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16.07.2023 à 13:12

Les premiers de corvée

Bénédicte

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Le 15 octobre 2020, j’ai pris le chemin de mon nouveau travail après deux ans de chômage. Contrairement aux discours libéral et macroniste, devenant grâce à la propagande des médias asservis, le seul discours rendu audible et visible aux oreilles et aux yeux du plus grand nombre, je ne «profitais» pas de mon chômage. Je […]

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Texte intégral (1870 mots)

Le 15 octobre 2020, j’ai pris le chemin de mon nouveau travail après deux ans de chômage. Contrairement aux discours libéral et macroniste, devenant grâce à la propagande des médias asservis, le seul discours rendu audible et visible aux oreilles et aux yeux du plus grand nombre, je ne «profitais» pas de mon chômage. Je n’aimais pas ne rien faire car lutter contre le vide est un combat perdu d’avance face auquel on se détruit petit à petit.

Une conjonction de facteurs économiques qu’ils soient locaux, nationaux ou internationaux, de facteurs personnels, et bientôt d’un facteur sanitaire que personne n’aurait pu prévoir a fait défiler les mois, jusqu’à presque 22, à une vitesse terrible de lenteur quotidienne et d’extrême rapidité vers la précarité. En marchant vers mon nouveau lieu de travail, j’angoissais et me sentais fébrile en même temps. J’étais heureuse d’avoir trouvé un emploi, j’avais hâte de commencer, et simultanément, j’étais pétrifiée à l’idée de ne pas être à la hauteur.

Quel était donc ce poste qui m’angoissait tant ? Quels étaient les défis que je m’apprêtais à relever ?

Ce poste, c’était celui d’une caissière, ou plutôt à l’heure du politiquement correct et du bullshit managérial, d’une hôtesse de caisse. Les défis à relever consistait à encaisser des clients. On pourrait penser que c’est simple. On le pense. On dénigre inconsciemment ce métier. Mais il s’agit bien d’encaisser les clients. Dans tous les sens du terme. Et ce n’est qu’un des nombreux aspects qui font de ce genre de job, un calvaire pire que celui d’une recherche d’emploi infructueuse.

La supérette dans laquelle j’ai exercé cette activité se situait au cœur d’une zone à urbaniser en priorité ou quartier prioritaire, n’étant pas au fait de l’appellation à la mode actuellement dans les hautes sphères de la République. Car nous pénétrons ici en un endroit où la République et la politique n’existent plus. Ici règne l’immédiateté et les difficultés.

Me voilà plongée dans un univers que je ne pensais plus connaître depuis mes années d’étudiante où un bref passage dans une enseigne célèbre de la grande distribution m’avait permis de financer mes études. Entre ces deux moments, vingt ans se sont déroulés, et en découvrant ce qu’est devenu ce métier, on comprend à quel point tout notre monde est en train de s’effondrer. Pas la peine de lire de grands livres ou de longues études économiques ou sociologiques. Notre pays fait naufrage. Quand vous scannez des articles à longueur de journée dans un quartier populaire, vous finissez par détester tous ceux qui osent parler au nom du peuple. Vous voyez défiler devant vos yeux toutes les formes de misère que les choix de nos dirigeants ont créées. Les corps sont usés, et vous savez que le vôtre subit le même traitement. La détérioration n’est pas que psychique. Cela est réservé aux emplois de bureau. La souffrance de ces professions dont nous ne pouvons pas nous passer est terriblement physique. Si l’on vous vole votre humanité et le respect que vous avez pour vous-même, on vous vole aussi votre santé, votre jeunesse, la souplesse de votre dos et de vos mains, la douceur de votre peau.

