Un odieux connard

le Blog de Julien Hervieux Flux purgé de certains visuels, peut nuire à la compréhension des contenus.

 

Publié le 18.03.2023 à 10:33

6ème sous-sol

Les enfants se pressent devant le miroir des toilettes de l’école primaire Léa Seydoux.

Ce ne sont que cris, coups d’épaules et gémissements, alors que chacun pousse son camarade le plus proche devant lui. Les accusations de couardise répondent aux insultes les plus colorées, alors que des voix se voulant assurées s’élèvent pour affirmer que leurs propriétaires ne croient pas à toutes ces sornettes.

Jusqu’à ce que Corentin, le grand de CM2, ne prenne la parole.

– Allez, quelqu’un ! Un volontaire ! Vous avez tous les chocottes ou quoi ?

Et le brouhaha reprend ; non, affirment vivement les bambins, on ne craint rien, mais on passe notre tour quand même. Finalement, expulsé par le jeu d’épaule de ses compagnons plus grands, plus forts et plus cruels, c’est le petit Matthiméo de CE2 qui se retrouve projeté hors du groupe, tout contre les lavabos.

– Très bien, alors ce sera Matthiméo ! affirme Corentin tout en faisant signe à ses camarades de se taire.
– Mais j’ai pas envie, gémit Matthiméo.
– C’est ça ou je te pète la gueule.
– Dans ce cas…
– Alors tu connais la règle : tu dois regarder dans le miroir et répéter trois fois « Michael Bay ». Et selon la légende, un film de merde apparaîtra.

Matthiméo n’y croit pas, bien sûr. Il sait que ce ne sont que des histoires. Mais tout de même.

– Michael Bay… Michael Bay….

Les derniers chuchots s’éteignent. La tension est à son comble. Matthiméo hésite, mais il en a aussi assez d’être moqué par les grands. Alors, tant pis.

– Michael Bay.

Un claquement de plastique sur le bord des lavabos fait sursauter l’assemblée. Un hurlement collectif brise le silence, suivi d’une cavalcade vers la sortie telle que même Corentin peine à s’y frayer un chemin. Enfin, ne reste plus que Matthiméo dans les toilettes de l’école, qui ramasse la boîte du DVD qui vient de se matérialiser devant lui.

– 6 Underground ? marmonne-t-il en déchiffrant le titre. Ça alors. Enfin, ça ne m’arrange pas : où vais-je me débarrasser de cela ?

Et puis, Matthiméo se souvient de l’étrange monsieur du quartier qui regarde quantité de mauvais films en poussant des hurlements de douleur, un verre de brandy à la main. Il se dit qu’en sortant de l’école, il ira balancer le DVD dans sa boîte aux lettres.

En tout cas, c’est comme cela que je m’explique le fait que je me suis retrouvé devant Underground 6, un film à gros budget de Michael Bay avec Ryan Reynolds et Mélanie Laurent.

Alors, perle passée entre les mailles de mon filet ou raison valable de brûler l’école voisine pour punir les enfants qui jouent à répéter Michael Bay devant les miroirs en toute imprudence ?

Spoilons, mes bons !

L’affiche : explosions, Ryan Reynolds et Mélanie Laurent, monsieur nous gâte.

Notre film commence par… ma foi, n’y allons pas par quatre chemins : des clichés. Et attention : du gros, du gras, du cliché élevé au grain par un fermier qui aurait eu la main un peu lourde sur le maïs.

Ainsi, tout débute par des images du héros, Ryan Reynolds (qui incarne donc Ryan Reynolds comme dans chaque film avec Ryan Reynolds, on ne le dira jamais assez), qui simule sa propre mort dans un accident d’avion et en voix off nous lance le fameux « Comment en suis-je arrivé jusqu’ici ? Faisons un petit retour en arrière. »

N’oubliez pas : à chaque fois que cette ficelle est utilisée, je m’en sers pour ligoter un chaton et le jeter dans la Meuse. Alors sauvez la Meuse : arrêtez.

Et donc, nous bondissons de 4 mois en arrière, pour retrouver Ryan Reynolds accompagné de trois autres larrons dont une Mélanie Laurent (ça fait peur) dans une voiture tuning vert pétard qui est en pleine course-poursuite dans Florence. Et là aussi, tout y est :

  • Les petites rues encombrées de stands que les voitures font éclater en passant dessus ? C’est bon.
  • Les piétons qui se jettent dans tous les sens ? C’est bon.
  • Les voitures de méchants qui arrivent l’une après l’autre pour se faire exploser dans des cascades ? C’est bon.
  • Les voitures de méchants qui sont visiblement en nombre infini ? C’est bon.

Car nos héros ont en effet attaqué un avocat véreux pour lui soutirer des informations et visiblement, il devait aussi représenter une concession automobile puisque durant près de quinze, oui, QUINZE minutes, sitôt qu’un véhicule de vilains explose, un second arrive derrière pile poil à ce moment-là histoire que la course poursuite ne s’arrête pas. Mais reprenons l’énumération de tout ce que vous avez vu, revu, et tellement vu que vous le confondez parfois avec des membres de votre famille (le côté lourd n’aidant pas).

  • Les méchants qui explosent s’ils touchent une chaise pliante mais la voiture des héros qui est invincible ? C’est bon.
  • La musique à la mode balancée à fond à chaque virage pour faire cool ? C’est bon.
  • Les monuments qui apparaissent à l’écran les uns après les autres ? C’est bon.
  • Les blagues toutes les quinze secondes pour rythmer la poursuite ? C’est bon.
  • Les gros plans sur des marques autant que possible ? C’est bon.

Bref, si vous l’avez vu dans un film, et surtout, si ça vous a gonflé, c’est dedans.

On appréciera d’ailleurs le budget cascades fabuleux, qui a dû empiéter sur celui du montage, puisqu’il y a de beaux ratés, comme des bouts de la voiture des héros qui se réparent mystérieusement entre deux plans, ou des personnages à la fenêtre qui sont soudain à l’intérieur selon de quel côté ça filme.

C’est cher, c’est con, c’est mal fait : nous sommes bien dans une grande production moderne. Installez-vous et prenez donc du brandy, je pense que nous en avons pour un moment.

Notez d’ailleurs que je suis encore gentil : alors que l’on comprend durant cette scène fort longuette que nos héros sont une équipe de choc où chacun est appelé par un numéro allant de 1 à 6 (4 dans la voiture, 2 qui attendaient plus loin), je ne relèverai pas, oh non ce n’est pas mon genre, que par exemple, quand tu es une équipe d’agents secrets, choisir pour véhicule de fuite une voiture tuning vert pétard, ce n’est peut-être paaaas le truc le plus discret au monde. Voilà. Je suis comme ça : généreux.

Cependant, si nos héros s’en tirent, ce n’est pas sans perte puisque 6, le chauffeur d’élite… se tue en garant la voiture.

Si, si. Il arrive un peu vite et il s’empale sur un engin de travaux juste à côté. Alors qu’il n’est plus poursuivi, hein, je tiens à le souligner. J’imagine bien les scénaristes :

– Bon, il faut que Six meure au début du film.
– On n’a qu’à le tuer pendant la course-poursuite où trois mille types essaient de les buter à coups de voitures et de pistolets ? C’est crédible qu’ils aient au moins un mort. Il meurt et est remplacé au volant, ou bien il est blessé et meurt au bout de la course…
– Hmmm… nan. On va dire qu’il se tue en ratant son créneau quand tout est fini.

J’aimerais vraiment assister à ces réunions.

Puis fermer les portes et mettre le feu, mais c’est un autre sujet.

En tout cas, alors que l’équipe évacue Florence, ils se disent que bon, Six étant mort, et si on trouvait un Sept ? C’est donc Ryan Reynolds, le chef d’équipe, qui s’y colle. Et va trouver pour remplacer Six, le chauffeur d’élite… un mec qui ne conduit pas.

C’est brillant :

– Bon les mecs, on a perdu notre expert en conduite.
– Et siiii on le remplaçait par un pâtissier ?

Les scénaristes eux-mêmes ont visiblement oublié leur script, et en lieu et place d’un as du volant, Ryanounet va recruter un sniper.

Vous me direz : « Ah, c’est quand même moins ridicule que votre exemple de pâtissier. »

Pardon, j’ai oublié de préciser : Ryanounet va recruter un sniper traumatisé au Moyen-Orient, dépressif, suicidaire et souffrant de syndrome post-traumatique.

Maintenant, je vous laisse me dire que mon pâtissier était une idée plus bête que celle-là. Aaaah, on fait moins les kékés ? Non mais. Alors qu’avec mon pâtissier, au moins, en cas de problème, ils avaient des gâteaux. Diable, je sens que vous n’êtes pas convaincus : très bien. Si c’est comme ça, vous l’aurez voulu : je continue le film. Vous l’avez bien cherché.

Afin de recruter le tireur d’élite dans leur groupe super secret, Ryan lui explique qu’il va falloir se faire passer pour mort. Comme chacun d’entre eux l’a fait avant, afin de devenir intraçable. La nouvelle recrue mime donc son suicide puis… que ? Mais ?

Ryan l’emmène voir son propre enterrement.

Voilà autre chose. Car non, il ne l’emmène pas de loin genre à 300 mètres dans une voiture : non, à cinquante mètres, là où n’importe quel membre de sa famille qui tourne la tête pourrait le voir. Heureusement, tous ont visiblement eu un terrible accident de ski et ne peuvent plus bouger leur cou. Aucun n’aperçoit donc la personne qu’ils enterrent qui suit la scène juste à côté d’eux. C’est extraordinaire. Mais visiblement, si le film passe son temps à nous répéter que la spécialité de ce groupe est la discrétion, il nous montre constamment l’exact opposé à l’écran. Ça doit être un truc artistique : je n’ose penser que des producteurs aient donné 150 millions de dollars à des gens complètement cons.

Oui, 150 millions.

Je vous laisse encaisser, et passons.

Ryan annonce donc au nouvel arrivant comment ça va se passer maintenant :

– Désormais, tu t’appelles Sept. Mois je suis Un. Mais tout le monde m’appelle Ryan Reynolds.
– Ah donc nous sommes Sept ?
– Euh… non, Six. Ahem.
– On peut savoir ce qui est arrivé à celui qui manque ?
– OH MON DIEU IL SAIT COMPTER, JE N’AVAIS PAS PRÉVU ÇA !

Heureusement, Sept ne pense pas à poser la question. En lieu et place, il est emmené par Ryan Reynolds jusqu’à la base secrète de leur groupe, une casse où s’empilent des carcasses d’avions.

– Bien. Sept, si tu es ici, c’est parce que nous partons en mission.
– Super, vous allez tout me dire maintenant que nous sommes dans votre base secrète ?
– Hmmm… non. Je propose plutôt de faire tout le briefing dans un restaurant routier public où tout le monde peut nous entendre.

Fa-bu-leux.

La scène de la base secrète sert donc simplement à nous montrer qu’ils ont un lieu… dont ils ne servent pas. Nos héros perdent donc du temps à faire de la route pour aller dans un endroit non-sécurisé pour y expliquer à Sept la mission ultra-secrète qui est la leur. Le tout en disant à voix haute « Oui alors nous sommes un groupe ultra-secret, officiellement nous sommes morts, personne ne connaît notre existence. »

Sauf la serveuse et les trois tables d’à côté, donc.

Mais quid de cette fameuse mission ?

– Eh bien mon cher Sept, nous allons aller assassiner le dictateur du Turgistan.
– Le ?
– Le Turgistan.
– Ça sonne comme « turgescent ». Je ne sais pas, ça fait bizarre.
– Il suffit, petit pervers priapique. Ecoute plutôt mon plan super intelligent : on arrive, on bute les généraux du dictateur, et paf, son régime s’effondre. Oh, et par un heureux hasard, il a un frère incroyablement démocrate. Donc hop, la transition est assurée.
– Mais ? Au nom de la démocratie, vous voulez refiler la présidence au frère ? Le principe d’une démocratie, c’est pas justement des élections ?
– … non mais si tu commences à nous emmerder avec des détails, aussi !

Diego, ouvre la fenêtre, je dois soupirer très fort. Merci.

Le dictateur du Turgistan est en effet très très méchant. Mais les scénaristes se sont dit : « Un dictateur très méchant, ce n’est peut-être pas clair. On devrait peut-être montrer subtilement qu’il est vilain. ». Et la subtilité étant de mise, nous avons donc droit à des scènes où de manière fort subtile, le méchant bombarde les civils avec du gaz, de préférence des enfants. Ah oui. C’est très léger en effet. Mais attendez, il y a mieux : il filme lui-même les atrocités ! Et… que ? Il les poste en ligne !

Notez que ça reste moins difficile à regarder que certaines vidéos TikTok, mais tout de même.

Donc oui, nous avons le droit à un dictateur qui tweete « Je gaze des civils, lol #AuPrixDuGaz ». Voià voilà.

À ce stade, je pense que le seul truc plus horrible qu’il puisse faire, c’est financer le festival d’Avignon.

Car oui, la stratégie du dictateur est de faire peur, et c’est connu, montrer qu’on gaze des enfants, ça donne sûrement envie aux parents d’obéir. C’est donc pour tous ces crimes que l’équipe de Ryan Reynolds, qui rend la justice dans le monde parce que America Fuck Yeah, a décidé que le malandrin devait être tué jusqu’à ce qu’il soit mort.

Le méchant très méchant dont la personnalité se réduit à… euh… attendez, il a un trait de personnalité autre que « cruel » ? Heureusement qu’ils étaient deux au scénario.

Ce qui n’empêche pas Ryan Reynolds d’aller provoquer le dictateur de manière très subtile. Par exemple, en allant lui causer face à face lorsque le vilain est au bar de l’Opéra de Paris pendant l’entracte (bon sang, il risque VRAIMENT de financer Avignon !). Ce qui donne peu ou prou ceci :

– Bonjour, je suis mystérieux et pas du tout Ryan Reynolds.
– Euh… oui ?
– Vous aimez la pièce ? C’est sur un dictateur. Un dictateur qui à l’acte V, se prend la justice qu’il mérite dans sa grosse gueule de p’tit bâtard.
– C’est amusant, j’ai comme l’impression que vous me menacez ?
– N… non ? Je disais juste ça comme ça.

N’oubliez pas : quand vous êtes une organisation ultra-secrète, approchez toujours la cible de très près pour la menacer, comme ça, gratos, histoire qu’elle puisse vous tenir à l’oeil.

Mieux encore : Ryan Reynolds en profite pour coucher avec une serveuse, repart avec elle à New York puis… doit se refaire passer pour mort pour la larguer. Parce que bon, une fois avec elle et qu’il va un peu partout en sa compagnie, le « fantôme » qu’il est se remet à exister drôlement.

C’est donc très intelligent : plutôt que de ne pas draguer tout ce qui passe, Ryan Reynolds simule sa mort trois fois par an pour se débarrasser des donzelles qu’il drague. C’est quand même le niveau supérieur de « Je vais chercher des clopes. »

Bon, cela dit, c’est pas tout ça, mais après ces scènes ridicules, il est temps de se mettre au gros du film : tuer les fameux quatre généraux sur lesquels le règne de terreur du dictateur du Turgistan s’appuie.

Ce qui dure UNE scène.

Oui : une seule. Je n’exagère même pas.

En effet, les quatre généraux, qui sont décidément sympas, se rendent à Las Vegas tous en même temps, sans escorte, et se font une petite fête sans sécurité aucune dans leur chambre. Je crois qu’à peu de choses près, ils laissaient les clés sur la porte. Ryan Reynolds et ses amis peuvent donc rentrer et tuer tout le monde sans le moindre problème. Et c’est fini !

Voilà voilà voilà.

On a donc passé plus de temps sur Ryan Reynolds qui drague des filles avant de se faire passer pour mort parce qu’il a oublié qu’il devait être discret que sur la déstabilisation de tout un pays. Formidab’.

Oh, et bien sûr, ils font tout cela devant témoins, puisque les prostiputes invitées par les généraux à leur fête pourront tout raconter. Ils sont la discrétion incarnée. Tenez, voulez-vous que je vous parle de la scène où l’un d’entre eux rend visite à sa mère malade ? Non parce que dans la série « Je suis mort, personne ne va rien remarquer », aller voir maman à la maison de retraite, ça se pose là.

Ce film est tellement ridicule qu’il aurait sa place à l’Assemblée.

D’ailleurs… comment ? Vous en voulez encore, fieffés gourmands ? Très bien, laissez-moi vous conter la scène suivante, où l’on retrouve Viagros, le dictateur du Turgistan, alors qu’il a les principaux officiers de son armée avec lui sur le toit d’un immeuble.

– Messieurs, comme vous le savez, tout mon régime de p’tit bâtard repose sur l’armée.
– Oui.
– Et là, paf, on vient de me tuer mes quatre principaux généraux, la base de mon régime. Sans eux, l’armée pourrait se rebeller.
– Certes.
– C’est pourquoi j’ai décidé… DE TUER LES QUATRE GÉNÉRAUX SUIVANTS, YAHAHAHAHAAAAA !

On ne le répète jamais assez, mais quand tuer les enfants de son peuple ne suffit pas à obtenir une rébellion, pensez à tuer des généraux pour en plus avoir l’armée au cul.

C’est extraordinaire. J’ignore quelle drogue prenaient les scénaristes, mais il va falloir les contacter : visiblement, ils ont sniffé des rails de caca.

En attendant, nos héros se préparent à aller gifler du dictateur turgistanais et à sauver son frère, et sur le chemin vers l’avion, Sept demande à ses copains :

– Mais au fait, c’est Ryan Reynolds qui a monté cette équipe ?
– Oui, personne ne sait qui il est. Enfin, à part que c’est Ryan Reynolds. Il ne parle jamais de son passé. On sait juste que c’est un multimilliardaire qui a conçu plein de technologies qui ont servi à des smartphones, des voitures, et spécialisé dans les aimants. Pour nous, il est juste « Un », celui qui a monté tout ça.
– Ah. Et personne ne s’est dit « S’il a fait tout ça, ça doit être super facile à retrouver ? »
– … Sept. Écoute-moi bien. Parle encore comme ça et tu vas te faire appeler « Caporal Roudoudou » en moins de deux. Alors fais comme si un était super mystérieux.
– HOLALALA IL EST SI MYSTERIEUX ! COMMENT POURRAIS-JE RETROUVER L’IDENTITÉ D’UN TYPE DONT JE CONNAIS LE VISAGE, LA SPÉCIALITÉ, LA FORTUNE ET LE DOMAINE OU IL A DEPOSE SES BREVETS ?
– Voiiiiiiiiilààààà, c’est mieux.

Par contre, personne ne fait de commentaire du genre « Hmmm, un multimilliardaire qui monte une équipe de tueurs privée, est-ce bien raisonnable ? »

Non. Ils sont là pour la démocratie, fuck yeah, on va pas non plus poser des questions.

La démocratie sans élections où l’on doit refiler un poste de président au frère dudit président, je le rappelle.

Cependant, rendons à César ce qui appartient à César : le film a tout de même de bonnes idées. Par exemple, dans l’avion qui emmène nos héros vers le frère du président turgistanais pour aller le sauver, un personnage lance à Mélanie Laurent « Toi, tu as toujours le visage absolument inexpressif. »

C’est astucieux : Mélanie Laurent ne connaissant pas d’autre expression, on se dit en conséquence que pour une fois, elle joue super bien.

Toujours est-il que le jet du club des sept moins un se pose à Hong Kong, où le frère du président turgistanais est enfermé dans un appartement de luxe avec interdiction de sortir et de parler de démocratie. Ce qui laisse la voie libre à Viagros pour diriger le Turgistan.

Mais aussi à nos larrons pour tenter de sauver Demokratos, le fameux frangin.

Et Ryan Reynolds a un super plan.

– Bon, euh, Sept le sniper ?
– Oui ?
– Tu snipes.
– Super.
– Les autres ?
– Oui ?
– Vous rentrez dans le bâtiment par la porte principale et vous pétez la gueule de tout le monde, on va supposer qu’il n’y aura aucun garde armé dans une résidence ultra-sécurisée abritant un prisonnier politique.

Et en effet : la sécurité est assurée par des gens qui en voyant nos héros arriver, lèvent les bras et s’en vont.

Ils sont sympas, quand même.

Enfin, j’exagère : moi aussi je fais pareil dès que je vois un film avec Mélanie Laurent. Je les comprends donc un peu. À noter que même au sein de la résidence l’appartement ultra-sécurisé du prisonnier que nos amis viennent chercher, les rares gardes armés sont d’une efficacité proche du zéro absolu, se contentant de se jeter sous les balles par groupes de un.

Même lorsque le spécialiste des acrobaties de l’équipe s’enfuit en escaladant une grue une fois la mission accomplie, les gardes décident que « Nan, on va quand même pas lui tirer dessus : et siiii on escaladait aussi ? ». Mieux encore, et sans aucune explication, alors que ledit acrobate est un spécialiste du parkour, ses poursuivants… vont exactement à la même vitesse que lui.

C’est pas de bol, quand même, d’être tombé sur le seul groupe de gardes yamakazi de Hong Kong !

Quand tu as passé ta vie à t’entraîner à traverser des endroits inaccessibles à fond et que tous les figurants en sont en fait capables.

Plus formidable encore : quand l’un des méchants ninjas parvient à rattraper celui dont je n’ai même pas retenu le numéro… c’est là que les autres gardes se mettent à réfléchir :

– Hmmm, on vient de passer cinq minutes à le courser, et maintenant, l’un d’entre nous l’a rattrapé et se bat avec.
– P’têtre qu’on pourrait l’aider ?
– Nan, ce serait trop malin. Trouve quelque chose de plus con.
– On tire dans le tas sans réfléchir alors qu’on ne l’a pas fait depuis cinq minutes ?
– Naaan, plus con encore !
– Okay : on jette une grenade.
– Aaah, là je dis oui !

Que ?

Mais si, si : c’est la solution choisie. Et voilà comment une grenade atterrit tout près du gentil monte-en-l’air qui s’enfuyait et du méchant garde ninja qui le tabassait. Soufflant tout le monde (sans faire bobo, merci) et permettant au héros de poursuivre sa fuite, merci. Ah. On dirait que ce film est une longue succession de trucs complètement aléatoires.

Tenez, par exemple, pendant ce temps, le reste de l’équipe s’enfuit en voiture avec Demokratos, fraîchement libéré de sa prison dorée. Quand soudain, la police approche. À votre avis, que fait Demokratos ?

A) Il ferme sa gueule
B) Il aide nos héros qui l’ont libéré
C) Il crie « POLICE ON ME KIDNAPPE REMETTEZ-MOI DANS MA PRISON ! »

Et…

C’est la réponse C : le mec se met à hurler qu’on le kidnappe, sans aucune raison, alors que les héros lui ont expliqué qu’ils venaient justement le libérer du joug de son frère. Bon, on va être sympa, on va dire que dans la panique, il ne les a pas crus.

Voyez comme je suis bon : j’essaie de sauver des meubles qui ne méritent que le feu.

