saltimbanques utopistes, les râleurs systématiques, les révolutionnaires pacifistes, les militants environnementalistes, les faiseurs de paix, les rêveurs du concret, les amoureux du vivant, les pourfendeurs de l’hypocrisie, les voyants impénitents ont une force indestructible, celle de se battre pour tous, y compris ceux qui les détestent, les nient ou les affrontent. Chaque jour que Dieu ne fait pas, ils se réveillent en mer même s’ils partent en réunion, ils sont en montagne même s’ils travaillent derrière un écran, ils pensent à de paisibles prairies depuis des barricades, ils imaginent des vagues au cœur de marées humaines, ils se rêvent en Patagonie en descendant du métro … Cette évasion constante leur est vitale et en rien contradictoire à un faire perpétuel car dans cette lutte, nos gouvernements nous offrent malgré eux un beau cadeau à la valeur inestimable, et c’est bien pour cette seule raison qu’ils nous le font.  En ne faisant rien ou en contrant nos idéaux, ils font de nous des êtres se surpassant quotidiennement. En l’absence de choix, la paresse n’est plus permise et le risque encouru est de voir émerger une génération de petits surdoués et de génies autodidactes. 

Le monde d’après doit se bâtir sur de nouveaux récits et des idées neuves. Il doit se construire autour de l’écologie car la préservation de notre lieu commun de vie ne saurait être que l’arrière-plan, le décor, ou l’instrument d’un programme, d’un budget, ou d’une feuille de route. Dans cette époque où tous nos repères s’évanouissent, et où nous devons en définir de nouveaux, les principaux écueils seraient de se rendre encore une fois les jouets de notre création ou de voir cette dernière récupérée par l’ancien monde que nous devons détruire et qui fera tout pour prolonger son fonctionnement. Le premier écueil évoqué est un risque qu’une lutte viscéralement humaine peut produire. La préservation de notre Terre commune est une bataille tellement importante, sans doute même la plus importante de l’histoire de l’Humanité, que cette dernière peut basculer vers les travers d’une religion scindant la population mondiale en initiés et en profanes et exacerbant dans chaque camp la propension à vouloir imposer sa vision à l’autre. Le second piège fait déjà partie du décor. Le néolibéralisme, cette hydre aux innombrables têtes repoussant à chaque attaque et ayant une propension innée à dénaturer les plus beaux combats, a déjà procédé à l’ingestion et à la récupération des thématiques écologiques, les pervertissant à un point tel qu’il accélère la disparition de ressources qui lui sont également indispensables. 

Aussi, une vigilance constante assurée collectivement via les médias horizontaux, les tribunes, les rassemblements, les manifestations, les actions de désobéissance civile, doit permettre au peuple de contraindre une stratégie institutionnelle orientant l’attention sur l’anecdotique à assumer ses fonctions régaliennes. Chaque citoyen doit se faire lanceur d’alerte, saisir les associations ou les institutions de contrôle compétentes pour exercer une surveillance permanente sur les dérives journalières d’un système liberticide nous amenant chaque jour davantage à accepter une dictature qui s’installe et ose presque dire son nom en récupérant un langage évocateur des pires heures de notre Histoire. Car si les vieilles ficelles se modernisent, elles n’en demeurent pas moins toujours les mêmes. Il faut se faire violence et prendre le temps de réagir à chaque débordement pouvant sembler minime ou sans intérêt car c’est pas à pas que s’installe l’asservissement total.

Nous naissons libres. Cela ne pose pas de problème à notre société actuelle. Ce qui la gêne est que nous le restions et il est étrange de constater comment on peut être prisonnier en l’absence de barreaux. Sans murs, libre d’aller et venir à notre guise, il est difficile de prendre conscience de notre emprisonnement. Dans cette cellule impalpable, l’évasion est bien plus dure à envisager. Dans nos sociétés, tout fonctionne grâce à l’illusion des apparences réconfortantes et rassurantes pour la plupart de ceux qui ne veulent pas savoir. Pour les pouvoirs en place, le maintien de ces illusions n’a donc pas de prix. Même à un coût exorbitant, la contrepartie demeurera au rendez-vous. Nous n’avons pas fini d’être gavés jusqu’à l’implosion de faux-semblants et d’effets grandiloquents de communications éphémères cachant la vastitude du drame. S’inscrire dans le temps long et dans le long terme est impératif. D’où la nécessité de renouer avec le sens du langage. Ce n’est pas une bataille futile ou secondaire, car ce qui empêche actuellement une redéfinition des valeurs, c’est la déviation constante de la définition première des mots au profit d’un sémantisme contradictoire. Or, pour rendre des notions attractives, il faut retrouver l’art du récit. N’oublions pas que le détournement des mots entraîne celui des idées qui entraîne une vision fausse de notre environnement qui entraîne une mise à distance qui entraîne une léthargie qui entraîne la mort. Inversons la puissance lénifiante d’une langue instrumentalisée pour la remettre au cœur d’une désirable vision d’un monde à construire.

Ce combat planétaire passe par la réappropriation du virtuel qui ne doit plus être l’outil d’une mise à distance égoïste mais le lieu de préparation de la solidarité, le moyen d’enseigner la convergence des luttes. Redonnons au virtuel sa signification profonde de ce qui est seulement en puissance, potentialité à être. Ne confondons pas digital, numérique et virtuel. Utilisons les deux premiers pour bâtir le troisième. Nos écrans peuvent nous offrir une cartographie en temps réel de la planète sur laquelle nous vivons, vision omnisciente que notre individualité nous refuse. Ils doivent nous servir à mesurer l’ampleur des dégâts et leur inexorable progression car occulter certains paramètres par confort est une dérive que nous devons combattre. L’urgence climatique et environnementale actuelle ne peut pas mettre de côté l’importance des enjeux économiques ou politiques pour rendre la situation plus lisible ou facile à appréhender et éviter le découragement car la non prise en compte de cette complexité peut au mieux n’avoir aucun impact et au pire nourrir le système à renverser. 

Le progrès est seulement à redéfinir car nos sociétés veulent nous faire croire qu’une unique forme de progrès, le sacro-saint progrès technologique, est viable, reléguant ainsi dans les abysses les notions humaines, sociales et émotionnelles. Ce progrès n’a rien de sacré ni de saint. Les idoles sont à manier avec prudence car elles ne servent que ceux qui les édifient et sont des chaînes pour les autres. N’oublions jamais que la politique est la plus belle œuvre humaine et qu’elle n’est salie que par une poignée d’individus qui trouvent leur jouissance dans l’avilissement de ce qui les dépasse. 

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17.07.2023 à 17:47

«Merci Pierre Palmade !»

Alexis Poulin

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L’affaire Palmade n’est pas un fait-divers. Elle est le symbole éclatant d’un monde basculant dans le Moyen-Âge où rois et serfs se côtoient sans vivre ensemble. Cette tragédie est symptomatique d’une déliquescence institutionnelle qui érige pour seule valeur l’absence de véritable égalité entre ses citoyens. L’accident provoqué par le comédien a permis de mettre en […]

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Texte intégral (2531 mots)

L’affaire Palmade n’est pas un fait-divers. Elle est le symbole éclatant d’un monde basculant dans le Moyen-Âge où rois et serfs se côtoient sans vivre ensemble. Cette tragédie est symptomatique d’une déliquescence institutionnelle qui érige pour seule valeur l’absence de véritable égalité entre ses citoyens.

L’accident provoqué par le comédien a permis de mettre en lumière la rupture irrémédiable entre des élites déconnectées des réalités et une opinion publique fatiguée de l’impunité parfois offerte par la célébrité ou le mandat.

Avant de commencer cet article, nous souhaitons avoir une pensée pour les victimes de Pierre Palmade, dont les vies ont été bouleversées et détruites par l’inconséquence d’un toxicomane multirécidiviste. À ce jour, l’humoriste n’a pas encore été interrogé par le juge d’instruction dans l’attente d’expertises. Il est mis en examen pour homicide et blessures involontaires. Son contrôle judiciaire a été allégé début juin et il reste libre de ses mouvements, sans pouvoir quitter la région Nouvelle-Aquitaine.

