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19.04.2024 à 12:18

Marianne, Jean-François Achilli, élections et compagnie : revue de presse de la semaine

Elvis Bruneaux

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Du 12/04/24 au 18/04/24.

- L'actualité des médias
Texte intégral (1204 mots)

Critique des médias : une revue de presse hebdomadaire. Si ce n'est exhaustive, au moins indicative [1]. Au programme : du 12/04/2024 au 18/04/2024.

Critique des médias

« Arnacœurs, princes charmants et perfidie : M6 réhabilite la télé trash », Samuel Gontier, Télérama, 12/04 [article complet réservé aux abonnés].

« Quotidien : pourquoi l'extrême droite attaque Yann Barthès », Blast, 14/04.

« Alain Minc et Jacques Attali, l'éternel retour des duettistes médiatiques », Acrimed, 18/04.

« Fact-checking, quand les médias n'écoutent pas les faits », Arrêt sur images, 17/04 [article complet réservé aux abonnés].

« CHU de Rennes : la double casquette de l'avocat de "Ouest-France", Arrêt sur images, 16/04 [article complet réservé aux abonnés].

« "Mariés au premier regard" (et divorcés juste après) : le roman-photo stéréotypé de M6 », Arrêt sur images, 14/04.

Économie des médias

« Daniel Kretinsky envisage de céder l'hebdomadaire "Marianne", Le Monde, 15/04 [article complet réservé aux abonnés].

L'hebdomadaire "Marianne" lâché par Daniel Kretinsky », Libération, 16/04, [article complet réservé aux abonnés].

« Rachat d'Euronews : le Syndicat national des journalistes réclame une enquête parlementaire », Le Monde, 13/04.

« Le groupe Centre France-La Montagne sonne l'alarme sur sa situation financière », La Lettre, 18/04 [article complet réservé aux abonnés].

« Audiovisuel public : le grand regroupement ? », Le Monde, 15/04.

« Renforcer l'audiovisuel public ne se fera pas avec des "fusions-suppressions", SNJ France-Télévisions, 16/04.

« Jean-Noël Jeanneney, historien : "La fusion de l'audiovisuel public nous ramènerait au temps antédiluvien du gargantuesque ORTF", Le Monde, 13/04.

Dans les rédactions

« La première société des journalistes de l'histoire de Nice-Matin voit le jour », La Lettre, 12/04, [article complet réservé aux abonnés].

« La rédaction de "Marianne" dénonce "la brutalité des méthodes" de Daniel Kretinsky », Le Monde, 17/04.

« De l'affaire Cahuzac au livre de Bardella, l'étrange vie "professionnelle personnelle" de Jean-François Achilli, journaliste phare de France Info », Libération, 17/04 [article complet réservé aux abonnés].

« Jean-François Achilli, un journaliste "pro" et "complexe" rattrapé par ses liens avec les politiques, Télérama, 18/04 [article complet réservé aux abonnés].

« A Radio France, tolérance zéro avec les journalistes qui font bons "ménages" avec la com », Libération, 17/04 [article complet réservé aux abonnés].

« Simon Collin accusé de viol : la plainte qui secoue "Playboy" », Arrêt sur images, 15/04 [article complet réservé aux abonnés].

À signaler, aussi

« Elections européennes : ce qu'il faut savoir sur le décompte du temps de parole des candidats et de leurs soutiens », Le Monde, 15/04.

« Élections européennes 2024 : les règles fixées par l'Arcom », Arcom, 15/04.

« Concentration des médias, indépendance des rédactions… Faut-il croire les journalistes ? », L'Humanité, 18/04.

« "Nous implorons les gouvernements, les organisations internationales et toutes les bonnes volontés à se mobiliser pour garantir l'évacuation sûre des journalistes palestiniens de Gaza" », Le Monde, 13/04.

Et aussi, dans le monde : Grande-Bretagne, Italie, Russie, Togo, Haïti, Chine...

