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28.03.2024 à 10:28
lsamuel
Texte intégral (2389 mots)

En quoi les préoccupations liées à la protection de la nature ou du vivant pourraient-elles intégrer les réflexions actuelles autour de l’instauration d’une SSA et réciproquement ? A priori, le lien direct avec la volonté de sauvegarder une espèce ou un espace, mettre en place une réserve naturelle, lutter contre l’artificialisation des sols, contre leur destruction par l’agriculture industrielle et pour la préservation de l’eau, militer pour la biodiversité, s’engager pour le retour du sauvage, défendre des forêts en libre évolution, ne nous saute pas aux yeux, et pourtant…

par Pierre Grillet

Le contexte

Les plus âgés d’entre nous ont connu les luttes pour la nature dès les années 70. À ce moment-là, nous avons assisté, voire participé à la création d’un grand nombre d’associations (même si certaines comme la LPO ont été créées bien avant) dont l’objectif premier était (est) de protéger la nature. Les combats menés depuis ont permis certaines avancées : loi de 1976, protection d’espèces, lois sur l’eau, créations de zones protégées, retour et/ou expansion ces dernières décennies d’espèces menacées ou ayant disparu à l’époque. Dans le même temps et depuis, nous avons surtout travaillé pour réduire les impacts de certaines destructions, beaucoup plus rarement pour essayer d’en résoudre les causes profondes (1). Nous avons été (au moins pour quelques-uns d’entre nous dont je fais partie) absorbés par le système capitaliste qui, tout en intégrant plus ou moins de la protection, n’a pas cessé de détruire jusqu’à aujourd’hui. Pour le peuple amazonien Yanomani, nous sommes toujours, en 2024, ces « mangeurs de terre » motivés par l’accumulation et l’artifice, comme nous le rappelle la journaliste Célia Izoard  (2) !

Le constat global en 2024 concernant tant la biodiversité que le climat n’est guère brillant, et même catastrophique. Tout le monde aux JNE est bien informé, inutile d’y revenir. À cela, s’ajoute le délabrement social en cours. Selon la FAO elle-même, on produit dans le monde de la nourriture pour plus de douze milliards de gens, soit plus de 170 % de ce qui est nécessaire (3). Pourtant, plus d’un milliard de personnes dans le monde ne mangent pas à leur faim selon OXFAM : « Un chiffre qui grimpe de façon continue depuis 2015 ». En France, 8 millions de personnes dépendent de l’aide alimentaire, 4 millions de personnes sont mal logées, plus de 300.000 personnes sont sans domicile, à la rue ou dans des hébergements d’urgence (4). On recense plus d’un à deux morts au travail quotidiennement, sans compter les maladies professionnelles (5). La question du travail et de sa définition ainsi que celle de la propriété de l’outil de travail trop souvent délaissée par les écologistes, devraient être centrales dans nos luttes.

Certains peuples autochtones, opprimés, méprisés et menacés, tentent de se faire entendre, à l’instar du peuple Yukpa de Colombie, au bord de la disparition définitive en raison de la perte de 85 % de son territoire dont il dépend structurellement pour sa survie. Cette situation critique est principalement causée par des multinationales qui pratiquent l’exploitation minière dans leur territoire ancestral sans consultation préalable, violant ainsi leur droit fondamental au consentement libre, préalable et éclairé, les privant de leur accès à l’eau et exploitant honteusement les humains. L’une de ces mines mesure deux fois la taille de la ville de Paris, explique le porte-parole du peuple, Juan Pablo Gutierrez (6), lui-même exilé à Paris car menacé de mort en Colombie.

Force est de constater que les questions écologiques, ethnologiques et sociales sont liées et que la solution ne pourra venir que d’un profond changement remédiant aux causes véritables de l’ensemble de ces problèmes, ce qui signifie se débarrasser une fois pour toutes du système capitaliste. Faire l’un en occultant l’autre, continuer de travailler avec les pires destructeurs comme le font de plus en plus l’UICN et bien d’autres, n’a plus de sens aujourd’hui (7). C’est mettre un pansement sur un système nocif sans chercher à supprimer la cause du mal. On ne peut plus se battre pour protéger à court terme quelques oiseaux de plaine, se contenter de mesures environnementales ponctuelles et de bonnes volontés bien réelles de certains agriculteurs, sans également militer, lutter pour obtenir un changement total et rapide des pratiques agricoles, redéfinir la propriété de l’outil de travail et du travail lui-même !

