Hacking-Social

Chayka Hackso et Viciss Hackso

Le hacking social est une méthode plus qu’une doctrine, méthode qui tend à transformer les environnements sociaux vers plus d’autodétermination des personnes, plus d’altruisme, plus d’autotélisme, plus d’intelligence sociale, émotionnelle et cognitive dans les structures et systèmes, moins de souffrance, moins de domination, moins d’injustices, moins de discrimination, moins de manipulation, etc.

Publié le 17.03.2023 à 16:03

Les Soumis autoritaires – Les Autoritaires -Partie 4

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La tempête s’approche !

Gull et Technicien n’ont plus le choix et doivent trouver un refuge au plus vite. Malheureusement, ils se retrouvent dans un lieu peu accueillant. Plus préoccupant, ils découvrent qu’ils sont activement recherchés par une mystérieuse « Grand-Mère » qui les accuse d’extrême wokisme, de menace pour l’ordre social et les valeurs traditionnelles. Selon Technicien, c’est là un excellent prétexte pour poursuivre leur discussion quant à l’autoritarisme, avec cette fois une plongée dans le RWA : l’autoritarisme de droite.

L’autoritarisme de droite (RWA) a été conceptualisé par Bob Altemeyer dans les années 1970 et se présente comme une version corrigée et scientifiquement valide de la personnalité autoritaire d’Adorno et de ses collègues (1950). Le RWA est actuellement l’une des deux grandes dimensions de l’autoritarisme en psychologie sociale et politique, permettant de mieux saisir de nombreuses attitudes, comportements et autres phénomènes sociaux actuels.

Le RWA décrit la personnalité autoritaire selon trois facettes interconnectées : la soumission à l’autorité, le conventionnalisme, et l’agressivité autoritaire. Il est aussi connecté au fondamentalisme religieux. C’est là ce que propose d’examiner Gull dans cette quatrième partie des autoritaires.

Titanic ?

En juin dernier, lors d’une soirée, alors que j’avais entamé de la production de la 4ème partie des Autoritaires, quelqu’un m’avait posé quelques questions quant à son contenu et à la manière dont je travaillais. Je ne savais pas trop quoi lui répondre. Puis soudainement, presque de manière spontanée, un mot m’est venu à l’esprit : c’était « mon Titanic ». Cette personne m’a regardé l’air interloqué, ne comprenant sans doute pas ce que je voulais dire par là, pensant peut-être que j’usais d’un qualificatif arrogant voire mégalo, soit parce que je qualifiais ce que je faisais de « paquebot majestueux » ou encore que je faisais référence au film « Titanic » de James Cameron. Ma référence n’avait aucunement cette connotation, bonjour les chevilles qui enflent sinon. C’est tout autre chose que j’avais en tête, et je lui ai expliqué : « c’est mon Titanic, car le travail demandé est tel que ça ne peut que finir par couler ! ».

Je pense que là-dessus je ne m’y trompais pas, car avec mes petites mains je pressentais bien que je me risquais à outrepasser mes propres limites. Ce glissement d’intensification du travail, projet après projet, ne date pas d’hier, et découle de deux grandes orientations que je me suis données : approfondir de plus en plus mes sujets, ce qui m’amène à des durées souvent longues ; et peaufiner de davantage la mise en scène, l’esthétique, etc. S’ajoute à cela que j’ai cette fâcheuse tendance à vouloir apprendre de nouvelles techniques, m’imposant volontairement des objectifs que je ne peux atteindre selon mes compétences, tout justement pour le défi de développer des nouvelles compétences, ou à changer de mode de travail pour m’en approcher. J’aime l’idée d’être une éternelle étudiante, tout autant pour le contenu que pour la forme.

Mais parfois, cela peut devenir excessif, à commencer par mon script de départ qui faisait 100 pages. À titre de comparaison, les précédentes parties des Autoritaires faisaient entre 20 et 30 pages.

J’ai donc commencé le tournage de ces 100 pages. Mais petit à petit, j’ai dû me rendre à l’évidence : via les premiers éléments (les enregistrements audio par exemple, quelques rushs) je pouvais estimer la durée finale de cette partie à plus de 3 h !

Oups.

Bien que ces 100 pages aient une cohérence interne forte en termes de progression, je dus me résoudre à le couper en deux. Fort heureusement, un événement au milieu de mon script original me permettait de faire une interruption, sous forme de Cliffhanger. Vous comprendrez mieux ainsi pourquoi cette partie semble narrativement très connectée à sa suite, déjà présente d’ailleurs dans celle-ci (plusieurs images sont issues de la partie 5, notamment tout le début qui se déroule après la tempête).

Je passais donc de 100 pages à 45 : me voilà avec la partie 4 « Les soumis autoritaires » et la partie 5 « Les racines de l’agressivité ».

Cela m’a permis de respirer un peu, je pouvais avancer en me dispersant moins, mais le travail demeurait tout de même important : cela représentait encore 1h30 de métrage pour la partie 4, la quasi-totalité nécessitant des effets spéciaux, des animations type motions design, des passages bien spécifiques comme la séquences type pop-up/livre aimé à propos du prosélytisme des fondamentalistes (pourquoi réaliser une telle séquence ? Parce que j’en avais envie, je voulais m’essayer à animer des pop-up en vidéo parce que je trouvais ça fun).

Je voulais varier différents tableaux, proposer différentes expériences visuelles en raccord avec le propos, ne pas dénier la gravité du sujet, tout en essayant de faire en sorte que cette gravité soit compensée par des moments plus légers, ou par certaines médiations : par exemple, ce moment où Gull manifeste un certain accablement quand il parle des pires crimes autoritaires, tels que les génocides, où Technicien vient le soutenir en apportant de la douceur et en lui rappelant qu’il n’est pas toujours nécessaire de tout décrire pour comprendre, qu’il faut aussi savoir se préserver, surtout sur un tel sujet. Cette lassitude de Gull n’est pas sans lien avec mon propre cheminement depuis que j’ai commencé à étudier l’autoritarisme, car j’ai malheureusement pu lire et voir des horreurs, durant de longues périodes, l’esprit tout concentré sur ces contenus. Viciss avait déjà pu faire un travail similaire avant moi, car elle a beaucoup travaillé sur les génocides. Étudier de tels sujets implique que l’on soit prudente, car s’investir autant dans l’étude de ces thématiques n’est pas sans conséquence psychologique.

Ce moment où Gull s’arrête ainsi, comme las, représente autant de moments que j’ai pu vivre durant la réalisation de cette partie.

Jusqu’à septembre j’ai donc pu avancer la vidéo, pas forcément au rythme que je souhaitais, mais j’avançais. Fin septembre, j’étais capable d’annoncer ces deux parties à venir, la partie 4 devant sortir courant novembre, voire début décembre dans le pire des cas. Malheureusement, début octobre, j’ai dû lever le pied, pendant quelques semaines.

Mon analogie du Titanic m’avait-elle rattrapée ? Le projet allait-il couler ?

Je ne suis peut-être pas la meilleure des navigatrices en eaux troubles, j’avance parfois lentement, mais ce n’est pas demain la veille que je vais chavirer. Je suis Bretonne non mais !

Avec le recul, je sais que ce ralentissement m’était au fond nécessaire, tout du moins pour ne pas saturer, rester à flot, faire un peu le plein à quai.

C’est donc non sans émotion que je peux enfin publier cette partie, en espérant que cela pourra vous apporter, nourrir des échanges et réflexions, et espérant surtout avoir pu y retranscrire un peu du cœur de Technicien pour un sujet si pesant.

Prenez soin de vous, et rendez-vous bientôt pour de nouvelles aventures, quelle que soit la houle.

La carte : 


Musiques


  • « hardcashfading.mmf », « ph4se.vox » « confidentialhumansource.m2 », « jester-actual.dss », « Ichosethis.ogg.flac », « betterthanm0rphine.aac.flac », Mister Robot Volume 1-4-5, Mac Quayle 2015-2019
  • « A Distant Sadness (feat. Raya Yarbrough, vocals) », « Among The Ruins », « Storming New Caprica », « Scar », Battlestar Galactica, « Boomer Takes Hera », Bear Mccreary, 2007
  • « Here’s to you, Nicola and Bart », Joan Baez, 1969
  • «The Big Sneak», Death Stranding (Volume 2), Ludvig Forssell, 2021
  • «A Cuppa», «Something Revolutionary», Doctor Who Series 12 – Revolution of the Daleks, Segun Akinola, 2021
  • « Once a Thief…. », Uncharted 4 OST, Henry Jackman, 2016
  • «Another Perfect Prison», Doctor Who Series 6, Murray Gold & Ben Foster, 2011
  • «Towards The Asylum», Doctor Who Series 7, Murray Gold & Ben Foster, 2013
  • «Elisa», Metal Gear Solid Portable Ops, Norihiko Hibino, 2006
  • «The Prey», «From the Shadows» Assassin’s Creed Rogue (Original Game Soundtrack), Elista Alexandrova, 2014
  • «This Little Piggy Went to Camden Market», «Fifty Shades of Earl Grey», Watch Dogs – Legions, Stephen Barton, 2020
  • «Mission Briefing», Metal Gear Solid 3 OST, Harry Gregson-Williams, 2004
  • «This War of Mine», This War of Mine OST, Piotr Musial, 2015
  • «Twisty Bridges», Subnautica Below Zero, Ben Prunty, 2021
  • «The Cycle Continues», The Last of Us Part II Original Soundtrack, Mac Quayle, 2020
  • «Marin Exploration», Defiance OST, Bear Mccreary, 2013
  • «Aid Of An Old Friend», «Root Of All Evil», Person Of Interest, Ramin Djawadi, 2016
  • «Investigation», Detroit : Become Human OST, Nima Fakhrara, 2018
  • «Debriefing», Metal Gear Solid V Extended Soundtrack, Ludvig Forssell, 2015
  • «Soulless Meat Puppet», Death Stranding, Ludvig Forssell, 2019
  • «Through the Paces», Caprica- The Series, Bear Mccreary, 2009
  • «Church and Destroy», «Monarch Enemy», Assassin’s Creed Unity, Vol. 1, Chris Tilton, 2014
  • «Revenge Is A Dish Best Eaten», Music of Red Dead Redemption 2, 2019
  • «Take It to the Tank», Fringe – Season 3, Chris Tilton, 2012
  • «Hydrogen», Hotline Miami OST, M.O.O.N, 2017
  • «The Winner», Final Fantasy VIII, Nobuo Uematsu, 2000
  • «Fierceness and Legend», «Reversal», «Outnumbered», Naruto, Toshiro Masuda, 2003
  • «Continue», Final Fantasy VII OST, Nobuo Uematsu, 1997
  • « Colonial (Explore) », FTL OST, de Ben Prunty, 2012
  • « Slow Motion Sickness », Fringe – Season 3, Chris Tilton, 2012
  • «Strangers and Autolabors», Divide (Original Game Soundtrack), Chris Tilton, 2017
  • «Approaching Target 1», Assassin’s Creed II OST, Jesper Kyd, 2009
  • «Train Graveyard», FINAL FANTASY VII REMAKE Original Soundtrack, Masashi Hamauzu, 2020
  • «Seeing Things Hearing Things», «The Caper 2», «Levitate», Legion Soundtrack, Jeff Russo, 2017
  • «The Streets Are Long-Ass Gutters», «Kang Tao Down», Cyberpunk 2077 Original Soundtrack, Paul Leonard-Morgan, 2020
  • «Discord», ULTRAMAN OST, Jinnouchi Kazuma, Toda Nobuko, 2019
  • «The Cobras In The Jungle», Metal Gear Solid 3, Harry Gregson-Williams, 2004
  • «Archeron», «The Ghost Fleet», Battlestar Galactica Blood & Chrome, Bear Mccreary, 2013


Documents/illustrations


  • President Trump Makes Baseless Claims Of Election Fraud | TODAY, 2020
  • Trump supporters gather for first night of ‘Stop the Steal’ demonstrations, Washington Post, 2021
  • Trump Encourages Those At His Rally To March To The Capitol – NBC News NOW, 2021
  • Day of Rage How Trump Supporters Took the U.S. Capitol Visual Investigations, The New York Times, 2021
  • We Stitched Together All the Footage from the Capitol Riot, Vice, 2021
  • Assaut du Capitole – « Donald Trump était au centre de ce complot », conclut une enquête accablante, Le Parisien, 2022
  • How the Proud Boys Breached the Capitol – Visual Investigations, The New York Times, 2022
  • En quête d’esprit du 02-10-2022, CNEWS
  • États-Unis : Les Évangéliques, au cœur du système Trump, par Fanny Allard, France 24, 2020
  • 5 ans après l’agression raciste dans le métro par des supporters de Chelsea, Brut, 2020
  • Charlottesville : Race and Terror – VICE News Tonight (HBO), 2017


Bibliographie


Notre ouvrage « En toute puissance » est disponible en ebook ou en format papier ici : https://www.hacking-social.com/2021/09/17/en-toute-puissance-manuel-dautodetermination-radicale/
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Publié le 16.12.2022 à 12:53

Nouvelles concernant la partie 4 des autoritaires

Petite mise à jour concernant la partie 4 des Autoritaires, avec une mauvaise nouvelle, mais aussi des bonnes.

