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Publié le 01.10.2023 à 17:25
XXVe Congrès Mondial de Philosophie : « Un réexamen du théorème d’incomplétude de Gödel »
Si vous suivez les activités de mon blog vous n’ignorez pas que Yu Li et moi collaborons depuis quelques années sur des questions liées aux fondements des mathématiques. Yu Li est professeur d’informatique à l’Université de Picardie, elle a mis sur pied une table-ronde qui se déroulera à Rome en août 2024 dans le cadre du XXVe Congrès Mondial de Philosophie : « Un réexamen du théorème d’incomplétude de Gödel ».
Les organisateurs de cette table-ronde expliquent dans un prospectus leur intérêt pour cette question. Voici mon entrée :
Mon intérêt pour Gödel est né de la lecture d’un livre présentant la démonstration du second théorème d’incomplétude (incomplétude de l’arithmétique) comme un exemple de rigueur mathématique que les chercheurs en sciences sociales seraient bien incapables d’atteindre (Alan Sokal et Jean Bricmont, Impostures intellectuelles, Odile Jacob 1997). Ayant constamment utilisé les mathématiques dans mes recherches au fil des ans, j’étais sceptique à l’égard de cette thèse. J’ai donc entrepris d’analyser la démonstration de Gödel et j’ai découvert que, contrairement à la représentation mythique qu’en ont de nombreux mathématiciens, elle est en fait de très mauvaise qualité : non seulement l’argumentation de Gödel est très inégale en termes de qualité persuasive, mélangeant des modes de preuve de niveau scientifique avec des procédés purement rhétoriques, mais le mathématicien avait négligé qu’une proposition prétendument « indécidable » dans sa démonstration était en fait un paradoxe apparu en raison de son recours imprudent à l’auto-référence. Il s’avère que la démonstration tout entière, loin de constituer un exemple à suivre, accumule au contraire les faiblesses.
Mes conclusions relatives à la démonstration de Gödel sont incluses dans mon ouvrage Comment la vérité et la réalité furent inventées (Gallimard 2009 ; traduction allemande : Turia + Kant 2021). Ce n’est que récemment que j’ai découvert que la médiocrité de la démonstration de Gödel est probablement liée au moins partiellement au caractère chancelant de sa santé mentale tout au long de sa vie (Pierre Cassou-Noguès, Les démons de Gödel. Logique et folie, Le Seuil 2007).
P.S. Vous aurez peut-être reconnu sur l’image le nom de Stefan Lorenz Sorgner. La « disputatio » qui nous opposa à Lille en 2018 est au centre du volume collectif Humanism and its Discontents. The Rise of Transhumanism and Posthumanism (Palgrave Macmillan 2022), dont j’ai assuré la direction.
Publié le 01.10.2023 à 12:51
Le poids des soutiens de Trump hier à la Chambre et au Sénat
Illustration par Stable Diffusion (+PJ)
L’État américain risquait hier à minuit de se retrouver sans budget, faute d’un vote sur les chiffres par les députés et les sénateurs. Les partisans de Trump « MAGA » (Make America Great Again) campaient sur leurs positions exigeant des coupes drastiques de tout ce qui touche au social.
Le budget a été voté de justesse (du moins jusqu’à une nouvelle échéance en novembre) par une coalition de Démocrates (quasi unanimes) et une majorité de Républicains.
Les partisans de Trump constituant désormais une aile de type clairement fasciste du Parti républicain (après des années d’atermoiement, les commentateurs américains utilisent désormais sans hésiter ce terme pour désigner MAGA), fait intéressant du point de vue de la santé de la démocratie américaine, la proportion des deux camps (« modérés » et MAGA) dans la fracture (la première qui soit substantielle) ayant eu lieu hier dans le camp Républicain.
- Congrès (chambre des députés), représentants Républicains ayant voté le budget aux côtés des Démocrates : 126 ; ayant voté contre : 90
- Sénat, représentants Républicains ayant voté le budget aux côtés des Démocrates : 39 ; ayant voté contre : 9
Poids de MAGA (partisans de Trump) hier à la Chambre : 90 / 216 = 41,7%
Poids de MAGA (partisans de Trump) hier au Sénat : 9 / 48 = 18,8%
Avant d’avoir eu l’occasion de constater de véritables poids, les commentateurs devaient se contenter d’évaluations vagues du type « les ⅔ du Parti républicain sont favorables à Trump », or on a depuis hier de véritables chiffres.