Croire encore dans une transition longue et lente progressive, au sein du système capitaliste, sans contraintes et qui ne respecte jamais ses objectifs n’est plus tenable en 2024. Se battre pour le vivant en occultant la situation sociale, le travail et l’alimentation est tout autant voué à l’échec. Manger bio, se fournir à proximité, soutenir localement un petit producteur tout en observant la nature, toutes ces initiatives locales qui se développent, sont, certes, des démarches vertueuses mais totalement insuffisantes pour contrer l’agriculture industrielle, la destruction des sols et améliorer l’alimentation de tous et toutes. Se radicaliser, c’est-à-dire aller à la racine du problème et le nommer pour mieux le combattre et le supprimer est aujourd’hui incontournable pour défendre le vivant.

Pourquoi l’instauration d’une sécurité sociale de l’alimentation (SSA) serait un outil pour l’ensemble du vivant ?

La SSA n’a rien à voir avec une quelconque charité ou aide réservée à celles et ceux que l’on se complait à cataloguer comme « pauvres ». Rien à voir avec une aide alimentaire pour les démunis qui ne résout rien sur le fond, empêche les personnes concernées de choisir leur alimentation, les cantonne dans leur statut de « défavorisés » et profite au final aux grands groupes de la distribution grâce à la défiscalisation. Comme le précise Bernard Friot : « Nous n’avons pas à conquérir des droits pour subsister et sortir de la pauvreté, nous avons à conquérir des droits pour être souverains sur la valeur économique ». Sortir l’agriculture de l’agro-business et la production alimentaire du capitalisme est indispensable, nous dit -il. Car, parler alimentation, c’est tout à la fois aborder la production, la transformation, la distribution et la consommation en incluant les personnes qui y travaillent. Regardons la SSA comme un outil permettant, à une échelle macro-économique, de parvenir à transformer l’ensemble de ces secteurs. Elle doit non seulement assurer l’accès de toutes et tous à une nourriture de qualité et choisie, mais également parvenir à la conquête des droits sur le travail dans le secteur de l’alimentation, avec des personnes salariées à la qualification (8) et l’instauration de la propriété collective et d’usage des outils de travail (9). Elle doit également permettre à chacun (paysans-es, consommateurs, salarié-es de la transformation et la distribution) de décider, choisir les types de production dont on a besoin, selon les véritables critères de la souveraineté alimentaire tels que ceux défini par la Via Campesina, syndicat agricole international proche de la Confédération paysanne (10). Une allocation mensuelle versée à chaque personne permettra ainsi de s’approvisionner auprès de paysans et distributeurs divers, mais sous réserve que ceux-ci soient conventionnés en raison de leurs pratiques alternatives à la production et la distribution capitaliste. Un fonctionnement entièrement démocratique  qui n’a rien d’utopique car semblable à celui mis en place pour le régime général de la sécurité sociale, qui, juste après la guerre 39-45, était quasi entièrement géré par les travailleurs. En 1946, les conseils d’administration des caisses comptaient trois quarts de salarié·es et un quart d’employeurs. Ce système a très bien fonctionné pendant plusieurs années avant d’être attaqué par les pouvoirs successifs jusqu’à nos jours.

Il s’agit d’une véritable prise de pouvoir par les citoyens, d’une remise en cause de l’agrobusiness, donc d’un changement total dans les pratiques, mais également une remise en cause totale de l’agroalimentaire, de la grande distribution et de la notion même de travail telle qu’elle sévit aujourd’hui. Un sujet qui va bien au-delà d’une préoccupation locale visant à mieux se nourrir au travers d’AMAP et diverses coops de produits bio. Là encore, à l’instar de la protection du vivant sous sa forme actuelle, ces pratiques sont essentiellement du saupoudrage et peuvent parfaitement s’accommoder d’un simple aménagement du système destructeur en place.