Commençons par la mauvaise : la partie 4 ne sortira pas cette automne comme annoncé en septembre, et j’en suis vraiment désolée. Quand j’ai annoncé cette fenêtre de sortie dans le teaser, tout était au vert pour une sortie fin novembre/début décembre : je m’appuyais alors sur mon rythme de travail et un planning tout à fait à portée. Malheureusement, si vous m’avez suivi sur les réseaux sociaux, vous n’êtes peut-être pas sans savoir qu’en octobre j’ai dû lever un peu le pied pendant quelques semaines, me reposer un peu, le temps de me remettre d’aplomb. Je n’ai jamais cessé vraiment d’avancer, mais pendant un mois j’ai progressé au ralenti, avant de repartir de plus belle en novembre. La conséquence, malheureusement, c’est que malgré mes efforts pour essayer de sortir la vidéo juste avant les fêtes (et j’y croyais encore début décembre), j’ai dû me résoudre à revoir les choses à l’aune du travail qui me reste encore à réaliser).

Voilà pour la mauvaise nouvelle. Rassurez-vous il n’y en a pas d’autres.

Passons aux bonnes.

La vidéo n’est pas encore prête, mais je m’approche de la fin, et ce sera donc bien pour le mois prochain. Et si l’attente fût longue, la vidéo en elle-même aussi, puisqu’à l’heure actuelle la durée totale estimée est de 90 min. C’est donc le premier long-métrage de la chaîne !! (à titre de comparaison, les trois premières parties duraient entre 40 et 50 minutes).

De plus, j’ai voulu aller plus loin sur certaines mises en forme narratives et explicatives. Cette vidéo est ainsi devenue la plus complexe réalisée jusqu’ici.

J’espère de tout cœur que le résultat compensera l’attente.

Rendez-vous donc en janvier pour la Première.

En attendant, je vous souhaite de bonnes fêtes de fin d’année, et une année 2023 plus empuissantante et autodeter’ !

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Publié le 15.12.2022 à 10:30

Hommage

J’avais envie de rendre hommage à Matthieu Gallou, mon ancien prof de philo, décédé hier ( https://www.letelegramme.fr/finistere/brest/a-brest-le-president-de-l-universite-de-bretagne-occidentale-matthieu-gallou-est-decede-14-12-2022-13241623.php ). Il s’agissait d’une personne sans qui je n’aurais probablement pas pu aller aussi loin, pas seulement dans mes études mais plus globalement dans mes autres projets.

Cet article est initialement un thread publié ici : https://twitter.com/ChaykaHackso/status/1603325270576046080 

Fin lycée, mon profil ne fléchait absolument pas vers la poursuite d’études en philo. Je partais avec pas mal de lacunes (je n’avais pas été très studieuse au lycée, c’est le moins qu’on puisse dire).

Je ne me sentais donc pas légitime, avec un gros syndrome de l’imposteur. J’avais choisi philo par curiosité, envie (notamment car intéressée par certaines thématiques), absolument pas par stratégie avec un projet en tête, encore moins par cohérence avec mes points forts.

C’est là que j’ai rencontré Gallou. Il fut l’un de ses enseignants, atypiques, qui me rassura à plus d’un titre, très sérieux sans se prendre au sérieux, très précis et exigeant tout en étant bienveillant, soutenant et jamais cassant ou méprisant. Il pouvait être très sévère dans sa notation, mais savait se montrer très encourageant.

Il abordait la philo antique de manière vivante, loin des clichés et préconçus qui s’étaient immiscés au lycée dans les plis de mon cerveau : la philo antique était passionnante, décapante, amusante, parfois rock’n’roll.

Niveau méthodo, il a su donner les bons outils. La fameuse dissert de philo, si difficile à maîtriser, encore plus à la fac. Cette épreuve qui me rendait si anxieuse, ça m’a beaucoup apporté, grâce à quelques clefs simples, accessibles, le genre d’infos que j’aurais tellement voulu avoir au lycée.

Elle est progressivement devenue l’un des exercices où je me suis sentie de plus en plus à l’aise, jusqu’à m’en passionner. Ce terrain anxieux était devenu un terrain rassurant car propice au déploiement d’idées, de connaissance, et surtout de liant. Du tissage avec des connaissances et des idées, voilà ce que j’ai appris à faire.

Ayant un job à côté, et voulant expérimenter d’autres voies, j’ai mis en pause mes études au milieu de ma licence. Gallou m’a beaucoup aidé durant cette période, soutenant mes expérimentations parfois hasardeuses telles que la réalisation de courts-métrages.

Durant cette pause dans mes études, on s’est beaucoup vu : on discutait ciné (je crois me souvenir qu’il était particulièrement fan de D. Lynch) et parfois on partait dans des projets ubuesques, comme cette parodie de Dallas. J’ai eu avec lui l’un de mes plus gros fous rires une nuit à 2h du mat, sur une simple photo de cheval, entre 2 parties de Guitar Hero.

J’ai finalement repris mes études, cette fois avec beaucoup plus d’aplomb. Je pensais m’arrêter à la licence, finalement je poursuivis, m’aventurant vers les rivages de la philo antique, en partie grâce à lui car il avait été de ceux qui m’avait permis d’envisager un environnement de travail non écrasant pour un profil comme le mien.

Le syndrome de l’imposteur je l’avais toujours (je l’ai encore), mais c’est grâce à des gens comme Gallou que je n’en suis plus paralysée. J’ai appris avec des gens comme lui qu’on peut être très sérieux, sans se prendre soi-même au sérieux ; qu’on peut être très rigoureux, sans en devenir rigide ; qu’on peut suivre une méthode sans en être tributaire, qu’au contraire cela peut nous donner davantage de souplesse et de liberté (un cadre n’est pas un bornage), qu’il ne s’agit pas de la respecter aveuglément, mais de se l’approprier avec autonomie ; qu’on a le droit durant ses études de ne pas aller en ligne droite, qu’on peut suivre des voies divergentes ; qu’on a le droit d’arriver sans honte à la fac malgré toutes ses lacunes.

Des profs écrasants et méprisants, j’en ai rencontré beaucoup et j’en rencontre encore ; il en fût l’opposé. Sans des profs comme lui, je n’aurais jamais poursuivi mes études ; je n’aurais sans doute jamais pu déconstruire ces fausses croyances que j’avais accumulées sur moi-même, quant à mes capacités (et surtout absence de capacité).

J’aurais sans doute acté ce qu’on m’avait laissé entendre au lycée : la philo, ce n’est pas pour moi ; suivre un parcours universitaire, ce n’est pas pour moi ; suivre un cursus sans objectif professionnel précis, principalement par curiosité et envie, ce n’est pas sérieux, etc.

Je regrette de ne pas avoir pu le revoir ces dernières années, juste pour lui dire merci, merci pour tout cela. Je voulais donc lui rendre hommage, et à travers lui rendre hommage à tous les enseignants soutenant et rieurs, qui encouragent et stimulent la pensée et les cheminements divergents.

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Publié le 07.11.2022 à 10:07

[Fachologie #1.3] Infiltrée dans les vestiaires des mecs : les préjugés on/off

Dans les précédentes parties, nous avions introduit l’effet Trump : la rhétorique haineuse de Trump aurait rendu comme socialement plus acceptable des attitudes et des comportements qui étaient jusqu’alors davantage considérés comme socialement condamnables.

Autrement dit, la campagne et l’élection de Trump aurait perturbé des normes sociales, amenant une partie de la population à s’autoriser à son tour l’expression de propos haineux.

Plus de détails ici :

Partie 1 : Ceci n’est pas un clown

C’est ainsi que notre enquête nous a mené à nous intéresser à ce que sont les normes sociales : selon les circonstances, elles peuvent orienter nos attitudes et comportements, notamment celles vantant ou condamnant la tolérance et l’égalité.

Plus de détails ici :

Partie 2 : Quand les normes sociales orientent nos comportements

Bien sûr, nous n’avons pas la même réaction face à ces normes sociales. Par exemple, un environnement social vantant l’expression de préjugés n’aura pas la même influence sur un individu ayant peu de préjugés au préalable a contrario d’un autre à fort préjugés.

Quand bien même l’influence normative stimule l’expression de préjugés, elle implique qu’il y ait des préjugés déjà présents mais jusqu’ici non assumés.

Et c’est ce que nous allons voir aujourd’hui avec les préjugés on/off.


▶ Infiltrée dans le vestiaire des mecs


Imaginez un gars, bien sous tous rapports, le gendre idéal. Appelons-le Paul pour l’illustration.

Paul se présente comme un féministe convaincu. Il n’est pas rare de le voir sur les réseaux sociaux relayer des articles engagés pour le droit des femmes, partager des féministes qu’il semble apprécier. Il semble être à cheval sur les valeurs de tolérance, d’égalité, etc.

En apparence donc, dans le quotidien, en public, Paul semble être le parfait exemple du gars n’ayant aucun préjugé sexiste, ou tout moins qui a su s’en défaire.

Voici Paul, selon une IA

Mais il y a aussi le Paul en privé, celui qu’on connaît moins, sauf à le fréquenter à certains endroits bien spécifiques où sa parole semble à l’abri de toute oreille indiscrète, un endroit où Paul se sent plus à l’aise pour s’autoriser à exprimer ce qu’il tait en général.

Cet endroit, c’est le vestiaire des mecs.

Paul fait du sport en salle une fois par semaine. Il y va à un horaire précis où il sait qu’il rencontrera des amis et autres habitués qui sont devenus de véritables camarades.

Quand ils sont ensemble dans le vestiaire, ils se marrent, font des blagues, se charrient. Puis, parfois, l’un d’eux sort une blague bien salace. Tous rigolent, Paul rigole. L’un des gars parle de son dernier « coup ». C’est très cru. Ca fait toujours rire. Un autre enchaîne. Paul rajoute une couche, il parle d’une de ses anciennes conquête, un pote réagit « quelle salope ! », Paul continue de plus belle voyant que ses propos trouvent un écho plein de connivence, il entre dans les détails, exagère, fantasme. Et ils en viennent ainsi à parler des femmes de manière humiliante et déshumanisante, des propos pourtant que Paul n’ose jamais tenir en public, voire qu’il est le premier à condamner. Et pourtant.