Que la fête commence

Dans le film de Bertrand Tavernier, «Que la Fête Commence», la scène finale d’un accident de calèche provoqué par des aristocrates au sortir d’une soirée orgiaque, annonce les ferments de la Révolution. Le film se passe sous la régence, et la mort d’une jeune paysanne, niée par les élites du moment n’est qu’un événement invisible de plus vers la lente sécession du peuple contre l’ordre injuste de l’Ancien Régime.

L’accident de Palmade peut rappeler à bien des égards cette scène, dont les conséquences ne seront visibles que bien des années après. Au coeur d’un brasier, un événement isolé peut tout faire s’embraser.

Tout est présent dans ce tragique accident pour rappeler combien le moment que nous vivons n’est synonyme que de violence pour une majorité de français. Le terme même d’accident pose problème car le mot accident apporte avec lui l’idée d’un hasard, d’une imprévisibilité. Or, que peut-il se passer quand l’argent, le pouvoir, la notoriété et l’ennui se trouvent mêlés ? Une tragédie programmée par l’idée que certains peuvent se permettre des conduites dangereuses, persuadés qu’ils sont de ne pas appartenir au commun des mortels.

Dans le drame qui a eu lieu, une famille innocente, respectueuse de la loi, protégeant ses enfants, devient victime directe des folies des nouveaux aristocrates de l’époque, stars du showbiz, ultra-riches et rentiers de la République. Devant l’indignation légitime du public se met alors en marche une machine à excuses, propulsée par les médias. Car les élites tremblent de se voir accusées pour leurs nombreuses dérives et cherchent alors à protéger la permanence de leurs vies privilégiées, préservées d’un quotidien populaire.

Comme à chaque scandale d’ampleur (pédocriminalité, comptes de campagnes, coffre-forts compromettants) apparaît alors l’allégorie du vice et du cynisme, la nettoyeuse de cet univers gangrené et malsain, la taulière de ces coulisses sordides de notre République défaillante, Mimi Marchand. Celle-ci est immédiatement arrivée à la rescousse, interrompant sa participation à la cérémonie des «Victoires de la Musique» à la minute où elle apprenait l’accident.

Pour comprendre la dérive de nos institutions et le parallèle entre la macronie et la Régence, il faut savoir qui est Mimi Marchand et pourquoi elle occupe une telle place au coeur du pouvoir élyséen.

Papesse de la presse people, condamnée pour trafic de stupéfiants, ancienne reine des nuits parisiennes, Michèle «Mimi» Marchand, d’abord amie de confiance des Sarkozy, est devenue de facto une amie intime de Brigitte Macron en étant une pièce ouvrière clef dans la campagne de 2017, pour la construction de la légende du couple Macron, où comment transformer une sinistre réalité : une professeure de français prédatrice de 39 ans qui jette son dévolu sur son élève de 14 ans, en un compte de fée des temps modernes.

Mimi Marchand a ensuite rendu de nombreux services, parfois gracieusement, dans l’organisation de la disparition du coffre-fort d’Alexandre Benalla, dans la non-publication de la condamnation pour pédocriminalité du fils de Marc Ladreit de Lacharrière, ou encore dans la manipulation du témoignage de Ziad Takieddine dans l’affaire du financement de la campagne de Nicolas Sarkozy par l’argent de Mouammar Kadhafi.

Ainsi, comme le poisson, la République pourrit par la tête et la présence de Mimi Marchand dans tous ces dossiers ainsi que sa proximité avec les cercles de pouvoir devrait alerter les citoyens sur la réalité de l’imposture démocratique qui enferme les peuples dans un jeu de vote à personnalités variables tous les 5 ans, où l’argent des oligarques peut décider en amont du candidat victorieux.

Évidemment, l’affaire Palmade n’est pas une affaire politique au sens propre, mais elle l’est devenue par l’implication de Madame Marchand et par l’empressement d’une certaine scène à se distancier le plus vite possible du comédien criminel.

Une affaire politique

Cette tragédie a montré jusqu’où pouvait mener le sentiment d’impunité et la complaisance de certains cercles avec les gens fortunés. La justice a fait le choix de placer Monsieur Palmade en détention préventive à l’issue de son hospitalisation sous bracelet électronique et l’enquête sera longue, après un nettoyage en règle du domicile du comédien, préalable évident à toute perquisition compromettante.

Le sommet de l’indécence fut sans doute atteint dans les titres misérabilistes sur «les démons» du comédien et sur la défense contre un tribunal populaire fantasmé, qui aurait voulu la peau du chauffard.

Outre le volet pédocriminel ouvert en marge de l’affaire (un des protagonistes étant actuellement incarcéré pour des faits de pédocriminalité a accusé Palmade de faits similaires), les charges sont suffisantes pour révolter toute la population.

Roselyne Bachelot, en chevalier de l’ordre établi, ancienne ministre et bateleuse de foire installée sur la chaîne d’information du groupe Altice, BFM TV, voit dans les réactions légitimes des français une haine des riches, en partie provoquée par l’extrême gauche, et défend bien mal l’indéfendable, d’une façon grotesque et ridicule. Cela pourrait prêter à sourire (ou ricaner) si les faits n’étaient pas si graves.

Ce tribunal populaire qui fait tant peur aux défenseurs de l’ordre établi est en réalité la colère légitime de la majorité dépossédée du pouvoir. «Assez!» disent des millions de français qui ne tolèrent plus l’impunité d’une caste qui les sermonne et les maltraite pour le profit de quelques donneurs d’ordre.

Ce cri de ras-le-bol n’est pas entendu. D’ailleurs, le Président Macron ne juge pas qu’il y ait de la colère mais beaucoup d’inquiétude, lors de ses prises de parole au Salon de l’Agriculture. C’est évidemment un mensonge de plus dans la bouche de celui qui a fait fi de la réalité depuis trop longtemps, biberonné depuis son plus jeune âge dans les cercles du pouvoir politique ou financier, pour devenir le champion d’une oligarchie triomphante.

L’inquiétude, c’est le carburant de ces maîtres de la manipulation, dont le métier n’est plus l’intérêt général ou le bien de la nation, mais la destruction des identités et des conquis sociaux, par la peur, ou par la coercition.

Non, Monsieur Macron, il n’y a pas d’inquiétude, malgré vos efforts à imposer un climat anxiogène et des politiques de peur sur les français : de confinements en plans de sobriété, de guerres en combats contre les peuples. Tout cela est fini, depuis la carte maîtresse du confinement, une partie de l’opinion publique réalise combien ces politiques ubuesques dictées par les cabinets de conseil, McKinsey en tête, n’avaient rien de rationnel et faisaient partie d’un projet d’ingénierie sociale de gouvernance par la peur. Empêcher, contraindre et menacer, voilà les mots qui ont désormais remplacés la devise républicaine ou la liberté, l’égalité et la fraternité étaient les boussoles de l’action publique. Il s’agit d’une perversion irréversible du pouvoir, malheureusement accepté par lassitude ou par intérêt.

La colère invisible

Il y a donc de la colère. Sourde, contenue, rentrée depuis l’éruption des gilets jaunes qui a fait trembler le faible pouvoir macroniste.

Depuis 2018, cette colère n’a fait que croître. Mais conscients du déchaînement de la violence d’État contre les manifestations sociales, soucieux de ne pas perdre le peu qu’il leur reste, les français en colère se taisent et attendent. Certains ont abandonné l’idée même du vote, lassés des oppositions de façade et des promesses sans lendemains, et d’autres choisissent des votes dits «contestataires» qui laminent l’assise déjà faible des anciens partis de gouvernement, devenus partis zombies, subventionnés, sans militants et dont les projets respectifs se ressemblent en tous points pour reprendre le pouvoir dans une alternance feinte et parachever le grand oeuvre européiste d’une gouvernance technocratique débarrassée des nations, ces encombrants phénomènes.

Cette colère peut parfois se voir et s’entendre auprès des humiliés, des «riens» selon Macron, de ceux qui, à bout, dépassent la sidération de la litanie permanente des mensonges pour hurler et demander justice.