À ce stade de notre histoire, certains qui suivent encore – ou essaient vu le niveau – se disent peut-être : « La police ? Mais cela va créer une nouvelle course-poursuite ! Or, ces crétins ont remplacé leur chauffeur d’élite par un sniper, ça ne va pas être pratique ! »

Pas d’inquiétude : car au même moment, un garde qui poursuivait super monte-en-l’air décide… de rejeter des grenades. Oui, il a un flingue à la ceinture, mais il se dit que pour toucher un mec qui bondit d’échafaudage en échafaudage, une grenade, c’est bien plus pratique. C’est pas comme si ça risquait de tomber plus bas.

Et une grenade cause ainsi une réaction en chaîne qui fait tomber des poutrelles… qui détruisent TOUTES les voitures de police qui poursuivaient les gentils !

C’est un film de Michael Bay : même les poutrelles explosent.

ÇA TOMBE BIEN ALORS !

Ce niveau.

Au final, l’acrobate de l’équipe est récupéré, les méchants tous morts, la police immobilisée, et les gentils peuvent partir en sifflotant avec Demokratos, le prisonnier qui se plaint quand on vient le libérer. Puis, ils sautent dans le jet privé de Ryan Reynolds et se rendent à Tyrus, la capitale du Turgistan.

Où on informe le dictateur de la situation.

– Un avion non-identifié est rentré dans notre espace aérien.
– Vous l’avez abattu ?
– Ah non, il a disparu avant qu’on puisse le contrôler.
– Je vois. Encore un maudit avion de tourisme qui sert de passer aux trafiquants de…
– Non, c’était un jet privé.
– Un petit ?
– Même pas.
– Vous voulez dire qu’un gros jet privé pas furtif pour un sou a réussi à entrer pépère dans mon pays en plein état d’alerte – je rappelle qu’on a assassiné 4 de mes généraux avant-hier – et à se trouver un coin où se poser pareil, pépouze ?
– Mais tout à fait. Ils se sont posés sur le script.
– Les rabouins !

J’ai toujours aimé ces scènes où un énorme avion sans plan de vol ni autorisations peut circuler sans problème n’importe où dans le monde. C’est connu : tous les pays du monde sont très tranquilles sur les aéronefs qui viennent se promener chez eux, plus encore lorsqu’ils sont en alerte.

Mais attendez, ce n’est pas fini !

Car nos héros prévoient, pour déstabiliser tout le secteur, de pirater la diffusion de la télévision d’état du Turgistan, que nous appellerons la Télé-Turge. Pour ce faire, ils envoient leur acrobate fixer un gadget dans un coin, pendant que Ryan Reynolds et Sept vont dans l’une des centrales de diffusion de Télé-Turge.

Là encore, deux étrangers sortis de nulle part qui débarquent dans un pays en état d’alerte et disent « Vous pourriez nous filer tous les accès à vos émetteurs secrets ? », il n’y a aucun problème. Mais attention, car là, il y a du gros niveau : Sept se charge de brancher un ordinateur à l’émetteur, alors qu’il y a tout le personnel de Télé-Turge autour, et à la fin de son piratage, pour signaler sa réussite, apparait sur l’écran de son ordinateur…

UN LOGO DE LEUR CLUB SECRET QUI CLIGNOTE.

Rendez-vous compte : on a donc payé un quelconque grouillot pour programmer cet accessoire du film afin que les agents secrets aient un ordinateur qui clignote façon « PIRATAGE TERMINÉ ». Quelle bonne idée quand on est en mission d’infiltration ! Je répète, donc : la production a payé pour rajouter une incohérence. Quelqu’un a insisté pour avoir un accessoire débile qui n’a rien à foutre là.

Heureusement, là encore, toutes les personnes dans la pièce ont un QI à deux chiffres, certes, mais en cumulé, et ne voient donc rien de suspect dans un ordinateur qui affiche ouvertement qu’il pirate.

Pour vous rappeler que ce film est très subtil, tenez, prenez cette photographie de la course poursuite du début.

À ce stade, vous devez sentir un truc chaud dans votre cou : c’est votre cerveau liquéfié qui coule depuis votre oreille. Rassurez-vous cependant, si ça fait mal, c’est que ce n’est pas assez liquide encore, et ça, le film compte s’en charger.

Car sitôt que tout est en place, Ryan Reynold lance le piratage. Et détourne les ondes au moment du grand discours présidentiel de Viagros pour le remplacer par le visage du fraîchement libéré Démokratos. Qui fait ce discours, que je vous restitue intégralement. J’insiste, je n’ai rien coupé. Vous êtes prêts ? C’est parti :

– Mes frères et sœurs, trop longtemps, vous avez vécu sous le joug de mon frère. Il est temps de faire une révolution.

Oui, ça tient en un SMS.

Le mec lance une révolution en moins longtemps qu’il n’en faut à Gégé de la compta pour lancer un pot de départ.

Mais malgré son charisme de chaussette mouillée, ça marche puisqu’instantanément TOUT le pays se soulève. Je connais un certain Jean-Luc qui doit être un peu dégoûté de voir que lui s’acharne depuis vingt ans, là où Demokratos ouvre la bouche et paf, à lui le pays.

Viagros, lui, est un peu grognon de voir une révolution éclater sous ses yeux. Aussi, selon la procédure de son pays, il décide de fuir… vers son yacht. Car oui, c’est comme ça : en cas d’urgence, le Président-dictateur doit aller sur son yacht, où champagne et escort-girls le protègeront des méchants révolutionnaires. Ou à défaut, lui permettront de bien rigoler avant la guillotine.

En chemin cependant, ces sales petits gauchistes qui ne font rien qu’à manifester caillassent le convoi présidentiel.

– Aaaah, mais arrêtez ! Je suis votre dictateur, merde ! Allez faire des trucs de manifestants comme occuper la place de la République et vous battre pour savoir si la cantine doit être vegan ou si les gender-fluids comptent dans les quotas paritaires d’intervenants, bon sang ! Oh, et puis flûte, vous l’aurez voulu, j’appelle mes avions de chasse pour escorter mon convoi.

Je vous avoue que je me suis dit « Soit, il veut une couverture aérienne, des fois que du soutien étranger arrive par les airs. »

Mais non, non : les avions de chasse attaquent en piqué… et mitraillent les manifestants à un mètre du convoi présidentiel ! Oui, à 800 kilomètres/heures et depuis le cockpit d’un F-16, les mecs parviennent à décrocher Jean Manifestant de la voiture du patron en une rafale et sans érafler la peinture. Je ne connais pas le Turgistan, mais en tout cas, leurs pilotes sont visiblement des tireurs d’élite. Des années à utiliser des toilettes turques, ça paie.

Toujours est-il que Viagros va se cacher dans son gros bateau, sans se douter que toute l’équipe de Ryan Reynolds est d’ores et déjà en train de se glisser à bord après diverses péripéties plus ou moins stupides. Évidemment, l’affaire tourne vite à la fusillade générale entre les héros et les gardes de Viagros.

Qui une fois de plus, sont tous des quiches comme vous vous en doutez, merci.

Ryan Reynolds, lui, utilise sa science des aimants pour transformer des points du bateau en aimants géants qui attirent à eux tous les gardes et leur matériel d’une simple pression sur son téléphone. Près de lui, on siffle d’admiration en voyant hommes et armes voler dans tous les sens.

– Comment ça marche ?
– Eh bien ça… euh… ça marche, voilà tout.
– Et ça affecte tout, votre truc déclenché par téléphone ?
– Tout ce qui contient des choses affectées par le magnétisme comme les armes, mais les nôtres sont en céramique et plastique, les gilets blindés et les… euh…
– Les téléphones ?
– Ah oui merde. Bon, écoutez, ça marche, voilà ! D’ailleurs, heureusement que personne n’avait de plombage.
– Je vois. Quitte à faire ça, ça n’aurait pas été plus malin de le faire sur le trajet du convoi de Viagros ? Là où il était vulnérable ? Ça aurait attiré sa voiture droit dans un mur. Oh, ou mieux : puisque vous attendiez Viagros à son yacht, pourquoi ne pas laisser votre sniper s’en charger sitôt qu’il aurait montré sa mouille sur la passerelle ? Au lieu d’attendre qu’il soit enfermé dans le cœur ultra-sécurisé de son yacht ? Comme ça vous le butiez sans risque, de loin, et bonsoir, au lieu de risquer votre vie ici. Pourquoi ce plan compliqué, coûteux et risqué ? N’avez-vous pas recruté un sniper précisément pour cela ?
– Eh bien parce que… mais attendez, qui êtes vous ?
– Caporal Roudoud…
– VITE, FOUTONS-LE À L’EAU !

Après un gros plouf, la mission, aussi stupide soit-elle, peut reprendre, avec son lot de réparties supposément drôles entre deux coups de fusil, comme c’est désormais obligatoire dans tous les films modernes.

Oh, et oui, il reste des civils sur le bateau, mais par un incroyable hasard, tous sont épargnés par la magie du magnétisme. Des couteaux volent ? Ils ne touchent que des gardes. Des grenades foncent dans les couloirs ? Elles ne dispersent que des méchants. La protection du script est grande : ce serait bête de voir nos héros complètement neuneus massacrer 60 personnes par accident parce que « Oups, on l’a faite à l’américaine, flûte alors ».

C’est d’autant plus ballot que pendant ce temps… le méchant s’enfuit à bord d’un zodiac.

On a même la grande question d’une membre de l’équipe, quand elle se retrouve juste à côté avant qu’il n’embarque :

– Allô chef ? Viagros est juste là, il s’apprête à fuir, je fais quoi ?

Parce que hein, on est venus le tuer, mais euh, bon, c’est pas clair-clair comme instruction. P’têtre qu’elle a besoin qu’on lui dise comment faire, parce qu’elle hésite entre lui mettre une balle dans la nuque ou lui faire des chatouilles. Ah, ces agents d’élite super secrets. C’est pas facile.

Tant pis, Viagros fuit. Et pendant que l’équipe coule le yacht présidentiel, le vil dictateur fonce vers le large, où un hélicoptère de son armée a tôt fait de le rejoindre. Et de le secourir. Sauf qu’à bord… l’appareil est en fait sous le commandement de Demokratos, qui a récupéré le contrôle du pays grâce à la révolution, et surtout, toute l’équipe de Ryan Reynolds entoure le vilain Viagros !

– Tu es fait, vilain margoulin !
– Alors oui, mais j’ai juste une question.
– Oui ?
– À quel moment avez-vous trouvé le temps d’évacuer le yacht, de gagner l’hélicoptère, de me courser, me sauver et finalement, de vous retrouver là avec moi ? Alors que moi, je fonçais ?
– Je… bon écoute, on va dire qu’on a été TRES rapides. Je te préviens, tu ne serais pas le premier type que j’enverrais à l’eau aujourd’hui si tu ne te calmes pas !
– Bon, je me calme.
– Parfait. On va donc pouvoir te larguer… au milieu d’un camp de réfugiés de ton pays afin qu’ils te tabassent à mort !

Et ce qui est dit est fait. Car oui, même Demokratos le fameux démocrate n’a aucun souci avec le fait d’exécuter des gens sans procès.

Aaaaaaah, la notion de justice. On va la ranger sur l’étagère, à côté de celle de démocratie, donc.

Tout le monde peut donc rentrer chez soi, et Ryan Reynolds décide soudain… qu’il est temps d’aller rendre visite à la serveuse qu’il avait draguée plus tôt dans le film. Mais si, celle qui le croit mort ! Il l’observe donc de loin, probablement en se disant « Bon, comment je lui dis ? « Eeeeh tu te souviens quand tu chialais à mon enterrement ? C’était pour rire, je voulais juste arrêter de répondre à tes SMS ! Aaaalleeeez, rigooooole ! Bon, on couche ensemble ? » Ouais, ça me parait pas mal. »

Sauf qu’il aperçoit la damoiselle… avec un enfant. Et en faisant le calcul il se dit que hmmm, il me ressemble quand même. Bon, vu l’âge du gamin, ça ne colle pas, mais les scénaristes ne sont plus à une incohérence près.

Et sur cette vision de Ryan Reynolds qui se dit qu’il aurait pu penser aux capotes…

…. FIN !

Un film de Michael Bay, donc.

Mais POURQUOI est-ce que le méchant doit toujours tomber dans le vide à la fin du film ? Là, ils ne pouvaient pas juste le déposer ?

– Alors, pas de volontaire ?

Debout devant ses camarades, Corentin joue les gros bras. N’est pas CM2 qui veut. Et comme à chaque fois, l’assemblée de ses camarades est bruyante, mouvante, mais fort peu disposée à se porter volontaire.

– Souviens-toi de ce qu’il s’est passé avec Michael Bay ! lance l’un.
– Non, mais là, il s’agit de Bloody Mary, c’est vachement moins dangereux. Au pire, elle te tue, mais au moins, elle ne te fait pas souffrir deux heures.

Hochements de têtes et marmonnements d’approbation s’ensuivent.

– On ne peut pas jouer à un autre jeu ? suggère un garnement. Moi j’ai déjà fait celui-là et j’aime pas.
– Han ! Genre tu l’as déjà fait ! lance un écolier.
– Nan mais pas celui-là exactement, d’accord, mais une variante.
– Explique ! ordonne Corentin en s’avançant, intrigué.

Le fripon hésite.

– Vous êtes sûrs ? Parce que vraiment, je veux pas jouer…
– Parle. Ou tirage de slip il y aura.
– Très bien, très bien ! Bon, vous voyez votre règle ? Où il faut demander quelqu’un trois fois pour qu’il ponde un film de merde ?
– Oui.
– Eh bien là, c’est l’inverse.
– Comment ça ?
– Eh bien, à chaque fois que tu ne demandes rien à Disney…

À peine le mot a-t-il franchi ses lèvres que des jaquettes de DVD s’écrasent bruyamment sur un lavabo.

– Que ? Mon dieu, trois films Star Wars viennent d’apparaître ! s’écrie un enfant.
– Et on dirait que des séries dérivées bouchent les toilettes ! panique un autre.
– Aaah ! hurle un marmot. Je crois que quatre nouveaux films Marvel viennent de sortir !

Un écolier pâlit.

– Et ils annoncent encore un live action d’un classique ! dit-il en tendant l’oreille vers les miroirs.

La suite ? Ce ne sont plus que cris terrifiés et bruits de course, alors que les enfants tentent de s’éloigner de l’énorme tas de bouses qui grossit à chaque instant. Cette fois, ils ont compris leur leçon :

La prochaine fois, ils en resteront à Bloody Mary.

Publié le 27.02.2023 à 09:22

Vous aussi, devenez sensitivity readers !

Les sensitivity readers, ou lecteurs en sensibilité viennent encore de défrayer la chronique.

Après le cas de Dix Petits nègres, devenu Ils étaient dix avec bon nombre de « retouches » dans les pages, après l’affaire des albums de Lucky Luke et d’Astérix brûlés au Canada pour ne pas choquer les Amérindiens, après Le Club des Cinq réécrit en retirant des passages « problématiques », voici donc la dernière affaire en date : en Angleterre, l’éditeur des livres pour enfants de Roald Dahl (Sacrées Sorcières, Charlie et la Chocolaterie, etc) a décidé de les ressortir en version « épurée » par des sensitivity readers. Entre autres, certains personnages ne sont mystérieusement plus « gros », le terme « moche » disparaît aussi sans explication, quant au fait que les sorcières portent des perruques, là c’est un nouveau paragraphe qui apparaît et nous dit « Il existe plusieurs raisons pour lesquelles les femmes pourraient porter des perruques et il n’y a rien de mal à cela« .

Ah. Nous en sommes donc là.

Alors, faut-il hurler à la censure ? Allons, soyons sérieux. Ce sont des cas isolés, on vous le répète à chaque fois. Vous imaginez, vous, une telle normalisation de la censure que cela devienne un marché suffisant pour qu’une profession de censeurs se reforme très officiellement ? L’idée fait trembler. En plus, comme les censeurs ne sont pas connus pour être des gens très courageux (la lâcheté est leur métier, je le rappelle), ils prendraient sûrement un autre nom plus cool, du genre « relecteur de problèmes », ou « lecteur en sensibilit… »

Aaaattendez une seconde.

Mais alors, voici qui soulève une autre question : sur quels critères ces gens sont-ils recrutés ? Qui s’indigne le plus vite ? Qui joue le mieux des ciseaux sur un texte ? Qui arrive le mieux à établir très sérieusement que dans une œuvre, les personnages peuvent mentir, voler et tuer, mais pas utiliser le terme « gros » parce que là, ça va trop loin quand même ?

La réponse est bien plus simple : il y a une épreuve.

Alors, vous aussi, pourriez-vous devenir l’un de ces êtres sans âme ni principes ? Faites le test !

Et commençons avec un premier extrait à réécrire. Vous avez dix minutes pour rendre ce texte compatible avec la « sensibilité des nouveaux publics » comme on dit dans le jargon, puis la correction se trouve après l’image.

Les Trois Mousquetaires – Exercice

Cette fois, ce ne fut point un hôte mais une hôtesse qui le reçut ; d’Artagnan était physionomiste, il enveloppa d’un coup d’œil la grosse figure réjouie de la maîtresse du lieu, et comprit qu’il n’avait pas besoin de dissimuler avec elle, et qu’il n’avait rien à craindre de la part d’une si joyeuse physionomie.

— Ma bonne dame, lui demanda d’Artagnan, pourriez-vous me dire ce qu’est devenu un de mes amis, que nous avons été forcés de laisser ici, il y a une douzaine de jours ?

— Un beau jeune homme de vingt-trois à vingt-quatre ans, doux, aimable, bien fait ?

Dans Men in Black, à l’origine, les deux agents sont des lecteurs en sensibilité. Ici, ils indiquent à un lecteur que non, le livre qu’il a lu ne s’est jamais appelé « Dix Petit nègres », avant de le flasher avec une dose concentrée de Twitter.

Les Trois Mousquetaires – Correction

Cette fois, ce fut un.e hôte.sse qui le reçut ; d’Artagnan était physionomiste, il observa la.e maître.sse du lieu, et comprit qu’il n’avait pas besoin de dissimuler avec ielle, et qu’il n’avait rien à craindre.

Camarade, lui demanda d’Artagnan, pourriez-vous me dire ce qu’est devenu un de mes amis, que nous avons été forcés de laisser ici, il y a une douzaine de jours ?

Aimable ?

Ici, les pièges étaient nombreux. D’abord, il serait malvenu de laisser d’Artagnan présumer du genre de son interlocuteur, aussi, mieux vaut écrire en inclusif. Certes, cela fera chier les aveugles et les dyslexiques, mais vous connaissez le principe de l’inclusif : « L’inclusif, c’est de m’inclure moi et les gens que j’aime bien, les autres peuvent aller se faire enculer.« .

On fait aussi attention à ne pas utiliser « Ma bonne dame ! », déjà que Madame est passible d’échafaud. D’Artagnan utilise ici « Camarade » qui est aussi neutre que les opinions politiques des sensibility readers.

Enfin, on termine en évitant de désigner une personne par son genre (sexisme), son âge (âgisme), son physique (tout le monde est magnifique) ou sa douceur (discrimination des gens qui pèlent, par exemple, les roux).

C’est bon pour vous ? Passons à la suite.

Le Petit Chaperon rouge – Exercice

Il était une fois une petite fille de village, la plus jolie qu’on eût su voir ; sa mère en était folle, et sa mère-grand plus folle encore. Cette bonne femme lui fit faire un petit chaperon rouge, qui lui seyait si bien, que partout on l’appelait le Petit Chaperon rouge.


Un jour, sa mère, ayant cuit et fait des galettes, lui dit : Va voir comme se porte ta mère-grand, car on m’a dit qu’elle était malade. Porte-lui une galette et ce petit pot de beurre. Le Petit Chaperon rouge partit aussitôt pour aller chez sa mère-grand, qui demeurait dans un autre village.

En passant dans un bois elle rencontra compère le Loup, qui eut bien envie de la manger ; mais il n’osa, à cause de quelques bûcherons qui étaient dans la forêt.

Je vous propose de relire Astérix en retirant tous les passages où Obélix est « gros ».

Le Petit Chaperon rouge – Correction

Il était une fois une fille ; sa mère en était folle, et sa mère-grand plus folle encore. Cette bonne femme lui fit faire un petit chaperon rouge, qui lui seyait si bien, que partout on l’appelait Jacqueline.


Un jour, sa mère, ayant cuit et fait des galettes, lui dit : Va voir comme se porte ta mère-grand, car on m’a dit qu’elle était malade. Porte-lui une galette. Jacqueline partit aussitôt pour aller chez sa mère-grand, qui demeurait dans un autre village.

En passant dans un bois elle rencontra compère le Loup, qui eut bien envie de la manger en raison de ses différences culturelles et philosophiques; mais il n’osa, à cause de son respect des valeurs de la République.

Pour commencer, on prendra soin d’éviter de qualifier l’héroïne de « petite » (discrimination sur la taille) ou « de village » (trop de moqueries sur la province ; d’ailleurs, l’histoire pourrait se passer à Paris si l’on remplaçait le loup par un surmulot). On prend ensuite bien soin de ne pas évoquer sa beauté ! Un personnage féminin n’a pas à être beau, sales sexistes ! Comment ? Euh… non. Quand il est moche, on l’efface aussi, hein. Ahem. Une fille, ça ne peut pas être beau, mais il ne faudrait pas que ce soit moche non plus, oh, hé.

Attention, il y avait un piège : laisser le personnage avoir un surnom à cause de son accoutrement est une incitation au harcèlement scolaire ! On appellera donc la fille Jacqueline, et non « Petit Chaperon rouge », qui en plus, objectifie un personnage féminin.

Subtilité à prendre en compte, il n’est nul besoin que le personnage transporte une galette ET un pot de beurre. En effet, le beurre est produit de l’exploitation animale, et cette mention spéciste pourrait choquer les lecteurs vegans. Vous êtes là pour leur sensibilité, je le rappelle, alors si vraiment vous voulez autre chose, mettez une galette de quinoa.

Concernant le loup, l’œuvre originale en fait grossièrement un carniste mangeur d’enfants, ce qui est une caricature grossière et discriminante pour les furries qui pourraient lire. Par respect pour le texte d’origine, on gardera l’idée, mais en précisant que cela est dû au parcours socio-culturel du loup et que s’il mange des gens, c’est la faute de la société. Lui, il voulait être ingénieur dans le solaire.

Enfin, prétendre que seule la présence d’une force armée (ici, des bûcherons) empêche le loup de passer à l’acte est un discours sécuritaire très axé à droite. On rappellera donc que le loup est avant tout respectueux des valeurs de la République.

Comme vous le savez, il est aussi possible de rajouter des notes (comme rappeler que les femmes ont le droit de porter des moumoutes), on pourra donc par exemple préciser en bas de page que si le Loup a envie de manger Jacqueline, cela reste strictement métaphorique puisque le Loup aura bien sûr lu les études sur le féminicide et participe la nuit venue à des collages dans les bois en compagnie de ses amis Cucu l’écureuil en fauteuil roulant et Bibi la biche transsexuelle voilée.

C’est bon pour tout le monde ?