Retrouver toutes les revues de presse ici.


[1] Précisons-le : référencer un article dans cette revue de presse ne signifie pas forcément que nous y souscrivons sans réserve.

18.04.2024 à 10:20

Alain Minc et Jacques Attali, l'éternel retour des duettistes médiatiques

Thibault Roques

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Texte intégral (1582 mots)

Un article tiré du Médiacritiques n°50 (parution le 19 avril).

Nous sommes en 1984. Alors que l'émission « Vive la crise » présentée par Yves Montand sur Antenne 2 rencontre un franc succès, Bernard Pivot décide à son tour de mettre à l'honneur sur la chaîne du service public le libéralisme économique en invitant simultanément deux sémillants penseurs, Alain Minc et Jacques Attali, tout acquis à la rigueur budgétaire désormais prônée par les hiérarques socialistes. Quarante ans plus tard, ô surprise, revoici nos deux compères dans les studios de France Inter, invités par Léa Salamé et Nicolas Demorand dans « le débat du 7/10 » (11 mars 2024). Au menu, « Faut-il augmenter les impôts ? ». L'occasion rêvée de revenir sur une improbable longévité médiatique.

Une amitié complice

Avant leur passage dans la matinale de France Inter, Léa Salamé, aussi audacieuse qu'inventive dans ses choix d'invités, avait déjà accueilli fin décembre nos deux complices dans son émission « Quelle époque », toujours sur le service public. Nos deux amis sont inséparables, c'est un fait. Depuis 45 ans au moins, ils murmurent à l'oreille des puissants – patrons et politiques de tous bords –, pondent des livres comme des rapports à intervalles réguliers (du rapport Nora-Minc sur « l'informatisation de la société » de 1977 au rapport Attali pour « la libération de la croissance française » de 2008), dirigent des entreprises et autres cabinets de conseil florissants, sans jamais négliger leurs passages dans les médias dominants, innombrables.

Éloge de l'entre-soi et de la domination

Rompus l'un comme l'autre aux marathons promotionnels, ils ne ratent jamais une occasion de dire tout le bien qu'ils pensent des œuvres de leur homologue ; par exemple, dans L'Express du 18 janvier 2007, Jacques Attali ne tarit pas d'éloge sur la biographie de J. M. Keynes que vient de publier Alain Minc : « Avec force détails, Alain Minc révèle bien des aspects méconnus de l'homme qui révolutionna la pensée économique. [...] Dans sa passionnante biographie, Alain Minc nous fait partager, minutieusement, presque jour après jour, les méandres de la vie de ce géant du XXe siècle. » Émouvant témoignage d'amitié, en effet, venant de celui qui, auteur d'une biographie de Marx à la même époque, attendait sans doute un compte rendu flatteur en retour… car au sein du club d'admiration mutuelle qu'ils partagent avec quelques autres éditorialistes, tous les renvois d'ascenseur sont permis.

Jadis membres des dîners du « Siècle » et fervents promoteurs du capitalisme dans sa version pure et parfaite, ils n'ont de cesse de vanter les vertus du libéralisme économique ; lors de leur récent passage sur France Inter, Léa Salamé, goguenarde, ose rappeler à Alain Minc, chantre de « la mondialisation heureuse » qu'« il n'est pas le plus grand ennemi de l'économie de marché » tandis que Jacques Attali, convaincu pour sa part que marché et démocratie vont de pair, souligne qu'« il faut évidemment réduire les dépenses ».

Duel ou duo ?

Le numéro semble tellement bien rôdé qu'il serait plus juste de se figurer nos deux éditocrates, souvent présentés comme adversaires, côte-à-côte que face-à-face. À l'instar d'un Jacques Julliard « opposé » à Luc Ferry (voir la séquence qui leur est consacrée dans « Les Nouveaux Chiens de garde »), ou d'un Franz-Olivier Giesbert « confronté » à Laurent Joffrin, force est d'admettre que nos deux essayistes se confortent plus qu'ils ne se confrontent. En témoignent les extraits du « débat » radiophonique du 11 mars dernier :

- Alain Minc : Jacques Attali a parfaitement raison.