Car cette colère n’a qu’une source : l’injustice. Le mépris de ces élites, leur sentiment de toute-puissance, protégées derrière les écrans des médias de désinformation et derrière les boucliers des compagnies de CRS. Ce mépris est même devenu personnifié, par la caricature vivante de certains politiques, capables de dire une chose et son contraire en mois de 24 heures, pour ne pas briser le récit de contre-vérité du pouvoir.

Ce mépris qui se transforme en politique de l’humiliation, lorsque la sobriété devient un objectif national pour masquer la paupérisation et les faillites. Humiliation supplémentaire, quand la famille Macron, Monsieur et Madame, critique allègrement l’usage de la violence et dit craindre pour leurs proches sans jamais n’avoir eu un seul mot d’excuse ou de compassion pour les mutilés des gilets jaunes, pour les victimes de la violence de leurs choix politiques et de leur défense féroce de leurs privilèges.

La fin des privilèges?

Mais que faudrait-il pour abolir les nouveaux privilèges et surtout stopper l’imposture perverse du gouvernement par la peur d’une minorité sur un peuple contraint ?

Dans le cadre démocratique, le jeu bi-partisan trouve ses limites dans l’obéissance des politiques élus aux règles d’airain de la finance, qui oblige les États à assurer la course en avant de l’endettement par des mesures de violence sociale, garantissant le droit à l ‘endettement perpétuel. Ce modèle est devenu le modèle dominant des démocraties libérales, emmenées dans l’abîme de la dette-dollar par l’empire américain.

Rien ne semble remettre en cause cette suprématie, faisant de la politique le lieu de l’illusion du pouvoir, alors que le pouvoir est tout entier concentré entre les fonds voraces de Wall Street et la FED, banque centrale américaine, qui donne le tempo obligatoire à la banque centrale européenne.

Faudrait-il que les peuples jouent alors les règles du jeu financier, et par la masse, créent un fond pirate capable de rivaliser avec les tyrannosaures de la finance ?

Faut-il pousser à revoir les règles de financement des partis politiques et des campagnes présidentielles ? Campagnes systématiquement entachées de malversations ou d’approximations, tant la commission des comptes de campagne n’a que des moyens dérisoires face à l’ampleur de la tâche de contrôle qui devrait être la sienne.

Faut-il proposer une nouvelle offre politique, sur les bases d’une souveraineté retrouvée, en opposition au diktat de la dette toute-puissante, avec à la fois des fonds nationaux et des politiques de nationalisation des services stratégiques, dont le délitement est un danger pour la cohésion sociale et aussi pour la sécurité nationale ?

Les pistes ne manquent pas, mais les bras et l’argent, oui. Les privilèges restent l’apanage de ceux qui ont pour luxe le temps et pour béquille l’argent. Forts de cette supériorité, il est alors possible de fermer les champs des possibles et de contraindre, dans la douceur et le divertissement, les masses à accepter, valider et désirer un ordre injuste, sous couvert de mythologie de la réussite personnelle et de la liberté individuelle.

Les libertés, nous en avons fait l’amère expérience, sont fragiles et menacées systématiquement par la minorité maltraitante. La réussite personnelle, concernant les plus riches, ne repose principalement que sur l’héritage, privilège donc, de naissance. Oui, c’est le nouvel Ancien Régime. Seuls les noms ont changé et le roi est devenu un acteur en CDD, pour occuper et divertir, tout en concentrant les frustrations sur sa personne publique.

Il s’agit donc de retrouver une liberté plus grande qui permette des marges de manoeuvre et la construction des alternatives politiques et économiques à l’ordre des chevaliers de la dette-dollar.

Un chemin est possible, reste à le parcourir, et trouver enfin les clefs de nos cellules virtuelles, mais pourtant bien réelles.

Article initialement publié dans la revue Le Banquet

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16.07.2023 à 13:12

Les premiers de corvée

Bénédicte

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Le 15 octobre 2020, j’ai pris le chemin de mon nouveau travail après deux ans de chômage. Contrairement aux discours libéral et macroniste, devenant grâce à la propagande des médias asservis, le seul discours rendu audible et visible aux oreilles et aux yeux du plus grand nombre, je ne «profitais» pas de mon chômage. Je […]

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Texte intégral (1870 mots)

Le 15 octobre 2020, j’ai pris le chemin de mon nouveau travail après deux ans de chômage. Contrairement aux discours libéral et macroniste, devenant grâce à la propagande des médias asservis, le seul discours rendu audible et visible aux oreilles et aux yeux du plus grand nombre, je ne «profitais» pas de mon chômage. Je n’aimais pas ne rien faire car lutter contre le vide est un combat perdu d’avance face auquel on se détruit petit à petit.

Une conjonction de facteurs économiques qu’ils soient locaux, nationaux ou internationaux, de facteurs personnels, et bientôt d’un facteur sanitaire que personne n’aurait pu prévoir a fait défiler les mois, jusqu’à presque 22, à une vitesse terrible de lenteur quotidienne et d’extrême rapidité vers la précarité. En marchant vers mon nouveau lieu de travail, j’angoissais et me sentais fébrile en même temps. J’étais heureuse d’avoir trouvé un emploi, j’avais hâte de commencer, et simultanément, j’étais pétrifiée à l’idée de ne pas être à la hauteur.

Quel était donc ce poste qui m’angoissait tant ? Quels étaient les défis que je m’apprêtais à relever ?

Ce poste, c’était celui d’une caissière, ou plutôt à l’heure du politiquement correct et du bullshit managérial, d’une hôtesse de caisse. Les défis à relever consistait à encaisser des clients. On pourrait penser que c’est simple. On le pense. On dénigre inconsciemment ce métier. Mais il s’agit bien d’encaisser les clients. Dans tous les sens du terme. Et ce n’est qu’un des nombreux aspects qui font de ce genre de job, un calvaire pire que celui d’une recherche d’emploi infructueuse.

La supérette dans laquelle j’ai exercé cette activité se situait au cœur d’une zone à urbaniser en priorité ou quartier prioritaire, n’étant pas au fait de l’appellation à la mode actuellement dans les hautes sphères de la République. Car nous pénétrons ici en un endroit où la République et la politique n’existent plus. Ici règne l’immédiateté et les difficultés.

Me voilà plongée dans un univers que je ne pensais plus connaître depuis mes années d’étudiante où un bref passage dans une enseigne célèbre de la grande distribution m’avait permis de financer mes études. Entre ces deux moments, vingt ans se sont déroulés, et en découvrant ce qu’est devenu ce métier, on comprend à quel point tout notre monde est en train de s’effondrer. Pas la peine de lire de grands livres ou de longues études économiques ou sociologiques. Notre pays fait naufrage. Quand vous scannez des articles à longueur de journée dans un quartier populaire, vous finissez par détester tous ceux qui osent parler au nom du peuple. Vous voyez défiler devant vos yeux toutes les formes de misère que les choix de nos dirigeants ont créées. Les corps sont usés, et vous savez que le vôtre subit le même traitement. La détérioration n’est pas que psychique. Cela est réservé aux emplois de bureau. La souffrance de ces professions dont nous ne pouvons pas nous passer est terriblement physique. Si l’on vous vole votre humanité et le respect que vous avez pour vous-même, on vous vole aussi votre santé, votre jeunesse, la souplesse de votre dos et de vos mains, la douceur de votre peau.