Je voyais passer des cafards sur le tapis de caisse, certains tombaient sur mes cuisses. Les clients s’en apercevaient et quasiment tous, hormis ceux que la vie avait encore plus malmenés et qui se réfugiaient dans l’alcool bon marché et l’ammoniaque à respirer pour seules évasions, compatissaient et semblaient sincèrement outrés de nos conditions de travail. Il ne voyait que ce à quoi ils accédaient. Si les réserves leur avaient été autorisées, ils ne seraient plus venus et ce lieu maudit aurait enfin fermé. Mais ce lieu maudit, j’en avais besoin et je m’y attachais pour l’entraide que j’y trouvais auprès de certaines personnes. L’amour et la gentillesse demeurent, même sous les insultes et les brimades d’une direction qui n’est que le reflet d’un monde du travail globalement malade. La grande distribution ne semble pas connaître le droit du travail, secteur en avance sur les fantasmes les plus débridés des néolibéraux les plus acharnés. J’ai pleuré d’être insultée et violentée au quotidien par des clients alcoolisés ou drogués. J’ai eu des migraines à cause de la puissance des néons et de la musique devant assourdir les cris que nous tous nous désirions pousser. Il faut étouffer la laideur, étourdir la pensée. J’ai eu des problèmes dermatologiques, des infections urinaires et des cystites à cause de la saleté des toilettes dédiés aux personnels. J’ai pleuré de voir des êtres humains compter au centime près et devoir se séparer d’une boîte de thon pour conserver une brique de lait. J’ai offert des articles au risque de me faire licencier car je ne pouvais pas imaginer agir autrement. J’ai sympathisé avec un couple âgé de clients mariés depuis 62 ans, toujours collés l’un à l’autre, toujours complices et amoureux, toujours rieurs et jeunes d’une jeunesse perdue dans le regard de beaucoup de vingtenaires d’aujourd’hui, elle commençant à avoir des problèmes à la jambe, monsieur devant parfois venir seul, le regard éteint d’être seul le temps des courses, achetant donc un bouquet de fleurs pour sa bien-aimée. J’ai été adoptée par des familles algériennes, gitanes, sénégalaises. J’ai fait des rencontres que je n’aurais jamais faites ailleurs.

Mais ces moments d’entraide éphémères ne suffisent pas à vous donner la force de croiser votre reflet lorsque vous vous préparez à aller travailler, lorsque vous enfilez cet uniforme ridicule, jamais à votre taille, que l’on vous a donné pas même lavé du précédent esclave l’ayant enfilé. Ces environnements de maltraitance abaissent votre niveau d’estime de vous-même jusqu’à l’anéantir totalement. Petit à petit, vous vous donnez de moins en moins de droits et vous acceptez ce que vous n’auriez pas accepté quelques mois auparavant.

Les horaires qui changent tous les jours, vous faisant faire 9 heures d’affilée sans pause-déjeuner, seule dans le magasin, votre caisse étant la seule ouverte, vous obligeant à abandonner vos clients le temps d’un aller-retour aux WC, aller-retour qu’on ne vous a pas autorisé, car ici, il faut quémander le droit d’uriner. Sauf que personne n’est là, personne ne répond au téléphone (les jours où ce dernier fonctionne), et vous prenez votre courage à deux mains pour oser faire ce qu’aucun être humain ne devrait avoir peur de faire. Satisfaire un besoin naturel. Vous devriez être un robot. Cela simplifierait tout pour ceux d’en haut, réfugiés dans leurs bureaux, jouissant du maigre pouvoir de ceux qui n’ont pas grand-chose mais qui ont malgré tout plus que vous.

À quoi ressemblent leurs avantages ? Ils peuvent aller aux toilettes sans demander, ils peuvent manger entre 12 heures et 14 heures et conserver ainsi un rythme de vie normal, ils ont leur week-end et des horaires réguliers. Vous, vous n’aurez que 3 minutes de pause par heure travaillée, si ce jour-là, on vous laisse la prendre. Vous mangerez en 12 minutes à 10h30 ou à 17 heures, si tant est que vous mangiez, car vous devez aller pointer à l’autre bout du magasin puis dépointer, ces temps de trajet bien évidemment décomptés de votre temps de pause. Et n’imaginez pas qu’il y ait une cantine ou une salle correcte pour manger, celle-ci est la plupart du temps rendue inaccessible par les transpalettes entreposés devant son unique porte, et de toute façon, y accéder c’est accéder à un taudis crasseux, sans fenêtres, avec une table brinquebalante et un micro-ondes ne fonctionnant pas.