- Jacques Attali : Et Alain… Minc a tout à fait raison. [J. Attali semble oublier un instant qu'il doit feindre une certaine distance avec son interlocuteur…]

- Alain Minc : Non, mais je suis tout à fait d'accord avec ce qu'a dit Jacques Attali. […] Mais surtout il a dit une chose qui est très claire. [Et de poursuivre, sourire complice aux lèvres, au sujet de la taxation sur le capital :] Je sais que nous avons une vraie divergence – enfin – avec Jacques Attali.

Comme le disait si joliment Jacques Julliard à Luc Ferry au sujet de leur propre proximité, Minc et Attali sont deux intellectuels « qui n'arrivent pas à être en désaccord ». De quoi s'interroger sur l'impérieuse nécessité de faire dialoguer des gens que rien ou presque ne sépare. Un beau numéro de duettistes – plutôt que de duellistes – en tout état de cause.

Vrais-faux experts

Que ces vrais-faux débats soient animés par de vrais-faux experts est somme toute logique. Comment pourrait-il en être autrement, d'ailleurs ? Pour occuper de façon continue depuis un demi-siècle une telle surface médiatique, il fallait en effet que nos deux hommes fussent spécialistes de tout… et de rien. Cultivant le transformisme, Minc et Attali cumulent volontiers les casquettes : écrivains, essayistes, économistes, enseignants, hommes d'affaires, conseiller des princes, artistes même… Sans parler de la variété des sujets sur lesquels ils se sentent légitimes à s'exprimer qui vont bien au-delà de l'économie. Être toutologue est en effet la condition sine qua non d'une survie médiatique durable. C'est bien parce que nos deux personnages se sont progressivement mués en experts de l'expertise capables de parler de tout et de rien, de disserter sur les sujets les plus divers, qu'ils continuent d'avoir leur rond de serviette dans les médias dominants. Sans jamais craindre l'erreur ni le ridicule.

Entre incompétence et arrogance

Et pourtant…S'il faut assurément une bonne dose de confiance en soi – ou d'inconscience – pour intervenir si souvent sur des sujets si vastes et si nombreux, leur longue expérience médiatique aurait dû les inciter à la prudence voire à la contrition. Mais non. Quand l'un – Attali – glose sur la victoire de la droite espagnole… alors que la gauche vient de l'emporter aux élections législatives de 2004, l'autre est convaincu à la veille de la présidentielle américaine de 2016 finalement remportée par Donald Trump que « Mme Clinton sera élue – Dieu merci ». Il n'y eut cependant pas que les ratés et les prophéties hasardeuses (celle de Minc à la veille de la crise des subprimes restant un modèle du genre). Il y eut aussi les plagiats ; Minc, condamné multirécidiviste, est orfèvre en la matière. Mais son acolyte n'est pas en reste, aussi très capable de savants tripatouillages qui lui furent aussitôt pardonnés puisque « les guillemets avaient sauté ». Il faut dire que nos intellectuels de plateau livrent en moyenne un ouvrage par an. Dur métier que celui d'éditorialiste multicarte…

La prime à l'imposture

Étonnamment, alors que leur incompétence avérée et répétée aurait dû les disqualifier depuis longtemps, le système médiatique n'a jamais cessé de les accueillir à bras ouverts. Comment peuvent-ils continuer de sévir sur les plateaux, dans les studios et à longueur de chroniques ? Au fond, ce sont de « bons clients » pour les médias dominants, jamais avares de leurs lumières, plutôt heureux d'être là, assez dociles pour ne pas remettre en cause un système qui les nourrit si bien – ou assez habiles pour le faire de manière si convenue et distanciée qu'ils ont la garantie d'être réinvités. S'ils sont indéniablement amis des puissants, y compris médiatiques, il faut leur reconnaître une certaine souplesse dans le jugement qui les autorise à dire aujourd'hui le contraire de ce qu'ils soutenaient hier, sans que quiconque y trouve à redire ; entendre Jacques Attali, pilote de PlaNet Finance, affirmer en 2024 que « l'important, c'est évidemment tout ce qui pourra créer les conditions de la mobilité sociale et de l'accès de tous aux richesses » ne manque pas de sel. De même, il est cocasse d'entendre Alain Minc défendre les hausses d'impôt et une certaine régulation de l'économie quand il les combattait naguère avec la dernière vigueur. On est contorsionniste ou on ne l'est pas…