Alors on passe à plus difficile.

Notre-Dame-de-Paris – Exercice

[…] il ne fallait rien de moins, pour enlever les suffrages, que la grimace sublime qui venait d’éblouir l’assemblée. Maître Coppenole lui-même applaudit ; et Clopin Trouillefou, qui avait concouru, et Dieu sait quelle intensité de laideur son visage pouvait atteindre, s’avoua vaincu. Nous n’essaierons pas de donner au lecteur une idée de ce nez tétraèdre, de cette bouche en fer à cheval, de ce petit œil gauche obstrué, d’un sourcil roux en broussaille tandis que l’œil droit disparaissait entièrement sous une énorme verrue, de ces dents désordonnées, ébréchées çà et là, comme les créneaux d’une forteresse, de cette lèvre calleuse sur laquelle une de ces dents empiétait comme la défense d’un éléphant, de ce menton fourchu, et surtout de la physionomie répandue sur tout cela de ce mélange de malice, d’étonnement et de tristesse. Qu’on rêve, si l’on peut, cet ensemble.


L’acclamation fut unanime. On se précipita vers la chapelle. On en fit sortir en triomphe le bienheureux pape des fous. Mais c’est alors que la surprise et l’admiration furent à leur comble. La grimace était son visage. Ou plutôt toute sa personne était une grimace. Une grosse tête hérissée de cheveux roux ; entre les deux épaules une bosse énorme dont le contrecoup se faisait sentir par-devant ; un système de cuisses et de jambes si étrangement fourvoyées qu’elles ne pouvaient se toucher que par les genoux, et, vues de face, ressemblaient à deux croissants de faucilles qui se rejoignent par la poignée ; de larges pieds, des mains monstrueuses ; et, avec toute cette difformité, je ne sais quelle allure redoutable de vigueur, d’agilité et de courage ; étrange exception à la règle éternelle qui veut que la force, comme la beauté, résulte de l’harmonie. Tel était le pape que les fous venaient de se donner.


On eût dit un géant brisé et mal ressoudé.


Quand cette espèce de cyclope parut sur le seuil de la chapelle, immobile, trapu, et presque aussi large que haut ; carré par la base, comme dit un grand homme ; à son surtout mi-parti rouge et violet, semé de campanilles d’argent, et surtout à la perfection de sa laideur, la populace le reconnut sur-le-champ et s’écria d’une voix :


« C’est Quasimodo, le sonneur de cloches ! C’est Quasimodo, le bossu de Notre-Dame ! Quasimodo le borgne ! Quasimodo le bancale ! »

Et n’oubliez pas de présenter la censure comme sympa du genre « Regardez cet artiste qui retire les mots qui vous dérangent de vos livres pour vous ! ».

Notre-Dame-de-Paris – Correction

[…] il ne fallait rien de moins, pour enlever les suffrages, que le sourire qui venait d’éblouir l’assemblée. Maître Coppenole lui-même applaudit ; et Clopin Trouillefou, qui avait concouru s’avoua vaincu.


L’acclamation fut unanime. On se précipita vers la chapelle. On en fit sortir en triomphe le bienheureux pape des neuroatypiques.


On eût dit une personne.


Le peuple le reconnut sur-le-champ et s’écria d’une voix :


« C’est Quasimodo, le sonneur de cloches ! Et il n’y a rien de plus à en dire, c’est un Parisien comme vous et moi ! »

Ici, vous l’aurez compris, le texte comportait de nombreux pièges. En effet, Victor Hugo, qui était un fasciste notoire, n’hésita pas à consacrer une œuvre entière à présenter de manière négative, voire carrément discriminatoire, le physique « différent » de Quasimodo.

Tout d’abord, il fallait donc retirer toute description de ce garçon. Si « gros » est déjà à la limite du supportable pour les « nouveaux publics » (aujourd’hui, l’alpha et l’omega de la liberté d’expression est donc le ressenti de gens de 18 ans, êtres bien connus pour être aussi stables que sages), vous imaginez bien que « bossu » risque de provoquer des évanouissements. S’il faut vraiment parler de cette particularité, on écrira « Quasimodo avait des courbes magnifiques, surtout vu de dos« .

Second point, pas de pape des « fous »! C’est psychophobe. On dira plutôt « neuroatypique ». « Pape » est aussi un peu limite, puisque catholique, et donc relativement oppressant. On aurait pu le remplacer par « représentant désigné par une assemblée selon des principes démocratiques et paritaires ».

Et enfin, pas de « populace » ou de peuple moqueur. On est entre gens de gauche ici, le peuple n’est jamais constitué de connards. Il est forcément bienveillant, progressiste, et le soir au coin du feu, il rompt du pain noir tout en récitant du Jaurès. Avez-vous déjà vu une fiction où le riche est finalement innocent et où c’était Jojo le prolo le coupable ? Voilà, gardez ça en tête.

Allez, un dernier exercice plus facile ?

Le trou du cul qui s’ignorait – Exercice

Il était une fois une personne à l’ego surdimensionné. Elle était tant et si bien persuadée d’avoir atteint le sommet le plus élevé de la montagne morale qu’elle s’octroyait le droit de juger autrui et de le faire taire à sa guise. Elle était si imbue d’elle-même qu’elle se donnait toutes les qualités, à commencer par l’empathie et l’amour des autres. En conséquence, elle ne doutait jamais de ses actes, certaine que ses immenses qualités la protégeaient de toute erreur et de toute dérive. Et puisqu’elle avait raison sur tout, ceux qui s’opposaient à elle n’étaient-ils pas dans l’erreur ? Puisqu’elle était une championne de l’amour, alors n’étaient-ils pas les agents de la haine ? Voilà bien pourquoi il était naturel, et même bienveillant de sa part de faire taire ces voix discordantes, ces propos contraires à ses propres pensées. Bien sûr, elle n’avait aucune notion de ce qu’était le « totalitarisme », et son absence complète d’empathie véritable l’empêchait de prendre du recul sur ses propres errances et le mal qu’elle causait. Un matin, elle sortit de chez elle.

Les fameux « Nouveaux publics » à la sensibilité exacerbée. La liberté artistique tient à peu de choses.

Le trou du cul qui s’ignorait – Correction

Il était une fois une sensibility reader. Un matin, elle sortit de chez elle.

Voilà. Ici, il s’agissait de faire preuve d’un peu d’esprit de synthèse.

En conclusion… pardon ? Vous dites ?

« Vous exagérez, Monsieur Connard ! Vous faites passer ces gens pour de simples censeurs ! Alors que par exemple, un lecteur en sensibilité peut aussi aider un auteur à écrire un livre pour ne pas caricaturer une communauté qu’il ne connaît pas, par exemple« .

Ma foi, c’est un très bon point, mais notez qu’il y a une énorme différence entre aller voir volontairement un consultant sur un sujet précis (telle époque, telle profession, telle communauté) pour qu’il vous aide à ne pas raconter des conneries (ex : un auteur qui va voir la police pour préparer un polar), et jeter des textes à une bande de caviardeurs qui n’attend que de jouer du ciseau et de rajouter ses opinions dans la marge d’œuvres qui n’en demandaient pas tant.

Alors en conclusion, voici.

Oui, une œuvre peut choquer. Et, diable, heureusement ! Oui, l’auteur est libre de créer des personnages beaux et moches, gros et minces. Oui, il peut en faire de très malins comme de complètement débiles. Et c’est même le principe : ça s’appelle la création.

Vous me direz « Oui, mais pensez à ce que vont ressentir les gens visés !« 

Si les sentiments faisaient office de loi, mon mépris pour vous vous aurait déjà tous collés au gnouf mes petits amis. Tout comme l’auteur a le droit de faire ce qu’il veut, le lecteur aussi. Il peut sauter des pages, refermer le livre, voire ne pas le lire du tout. Et si jamais vous avez envie de vous exclamer « Ouiii mais imaginez les dégâts que peuvent causer ces livres !« , je commencerai à croire que ça vous intéresse quand vous vous attaquerez aux livres dont les gens font des religions. Mais tant qu’on aura une armée de courageux qui tombe sur le rab’ du Club des Cinq ou de Charlie et la Chocolaterie, excusez-moi de maintenir, mais je pense qu’on peut parler de gros lâches qui tailladent courageusement les affaires des enfants.

Aussi, chers lecteurs en sensibilité, laissez-moi terminer :

Votre sensibilité, elle est quand même drôlement mal placée.

Publié le 10.02.2023 à 14:00

L’IRE ENSEMBLE – MIDNIGHT SUN – EPISODE 4

Bon peuple.

Vous aimez la bonne littérature ? Les personnages profonds ? Les intrigues étonnantes ? Dans ce cas, passez votre chemin.

Par contre, si vous avez ce goût pervers pour les daubes au fond de votre âme damnée, n’hésitez plus. Je vous suggère même de préparer une bassine, tant lire Midnight Sun est une sorte d’initiation à la spéléologie : plus on avance, plus on s’enfonce. Si vous ne l’aviez plus en tête, je vous remets le lien vers l’épisode précédent.

Dont je vous rappelle le contenu, car décidément, je suis bien urbain :

Edward, le vampire cérébralement mort mais au slip encore vivace, est parvenu à sauver cette gourde de Bella d’une agression dans une ruelle. Après l’avoir emmenée au restaurant pour l’y forcer à manger – littéralement – il décide de la raccompagner chez elle en voiture. Et de lui avouer son sombre secret : il est un peu con… nan attendez, ça c’est pas secret. Pervers ? Non plus… ah voilà, le troisième secret dans l’ordre d’importance : c’est un vampire.

Alors vous me direz « Mais c’est bon, on a pigé. »

Ooooh, âmes innocentes. Vous sous-estimez la médiocrité de ce livre qui peut encore vous surprendre. Comment ?

Lisons, mes bons !

Nous retrouvons donc Edward, pas pressé de quitter sa cibl-ahem, l’élue de son cœur.

Pourtant, comme j’étais tenté de faire durer ce moment. De l’avoir avec moi et de son plein gré encore quelques instants.

Notez le “De plein gré.” 

On sent que ça ne lui arrive pas souvent : il tient à le souligner. Bravo champion. Si vous aussi, quand vous racontez à vos amis « Là, la personne que je voulais draguer est restée de son plein gré« , il est peut-être temps de consulter, vous avez visiblement un petit problème.

Mais revenons à Bella qui change de sujet. Elle aimerait piger comment Edward l’a retrouvée dans la ruelle où elle allait se faire agresser dans l’épisode précédent. Et Edward passe aux aveux :

— Tu l’auras voulu, bougonnai- je. Je t’ai flairée.

Alors.

Si une fille vous demande “Comment as-tu su que j’étais là alors que j’étais super loin et hors de vue ?” et que vous répondez “à l’odeur”, vous risquez une gifle, un coup de bombe à poivre, une chaise sur la gueule, puis d’entendre le bruit de talons qui s’éloignent au son de sanglots.

Mais Bella ne peut pas procéder à cette mise au point : en effet, à ce stade de notre récit, Edward la raccompagne chez elle, et la sécurité routière ne recommande pas de gazer le conducteur en roulant. Il faut au moins attendre une aire pour ce faire avant de lui claquer la trogne contre un urinoir en hurlant « Et là, tu le sens mon plein gré ? ».

D’ailleurs, en parlant de sécurité routière. 

Pour la première fois de la soirée, un éclat apeuré traversa son visage.
— Nom d’un chien ! hurla- t- elle. Je m’affolai. Qu’avait- elle vu ? Comment m’étais- je débrouillé pour l’effrayer ainsi ?
— Moins vite !
— Qu’y a- t- il ? demandai- je, incapable de comprendre d’où lui venait sa terreur.
— Tu roules à cent soixante kilomètres- heure ! brailla- t- elle.

Elle jeta un coup d’œil dehors, sursauta en découvrant les arbres sombres qui défilaient à toute allure. Un détail, encore et toujours, et elle piaillait de terreur. Je levai les yeux au ciel.

— Du calme, Bella !
— Tu veux notre mort ou quoi ?
— Pas de panique ! Elle inspira à fond.
— Tu as une urgence ? s’enquit- elle d’un ton un peu moins hystérique.
— J’aime bien conduire vite.

Voilà.

Si vous pensiez encore que vous aviez la liste des défauts de ce héros si parfait, vous pouvez désormais y rajouter “Il conduit à fond les ballons comme un gros kéké”.

Et qualifie Bella, je vous rappelle que c’est un récit à la première personne, “d’hystérique” quand elle lui demande d’éviter de rouler à 160 sur une route à 50. D’ailleurs, conduire à 160 est « un détail ».

Lectrices, calmez-vous : je sais que vous êtes sous le charme. Un vampire qui fait du tuning de Volvo (car oui, il glisse dans le livre qu’il la modifie lui-même, véridique) et roule comme un blaireau… comment résister ? Je vous laisse le temps d’aller vous rafraîchir, c’est trop de charme d’un coup.

En plus, Edward a un argument en or pour rouler pied au plancher sans remord.

— Je n’ai jamais eu d’accident, Bella. Ni d’amende.

PAS VU PAS PRIS, BELLA ! T’ES BÊTE OU QUOI ?

Edward est si désirable et romantique qu’à chaque fois qu’il ouvre la bouche, quelque part dans le monde, une femme entre au couvent.

Cependant, Bella insiste sur le sujet des excès de vitesse.

Ne me demandez pas pourquoi : est-ce que cela aurait un rapport avec le fait que son père, le chef de la police locale, est précisément en charge de faire respecter les limites de vitesse ?

Mmmmmnon. Sûrement une coïncidence, se dit Edward. Et surtout : de l’hystérie.

En plus, elle est bêêêête, elle ne comprend pas la base :

— Je déteste rouler lentement, maugréai- je en ralentissant encore.

Je ne vous cite pas le passage qui s’ensuit, car il serait un peu long, mais grosso modo, Edward y explique que certes, il risque l’accident en roulant vite, mais d’un autre côté, c’est normal : un accident de voiture ne pourrait le tuer. Aussi, pourquoi se priver de rouler vite ? D’où son dégoût de l’inutile lenteur.

J’imagine donc Edward au tribunal, après un accident;

“C’est que je suis un vampire, monsieur le juge. Si j’ai un accident, ce n’est pas un problème. Alors pourquoi me brisez-vous les glawis ?

— Monsieur Edward Cullen, est-ce que votre accident vous a appris quelque chose ?
— Que j’avais raison : la voiture est foutue, mais moi, je vais bien.
— Je voulais parler de la famille que vous aviez percutée en perdant le contrôle.
— Aaaaaaaaaaah vous voulez parler de ça… z’avaient qu’à être des vampires, aussi.

Sur la route, tous responsables : faites-vous vampiriser avant de sortir de chez vous (sauf par un Tremere, soyons sérieux, comprenne qui pourra), Edward est là. Et puisque lui résiste aux chocs, vous n’avez qu’à faire pareil.

La proximité intellectuelle d’Edward avec un concombre excite pourtant visiblement Bella :

Elle recommença à se manger les lèvres,

Vous connaissez la règle : quand vous avez envie de manger la bouche de quelqu’un mais qu’il ne veut pas, dans le doute, mangez la vôtre.

Un savoureux mélange d’onanisme, de cannibalisme et de trépanation.

Accessoirement, comprenez la jeune femme : certes, Edward est plus proche du concombre que de l’homme. Mais dans bien des situations, cela a quantité d’avantages.

Passons sur les palpitations de Bella, et parlons de celles d’Eward.

Son odeur régnait toujours en maître dans la voiture. Je m’y habituais, je parvenais presque à l’ignorer, mais il était indéniable que mon corps la désirait pour des buts inavouables.

On le saura : Bella sent le kebab.

D’ailleurs, puisque l’on parle de repas et qu’Edward a fini par confier à Bella qu’il était un vampire (ce qui l’a à peine fait réagir, son cerveau étant un peu lent), Bella lui demande ce qu’il mange. Des animaux ? Pas d’humains ? Vous êtes les vegans du vampirisme ?

— C’est une comparaison un peu hasardeuse, mais disons que ce serait comme vivre de tofu et de lait de soja pour toi. Nous nous traitons parfois de végétariens en guise de petite plaisanterie familiale. Notre régime ne comble jamais vraiment notre faim– notre soif, plutôt, même s’il nous donne la force de résister. En général. Il arrive que ce soit dur, cependant.

Donc votre régime alimentaire vous laisse toujours sur votre faim ? Vous risquez de céder à tout moment et donc, d’aller chercher du vrai sang humain dans un cou innocent ?

Quel dommage que vous n’ayez pas accès à du sang humain sans emmerder personne. Par exemple, des poches de sang. Non, pour ça, il faudrait que quelqu’un y pense. Et sache ce que c’est. Comme, allez, un médecin ? Vous savez, comme le père d’Edw…

Ah merde. 

Oubliez, oubliez.

C’est bien sûr vachement mieux de rester en permanence sur le fil du rasoir et de risquer de tuer un innocent à tout moment alors que vous pourriez avoir accès à du sang aisément, tranquillement, et même avec consentement.

Alors qu’aller sucer des lapereaux et grogner à la vue d’une lycéenne, c’est vachement plus sûr.

Et puisque l’on parle de sécurité, nos héros, toujours en voiture, reviennent sur Bella qui a failli se faire agresser dans une ruelle plus tôt. Mais n’avait pas fui. 

Voilà qui intrigue Edward.

— Qu’avais- tu en tête, ce soir, juste avant que j’arrive ? Je n’ai pas bien compris ton expression. Tu n’avais pas l’air tellement effrayée. Plutôt très concentrée.
— Je m’efforçais de me rappeler comment on liquide un agresseur, les techniques d’autodéfense. Je m’apprêtais à lui enfoncer le nez dans le cerveau.

Son calme l’avait désertée avant qu’elle en soit à la fin de son explication. Sa voix s’était chargée de haine. Une haine authentique. Sa colère n’était plus amusante, là. Je revoyais sa silhouette frêle– du verre tendu de soie– dominée par les monstres humains aux poings comme des battoirs qui l’auraient agressée. À mon tour, je fus submergé par la fureur.

— Quoi ? m’emportai- je. Tu voulais te battre ? Au lieu de t’enfuir ? Quels instincts désastreux !
— Je me casse la figure dès que j’essaye de courir, reconnut- elle, penaude.

C’est bon à savoir : Bella est trop maladroite pour courir sur cinq mètres, par contre, elle peut faire du kung-fu.

Heureusement que les arts martiaux ne demandent aucune dextérité. Après elle fait peut-être la technique dite de “l’arme con-tondante” : elle se jette elle-même au visage de l’ennemi comme une sorte de gros projectile chevelu.

Et puisqu’on en parle, ça tombe bien : Edward, sa Volvo mauve à aileron et sa Bella en pleine crise de polio arrivent chez la dame. Qui tente de descendre du véhicule.

Je répète : elle TENTE. Car en effet :

Elle se reprit, bien qu’encore déconcertée, et s’extirpa de la voiture, si maladroite qu’elle s’emmêla les pieds et dut se raccrocher à la carrosserie.

Je comprends que Bella ne craigne pas les vampires : elle sait que la gravité et les terrains plats auront eu raison d’elle bien avant.

Plus sérieusement, quelle est cette étrange obsession pour la maladresse ? Non parce que si voir des gens se vautrer rend le kiki tout dur, ces gens doivent se tripoter devant Vidéo Gag. Dois-je en dire plus pour faire comprendre le problème ?

Edward, qui lui ne voit que l’objet de ses désirs marcher avec la grâce d’un militant écologiste à une soirée d’ingénieurs EDF, savoure le spectacle.

Je ris. Trop doucement pour qu’elle l’entende. J’attendis qu’elle titube jusqu’à la flaque de lumière que dessinait la lampe au- dessus de la porte d’entrée.

Je rappelle que Bella ne marche pas. Non, même ça, c’est trop : elle titube.

Je suppose que sa démarche est à l’origine du jeu QWOP.

Pour ma part, je l’imagine avec le style gauche d’un enfant de deux ans qui tape des pieds à chaque pas et qui, bouche grande ouverte, grogne à l’effort tant chaque pied qui touche le sol sans être suivi de sa tête est pour lui un succès non négligeable.

Bella raccompagnée, Edward peut rentrer chez lui où, hélas, son paternel lui demande de l’aide : il y a un tueur en maraude, et il sait où le trouver. Or, les tueurs attirent l’attention de la police, ce que les vampires n’aiment guère. Papa Cullen a donc besoin que son fils le conduise jusqu’à la planque du méchant et…

Pardon ? Enfin il se passe quelque chose ? Aha, allons : le livre passe complètement sur la question pour se concentrer sur les vrais sujets. Comme par exemple, Edward qui se tripote sur une adolescente qui dort. À tel point que même Edward est à marmonner « Ah oui le tueur, ouais, pfou, mais là j’ai aut’ chose sur le feu ». Aussi il conduit son père comme convenu… puis le laisse en plan. J’exagère ? Apapap : 

Laissant la Volvo à mon père, je regagnai Forks en courant à travers la forêt endormie. Ça me prit moins de temps qu’en voiture. Quelques minutes plus tard, j’escaladai le mur de sa maison et me glissai par sa fenêtre.

Chacun ses priorités : son père peut se faire tuer, okay, mais je vous rappelle qu’une météorite pourrait tomber sur Bella (cf chapitres précédents). Donc il est plus utile à se caresser dans sa chambre qu’à aider son père contre un tueur, par exemple.

Et je n’exagère même pas, car, oui, Edward se dit que se barrer en laissant son père gérer seul, c’était ce qu’il y avait de mieux à faire.

J’avais agi au mieux. Ce mortel répugnant ne chasserait plus, et je n’avais pas tué. Pas récemment, du moins. J’avais eu raison de faire confiance à mon père, même si je regrettais que le misérable s’en soit tiré aussi aisément. Je me pris à souhaiter qu’il soit envoyé au Texas, où la peine de mort était si populaire.

C’est ce que j’aime avec les oeuvres américaines : tout le monde est présenté comme sympa, mais envoie quand même griller autrui sur la chaise électrique.

Sur ces belles pensées, et après une nuit à grogner en admirant sa douce, Edward peut profiter d’une nouvelle journée qui se lève sur Forks. Et aller chercher Bella chez elle pour l’accompagner à l’école, puisqu’ils se rapprochent et qu’elle connait son lourd secret (non, pas le fétichisme pour Vidéo gag). 

L’occasion pour Edward de la reluquer.

Le vêtement, trop long et trop large, ne la mettait pas en valeur. Il masquait sa silhouette mince et noyait ses courbes comme un sac informe. Ça me plut presque autant que si, pour mon plus grand plaisir, elle s’était habillée d’un haut aussi joli que la blouse bleue d’hier. Le tissu avait moulé son corps de façon extrêmement séduisante, l’encolure assez échancrée pour me permettre d’entrapercevoir ses clavicules magnifiques s’enroulant autour du creux de sa gorge. Ce bleu avait flotté comme de l’eau sur son corps aux arrondis subtils.

Comprendre : “Je préfère quand on voit ses boobs”.

Edward, tu es vraiment notre Roméo. Que dis-je, notre Roméo Alpha.