Il faut en sortir pour se rendre compte de l’anormalité de la situation vécue. Malheureusement, quand vous êtes obligée de «choisir» ce genre de travail, toute votre vie devient peu à peu violente et pauvre. Les histoires d’amour ne sont plus possibles car la lutte pour survivre ne les permet pas. Vous sortez brisée de votre journée, vous sentez mauvais, vous avez honte de vous, de votre odeur, de votre saleté, vous vous inventez un autre métier par crainte, dans certains milieux, de raconter votre déchéance. Vous avez 40 ans et vous pensez à retourner vivre chez vos parents. Vous ne construisez rien car l’avenir ne concerne que les «riches», ceux qu’on ne croise même plus car tomber dans la précarité, c’est comprendre que le monde est divisé et que la quantité d’argent que l’on possède organise tout ce qui nous entoure, faisant disparaitre tout un pan du réel qui ne devient qu’illusion ou fiction. Votre vie à l’extérieur n’existe plus. Vous ne pouvez rien prévoir, ni même prendre un rendez-vous chez le médecin, rejoindre un chéri – n’en parlons même pas – devient un rêve lointain car ces vies privent de la possibilité d’aimer.

Sachez qu’en ces lieux maudits, vos horaires de servitude changent chaque semaine et que vous n’obtenez que le vendredi les horaires de la semaine qui suit. Sachez qu’en ces lieux maudits, vous demandez l’autorisation d’aller faire pipi. Sachez qu’en ces lieux maudits, vous avez 3 minutes de pause par heure travaillée à partir de 4 heures consécutives de labeur déshumanisé. On raye sur une liste se prolongeant chaque jour un peu plus des choses qu’on ne fera jamais plus ou dont on rêvait mais dont on préfère même s’abstenir de les envisager, de peur d’avoir trop mal. Ces lieux sont des enfers qui ne survivent que par la peur d’enfers plus grands car plus définitifs. Ces lieux sont voulus par nos élites pour que vivants, nous soyons déjà morts et dociles. Ces lieux sont des cimetières créant une mort sociale annonciatrice d’une mort prématurée.

Regardez l’espérance de vie d’un ouvrier et celle d’un technocrate et criez, levez-vous, rebellez-vous et devenez féroces. 

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03.02.2023 à 17:24

Qui est prêt à mourir pour le Donbass ou la Crimée ?

Marc Chesney

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Sans aucune consultation démocratique, nous voici tous embarqués sur une route bien dangereuse, voire apocalyptique. Comme aucun des gouvernements supposés démocratiques ne daigne poser aux populations concernées la question de leur éventuel sacrifice pour le Donbass ou la Crimée, chacun d’entre nous devrait se la poser en son for intérieur. Que ceux qui poussent à […]

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Texte intégral (1166 mots)

Sans aucune consultation démocratique, nous voici tous embarqués sur une route bien dangereuse, voire apocalyptique.

Comme aucun des gouvernements supposés démocratiques ne daigne poser aux populations concernées la question de leur éventuel sacrifice pour le Donbass ou la Crimée, chacun d’entre nous devrait se la poser en son for intérieur. Que ceux qui poussent à la guerre, au nom du droit qu’aurait chaque pays à se défendre, réfléchissent bien aux conséquences de ce conflit sur eux, leurs familles et proches. Au contraire, que ceux qui y sont opposés, et qui mettent au premier plan le droit de vivre et d’être respecté, se fassent entendre. Sans aucune consultation démocratique, nous voici tous embarqués sur une route bien dangereuse, voire apocalyptique.

Des poignées d’individus, en l’occurrence de sinistres ministres, généraux, producteurs d’armes et financiers, réunis en conciliabules à Ramstein, Davos ou ailleurs, décident de jouer au poker la vie de millions ou de milliards d’individus en pariant sur la réaction de Vladimir Poutine aux récentes décisions de livraisons de chars lourds à l’Ukraine. Certains «commentateurs autorisés» prétendent qu’il réagira de manière rationnelle, d’autres, parfois les mêmes avec un délai, qu’il est difficilement prévisible.