Illustration par DALL·E (+PJ)
Publié le 29.09.2023 à 09:04
Paul Jorion, psychanalyste – Mise à jour
J’ai la possibilité de prendre 1 nouvelle personne en analyse (présentiel ou distanciel).
Pour la manière dont ça se passe, le contexte, les conditions, voyez ici.
Pour me contacter, écrivez-moi ici.
Publié le 29.09.2023 à 00:17
Ranimer la gauche, mais comment ? François Ruffin, Thomas Piketty et Julia Cagé
Les Français sont de Gauche. Mais pourquoi ne sont-ils pas au courant ?
Ce qu’il faudrait ajouter à mon sens, et qui n’est pas dit (sauf peut-être dans ma vidéo « Le temps qu’il fait le 22 septembre 2023 ») :
« … Par ailleurs, dans un climat où des problèmes insolubles ne sont pas résolus, ça exacerbe bien entendu les conflits entre personnes, les tendances populistes de droite à dire : « C’est probablement mon voisin du coup qui est responsable puisque c’est manifestement pas moi : moi j’utilise pas vraiment le pétrole ! Bon je dois bien aller travailler … Bon je dois bien partir parfois en vacances. Bon je dois bien … etc. Donc c’est mon voisin qui est absolument responsable de tout ça. Et comme il a une tête qui ne me revient pas, c’est probablement lui ! »
Plus… Situons quand même le problème dans son contexte général.
Dans des pays comme nous, deux religions qui s’affrontent. Une sous la forme zombie, comme dit mon ami Emmanuel Todd, c’est-à-dire le christianisme, là, en arrière-plan, les gens ne vont plus à l’église, les gens ne s’occupent plus de ça, ils ne connaissent plus ce qu’il y a dans le catéchisme. Enfin bon, ça reste, je dirais, le cadre général pour l’éthique, pour la représentation de ce qu’est une vie humaine, etc. Même si on ne parle plus trop de savoir ce qui se passera quand on sera au paradis plus tard, ça reste le cadre général.
Voilà le cadre chrétien d’une société comme la France, la Belgique, la Suisse, le Québec et ainsi de suite. Ça reste le cadre général. Et dans ce contexte là, une population musulmane importante.
Alors là, qu’est-ce qui joue ? Là aussi, c’est un truc comme le néolithique : c’est un truc qui existe depuis très longtemps.
Quand est-ce qu’on a commencé à lire le livre sacré des chrétiens ? On a commencé à le lire à partir de Gutenberg, à partir du moment où on a pu imprimer des bibles. Et là, tout de suite, deux camps sont apparus. Ceux qui lisaient le texte et qui disaient : « Merde, ça ne dit pas du tout ce que les prêtres nous racontent ! », ils sont devenus protestants. (Je simplifie un petit peu. Vous allez m’engueuler à ce propos-là, mais enfin, vous comprenez de quoi je parle!.
Ils sont devenus protestants, et les autres sont restés catholiques : ceux qui ne lisaient toujours pas et qui savaient uniquement ce qu’on leur disait à la messe sous forme de lectures dominicales.
Ils se sont massacrés pendant un certain temps, là aussi au moins un gros siècle. Puis tout ça est retombé. Puis finalement les gens ne sont pas retournés à l’église.
Qui est-ce qui lit la Bible aujourd’hui ? Parmi les gens que je fréquente, il n’y a que les athées qui lisent la Bible. Les autres connaissent quelques versets ici et là du fait du catéchisme.
Mais de l’autre côté, on a une religion dont le livre sacré s’appelle « La récitation » (le Coran).
Voilà, depuis le début, c’est un texte qu’on récite. Depuis le début, les musulmans connaissent le texte de leur livre sacré, et non seulement ça, mais ils connaissent un message qui se trouve au centre de ce livre sacré : c’est le prosélytisme.
Alors, c’est un mot qu’on a perdu un peu de vue, c’est quoi le prosélytisme ? C’est convaincre les autres de rejoindre la religion et qu’un jour notre religion sera triomphante : un jour, tout le monde sera de cette religion-là.