Et cela se répète encore, à d’autres séances : partage d’anecdotes, de fantasmes liés aux mythes du viol, à la rhétorique misogyne décomplexée, etc. Au fond, Paul apprécie ces moments, car il peut se « lâcher ». Il ne se sent pas désapprouvé, bien au contraire. Puis quand il quitte les vestiaires, retourne à son train train quotidien, il redevient le gendre idéal, le «profem » . Non pas parce qu’il se sent vraiment engagé, mais parce qu’il sait c’est bien perçu. Tout ce qui compte, c’est cela : être socialement valorisé, surtout par les autres femmes. Finalement, il en a quand même un peu marre de se « se censurer » en public, car il aime conquérir les femmes comme des objets, et il adore en parler de manière insultante avec ses potes, là dans le vestiaire des mecs, où aucune autre femme ne pourra jamais l’entendre. Du moins, c’est ce qu’il croit.

Je suis une femme. Pourtant, j’ai connu les vestiaires des mecs. Je n’avais pas le choix, car j’étais perçue comme un homme, je devais donc partager les mêmes espaces qu’eux.

Paul n’a jamais existé en tant que tel, ce que vous venez de lire n’est une illustration fictive. Ouf, tout était donc faux.

Non.

Cette illustration n’est qu’une synthèse de ce que j’ai entendu à plusieurs reprises dans les vestiaires des mecs : ce contraste entre l’expression de forts préjugés dans les vestiaires et les attitudes exprimées à l’extérieur.

Cela n’en fait pas une généralité pour autant : même si je l’ai expérimenté à plusieurs reprises en tant que « meuf infiltrée », ce n’était pas forcément constant, heureusement. C’était dans un contexte qui n’est plus vraiment le nôtre : c’était il y a 15-20 ans, concernant des jeunes autour de la vingtaine se connaissant bien. Ensuite, j’ai peu connu ces vestiaires.

Quoi qu’il en soit, cette expérience est restée ancrée dans ma mémoire, et s’est peu à peu transformée en un point d’interrogation : comment expliquer un tel décalage entre l’expression publique et l’expression privée ? Comment un gars si adorable et respectueux vis-à-vis des femmes, du moins en apparence, pouvait ainsi tenir des propos si miso dès lors qu’il croyait être à l’abri d’une oreille indiscrète ? Est-ce une simple question de dynamique de groupe, des gars se laissant entraîner par les propos décomplexés des autres ? Possible, probable même, surtout à un certain âge. Après tout, quand adolescente je partageais ce type d’espace, j’ai moi-même parfois pu feindre une connivence en m’obligeant à rigoler à des blagues salaces. Pourquoi je faisais ça ? Par adhésion ? Parce que je trouvais cela vraiment amusant ? Non, je feignais de tels comportements car j’avais peur que l’absence de réaction de ma part entraîne des conséquences négatives. Conséquences qu’à mon grand désarroi j’avais pu connaître au collège, de la part d’autres garçons de mon âge, qui voyant que je n’entrais pas dans leur jeu, ont voulu me montrer ce que ça voulait dire « être un mec ».

Je vous épargnerai les détails.

Bref, au lycée, si je pouvais feindre une telle connivence, c’était pour m’éviter de nouvelles mésaventures. Par rapport à ma propre expérience, je conçois donc que nombreux mecs puissent ainsi glisser dans une dynamique de groupe, non par adhésion, mais peut-être davantage pour s’éviter des soucis. Je crois que ce mimétisme social, par défense, protection, peur du rejet, peur de montrer des traits pas assez «masculins », concerne aussi les mecs cis : il y a comme cette règle implicite qu’il faudrait montrer qu’on n’est pas efféminé, qu’on n’est pas « gay », qu’on est de « vrais » hétéros, qu’on est fort, qu’on ne pleure pas, qu’on est capable de rire de tout, surtout du plus déshumanisant ou insultant, etc.

Dans cette vidéo, Léo parle de cette peur des mecs d’être perçu comme faible, efféminé, ce qui les conduit à adopter des attitudes et comportements, telles que ceux évoqués plus haut dans les vestiaires : 

Il y a donc tout un tas de raisons qui expliquent le pourquoi de ce type de comportement dans les vestiaires des mecs, et loin de moi l’idée de glisser vers la généralité, la caricature, ou vers un jugement péremptoire.

Si j’en parle ici et maintenant, c’est parce que cette expérience de meuf infiltrée dans les vestiaires de mecs ne cesse de me revenir en tête depuis que j’ai commencé à écrire ce dossier sur l’effet Trump, plus particulièrement quand j’ai poursuivi mes lectures sur l’expression des préjugés qui dépend de la configuration de certains environnement sociaux. Et les vestiaires genrés sont des environnements sociaux très particuliers : collectif, mais à l’abri des oreilles indiscrètes, entre mecs, parfois entre potes. Le type d’environnement où certains peuvent vraiment se lâcher, exprimer des préjugés qu’ils taisent au quotidien, comme Paul, ce gars profem en public, violemment sexiste en privé.

Je vois dans cette expérience personnelle toute la force de la norme sociale : dans la vie publique, ce type de discours sexiste est condamné ; dans les vestiaires entre mecs, dans un entre-soi où aucune meuf ne vous entend (parfois si, coucou !), pourquoi s’en priver ?

Si nous devions évaluer la force des préjugés d’un groupe, à votre avis, où les discours seraient-ils les plus « sincères », où pourrions-nous tenter de saisir les préjugés les plus authentiques : dans l’espace public ou dans les vestiaires ?

Voilà une interrogation qui me taraude depuis des lustres. Et ça tombe bien, c’est notre investigation du jour.

Mais avant de poursuivre : petit point vocabulaire.


▶ Stéréotype, préjugé et discrimination


Depuis le début, nous avons souvent utilisé les notions de « préjugés », de « discriminations », ou encore de « stéréotypes ». Si ces trois notions sont interconnectées, elles ne sont pas à confondre :

  • Le stéréotype est une croyance quant à des caractéristiques que l’on généralise à l’ensemble d’un groupe. Ces stéréotypes peuvent être négatifs (par exemple « les filles (groupe) sont nulles en math (caractéristiques) ») ou dit positif (par exemple « les femmes sont douces et empathique ». À noter que les stéréotypes positifs sont tout aussi problématiques que ceux négatifs :
    • dire d’un groupe qu’il a telle qualité, sous-entend que les membres en dehors de ce groupe ne l’auraient pas (ou moins par exemple que les hommes seraient moins empathiques)

    • les stéréotypes positifs d’un groupe peuvent contribuer à justifier des hiérarchies sociales contre ce même groupe, car dire que les « femmes sont douces et empathiques » peut permettre de justifier la prédominance des hommes aux postes de pouvoir, selon cette idée (bien caricaturale mais malheureusement encore répandue dans la société) que pour être un bon leader il faudrait faire fi de ses émotions, de son empathie, etc. (le fameux Raison VS émotion ; on ne le répétera jamais assez, mais cette idée de vouloir opposer raison et émotion n’est pas seulement erronée quand il s’agit de mieux saisir nos attitudes et comportements, davantage elle a un potentiel de préjudice fort car tout à fait approprié pour alimenter des croyances sexistes et justifier des hiérarchies sociales)1

    • ces stéréotypes positifs peuvent être internalisés par le groupe ciblé, amenant ses membres à accepter des inégalités (« en tant que femme, il est normal que je sacrifie mon activité professionnelle pour m’occuper des enfants, contrairement à mon mari, car en tant que femme je possède davantage les qualités empathiques de pouvoir le faire »).

    • ces stéréotypes positifs peuvent être introjectés (c’est-à-dire on tente de les suivre pour éviter la honte ou pour être valorisé) et constituer une pression (sociale et/ou personnelle) au quotidien, surtout lorsque la personne n’arrive pas à les atteindre tout en pressentant l’injustice, mais n’en ayant pas pleinement conscience (« j’ai encore parlé trop fort et pas assez doucement, tout le monde me regarde de travers, qu’est ce que je suis nulle de ne pas réussir à être douce et ça me met en colère aussi de devoir le faire pour être accepté »)

  • Le préjugé : Si le stéréotype est une croyance, le préjugé est davantage une réaction affective négative que l’on a à l’égard d’un groupe. Ainsi, les préjugés négatifs se conjuguent le plus souvent avec des stéréotypes négatifs. Par exemple, si je crois que les « Bretons » sont hostiles et agressifs (=stéréotypes négatifs), j’aurais tendance à me méfier d’eux (=réaction affective). La méfiance, le dégoût, le sentiment d’être menacé, la peur d’être « contaminés », sont autant d’émotions et de sentiments qui sont au cœur des préjugés. Les discours de haines sont des manifestations explicites de très forts préjugés.
Ces dangereux Bretons : une menace pour la France !
  • La discrimination : désigne le comportement négatif que nous pouvons avoir vis-à-vis d’un groupe et de ses membres. On parle de discrimination quand les traitements sont différenciés d’un groupe à l’autre, discrimination qui s’appuie sur des préjugés et stéréotypes négatifs. Par exemple, si je crois que les femmes trans sont dangereuses, je pourrais, en tant que personne non trans, militer contre leur accès à certains espaces publiques ou collectifs (tels que les toilettes pour femmes). De tels comportements sont associés à ces croyances que les femmes trans seraient dangereuses, ce qui relève de forts préjugés (= peur, dégoût, etc.) s’articulant sur des stéréotypes négatifs (= « les femmes trans sont dangereuses, car malades, perverses», etc.).

Résumons tout cela en un tableau :

Stéréotype

Préjugé

Discrimination

Qu’est-ce que c’est ? Croyance Affect, émotion, sentiment ; attitude évaluative (« je n’aime pas tel groupe ») ; jugement de valeur Comportement qui peut aller du registre non verbal (par exemple un regard insistant, méprisant ou évitant) jusqu’à des comportements agressifs (insultes, intimidation, violence physique…)
Valence Peut être positif ou/et négatif Plus souvent négatif Négatif
Quel rapport on en a ? On peut avoir connaissance des stéréotypes sans pour autant les croire ni en être influencé. On croit les stéréotypes négatifs, sans forcément l’assumer. Ces comportements sont associés à des préjugés négatifs, eux-mêmes associés à des stéréotypes négatifs
Pour quelle fonction ? Ils nous permettent par exemple de simplifier notre environnement social, de catégoriser ; de distribuer des rôles ; de valoriser notre groupe d’appartenance ; d’avoir l’impression de pouvoir anticiper les comportements d’autrui ; de justifier des attitudes et comportements. Par les préjugés, nous évaluons, nous jugeons socialement négativement un groupe, ce qui peut notamment permettre de s’autovaloriser, soi et son groupe d’appartenance. Manifestation comportementale (=mise en action) de préjugés (assumés ou non).
Exemple de définitions issues de la psychologie « Croyances partagées concernant les caractéristiques personnelles, généralement des traits de personnalité, mais souvent aussi des comportements, d’un groupe de personnes »

(Leyens, Yzerbyt, & Schadron, 1996).

« ensemble d’attitudes (le plus souvent négatives) envers un groupe social donné. » Girondola, Demarque, Lo Monaco, 2019 « ensemble de comportements (le plus souvent négatifs) émis envers les membres d’un groupe social donné du simple fait de leur appartenance à ce groupe. » (Girondola, Demarque, Lo Monaco, 2019)

Ce qui va donc nous intéresser désormais, ce sont les préjugés, car ceux-ci sont associés à des croyances négatives vis-à-vis de groupes sociaux (stéréotypes) et alimentent l’émergence de comportements préjudiciables et haineux (discrimination).

Et comme nous le signalons dans le présent tableau, avoir des préjugés ne signifie pas pour autant qu’on en a conscience, ou qu’on les assume : très souvent d’ailleurs, les préjugés vivent plutôt cachés.


▶ Nos préjugés jouent à cache-cache


On confond bien souvent l’expression de préjugés avec les préjugés internes, authentiques :

  • Les préjugés authentiques (ou interne) sont enracinés dans le système de croyances de l’individu, sans que celui-ci en soit parfaitement conscient ou ne l’assume complètement.