Des «responsables» politiques, comme Emmanuel Macron, déclarent que les livraisons d’armes lourdes ne font pas de leur pays un cobelligérant, d’autres qu’ils sont de fait en guerre avec la Russie. Ainsi, selon les récentes affirmations d’Annalena Baerbock, membre du parti des verts et ministre des affaires étrangères allemande, «Nous menons une guerre contre la Russie et pas entre nous». Le chancelier Scholz a quant à lui déclaré qu’en matière de livraison de chars Leopard 2 et d’armes lourdes en général à l’Ukraine, «personne ne peut déterminer en quoi consiste une bonne ou mauvaise décision». Bref, la confusion règne. Or, ceux qui jouent au poker avec la vie de populations entières devraient, s’ils ne voient pas clair, s’abstenir de prendre des décisions aussi graves. Ces dernières nourrissent la dynamique guerrière et ce, d’autant plus que ces chars peuvent être armés de projectiles perforants à ogives à uranium appauvri et à longue portée, qui, s’ils étaient tirés, seraient considérés par la Russie, comme une utilisation de bombes nucléaires sales. À supposer que ces projectiles ne soient pas livrés par l’OTAN, il est probable que le gouvernement ukrainien cherche à s’en procurer sur le marché noir pour viser, sur le territoire russe, des centres de commandement ou des agglomérations. Les «responsables» occidentaux ont-ils perdu toute sorte de bon sens, ou conservent-ils encore un brin de jugeote pour comprendre le caractère irresponsable de leurs choix? Ce sont souvent des idéologues radicaux sur lesquels le souvenir des souffrances générées par la seconde guerre mondiale n’a pas prise. Ils ont accès à de vastes abris antiatomiques et, manifestement, ne jugent pas pertinent de considérer les risques et souffrances de l’actuel conflit, en particulier pour la population ukrainienne restée sur place. Celui-ci représente à leurs yeux des opportunités stratégiques ainsi que financières et la paix n’est donc pas à l’ordre du jour. Il est d’ailleurs inquiétant de constater qu’en Suisse, les administrations cantonales et fédérales ne communiquent aucune véritable information concernant la protection des populations et les adresses d’abris aménagés. Cette impréparation n’est pas acceptable.


Pour quelques panzers de plus


Chaque gouvernement fait de la surenchère. Dans un premier temps, le Danemark, les pays baltes et l’Espagne se proposent de livrer quelques unités du chars Leopard 2, l’Allemagne 14, la Pologne 14. Qui dit mieux pour la grande enchère internationale organisée par l’OTAN? Il devrait être bientôt question de la livraison d’avions de chasse! Quid de la légitimité de gouvernements qui prennent des décisions aussi lourdes de conséquences, sans aucune consultation démocratique et qui se montrent incapables de garantir une sécurité minimale aux populations concernées? Le contrat social est rompu, et ce, d’ailleurs depuis longtemps maintenant. Tous les signaux cruciaux sont au rouge : conflit en Europe avec risque d’escalade nucléaire, réchauffement climatique, perte de biodiversité, injustice sociale extrême. Il s’agit en réalité de la profonde faillite d’un système prédateur qui marchandise à l’extrême les rapports que les humains entretiennent entre eux, vis-à-vis de la nature, de l’art … et qui traite le commun des mortels comme des facteurs de production, devant se transformer, en cas de guerre, en facteurs de destruction, pour être, le cas échéant, détruits eux-mêmes. Il est temps de tourner la page, avant d’être emporté dans sa chute. Comme le disait Jean Jaurès à la veille de la première guerre mondiale «Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage!».


Les réactions négatives à ces tendances guerrières sont trop rares. La précarité et le matraquage médiatique tendent à rendre les populations malléables et corvéables à merci. Ces derniers temps, les flots quasi permanents de nouvelles insignifiantes concernant la retraite de Roger Federer, la Coupe du monde de football, les confidences de Messi ou Mbappé, la mort de la reine d’Angleterre, les mémoires anticipés du prince Harry… ont permis de détourner l’attention et ont contribué au lavage de cerveaux.


La propagande guerrière est, elle aussi, déversée sur tous les canaux médiatiques possibles. Comment concevoir un seul instant qu’il soit justifié de risquer l’existence de populations entières pour que le Donbass soit ukrainien ou russe? La supposée guerre juste se ramène juste à une guerre, un conflit insupportable porteur d’énormes risques pour le genre humain.

Que ceux qui s’y opposent de part et d’autre du rideau de feu et qui veulent promouvoir la vie se fassent entendre en organisant manifestations, grèves, en particulier dans les usines de production et les sociétés de transport de ces armes, et le cas échéant, en refusant de combattre.