Je voyais passer des cafards sur le tapis de caisse, certains tombaient sur mes cuisses. Les clients s’en apercevaient et quasiment tous, hormis ceux que la vie avait encore plus malmenés et qui se réfugiaient dans l’alcool bon marché et l’ammoniaque à respirer pour seules évasions, compatissaient et semblaient sincèrement outrés de nos conditions de travail. Il ne voyait que ce à quoi ils accédaient. Si les réserves leur avaient été autorisées, ils ne seraient plus venus et ce lieu maudit aurait enfin fermé. Mais ce lieu maudit, j’en avais besoin et je m’y attachais pour l’entraide que j’y trouvais auprès de certaines personnes. L’amour et la gentillesse demeurent, même sous les insultes et les brimades d’une direction qui n’est que le reflet d’un monde du travail globalement malade. La grande distribution ne semble pas connaître le droit du travail, secteur en avance sur les fantasmes les plus débridés des néolibéraux les plus acharnés. J’ai pleuré d’être insultée et violentée au quotidien par des clients alcoolisés ou drogués. J’ai eu des migraines à cause de la puissance des néons et de la musique devant assourdir les cris que nous tous nous désirions pousser. Il faut étouffer la laideur, étourdir la pensée. J’ai eu des problèmes dermatologiques, des infections urinaires et des cystites à cause de la saleté des toilettes dédiés aux personnels. J’ai pleuré de voir des êtres humains compter au centime près et devoir se séparer d’une boîte de thon pour conserver une brique de lait. J’ai offert des articles au risque de me faire licencier car je ne pouvais pas imaginer agir autrement. J’ai sympathisé avec un couple âgé de clients mariés depuis 62 ans, toujours collés l’un à l’autre, toujours complices et amoureux, toujours rieurs et jeunes d’une jeunesse perdue dans le regard de beaucoup de vingtenaires d’aujourd’hui, elle commençant à avoir des problèmes à la jambe, monsieur devant parfois venir seul, le regard éteint d’être seul le temps des courses, achetant donc un bouquet de fleurs pour sa bien-aimée. J’ai été adoptée par des familles algériennes, gitanes, sénégalaises. J’ai fait des rencontres que je n’aurais jamais faites ailleurs.

Mais ces moments d’entraide éphémères ne suffisent pas à vous donner la force de croiser votre reflet lorsque vous vous préparez à aller travailler, lorsque vous enfilez cet uniforme ridicule, jamais à votre taille, que l’on vous a donné pas même lavé du précédent esclave l’ayant enfilé. Ces environnements de maltraitance abaissent votre niveau d’estime de vous-même jusqu’à l’anéantir totalement. Petit à petit, vous vous donnez de moins en moins de droits et vous acceptez ce que vous n’auriez pas accepté quelques mois auparavant.

Les horaires qui changent tous les jours, vous faisant faire 9 heures d’affilée sans pause-déjeuner, seule dans le magasin, votre caisse étant la seule ouverte, vous obligeant à abandonner vos clients le temps d’un aller-retour aux WC, aller-retour qu’on ne vous a pas autorisé, car ici, il faut quémander le droit d’uriner. Sauf que personne n’est là, personne ne répond au téléphone (les jours où ce dernier fonctionne), et vous prenez votre courage à deux mains pour oser faire ce qu’aucun être humain ne devrait avoir peur de faire. Satisfaire un besoin naturel. Vous devriez être un robot. Cela simplifierait tout pour ceux d’en haut, réfugiés dans leurs bureaux, jouissant du maigre pouvoir de ceux qui n’ont pas grand-chose mais qui ont malgré tout plus que vous.

À quoi ressemblent leurs avantages ? Ils peuvent aller aux toilettes sans demander, ils peuvent manger entre 12 heures et 14 heures et conserver ainsi un rythme de vie normal, ils ont leur week-end et des horaires réguliers. Vous, vous n’aurez que 3 minutes de pause par heure travaillée, si ce jour-là, on vous laisse la prendre. Vous mangerez en 12 minutes à 10h30 ou à 17 heures, si tant est que vous mangiez, car vous devez aller pointer à l’autre bout du magasin puis dépointer, ces temps de trajet bien évidemment décomptés de votre temps de pause. Et n’imaginez pas qu’il y ait une cantine ou une salle correcte pour manger, celle-ci est la plupart du temps rendue inaccessible par les transpalettes entreposés devant son unique porte, et de toute façon, y accéder c’est accéder à un taudis crasseux, sans fenêtres, avec une table brinquebalante et un micro-ondes ne fonctionnant pas.

Il faut en sortir pour se rendre compte de l’anormalité de la situation vécue. Malheureusement, quand vous êtes obligée de «choisir» ce genre de travail, toute votre vie devient peu à peu violente et pauvre. Les histoires d’amour ne sont plus possibles car la lutte pour survivre ne les permet pas. Vous sortez brisée de votre journée, vous sentez mauvais, vous avez honte de vous, de votre odeur, de votre saleté, vous vous inventez un autre métier par crainte, dans certains milieux, de raconter votre déchéance. Vous avez 40 ans et vous pensez à retourner vivre chez vos parents. Vous ne construisez rien car l’avenir ne concerne que les «riches», ceux qu’on ne croise même plus car tomber dans la précarité, c’est comprendre que le monde est divisé et que la quantité d’argent que l’on possède organise tout ce qui nous entoure, faisant disparaitre tout un pan du réel qui ne devient qu’illusion ou fiction. Votre vie à l’extérieur n’existe plus. Vous ne pouvez rien prévoir, ni même prendre un rendez-vous chez le médecin, rejoindre un chéri – n’en parlons même pas – devient un rêve lointain car ces vies privent de la possibilité d’aimer.

Sachez qu’en ces lieux maudits, vos horaires de servitude changent chaque semaine et que vous n’obtenez que le vendredi les horaires de la semaine qui suit. Sachez qu’en ces lieux maudits, vous demandez l’autorisation d’aller faire pipi. Sachez qu’en ces lieux maudits, vous avez 3 minutes de pause par heure travaillée à partir de 4 heures consécutives de labeur déshumanisé. On raye sur une liste se prolongeant chaque jour un peu plus des choses qu’on ne fera jamais plus ou dont on rêvait mais dont on préfère même s’abstenir de les envisager, de peur d’avoir trop mal. Ces lieux sont des enfers qui ne survivent que par la peur d’enfers plus grands car plus définitifs. Ces lieux sont voulus par nos élites pour que vivants, nous soyons déjà morts et dociles. Ces lieux sont des cimetières créant une mort sociale annonciatrice d’une mort prématurée.

Regardez l’espérance de vie d’un ouvrier et celle d’un technocrate et criez, levez-vous, rebellez-vous et devenez féroces. 

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03.02.2023 à 17:24

Qui est prêt à mourir pour le Donbass ou la Crimée ?

Marc Chesney

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Sans aucune consultation démocratique, nous voici tous embarqués sur une route bien dangereuse, voire apocalyptique. Comme aucun des gouvernements supposés démocratiques ne daigne poser aux populations concernées la question de leur éventuel sacrifice pour le Donbass ou la Crimée, chacun d’entre nous devrait se la poser en son for intérieur. Que ceux qui poussent à […]

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Texte intégral (1166 mots)

Sans aucune consultation démocratique, nous voici tous embarqués sur une route bien dangereuse, voire apocalyptique.

Comme aucun des gouvernements supposés démocratiques ne daigne poser aux populations concernées la question de leur éventuel sacrifice pour le Donbass ou la Crimée, chacun d’entre nous devrait se la poser en son for intérieur. Que ceux qui poussent à la guerre, au nom du droit qu’aurait chaque pays à se défendre, réfléchissent bien aux conséquences de ce conflit sur eux, leurs familles et proches. Au contraire, que ceux qui y sont opposés, et qui mettent au premier plan le droit de vivre et d’être respecté, se fassent entendre. Sans aucune consultation démocratique, nous voici tous embarqués sur une route bien dangereuse, voire apocalyptique.

Des poignées d’individus, en l’occurrence de sinistres ministres, généraux, producteurs d’armes et financiers, réunis en conciliabules à Ramstein, Davos ou ailleurs, décident de jouer au poker la vie de millions ou de milliards d’individus en pariant sur la réaction de Vladimir Poutine aux récentes décisions de livraisons de chars lourds à l’Ukraine. Certains «commentateurs autorisés» prétendent qu’il réagira de manière rationnelle, d’autres, parfois les mêmes avec un délai, qu’il est difficilement prévisible.