  • L’expression des préjugés est un autre niveau, puisqu’il s’agit d’exprimer publiquement ses préjugés, ce qui implique de les assumer a minima (quoique, comme nous le verrons plus tard, il peut y avoir des expressions à forts préjugés non assumés, on en reparlera dans la prochaine partie).

Or, il y a souvent un gouffre entre les préjugés authentiques et l’expression des préjugés : par exemple, il n’est pas impossible de se dire « tolérant », engagé pour l’égalité, la lutte pour les minorités, l’aide aux migrants, le soutien aux luttes féministes et aux droits des personnes LGBT+ (etc.), tout en ayant d’importants préjugés à l’égard d’un ou de plusieurs de ces groupes.

Pour le dire autrement : l’expression d’un soutien à l’égalité et aux luttes progressistes ou l’absence de préjugés dans le discours n’est pas la preuve d’une absence authentique de préjugés.

L’arbre qui cache le préjugé

Dire « je ne suis pas raciste », « je ne suis pas sexiste », « je ne suis pas homophobe », « je ne suis pas transphobe » (etc.) n’est pas performatif (surtout quand ces déclarations sont immédiatement suivis d’un « mais ») ; il est bien plus révélateur d’interroger les comportements effectifs pour se faire une idée de l’absence ou de la présence de préjugés et de comportements discriminants, plus que de s’en tenir uniquement au discours affiché.

Mettons qu’un homme se dise très engagé dans le féminisme et dans la lutte contre le sexisme, ne cesse de l’afficher publiquement dans ses propos et ses engagements ; mais qu’en même temps, quand il s’énerve lors d’un désaccord avec une femme, commence à manifester un comportement méprisant qu’il ne se serait jamais permis d’avoir vis-à-vis d’un autre homme pour un même désaccord, allant jusqu’à l’utilisation d’une rhétorique et de comportements sexistes (« vous savez ma petite dame… », « je comprends mieux que vous vos propres écrits ou votre propre domaine d’expertise », « vous vous emballez ! », « vous êtes bien trop émotionnelles », voire des références animalière tel que « poulette », « bichette », etc.), on peut voir là d’importants indices de préjugés internes non assumés (à mille lieux de cet affichage publique « non sexiste »).

Il en va de même pour tout préjugé vis-à-vis de groupes marginalisés, tels que des préjugés racistes, xénophobes, homophobes, validistes, etc.

D’où viennent nos préjugés authentiques ? Comment se forment-ils ?

Panorama rapide (non exhaustif)

  • Via l’éducation au sein de la famille (Aboud, 1988; Epstein et Komorita, 1966; Frenkel-Brunswik, 1948; Hassan, 1977; Mosher et Scodel, 1960; Raman, 1984; Rohan et Zanna, 1996).
  • Via un apprentissage culturel direct, notamment entre pairs à l’adolescence (Bagley et Verma, 1979; Patchen, 1982)
  • Via les médias (Foster-Carter, 1984 ; Milner, 1983)
  • Via la perception de situations de menace répétée (réelle ou fictive) (Stangor et Crandall, 2000; Stephan et coll., 2002 ; Dollard , Doob , Miller , Mowrer et Sears, 1939).
  • Via la construction de son identité sociale (Abrams & Hogg, 1988; Brewer, 1979; Brown, 1995)
  • Via la diversité de nos expériences sociales, une faible expérience pouvant alimenter des préjugés (Altemeyer 2006)
  • Via certaines dispositions personnelles, telles que l’intolérance à l’ambiguïté, le besoin plus ou moins grand à la norme et à la fermeture cognitive (Goffman, 1963 ; Jost 2021 )
  • Conflit intergroupe, mis en concurrence (Le Vine et Campbell, 1972), cela renforce les biais pro-endogroupe, et donc par voie de conséquence cela peut produire des stéréotypes et préjugés à l’encontre des groupes extérieurs perçus comme adversaire (là encore, la question n’est pas de savoir si l’adversité est avérée ou non, puisque réelle ou fictifs cela revient au même dans la formation de préjugés négatifs).
  • Les croyances et affinités idéologiques qui prônent le statut quo et justifient les inégalités sociales (Jost 2021 pour une revue complète)
  • Les croyances religieuses (Isherwood et McEwan, 1994) : les croyances religieuses, surtout quand elles sont acquises dès le plus jeune âge dans un environnement fortement religieux, peuvent être un puissant levier normatif de préjugés, permettant en plus de justifier ces derniers, de les exprimer sans honte et culpabilité, car on a appris à considérer ces mœurs religieuses comme « bonnes ». Nuance tout de même, selon la manière dont ces croyances ont été internalisées elles peuvent aussi participer à diminuer certains préjugés.

Notons que les préjugés sont davantage tournés vers des groupes sociaux perçus de faible statut et/ou éloigné de son groupe d’appartenance2.

Ainsi, on peut distinguer les discours explicites d’absence ou présence de préjugés, et nos préjugés authentiques, à savoir qu’en général – tout du moins actuellement dans la société – on préfère ne pas exprimer ses préjugés authentiques, les cacher aux autres, voire se les cacher à soi-même.

Pourquoi ?

Parce que « les gens suppriment les préjugés à la fois pour maintenir une apparence sans préjugé et pour nier les préjugés envers eux-mêmes et maintenir un concept de soi sans préjugé » (Schaffner, 2020).

Cette distinction n’est pas une simple nuance. En psychologie, quand il est question de mesurer la force des préjugés d’un individu ou d’un groupe, les chercheurs ne vont pas se contenter de les interroger directement : les participants pourront avoir tendance à masquer ce type d’attitudes. Les psychologues vont donc passer par des mesures plus indirectes, en utilisant plusieurs dispositifs.

Par exemple :

  • Différentes échelles de mesure présentées telle sorte à ce que les participants ne pourront savoir ce qui sera précisément mesuré, et donc auront moins recours à l’auto-censure quant à leur position. On sait qu’un haut score à une échelle qui n’est pas spécifique à la mesure de préjugés permet tout de même de prédire la force des préjugés vis-à-vis de certains groupes sociaux (c’est le cas par exemple des échelles de l’autoritarisme, tel que le RWA et le SDO qui sont parmi les échelles qui prédissent le mieux les préjugés des individus et des groupes).

  • Des méthodes de contournement pour amener les participants à être sincère dans leur réponse. Par exemple, au siècle dernier, les chercheurs utilisaient parfois la technique du « Bogus pipline », qui est un faux polygraphe (détecteur de mensonge). Il s’agit ainsi de faire croire au participant que le chercheur est en capacité de mesurer la sincérité de ses réponses (ce qui n’est pas vrai bien sûr), ce qui amènera le participant à être bien plus sincère dans ses réponses (car il ne voudrait pas qu’on le prenne pour quelqu’un de malhonnête). Oui, les psychologues sont des petits filous.

  • Des tests ultra rapides (pour ne pas laisser de temps aux gens de trop réfléchir et de rationaliser les empêchant ainsi de masquer leurs préjugés). Ce type de mesure est à prendre avec des pincettes, car il peut parfois être difficile de saisir ce qui est vraiment mesuré3.

  • Divers dispositifs de mesure physiologique (tel que l’IRMf, l’EEG par exemple)4.

  • Etc.

Bref, vous l’avez compris, pour rendre compte des préjugés authentiques, on doit souvent ruser.

Après bien sûr, tout dépend du pourquoi les individus masquent leurs préjugés, du contexte.

C’est justement pour mieux saisir les motivations qui poussent à supprimer ou à justifier ses préjugés en fonction du contexte que les psychologues ont proposé des théories à « doubles facteurs », dont celle de Crandall & Eshleman 2003 qui va davantage nous intéresser.


▶ Les préjugés ON/OFF


Distinguer les préjugés authentiques de l’expression de préjugé permet d’explorer ce qu’il y a entre les deux, c’est-à-dire les motivations qui nous poussent à les justifier (donc à les maintenir jusqu’à leur expression) ou au contraire à les supprimer (donc à ne pas les exprimer, ce qui peut contribuer à une diminution de ses préjugés authentiques).

Cette distinction est au cœur de la théorie de Crandall & Eshleman (2003) proposant un modèle de justification/suppression des préjugés (= Justification-Suppression Model, JSM), qu’on pourrait définir selon l’analogie d’un interrupteur ON/OFF : selon le contexte et des motivations spécifiques, on peut s’autoriser à exprimer des préjugés (ON) ou au contraire s’y refuser (OFF)5.

Ce modèle de préjugés ON/OFF peut se révéler particulièrement éclairant pour mieux saisir l’effet Trump, et plus encore. C’est pourquoi j’aimerai qu’on s’y attarde quelque peu.

Selon la JSM, quand il est question de préjugés, nous pouvons avoir deux motivations différentes (et possiblement concurrentes) qui ne sont pas sans conséquence sur nos attitudes et comportements. Par exemple, concernant l’expression ou non de préjugés racistes :

« Les gens essayent simultanément de satisfaire deux motivations concurrentes, basés sur (a) les préjugés racistes et (b) la motivation à supprimer les préjugés. Ce conflit crée des émotions ambivalentes, une instabilité comportementale et une incohérence cognitive ». Crandall & Eshleman 2003

Autrement dit, si j’ai des préjugés racistes, je pourrais vouloir les exprimer. Mais en même temps, je pourrais au contraire tout faire pour ne pas l’exprimer, parce que je pourrais anticiper que cette expression raciste serait mal perçue, ou parce qu’il me serait insupportable pour moi-même de me considérer comme raciste.

Je pourrais même condamner l’expression raciste d’une autre personne, alors que j’exprimais le même racisme dans un autre cadre. En condamnant cette personne pour des propos de tel propos qui aurait pu être les miens, cela peut me rassurer quant au fait que je ne suis pas moi-même raciste.

Vous devinez que de telles motivations contradictoires ne sont pas sans conséquences : cela peut être source d’un véritable conflit intérieur entre les préjugés authentiques que l’on a, qui sont puissants, et notre motivation à les supprimer, du moins à ne pas vouloir les exprimer, selon des facteurs qui peuvent être extérieurs (normes sociales d’égalité raciale par exemple) ou des facteurs plus internes (ses propres valeurs, tel que l’égalité ou la tolérance par exemple).

Si je me mets à soutenir une expression socialement mal perçue dans mon environnement, je risque d’être mal perçu, ou je me risque à me percevoir moi-même en contradiction avec les valeurs que je crois/veux défendre. Pour éviter cette pénibilité, je peux être conjointement motivé à vouloir supprimer de tels préjugés.

Mais dans d’autres cas, je peux exprimer des préjugés sans inconfort psychologique. C’est ce qu’on retrouve dans mon anecdote précédente, dans les vestiaires des mecs : Paul se serait-il autorisé à exprimer de tels propos sexistes en dehors des vestiaires, face à des femmes ? se serait-il permis de tenir de tels propos, sans filtre, sur les réseaux sociaux ?

Le vestiaire des mecs est dans mon illustration un environnement pouvant mettre sur ON l’expression de préjugés sexistes.

Là encore, on voit la force de l’influence normative : dans la vie publique, ce type de discours sexistes est condamné ; dans les vestiaires entre mecs, dans un entre-soi où aucune meuf ne vous entend (parfois si, coucou !), pourquoi s’en priver ?

Bien sûr, quant à mon exemple du vestiaire, on peut nuancer. Comme je le disais plus tôt, il m’apparaît plus que probable que de nombreux gars ont davantage exprimé de tels préjugés par mimétisme, peut-être par désirabilité sociale (ne pas être écartés du groupe sous prétexte qu’on refuse de rire avec eux par exemple). Après tout, moi-même à l’époque, surtout au lycée, par peur d’être ostracisé, je me forçais à ne rien laisser paraître quant à ma gêne de tel propos, et je suppose qu’il en a été de même pour d’autres.