Je dirais même que l’on peut te qualifier, au vu de tout ce que l’on a vu jusqu’ici, d’Alfa Roméo.

Et puisque nous parlons voitures, Bella en se rapprochant de notre héros découvre que toute la famille d’Edward a planqué chez elle une énorme collection de voitures de sport.

— Pourquoi avez- vous des voitures pareilles si vous cherchez à passer inaperçus ? me demanda- t- elle.
— C’est un péché mignon, reconnus- je. Nous aimons tous la vitesse.

“Notre spécialité pour passer inapeçus ? Rouler à trois fois la limite autorisée dans des voitures de luxe.”

Ainsi s’acheva la vie d’Edward, arrêté par la gendarmerie de l’Allier avant que le soleil ne se lève sur sa cellule de dégrisement.

Mais le livre oubliant l’existence de la maréchaussée (vous savez, le métier du père de l’héroïne, un détail), Edward reste libre. Et peut donc retourner à l’école où les copines de Bella, la voyant arriver avec Edward, veulent savoir s’il y a un truc entre eux.

Edward les épie très fort.

— Il faut admettre qu’il est tellement craquant, soupira la pipelette.

Bella se ferma et lui adressa un regard aussi agacé que quand elle était confrontée à une injustice. L’autre ne comprit pas ce changement d’attitude.

— Il a d’autres qualités, aboya Bella.

Ah ! On y arrive enfin !

— Ah bon ? Lesquelles ?

Bella se mordilla les lèvres.

— Je ne sais pas trop… disons que toute cette beauté cache une personnalité vraiment extraordinaire.

Il va falloir m’expliquer où. Quand il épie les filles ? Les force à manger ? Roule comme Roger après deux cubis de Villageoise ?

Mais bon, on va dire qu’il en va des filles comme pour des garçons. Quand ces derniers font référence au fait qu’ils aiment une damoiselle pour son “imposante personnalité”, ils font plus souvent référence à son bonnet F qu’à son sens de l’humour.

On supposera donc que Bella soupçonne Edward d’avoir une très grosse rigor mortis.

Et puisque nous sommes dans les thèmes légers…

Dans la queue au self, Bella s’agita, tripotant la fermeture Éclair de son coupe- vent et se trémoussant nerveusement sur ses pieds.

Ce tripotage de fermeture éclair en pleine queue par une fille qui se trémousse : je ne sais pas si c’est la traduction qui se prend les pieds dans le tapis comme une vulgaire Bella, mais j’ai très envie de jeter un regard condescendant à qui de droit à la lecture de ce passage.

D’ailleurs, attendez ! Edward fait la queue avec Bella, mais où ? Au self de la cantine ! L’occasion de montrer à Bella qu’en cas de besoin, il peut faire semblant de manger.

Mais bon, ce ne serait pas la première fois que j’avalais quelque chose. La mascarade l’exigeait. Certes, c’était désagréable. La toisant, j’attrapai le mets le plus proche de moi et mordis dedans. N’ayant pas regardé ce dont il s’agissait, je fus incapable d’en identifier la nature. C’était aussi gluant, indigeste et répugnant que n’importe quelle nourriture humaine. Je m’empressai de mâcher et de déglutir en retenant une grimace. La bouchée descendit lentement au fond de ma gorge. Très déplaisant.

Non, Edward, si la nourriture est dégueulasse, ce n’est pas que tu es un vampire.

C’est juste que tu es dans un pays anglo-saxon.

 Je soupirai en songeant que, plus tard, il me faudrait l’expulser de là. Beurk !

Edward est donc persuadé que seuls les vampires expulsent ce qu’ils mangent, voire défèquent.

J’ai envie de dire : caca-boudin.

Mais passons sur tant de légèreté. Et revenons à Edward qui séduit sa belle. Qui en retour, ne comprend pas ce qu’il lui trouve.

— Je suis d’une banalité effarante. Enfin, sauf quand il s’agit de passer à côté de la mort ou d’être si maladroite que ça frôle le handicap. Comparée à toi…

Peut-on qualifier de banal un être humain qui a bientôt 16 ans de retard sur l’apprentissage de la marche ? Non Bella, tu es exceptionnelle.

Comme dans “différente”.

D’ailleurs, ça ne prend pas sur Edward, qui décidément, est très malin :

— Est- ce une allusion au fait que tu es incapable de marcher sur une surface parfaitement plane sans trébucher ?
— En effet.

Ce n’est donc pas votre serviteur qui exagère : Bella est vaincue par le premier terrain plat venu. 

Et le livre insiste LOURDEMENT dessus.

En attendant, la drague se poursuit et Edward mentionne qu’il expliquera bientôt à Bella pourquoi il ne peut pas se montrer au soleil. Par exemple, là, bientôt.

— Il fera beau, murmurai- je avec lenteur, en luttant contre mes hésitations et mes réticences. (À quel point regretterais- je mon choix ?) Donc j’éviterai de me montrer en public… Mais toi, tu pourrais rester avec moi, si tu veux.

Elle saisit tout de suite l’importance de l’enjeu, et ce fut avec des yeux brillants d’enthousiasme qu’elle s’exclama :

— Et tu me montreras ce à quoi tu as fait allusion ? 

AHEM.

Bon, écoutez, accélérons et sortons de ce terrain vaseux pour retrouver nos héros qui reparlent du régime alimentaire d’Edward. Il chasse donc des animaux ? A-t-il une casquette ? Picole-t-il avant d’y aller ? Fait-il des blagues graveleuses avant d’engueuler son chien sur un sentier ? Bella veut savoir.

— Naturellement, ajoutai- je sur un ton détaché, clinique, nous veillons à ne pas perturber l’environnement en pratiquant une chasse abusive. Nous essayons de nous cantonner à des endroits où la population de prédateurs est trop abondante, quitte à nous déplacer fort loin. Il y a certes abondance de cerfs et d’élans dans les parages, et ils conviendraient très bien, mais où seraient l’intérêt et l’amusement ?

Elle m’écoutait avec un intérêt poli, comme si j’étais un guide de musée décrivant un tableau. Je souris malgré moi.

— Où, en effet ? murmura- t- elle en avalant un autre morceau de pizza.
— Emmett adore le début du printemps. Les ours sortent tout juste d’hibernation et n’en sont que plus irritables. Soixante- dix ans après, il ne s’était toujours pas remis d’avoir perdu sa première bagarre.

Ah, le printemps. La nature qui s’éveille. Les ours qui baillent en sortant d’hibernation.

Les lycéens vampiriques qui leur marravent la gueule.

C’est si beau !

J’imagine bien le comité de direction du parc naturel des Pyrénées avec pareil connards.

— Bon, concernant la réintroduction d’ours, tout s’est bien passé à l’arrivée : les deux ours ont gagné les bois…
— Ah !
— … où ils ont aussitôt été dévorés par deux connards à grosses canines. On a retrouvé des VHS de Vidéo Gag sur place. On cherche encore à comprendre. Bref, on a donc ramené deux autres ours de Slovénie.
— Et ?
— Pareil : à peine sortis, dévorés par les mêmes. Cette fois, on a retrouvé une Volvo Tuning à proximité.
— Mais on ne va jamais arriver à réintroduire l’ours avec des prédateurs pareils !
— Pas si on réintroduit leur prédateur : le Saint Inquisiteur.

Le Saint Inquisiteur : gère vos problèmes de vampires, loups-garous et protestants en moins de 24 heures. L’être aimé vous a quitté ? Il lenvoie sur le bûcher. Résultats garantis. Paiement directement dans le tronc tous les dimanches.

Edward, lui, ne voyant pas le problème, continue à causer chasse.

— Quand nous chassons, nos sens l’emportent sur notre raison, marmonnai- je en pesant chacun de mes mots. Et nous… dirigent. Surtout l’odorat. Si tu te trouvais dans les parages à ce moment- là…

Ecoute, tu fouettes, alors quand je chasse, si tu pouvais rester loin steuplé.

Bella va-t-elle aller disperser son odeur de vieux renard sur les terrains de chasse à l’ours ? Edward est-il finalement un vampire ou une Alfa Roméo ? Lequel des deux a le plus de chance d’emballer ? 

Nous le saurons dans le prochain épisode.

En attendant, je vais montrer ce livre au Grand Inquisiteur le plus proche.

Publié le 25.01.2023 à 10:02

Stanley Hollis – Succès et échecs critiques

Parfois, on enchaîne les conneries.

Cela arrive à tout le monde : renverser son café, oublier ses clés, produire Jurassic World 1, 2 et 3… il y a des jours comme cela où l’on se dit que l’on aurait mieux fait de rester au lit.

C’est plus embêtant lorsque cela vous arrive au beau milieu d’une guerre, le premier jour d’une opération critique. Et pourtant, c’est ce qui est arrivé un certain 6 juin 1944 à Stanley Hollis, sympathique britannique qui a décidé d’enchaîner les maladresses. Cependant, et en bon ambassadeur de l’humour absurde britannique, Stanley en a profité pour enchaîner après chaque connerie un exploit improbable. Avant de refaire une connerie dans la foulée parce que hein, c’était un jour comme ça.

Voici donc l’histoire du seul type à avoir décroché la Victoria Cross le jour J, et ce, alors que ce n’était pas exactement son jour. Bon visionnage.

Et la prochaine fois que vous aurez une journée de merde, dites-vous que vous êtes peut-être à deux doigts de devenir un héros national.

Publié le 20.01.2023 à 15:04

Albert Roche star internationale et autres aventures

Vous vous en souvenez, en ces lieux, nous avions parlé dans le cadre du Petit Théâtre des Opérations d’Albert Roche, le soldat français de la Première Guerre mondiale qu’il valait mieux ne pas faire chier.

Eh bien, beaucoup plus de monde risque de s’en souvenir à présent car voici que le groupe de métal Sabaton a décidé d’en faire une chanson. Et a pour cela appelé des renforts de qualité comme Nota Bene et Yarnhub, ainsi que… votre sinistre serviteur, qui a eu la chance de participer à tout cela grâce aux larrons précités. Merci donc à tout ce petit monde, à Maëlle Mas pour la traduction, et passons au visionnage qui va permettre à des millions d’amateurs de métal – et plus encore – de découvrir Albert Roche.

Bon, ça, c’était le vrai gros sujet.

Je profite cependant aussi de ce message à caractère informatif pour deux choses :

D’abord, vous rappeler que votre serviteur a sorti récemment la suite de son anti-polar Sur les Rails, où il est toujours question du marché de la drogue, mais aussi d’élections truquées. Ce qui a permis une blague honteuse qui, suite à divers mystérieux phénomènes, a fini sur la couverture. Maintenant, il faut donc assumer : cela s’appelle Un coup dans les urnes (eeeh oui) et c’est chez Alibi.

Je… ne me demandez pas comment c’est passé.

Pour les amateurs du Petit Théâtre des Opérations, j’informe aussi très officiellement qu’à l’occasion de la journée internationale des femmes (selon l’ONU) ou du droit des femmes (selon la France) sortira un album spécial spin-off du Petit Théâtre des Opérations, Toujours Prêtes, qui traitera de femmes qui ont botté des culs. Histoire de sortir un peu de Rosa Parks et de Louise Michel. L’occasion de parler par exemple de Milunka « Milun » Savic, la version explosive de Mulan, de Nancy Wake plus connue sous le nom de « la souris blanche » qui aimait le champagne, les explosifs et meuler la Gestapo, ou de Yoshiko Kawashima, une princesse chinoise exilée qui avait pour modèle Jeanne d’Arc, ce qui quand on bosse pour le Japon en pleine Seconde Guerre mondiale, donne des résultats… intéressants. Et bien d’autres encore, dont certaines passées sur la chaîne.

Cette couverture ne comprend pas d’explosions.

Et enfin, pour parler de tout cela et bien plus encore, votre larron à cravate rouge préféré (si, si) sera au festival d’Angoulême avec monsieur le chien, justement pour dédicacer de bonnes bédés et ricaner sur de mauv… ahem, respecter tout le monde. Les détails ci-dessous.

Voilà pour les nouvelles, bon visionnage, et on se retrouve très vite avec du PTdO à musique obsédante : je suis en plein montage.

Ça ne vaut pas Sabaton, mais hein, bon, hé.

Publié le 05.01.2023 à 10:31

Avatar 2 – La voie d’eau

– Monsieur Connard, vous affirmez qu’Avatar 2 vous a beaucoup touché.
– Tout à fait.
– Vraiment ?
– Beaucoup.
– Pourriez-vous me montrer, sur cette poupée, où Avatar 2 vous a touché, exactement ?
– Ici, et là. Et puis pas qu’un peu, hein. Lui… et les autres.

Le psychiatre fait de son mieux pour dissimuler sa brève nausée et rester professionnel.

– Vous voulez dire qu’ils étaient plusieurs ?
– Oui, d’abord c’était Madame la guichetière. Quand elle m’a annoncé le prix, j’ai senti comme un picotement non-consenti. Ensuite…
– Ensuite ?
– Non, c’est trop dur.
– Soyez fort. Allongez-vous un peu mieux sur le divan et laissez vous aller.
– Vous ne voulez pas me voir quand je me laisse aller.
– Bon, alors laissez-vous moyennement aller. Et dites-moi : ensuite ?
– Ensuite, alors que je venais de payer plein pot ils m’ont… ils m’ont… ils m’ont forcé à regarder 30 minutes de publicités.
– C’est dur, mais vous savez…
– Dont trois bandes-annonces de films français.

C’en est trop : le psychiatre se saisit en premier du seau laissé entre lui et son patient, et y rend tripes et boyaux. Comment diable peut-on laisser faire cela ? C’est tout bonnement monstrueux.

– Et quand je me suis souvenu que ces films étaient subventionnés…
– Arrêtez ! Stop, Monsieur Connard ! Je suis habitué à entendre bien des choses, mais j’ai moi-même mes limites.

Le pauvre homme est au bout de ses forces. La barbe encore souillée de bave et de vomi, il relève péniblement la tête. Oui, c’est dur. Mais il doit aller jusqu’au bout.

– Monsieur Connard et si… et si vous me racontiez le film ? Le monde doit savoir.
– Vous êtes sûr ?
– Certain.
– Dans ce cas, laissez-moi vous dire en préambule qu’Avatar 2 est la preuve que James Cameron a bien lu toutes les critiques sur la pauvreté scénaristique du premier volet, dont le spoiler est ici. Et s’est exclamé « Aaah vous pensez que c’est nul ? Eh bien je vais vous prouver que je peux faire pire ! »
– Pire ? Mais c’est…
– Apapap, jeune psychiatre. Et ni une, ni deux…

Spoilons, mes bons !

L’affiche : je vous en ai mis une sans explosion pour vous laisser de l’espoir car je suis fourbe.

Pour commencer ce film, retrouvons notre bon Jake Sully, alors qu’il nous conte ses dernières aventures en voix off. Jakounet, c’est à toi.

“Salut les amis, c’est moi, Jake Sully, le marine neuneu ! Vous vous souvenez de comment à la fin du dernier film, mon esprit était intégralement transféré dans mon avatar tout bleu ? Et de comment les humains étaient expulsés de Pandora parce que merde, on est chez nous ? Bien, alors laissez-moi vous parler de ce dont vous ne vous souvenez pas. Tenez, par exemple, qui se souvenait que le méchant colonel du précédent film avait eu un bébé ? Personne ? Ça tombe bien moi non plus, mais pif paf, c’est comme ça, on va faire comme si on l’avait dit. Et ce bébé étant trop jeune pour les voyages spatiaux, il est resté sur Pandora et il s’appelle Miles, mais on l’appelle Spider parce que… merde, pourquoi déjà ? Bon, on s’en fout. Parce que pendant ce temps avec Neytiri, ma femme Na’vi, on a fait des enfants. Deux fils, Ton et Tinière, et une fille, Kisérarien. Ah et puis vous vous souvenez de Grace, la scientifique du précédent film qui mourait ? Vaguement ? Bon, son avatar lui, on l’a gardé dans son tube de liquide et… figurez-vous qu’il est tombé en cloque là encore, comme ça, pouf pouf. Alors bon, dans le film, on va vous vendre ça façon Divin Enfant, mais on ne va pas se mentir, ça fleure plutôt la soirée trop arrosée qui a fini par “Qui qu’est cap’ de se taper le corps qui flotte dans un tube ?”. Et puis bon, hein, sur Pandora, on a beaucoup d’animaux fluorescents mais peu de capotes, hein, hé. Toujours est-il qu’est née de cette glauquissime union une fille, Jésute, que nous avons adoptée.  Bon, que puis-je rajouter ? Non, on ne reparle pas de comment Jésute est née. Chut. Ça suffit. Je disais donc : qu’ajouter à tout cela ? Ah si, oui, quelques humains amis des Na’vis sont restés sur Pandora, mais c’est tout. Voilà, à vous les studios.”

Hm ?

Ah, pardon, j’étais parti, je trouvais déjà cela nullissime, surtout cette histoire de bébé magique de Grace. M’est avis que quelqu’un a essayé d’expliquer à James Cameron le concept de bébé-éprouvette et que l’affaire a mal tourné, surtout quand James s’est exclamé « Mais comment elle fait la maman pour tenir dans le tube ? ». Résultat, vous qui venez d’emmener votre enfant au cinéma pour voir un film tous publics, vous voilà à expliquer le concept de viol et de crypto-nécrophilie à votre bambin.

Profitez : ce sera sûrement le meilleur moment du film au vu de ce qui vous attend.

Toujours est-il que Jake coule des jours heureux pendant près de 15 ans en tant que chef de sa tribu Na’vi, jusqu’au jour où dans le ciel apparaissent des lumières étranges. N’étant pas défoncé à la ganja de la forêt magique – pour une fois – il comprend aussitôt que ce sont les humains qui reviennent ! Et qui se posent avec de grosses fusées qui crament la moitié de la forêt. Non, ils ne pouvaient pas se poser dans une zone découverte. D’entrée de jeu il faut nous montrer que les humains déboisent sec, comme ça, hop. Rooouh, qu’ils sont vilains.

Bon, eh bien on dirait que ce film va commencer exactement comme le précédent : gentils Na’vi qui vivent en paix avec la nature, humains qui débarquent en salopant tout, hmmm, je me demande comment on pourrait faire encore moins original ?

Oui, vous au fond ? “En remettant exactement le même méchant” ? Aha, impossible, il est mort. Ce serait complètement c…

Uuuun instant.

Rendons-nous dans les vaisseaux humains, où il se passe quelque chose : des avatars fraîchement créés se réveillent. Et parmi eux… NUL AUTRE QUE LE COLONEL MÉCHANT ! Le méchant du précédent film ! Mais désormais, incarné en Avatar.

Comment est-ce possible sachant qu’il est mort ? Une courte vidéo que regarde l’avatar nous l’explique. On y voit le colonel Méchant, face à la caméra, expliquant tout.

“Salut, grosse bête bleue. Je suis le colonel Méchant. Si tu regardes cette vidéo, c’est que je suis mort et que les scénaristes étaient infoutus de pondre un nouvel antagoniste, ce qui n’était pourtant pas bien dur. Bref, tout ça pour te dire qu’avant de partir au combat, j’ai copié ma mémoire, ainsi que celle de mes meilleurs Jean-Jacques pour qu’en cas de décès, nos souvenirs soient implantés dans des avatars. Vous pourrez ainsi reprendre la lutte plus grands, plus bleus, et accessoirement, nous venger.”

« Et surtout, ne pose pas de question, mon p’tit avatar vengeur, parce que sinon il faudrait développer ton personnage et ça, plutôt crever ! Enfin, façon de parler. »

Et en effet, c’est toute une escouade d’avatars remplis de mémoires clonées des précédents méchants qui est prête à débarquer sur Pandora. Vous me direz “Dites-donc, c’est drôlement pratique cette technologie de clonage des souvenirs qui permet de créer des avatars 100% autonomes là où dans le précédent film ils ne pouvaient être que pilotés à distance ! Ça aurait tout changé, en fait. Comme par exemple, cloner les souvenirs du frère de Jake Sully et de tous les candidats au programme avatar pour qu’en cas de décès, on puisse les faire fonctionner sans le pilote original au lieu de devoir importer de la Terre, au hasard, un marine paraplégique un peu con qui servirait de remplaçant et finirait par trahir tout le monde.”

Oui, hein ?

Les défenseurs du film me diront “Tututu, entre les deux films, il s’est passé 15 ans, alors peut-être que cette technologie a été développée entre temps ?”

Et je répondrai : certes, mais comme des gros blaireaux ont fait toute une vidéo du colonel expliquant que cette technologie existait dans le précédent film, même que c’est pour cela qu’il a copié ses souvenirs en prévision d’une mort potentielle et d’une vengeance, eh bien non. 

En peu de mots : le film démarre en vous expliquant que le précédent film n’avait aucun motif d’exister, et le héros aucune raison d’être là.

10mn de film, et déjà, c’est moins créatif qu’un François Fillon à son procès.

Toujours est-il qu’en hommage à ce plan fabuleux, nous baptiserons l’escouade du colonel et de ses Jean-Jacques revenus sous forme d’avatars l’escouade “Panne d’Inspiration”. 

Accessoirement, que d’enjeux maintenant que l’on sait que chaque personnage mort peut revenir à l’infini, c’est vraiment pass… pach… pardon, je baillais. Je disais ; une décennie pour écrire ça, ça valait le coup. Vous vous êtes défoncés, les gars.

Toujours est-il que les humains étant très méchants, sitôt arrivés, ils commencent à tout saccager comme autrefois. Et… non, rien. Les Na’Vis se contentent probablement de se curer le nez et de lire Pif aux toilettes. Car le film nous propose de bondir un an plus tard, pour découvrir que les Terriens ont tranquillement bâti une solide base, des lignes de chemin de fer, et qu’ils exploitent la planète autant que possible, mais voilà, DEPUIS qu’ils sont bien installés, les Na’Vis de la tribu de Jake les attaquent et s’en prennent à leurs convois.

Non parce que s’ils attaquaient les humains directement sans les laisser s’installer, le film s’arrêtait là. Jake n’allait donc pas lancer la guerre de suite, oh, hé, ça va pas non ? Et gagner, aussi ? Ho ! Bref, une fois que tout le monde était prêt, hop, la guerre a pu reprendre.

L’occasion de nous montrer l’une de ces embuscades Na’Vis contre un train humain, où l’on peut constater que les humains continuent à circuler quasiment sans aucune escorte, à part des aéronefs qu’ils font voler le plus bas possible et dont les cockpits ne résistent pas…. aux flèches.

Les humains sont vraiment serviables : ils sont revenus refaire exactement les mêmes erreurs. 15 ans après leur défaite, ils n’ont toujours pas saisi que l’avantage des engins volants, c’est qu’ils volent. C’est vrai que c’est un peu complexe. La semaine prochaine, on va découvrir qu’ils font rouler leurs avions de chasse pour attaquer.

Mais à défaut de bien utiliser leur matériel, les humains décident de rassembler l’escouade Panne d’Inspiration, qui jusqu’alors, était à l’entraînement. La nouvelle générale sur place (qui comme le colonel, passe son temps avec un mug  de café à la main), a tôt fait d’expliquer au colonel Méchant son problème.