Des «responsables» politiques, comme Emmanuel Macron, déclarent que les livraisons d’armes lourdes ne font pas de leur pays un cobelligérant, d’autres qu’ils sont de fait en guerre avec la Russie. Ainsi, selon les récentes affirmations d’Annalena Baerbock, membre du parti des verts et ministre des affaires étrangères allemande, «Nous menons une guerre contre la Russie et pas entre nous». Le chancelier Scholz a quant à lui déclaré qu’en matière de livraison de chars Leopard 2 et d’armes lourdes en général à l’Ukraine, «personne ne peut déterminer en quoi consiste une bonne ou mauvaise décision». Bref, la confusion règne. Or, ceux qui jouent au poker avec la vie de populations entières devraient, s’ils ne voient pas clair, s’abstenir de prendre des décisions aussi graves. Ces dernières nourrissent la dynamique guerrière et ce, d’autant plus que ces chars peuvent être armés de projectiles perforants à ogives à uranium appauvri et à longue portée, qui, s’ils étaient tirés, seraient considérés par la Russie, comme une utilisation de bombes nucléaires sales. À supposer que ces projectiles ne soient pas livrés par l’OTAN, il est probable que le gouvernement ukrainien cherche à s’en procurer sur le marché noir pour viser, sur le territoire russe, des centres de commandement ou des agglomérations. Les «responsables» occidentaux ont-ils perdu toute sorte de bon sens, ou conservent-ils encore un brin de jugeote pour comprendre le caractère irresponsable de leurs choix? Ce sont souvent des idéologues radicaux sur lesquels le souvenir des souffrances générées par la seconde guerre mondiale n’a pas prise. Ils ont accès à de vastes abris antiatomiques et, manifestement, ne jugent pas pertinent de considérer les risques et souffrances de l’actuel conflit, en particulier pour la population ukrainienne restée sur place. Celui-ci représente à leurs yeux des opportunités stratégiques ainsi que financières et la paix n’est donc pas à l’ordre du jour. Il est d’ailleurs inquiétant de constater qu’en Suisse, les administrations cantonales et fédérales ne communiquent aucune véritable information concernant la protection des populations et les adresses d’abris aménagés. Cette impréparation n’est pas acceptable.


Pour quelques panzers de plus


Chaque gouvernement fait de la surenchère. Dans un premier temps, le Danemark, les pays baltes et l’Espagne se proposent de livrer quelques unités du chars Leopard 2, l’Allemagne 14, la Pologne 14. Qui dit mieux pour la grande enchère internationale organisée par l’OTAN? Il devrait être bientôt question de la livraison d’avions de chasse! Quid de la légitimité de gouvernements qui prennent des décisions aussi lourdes de conséquences, sans aucune consultation démocratique et qui se montrent incapables de garantir une sécurité minimale aux populations concernées? Le contrat social est rompu, et ce, d’ailleurs depuis longtemps maintenant. Tous les signaux cruciaux sont au rouge : conflit en Europe avec risque d’escalade nucléaire, réchauffement climatique, perte de biodiversité, injustice sociale extrême. Il s’agit en réalité de la profonde faillite d’un système prédateur qui marchandise à l’extrême les rapports que les humains entretiennent entre eux, vis-à-vis de la nature, de l’art … et qui traite le commun des mortels comme des facteurs de production, devant se transformer, en cas de guerre, en facteurs de destruction, pour être, le cas échéant, détruits eux-mêmes. Il est temps de tourner la page, avant d’être emporté dans sa chute. Comme le disait Jean Jaurès à la veille de la première guerre mondiale «Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage!».


Les réactions négatives à ces tendances guerrières sont trop rares. La précarité et le matraquage médiatique tendent à rendre les populations malléables et corvéables à merci. Ces derniers temps, les flots quasi permanents de nouvelles insignifiantes concernant la retraite de Roger Federer, la Coupe du monde de football, les confidences de Messi ou Mbappé, la mort de la reine d’Angleterre, les mémoires anticipés du prince Harry… ont permis de détourner l’attention et ont contribué au lavage de cerveaux.


La propagande guerrière est, elle aussi, déversée sur tous les canaux médiatiques possibles. Comment concevoir un seul instant qu’il soit justifié de risquer l’existence de populations entières pour que le Donbass soit ukrainien ou russe? La supposée guerre juste se ramène juste à une guerre, un conflit insupportable porteur d’énormes risques pour le genre humain.

Que ceux qui s’y opposent de part et d’autre du rideau de feu et qui veulent promouvoir la vie se fassent entendre en organisant manifestations, grèves, en particulier dans les usines de production et les sociétés de transport de ces armes, et le cas échéant, en refusant de combattre.

Une version de cet article a été publiée dans Le Temps le 30 janvier 2023.

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26.01.2023 à 16:13

Fabien Roussel, le communiste qui plaît à la droite

Le Monde Moderne

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Un récent sondage annonce Fabien Roussel plus apprécié par les Français que Jean-Luc Mélenchon. Si le résultat peut étonner, tout s’explique en observant l’étude de plus près. Analyse. C’est devenu une habitude pour qui suit régulièrement le monde politique sur les réseaux sociaux : l’instant «auto-congratulation Roussel». Autrement dit, les proches du député du Nord […]

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Texte intégral (1042 mots)

Un récent sondage annonce Fabien Roussel plus apprécié par les Français que Jean-Luc Mélenchon. Si le résultat peut étonner, tout s’explique en observant l’étude de plus près. Analyse.

C’est devenu une habitude pour qui suit régulièrement le monde politique sur les réseaux sociaux : l’instant «auto-congratulation Roussel». Autrement dit, les proches du député du Nord et les comptes de soutien tenus par son équipe multiplient les tweets encensant leur champion. La raison ? Des sondages jugés positifs.

La dernière démonstration de joie prêterait presque à sourire : selon un sondage, le chef de fil du PCF serait préféré à Jean-Luc Mélenchon par les Français… moins d’un an après l’élection présidentielle où une vingtaine de points séparait les deux hommes au premier tour.

Pour comprendre ce résultat, nous nous sommes penchés sur l’étude.

Roussel gagne surtout… à droite

Le chiffre parle de lui-même : 74% des sympathisants de droite disent préférer Fabien Roussel à Jean-Luc Mélenchon.

Serait-ce le résultat de ses propos étranges sur «la valeur travail» que le communiste avait maladroitement opposé à la France de l’assistanat en septembre dernier ? Ou celui de ses critiques répétées contre la NUPES, qui a tant gêné la droite depuis juin ? Ou est-ce parce que cette même droite craint la capacité de Jean-Luc Mélenchon et des Insoumis à prendre un jour le pouvoir dans le pays, le candidat se rapprochant chaque fois un peu plus du second tour de l’élection présidentielle ? Impossible à dire, mais il est probable que l’ensemble de ces éléments explique le score obtenu.

Le communiste plaît aussi majoritairement aux sympathisants d’Emmanuel Macron (68%) et à ceux… du Rassemblement National et de Reconquête (63%).

Des scores qui se confirment aussi sociologiquement : Roussel réalise son plus gros score chez les retraités, qui ont massivement voté à droite en 2022… et qui le favorisent à 73%.

Intéressant également : les scores ont tendance à s’équilibrer, voire à s’inverser, lorsque l’on considère des marqueurs de gauche. C’est ainsi que Jean-Luc Mélenchon séduit davantage les jeunes (+9 points chez les 18-24 ans) ou les foyers les plus pauvres (+3 points).

Enfin, si le score total chez les sympathisants de gauche met les deux hommes à égalité presque parfaite, une observation s’impose : Jean-Luc Mélenchon est largement plébiscité chez les sympathisants Insoumis (80%). En considérant les résultats de la dernière élection présidentielle, le nombre d’électeurs et la force mobilisatrice des Insoumis, on peut aisément penser que ce score représente bien plus de monde que les sympathisants PS (1,75% en avril dernier) ou EELV (4,63%) qui ont plutôt penché pour Roussel.

Vraiment pertinent ?

Ce type de sondages peut-il être considéré comme pertinent ?

En enfermant l’opposition entre deux hommes proches sur l’échiquier politique, mais en interrogeant l’intégralité des tendances électorales du pays, la méthodologie de l’enquête pose question. Sur quel critère un électeur de droite se base-t-il pour trancher entre deux hommes défendant deux programmes aussi proches ? Et surtout : quel est l’intérêt d’une telle enquête, si loin de la prochaine échéance électorale ?