Il n’en demeure pas moins qu’à la lecture de ce champ d’études sur les préjugés, ce vestiaire des mecs m’apparaît comme en écho avec ce commutateur ON/OFF.


▶ Les deux grandes motivations


Résumons donc ce que sont ces deux grandes motivations selon la JSM.

Crandall et Eshleman en identifient deux types qui peuvent justifier ou supprimer les préjugés :

  • Les motivations dites externes, c’est-à-dire qui impliquent les normes sociales, le regard d’autrui, sa propre perception par rapport à autrui. Par exemple, si je sais (ou crois) que mes préjugés ne sont pas acceptables dans la société, je pourrais renoncer à les exprimer publiquement, car je veux éviter d’être mal perçu ou être bien perçu.

Si nous devions traduire ce type de motivation selon la théorie de l’autodétermination de Deci et Ryan, nous parlerions ici de motivation extrinsèque à régulation, introjectée, ou à régulation identifiée fermée (source de conflit interne donc)6.

  • Les motivations dites internes. Par exemple, selon diverses raisons dans lesquelles je me reconnais (tel que des valeurs que je poursuis, comme l’égalité, la tolérance, etc.), je travaille à la suppression de mes préjugés non pas pour me conformer à des normes extérieures, mais pour être plus en phase avec mes propres convictions et engagements personnels.

Si nous devions traduire ce type de motivation selon la théorie de l’autodétermination de Deci et Ryan, nous parlerions ici de motivation extrinsèque à régulation identifiée, voire intégrée.

On remarquera ici que ces deux types de motivation ne sont pas anodines, car si on porte focus sur la diminution des préjugés authentiques, on remarquera que ce sont encore une fois les motivations dites internes (ou autonomes selon la théorie de l’autodétermination) qui sont les plus puissantes.

En effet, si par motivation externe (ou non-autonomes selon la théorie de l’autodétermination) j’évite d’exprimer mes préjugés, cela ne change pas grand-chose quant à mes préjugés authentiques. C’est juste que je les cache car je sais qu’ils seront socialement mal perçus. Mais si la norme sociale change, si ces préjugés que je cachais jusqu’ici sont désormais socialement acceptés dans la société (car le discours serait banalisé dans les médias par exemple), j’y verrais comme une permission à pouvoir moi-même les exprimer, je passerai en mode ON : il n’y a plus de risques à être mal perçu, au contraire il est bien perçu de les exprimer.

Souvenez-vous de notre exemple de Bob et Lucie dans la partie précédente. Bob respectait le parc par motivation introjectée (on parlerait de motivation externe selon la JSM), contrairement à Lucie qui respecte ce lieu par motivation plus intégrée (motivation interne selon la JSM). Si la norme sociale change, le comportement de Bob en sera modifié, et il ne se préoccupera plus de respecter ce lieu, contrairement à Lucie.

Sur la question des préjugés racistes ou sexistes, c’est exactement la même logique.

Crandall & Eshleman (2003) se sont donc essayés à mieux saisir ce qui peut supprimer ou justifier nos préjugés.

Suppression VS justification des préjugés

Panorama inspiré par la JSM de Crandall & Eshleman 2003

OFF Suppression de l’expression des préjugés

ON Justification de l’expression des préjugés

Normes sociales d’égalité Normes sociales non égalitaires (par exemple une société où la ségrégation raciale est tolérée, voire inscrite dans la loi).
Empathie => Les sentiments d’empathie peuvent supprimer l’expression des préjugés (voir les préjugés eux-mêmes). En pratique, les psychologues mettent en place des situations propices à l’empathie pour réduire les préjugés, tel que des jeux de rôles, des exercices de mise en perspective, etc. Manque d’empathie => le manque d’empathie peut faciliter l’expression de préjugés, notamment via des processus d’infra humanisation et/ou déshumanisation (on ne reconnaît pas autrui comme semblable, on le considère comme « sous » humain, voire « non » humain).
Environnement public => on exprime moins de préjugés en public qu’en privé, sauf si l’environnement public est tolérant à ce type d’expression [Crosby & Coll. 1980] Environnement privé ou permissif en terme de préjugé voire valorisant les préjugés => on s’autorise davantage à exprimer des préjugés en privé, ou alors dans un environnement où l’on pense être autorisé à le faire [comme avec notre illustration des vestiaires pour hommes]. Dans les contexte de valorisation de préjugés on peut aussi se sentir « obligé », pour ne pas être mal perçu ou risquer d’être ostracisé, d’en émettre même si on n’en a pas vraiment.
Avoir une bonne image de soi & autoprésentation => on peut soi-même réprimer ses propres préjugés car nous n’aimons pas ce que ces derniers disent de nous-mêmes (ce qui peut entraîner de la honte, de la culpabilité). On engage donc un travail personnel pour les diminuer, tout du moins en supprimer leurs expressions Autoprésentation, être bien perçu => si nous accordons beaucoup d’importance à être bien perçu par autrui et que nous apprenons que nous sommes dans un groupe qui manifestent d’importants préjugés, nous pourrons exprimer des préjugés.
Attribution causale => les profils qui tiennent davantage compte des différents facteurs causaux, dont des causes situationnelles, pourront s’éviter des jugements sociaux défavorables vis-à-vis de groupes défavorisés.7 Attribution causale => les profils plus enclins aux explications internes (erreur fondamentale d’attribution), et aux biais pro-endogroupe (erreur ultime d’attribution) trouveront davantage de justification quant à l’expression de préjugés. Ces attributions causales, motivées par des préjugés authentiques, peuvent conduire à des logiques de boucs-émissaires.
Religion => dans certains cas, si la religion est enseignée de manière ouverte, autonomisante et selon des valeurs de tolérance et d’ouverture, le croyant peut être amené à supprimer ses préjugés afin d’être en cohérence avec sa foi Religion => dans certains cas, si la religion est enseignée et acquise de manière dogmatique, dans des formes contrôlantes (punition, menace irrespect des besoins des personnes, etc.), avec des croyances alimentant l’intolérance vis-à-vis de certains groupes sociaux, cela pourra justifier l’expression de préjugés. On retrouvera cela dans les fondamentalismes religieux.
Idéologie => les idéologies dites progressistes sont généralement associées à des préjugés moindres (car associées à des valeurs d’égalité, de tolérance, d’acceptation des changements sociaux, etc.) Idéologie => les idéologies dites normatives telles que le conservatisme de droite sont généralement associées à des préjugés plus importants. Les croyances idéologiques autoritaires (tel que celles que l’on trouve associées au RWA, l’autoritarisme de droite d’Altemeyer) alimentent l’expression des préjugés ainsi que la discrimination.
Système de valeurs = Les valeurs auxquelles on adhère peuvent nous permettre de supprimer l’expression des préjugés, ainsi que les préjugés eux-mêmes. Par exemple, les valeurs dites humanistes (égalitaires) sont associées à des attitudes positives envers un large éventail de groupes défavorisés. Système de valeurs = les valeurs normatives peuvent au contraire justifier l’expression de préjugés, celles-ci étant associé à des erreurs naturalistes et à la préservation du statu quo (par ex : « ce qui est, est bon »).
Autonomie = les normes personnelles de l’individu sont un puissant levier de motivation plus internalisées et autonomes contre les préjugés, indépendamment des normes sociales en vigueur (une personne autonome demeurera ainsi tolérante, même si les normes sociales, le climat politique, ou son environnement, banalisent voire encouragent l’expression des préjugés). Manque d’autonomie = si la suppression de l’expression des préjugés n’est pas suffisamment internalisée/autonome, l’individu sera dépendant des normes sociales en vigueur. Autrement dit, si les normes sociales d’égalité sont chamboulées, voire que l’environnement social semble permettre l’expression de préjugés, l’individu se sentira comme « autorisé » à exprimer des préjugés [c’est ce qu’on retrouve avec l’effet Trump]

▶ L’intérêt des normes sociales : quelques nuances importantes !


On voit à travers ce tableau que certains leviers de suppression des préjugés sont plus fragiles que d’autres, notamment ceux qui sont dépendants de normes extérieures, de l’environnement social.

Les normes sociales d’égalité (notamment d’égalité raciale) peuvent ainsi contribuer à supprimer l’expression de préjugés, mais il ne faut pas oublier que cela ne sera pas du même effet en fonction des motivations qui nous amènent à suivre ou non de telles normes.

Si ce qui m’importe est d’être bien perçu par mes pairs, de correspondre à ce qui socialement acceptable, donc d’éviter ce qui serait dévalorisé, je pourrais effectivement m’empêcher d’exprimer des préjugés racistes dans la sphère publique en fonction de cette norme d’égalité raciale. Mais dès lors que je serais dans une sphère privée ou dans un environnement que je sais plus permissif en matière de préjugés, je pourrais complètement me relâcher et tenir des propos avec une connotation raciste, voire explicitement raciste. Et si plus encore la norme sociale d’égalité est perturbée, avec par exemple la montée au pouvoir de personnalités politiques et/ou médiatiques qui banalisent de tels discours (comme Trump), je pourrais alors m’autoriser davantage à tenir de tels propos même en public, surtout si je vois d’autres pairs en faire de même (=influence normative).

Dans les pires contextes, tels que pré-génocidaires ou génocidaires, il arrive que par conformisme et soumission à l’autorité, certaines personnes n’ayant pas vraiment de préjugés se conforment puis adoptent les préjugés – voire les mettent en œuvre avec le massacre -, simplement pour éviter l’ostracisation (Semelin 2005 ; Hatzfeld 2000, 2003, 2007 ; Browning 1992 ; Sereny 2013) ; ceci étant dit, il y a également toujours une petite minorité (mais parfois très puissante) qui résiste activement.

Mais une telle dépendance à l’influence normative serait bien moindre si la suppression de préjugés se faisait selon des régulations à causalité plus autonome, par exemple selon des valeurs personnelles que j’aurais au préalable puissamment internalisé (telles que des valeurs humanistes par exemple). En ce cas, je serais moins dépendant des bouleversements de normes sociales, et si par exemple mon pays devait un matin être dirigé par un politicien autoritaire, explicitement raciste, et soutenu par une part importante de la population, jusqu’à rendre l’expression de préjugés sociablement acceptable, cela ne changerait rien quant à mon engagement contre le racisme, le sexisme, l’homophobie, etc.

On peut citer l’exemple des sauveurs durant la seconde guerre mondiale : les sauveurs avaient profondément internalisés des valeurs prosociales, ce qui a constitué une puissante motivation à secourir des personnes discriminées et ciblées, alors que l’environnement social promouvait au contraire la soumission aux autorités et à la collaboration. Viciss en parle dans ce dossier :

https://www.hacking-social.com/2019/03/25/pa1-la-personnalite-altruiste/

Autrement dit, seuls les motivations autonomes où sont internalisé la valeur, l’utilité sociale et personnelle de ne pas avoir de préjugés constituent de puissants remparts contre les préjugés, et ce de manière pérenne. Malheureusement, ce sont aussi des motivations bien plus rares. Bien que cela soit difficile à vérifier, il est probable que de nombreuses personnes en faveur de l’égalité, de la tolérance, n’aient pas pleinement intégré de tels engagements, peuvent avoir des préjugés authentiques latents, quand bien même ils ne souhaitent pas se l’avouer, ce qui les rend potentiellement plus susceptibles de glisser selon les circonstances vers des attitudes et comportements préjudiciables.

Cela nous permet ainsi de saisir un enjeu et une nuance de taille : les normes sociales d’égalité permettent effectivement de réduire l’expression des préjugés, mais elles ne réduisent pas directement les préjugés authentiques. Si la norme sociale d’égalité est perçue comme trop pressante, cela peut même conduire à un effet inverse via par exemple des processus de réactance (Plant et Devine 1998, 2001).