– C’est Jake Sully.
– … et ?
– Nan ayé, j’ai fini.
– Non mais vous vous faites attaquer par plein de Na’vis, pas juste par Jake Sully, générale. En plus dans le précédent film, ça castagnait déjà sans que Jake Sully ne soit là. Donc bon, certes, il fait chier, mais c’est plus vaste.
– Écoutez colonel, nous n’avons que 3h30 de film, comment voulez-vous que j’arrive à expliquer un truc complexe comme “Les Na’vis sont en guerre contre nous” ?
– Vous venez de le faire.
– Ah oui merde. Nan mais vraiment, laissez tomber colonel. On veut une intrigue qui se limite à “NOUS TAPER JAKE SULLY”. Le reste on s’en fout. donc je veux que votre escouade aille le trouver et lui pète la mouille. C’est vu ?
– Vu, générale. 
– Ah oui, et colonel, n’oubliez pas que cette mission est cruciale. Nous devons pacifier cette planète à tout prix. Car cette fois-ci, nous ne sommes pas juste ici pour les ressources. La Terre se meurt, et il a été décidé que Pandora serait le nouveau foyer de l’humanité. Alors ne merdez pas sinon des milliards de gens vont mourir.

Retenez bien cela : cette fois-ci, c’est le sort de l’humanité qui est en jeu, et les humains sont ici pour s’installer ou mourir. 

C’est fait ? Bien, puisque nous y reviendrons.

En attendant, l’escouade Panne d’Inspiration est déployée sur le terrain, dans la zone où l’on suppose que les Na’vis se cachent. Et après environ 0,7 secondes, devinez sur qui l’escouade trébuche ?

MAIS SUR LES ENFANTS DE JAKE BIEN SÛR.

Oui, comme ça. Ils auraient pu tomber sur n’importe quel Na’vi, une vague sentinelle, un truc, mais non, hop ! Sortez votre boîte à “Ça alors !”, car nous allons tellement la secouer que vous implorerez ma pitié une fois les muscles de votre bras sévèrement endoloris.

Il n’en faut pas plus pour que le colonel Méchant ne prenne en otage les marmots, qui heureusement, ont le temps d’appeler leurs parents à la rescousse façon « Papa ! Devine sur qui on vient de tomber ? C’est fou les coïncidences, non ? »

Et pas de chance pour le colonel : ses Jean-Jacques, c’est étonnant, sont nuls. Et se font rapidement abattre l’un après l’autre par Jake et Neytiri, jusqu’à ce que les deux parents libèrent leurs enfants et filent, laissant le colonel et quelques survivants insulter des mamans et vider un ou deux chargeurs dans la jungle sans plus d’effet.

Et pour vous éviter de balancer la boîte à “Ca alors !” aux quatre coins de la pièce, gagnons du temps : à partir de maintenant, et jusqu’à la fin du film, aucun humain ne touchera jamais le moindre Na’vi. Même à deux mètres et avec un lance-flammes, ils n’y parviendront pas. Ce qui rend les combats, comment dire… quel est le terme déjà ?

Ah oui : tout nazes. 

Non parce que quand on a pigé que les méchants ne pouvaient pas toucher les gentils, ça revient à les désarmer. Et donc, des méchants désarmés, c’est moyennement menaçant. Ils pourraient passer le film à courir les bras en l’air en poussant des gazouillis que ce serait la même chose. Non, vraiment, il y a eu un gros travail sur… le… hmm.. sur les effets spéciaux et c’est tout, donc.

Mais revenons à Jake, qui se replie au village secret des Na’vis de sa tribu en bénissant le fait que les humains venus de l’espace n’aient toujours aucun truc appelé “satellite” permettant, au hasard, de localiser où les Na’vis pourraient se planquer. Ou même un avion volant un peu haut : non, ils n’ont rien. Car Jake se déplaçant joyeusement en poulet volant bleu pétard et bien au-desssus de la jungle, il doit être visible à 50 kilomètres à la ronde, mais ouf, ça va.

Qu’importe, car de toute façon, Jake n’est pas là pour ça. Non, il doit parler à sa femme.

– Femme !
– Euh, steuplé, tu changes de ton et tu m’appelles Neytiri parce que je te rappelle que je suis Na’vi de naissance, fille de chef, et que je t’ai tout appris sur Pandora et mon peuple.
– Oui, mais à partir de ce film, tu n’es ni plus ni moins que la femme du héros. Ton rôle va se limiter à me suivre et à servir de plante verte. Allez, je te laisserai combattre un peu, mais c’est bien parce que c’est toi.

Non, vraiment, dix ans à travailler sur ce film, et diable, quel résultat ! Ils sont parvenus à revenir en arrière sur le développement de personnages pourtant pas bien épais ! Voilà qui force le respect. Cependant, reprenons.

– Femme, disais-je !
– Ui.
– Le colonel Méchant est de retour !
– Ui.
– C’est moi qu’il veut ! Et notre famille !
– Ui.
– Rester ici met donc tout le monde en danger. Pour le bien de la tribu, nous devons partir.

J’espère que vous appréciez le raisonnement. Car encore une fois, tout semble tourner autour des héros. Non, à aucun moment, Jake ne se dit que le problème pourrait dépasser son gros ego. Que les humains ne le combattent pas juste lui. Que s’il se casse en plein milieu de la guerre, les humains s’en foutent un peu que le général d’en face s’appelle Jake Sully ou Michel Petibedon. Non, ils vont ratiboiser la gueule des Na’vis, point barre. Donc partir revient juste à déstabiliser ton propre camp en plein milieu de la guerre.

Mais non, Jake Sully pense que s’il part, les humains vont s’exclamer “Merde, le chef d’en face a changé de nom, arrêtez tout et préparez un pique-nique, la guerre est finie.”

Et vous savez quoi ?

Il a raison.

Car personne dans sa tribu n’y pense. Jake passe donc les rênes de son peuple à un autre, lui claque la bise, puis se barre avec sa famille. Qu’arrive-t-il alors aux Na’Vis de la forêt, autour duquel tout le dernier opus tournait et pour lesquels Jake avait tout quitté ?

Eh bien… ON N’EN PARLERA PLUS DU FILM.

« Tu comprends, femme ? Si on ne voit pas quelque chose à l’écran, cela ne peut être malmené ! Et comme la caméra me suit… »

Je ne plaisante pas. TOUT le peuple de Jake, tous les Na’vis du précédent film, toute la guerre avec les humains autour de leur nouvelle base, hop ! Ça passe à la trappe entre deux scènes.

C’est. Génial.

Et les humains justement ? Comment réagissent-ils à tout cela ? Suivons plutôt le retour de l’escouade Panne d’Inspiration à la base, après sa déconvenue forestière. Car elle n’est pas revenue les mains vides : si elle n’est pas parvenue à abattre Jake Sully ou à s’emparer de ses enfants, elle a eu un lot de consolation : en chemin, elle a réussi à attraper Spider, le fils idiot du colonel qui leur est littéralement tombé dessus – ça alors ! – et à la ramener à la maison.

Mais Spider ayant été élevé parmi les Na’vis, il est tout sauvage, crie, grogne, et projette du caca avec une précision redoutable. Ce qui fait de lui le seul humain qui va peu ou prou toucher quelque chose du film.

Cependant, ses projections d’excréments ne le protègent pas des gardes qui finissent par l’emmener, l’empêchent de recharger en se fourrant les doigts sous le pagne, et l’attachent à une étrange machine. Qui se met à scanner son cerveau, pendant que la générale de la base vient lui rendre visite.

– Bonjour mon p’tit. 
– Laissez-moi partiiiir !
– Bien, je vois que ta famille a pensé à t’apprendre l’anglais, cela va nous faciliter les choses. Je t’explique : cette machine va scanner ton misérable esprit de sauvage. Si tu penses ne serait-ce qu’une seconde au village caché de tes amis, nous saurons immédiatement où il se trouve !
– Ah ben je vais pas y penser alors.
– ZUT IL EST TRÈS FORT !

Non, vraiment, c’est la véritable scène : la générale, au lieu de lui demander où se trouvent ses amis et d’attendre, lui révèle comment cette machine qu’il ne connait pas fonctionne pour qu’il puisse y résister en pensant à autre chose, comme par exemple, Despacito.

Ah non mais c’est très bien écrit, hein.

Finalement, et alors que Spider va tout balancer, c’est le colonel, que l’on sent bien un peu touché par les souffrances de son fils coincé dans la machine infernale, qui vient le détacher et l’emmène dans une salle à part.

– Écoute petit, ne pense pas un instant que je sois sentimental. 
– Dit le mec qui vient de me détacher de mon instrument de torture alors que j’allais craquer.
– Oui nan mais je… bon, écoute, trou du cul. Je sais que tu n’es pas mon fils, comme tu sais que je ne suis pas ton père, même si j’en ai tous les souvenirs. Mais ça m’arrangerait que tu m’aides.
– Nan.
– Bon ben tant pis : je vais t’emmener sur toutes nos missions quand même.
– Mais pourquoi faire ?
– Chépatro.

Nous non plus, mais ils le font. Et Spider, qui les hait, apprend quand même à son colonel préféré et à son escouade de Jean-Jacques à mieux parler le Na’vi, les emmène au rocher des poulets volants pour qu’ils en chevauchent comme des Na’vis, leur sert d’interprète, bref, je… attendez, à quel moment il les hait ? Ah si, de temps à autres, il fout un peu la merde, mais on continue à le laisser libre de ses mouvements, voire on l’emmène dans tous les endroits clés où il pourrait foutre la zone ou apprendre des choses confidentielles.

Toi aussi, quand tu captures un ennemi, emmène-le partout où il peut poser problème, et ce, sans l’attacher.

Faisons donc une pause avec un petit Le savais-tu ?

Le savais-tu ? À chaque fois qu’une imprimante fait un bourrage papier quelque part dans le monde, elle produit quand même quelque chose de mieux léché qu’Avatar 2.

Voilà, c’était la pause : on reprend.

Et revenons à Jake et sa famille, qui à dos de poulets volants, quittent la forêt magique et s’en vont à des centaines de kilomètres de leurs terres en direction de l’océan pour demander l’asile à une tribu de Na’vis des îles que nous appellerons parfaitement aux hasards les Maoris tant on sent le gros travail de créativité derrière. 

Et les voici donc qui accueillent nos héros sur l’une de leurs plages.

– Jake Sully ! La légende ! Tu es le célèbre Chevalier Gropoulet de la forêt magique, celui qui a dressé le Gropoulet qui…
– Nan mais c’est bon, je connais mon CV. Écoute grand chef Maori, ma famille et moi on vient demander l’asile.
– Ah. Alors c’est embêtant parce que voyez-vous, chez les Maoris, nous n’accueillons pas les gens de la forêt. Vos bras sont plus fins que les nôtres, vos queues plus adaptées à l’escalade qu’à la nage et…
– Tu parles pas d’ma queue comme ça steuplé !
– Certes, mais néanmoins, les Maoris n’accueillent que ceux qui se rendent utiles à la tribu.

C’est vraiment ce qui est dit à Jake : on n’accueille pas les inutiles. Si vous voulez mon avis, les Maoris sont de droite. Dans deux minutes, ils vont accuser Jake de n’être venu que pour la CAF avant de partager cette fine analyse sur CNews.

Heureusement, notre héros n’est pas à court d’arguments. Qui ne sont pas sans rappeler Troll.

– Allez.
– Nan.
– Alleeez.
– Nan.
– Alleeeeeez !
– Tu es fort, Jake Sully, ton sens de la diplomatie est proverbial. D’accord, on vous prend. Les Maoris t’accueillent, toi et ta famille. Entendez-vous, Maoris ? Accueillez ces gens de la forêt comme vos frères, et traitez-les comme des enfants qui doivent apprendre. Enseignez-leur nos us et coutumes pour qu’ils puissent s’intégrer et participer au travail de la tribu, cette bande de branl… d’étrangers. Ahem.

Jake, qui est plutôt habitué à jouer du tam-tam en pagne dans la forêt magique en parlant écologie doit se retenir devant autant de propos de droite, mais comme on lui file une jolie maison au village, il ferme sa grande bouche. Et suggère à ses enfants de se tenir à carreau, sinon ce sera taloches pour tout le monde, compris les marmots ?

Hélas pour lui, c’est peu ou prou à ce moment-là qu’un cliché – on en manquait – se déclenche, à savoir que près d’eux, une jeune Na’vi sort de l’eau en secouant ses cheveux de manière caricaturale façon “Haaan c’est si bon de se baigner en bikini, je suis si mouilléééeeee” (dans les films, la femme qui sort de l’eau s’exclame rarement « Woputain elle est froide, envoie ma serviette, plus jamais on va en vacances à Saint Nazaire »), et provoque de mystérieux mouvements sous les pagnes des enfants Sully.

Car bien évidemment, elle est : A) Belle B) Pile de l’âge de ses marmots C) C’est la fille du chef.

Si votre boîte à “Ça alors !” ne s’est pas retournée d’elle-même, faites-vous plaisir. Et deux fois puisqu’évidemment, sitôt qu’elle croise le regard des jeunes étrangers, on peut lire sur ses lèvres un “Haaooooaaan” (en substance). Ce qui, si vous n’aviez pas pigé, signifie que deux Na’Vis ont bien envie de se connecter les ports USB.

Si vous vous demandiez où est passé le budget pour essayer d’innover l’espace de quelques secondes, comme dit plus haut, il est uniquement dans les effets spéciaux, puisqu’à partir de là, nous allons passer une heure au milieu de paysages paradisiaques à voir la famille Sully s’adapter à sa nouvelle vie et découvrir les magnifiques fonds marins du secteur. Ce film est finalement plus proche d’un très joli écran de veille que d’un… ah ben d’un film, en fait.

Jake, qui est un personnage complètement sans intérêt, excelle bien évidemment quasi-immédiatement en tout (on parlera de « Mary-Sully »), on ne l’évoquera donc qu’à peine. Sa femme Neytiri, elle est… euh… ah en fait, le film l’oublie durant quasiment une heure puisqu’elle n’est plus qu’un accessoire de Jake.

Non, vraiment. On voit tout le monde s’adapter à cette nouvelle vie, sauf elle. Désolé : il fallait avoir une prise mâle sur ton port USB de l’espace, ma jeune amie.

Les enfants ? Les Maoris leur apprennent à nager sous l’eau et à rester longtemps en apnée, ce qui est compliqué pour eux. Après avoir passé cinq scènes à s’y entraîner et alors qu’ils arrivent enfin à se démerder, la fameuse fille du chef Maori, Maorion, finit par pointer du doigt des espèces de méduses qui nagent dans le lagon et glisse nonchalamment : 

– Ah oui, pour info, si vous collez une de ces méduses sur votre dos, vous pouvez respirer sous l’eau.

ET TU POUVAIS PAS LE DIRE PLUS TÔT, TRUIE BLEUE ?

Personnellement, je pense qu’ils tentaient de les noyer depuis le début.

C’est sympa d’avoir suivi des plombes d’entrainement à l’apnée pour apprendre que depuis le début, en fait, c’était quasiment inutile. Heureusement, tout le monde étant neuneu, personne ne relève. De toute façon, tout le monde est occupé chez les enfants Sully.

Ton, le plus vieux fils… fait du rien. Il se contente de répéter “Oui Monsieur” “Bien sûr Monsieur”, et ce n’est pas une blague, car son père a éduqué ses enfants en marines. Qui s’adressent donc à lui comme à leur sergent. L’histoire ne dit pas si papa leur fait récurer les chiottes avec la langue ou chanter des chansons impliquant leur mère durant le jogging quotidien.

Kisérarien, la fille, ne sert à rien comme son nom l’indique. Mais alors, vraiment rien. On se demande même ce qu’elle fait dans le film. Un peu comme sa mère, mais c’est une autre histoire.

Jésute, elle, passe son temps à observer la nature et à s’émerveiller, et à dire qu’elle entend le cœur de la planète battre. On ignore si elle est magicienne ou défoncée, mais comme c’est probablement un peu des deux, il y a un mot pour cela : on dit qu’elle est “druide”.

Enfin, arrêtons-nous sur Tinière, le second fils de Jake, qui enchaîne les conneries. En effet, il se bagarre avec des enfants du village, et voulant se rabibocher avec eux, accepte de les suivre loin du village, au large, pour aller pêcher. Or, c’est une blague des petits Maoris intitulée “Hihihi, on t’abandonne dans la zone de chasse d’un grand carnassier, c’est rigolo non ?

Si, si. Pour lui faire une blague, les enfants essaient de le tuer. Ils ont le sens de l’humour d’un Michel Fourniret.

S’ensuit donc une aventure de Tinière qui se fait courser par un requin géant, mais heureusement se fait sauver de justesse par l’intervention d’un animal encore plus gros (il a utilisé Summon Bigger Fish). Qui ressemble à une baleine, a l’odeur d’une baleine, fait les bruits d’une baleine, mais on vous jure, c’est une création originale et pas du tout une baleine, nous dirons donc par respect pour le génie créatif des équipes du film qu’il s’agit d’une paleine.

Tinière est bien content d’être sauvé, et aide immédiatement en retour son nouvel ami en lui retirant un harpon qu’il avait dans une nageoire. L’occasion de constater que son autre nageoire est étrangement coupée. Mais qu’importe : Tinière et sa paleine deviennent copains, nagent ensemble, et communiquent joyeusement car figurez-vous qu’en l’espace de deux scènes, on passe d’une paleine qui fait “Huiihiihiiuiiii” à une paleine qui arrive à dire “Sais-tu que j’ai été banni par les miens ? Sinon, tu lis Proust, toi ?”

Vraiment. Bon, pas pour Proust (cette baleine ne lit que du Victor Hugo), mais si, elle parle.

Alors que Tinière joue avec son ami, son père et les Maoris arrivent puisqu’ils ont appris que l’enfant avait été abandonné sur le territoire d’un grand carnassier. Aussitôt, Tinière lance à son gigantesque ami : 

– Vite, petite paleine, plonge ! Il ne faudrait pas que l’on découvre que j’ai noué une amitié avec un animal marin géant, ce qui ferait probablement de moi un héros et aiderait toute ma famille à s’intégrer, tout en montrant aux enfants qui se sont moqués de moi que j’assure chaussure !

C’est connu : les adolescents adorent cacher tout ce qui pourrait les rendre populaires. La paleine plonge donc, et Tinière retourne au village avec ses parents, qui sont heureux – pour des raisons qui m’échappent – de le retrouver vivant. Tinière finit quand même par raconter son histoire à ses amis Na’Vis. Maorion fronce les sourcils.

– Alors comme ça, tu as fait ami-ami avec une paleine isolée qui a une nageoire coupée ? Fou que tu es ! Il s’agit de Billy, une paleine tueuse rejetée par les siens !
– Han même pas vrai ! C’est une gentille paleine ! Tu es pleine de préjugés de droite, comme tout ton peuple !
– Nan, ce sont les paleines qui nous l’ont dit.

Si comme moi, vous vous demandez ce que vous foutez devant un film où l’on parle de crime chez les paleines, hochez la tête. Merci, je me sens moins seul.

Mais Tinière n’a pas dit son dernier mot : Billy la paleine ne peut pas être méchant ! Il veut avoir le fin mot de l’histoire, et retourne voir son nouvel ami. 

– Billy, c’est vrai que tu es un tueur ?
– Hououuaaaaouuuiiiin.
– Putain c’est chiant, il y a des scènes où tu parles et d’autres non. J’ai un peu l’impression que c’est quand ça arrange le scénario.
– Houuuuuaaiiiiiécritavecducacaoouiiiiiin ?
– Certes, mais revenons à ces accusations : es-tu un meurtrier ? Maorion au village, elle dit que si.

Et Billy d’ouvrir grand la bouche pour inviter Tinière à y rentrer. Car c’est tout au fond de celle-ci que la paleine dispose, comme tous les animaux de Pandora, de son port USB universel auquel les habitants peuvent se connecter (avec ce qui leur sert aussi de bite, je le rappelle : après la crypto-nécrophilie en début de film, voici donc la zoophilie, coucou les enfants !). Ce que Tinière fait, alors que la bouche se referme derrière lui.

À noter que Tinière ignore que ses frères et soeurs l’observent de loin et viennent de le voir se faire avaler par une baleine tueuse, mais personne n’intervient parce que… c’est une baleine tueuse… elle vient de l’avaler…

… mais le script a dit que ça va, c’était cool.

Vous le dites si on vous emmerde amis scénaristes, hein.

Revenons à Tinière, qui se connecte à Billy la paleine, et a ainsi sa version de l’histoire via des visions : Billy était tranquillement en train de nager avec son clan et leurs potes Na’vis quand des humains avec un gros bateau sont arrivés et leur ont latté la tronche. Billy a alors décidé de regrouper les survivants pour attaquer les humains, mais cela a tourné au massacre (nageoires contre harpons, bon), et seul lui a survécu.

Tinière, choqué de découvrir la vérité, retourne immédiatement au village expliquer aux Maoris ce qu’il en est. Ces derniers l’accueillent, surpris.

– Tinière ?
– J’ai quelque chose d’important à vous dire, peuple Maori !
– Alors oui mais pourquoi es-tu couvert de merde ?
– Je… écoutez… je n’ai pas envie de raconter comment je suis sorti d’une paleine, d’accord ?
– Oh. Oooooh. Elle t’a fait le coup de “rentre par ma bouche, la suite va t’étonner ?”. C’est une blague typique des paleines.
– Bon, n’en parlons plus ! Sachez que Billy est innocent ! Il a résisté aux humains, c’est son seul crime !
– Ça ne change rien. C’est un tueur, et banni pour cela.
– Comment ça, ça ne change rien que Billy soit innocent ?
– Tu ne comprends pas, Tinière. Les paleines sont intelligentes et pacifistes. Sauf quand elles te font ramper dans leur rectum pour sortir après t’avoir montré un truc dans leur bouche, mais ce n’est pas le sujet. Pour elles, même menacées de mort, elles ne doivent jamais tuer. En attaquant les humains, Billy est devenu un tueur. Tueur d’humains, mais aussi tueur de paleines et de Na’vis, car ceux morts en combattant à ses côtés l’ont été parce qu’il a prôné la violence.
– Donc ils devaient se laisser massacrer ?
– … eeeeeh biiiiiiiiiiiiiieeeeeeeeeeeen… oui.

Billy la paleine est un animal très propre : ici, elle se lave après avoir expulsé un Tinière couvert d’excréments de son for intérieur. Mais ça valait le coup : vivement le prochain touriste à piéger.

La paleine est comme ça : si on lui envoie un harpon, elle tend l’autre nageoire. C’est quasiment christique. D’ailleurs, en parlant de ça, que fait Jésute pendant ce temps ? Eh bien elle a décidé d’aller se connecter à l’arbre magique des Maoris. Un arbre comme sa tribu d’origine en avait, sacré, sauf que là, il est sous l’eau.