La SSA est donc un outil, certainement pas le seul, pour transformer intégralement un secteur primordial pour chacun et dont l’impact sur l’ensemble du vivant et sur l’eau est particulièrement fort. C’est l’outil permettant de lutter directement contre la cause essentielle du problème : le capitalisme. En tant que naturaliste, cette réflexion me semble d’un grand intérêt et il serait désastreux de l’ignorer. Elle impacte positivement et directement la biodiversité. Pour les journalistes spécialisés sur les questions environnementales et écologiques tout comme pour les naturalistes écrivains et militants, un tel sujet devrait être incontournable, au moins pour en débattre et le faire connaître. Voilà pourquoi je propose que celui-ci soit intégré, au sein des JNE, dans le cadre de rencontres à venir, lors d’un jeudi de l’écologie ou de tout autre moment.

L’article a été relu et amendé par Kévin Certenais, membre de l’association Réseau Salariat.
Pour les explications pratiques et détaillées sur la SSA : Association d’éducation populaire Réseau salariat
Cliquez ici pour télécharger le pdf du livre de Laura Petersell & Kévin Certenais, Régime général. Pour une sécurité sociale de l’alimentation.

Photo du haut  © Réseau Salariat

(1) Lire le livre Capitalisme et protection de la nature : incompatibles ! Editions Atlande. 2021.
(2) Lire La ruée minière au XXIe siècle. Enquête sur les métaux à l’ère de la transition. Celia Izoard. 2024. Éditions Seuil.
(3)  Lire l’article du site Solidaires : « L’agro-écologie peut-elle nourrir le monde ? » https://www.solidaire.org/articles/l-agro-ecologie-peut-elle-nourrir-le-monde
(4) Lire le rapport 2022-2023 sur la pauvreté de l’Observatoire des inégalités.
(5) Lire L’Hécatombe invisible, Enquête sur les morts au travail. Matthieu Lépine, 2023. Éditions Seuil
(6) Ecouter ici la rencontre avec Juan Pablo Gutierrez sur le site de la Fondation Danielle Mitterrand.
(7) Maud Lelièvre, présidente de l’UICN France, soutien de la campagne électorale de Macron en 2017, puis en 2022 avec le MODEM, veut « « inviter la nature au cœur des stratégies d’entreprises ». Business as usual avec un peu de nature !
(8) On retrouve ici les idées développées par Bernard Friot et l’association Réseau salariat qui envisagent le salaire à la qualification (un statut qui existe déjà chez les fonctionnaires) pour chaque personne adulte. Un salaire déconnecté de l’emploi, qui permet à chaque individu de ne pas être subordonné à tel ou tel employeur et d’être reconnu comme participant au bien commun, comme producteur de valeur. On peut alors sortir du travail contraint pour un travail choisi et revendiquer comme légitime la propriété de l’outil de travail. Attention, ne pas confondre le salaire à la qualification ou à la personne avec le revenu universel, qui sont deux notions totalement différentes.
(9) Lire ici l’article publié sur le site des JNE, consacré au Plat de Résistance.
(10) La souveraineté alimentaire désigne le droit des populations à définir leur politique agricole et alimentaire. La souveraineté alimentaire inclut :
– la priorité donnée à la production agricole locale pour nourrir la population,
– le droit des paysan(e)s à produire des aliments et le droit des consommateurs à pouvoir décider ce qu’ils veulent consommer et qui et comment le produit,
– la participation des populations aux choix de politique agricole,
– la reconnaissance des droits des paysannes, qui jouent un rôle majeur dans la production agricole et l’alimentation.
Le concept de souveraineté alimentaire a été développé par Via Campesina et porté au débat public à l’occasion du Sommet Mondial de l’Alimentation en 1996 et présente une alternative aux politiques néo-libérales (extrait du site de la Via Campesina). On est loin des préoccupations actuelles du gouvernement qui ne cesse de parler de souveraineté alimentaire… Là encore, à l’instar de l’agro-écologie, les mêmes mots ne signifient pas la même chose selon la personne qui les utilise…

 

 

 

 

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26.03.2024 à 16:56
dboone
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Maria Mies, sociologue et militante écoféministe allemande, décoloniale, écologiste, s’est éteinte en 2023 à l’âge de 92 ans. Pour elle, il est nécessaire de « penser conjointement la domination masculine exercée sur les femmes, les ressources naturelles et les sociétés paysannes ». Veronika Bennholdt-Thomsen, ethnologue et sociologue allemande, présente la subsistance comme une «.perspective et orientation pour notre action quotidienne ou en tant que politique du quotidien contre la globalisation néolibérale des multinationales… Elle consiste à regarder le monde par en bas, depuis la vie quotidienne, et non par en haut, depuis les instances de pouvoir qui manipulent l’opinion dans le seul but de se perpétuer..»