Qu’est-ce que la réactance ? Nous en parlons ici : 

Sur ces effets boomerang, nous aurons l’occasion d’y revenir plus tard.

Pour autant, il ne faut pas non plus sous-estimer l’importance de la norme sociale d’égalité, car à défaut de modifier directement les préjugés authentiques elle permet dans un premier temps de faire digue contre des attitudes et comportements préjudiciables ; dans un deuxième temps, puisque les préjugés sont moins exprimés, elle peut à long terme de manière indirecte réduire la transmission de stéréotypes négatifs lors de la socialisation des enfants (autrement dit, cela peut réduire fortement la formation de préjugés authentiques).

Vous comprenez donc bien qu’on est là dans un processus de diminution qui se compte en décennies, mais on sait que cela porte ses fruits. Prenons l’homophobie en France par exemple, et regardez le chemin parcouru en une vingtaine d’années seulement : on constate que les jeunes générations sont bien plus tolérantes et ouvertes. Cela n’est sans doute pas dû uniquement à un respect des normes sociales d’égalité, mais sans doute davantage à un développement moindre de préjugés authentiques. Pour ces raisons, certaines personnes d’ancienne génération peinent à comprendre une telle flexibilité en matière de sexualité et d’identité de genre (pour les plus défiant, certains y verraient une énième preuve de la toute-puissance du lobbying LGBT+).

La norme sociale d’égalité est donc indispensable pour réduire sur le long terme de manière indirecte la formation de préjugés authentiques, mais elle n’est pas à court terme suffisante pour diminuer des préjugés déjà présents, si ce n’est qu’elle réduit plutôt leur expression. C’est là une nuance de taille, car cela démontre à la fois son importance pour une vie en société plus apaisée, sans pour autant qu’on puisse en faire LA solution quant à la diminution effective des préjugés authentiques, si ceux-ci sont déjà profondément ancrés.

Il est ainsi indispensable d’adjoindre d’autres dispositifs à la norme sociale d’égalité, comme donner des opportunités d’augmenter les capacités empathiques des personnes, permettre un développement social des individus et des groupes, et penser davantage à des environnements sociaux propices au développement de l’autonomie et de l’autodétermination.

Nous y reviendrons à la fin de ce dossier.

Ce modèle des préjugés ON/OFF (la théorie de la JSM donc) nous permet aussi d’identifier plus facilement les préjugés cachés dans les discours des uns et des autres ; plus encore, cela peut aussi nous permettre d’envisager des pistes afin de pouvoir mieux les éventrer et donc de court-circuiter leurs effets quand ceux-ci sont tenus dans un espace publique et/ou médiatique.

C’est ce que nous verrons dans notre prochaine partie !


Bibliographie partielle


  • Leyens, Yzerbyt, Schadron, Stéréotypes et cognition sociale, 1996
  • Brian F. Schaffner, The Acceptance and Expression of Prejudice during the Trump Era, 2020
  • GIRANDOLA Fabien, DEMARQUE Christophe, LO MONACO Grégory, « Chapitre 7. La perception sociale : formation d’impression, stéréotypes, préjugés et discrimination », dans : , Psychologie sociale. sous la direction de GIRANDOLA Fabien, DEMARQUE Christophe, LO MONACO Grégory. Paris, Armand Colin, « Portail », 2019
  • Yzerbyt & Klein, Psychologie sociale, 2019
  • Mendelberg T, The Race Card: Campaign Strategy, Implicit Messages, and the Norm of Equality, 2001
  • Candall & Eshleman, A justification-suppression model of the expression and experience of prejudice, 2003
  • Devine, P. G., Plant, E. A., Amodio, D. M., Harmon-Jones, E., & Vance, S. L. (2002). The regulation of explicit and implicit race bias: The role of motivations to resp

    on peut distinguer les discours explicites d’absence ou présence de préjugés, et nos

    ond without prejudice. Journal of Personality and Social Psychology

  • Viciss Hackso, En toute puissance, 2021 https://www.hacking-social.com/2021/09/17/en-toute-puissance-manuel-dautodetermination-radicale/

Notes de bas de page


1 L’idée que les femmes seraient plus douces, empathiques, plus aptes au social, est aussi un stéréotype qui peut contribuer à les réduire à des activités de soin et de prosociabilité, tout en permettant aux hommes à justifier leur désengagement de ces mêmes activités. En plus de maintenir des hiérarchies sociales portant préjudice aux femmes, cela peut aussi être préjudiciable dans la sociabilisation des hommes qui pourront apprendre sous pression normative à étouffer leurs émotions, à s’interdire certaines activités pourtant empuissantantes telles que les activités du care (prendre soin d’autrui), etc.

2 Nous en parlions dans notre article introductif à la fachologie à propos des préjugés généraux : « de nombreux chercheurs ont récemment remis en cause cette hypothèse de préjugés généralisés, les résultats étant souvent contradictoires et semblant donc infirmer cette idée de généralisation des préjugés. Et en effet, si on définit les préjugés dans le sens étroit d’un « nous contre eux », cela ne fonctionne pas. Plus étonnant encore, on pourra observer que des membres d’un même groupe social peuvent avoir des préjugés… à l’encontre de leur propre groupe d’appartenance et percevoir plus positivement des groupes extérieurs. C’est ce qu’on nomme des biais pro-exogroupes. Alors pourquoi maintenons-nous donc ce concept de « préjugés généraux » ? Tout simplement parce d’autres travaux récents comme ceux de Bergh, Akrami, Sidanius, & Sibley, C. G. (2016) permettent de sortir de cette impasse, car si on tient compte du statut social, ce qui apparaissait comme contradictoire devient tout à faire intelligible : les gens n’ont pas de préjugés généraux relativement à leur groupe d’appartenance VS groupe extérieur, mais relativement à la hiérarchie sociale en présence, soit des préjugés exclusivement tournés vers les groupes sociaux perçus comme inférieur (en bref, les personnes perçues comme non-blanches, les migrants, les femmes, les classes sociales défavorisés, les LGBT+, etc) » https://www.hacking-social.com/2022/09/12/faut-pas-dire-facho-introduction-a-la-fachologie/

3 Je pense notamment aux controverses au sujet de l’IAT (Test d’association implicite). Pour une critique et méta-analyse concernant cette technique, voir par exemple Oswald, F. L., Mitchell, G., Blanton, H., Jaccard, J., & Tetlock, P. E. (2013)

4 Voir par exemple Amodio (2014) quant à la perspective des neurosciences.

5 Cette expression analogique « ON/OFF » n’est pas présente dans les papiers de Crandall & Eshleman, c’est une analogie que j’emploie moi-même et qui désigne leur modèle de Justification /Suppression.

6 Nous avons évoqué l’intérêt de cette théorie de l’autodétermination quant à notre investigation dans notre précédente partie.

7 Nous en parlons dans plusieurs vidéos, donc celles sur l’erreur fondamentale d’attribution ( https://youtu.be/mrXtwcGkroI ) ou encore l’erreur ultime d’attribution ( https://www.youtube.com/watch?v=Ic3xHn1E8EE ).

L’article [Fachologie #1.3] Infiltrée dans les vestiaires des mecs : les préjugés on/off est apparu en premier sur Hacking social.


Publié le 31.10.2022 à 13:37

[Fachologie #1.2] Quand les normes sociales orientent nos comportements

Précédemment, nous avions présenté l’ « effet Trump » : la rhétorique haineuse et incendiaire de Trump aurait enclenché un effet de permission aux préjugés et comportements haineux chez une partie de la population américaine.

Nous nous étions d’abord demandé si les violences de haine avaient vraiment augmenté dès son entrée en campagne et si cela pouvait être directement lié à Trump. À ces deux questions, la réponse fût oui : il y a bien eu une augmentation de la haine aux États-Unis directement alimentée par le 45ème président des États-Unis.

Cet article fait partie d’un dossier, voici les articles précédents :

Mais reste à affiner des connexions et surtout à savoir comment : est-ce une affaire d’argumentation ? Trump serait-il parvenu via sa rhétorique à convaincre une partie de la population quant à la pertinence de ses croyances racistes et sexistes ? Au contraire, ne serait-ce pas plutôt une partie de la population qui aurait initialement été plus en phase avec ce type de croyances, faisant de Trump son porte étendard ? Si les gens, à travers Trump, se sont sentis comme autorisés à tenir des propos et comportements haineux, cela n’impliquerait-il pas qu’ils avaient déjà préalablement en eux, de manière non assumée, de forts préjugés ? Et qu’en ce sens Trump n’aurait été qu’un simple déclencheur ?

Disons-le d’emblée, ce phénomène n’a rien à voir avec une quelconque forme d’argumentation, ou de persuasion. Une lecture verticale et élitiste de ce phénomène – où l’on prêterait à Trump un grand pouvoir de conviction ou de persuasion – serait une impasse.

L’hypothèse que nous allons plutôt explorer, et qui est sans doute celle la plus soutenue pour décrire cet « effet de permission », est la perturbation de normes sociales par Trump : en tant que figure politique de premier plan, et vainqueur d’une élection majeure lui donnant accès au poste suprême, les discours haineux Trump auraient rendu comme socialement plus acceptable des attitudes et des comportements qui étaient jusqu’alors davantage considérés comme socialement condamnables. Ainsi, si les stéréotypes négatifs, préjugés et discriminations ont augmenté, c’est d’abord parce que de nombreux individus qui jusqu’ici masquaient leurs préjugés se sont sentis comme autorisés à pouvoir les assumer davantage, voire pleinement. Les digues ont sauté.

Quand les digues ont sauté, les préjugés peuvent couler

Cette hypothèse implique différents concepts tels que les conflits normatifs, l’influence des normes sociales, la différence entre préjugés exprimés et préjugés authentiques, etc : cela nous dessine une nouvelle feuille de route pour notre enquête.

Pour ces prochaines parties, si je m’éloigne de l’effet Trump en parlant de ces concepts, c’est pour pouvoir mieux y revenir.

Commençons par nous attarder sur ce concept de normes sociales.


▶ Quand les normes sociales orientent nos comportements


Imaginez : vous êtes dans des toilettes publiques.

Vous vous essuyez les mains avec du papier et le jetez à la poubelle, mais vous vous loupez, le petit morceau de papier tombe au sol. Vous n’êtes pas la première personne à qui cela arrive au vu des autres déchets à terre. Les toilettes sont assez mal entretenues et un autre usager à côté de vous appuie frénétiquement sur le savon, en met partout sur l’évier et le miroir, jette son papier sur le monticule de déchets à quelques centimètres de la poubelle.

Oui, là c’est too-much j’en conviens, mon IA a été un peu zélé quant à la prise en compte de mes instructions.

Que faire ?

Il est possible de se dire : « oh et puis merde ! », et de jeter le papier n’importe où.

Vous n’auriez jamais fait ça, c’est impossible ? Je vous félicite. Mais admettons, juste pour l’illustration et la mise en perspective.

Ce n’est pas ainsi que vous agissez habituellement, mais là, vous avez eu ce comportement.

Quelques jours plus tard, vous revoilà dans des toilettes publiques : tout est clean, les gens autour de vous semblent faire attention à ne rien salir.

Bon, IA, je t’aime bien, mais quand je crois que tu buggues un peu quand je te demande de me faire des « WC » « publics», toi tu le prends vraiment au premier degré !!!

Mais votre papier rebondit à nouveau contre la poubelle. Il est là, seul, sur un carrelage brillant. Les autres usagers autour de vous, sont super-consciencieux, vous vous dites que vous n’allez quand même pas laisser vos déchets par terre ! En somme, vous vous sentez comme obligé de le ramasser et de le jeter.