Une version de cet article a été publiée dans Le Temps le 30 janvier 2023.

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26.01.2023 à 16:13

Fabien Roussel, le communiste qui plaît à la droite

Le Monde Moderne

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Un récent sondage annonce Fabien Roussel plus apprécié par les Français que Jean-Luc Mélenchon. Si le résultat peut étonner, tout s’explique en observant l’étude de plus près. Analyse. C’est devenu une habitude pour qui suit régulièrement le monde politique sur les réseaux sociaux : l’instant «auto-congratulation Roussel». Autrement dit, les proches du député du Nord […]

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Texte intégral (1042 mots)

Un récent sondage annonce Fabien Roussel plus apprécié par les Français que Jean-Luc Mélenchon. Si le résultat peut étonner, tout s’explique en observant l’étude de plus près. Analyse.

C’est devenu une habitude pour qui suit régulièrement le monde politique sur les réseaux sociaux : l’instant «auto-congratulation Roussel». Autrement dit, les proches du député du Nord et les comptes de soutien tenus par son équipe multiplient les tweets encensant leur champion. La raison ? Des sondages jugés positifs.

La dernière démonstration de joie prêterait presque à sourire : selon un sondage, le chef de fil du PCF serait préféré à Jean-Luc Mélenchon par les Français… moins d’un an après l’élection présidentielle où une vingtaine de points séparait les deux hommes au premier tour.

Pour comprendre ce résultat, nous nous sommes penchés sur l’étude.

Roussel gagne surtout… à droite

Le chiffre parle de lui-même : 74% des sympathisants de droite disent préférer Fabien Roussel à Jean-Luc Mélenchon.

Serait-ce le résultat de ses propos étranges sur «la valeur travail» que le communiste avait maladroitement opposé à la France de l’assistanat en septembre dernier ? Ou celui de ses critiques répétées contre la NUPES, qui a tant gêné la droite depuis juin ? Ou est-ce parce que cette même droite craint la capacité de Jean-Luc Mélenchon et des Insoumis à prendre un jour le pouvoir dans le pays, le candidat se rapprochant chaque fois un peu plus du second tour de l’élection présidentielle ? Impossible à dire, mais il est probable que l’ensemble de ces éléments explique le score obtenu.

Le communiste plaît aussi majoritairement aux sympathisants d’Emmanuel Macron (68%) et à ceux… du Rassemblement National et de Reconquête (63%).

Des scores qui se confirment aussi sociologiquement : Roussel réalise son plus gros score chez les retraités, qui ont massivement voté à droite en 2022… et qui le favorisent à 73%.

Intéressant également : les scores ont tendance à s’équilibrer, voire à s’inverser, lorsque l’on considère des marqueurs de gauche. C’est ainsi que Jean-Luc Mélenchon séduit davantage les jeunes (+9 points chez les 18-24 ans) ou les foyers les plus pauvres (+3 points).

Enfin, si le score total chez les sympathisants de gauche met les deux hommes à égalité presque parfaite, une observation s’impose : Jean-Luc Mélenchon est largement plébiscité chez les sympathisants Insoumis (80%). En considérant les résultats de la dernière élection présidentielle, le nombre d’électeurs et la force mobilisatrice des Insoumis, on peut aisément penser que ce score représente bien plus de monde que les sympathisants PS (1,75% en avril dernier) ou EELV (4,63%) qui ont plutôt penché pour Roussel.

Vraiment pertinent ?

Ce type de sondages peut-il être considéré comme pertinent ?

En enfermant l’opposition entre deux hommes proches sur l’échiquier politique, mais en interrogeant l’intégralité des tendances électorales du pays, la méthodologie de l’enquête pose question. Sur quel critère un électeur de droite se base-t-il pour trancher entre deux hommes défendant deux programmes aussi proches ? Et surtout : quel est l’intérêt d’une telle enquête, si loin de la prochaine échéance électorale ?

Des interrogations qui se fondent également sur la réalité électorale du pays : 20 points séparaient Jean-Luc Mélenchon (22%) et Fabien Roussel (2%) au premier tour de l’élection présidentielle en avril dernier.