Mais quand elle s’y connecte, elle fait une vieille crise d’épilepsie et manque de se noyer. Obligeant Jake à appeler les rares humains alliés des Na’vis qui étaient restés sur Pandora pour qu’ils viennent vérifier qu’elle va bien.

Et ce faisant, ils prennent un aéronef… ce qui est une grosse erreur !

Car au même moment, au QG humain…

– Générale, nous venons de détecter un aéronef non-déclaré. Il s’est rendu dans l’archipel 400km plus au sud de notre position.
– Excellent, caporal Roudoudou.
– Oui d’ailleurs, comme visiblement, on a des outils de surveillance… on ne pourrait pas traquer cet aéronef de manière plus précise ? Ou envoyer une patrouille sur zone ? Ou scanner le coin avec ce satellite qui nous fait tout plein de schémas 3D de Pandora partout dans la base dès qu’on pousse un bouton ?
– …
– Générale ?
– …
– Générale, je vous vois en train d’essayer de vous enfoncer votre mug de café dans l’oreille. Mais c’est impossible, vous allez continuer à m’entendre. Alors ?
– Caporal Roudoudou, vous et vos idées qui pourraient achever le film ici et maintenant, vous m’énervez : vous êtes viré !
– Maiiiis !

La générale a un bien meilleur plan : elle convoque le colonel et l’unité Panne d’Inspiration.

– Salut les bleus. On a réussi à détecter un aéronef ennemi dans cette zone gigantesque comportant des centaines d’îles et de villages Na’vis. C’est forcément Jake Sully.
– Pourquoi ?
– Parce que.
– Brillant, générale. Et qu’attendez-vous de nous ? Qu’on aille fouiller des centaines de villages au pif en espérant tomber sur le bon ?
– EEEEEEEEEEEEXACTEMENT.

Et ce qui est dit est fait. Le colonel se rend sur place, et débarque dans un village Na’vi au pif. Promptement, lui et ses hommes rassemblent les indigènes, avec Spider pour leur servir d’interprète.

– Spider, dis-leur qu’ils doivent nous dire où se cache Jake Sully où on leur pète la gueule !
– Non !
– Bon, d’accord. On va juste brûler leurs maisons alors.

Et le colonel Méchant de transformer le village en hommage à Jacques de Molay. Ce qui ne le satisfait pas tout à fait.

– Hmmm, je me vois mal brûler des centaines de villages jusqu’à tomber sur le bon.
– Vous avez raison colonel, c’est mal.
– Mal ? Ah non, moi je pensais plutôt au prix de l’essence ! Vous savez combien ça consomme, un lance-flammes ?

Notre méchant est bien embêté. Que faire ? Incendier les villages au briquet électrique ou en jetant des e-cigarettes sur leurs toits de paille ? Il lui vient une autre idée.

– J’ai cru comprendre que les Maoris étaient très amis avec les paleines, ces espèces de gros poissons un peu cons.
– En effet colonel. Chaque Maori se lie d’amitié avec une paleine, et ils sont comme frère et sœur. C’est une communion spirituelle.
– Bon ben on va péter la gueule des paleines, ça fera sortir notre cible.

Notez que le plan est génial : comme c’est trop aléatoire de taper les habitants des villages… on va plutôt taper les paleines correspondant aux habitants des villages. Ce qui revient EXACTEMENT au même,  sauf que tuer un villageois, c’est une balle, alors que tuer une paleine demande tout un travail. On peut donc résumer le plan du colonel à : “Pareil, mais en plus long, plus cher et plus compliqué”.

Bon dieu, ce n’est pas un colonel qu’ils ont cloné : c’est Parcoursup !

Cependant, pour mieux comprendre comment on tue de gros animaux marins, le colonel se rend sur l’un des énormes navires humains qui chassent la paleine dans ces eaux et transportent chacun une petite armée. Et il choisit l’USS Enculos, qui, comme vous allez le voir, est introduit avec légèreté.

En effet, sitôt le colonel à bord, il y rencontre le capitaine Iglou, le chef de bord qui lui présente son bâtiment ainsi que la chasse à la paleine.

– Oui colonel, notre bâtiment est spécialisé dans cette chasse ! Nous, les paleines, on en fait des patonnets !
– Des ?
– Ça n’a RIEN À VOIR avec des batonnets, colonel, arrêtez d’insister !
– Oookay. Permettez que je m’interroge quand même : on a peu d’effectifs sur Pandora, et l’une de nos priorités, c’est la chasse à la paleine ?
– Mais oui ! Car les paleines ont dans leur crâne un liquide qui stoppe instantanément le vieillissement humain ! Une paleine nous rapporte ainsi 80 millions de dollars ! Ahaha ! Comment croyez-vous que cette expédition est financée ?
– …
– Colonel ?
– Attendez, j’vous montre… ‘tendez faut que je sorte ça de ma poche… voilà. Regardez le script là… plus tôt dans le film… vous voyez ce dialogue ? C’est la générale qui m’explique que la mission sur Pandora n’a aucun rapport avec le profit cette fois : il s’agit de déplacer les humains ici car la Terre est condamnée.
– Haaaan.
– Donc certes, c’est cool de faire du pognon, mais ça n’a aucun sens de dire que c’est ce qui finance la mission. Car vous pensez bien que même sans ça, l’humanité ne va pas dire “Bon ben tant pis, on crève.”
– Vous voudriez dire qu’on se contredit très fort ?
– Je crois surtout que les scénaristes n’avaient aucune idée de pourquoi il pourrait y avoir de la putain de chasse à la paleine dans ce film et ne savaient pas comment l’introduire.

Le capitaine Iglou arrache le script des mains du colonel puis le jette à l’eau. Le script, pas le colonel.

Le colonel lui-même n’arrive plus à piger dans quelle direction part le film.

– Bon, on oublie et on reprend, colonel ?
– Oui.
– Donc, disais-je, l’USS Enculos chasse la paleine pour le pognon car on aime l’argent.
– Oui.
– Et là ! Regardez, nos capteurs ont détecté une paleine ! Ahaha ! Tout un groupe ! Alors d’abord, on met de petits bateaux à l’eau, puis on balance des charges sous-marines pour rendre sourde la bête, AHAHAHA ! ELLE SOUFFRE !
– Okay, vous êtes vilains.
– Mais attendeeeeeeez, on vise d’abord les MAMANS car leur BÉBÉ les ralentit, tiens, on va te crever, maman paleine, AHAHAHAHA !
– Nan, c’est bon, je crois qu’on a compris que vous étiez cruels.
– Noooooon ! Car maintenant, on lui envoie du son dans la gueule pour la torturer, AHAHAHA elle DOUILLE la PPPPPPPPUTE !
– Que ? Capitaine ? Calmez-vous !
– ET LE HARPON, IL EST EXPLOSIF POUR LUI ATOMISER SES ENTRAILLES DE MERDE !
– Capitaine, arrêtez !
– ET ENSUITE ON LUI FORE SON CRÂNE ET ON POMPE LE LIQUIDE AVANT DE REJETER TOUT LE RESTE POUR BIEN MONTRER QU’ON S’EN FOUT !
– Capitaine, stop, c’est bon !
– ET ON VA REMETTRE SON CORPS MUTILÉ À CÔTÉ DE SON BÉBÉ PALEINE QUI CHIAAAAALE CONTRE SA MAMAN MORTE !

Est-ce que vous aussi, vous avez la vaaaague impression que le film cherche à rendre ces gens détestables de manière très subtile ? Et surtout : pensez-vous qu’ils vont mourir ?

Je me demande.

Nous conviendrons cependant que cette scène appuie surtout une chose : c’est nul. Et encore, je vous passe tout le dialogue sur le fait que le capitaine se marre car les paleines sont apparemment plus intelligentes et sensibles que les humains, ce qui rend leur massacre encore plus rigolo à ses yeux. Non, vraiment, c’est léger. Je pense qu’il aurait déféqué sur la paleine avant de frotter son majeur tout le long de l’animal, c’était la même.

Mais vous voulez plus de nullité ? Oh, je vois que j’ai affaire à des connaisseurs.

Ne bougez pas, j’ai ce qu’il vous faut. Vous voyez la paleine qu’ils viennent de tuer ? Oui ? Prise complètement au hasard ? 

Préparez votre boîte à “Ça alors” et sortez de la pièce car elle va ricocher partout : 

Cette paleine était la sœur spirituelle de… la cheffe de la tribu où Jake se cache !

ÇA ALOOOOOOOOOOOOOOOOOOORS !

Non vraiment : des dizaines de milliers de paleines, la première qu’ils tapent est la bonne. Une moule pareille, c’est peut-être la vraie raison pour laquelle ce film s’appelle la voie de l’eau. Le premier titre était probablement directement Conchyliculture, mais comme il y avait « conchie » dedans, James Cameron a bien senti que ça allait vendra la mèche quant à la qualité du film.

Bref.

Nous avons le droit à une scène où la cheffe Maori trouve le cadavre son amie paleine près de son bébé mort de faim et pleure contre elle en ajoutant : “Snif snuf, c’est terrible, elle venait juste d’avoir un bébé alors qu’elle avait du mal à en avoir un !”

Ah non mais vous aurez tout. Dans les scènes coupées, je suis sûr que l’on découvre que la paleine était aussi directrice d’un orphelinat et qu’il a pris feu en son absence. Je crois avoir vu des épisodes de Princesse Sarah plus heureux.

Les Maoris sont tout de même un peu grognons et veulent en conséquence aller casser la gueule aux humains au motif que “On savait qu’ils chassaient des paleines, mais ils le faisaient loin, alors que là, ils ont tapé près de chez nous.”

Je traduis : “Les paleines sont nos sœurs spirituelles, mais si tu les étripes à plus de 100 bornes de chez nous, ça va”. 

Vraiment, quel film.

Vous voulez encore plus de magie ? Bon, la première paleine tapée par les humains était pile poil celle qu’il fallait. Devinez quelle est la deuxième que les humains attaquent là encore, parfaitement au hasard ?

Mais oui, c’est BILLY.

Diego, apporte-moi un truc à lancer. Un enfant, par exemple. Voilà, tu peux aller le rendre aux parents, tu diras qu’on l’a trouvé comme ça.

Donc, oui, visiblement, les chasseurs ont laissé tomber tous les groupes de paleines qu’ils traquaient pour aller en attaquer une isolée dans un coin (puisque bannie je le rappelle) et ça tombe PILE sur LA paleine qu’il leur faut ! Non mais jouez au loto les mecs à ce stade Heureusement pour Billy cependant, les enfants de Jake apprennent que les chasseurs approchent et vont sauver Billy, si vous me passez l’expression.

Mais hélas, l’USS Enculos et son armée de pêcheurs surarmés sont déjà sur place et ne comptent pas se laisser faire ! Et si Billy parvient à filer, les marmots, eux, se font capturer. Ce qui est embêtant car lorsque Jake et tous les Maoris surarmés arrivent à la rescousse, le colonel use de ses otages pour expliquer comment cela va se passer.

– Jake Sully ! J’ai tes enfants en otage !
– Encoooore ?
– Oui, on est d’accord qu’ils sont un peu cons ?
– En effet.
– Bon, en attendant, rends-toi !
– Ou sinon ?
– JE TE LES RENDS !
– Damned !

C’est embêtant. Et Jake pense à se rendre… mais au moment où il va le faire, qui jaillit des eaux ? Billy la paleine ! Venu aider ses amis ! Et qui s’écrase sur le pont de l’USS Enculos avant de distribuer des coups de nageoire dans tous les sens. Car oui, l’USS Enculos peut vous détecter une paleine solitaire à 200 bornes, mais pas la même à 15 mètres leur fonçant dessus. C’est ballot.

Profitant du chaos général, Jake passe à l’attaque, aidé de tous les Maoris qui foncent à dos de poisson vers le navire. À noter que ça revient à faire une charge de cavalerie à découvert contre des dizaines d’humains avec armes automatiques, mais non, pas un ne touche.

Vous voyez ce gigantesque navire couvert de soldats surarmés ? Voilà : pas un ne touchera sa cible.

Cela dit, c’est là encore que le film se dépasse car… 

Les Maoris disparaissent. Oui, comme ça. Hop, une scène ils sont là, la suivante, ils n’y sont plus. C’est ballot comme oubli, dans la bataille finale opposant deux armées, d’en oublier une. 

Mais Avatar l’a fait.

Extraordinaire.

Toujours est-il que l’USS Enculos, attaqué à la fois par une paleine et par la famille Sully commence, tout comme le film, à sérieusement prendre l’eau. Les enfants parviennent à s’enfuir, alors que Jake et sa femme restent à bord pour tenter d’en finir avec le colonel Méchant. Ils y parviennent lorsque Jake l’étouffe entre ses cuisses musclées avant d’envoyer son corps au fond de l’eau.

Quant au capitaine Iglou, là encore très subtilement, il se fait envoyer valdinguer par Billy… qui lui arrache un bras. Nageoire coupée… bras coupé… nan, c’est habilement écrit. Raaah, arrêtez, je vous le dis, bande de petites langues de putes ! Vous êtes intenables quand vous vous y mettez, pfou.

Billy profite aussi d’un creux entre deux scènes pour disparaître (il va sûrement rejoindre les Maoris), pendant que Jake et sa femme, eux, restent coincés dans l’épave de l’USS Enculos qui sombre. Heureusement, leurs enfants viennent à leur rescousse, aidés par Jésute, qui s’est découvert le pouvoir de commander à la faune de Pandora (druide niveau 2, on le rappelle), et envoie donc des poissons pour éclairer le chemin à sa mère, ainsi qu’une méduse qui aide à respirer sous l’eau pour qu’elle puisse se faufiler hors de l’épave.

Par contre, rien pour Jake, qui n’est sauvé que grâce à l’intervention de Tinière qui lui apprend à bien nager en apnée en deux minutes.

– Tu vois papa, je ne suis pas toujours une déception !
– Dit le fils qui a oublié de me ramener une méduse pour respirer sous l’eau.
– Ah oui, merde.

Mais non, Jake ne le relève pas. Tout le monde peut donc s’en sortir… y compris le colonel, qui bien qu’inconscient au fond de l’eau depuis 10 minutes, est sauvé par Spider qui se dit que alleeeez, bon, c’est un gros rascal, un tueur et un brûleur de villages et grenadeur de baleines maiiiiis il l’aime bien quand même. Puis, Spider met les voiles, malgré l’offre du colonel (qui va très bien, merci) de repartir avec lui vers les avant-postes humains. Et Spider de retrouver les Na’Vis et de les serrer dans les bras en s’exclamant « Tu es trop fort, Jake ! Tu nous as sauvés ! J’ai adoré le moment où tu as lancé une grenade dans un panier de roquettes juste à côté de là où nous étions retenus en otage car tu savais que le script nous empêcherait de nous faire carboniser la gueule alors qu’on était à trois mètres ! »

Car oui : c’est arrivé. Vous voyez tout ce que je vous passe pour vous préserver ? Ma bonté me perdra.

La famille Sully essuie cependant une perte : Ton, le fils le plus âgé, a pris une balle dans la bataille. Non, pas d’un humain, rassurez-vous : du colonel en personne, qui est quand même un avatar. Ouf, un instant, j’ai cru que les humains étaient vaguement dangereux. Me voilà rassuré.

Les Sully rentrent au village Maori y enterrer leur marmot selon la coutume locale (on le file aux bigorneaux puis on chante Au 31 du mois d’août), et cela fait Jake va voir le grand chef Maori.

– Grand chef, tout cela est encore arrivé à cause de nous. Ma famille doit partir.
– Nan mais c’est pas vrai, vous êtes con ou quoi ? Vous croyez vraiment que tout ne tourne qu’autour de votre petit nombril ?
– Oui. En tout cas c’est comme ça depuis le début du film.
– Misère. Bon, enfin restez, parce que nous, on aimerait bien se battre en fait. Vraiment, hein. Du moins, quand on ne se fait pas dégager du film entre deux scènes sans explication.
– Ah oui ? Bon ben d’accord alors.

Nous avons ainsi le droit à un gros plan sur Jake Sully et sa philosophie de marine américain en voix off qui nous explique que “Un père doit protéger les siens”, “Les Sully se serrent les coudes”, “C’est chez moi, je vais me battre pour ça” et on passe à deux doigts de “Djizousse bénisse les Etats-Unis de Pandora” avant que le film ne vire au noir et…

… FIN !

Tout ce film pour conclure par « En fait, on va se battre ». Eh ben putain.

3h30. 3h30 et des centaines de millions de dollars pour une histoire écrite en trois minutes et qui aurait pu être filmée en 45 sans rien louper.

Vivement la suite.

– Tenez, d’ailleurs, docteur, savez-vous quelle sera la durée du prochain Avatar ? Hmmm ? James Cameron a annoncé qu’il avait tant de choses brillantes à raconter qu’il prévoyait neuf heures de film. Neuf heures. Tout ça pour nous parler de Jake le marine neuneu et de ses amis qui le sont tout aut… docteur ? Docteur ?

Derrière-moi, un corps se balance au bout d’une corde.

Oui, il existe bien un syndrome de dépression post-Avatar, comme le disait la presse après la sortie du premier volet.

Cela s’appelle : constater à quel point on se fout du monde.

Publié le 24.12.2022 à 15:31

Le petit mot de Noël 2022

L’heure est venue de poster le petit mot de Noël.

Car les traditions, c’est important. Le sapin, le repas, la grève de la SNCF : il y a des choses incontournables sans lesquelles Noël ne serait pas la même fête. Aussi, et comme toujours, bon courage face à l’épreuve du réveillon, et n’oubliez pas, si au moment du troisième plat vous sentez que vous risquez une mort imminente par indigestion, quelques diversions simples existent :

La boule de fumée ninja. Si vous ne savez pas où la ranger, vous pouvez la peindre et l’accrocher au sapin. Au moment de vous échapper, ou simplement parce que tatie vient de mentionner pour la cinquième fois son « concours de pulls moches », vous n’aurez qu’à la saisir et la lancer en poussant un cri suraigu. Bon, après, il faut courir quand même, sinon vous allez vous retrouver entouré de gens qui toussent, grognent, et disposent de couteaux à huîtres.

La baston générale. Si vous voulez créer une formidable diversion et laisser les convives se battre entre eux pendant que vous vous éclipsez, il suffit de prononcer ces deux mots magiques : « Emmanuel » puis « Macron ». Écartez-vous rapidement dans les secondes qui vont suivre : la pièce risque d’exploser. Si vous êtes à une tablée de gens de gauche, vous pouvez aussi poser la question « Qui est le plus à gauche dans cette pièce ? » : une formidable bagarre s’ensuivra automatiquement. Attention, ça ne marche pas à une tablée de gens de droite, parce que la plus à droite, c’est mamie, et vous n’avez pas envie de la lancer sur les colonies.

La légion étrangère. Si vous souhaitez échapper à Noël, aux prochaines fêtes, à votre ex et à peu près à tout, la légion se propose de vous y aider. En plus, pour tout contrat signé, un képi est offert. Existe aussi avec les sous-mariniers. Je ne dis pas « les marins », parce que ceux du Charles de Gaulle viennent de recevoir un Emmanuel Macron héliporté pour Noël, ce qui A) nous renvoie au point précédent, B) prouve qu’ils ont été très vilains cette année.

Bien sûr, vous pourriez aussi vous lever, dire que vous n’avez plus faim et que de manière générale, ces repas sont souvent pesants. Ce serait honnête et courageux.

Mais bon, vous voulez vos cadeaux.

Le saviez-vous ? Un emballage peut tout changer ! Par exemple, si vous cachez un corps dans un sac à sapin, personne ne trouvera suspect de vous voir le traîner jusqu’au coffre de votre voiture dans les jours suivant Noël.

Ne me reste donc qu’à vous souhaiter un bon réveillon, et de trouver de merveilleux cadeaux dans vos pantoufles. Comme par exemple, mes oeuvres. Ou du charbon, voire un ouvrage de Guillaume Musso si vous avez commandé autre chose. Non mais.

Publié le 19.12.2022 à 09:56

Troll, comme son nom l’indique

– Professeur, regardez !

D’une main gantée, l’alpiniste désigne une forme grise qui dépasse de la neige. Bien trop régulière pour être un simple rocher, elle attise aussitôt la curiosité de toute la petite cordée d’étudiants de l’université d’Oslo. Le professeur de géologie à la tête de l’expédition, voyant ses élèves plus excités que jamais, leur accorde un détour pour aller inspecter l’anomalie.

Mais plus les alpinistes approchent, plus la forme grandit jusqu’à enfin, se révéler : c’est une aile d’avion aux marquages à demi-effacés.

– Qu’est-ce que cela fait ici ? s’étonne une étudiante.
– Si j’en crois ce que je peux encore lire, c’est un appareil civil américain, débute le professeur. Et dans ce secteur… oui, un avion s’est bien écrasé par ici en 1993. Les recherches n’avaient alors rien donné. Mais on dirait que les glaces ont enfin relâché leur prisonnier. Voyez plutôt !

Du bout de son piolet, le professeur indique la crevasse quelques mètres plus loin, au fond de laquelle repose, silencieuse, la carlingue. Excités à l’idée de ce qu’ils pourraient y découvrir, les membres de l’expédition se lancent dans une prudente descente, et la lampe à la main, se glissent dans l’aéroplane écrasé via une longue fissure dans sa coque.

Peu après, un premier étudiant ressort, une liasse de papiers à la main.

– Professeur ! hurle-t-il à son enseignant resté en haut de la crevasse. Regardez ce que nous avons trouvé !
– Qu’est-ce ?
– Cet avion transportait des scénaristes américains. Ne me demandez pas ce qu’ils faisaient là, mais ils avaient avec eux leur « Guide du Blockbuster ».
– Comment ? Détruisez-le, fous que vous êtes !
– Mais, professeur ?
– DÉTRUISEZ-LE !

Au fond de la crevasse, c’est la consternation. Pourquoi détruire pareille trouvaille ? Les étudiants discutent, ignorant les gesticulations de leur enseignant.

– Bon, s’il dit de le détruire, on devrait peut-être le faire.
– Allons, Kristian. Avec ça, nous pourrions faire un blockbuster norvégien !
– Mais ? Solveig, tu n’y penses pas. Nous sommes Norvégiens, nous sommes un minimum sérieux.
– Oui mais…
– Mais ?
– Le pognon.

Kristian considère la chose. C’est vrai que le pognon, c’est une bonne raison.

Ainsi disparut le professeur Løvecraft, dans les profondeurs du Galdhøpiggen, après que ses étudiants aient décidé de lui expliquer à coup de piolets que « Oui, mais le pognon », une ressource que les enseignants de manière générale ne fréquentent que trop peu.

Auraient-ils dû écouter le sinistre avertissement de l’universitaire ?

Et qu’est-ce que cela donne lorsque des Norvégiens tentent un blockbuster ? Mais, un bon gros Troll, bien sûr ! Et comme le film fonctionne fort bien sur Netflix et que bande de petits rabouins, vous exigez son spoiler en attendant que je traverse le froid pour aller me fader Avatar 2, parlons-en.

Aussi, le film porte-t-il bien son nom ?

Spoilons, mes bons !