Des interrogations qui se fondent également sur la réalité électorale du pays : 20 points séparaient Jean-Luc Mélenchon (22%) et Fabien Roussel (2%) au premier tour de l’élection présidentielle en avril dernier.

Bien sûr, la lecture de l’étude permet de comprendre que les gens qui préfèrent le communiste à l’Insoumis sont des gens… qui ne voteront pas pour lui. Car une fois dans l’isoloir, c’est bien le bulletin Macron, Le Pen, Zemmour ou Pécresse qu’ont glissé dans l’urne ceux qui plébiscitent Roussel dans cette étude.

Autrement dit : c’est en étant préféré par la droite que Roussel se retrouve devant Mélenchon dans cette étude… mais pas par la gauche. Pas forcément de quoi se réjouir donc pour le candidat communiste, qui ne peut projeter ni percée électorale, ni victoire idéologique dans un tel résultat.

En considérant que l’accession au second tour de l’élection présidentielle ne se joue pas sur la mobilisation de l’intégralité des Français, mais bien de son propre camp politique, on comprend même que Fabien Roussel n’a pas progressé sur le sujet depuis avril dernier. Et pire encore : on peut craindre pour le communiste que sa responsabilité sur l’absence de la gauche au second tour (de nombreux Insoumis pointant du doigt que les voix récoltées par Roussel auraient suffit à placer Mélenchon devant Le Pen) n’installe un plafond de verre l’empêchant de rassembler la gauche dans les urnes. Un futur point à analyser dans les études d’opinion ?

Roussel : des sondages… et des nuages

Reste que, malgré les tweets enthousiastes des proches de Roussel grâce au titre de l’étude, tout n’est pas rose pour le candidat communiste, toujours poursuivi par une affaire d’emploi fictif à l’Assemblée Nationale, et loin d’être assuré d’une victoire lors du prochain congrès du PCF, dont un premier vote aura lieu à la fin du mois de janvier. En cas de défaite, Fabien Roussel perdrait les rennes de son parti politique. Une défaite que ne saurait lui éviter ses aficionados de droite… Un problème que Jean-Luc Mélenchon ne rencontre pas à la France Insoumise, où l’ancien candidat à la présidentielle est toujours largement plébiscité (80%).

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20.01.2023 à 17:43

Mesdames, Messieurs les censeurs, bonsoir

Alexis Poulin

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J’ai fait le choix d’être un journaliste indépendant il y a quelques années déjà et ce choix n’est pas anodin.

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Texte intégral (2191 mots)

La censure de RT France est un précédent qui devrait inquiéter tous les journalistes car l’État, secondé par la commission européenne, se lance dorénavant dans une logique de censure et de labellisation des médias, qui n’a aucune limite. 

La chaîne d’information RT France n’est plus. Beaucoup s’en réjouissent. Comme s’il existait une bonne ou une mauvaise censure. Après des mois d’une lutte acharnée menée par la commission européenne pour censurer la chaîne, le trésor public français a finalement porté l’estocade, en obéissant servilement à une énième sanction européenne pour assurer la fin des opérations de RT en France.

Je suis fier d’avoir choisi d’y travailler pendant plusieurs années, même si cela hérisse le poil des chiens de garde de la bien-pensance. 

Les médias ayant pignon sur rue, légitimés par le camp autoproclamé du bien, ne font que relayer un discours fade, unique et stéréotypé. Le travail d’analyse, de confrontation des idées, de recul sur les évènements et de synthèse disparaît dans l’indifférence généralisée. Il convient de rassurer, d’effrayer ou de relayer la propagande d’État en l’érigeant en ligne éditoriale car la liberté de la presse est une liberté conditionnelle.

Une grande partie du peuple ne s’y méprend pas, constatant bien que les théories dites complotistes deviennent révélations de vérités avec le temps. Mais, là encore, dans des niches trop peu visibles, trop peu suivies, trop peu lues, trop peu écoutées, trop peu relayées et bientôt traquées par un projet liberticide bien plus grand qu’une réforme des retraites ou la censure d’une chaîne de télé. 

J’ai pu m’exprimer sur RT comme je n’aurais jamais pu le faire ailleurs. Je n’ai jamais reçu d’ordre quelconque. L’argent du Kremlin n’a clairement pas fait de moi un millionnaire. Alors basta! Je n’ai à me défendre de rien. Ceux qui jugent, eux, le devraient. Se défendre de leur couardise, de leur suivisme, par peur, de ne plus être appelé, de ne plus être rémunéré, d’être définitivement ostracisé. Est-ce que la soupe était bonne à Boulogne ? Ni plus ni moins qu’ailleurs. Et aujourd’hui, ayant pris un risque que quasiment personne n’a accepté de prendre en France pour continuer à informer de manière impartiale, oui, je ne suis plus payé. Et pour autant, jamais ce choix, je ne regretterai. 

J’écris dans le train qui me ramène d’Auxerre, où j’ai joué hier mon spectacle documentaire «L’homme qui tua Mouammar Kadhafi», spectacle évoquant déjà la corruption au coeur du pouvoir. J’ai pu y voir des gens curieux de la chose publique, informés, et conscients des limites de l’information, mais aussi deux jeunes libyens, qui nous ont parlé de leur pays après Kadhafi.

Depuis la fenêtre du TER, je vois défiler ces villages de la France périphérique, maisons individuelles en lotissements, cimetières, fermes biscornues, champs et jachères, hangars rouillés et vides. C’est ici que vivent les Français, loin des jeux de cour parisiens, où la danse de l’argent et du pouvoir rythme les jours et les nuits des ambitieux qui ne rêvent que de gloire et de puissance artificielle.

Hier, j’ai pu manifester contre la réforme des retraites dans les rues d’Auxerre, et il y avait du monde, tous âges confondus, pour se lever contre le projet de maltraitance institutionnelle porté par ce président si mal élu qu’est Emmanuel Macron.

Les Français ne sont pas dupes

Les Français ne sont pas dupes, ils sont conscients de la compromission de ce président de pacotille avec les lobbies de l’argent. L’affaire McKinsey n’est pas enterrée, malgré le travail acharné des médias aux ordres pour tout faire oublier par la distraction, là où les affaires consécutives auraient déjà dû faire tomber trois ou quatre gouvernements.

«Ça passe» comme le disait avec un étonnement touchant Edouard Philippe, autre grand maltraitant de la caste, mis en scène par les oligarques comme un probable successeur à l’enfant prodige de la commission Attali.

Les Français ne sont pas dupes, mais ils sont dépossédés. Ils sont conscients du simulacre démocratique, qui leur impose un lobbyiste pour un autre, tous les 5 ans. Ils sont conscients de leur perte de libertés et de choix, ils sont parfois résignés, empêtrés dans le combat quotidien pour eux et pour leurs proches, parfois en colère, mais sans solutions. Et parfois, un mot d’ordre permet de se retrouver, ensemble, pour montrer que la résignation n’est pas totale, que la dépolitisation des citoyens en marche, marque un arrêt, que la majorité silencieuse n’est pas celle qu’on croit.

Les médias sont redevenus un outil du pouvoir après une brève période de liberté d’expression et d’opinion. Les lois successives depuis Balladur ont permis aux oligarques de mettre la main sur la majeure partie du paysage médiatique national, dans une course à l’optimisation fiscale et à la fabrique du consentement inédite. 

Il y a toujours eu une presse de cour, mais jamais autant de courtisans

J’ai fait le choix d’être un journaliste indépendant il y a quelques années déjà et ce choix n’est pas anodin. Il suffit de voir comment l’élite autoproclamée, qui se réunit à Davos pour célébrer son génie, fuit les journalistes indépendants dans les rues du petit village suisse pour comprendre que ce qu’il reste du journalisme est là, dans ces quelques têtes brûlées qui ont choisi de poser les questions qui fâchent, de respecter la charte de Munich et de ne jamais prendre un communiqué de presse gouvernemental comme une information, mais bien comme un élément de propagande. 