Voilà donc deux situations, apparemment similaires, mais avec des comportements différents « ramasser son papier, le mettre à la poubelle» VS « ne pas ramasser son papier, quitter les toilettes en toute indifférence ». En réalité, ces deux situations ne sont pas similaires : dans un cas, nous sommes dans un environnement où les règles d’hygiène ne sont pas à l’ordre du jour, que ce soit par les usagers et/ou les gestionnaires du lieu ; dans l’autre, tout indique que les règles d’hygiène sont très importantes car suivies, là aussi que ce soit côté usager et/ou gestionnaire des lieux.

Autrement dit, la différence ici est la perception de la norme sociale, et cette perception est déterminante quant à l’orientation de nos comportements.

Qu’est-ce qu’une norme sociale ?

Une norme sociale « définit ce qui est socialement acceptable de faire et d’être en traduisant les valeurs et les idéaux dominants d’une société ou d’un groupe. Ce sont des règles collectives soutenues par l’approbation et la désapprobation »1.

Autrement dit, ces normes contribuent à déterminer nos attitudes et nos comportements. Ce ne sont pas des lois ou des règles explicites, mais davantage une « grammaire de la vie quotidienne »2.

Ces normes sociales ne sont pas les mêmes selon les contextes et environnements sociaux. Sans qu’on en ait conscience, il y a différents indices sur ces règles sociales dans les environnements, nous poussant à agir d’une manière ou d’une autre.

Autre exemple, imaginez que vous devez prendre une douche dans un lieu collectif (comme dans un internat, un campus universitaire, des vestiaires …), que vous tombez sur un panneau qui promeut l’économie de l’eau.

Voici ce qui est écrit :

1. Mouillez-vous ; 2. Arrêtez l’eau ; 3. Savonnez-vous ; 4. Rincez-vous ;

Allez-vous suivre ces recommandations ?

Cela va dépendra en partie de votre perception des normes sociales.

Dans une étude menée par Aronson et O’Leary (1982), seulement 6% des étudiants d’un campus universitaire suivaient ces recommandations.

Mettons maintenant qu’en plus du panneau, vous observez un autre étudiant respecter scrupuleusement ces consignes. Plus probable que cela vous amène davantage à faire de même.

Je dis probable, car dans cette condition expérimentale de l’étude avec un modèle (un autre étudiant qui respecte le panneau), 49% suivent les consignes.

Mettons maintenant qu’il n’y ait pas un, mais deux étudiants respectant les consignes. Là tout d’un coup, peut-être que vous sentirez encore plus obligé à les respecter. Et effectivement, dans cette condition 67% des étudiants exposés à deux modèles suivent la consigne.

Ce sont donc les comportements des autres étudiants qui ont fait de cette consigne une norme sociale : il ne s’agit plus seulement de suivre ou non une règle écrite, mais d’imiter un comportement, sinon ce serait prendre le risque d’être mal perçu.

Même sans précision explicite des règles, c’est une situation courante dans la vie quotidienne.

Attention toutefois, les normes sociales ne sont pas à confondre avec les habitudes personnelles ni avec des instincts.

Voici une synthèse de ce que sont ou ne sont pas les normes sociales ( Legros & Beniamino Cislaghi, 2019) :

Les normes sociales sont…

Les normes sociales ne sont pas…

« sociale » et partagé par certains membres d’un groupe.

Une réaction instinctive ou biologique.

Liés aux comportements et à la prise de décision éclairée.

Des goûts personnels.

Capables d’affecter la santé et le bien être des groupes de personnes

Des habitudes personnelles

Prescriptif ou proscriptif (par exemple des interdits)

des habitudes comportementales dans un groupe en raison de tendances démographiques, de choix communs faits dans le cadre d’option limitées ou de l’agrégation d’individus ayant des goûts similaires.

Évidemment, la poursuite ou non de normes sociales dépendra des motivations en jeu :

« Les gens suivent une norme non pas parce qu’ils craignent le bras de la loi ou les châtiments corporels, mais parce qu’ils veulent éviter la censure sociale ou les affres de la conscience. En termes plus positifs, les gens suivent une norme parce qu’ils recherchent l’approbation sociale ou une conception vertueuse de soi. »

Mendelberg 2001

Est-ce à dire que la poursuite ou non de normes sociales dépend de motivations exclusivement introjectées (c’est à dire faire un comportement uniquement pour éviter la honte ou pour être valorisé par les autres) ?

Pas tout à fait. Il est tout à fait possible d’invoquer des motivations plus internalisées, c’est-à-dire plus à soi.

Reprenons l’expérience précédente. Si je vois la pancarte m’incitant à utiliser moins d’eau, que j’observe des pairs qui suivent ses consignes, et que cela m’influence effectivement pour faire de même, je peux adopter comme mienne cette pratique parce que cela fait écho à des principes que j’estime importants (l’écologie par exemple ; j’ai donc là une motivation à régulation intégrée), ou parce que je m’identifie au comportement (« être une personne qui respecte les efforts collectifs », c’est une motivation à régulation identifiée). Ici ce n’est plus question de la peur d’être mal perçu qui domine le comportement, mais des réflexions ou des identifications qu’on a réfléchis et endossés dans la vie en général, quels que soient les environnements.

On ne suit pas une norme sociale uniquement parce que l’extérieur nous y presserait : parfois on est d’accord avec ses principes, ses buts, cela fait sens pour notre existence.

Viciss en a parlé à plusieurs reprises via la théorie de l’autodétermination de Deci et Ryan. Dans cette théorie, les chercheurs montrent les différentes motivations et régulations d’un individu, face à un comportement qui lui serait demandé :

Ainsi, selon la théorie de l’autodétermination, un même comportement chez deux individus peut ne pas correspondre au même type de motivation.

Par exemple, mettons que deux individus, Bob et Lucie, veillent à ne pas jeter des détritus dans un parc, voire à ramasser ceux qu’ils croisent pour les jeter dans une poubelle.

Bob s’oblige à le faire, parce qu’il a peur d’être mal perçu si on le voit jeter quelque chose par terre alors que tout est propre (ce qui démontre que personne ne se permet de jeter les choses par terre). En plus, il croise souvent des collègues dans ce parc et ceux-ci le complimentent lorsqu’ils le voient ranger les déchets : ça lui permet d’être bien perçu, d’entretenir une image de bon gars.

Lucie, comme Bob, s’assure aussi de ne rien jeter par terre, voire ramasse les détritus qu’elle croise, car cela lui importe personnellement : elle apprécie esthétiquement le parc sans déchet et est contente de participer à l’appréciation collective du lieu. En plus, elle met ici en œuvre ses principes écologiques, ce qui donne du sens à ce moment qu’elle vit.

Les comportements de Bob et Lucie sont en apparence identiques, mais les motivations ne sont pas les mêmes :

  • Bob poursuit ce comportement de ramassage de détritus par motivation introjectée. Autrement dit, Bob se conforme simplement à la norme sociale: si c’est propre, alors salir sera vu négativement, on va lui foutre la honte, l’humilier ou le regarder de travers ; s’il participe activement à la propreté alors il peut gagner en approbation sociale en s’appropriant personnellement la « gloire » de cette propreté pourtant collective.

  • Lucie, elle, poursuit ce comportement par motivation intrinsèque (elle aime bien participer à rendre joli un lieu) et par motivation intégrée (elle aime mettre en œuvre ses principes écologiques et prosociaux).

Vous allez peut-être me dire : « ok, les motivations sont différentes, mais finalement ça ne change rien, c’est du pareil au même, ils font la même chose! ». En fait, ça change tout !

Mettons que l’environnement social de Bob et Lucie change totalement, que ce soit le lieu, l’époque, les mœurs, les groupes, etc.

Cette fois, ils sont dans un parc où jeter des détritus par terre n’est pas du tout mal perçu socialement, d’ailleurs personne n’entretient l’espace. Les questions écologiques sont absentes, voire mal perçue (comme c’est le cas dans les politiques anti-environementalistes, je pense par exemple aux politiques de Trump ou encore de Bolsonaro) : Bob, qui jusqu’ici a été mû par des motivations peu ou pas du tout internalisées ne poursuivra plus ses anciens comportements. Plus encore, si jusqu’ici il se sentait comme sous pression à être le plus clean possible quant à ses détritus, il peut complétement se lâcher dans ce lieu et faire désormais tout l’inverse: pour plaire aux collègues, être perçu comme le bon gars « normal », il s’agit de jeter sans faire attention.

Un environnement social où le fait de polluer serait socialement valorisé, ça vous paraît irréaliste de nos jours ? Et pourtant ça existe. Voici un petit reportage d’Arte sur le Coal Rolling, où je vous laisse imaginer ce que serait le comportement de Bob.

Lucie quant à elle n’abandonnera pas pour autant ses comportements, car elle les a intégrés, elle ne les fait pas pour se faire bien voir, ni parce qu’elle se sent contrainte par des pressions extérieures : qu’importe si maintenant les gens la perçoivent comme bizarre ou la regardent de travers, qu’elle souffre de ce rejet, elle continuera son comportement parce que ça fait sens dans sa vie.

Il est possible que dans le cas de Lucie, son comportement de ne pas jeter ses détritus dans des espaces communs ait pu être amorcé ou encouragé par des normes sociales précédentes, mais indéniablement elle n’en est plus dépendante, ce sont des motivations autonomes, qu’elle a fait siennes, qui l’orientent désormais. Elle est autodéterminée à poursuivre sa quête, qu’importe les nouvelles menaces et pressions que cela génère.

Autrement dit, si les normes sociales peuvent orienter nos comportements, on peut toutefois les suivre ou les adopter selon différentes motivations. Être en accord avec des normes sociales en présence ne signifie pas qu’on en est dépendant ou qu’on agirait sous la contrainte de pressions extérieures.

Là est une nuance de taille, qu’on évoquera par la suite quand on abordera plus en détail les normes sociales d’égalité, notamment quant à la question du racisme et du sexisme, ou lorsqu’on explora l’effet de compensation.

Imaginez la précédente situation de Bob et Lucie, mais cette fois sur la question du racisme et non de l’écologie. Comment Bob, introjecté, réagirait dans un milieu où le racisme est décomplexé : pour éviter d’être mal perçu ou pour être perçu comme un bon gars, il exprimerait à son tour des propos racistes, s’autoriserait à les exprimer. À l’inverse, Lucie se ferait humilier quant à ses positions antiracistes, voire ostraciser, elle deviendrait rebelle malgré elle.

Vous l’avez compris, si à la base je vous parle de normes sociales et de motivations, c’est bien pour embrayer sur la question des comportements haineux.


▶ Quand l’influence normative oriente l’expression de nos préjugés


Certaines normes perçues peuvent diminuer ou augmenter l’expression de préjugés.

Illustrons cela avec une expérience de Stangor, Sechrist et Jost (2001).

Des participants blancs sont invités à se prononcer sur ce qu’ils pensent de la population noire. On leur fournit 19 traits sur lesquels ils peuvent se prononcer (en lui attribuant un pourcentage selon le degré d’accord ou de désaccord). Cette liste de traits correspond à des stéréotypes positifs (par exemple travailleurs) ou négatifs (par exemple violents).

L’idée ici n’est aucunement de faire un sondage sur la simple prévalence de stéréotypes positifs ou négatifs, mais sur la manière dont ses stéréotypes vont bouger en fonction de l’influence sociale normative.

Pour mesurer cela, les chercheurs font revenir les participants une semaine plus tard afin de leur présenter ce qui serait la moyenne de l’ensemble des participants qui ont passé ce test comme eux. Vous l’aurez peut-être deviné, ces moyennes sont fausses, elles servent en réalité à mettre en place deux conditions :

  • Dans une condition de consensus favorable, on présente aux participants des résultats de 18 à 22% plus importants que leur résultat personnel quant aux traits positifs. Autrement dit, on leur indique que les gens en moyenne donnent des traits plus positifs qu’eux aux noirs.