Bien sûr, la lecture de l’étude permet de comprendre que les gens qui préfèrent le communiste à l’Insoumis sont des gens… qui ne voteront pas pour lui. Car une fois dans l’isoloir, c’est bien le bulletin Macron, Le Pen, Zemmour ou Pécresse qu’ont glissé dans l’urne ceux qui plébiscitent Roussel dans cette étude.

Autrement dit : c’est en étant préféré par la droite que Roussel se retrouve devant Mélenchon dans cette étude… mais pas par la gauche. Pas forcément de quoi se réjouir donc pour le candidat communiste, qui ne peut projeter ni percée électorale, ni victoire idéologique dans un tel résultat.

En considérant que l’accession au second tour de l’élection présidentielle ne se joue pas sur la mobilisation de l’intégralité des Français, mais bien de son propre camp politique, on comprend même que Fabien Roussel n’a pas progressé sur le sujet depuis avril dernier. Et pire encore : on peut craindre pour le communiste que sa responsabilité sur l’absence de la gauche au second tour (de nombreux Insoumis pointant du doigt que les voix récoltées par Roussel auraient suffit à placer Mélenchon devant Le Pen) n’installe un plafond de verre l’empêchant de rassembler la gauche dans les urnes. Un futur point à analyser dans les études d’opinion ?

Roussel : des sondages… et des nuages

Reste que, malgré les tweets enthousiastes des proches de Roussel grâce au titre de l’étude, tout n’est pas rose pour le candidat communiste, toujours poursuivi par une affaire d’emploi fictif à l’Assemblée Nationale, et loin d’être assuré d’une victoire lors du prochain congrès du PCF, dont un premier vote aura lieu à la fin du mois de janvier. En cas de défaite, Fabien Roussel perdrait les rennes de son parti politique. Une défaite que ne saurait lui éviter ses aficionados de droite… Un problème que Jean-Luc Mélenchon ne rencontre pas à la France Insoumise, où l’ancien candidat à la présidentielle est toujours largement plébiscité (80%).

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20.01.2023 à 17:43

Mesdames, Messieurs les censeurs, bonsoir

Alexis Poulin

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J’ai fait le choix d’être un journaliste indépendant il y a quelques années déjà et ce choix n’est pas anodin.

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Texte intégral (2191 mots)

La censure de RT France est un précédent qui devrait inquiéter tous les journalistes car l’État, secondé par la commission européenne, se lance dorénavant dans une logique de censure et de labellisation des médias, qui n’a aucune limite. 

La chaîne d’information RT France n’est plus. Beaucoup s’en réjouissent. Comme s’il existait une bonne ou une mauvaise censure. Après des mois d’une lutte acharnée menée par la commission européenne pour censurer la chaîne, le trésor public français a finalement porté l’estocade, en obéissant servilement à une énième sanction européenne pour assurer la fin des opérations de RT en France.

Je suis fier d’avoir choisi d’y travailler pendant plusieurs années, même si cela hérisse le poil des chiens de garde de la bien-pensance. 

Les médias ayant pignon sur rue, légitimés par le camp autoproclamé du bien, ne font que relayer un discours fade, unique et stéréotypé. Le travail d’analyse, de confrontation des idées, de recul sur les évènements et de synthèse disparaît dans l’indifférence généralisée. Il convient de rassurer, d’effrayer ou de relayer la propagande d’État en l’érigeant en ligne éditoriale car la liberté de la presse est une liberté conditionnelle.

Une grande partie du peuple ne s’y méprend pas, constatant bien que les théories dites complotistes deviennent révélations de vérités avec le temps. Mais, là encore, dans des niches trop peu visibles, trop peu suivies, trop peu lues, trop peu écoutées, trop peu relayées et bientôt traquées par un projet liberticide bien plus grand qu’une réforme des retraites ou la censure d’une chaîne de télé. 

J’ai pu m’exprimer sur RT comme je n’aurais jamais pu le faire ailleurs. Je n’ai jamais reçu d’ordre quelconque. L’argent du Kremlin n’a clairement pas fait de moi un millionnaire. Alors basta! Je n’ai à me défendre de rien. Ceux qui jugent, eux, le devraient. Se défendre de leur couardise, de leur suivisme, par peur, de ne plus être appelé, de ne plus être rémunéré, d’être définitivement ostracisé. Est-ce que la soupe était bonne à Boulogne ? Ni plus ni moins qu’ailleurs. Et aujourd’hui, ayant pris un risque que quasiment personne n’a accepté de prendre en France pour continuer à informer de manière impartiale, oui, je ne suis plus payé. Et pour autant, jamais ce choix, je ne regretterai. 