L’affiche : Même elle semble avoir été conçue d’après un modèle de bouse

Notre film débute sur un flanc de montagne en Norvège, alors que la petite Nora y pratique l’escalade avec son papa. Parvenus sur un promontoire, et alors que l’enfant préférerait un bon goûter, bordel, son père décide de lui servir un conte sur le paysage face à eux, à savoir une autre montagne (on est en Norvège, je ne sais pas à quoi vous vous attendiez).

– Tu te souviens de cette histoire sur treize trolls bourrés à un mariage qui ont été pétrifiés par le soleil parce qu’ils n’avaient pas regardé l’heure ?
– Papa, je n’ai plus l’âge de ces conneries ! Je les connais par cœur tes histoires ! En plus, je viens de me fader dix heures d’escalade, je préférerais un Choco BN, vois-tu.
– J’entends bien, jeune trou du cul, mais qu’as-tu retenu de cette histoire ?
– Qu’il ne faut pas inviter de trolls à son mariage parce qu’ils picolent, font les cons et finissent à chanter du Patrick Sébastien jusqu’à l’aube en faisant des commentaires racoleurs sur la mariée ?
– Bon, je vois que tu n’as pas pigé. Je te parlais des trolls, faits de pierre et de terre, avec un cœur de glace.
– Haaan, ceux-là.
– Et on peut les voir dans la montagne d’en face si on la regarde non pas avec ses yeux, mais avec son cœur.

Ce qui n’est pas facile : je ne sais pas si vous avez déjà essayé de lire un livre avec le cœur, mais même en le glissant dans son t-shirt, ça reste assez peu pratique. Nora, cependant, qui a visiblement le pouvoir d’activer une vision détectant les trolls dans un rayon de cinq bornes à la demande, se concentre et aperçoit, comme annoncé, des visages de trolls figés dans la montagne.

Bon, à ce petit jeu, elle aurait aussi pu identifier un lapin et deux tortues dans les nuages, mais passons.

Surtout que pour détecter si vous avez un troll à proximité, c’est facile : il suffit d’essayer de faire un voyage rapide. Si soudain vous apercevez un message qui vous dit « Impossible de voyager avec des ennemis à proximité », c’est que vous avez effectivement un sérieux problème de trolls. Ou de communistes. Ou de trolls communistes (aussi appelés Üsül).

Mais, bondissons de quelques années dans le temps, et retrouvons Nora, désormais adulte, qui est devenue paléontologue.

Un bien beau métier qu’elle exerce en utilisant une arme bien connue des amateurs de blockbusters : le scriptonium. En effet, alors que son patron et toute son équipe fouillent depuis six mois une plage à la recherche de restes de dinosaures sans succès, Nora décide de faire un trou à part, toute seule, et en 0,3 seconde trouve au pif un énorme squelette de dinosaure. Hop, allez, c’est plié, merci d’être venus les gars mais j’avais pas besoin de vous. D’ailleurs, sachez qu’elle est tellement forte en paléontologie qu’il suffit que la caméra change d’angle pour qu’en 0,1 seconde, elle passe de « J’ai trouvé quelque chose » à « J’ai profité de ce dixième de seconde pour entièrement déterrer un crâne de dinosaure et le nettoyer, le tout en n’utilisant que mes gros doigts« .

C’est la première vraie scène de notre héroïne adulte et c’est déjà n’importe quoi.

Sachez cependant que Nora n’est pas la seule à creuser n’importe où. Car au même moment, à des centaines de kilomètres delà, du côté de la montagne Spiridion, des ouvriers sont fort occupés à creuser un tunnel ferroviaire. Ce qui fait hurler les militants écologistes du coin : en effet, si on fait des rails plutôt que des routes, où vont-ils bien pouvoir aller s’assoir ? En tous les cas, ils ne sont pas contents et manifestent, ce dont les ouvriers du coin n’ont visiblement pas grand chose à carrer.

Mais alors qu’ils viennent de faire sauter de la roche à l’explosif, voilà que les malheureux travailleurs entendent un grognement, puis leur tunnel s’effondre sur eux, comme s’ils avaient réveillé quelque chose d’aussi gros que coquin. Mais Harvey Weinstein étant déjà en prison, qu’est-ce que cela peut bien être ?

Au même moment, à Oslo, les détecteurs sismiques s’agitent. Au quartier général de l’armée, on décide d’aller voir de quoi il retourne.

– Envoyez immédiatement quelques avions sur zone !
– Mais ? Général, êtes-vous sûr ?
– Eh bien oui, il s’est passé quelque chose, allons voir.
– Non mais il y avait des explosions prévues dans le secteur, rapport au forage du tunnel ferroviaire mon général. Vous savez, celui qui fait gueuler des associations. Êtes-vous en train de dire qu’à chaque fois qu’on utilise des explosifs de manière parfaitement légale et préparée sur un chantier en Norvège, dans le doute, on fait décoller toute la chasse ?
– Ça suffit, caporal Røudøudøu ! Faites-moi décoller les avions où je vous transforme en tørrfisk !

Deux appareils de dernière génération sont envoyés sur place, et découvrent que quelque chose d’anormal s’est produit : il y a un gros trou dans la montagne, et pas là où il devrait se trouver selon les plans du chantier. Le général en charge de l’armée de l’air décide donc aussitôt d’alerter Mme Cëlamaf, la première ministre. qui bondit aussitôt dans une voiture accompagnée d’Andreas, son assistant.

Ils profitent du trajet pour regarder les vidéos que le général leur a envoyées.

– Seigneur, ce trou est énorme ! Comment est-ce que cela est arrivé ?
– Quelque chose d’énorme est passé par là.
– Je vois. Mais, assez ri avec cette vidéo de votre coloscopie Andréas, et regardons plutôt les vidéos de la montagne.
– Très bien Madame.

Et les deux d’étudier plus en détail ce que les avions ont repéré, à savoir un trou à flanc de montagne, certes, mais aussi d’énormes empreintes de pas. Ni la première ministre, ni son assistant n’osent y croire, et pensent qu’il doit y avoir d’autres explications qu’un géant en maraude. Mais pour cela, il faudrait consulter des spécialistes : géologues, biologistes et…

Non, à aucun moment, la ministre ne dit « paléontologue », mais, oui, un hélicoptère est envoyé chercher Nora pour la ramener à la capitale. Ne me demandez pas pourquoi, mais quelqu’un s’est dit « ET SI C’ÉTAIT UN DINOSAURE ? »

Ah, bravo la tolérance ! Il y a un fait divers alors tout de suite « Ouiiii, c’est forcément les dinosaures… ». Tout ça parce que ces petits sagouins ont saccagé les montagnes il y a des millions d’années en y laissant plein de fossiles ne veut pas dire qu’ils n’ont pas le droit à une deuxième chance ! No Pasaran !

Mais plus sérieusement : pourquoi une paléontologue ?

D’ailleurs, lorsque Nora est invitée à rejoindre une réunion d’urgence au sein du quarter général des armées norvégienne en compagnie de plein d’autres spécialistes, même un personnage fait remarquer qu’il ne comprend pas ce qu’une paléontologue fout là.

Même Nora semble la première surprise quant à pourquoi l’armée a besoin d’elle quand on vient la chercher.

J’imagine bien les réflexions des scénaristes.

* * *

– Solveig arrête de nettoyer ce piolet et aide-moi ! Pourquoi l’héroïne serait-elle invitée à conseiller la première ministre et l’armée ?
– Eh bien Kristian, elle pourrait avoir un métier lié à ce genre de phénomènes : géologue, vulcanologue, quelqu’un qui connait un peu les montagnes et ce qu’il peut s’y passer, par exemple.
– Excellente idée donc je… attends ! Dans la guide ils disent qu’un bon blockbuster est bourré d’incohérences sans aucune raison ! Et si on lui filait un métier qui n’a rien à voir ? Du genre tout le monde a une bonne raison d’être là sauf elle ?
– Tu veux dire qu’il y aurait des géologues, des vulcanologues, des spécialistes divers, sauf elle qui n’aurait rien à voir avec la choucroute ? Du genre qu’alors que ça ne changerait rien au scénario d’en faire une géologue, on souligne bien qu’on a choisi de lui filer une spécialité qui n’a rien à faire là ?
– Oui ! C’est ça ! Attends je… et siii elle était paléontologue ?
– Quel rapport ?
– Aucun ! Justement ! C’est pour ça que c’est génial !

* * *

Encore un peu et elle était sociologue.

Pour le cliché, rassurez-vous : tous les autres experts autour de la table sont des hommes, donc vous connaissez la règle : ils ont tort. Seule notre femme forte ose dire tout haut la vérité : « Nous sommes bien d’accord que ce que nous voyons sur les images des avions, ce sont des empreintes de pas ? »

Et les autres de se moquer d’elle, première ministre comprise parce que ouah, pfouuu, des empreintes de pas, elle est bêêête !

Ce qui appuie un peu plus la grosse incohérence : si personne ne pense à une créature, fut-ce des empreintes fossilisées, pourquoi appeler une paléontologue ? Mais non, il faut que le scénario insiste sur le cliché habituel, à savoir que la seule femme scientifique a raison, les hommes ont tort et ne la prennent pas au sérieux en lui lançant du « Écoutez mon p’tit… ».

Heureusement, un autre être disposant de doubles chromosomes X interrompt l’assemblée : c’est Geekette, l’inévitable personnage de simili-hacker qui traine dans le coin, ici en tant que personnel de l’armée. La jeune militaire a en effet réussi à récupérer des vidéos prises par les téléphones des manifestants écolos.

D’ailleurs, les manifestants sont-ils mort ou vivants ?

Eh bien à en croire la vidéo, ce qui est sorti de la montagne leur a lourdement expliqué la vie à coups de gros cailloux, mais l’a fait sans endommager les téléphones. Les créatures mythiques sont comme ça : sympas. Autant elles haïssent les écolos, autant elles adorent les iPhones.

Notez que ça se tient.

Mais même si les monstres géants sont bien aimables, point trop quand même, puisque certes, ils ont beau faire quinze mètres de haut et tuer tout le monde, ils arrivent à toujours rester hors champ, sauf sur UNE image un peu floue que Nora demande à revoir, histoire de prouver ce qu’elle dit : on ne voit pas bien ce que c’est, mais on dirait qu’une grosse bête humanoïde est sortie de la montagne.

Notez que je suis un peu jaloux du folklore nordique qui leur permet ce genre de bouses avec d’énormes créatures issues de leur folklore. Les Norvégiens ont les trolls, les Japonais ont Godzilla, et nous, Gérard Depardieu.

En attendant, tout le monde dans la salle de réunion cherche à savoir ce qu’est cette bête. Jusqu’à ce que Nora propose une idée de génie :

– Et si on cherchait la bête ?

Que… quoi ?

Parce que vous n’avez pas pensé à le faire avant ? Le machin laisse des empreintes de pas grosses comme une maisonnette et visibles depuis un avion, mais personne n’a pensé à, je ne sais pas moi, les suivre ?

Eh bien non. Les mecs se sont dit « Nan mais vous savez, c’est une urgence nationale, on a envoyé un hélico chercher une paléontologue au pif tellement on ne sait plus quoi faire, par contre, pas un appareil n’a suivi la piste du mystérieux phénomène. »

C’est vrai que sinon, on allait gagner du temps de film : c’eut été dommage de se priver.

Nora est donc envoyée en hélicoptère avec Andreas sur la piste de la bête. Sur le chemin, Andreas et Nora font ami-ami lors de dialogues très naturels du genre « Parlez-moi de votre mère morte quand vous aviez dix ans, Nora », chose que personne ne fait, à part bien sûr les géographes et hydrologues, qui ont toujours eu une passion secrète pour la mère morte, mais c’est un autre sujet et nous ne parlerons pas de ces pervers ici.

Heureusement, l’appareil arrive bientôt à un endroit où la piste est encore chaude : une maison au milieu de nulle part s’est fait écraser par le bestiau en maraude (il a réussi à marcher sur une maison isolée au milieu de nulle part, il est fort OU il hait l’architecture locale). Une petite troupe armée norvégienne, commandée par l’inévitable jeune et dynamique militaire beau gosse, a sécurisé les lieux et reçoit les envoyés de la capitale.

– Bonjour les amis, bienvenue. Je suis le capitaine Bogoss.
– Et je suis paléontologue.
– Ah ? Qu’est-ce que vous foutez là ?

Si, il le souligne.

J’aime comme chaque personnage dans le film ne peut s’empêcher de tiquer quant au fait que Nora n’a aucune raison d’être là. D’ailleurs, quitte à aller chercher une paléontologue, pourquoi avoir choisi celle-là et pas une sommité ? Non parce que par exemple, lorsque les militaires sont venues chercher Nora là où elle faisait des fouilles, ils ont totalement ignoré le fait que son patron se tenait juste à côté d’elle. Alors que comme il l’employait, peut-être qu’il était un peu plus gradé dans la société secrète des paléontologues et donc plus à même d’aider ? Mais non : ils voulaient Nora. Mystère.

En attendant, Nora va interroger les survivants de la maison écrasée, qui ont échappé au massacre en s’abritant dans la cave. Ils sont choqués, mais vont bien.

– Qu’avez-vous vu ?
– Rien.
– Vous avez réussi à louper un truc de quinze mètres de haut ?!
– Oui. On n’a même pas regardé par la fenêtre quand il s’approchait, rien. On n’est pas curieux vous savez : nous, le sol tremble, quelque chose approche, on ne regarde pas ce que c’est, ça ne nous regarde pas, vous savez.
– Okay super. Donc vous avez réussi à ne rien voir, même quand une fois partie, la bestiole a marché à découvert sur des kilomètres dans votre vallée où l’on voit de très loin ?
– Oui.
– Vous êtes super balaises. Ou bien vous voulez continuer à laisser planer le mystère inutile sur la nature du monstre, alors que c’est le titre du film. Bon. Vous n’avez rien d’autre à ajouter ?
– Si : la bête poussait des hurlements tristes. On aurait presque dit… une complainte.
– Hmmm… entre la vague description et les cris…
– Vous avez une idée ?
– Oui, je pense qu’il pourrait s’agir d’Yseult.

Tiens ? Diego ? Que font tous ces gens aux cheveux colorés collés à ma fenêtre la bave aux lèvres ? Va donc me chercher mon escopette. Voilà. Allez, du vent. Enfin, je dis ça, mais il est vrai que c’est plus difficile de courir avec du plomb dans les reins maintenant, hein ? Tiens Diego, raccroche mon arme et puis file me nettoyer ce qui reste dans le jardin, direction le potager. Reprenons le dialogue entre Nora et ses interlocuteurs.

– Yseult ?
– Mais si, de Tristan et Yseult !
– Mais elle n’est pas géante, Yseult ! C’est le Morholt, le géant !
– Ah oui, merde. Nan mais c’est parce que je suis paléontologue aussi, pas prof de littérature.

Tout de même, je me demande pourquoi ces gens aux cheveux colorés étaient dans mon jardin. Qu’importe.

Car toujours est-il que Nora, après avoir fait du rien durant de longues minutes autour de la maison dévastée pour faire semblant d’enquêter, décide de passer à la vitesse supérieure. En effet, elle repropose la même idée que dix minutes plus tôt.

– Et si… on suivant les traces ?

Mais bordel ! Ça vous dirait pas, je ne sais pas, d’avancer dans ce film ?

Je n’insiste pas, et laisse bondir la fine équipe dans l’hélicoptère, qui survole la zone 20 kilomètres plus loin, là où les empreintes de pas géantes s’arrêtent brutalement. Car c’est bien le cas : soudain, les pas s’arrêtent. Probablement que le monstre a enfilé des chaussons. Plus aucune trace d’une bête géante à proximité. Raison pour laquelle l’héroïne commence à se demander si…

Et si c’était une bestiole pas bien naturelle ? Genre… SUPER-naturelle ?

Pour répondre à cette question, elle propose d’aller voir le seul expert sur le sujet qu’elle connaisse : son père. Ne touchez pas à cette boîte à « Ça alors ! », laissons-la se reposer le temps d’un film. Bref : le papa de Nora en a eu marre qu’on se foute de ses histoires de folklore, et est devenu un peu fou. Il s’est retiré du monde et… oui ? Pardon ? Vous l’avez reconnu ?

Mais oui, c’est la caricature du type-qui-avait-raison-depuis-le-début-mais-que-personne-n’écoutait de tout bon blockbuster ! Évidemment fou et complotiste. Qui dit que les trolls existent et ont été cachés par le gouvernement à chaque fois qu’ils ont causé des incidents.

Puisque vous connaissez le cliché, vous connaissez la suite : holala ! Je me demaaaande s’il a raison.

D’ailleurs : sa fille de lancer « Papa, tu ne vas pas recommencer avec ça ! »

Notez : Nora est venue voir son père pour qu’il lui parle de créatures surnaturelles. À la seconde où il commence à lui en parler, elle soupire, grogne, pète, et de manière générale, fait comprendre qu’elle ne veut pas qu’il en parle. Moi aussi, j’adore aller voir un expert quelconque pour lui demander son expertise, mais sitôt qu’il se met à en parler, je lui dis que c’est chiant et que je préférerais qu’on parle de comment il prépare ses lasagnes.

Visiblement, le type qui a écrit cette scène avait oublié de lire la précédente. Mais le brave papa insiste : ce qui sort des montagnes savater des gueules quand c’est dérangé, ça s’appelle soit un Gurkha, soit un troll. Or, si c’était un Gurkha, ils seraient déjà tous morts. C’est donc plus probablement un troll.

– Mais papa, si les trolls existaient, on aurait retrouvé des fossiles ! Je le sais, je suis paléo…
– Est-ce qu’on pourrait arrêter de ramener ton métier incohérent dans l’intrigue sur le tapis ? Et puis en plus, tu sais ce qui a fait disparaître les trolls. Pas la mort naturelle ou l’évolution, mais… LA CHRÉTIENTÉ.

Ah.

C’est donc ça, le cycle de la vie : les trolls font peur aux Norvégiens, les Norvégiens font peur aux moines francs en sandalettes, les moines francs en sandalettes meulent du troll au petit-déjeuner.

Alors qu’il suffit d’envoyer « Croisade » au 111 pour qu’une bande de type en armures débarque et vous débarrasse de vos trolls, reprenne Jérusalem et rase Constantinople en passant.

– Bon, papa, tu es lourd mais que penses-tu que l’on doive faire ?
– Eh bien je propose…

Non ? Non ! NON !

– … DE SUIVRE LES TRACES !

À cet instant, j’invoque moi-même tellement le nom de Dieu que ça doit être le génocide chez les trolls et les fées du coin. Mais nous y revoilà pour la troisième fois – non, ce film n’a pas une intrigue tellement légère qu’il faut la faire tourner en rond- à voir notre fine équipe suivre les grosses empreintes. Mais cette fois-ci, l’hélicoptère se pose là où elles se sont arrêtées au lieu de les survoler.

Tout du long, le père parle de trolls et tout le monde roule des yeux, alors que le rappelle : ils sont allés le chercher justement pour qu’il parle de cela. Mais là encore, c’est déjà oublié. Ils l’ont probablement emmené juste pour savourer son petit fumet de vieil ermite dans un appareil clos.

Je tiens d’ailleurs à saluer que le film sait faire dans l’originalité : oui, le vieil ermite complotiste a un mur entier de sa baraque couvert d’articles, photos et dessins dédiés à ses recherches, mais rien n’est relié avec de la ficelle rouge. Et ça, excusez-moi, mais ça se salue.

En 2022, c’est à ça que l’on reconnait de la créativité dans un film.

En tous les cas, une fois l’hélicoptère posé, papa a tôt fait de repérer un coin pierreux un peu suspect : ces gros cailloux ne sont indiqués sur aucune carte ! Et en effet, il a raison : les militaires n’avaient rien remarqué, mais ce n’est pas un gros tas de cailloux non répertorié : c’est un troll qui faisait dodo !

– Et dire que j’ai pris des selfies près de ce menhir rigolo ! marmonne Nora en battant en retraite.

Et l’énorme créature de se dresser lentement, suffisamment du moins pour que tout le monde puisse s’enfuir à bord de l’hélicoptère.

Appareil qui filme ce qu’il vient de trouver et envoie les images à Oslo.

Une réunion de crise est organisée, à laquelle tout le monde est invité, y compris Nora et son père. Mais Nora elle-même s’indigne lorsque son père s’exclame :

– C’est un troll !
– Papa, ne sois pas ridicule ! Ahaha, excusez-le les amis, il dit n’importe quoi.

Ah non mais c’est vrai que bon : c’est une créature inconnue faite de pierre qui ressemble au troll des légendes, faudrait peut-être pas la qualifier de « troll ». Non parce que si ça se trouve, elle s’identifie comme chaton et ça pourrait la faire pleurer.

Par ailleurs, personnellement, je ne crois pas spécialement aux dragons, mais si demain un lézard ailé de trente mètres de long crache du feu sur la ville tout en volant et qu’un type crie au dragon, je ne m’exclamerai pas « Ahaha, soyons sérieux, on ne sait pas ce que c’est, n’utilisons pas ce nom, c’est peut-être une chauve-souris mexicaine ».

Mais nos personnages raisonnent pourtant ainsi : la priorité, c’est de ne pas mégenrer la bête en la classant dans le mauvais genre animalier.

Nora termine la réunion en annonçant que bon, c’est pas un troll, c’est sûr, parce que ça n’existe pas. C’est donc autre chose et, euh, il faudrait du temps pour l’étudier.

Ne me demandez pas comment elle veut l’étudier, je n’en sais rien et je pense que les scénaristes non plus. Mais dire « il faut l’étudier », ça fait gentille scientifique qui veut comprendre ce que les autres veulent tabasser. Par contre, les scénaristes nous mettent une petite scène où Nora engueule son père pour avoir dit « troll » en pleine réunion, et celui-ci de répondre :

– Ben si tu ne pensais pas à un troll, pourquoi être venue me chercher justement pour ça ?

Non vraiment : les mecs aiment souligner qu’ils font n’importe quoi. Un peu comme des Norvégiens qui suivraient le guide des blockbusters mais qui, un peu honteux, diraient quand même par endroits « On est conscients que c’est complètement con, excusez-nous, früdahü ».

Toujours est-il que l’heure n’est plus à la parlotte : le gouvernement et les militaires estiment que ce pas-troll est dangereux, et que dans le doute, il faut lui péter la gueule. Une opération est donc organisée avec la compagnie du capitaine Bogoss, des blindés, de l’artillerie, bref, ils comptent transformer le monstre en véritable tas de pierres cette fois, non mais ho, tu vas arrêter de trouer nos montagnes, c’est pas la Suisse ici.

Mais ni Nora ni son père ne veulent laisser la créature se faire découper sans rien faire, et ils parviennent à obtenir du capitaine Bogoss qu’il les emmène. Parce que… qu’il est… sympa. Voilà.

Nos héros peuvent donc tranquillement se promener au milieu de l’énorme embuscade à pas-troll, aucun militaire ne remarque ces civils qui n’ont rien à foutre là. Et qui papotent à voix haute sans se soucier du rien, voire plaisantent (après tout ils ne font qu’affronter une menace surnaturelle) tranquillement, Nora et son papa se détendant et se rapprochant après être restés des années fâchés. C’est beau.