Voilà. Alors le prosélytisme, du côté des chrétiens zombies : est-ce que vous passez beaucoup de temps à essayer de convaincre les gens de devenir chrétiens, une religion à laquelle vous ne croyez plus qu’à moitié ? Non ! bien entendu que non.
De l’autre côté, ici, non seulement le prosélytisme est au centre du livre, mais aussi le crime d’apostasie : c’est un crime. C’est un crime de quitter l’islam si vous êtes musulman. Et souvenez-vous des Versets sataniques de Salman Rushdie, c’est un devoir. Ça peut être dans certaines lectures, je dirais, « militantes » et « radicales » du livre, ça peut être considéré comme un devoir d’éliminer l’apostat, celui qui ne croit plus à la religion : il y a une certaine caution au fait de son élimination.
Alors, on est dans des pays où on a d’un côté une religion qui existe essentiellement sous sa forme zombie et qui n’a jamais été véritablement une religion du livre, où les gens de cette religion là n’ont lu que de manière tout à fait occasionnelle ou tout à fait anecdotique, leur livre sacré. Et une religion où le livre sacré s’appelle « La Récitation » : il faut le réciter, il faut le connaître de préférence par cœur, c’est le livre – et le message est au centre et il n’est pas oublié par les croyants – en plus, je dirais, un carcan un peu de type policier : si vous quittez cette religion, vous n’êtes plus vraiment en sécurité parce que l’apostasie est interdite.
Alors dans des pays comme les nôtres, c’est quelque chose qui est là, en arrière-plan. Ça peut revenir sous la forme du foulard, de l’abaya, je ne sais quoi, etc. Mais il y a ce sentiment du côté des gens de la religion zombie, qu’ils ne sont pas protégés. Ils ne sont pas protégés contre d’autres gens – qui peuvent être ultra-minoritaires dans le pays, ça n’a pas d’importance – mais qui sont des gens encore du prosélytisme, des gens qui essaient encore de faire triompher par divers types de moyens – qui peuvent être absolument non-violents bien entendu mais qui peuvent être violents aussi – de convaincre les autres de rejoindre leur religion. Voilà !
Alors est-ce que la Gauche est bien armée contre ça ? Pas contre ça, mais à traiter ce problème ?
Faites une recherche Google sous le titre d' »islamismo-gauchisme ». Vous allez voir que là la Gauche n’a pas un discours cohérent sur une question comme celle-là.
Ce n’est pas facile bien entendu, mais il faudrait réfléchir à ces problèmes là de manière systématique : comment résoudre le problème de la disparition de notre espèce et comment résoudre la question de deux communautés en présence, dont l’une a encore un discours militant prosélyte et l’autre ne l’a plus ?
Bon, il faudrait mettre cartes sur table et s’occuper de ces questions là, je ne veux pas dire militairement, je ne veux pas dire sur le plan policier, mais essayer de résoudre le problème, au moins sur le papier, et de proposer des choses dans ce sens-là… »
Publié le 27.09.2023 à 18:27
On ne fait pas une religion de bric et de broc !
My tuppence à propos de cet article aujourd’hui dans Le Monde :
Il faut davantage qu’un amas hétéroclite de superstitions venues d’horizons divers pour faire une religion : il faut un message, une représentation du monde porteuse d’une définition du sens de la vie. Il faut la parole de Jésus de Nazareth, partiellement reformulée par Paul de Tarse, il faut les paroles entendues et retranscrites par Mahomet, il faut la « science moderne », enfant lointain de la foi de Socrate en sa voix intérieure appelée « la Raison ». Autrement dit, il faut du dur pour soutenir une croyance en « La Force ».
Publié le 27.09.2023 à 16:23
ChatGPT a maintenant une voix (enfin, il en a cinq)
Oui, je sais : je perçois une lassitude. « Où est la lutte des classes ? Où sont les turpitudes de la finance ? » Etc. Je suis d’accord, et vous trouverez des milliers de pages ici (sans exagération) à leur sujet pour vous informer. Mais le monde autour de nous est en train de changer à la vitesse grand « V » sous un autre rapport essentiel, et je continue de faire partie des gens qui vous informent en temps réel du crucial qui bouge. Sorry !