Nous sommes trop peu nombreux à faire ce travail, pourtant simple et essentiel, de critique sociale. Chacun connaît les limites à ne pas franchir pour ne pas froisser sa rédaction, chacun connaît les sujets tabous qui disqualifient immédiatement le porteur d’une carte de presse en militant séditieux.

Ce choix de l’indépendance m’a amené à créer mon média, lemondemoderne.media, et à essayer de faire un travail d’éducation aux médias et de critique depuis 2017. Il m’a aussi amené sur de nombreux plateaux de télé et de radio, qui peu à peu m’ont fermé leurs portes pour excès de franchise. Ainsi, mon désir de continuer à parler avec sincérité m’a amené chez RT France, où j’ai pu, en toute indépendance éditoriale, faire mon travail de critique. 

J’ai pu alerter contre l’aberration du pass vaccinal, contre l’imposture Macron, président des ultra riches et manipulateur féroce, contre la violence institutionnelle et les mensonges du gouvernement. Dans un certain sentiment de solitude, j’ai pu donner à entendre une voix dissonante, une critique, un autre champ du débat.

Mais c’était sans compter sur l’acharnement élyséen contre RT France.

Dès son élection en 2017, à la suite des Macronleaks, qui révélaient déjà la proximité problématique d’Emmanuel Macron avec le cabinet de conseil américain McKinsey, le président de la République a décidé de faire la guerre à RT France, les accusant de propagande et leur refusant même l’accréditation aux rares conférences de presse du palais.

La guerre en Ukraine a été l’aubaine pour parachever la censure totale d’une voix dissidente et s’assurer, sous couvert de défense de la démocratie, un paysage médiatique obéissant et faible, tout entier concentré sur la survie mondaine et la critique de façade.

Cette censure est inacceptable. Plus encore, voir les propagandistes officiels appeler la censure de leurs voeux et se réjouir de la mise à mort d’une rédaction indépendante des flux d’argents français, est glaçant. C’est un précédent qui devrait inquiéter tous les journalistes, car l’État, secondé par la commission européenne, se lance dorénavant dans une logique de censure et de labellisation des médias, qui n’a aucune limite. 

Une seule voix est désormais autorisée, balayant d’un revers de la main toute idée de démocratie, et bafouant, par la même occasion, la déclaration universelle des droits de l’Homme et la soi-disant si précieuse charte des droits fondamentaux de l’UE dont voici l’article 11 :

Article 11 – Liberté d’expression et d’information 

  1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontières.
  2. La liberté des médias et leur pluralisme sont respectés.

De quelles valeurs européennes parlent donc Emmanuel Macron ou Ursula Von der Leyen, quand ils se réjouissent de censurer les médias? Quel fondement de droit les autorise à contraindre des millions de citoyens à des politiques de santé publique basées, non sur le fait scientifique, mais sur le seul lobbying intensif des grands laboratoires déjà multicondamnés? 

Je suis sidéré par le silence gêné des journalistes, plus encore que par la joie malsaine de certains va-t-en-guerre, trop heureux de voir leur propagande triompher pour emmener l’Europe au désastre.

Soyons clairs, cette guerre doit cesser immédiatement, avec des négociations autour d’une table et non pas un simulacre comme l’ont été les accords de Minsk.

Non, les armes n’apporteront pas la paix, comme le dit avec cynisme le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stolenberg, mais les armes apporteront bien plus de morts, de mutilés et d’orphelins, pour que finalement, quelques milliardaires se mettent d’accord autour d’une grande table, dans un salon doré. Toutes les guerres sont les mêmes : des machines à produire du cash et de la chair sanguinolente.

Cette condamnation ne m’a pas empêché de travailler au sein d’une rédaction pluraliste où toutes les opinions étaient représentées et dont le professionnalisme des journalistes qui la composaient n’est pas à prouver. 

Que les Savonarole de bas étage rangent leurs accusations de «complotiste», de «traître» ou autres débilités visant à masquer trop mal leur indigence intellectuelle. Ces censeurs aux petits pieds ne sont que la représentation médiatique de la médiocratie ambiante, où la bêtise triomphante tient lieu de phare de la pensée unique, et où l’esprit critique est vilipendé par des validateurs de vérité officielle qui n’ont pour métier que de défendre la propagande gouvernementale, dans un souci de paix sociale, par le contrôle social.

Oui, nous vivons des heures sombres, pour nos libertés, pour notre liberté de parole et pour notre liberté de penser

Mais ce n’est pas une raison pour abdiquer, certainement pas une raison pour baisser la tête, et accepter la censure par les médiocres et les vendus, non, c’est le moment où jamais d’être féroce, absolument féroce, et de ne plus laisser une once de terrain aux menteurs compulsifs qui prétendent gouverner des peuples qu’ils maltraitent au nom de l’intérêt des possédants.

Nous avons plus que jamais besoin de vous pour exister, de votre audience, de votre soutien.

L’information a un prix, celui de la liberté.

Alexis Poulin
20 janvier 2023

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01.08.2022 à 15:58

Les Uber Files et la corruption académique

Marc Chesney

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Comment les grandes banques ont créé un corps professoral ex-nihilo, tout au service des intérêts des marchés dérégulés. Prof. Marc Chesney (intiatlement paru dans le Temps, le 19/07/22) Récemment les Uber Files ont révélé que des professeurs de finance ou d’économie, connus dans leur pays respectif, la France et l’Allemagne, avaient écrit en 2016 des […]

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Texte intégral (1064 mots)

Comment les grandes banques ont créé un corps professoral ex-nihilo, tout au service des intérêts des marchés dérégulés.

Prof. Marc Chesney (intiatlement paru dans le Temps, le 19/07/22)

Récemment les Uber Files ont révélé que des professeurs de finance ou d’économie, connus dans leur pays respectif, la France et l’Allemagne, avaient écrit en 2016 des rapports commandés par Uber, pour vanter les mérites de cette société en termes de supposé désenclavement des banlieues ou d’augmentation de la productivité. Mettre en avant les salaires des chauffeurs, de 20 euros par heure, sans d’ailleurs tenir compte des frais d’assurance et d’essence, alors que ces auteurs auraient perçu 100.000 euros chacun pour ce travail de lobbying, ne manque pas de piquant… et de cynisme. Plus généralement, il s’agissait de promouvoir l’ubérisation de l’économie, c’est-à-dire en réalité, une précarisation accélérée des conditions de travail.

Le monde universitaire en économie et finance, feutré par excellence, joue ainsi un rôle essentiel dans la défense d’intérêts bien particuliers. Recevoir des compléments de salaire de grandes institutions, ou espérer y avoir accès, y incite. La presse fournit ponctuellement quelques exemples. Selon Le Monde Diplomatique de mai 2011, avant la crise financière de 2008, un professeur réputé de la London Business School, aurait ainsi été grassement rémunéré pour apparaître comme auteur d’un rapport vantant les prouesses du secteur financier en Islande. On connaît la suite, les trois grandes banques du pays ont fait faillite en quelques jours en 2008.

L’arbre qui cache la forêt

Ces exemples médiatisés sont l’arbre qui cache la forêt. Ils mettent en lumière un phénomène de corruption au sein du monde académique. Pour mieux comprendre et situer ce phénomène, il convient de remonter le temps pour remarquer que les premiers départements uniquement dédiés à la finance, ont été créés dans les années 1980, 1990.

Auparavant, les quelques professeurs actifs dans ces domaines faisaient partie de départements d’économie ou de gestion. C’était l’époque où le néo-libéralisme, avec ses vagues de dérégulations et de privatisations, a commencé à jouer un rôle dominant. Les professeurs ayant une formation classique en économie ou en gestion ne pouvaient pas vraiment répondre aux nouvelles questions que se posaient dorénavant les institutions financières. Il s’agissait ni plus ni moins que de changer leur business model. La tâche classique des banques, qui consiste à générer un profit sur la base de la différence entre taux prêteurs et emprunteurs, était et est toujours une activité lente, pour ne pas dire ennuyeuse pour les nouvelles générations de banquiers. Les vagues de dérégulations et de privatisations, d’une part, et de progrès informatique, d’autre part, ont permis à d’autres activités d’émerger, sources de profits larges et rapides. La gestion des fusions et acquisitions ainsi que le développement d’immenses salles de marché, où étaient traités actions, obligations, produits dérivés… ont donné le jour respectivement à la finance d’entreprise et à celle de marché. Dans ce dernier cas, une formation initiale en mathématiques, physique ou informatique, devenait souvent plus utile qu’un diplôme en économie.