J’écris dans le train qui me ramène d’Auxerre, où j’ai joué hier mon spectacle documentaire «L’homme qui tua Mouammar Kadhafi», spectacle évoquant déjà la corruption au coeur du pouvoir. J’ai pu y voir des gens curieux de la chose publique, informés, et conscients des limites de l’information, mais aussi deux jeunes libyens, qui nous ont parlé de leur pays après Kadhafi.

Depuis la fenêtre du TER, je vois défiler ces villages de la France périphérique, maisons individuelles en lotissements, cimetières, fermes biscornues, champs et jachères, hangars rouillés et vides. C’est ici que vivent les Français, loin des jeux de cour parisiens, où la danse de l’argent et du pouvoir rythme les jours et les nuits des ambitieux qui ne rêvent que de gloire et de puissance artificielle.

Hier, j’ai pu manifester contre la réforme des retraites dans les rues d’Auxerre, et il y avait du monde, tous âges confondus, pour se lever contre le projet de maltraitance institutionnelle porté par ce président si mal élu qu’est Emmanuel Macron.

Les Français ne sont pas dupes

Les Français ne sont pas dupes, ils sont conscients de la compromission de ce président de pacotille avec les lobbies de l’argent. L’affaire McKinsey n’est pas enterrée, malgré le travail acharné des médias aux ordres pour tout faire oublier par la distraction, là où les affaires consécutives auraient déjà dû faire tomber trois ou quatre gouvernements.

«Ça passe» comme le disait avec un étonnement touchant Edouard Philippe, autre grand maltraitant de la caste, mis en scène par les oligarques comme un probable successeur à l’enfant prodige de la commission Attali.

Les Français ne sont pas dupes, mais ils sont dépossédés. Ils sont conscients du simulacre démocratique, qui leur impose un lobbyiste pour un autre, tous les 5 ans. Ils sont conscients de leur perte de libertés et de choix, ils sont parfois résignés, empêtrés dans le combat quotidien pour eux et pour leurs proches, parfois en colère, mais sans solutions. Et parfois, un mot d’ordre permet de se retrouver, ensemble, pour montrer que la résignation n’est pas totale, que la dépolitisation des citoyens en marche, marque un arrêt, que la majorité silencieuse n’est pas celle qu’on croit.

Les médias sont redevenus un outil du pouvoir après une brève période de liberté d’expression et d’opinion. Les lois successives depuis Balladur ont permis aux oligarques de mettre la main sur la majeure partie du paysage médiatique national, dans une course à l’optimisation fiscale et à la fabrique du consentement inédite. 

Il y a toujours eu une presse de cour, mais jamais autant de courtisans

J’ai fait le choix d’être un journaliste indépendant il y a quelques années déjà et ce choix n’est pas anodin. Il suffit de voir comment l’élite autoproclamée, qui se réunit à Davos pour célébrer son génie, fuit les journalistes indépendants dans les rues du petit village suisse pour comprendre que ce qu’il reste du journalisme est là, dans ces quelques têtes brûlées qui ont choisi de poser les questions qui fâchent, de respecter la charte de Munich et de ne jamais prendre un communiqué de presse gouvernemental comme une information, mais bien comme un élément de propagande. 

Nous sommes trop peu nombreux à faire ce travail, pourtant simple et essentiel, de critique sociale. Chacun connaît les limites à ne pas franchir pour ne pas froisser sa rédaction, chacun connaît les sujets tabous qui disqualifient immédiatement le porteur d’une carte de presse en militant séditieux.

Ce choix de l’indépendance m’a amené à créer mon média, lemondemoderne.media, et à essayer de faire un travail d’éducation aux médias et de critique depuis 2017. Il m’a aussi amené sur de nombreux plateaux de télé et de radio, qui peu à peu m’ont fermé leurs portes pour excès de franchise. Ainsi, mon désir de continuer à parler avec sincérité m’a amené chez RT France, où j’ai pu, en toute indépendance éditoriale, faire mon travail de critique. 