  • Dans une condition de consensus défavorable, on présente aux participants des résultats de 18 à 22% plus importants que leur résultat personnel quant aux traits négatifs. Autrement dit, on leur indique que les gens en moyenne donnent des traits plus négatifs qu’eux aux noirs.

Une fois que les participants ont pris connaissance du consensus général, les expérimentateurs les invitent à se prononcer une nouvelle fois sur leur attribution de traits positifs et négatifs aux personnes noires.

Vont-ils maintenir leur choix de départ ? Ou cela va-t-il bouger par influence normative, c’est-à-dire qu’ils vont essayer de démontrer qu’ils ont les mêmes idées que les autres, façon introjectée donc ?

Voici les résultats, avec les différences entre la première et seconde évaluation selon que le consensus général soit favorable ou défavorable.

Ce graphique a été reproduit à partir du modèle de Yzerbyt & Klein, 2019

On voit que les participants modifient leurs stéréotypes en fonction de ce qu’ils pensent être le consensus général :

« [Les participants] sont devenus au moins un peu plus négatifs envers les Afro-Américains après avoir appris que d’autres avaient des stéréotypes moins favorables qu’ils ne l’avaient supposé à l’origine »

Stangor, Sechrist et Jost 2001

Ainsi, un participant pourra exprimer des stéréotypes plus négatifs à l’encontre d’un groupe s’il perçoit un consensus général négatif vis-à-vis de ce groupe.

Ce type d’expérience illustre le pouvoir normatif de l’influence sociale comme facteur qui affecte l’usage de stéréotypes. On voit aussi le reflet d’un triste constat : les motivations introjectées sont plus répandues que toute autre motivation3, ainsi les personnes sont très perméables aux influences sociales, ce qui sera moins le cas pour les personnes en motivations plus internalisées (motivation intrinsèque, identifiée, intégrée). Il y a absence d’autodétermination quand il y a introjection, donc perméabilité à l’influence sociale, quel que soit la direction vers laquelle elle fasse glisser les personnes.

Il en va de même pour des normes sociales plus larges : si les individus pensent que la norme les autorise, ou tout du moins ne les empêche plus , de tenir des propos négatifs envers les Afro-américains, ils pourront se permettre de tenir des opinions qu’ils n’auraient pas exprimées dans un autre contexte où ils auraient perçu un contrôle social allant dans le sens contraire. Si on prend l’angle de la théorie de l’autodétermination, ici ce n’est pas tant qu’il faille un contrôle social plus fort, des normes assénées de manière plus virulentes. Ça n’aurait que des effets court-termistes. Le problème c’est que dans un cas ou dans un autre, les personnes ne sont pas encouragées, guidées à développer des motivations intégrées, à internaliser un respect prosocial de tous. Le respect, le prosocial n’est pas perçu comme socialement utile et bénéfique, n’est pas transmis de la bonne façon, n’est pas appris correctement, donc les gens n’internalisent pas, n’en saisissent pas le sens, à part quelques personnes en motivation intégrée à ce sujet.

Faire internaliser un respect prosocial de tous est cette quête de développement social que nous présentons dans notre ouvrage En toute Puissance.

L’opinion de la majorité d’un groupe de référence indique ce qui est socialement acceptable ou non aux gens, sert donc de cadre de référence normatif qui influence nos attitudes et comportements en particulier lorsqu’on est dominé par nos motivations introjectées.

Mais ce type d’influence est-il similaire pour tout le monde ?

Non, comme on verra plus tard, cela dépend d’une multitude de facteurs dispositionnels (par exemple, nos besoins, motivations, notre tendance à chercher la conformité sociale, notre expérience de vie, la manière dont on s’identifie au groupe ou non, etc.) et situationnels (par exemple, le contexte général, la présence ou l’absence de pressions fortes, etc.). Loin de moi l’idée d’en faire le tour, j’y reviendrais dans la suite de notre enquête, et sachez que je porterai principalement focus sur les facteurs qui nous intéresseront en premier lieu quant à l’effet Trump.

Et l’un des facteurs que je voudrais mettre en avant et qui fera toute la différence quant à notre tendance à adhérer à des stéréotypes négatifs par influence normative est la présence ou non de préjugés authentiques, c’est-à-dire de préjugés déjà profondément ancrés chez l’individu, et qui peuvent ne jamais être explicitement exprimés.

Nos préjugés demeurent le plus souvent cachés, et c’est ce que nous verrons dans notre prochaine partie :

La suite : Infiltrée dans les vestiaires des mecs – les préjugés On/off

 


Bibliographie partielle


  • GIRANDOLA Fabien, DEMARQUE Christophe, LO MONACO Grégory, « Chapitre 4. Normes », dans : , Psychologie sociale. sous la direction de GIRANDOLA Fabien, DEMARQUE Christophe, LO MONACO Grégory. Paris, Armand Colin, « Portail », 2019

  • Yzerbyt & Klein, Psychologie sociale, 2019

  • Mendelberg T, The Race Card: Campaign Strategy, Implicit Messages, and the Norm of Equality, 2001

  • Stangor, C., Sechrist, G. B., & Jost, J. T. (2001). Changing racial beliefs by providing consensus information. Personality and Social Psychology Bulletin, 27(4), 486–496

  • Legros & Cislaghi, Mapping the Social-Norms Literature: An Overview of Reviews, 2019

  • E. Aronson, M. O’Leary, The Relative Effectiveness of Models and Prompts on Energy Conservation: A Field Experiment in a Shower Room, 1982

  • Candall & Eshleman, A justification-suppression model of the expression and experience of prejudice, 2003

  • Viciss Hackso, En toute puissance, 2021 disponible ici https://www.hacking-social.com/2021/09/17/en-toute-puissance-manuel-dautodetermination-radicale/: 


Notes de bas de page


1 GIRANDOLA Fabien, DEMARQUE Christophe, LO MONACO Grégory, « Chapitre 4. Normes », dans : , Psychologie sociale. sous la direction de GIRANDOLA Fabien, DEMARQUE Christophe, LO MONACO Grégory. Paris, Armand Colin, « Portail », 2019, 

2 Ibid.

3 Pour une revue des expériences de la théorie de l’autodétermination, voir Deci et Ryan (2017).

L’article [Fachologie #1.2] Quand les normes sociales orientent nos comportements est apparu en premier sur Hacking social.


Publié le 27.10.2022 à 14:54

Le pouvoir de la psycho ?

Une fois, j’ai formé des gens sur l’angle de la contre-manipulation. J’ai présenté rapidement les SHS et la psycho, car ils n’étaient pas connaisseur de ces champs et on allait ensuite beaucoup parler de psycho sociale.

J’ai publié aussi cet article sous forme de thread ici : https://twitter.com/HViciss/status/1585619151128875009

Pour rester dans le sujet, j’ai présenté les disciplines sous l’angle de l’utilité/et des détournements par les sphères de pouvoir, eux-mêmes ayant un certain pouvoir dans leur profession.

Ce n’était pas difficile : l’une des motivations à l’origine de ce présent site était l’énervement de voir la psycho sans cesse exploitée par des sphères dominantes, pour contrôler les gens : alors j’ai pensé qu’il était de bonne guerre que les gens aient accès aux mêmes ressources, pour leur pouvoir, pour leur autodétermination, pour la contre-manipulation.

Je voulais libérer l’info, je voulais libérer notre pouvoir et pas le laisser entre les mains des manipulateurs. Alors, on en ferait un truc constructif, fun, agréable, empuissantant ou que sais-je : vos buts vous appartiennent, mon job c’est juste de partager.

Voici quelques extraits de ce que je leur ai expliqué ; j’avais très peu de temps pour leur expliquer les disciplines, ainsi c’est très vulgarisé, très raccourci, et très anglé sur le champ du pouvoir et de la manipulation :


Si vous n’êtes toujours pas convaincus de la puissance de frappe d’une communication interpersonnelle bien ciblée, dont la psychologie est pensée au préalable, je vous conseille ce reportage sidérant en deux parties :

J’aurais pu citer Bernays, qui exploitait la psycho de l’époque avec succès pour manipuler les masses : (70) Comment faire fumer les femmes ? – YouTube

On aurait pu ajouter à cela aussi les manipulations de Cambridge Analytica pour augmenter l’extrême droite. Leur base de connaissances pour manipuler vers l’ED, c’était la psycho, notamment de la personnalité, et la psycho sociale :

Mais déprimez pas, on peut faire tout à fait l’inverse, et par exemple viser une plus grande ouverture ou agréabilité de la population.

C’est dans cette optique que j’ai partagé ce schéma sur les réseaux sociaux :

Vous voyez tous ces traits ? Eh bien pour éviter de plonger dans le fascisme, vous pouvez cultiver l’inverse. Vous pouvez démontrer l’inverse. Vous pouvez vivre et faire vivre l’inverse. Vous pouvez fabriquer des environnements inverses (j’ai donné des exemples concret dans ETP : https://www.hacking-social.com/2021/09/17/en-toute-puissance-manuel-dautodetermination-radicale/  )

Si vous êtes créatif, hacker, vous pouvez mélanger les traits : on pourrait vanter la tradition de la valeur de l’autodétermination en s’appuyant sur la « liberté » de notre devise Liberté, égalité, fraternité. Par exemple face à quelqu’un qui use de la rhétorique « français de souche », pour vanter un racisme, un rejet, toujours plus de contrôle sur les individus (surtout pour les groupes sociaux éloignés du siens) : être français de souche et refuser l’autodétermination des autres ??? Et les traditions de liberté, égalité, fraternité, alors ? Ce n’est qu’un exemple, tout est possible.

Ce schéma, il pose aussi des limites : regardez le SDO, au vu des limites de son empathie, n’allez pas chercher sa compassion, c’est une voie de garage. Par contre, regardez son hédonisme ou encore son narcissisme : vous pouvez neutraliser ses agressions en le centrant sur lui-même et les trucs délicieux qu’il pourrait faire à la place d’agresser untel.

A noter qu’on avait donné des pistes de que faire avec les narcissiques, ça vaut aussi pour des profils SDO : https://www.hacking-social.com/2019/10/21/n3-3-le-narcissisme/ 

Bref, soyez créatifs, car résister c’est créer. Et n’allez pas croire ceux qui tentent de vous convaincre que la psycho ça n’est rien d’autre que de pathologiser, individualiser, essentialiser ou que sais-je (on en avait déjà parlé ici : https://www.hacking-social.com/2022/06/20/la-psychologisation-wtf/ ).

Ça peut servir à avoir plus de pouvoir, ce serait dommage de se priver de ça en temps de crise, où l’on ressent tant d’impuissance, où l’on voit l’autoritarisme gagner du terrain. Et encore plus dommage de laisser ça uniquement aux personnes qui ont des buts destructifs.

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Publié le 26.10.2022 à 15:37

BIEN FAIT !!! La croyance en un monde juste

« Bien fait », « tu l’as bien cherché »,  » Tu n’as que ce que tu mérites !  » Nous sommes tout·es fréquemment exposés à des injustices, des drames, des accidents, des maladies, qui surviennent de manière contingente et indépendante des actions des victimes. Etrangement, on peut observer que ces victimes sont parfois blâmées, comme si au fond, elles étaient d’une manière ou d’une autre responsable de leur sort. Comme si au fond , « chacun obtenait ce qu’il mérite ». Cette conférence explore ce qui permet de mieux saisir ce type d’attitude via une théorie inaugurée par le psychologue Melvin Lerner : la théorie de la croyance en un monde juste. Cette conférence a été enregistrée initialement au REC 2022 ( https://rec-toulouse.fr ).

Vous pouvez retrouver la version originale de cette conférence ici: https://www.youtube.com/watch?v=vhhpk…

D’ailleurs, sur leur chaîne, vous trouverez peut-être d’autres contenus qui pourront vous intéresser : https://www.youtube.com/c/RECTOULOUSE

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