Tellement que forcément, je suppoooose que le père va mourir. Se rabibocher avec son vieux avant la bataille, c’est comme montrer une photo de sa fiancée au Vietnam : dans un film, ça ne pardonne pas.

Et puis une fois que tout le monde a fini de se raconter sa vie, un grognement se fait entendre. Il signifie probablement « C’est bon ? C’est fini vos conneries ? Je peux me montrer ? » et en effet : la créature mythique tant attendue approche.

Et sitôt à portée, se mange roquettes, obus et balles de mitrailleuses, ce qui la fait hurler, certes, mais ne la tue pas. En fait, elle n’est même pas blessé. Je veux bien que ce soit un monstre de pierre avec un coeur de glace, mais vu ce qu’il se mange, il devrait se transformer en pile de gravats avec un cœur fondant. Cependant, là, il va bien, merci.

Le troll, cet être qui résiste aux chars, mais pas à trois clampins avec épées hurlant « Deus Vult ! »

Plus embêtant : il commence à distribuer des coups de tatane aux militaires, voire les écrase sous ses gros pieds. La confusion règne chez les soldats.

– Capitaine, il faut nous replier ! On va tous mourir !
– Non ! Nous l’aurons ! Tu entends créature diabolique ? On ne finira pas sous tes pattes, troll !
– Pas-troll.
– Que dites-vous Nora ?
– On ne sait pas ce que c’est, alors ce n’est pas un troll. C’est un Pas-troll. Il faut donc dire : « On ne finira pas sous tes pattes, pas-troll. »
– Patte pas-troll ? C’est pas un truc avec des chiens qui conduisent des camions ?

Très confus, disais-je.

Heureusement pour nos héros, ils parviennent à s’écarter du massacre, sauf que, pas de bol, tout près d’eux, un soldat blessé se met à prier. Or, il est chrétien ! Et les trolls… peuvent sentir le sang des chrétiens ! Qui a probablement pour eux l’odeur irrésistible d’une fraise Tagada.

Ce qui soulève quantité de questions : si un enfant est baptisé mais s’en fout par la suite, sent-il toujours la Tagada ou bien un truc moins bien, comme par exemple la betterave ou le céleri ? Et quid des musulmans qui croient aussi en Jésus ? Le troll peut-il les sentir ? Mais dans ce cas, s’il les attaque, est-ce islamophobe et « fermement condamné » par un tweet du gouvernement français ?

Que de questions.

La seule réponse qui vient pour l’instant prend la forme d’un gros poing qui écrabouille le soldat qui priait, laissant à ses compagnons le temps de fuir et de se mettre à l’abri.

– Nora ? Andreas ? Papa ? Vous êtes vivants ?
– Oui, capitaine Bogoss.
– Bon, personne d’autre n’est chrétien parmi vous, hein ? Andreas ?
– Je suis athée.
– Monsieur Papa ?
– Non, moi je crois plutôt aux trolls.
– Nora ?
– Moi je suis croyante mais je pense qu’on est tranquilles.
– Ah oui ?
– Oui, je pense que la France Insoumise est un parti démocratique.
– Ah oui, quand même.

Mais alors que tout le monde débat pour savoir si croire en Jean-Luc est une forme de monothéisme, voici que papa s’écarte du groupe et s’approche du troll qui a terminé son massacre. Ses compagnons, l’apercevant, veulent le retenir mais, oh ! On dirait qu’il parvient à communiquer avec la créature et à l’apaiser !

Du moins, jusqu’à ce qu’un véhicule de l’armée norvégienne ayant survécu au massacre n’ouvre le feu. Résultat en un troll énervé, un véhicule écrasé, et un papa peu ou prou dans le même état. Ses derniers mots sont « Le palais… le roi… ». Hmmm, voilà qui est mystérieux.

C’est donc de grosses larmes qui coulent sur tous les visages, car vous ne l’aviez pas du tout vu venir, et alors que le troll reprend sa route en sifflotant (il est taquin), nos héros se replient dans la base la plus proche. Où ENFIN, Nora s’exclame :

– Et si… c’était un troll ?

MAIS OUI NORA ? CE NE SERAIT DONC PAS UN TRES GROS CANICHE ?

Bon, n’y a-t-il plus personne sur qui tirer dans mon jardin ? Non parce que là, j’en ai besoin. Nous en sommes donc à 1h de film, et les héros viennent SEULEMENT d’admettre que ah oui, p’têtre que c’est un troll, dites voir. Mais attention, hein, c’est une hypothèse, restons prudents.

Aussi, pendant que l’armée prépare une attaque aérienne contre le troll qui pionce dans une vallée, Nora fouille de vieux livres de son pères sur le folklore nordique à la recherche d’un moyen de vaincre le troll.

– Le soleil.
– Hmmm… non, Andreas, non. Ça c’est une légende je pense.
– Je propose le soleil.
– Non capitaine Bogoss. Une autre idée ?
– Le soleil ?
– Raaah non… vous ne m’aidez pas avec vos idées inutiles. Et si… et si… attendez, regardez, là ! On dit que les trolls haïssent le son des cloches des églises ! Et si on l’attaquait avec des cloches ?

Que ?

Non, je suis très sérieux : c’est l’idée de Nora. Personnellement, quitte à me lancer dans la partie « la chrétienté leur fait peur », j’en aurais parlé, mais attention, hein, à tout hasard, à l’Église. Qui selon la légende, aurait un vague lien avec la chrétienté. Et puis bon, ça aurait quand même de la gueule, une baston finale troll contre papamobile.

Mais en lieu et place, l’armée écoute le plan idiot de notre héroïne et s’exclame :

– Vous savez quoi ? Notre plan consistant à bombarder la gueule du troll depuis la haute altitude pendant qu’il est sans défense, on laisse tomber. L’idée de Nora est géniale. On va attaquer… quand il est bien réveillé, à basse altitude, et avec des hélicoptères sous lesquels on va accrocher des… cloches d’églises !

Je vous laisse relire avec le doigt.

Puis vous en vouloir d’avoir relu parce que maintenant, vous pleurez du sang. Mais vous ne méritez que ça, margoulins : vous m’avez poussé à regarder ce truc.

Alors que l’on peut entendre le caporal Røudøudøu s’étrangler en arrière plan et demander si quitte à suivre ce plan à la con, des haut-parleurs n’auraient pas été plus pratiques que de vraies cloches, nos amis militaires embarquent nos héros et lancent l’attaque, lorsque le troll est réveillé, en plein jour (mais il fait nuageux, comme depuis le début du film), et surtout, alors qu’il est sur le point de piétiner un parc d’attraction.

– Vite ! Volez le plus bas possible et à portée de ses bras ! ordonne le capitaine Bogoss.

Et arrive ce qui devait arriver : après un premier moment où le troll est apeuré et se roule en boule en se faisant encercler par des cloches volantes (que les hélicos font battre on ne sait comment), il se lève et castagne les énervants aéronefs qui ne pensent pas à s’éloigner. Du moins, pas ceux dont l’équipage n’est constitués que de Jean-Jacques. Leurs derniers mots sont « Haaan si seulement on avait pensé à voler plus haut ! ». Eeeh oui. C’est ce que l’on appelle le syndrome d’Avatar.

Seul l’appareil avec les héros à bord (je sais, ça vous étonne) survit, et le troll peut donc reprendre sa route, écrasant quelques attractions heureusement évacuées en chemin. On notera qu’il a même pris le temps de sauver un enfant roux sur lequel un hélicoptère allait s’écraser ce qui peut vouloir dire deux choses :

– Le troll est en réalité gentil et n’aime pas tuer

OU

– Les roux étant eux aussi des ennemis de la chrétienté, le troll est solidaire avec eux

Nous savons tous ce qu’il en est. Du moins, ceux d’entre nous qui ont une âme.

Laissons de côté ce vaste sujet et suivons plutôt notre gros troll, puisque son apparition dans un lieu public a provoqué cette fois quantité de vidéos qui font le tour du monde. La Norvège est donc à la une de tous les journaux, et la population commence à suer un peu puisqu’à en croire le parcours suivi par le troll il se dirigerait… vers Oslo.

C’est l’exode rural : même les trolls finissent par aller en ville.

Nos héros aussi retournent à la capitale, où Nora a un bref entretien avec la première ministre.

– Nora, votre histoire de cloches, ça n’a pas marché.
– Oui enfin notez que ça a eu un effet. Ils sont donc sensibles aux cloches.
– Certes mais… n’en parlons plus.

Ah. Donc vous avez découvert une des faiblesses du monstre mais : surtout, n’allons pas plus loin sur cette piste. Quelqu’un aurait-il quelque chose de plus con à ajouter ? Madame la ministre ?

– Oui : nous ignorons toujours ce qu’est cette créature.

Diego ? Mon coussin à hurlements s’il te plait. Non, pas celui qui sert à étouffer les gens de l’URSSAF, il est tout sale. Celui à hurlements. Merci. Aaaammffffffhhhhrrrrraaahhhmmmmmmf. Voilà qui est mieux. Merci Diego.

Donc, alors que la créature ressemble à un troll, se comporte comme un troll, a les faiblesses d’un troll et flaire le chrétien comme un troll, nous avons dépassé l’heure de film et les scénaristes pensent qu »il est toujours important de laisser les personnages douter encore un peu. La piste du très gros caniche n’est visiblement toujours pas écartée.

Mieux, la première ministre décide que ce n’est pas encore assez idiot.

– Et Nora, une dernière chose.
– Oui ?
– Comme vous avez toujours eu raison jusqu’ici et que même votre idée stupide de cloches a fonctionné… vous êtes virée.
– Pardon ?
– Ben oui, les cloches, ça a quand même fini avec trois hélicoptères détruits sur quatre et le monstre a pu continuer sa route.
– Notez que les cloches fonctionnaient, mais que les hélicoptères, eux, sont connement allés voler à 3 mètres du bestiau. C’est peut-être l’armée, le problème.
– Non, justement : je confie désormais la suite à l’armée. Vous savez, celle qui a tort depuis le début et dont les armes ne marchent pas contre le tr… pas-troll.

Ah, le célèbre passage de l’armée incompétente qui prend les commandes et refuse d’écouter la gentille scientifique : ce film coche vraiment toutes les cases.

Solidaire avec Nora face à cette décision de merde, Andreas en profite pour démissionner. Et part avec elle hors de la base, pendant que la première ministre annonce qu’il est temps d’évacuer Oslo en raison de l’approche d’une créature « non-identifiée ».

Non, vraiment, qu’est-ce que ça peut bien être ?

J’aime comme ils insistent lourdement sur ce point sans aucune raison. Je me demande pourquoi ils ont appelé le film Troll ; à ce stade, ça devrait s’appeler Une créature qui ressemble à un troll mais pas sûr déboule en ville. Mais on me glisse dans l’oreillette que c’est en réalité le nom du premier épisode de Sex & the city, d’où un simple problème de droits.

Je comprends mieux.

En tout cas, alors qu’Andreas emmène Nora vers un coin loin d’Oslo, celle-ci lit dans la voiture le journal de son père. Et réfléchit enfin à ses dernières paroles où il était question de palais et de roi. Et si cela avait un rapport avec…

Attention… attention…

LE PALAIS ET LE ROI ?

Car non, notre héroïne n’y avait pas pensé jusqu’ici. Probablement qu’elle pensait à d’autres pistes façon « Palais… palais… le palais dans la bouche ? La langue… le goût… mais quel rapport avec une créature ? Le goût d’une créature ? Mais pourquoi royal ? Peut-être Royal Canin ? Et si le troll avait une passion secrète pour les croquettes au bœuf ? »

Ça, je ne sais pas, mais je sais qui est visiblement assez bête pour que même lors d’un dîner de cons, on lui laisse juste une gamelle dans la cuisine.

Les deux compères font aussitôt demi-tour, et foncent jusqu’au palais royal d’Oslo qui, non, n’a pas été évacué pour les besoins du scénario, merci. Sur place, des gardes tentent d’arrêter Andreas et Nora qui n’ont rien à faire là, mais le grand chambellan surgit et ordonne qu’on les laisse tranquilles.

– Je savais que quelqu’un viendrait chercher des réponses ici. Et je pensais bien que ce serait quelqu’un de votre famille, Nora. Suivez-moi.

Et le chambellan d’emmener le duo dans un souterrain secret qui les mène jusqu’à une immense grotte située juste sous le palais royal norvégien… et remplie de squelettes de trolls !

– Votre père avait raison, Nora. Les trolls existent bien et les légendes sont vraies. C’est pour cela que nous avons voulu faire croire qu’il était fou. Ce que vous voyez ici est l’un des secrets les mieux gardés de Norvège. Lorsque le pays a été christianisé, Saint Grossebaf a massacré les trolls. Nous sommes dans ce qui était leur ancien palais royal. Une seule de ces créatures a survécu : l’héritier du trône des trolls, qui avait servi d’appât pour attirer les autres. Lorsque Saint Grossebaf a terminé son œuvre, sans aucune raison valable, il a enfermé cet hériter sous le mont Spiridion… où les travaux l’ont réveillé. En signe de triomphe, le palais royal norvégien a été construit par-dessus celui des trolls. Mais il semblerait que l’hériter des trolls fraîchement tiré de son sommeil se dirige par ici pour remonter sur son trône…

C’est alors que surgit de l’obscurité une mystérieuse silhouette. Tout le monde pousse une exclamation de surprise en la reconnaissant.

– Caporal Røudøudøu !
– Oui, figurez-vous que je me suis fait virer du quartier général suite à quelques propos déplacés, et on m’a réaffecté à la garde du palais royal. En vous voyant ici, je vous ai suivi, et dites donc, j’ai quantité de questions ! Tenez, si les trolls existent et que vous en avez les preuves, quel intérêt à les cacher ?
– Eh bien…
– Surtout quand l’un d’entre eux attaque le pays. Il aurait suffi d’un coup de fil à la première ministre pour lui filer toutes les informations utiles pour arrêter la bête et zou, c’était réglé. Mais grâce à votre super secret, non seulement il y a eu plein de morts, mais maintenant le monde entier a les images d’un troll massacrant un parc d’attractions.
– Ah oui, c’était peut-être contre-productif.
– Accessoirement, Saint Grossebaf, les trolls, il les a massacrés avec quoi ? Des épées ? Non parce que je vous rappelle que plus tôt, on voyait des trolls encaisser des roquettes et autres obus, alors je veux bien qu’on m’explique comment une épée agitée par Saint Dudule a plus de patate qu’un obus propulsé à plusieurs centaines de kilomètres à l’heure.
– Eeeeh biiien… euh… le pouvoir magique de la chrétienté ?
– Ah non mais c’est encore mieux parce que dans ce cas, ça veut dire que vous venez de prouver que A) Dieu existe B) La religion, ça marche C) Pour buter le troll, une paire de moines en claquettes devraient lui régler son compte D) Mais bordel puisqu’on sait déjà que les cloches le repoussent, pourquoi on ne fait pas sonner celles d’Oslo ? Et puis…

Le chambellan se saisit d’un gros os et assomme le caporal Røudøudøu pour l’empêcher de souligner plus avant que rien dans ce film n’a de sens. Nos héros, eux, continuent à baver sans rien réaliser des conséquences de tout ce qui vient d’être dit. Non, à la place, alors que Nora étudie un squelette avec sa petite lampe à ultraviolets… elle découvre que cela transforme les os en pierre !

– Les amis, regardez : LES TROLLS SONT SENSIBLES AUX UV ! COMME DANS LES LÉGENDES ! ET SI LE SOLEIL ÉTAIT LA SOLUTION ?

Et tous de tomber de leur chaise car, ça alors ! On n’y avait pas pensé ! Et certes, nos héros ont vu la bête en plein jour, mais à chaque fois, il faisait nuageux. Oui, comme dans Twilight. La qualité de la référence n’est pas choisie au hasard.

Aussi Nora décide-t-elle de prendre le pick-up personnel de la reine de Norvège (… oui, je soupire), et d’appeler le capitaine Bogoss pour tendre une embuscade au vilain troll à l’aide de plein de machines à UV ! Il suffit d’en rassembler suffisamment au même endroit, et Nora promet d’y amener le troll.

Troll qui justement, arrive en ville. Et les chars qui ne changent pas de trottoir sont invités à le faire à l’aide d’un ou deux ramponneaux bien placés. L’armée, une fois de plus, est mise en déroute car elle utilise des armes modernes là où apparemment mille ans auparavant, une épée faisait très bien le boulot.

J’espère que dans mille ans, on fera des films sur « Le Saint Obus d’Antioche », arme des temps anciens bien plus noble que le canon laser.

Mais l’armée n’a pas dit son dernier mot : quitte à se faire raser Oslo, autant que le troll y passe aussi. Ce pourquoi elle fait décoller un avion de chasse disposant d’un missile à tête nucléaire, qui devrait à défaut de perforer la vilaine bête, lui liquéfier la face. Geekette, la gentille militaire, est outrée par cette idée grossière, aussi appelle-t-elle Andreas et Nora (qu’elle connait à peine mais apparemment, ils sont désormais super potes) pour les prévenir. Et les informer que pour leur faire gagner du temps elle va…

Hacker l’avion de chasse qui doit tirer le missile.

Ah ben oui. Oui, c’est vrai que ça fonctionne comme ça : elle n’a qu’à trouver son adresse mail, lui envoyer un message dans lequel un prince nigérian lui propose de partager trois millions de dollars s’il veut bien cliquer sur ce lien, et ça devrait passer.

Et vous savez quoi ?

Ça marche.

– Mais ce prince nigérien avait l’air si sympathique et généreux à vouloir partager sa fortune avec moi ! explique le pilote à sa hiérarchie pour expliquer pourquoi ses commandes de tir sont mystérieusement bloquées.

Je tiens à insister sur ce point : la séquence de hacking comprend vraiment un dialogue où il est question d’un mail de prince nigérien. Bon, pas exactement comme cela, mais tout de même.

Voilà qui laisse le temps à Nora de lancer son plan pour attirer le troll là où elle le souhaite : elle a chargé à l’arrière du royal pick-up (ce film !) un énorme crâne de bébé troll qui se trouvait dans leur ancien palais, et probablement celui du fiston du dernier troll encore en vie. Sitôt que le monstre l’aperçoit, il oublie toute envie de démolir le palais norvégien pour partir à la poursuite du pick-up funéraire.

D’ailleurs, ne me demandez pas comment notre héroïne a su identifier quel crâne énerverait le troll plus qu’un autre. Peut-être qu’elle s’est dit « Ouh, lui, il a les yeux de son père, allez, je l’emmène. »

Toujours est-il qu’elle se fait courser, mais trouve le temps d’appeler le capitaine Bogoss.

– Allô capitaine ? Le piège est-il prêt ?
– Non, pas encore !
– Alors accélérez car nous serons là dans 15 minutes, voire 10 !
– Très bien, je fais le nécessaire !

Et le capitaine d’immédiatement appeler ses hommes pour… euh… eh bien pour leur faire un de ces discours sur « Le monde compte sur nous, aujourd’hui on se bat pour notre liberté ». C’est vrai que quand il n’y a pas une minute à perdre, demander à tout le monde d’arrêter de bosser pour t’écouter sortir un discours fade, c’est l’évidence même.

« Les amis, arrêtez tout et venez écouter mon discours comme quoi nous n’avons pas le temps de lambiner ! »

Une fois de plus, si les scénaristes voulaient caser un discours chiant, pourquoi rajouter dans les dialogues qu’ils n’avaient pas le temps de le faire ? À part pour se planter ?

C’est fabuleux. Les Norvégiens ont tout compris à la production de bouses hollywoodiennes.

Dans sa course-poursuite avec le troll, Nora perd le crâne qu’elle trimballait, mais ce n’est pas grave : maintenant, le troll est assez énervé pour continuer à la suivre dans l’espoir de lui meuler la margoulette. Heureusement, elle parvient à emmener le troll jusqu’au lieu de l’embuscade où le capitaine Bogoss et des camions chargés de cabines à UV encerclent la bête et lui proposent de finir bronzée comme une Kardashian.

La pauvre créature, qui ne mérite pas ça, se met à hurler et à se transformer en pierre.

Mais finalement, Nora s’exclame :

– Mais… euh… on est en train… de le tuer ?

Qu’ouïs-je ?

En effet, espèce de neuneu. C’était d’ailleurs ton plan. Le capitaine Bogoss, qui tient à souligner une fois de plus que le scénario ne tient pas debout, le rappelle à Nora. Mais ce n’est pas grave : Nora, émue par les cris du troll, va couper l’alimentation électrique des camions pour éteindre les lampes, et ainsi, sauver le troll tueur.

Oui mais vous comprenez : il a fait « Grouuuu ! » c’était triste quand même !

Mais évidemment : elle a raison.

S’ensuit une tentative de négociation entre Nora qui hurle « Casse-toi et on te laisse tranquille ! » et le troll qui fait « Grou. » Fascinant. Hélas, ce que Nora n’avait pas prévu, c’est que bon, hein, il faut bien finir le film, et donc pif paf : le soleil se lève à cet instant précis et aujourd’hui, le temps est clair. Transformant quand même la bête en gros tas de gravats.

Voilà voilà. Eh bien, ça valait le coup de suivre les trente dernières minutes, consacrées à un plan où la dernière minute, Nora dit « En fait non » avant que le soleil ne règle tout.

Et comme dans tous les mauvais films, tout finit avec les autorités arrivant sur la zone, des ambulances partout, et les héros qui quittent les lieux, épuisés. Andreas annonce qu’il laisse tomber la politique et va devenir écrivain, le capitaine Bogoss est beau gosse, et Nora, elle, se demande s’il y a encore des trolls quelque part dans les montagnes.

Des interrogations fabuleuses qui semblent nous dire « Et si on ouvrait sur une suite ? », ce qui fait peur et…

… FIN.

J’espère qu’il y aura une suite où cette fois, douze géants attaquent Oslo mais où Nora passe le film à dire « Des géants ? Allons. On sait pas, c’est p’têt’ des lapins nains, mais genre très gros. »

Bravo au cinéma norvégien, qui vient de nous prouver qu’en sniffant de la colle de poisson et en s’enfonçant des crayons de couleur dans les narines, lui aussi pouvait rivaliser avec Hollywood.

En 1977, une équipe d’alpinistes découvrit dans les Pyrénées les restes d’un avion. À bord se trouvaient les travaux d’un jeune étudiant en psychologie intitulés : « Crise de la quarantaine chez le petit bourgeois parisien : pourquoi c’est chiant ».

Là aussi, l’équipe française tenta de l’adapter au cinéma.

Mais bon : bientôt cinquante ans que ça dure, finalement, je me demande qui sont les Trolls de l’histoire.

BON POTE
Mona CHOLLET
Julien DEVAUREIX
Cory DOCTOROW
EDUC.POP.FR
Olivier ERTZSCHEID
Nicole ESTEROLLE
Olivier EZRATY

Michel GOYA
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Hacking-Social
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