J’ai pu alerter contre l’aberration du pass vaccinal, contre l’imposture Macron, président des ultra riches et manipulateur féroce, contre la violence institutionnelle et les mensonges du gouvernement. Dans un certain sentiment de solitude, j’ai pu donner à entendre une voix dissonante, une critique, un autre champ du débat.

Mais c’était sans compter sur l’acharnement élyséen contre RT France.

Dès son élection en 2017, à la suite des Macronleaks, qui révélaient déjà la proximité problématique d’Emmanuel Macron avec le cabinet de conseil américain McKinsey, le président de la République a décidé de faire la guerre à RT France, les accusant de propagande et leur refusant même l’accréditation aux rares conférences de presse du palais.

La guerre en Ukraine a été l’aubaine pour parachever la censure totale d’une voix dissidente et s’assurer, sous couvert de défense de la démocratie, un paysage médiatique obéissant et faible, tout entier concentré sur la survie mondaine et la critique de façade.

Cette censure est inacceptable. Plus encore, voir les propagandistes officiels appeler la censure de leurs voeux et se réjouir de la mise à mort d’une rédaction indépendante des flux d’argents français, est glaçant. C’est un précédent qui devrait inquiéter tous les journalistes, car l’État, secondé par la commission européenne, se lance dorénavant dans une logique de censure et de labellisation des médias, qui n’a aucune limite. 

Une seule voix est désormais autorisée, balayant d’un revers de la main toute idée de démocratie, et bafouant, par la même occasion, la déclaration universelle des droits de l’Homme et la soi-disant si précieuse charte des droits fondamentaux de l’UE dont voici l’article 11 :

Article 11 – Liberté d’expression et d’information 

  1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontières.
  2. La liberté des médias et leur pluralisme sont respectés.

De quelles valeurs européennes parlent donc Emmanuel Macron ou Ursula Von der Leyen, quand ils se réjouissent de censurer les médias? Quel fondement de droit les autorise à contraindre des millions de citoyens à des politiques de santé publique basées, non sur le fait scientifique, mais sur le seul lobbying intensif des grands laboratoires déjà multicondamnés? 

Je suis sidéré par le silence gêné des journalistes, plus encore que par la joie malsaine de certains va-t-en-guerre, trop heureux de voir leur propagande triompher pour emmener l’Europe au désastre.

Soyons clairs, cette guerre doit cesser immédiatement, avec des négociations autour d’une table et non pas un simulacre comme l’ont été les accords de Minsk.

Non, les armes n’apporteront pas la paix, comme le dit avec cynisme le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stolenberg, mais les armes apporteront bien plus de morts, de mutilés et d’orphelins, pour que finalement, quelques milliardaires se mettent d’accord autour d’une grande table, dans un salon doré. Toutes les guerres sont les mêmes : des machines à produire du cash et de la chair sanguinolente.

Cette condamnation ne m’a pas empêché de travailler au sein d’une rédaction pluraliste où toutes les opinions étaient représentées et dont le professionnalisme des journalistes qui la composaient n’est pas à prouver. 

Que les Savonarole de bas étage rangent leurs accusations de «complotiste», de «traître» ou autres débilités visant à masquer trop mal leur indigence intellectuelle. Ces censeurs aux petits pieds ne sont que la représentation médiatique de la médiocratie ambiante, où la bêtise triomphante tient lieu de phare de la pensée unique, et où l’esprit critique est vilipendé par des validateurs de vérité officielle qui n’ont pour métier que de défendre la propagande gouvernementale, dans un souci de paix sociale, par le contrôle social.

Oui, nous vivons des heures sombres, pour nos libertés, pour notre liberté de parole et pour notre liberté de penser

Mais ce n’est pas une raison pour abdiquer, certainement pas une raison pour baisser la tête, et accepter la censure par les médiocres et les vendus, non, c’est le moment où jamais d’être féroce, absolument féroce, et de ne plus laisser une once de terrain aux menteurs compulsifs qui prétendent gouverner des peuples qu’ils maltraitent au nom de l’intérêt des possédants.

Nous avons plus que jamais besoin de vous pour exister, de votre audience, de votre soutien.

L’information a un prix, celui de la liberté.

Alexis Poulin
20 janvier 2023

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