La finance casino s’est ainsi développée rapidement. Les grandes banques ont acquis une dimension internationale et sont devenues systémiques. C’est-à-dire qu’elles prennent des risques démesurés et bénéficient d’une aide de l’État, en cas de pertes trop importantes, le tout bien sûr au nom du libéralisme. Il fallait donc créer de toutes pièces un corps professoral, qui forme les futurs spécialistes de ces deux domaines.

Les coûts de ces formations, initialement maintes fois supportés par le secteur privé : notamment les business schools, ont souvent été socialisés, dans le sens où ils ont été pris en charge par le contribuable, dans le cadre de formations universitaires. C’est ainsi par exemple que des budgets publics sont aujourd’hui utilisés pour former les futures embauches de fonds spéculatifs, dont l’objectif prioritaire est de permettre à des individus déjà extrêmement riches, de le devenir encore plus… Un minimum de décence voudrait que ces coûts soient assumés par ces structures privées.

Mercenaires en col blanc

En poussant à la création de ce corps professoral, les grandes banques avaient aussi pour objectif de se draper, si nécessaire, dans les habits de la science. Par exemple, pouvoir justifier «scientifiquement», c’est-à-dire en se basant sur des publications «scientifiques», les rémunérations grotesques des directions de ces institutions, malgré des performances parfois catastrophiques, leur est particulièrement utile. Vouloir, et le cas échéant, pouvoir disposer de mercenaires académiques, qui s’expriment publiquement en faveur de ces institutions, ou simplement de laquais serviles, qui préfèrent se taire, devenait stratégique face à ceux qui osent critiquer ces rémunérations grotesques et plus généralement les dérives de la finance casino.

Dans de nombreuses universités publiques, et particulièrement en Suisse, les professeurs de finance, disposent, grâce au contribuable, de bons salaires. Il serait donc logique qu’au lieu de centrer leurs activités d’enseignement et de recherche sur les besoins du secteur financier, ils cherchent à promouvoir le bien commun et les intérêts du plus grand nombre, en analysant ces dérives et en proposant des solutions.

Une analyse critique du pouvoir exorbitant atteint par ce secteur et de l’ubérisation de l’économie est à l’ordre du jour.

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28.07.2022 à 12:22

Pour 15 minutes de défilé dans le désert, quand Yves Saint Laurent montre la voie de la sobriété écologique

Alexis Poulin

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Dans le désert marocain d’Agafay, Kering a organisé un show hors normes pour le défilé de la nouvelle collection Yves Saint Laurent. Anthony Vaccarello, originaire de Belgique et directeur artistique de la maison Saint Laurent depuis 2016, a invité plus de 300 journalistes, TikTokers et célébrités dans le désert d’Agafay pour la mise en scène […]

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Texte intégral (2262 mots)

Dans le désert marocain d’Agafay, Kering a organisé un show hors normes pour le défilé de la nouvelle collection Yves Saint Laurent.

Anthony Vaccarello, originaire de Belgique et directeur artistique de la maison Saint Laurent depuis 2016, a invité plus de 300 journalistes, TikTokers et célébrités dans le désert d’Agafay pour la mise en scène de son nouveau défilé masculin.

À 45 mn de Marrakech, sous un soleil de plomb, Kering a loué un terrain, créé une route de 6 kilomètres pour accéder au site, avec arrosage quotidien, bâtiments éphémères, climatisations et espace VIP.

Sobriété oblige, de nombreuses climatisations ont été acheminées sur place.

C’est un studio hollywoodien digne d’un blockbuster qui a été conçu et réalisé par Bureau BETAK pour Yves Saint Laurent, sous la direction artistique de Anthony Vaccarello, avec une Stargate de 12 tonnes réalisée par l’artiste anglais Ed Devlin.

Sur le site du défilé, plusieurs bâtiments de 35 mètres, un bâtiment de régie technique, un salon VIP, et d’autres bâtiments recouverts de panneaux miroirs pour les bureaux et collections.


Plus fou encore, la construction d’une piscine pour accueillir le catwalk. C’est 50 camions de 10m3 qui ont été nécessaires pour la remplir, selon les témoins, soit près de 500 m3 dans une région désertique.

Le risque d’assèchement des puits était réel et durant cette période la canicule n’a pas épargné le Maroc, avec des températures moyennes de 45 à 47 degrés (55 degrés sous le soleil). Pour monter ce décor, les techniciens marocains ont été mobilisés plus de 3 semaines et payés en moyenne 15 euros par jour.

Le tournage a eu lieu le 15 juillet, et parmi les 250 invités VIP présents, on retrouvait Catherine Deneuve et Aurélien Enthoven, le fils de Carla Bruni et Raphaël Enthoven, qui défilait ce jour là pour YSL. Jets et vans affrétés du monde entier pour 15 minutes de show, dans le désert, c’est toute une conception par le luxe de l’écoresponsabilité et de la sobriété.

Ce fut donc une réussite spectaculaire pour les organisateurs, adeptes de développement durable et soucieux de la planète.

On peut ainsi lire les objectifs climat de YSL sur le site de la marque de luxe :

«EN LIGNE AVEC LA STRATÉGIE DÉVELOPPEMENT DURABLE DE KERING POUR 2025, SAINT LAURENT SE DIRIGE VERS UNE RÉDUCTION DE 40 % DE L’INTENSITÉ DE L’EP&L RELATIVEMENT À LA CROISSANCE, EN PRENANT 2015 COMME ANNÉE DE RÉFÉRENCE. CET OBJECTIF NÉCESSITE DE PRENDRE DES MESURES SUR LA CHAÎNE D’APPROVISIONNEMENT, DE LA FERME À LA FABRICATION DU PRODUIT JUSQU’À SA MISE SUR LE MARCHÉ. EN OUTRE, SAINT LAURENT S’ENGAGE À ATTEINDRE ZÉRO ÉMISSION NETTE DE GAZ À EFFET DE SERRE D’ICI 2050. LA MAISON ATTEINT SES OBJECTIFS DE COMPENSATION CARBONE GRÂCE À DES PROJETS VÉRIFIÉS REDD+ QUI, EN PLUS DE PRÉSERVER LES FORÊTS ESSENTIELLES ET LA BIODIVERSITÉ, SOUTIENNENT LE DÉVELOPPEMENT DES COMMUNAUTÉS LOCALES.»

Idem pour le prestataire reconnu du luxe, Bureau Betak, organisateur de nombreux défilés et événements :

«En 2020, Bureau Betak avait annoncé sa volonté de s’engager pour une production plus responsable, recevant alors la norme ISO 20121. Cette norme internationale a été élaborée pour promouvoir une consommation responsable et atténuer les effets négatifs sur les infrastructures et les services publics locaux .»

Toujours plus, pour souligner le caractère quasiment super écolo de cet événement, selon le magazine Vanity Fair : «Saint Laurent a déployé un important dispositif visant à limiter au maximum l’empreinte de l’événement, à commencer par la consultation d’experts locaux de la flore et de la faune, surtout les reptiles et les oiseaux. Le long des pistes parcourues pour emmener les invités sur le lieu du défilé, des systèmes de tuyaux spécifiques ont été mis en place pour permettre aux animaux, particulièrement ceux de milieux humides, de s’abriter. L’eau utilisée, non potable, servira ensuite à des projets d’irrigations dans le désert d’Agafay.» 

Nous voilà rassurés.

Jeux Olympiques hors budget, stades climatisés au Qatar, combien de kilomètres en jet pour 15 minutes de défilé dans le désert ? Décidément, pour les membres hors-sol du 0,1%, la sobriété énergétique est un songe, racheté par la communication et le green washing assumé. La sobriété énergétique, un truc de pauvres !

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