Le livre, « La subsistance, une perspective écoféministe » est un ouvrage dense et largement documenté. Les deux autrices resituent la notion de subsistance dans notre contexte actuel. Après avoir, dans un premier temps, largement critiqué le système mondialisé, colonisateur, raciste et patriarcal qui ne peut mener qu’à une impasse, elles développent ensuite ce qu’elles appellent « la nécessité d’une autre perspective » et expliquent en quoi le concept de subsistance peut permettre d’envisager un nouveau modèle. Elles renforcent leurs propos par une série d’exemples locaux à travers le monde où des sociétés pratiquent ce modèle et dans lesquelles la domination masculine n’existe pas. Si nombre d’exemples concernent l’agriculture et le milieu rural, la ville n’est pas exclue non plus de leur champs d’investigation.

Que l’on partage ou non, cet ouvrage particulièrement argumenté ne peut que nous enrichir. L’édition française de 2022 a été réactualisée et complétée par les autrices (leur premier texte était paru en 1999). Ce livre nous montre d’autres voies possibles pour nous inciter à penser le changement et sortir de ce récit unique que voudrait nous imposer un monde capitaliste prêt à tout pour se maintenir, coûte que coûte, jusqu’au bout. Belle lecture !

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Éditions la Lenteur, 427 pages, 24 € – www.editions-la-lenteur.fr
Contact : tél.: 09 61 66 26 55
(Pierre Grillet)
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26.03.2024 à 16:54
dboone
Texte intégral (564 mots)

Peut-on encore manger des bananes ? est l’adaptation d’un best-seller anglais dans une version entièrement remaniée et mise à jour. Son auteur Mike Berners-Lee est professeur à l’université de Lancaster au Royaume-Uni, et un pionnier de la quantification carbone. Il est également l’auteur de « Il n’y a pas de planète B », que le Financial Times a qualifié de « manuel pour transformer l’humanité ».

Manger des bananes, regarder des vidéos, acheter des baskets, un jean, prendre l’avion ou tout simplement se faire cuire des pommes de terre, toutes ces activités ont une empreinte carbone. Et notre intuition n’est pas toujours juste, loin s’en faut : certains gestes qui semblent à proscrire sont en réalité sans conséquence, lorsque d’autres sont plus nocifs qu’on ne le pense. Peut-on encore manger des bananes ? titre provocateur mais résumant bien ces questions existentielles, permet de décrypter son environnement, et d’avoir en tête les bons ordres de grandeur. À nous d’agir en conséquence.

Il ne faut pas, par contre, se fier entièrement aux chiffres donnés, seul le concept auquel ils sont associés est riche de réflexion et de changement de mode de vie. Prenons un exemple : « une assiette de pommes de terre (200 g) » (pages 51-53), il est donné 44 g de CO2 pour la culture, 10 g pour le transport et 50-160 g pour la cuisson. Les emballages et la distribution sont donnés pour un total de 4 g. L’idée exacte est que le mode de culture est plus générateur de CO2 que le transport (ce qui milite notamment pour l’agriculture biologique, même si le produit vient de plus loin qu’une production conventionnelle locale). Le mode de cuisson l’est davantage encore. Alors que la pensée commune est d’acheter local pour réduire l’empreinte carbone, alors qu’il peut s’agir de productions intensives particulièrement polluantes. Notions très importantes.

Par contre, ces chiffres bruts se fondent sur des hypothèses qui ne peuvent à l’évidence recouvrer les multiples cas se présentant au consommateur, selon qu’il achète bio ou pas, local ou non, voire directement au producteur, qu’il achète en gros ou pas, etc. De même, les émissions de CO2 pour la restauration des sols pollués par l’agriculture industrielle et/ou le traitement des eaux contaminées, sans même évoquer, celles qui relèvent de la santé publique, ne sont pas prises en compte.

Une publication centrée sur quelques chaines de consommation, mais qui prendrait en compte tous leurs aspects, directs ou indirects, reste à faire.

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Éditions l’Arbre qui marche, 300 pages, 21,90 € – larbrequimarche-editions.fr
Relations presse : Anne Vaudoyer. Tél.: 06 63 04 00 62 – anne.vaudoyer@gmail.com
(Gabriel Ullmann)
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