S'il est une leçon à tirer de l'omniprésence persistante de ces bateleurs médiatiques, c'est que l'amnésie journalistique a de beaux jours devant elle ; car pour nos deux hérauts de la pensée, le meilleur moyen de faire oublier leurs errements, c'est encore d'occuper le terrain. Comme le rappelait Jacques Bouveresse citant Karl Kraus, le problème est sans doute moins le mal que l'accoutumance au mal. Pendant combien de temps encore les plagiaires avérés, faussaires de la pensée et fossoyeurs du progrès pourront-ils tenir le haut du pavé médiatique ?

Thibault Roques

12.04.2024 à 12:00

Licenciements, proposition de loi, France Télévisions et compagnie : revue de presse de la semaine

Elvis Bruneaux

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Texte intégral (1215 mots)

Critique des médias : une revue de presse hebdomadaire. Si ce n'est exhaustive, au moins indicative [1]. Au programme : du 05/04/2024 au 11/04/2024.

Critique des médias

« Nathalie Saint-Cricq dans Libération : une "pointure" et beaucoup de cirage », Acrimed, 11/04.

« Ossements du petit Émile : la piste des charognards n'est pas écartée », Samuel Gontier, Télérama, 5/04.

« Pascal Praud, l'heure des cibles », Mediapart, 8/04 [article complet réservé aux abonnés].

« Sur CNews et C8, l'évangile selon saint Vincent Bolloré », Télérama, 9/04, [article complet réservé aux abonnés].

« Révélations de "Mediapart", Christine Kelly tombe des nues », Arrêt sur images, 6/04 [article complet réservé aux abonnés].

Économie des médias

« Distribution : comment le gouvernement veut masquer les subventions offertes à la presse des milliardaires », Marianne, 5/04 [article complet réservé aux abonnés].

« BFMTV rachetée par le milliardaire préféré de Macron : qui est R.Saadé ? », Blast, 7/04.

« La loi "JDD", sacrifiée par la Macronie à l'Assemblée », Les Jours, 8/04 [article complet réservé aux abonnés].

« Delphine Ernotte au Figaro : "Le projet de fusion de l'audiovisuel public, c'est le choix de la responsabilité" », Le Figaro, 5/04 [article complet réservé aux abonnés].

Dans les rédactions

« Pourquoi l'AFP a-t-elle viré le photojournaliste Bülent Kılıç ? », Arrêt sur images, 7/04 [article complet réservé aux abonnés].

« "Vert de rage" : France Télévisions coupe court à son "Cash investigation" écolo », Télérama, 9/04 [article complet réservé aux abonnés].

« Canard enchaîné : le ministère du travail s'oppose au licenciement de Christophe Nobili », 10/04, La Lettre, [article complet réservé aux abonnés].

« Sexisme et violences : la face sombre du journalisme », Blast, 9/04.

« France 3 Occitanie vire un chroniqueur pas assez pro-ésotérisme », Arrêt sur images, 3/04 [article complet réservé aux abonnés].

« A69 et droit d'informer, France 3 en première ligne », Arrêt sur images, 8/04 [article complet réservé aux abonnés]

« "Le Parisien" poursuivi pour avoir détaillé des plaintes pour viols », Arrêt sur images, 9/04 [article complet réservé aux abonnés].

À signaler, aussi

« Derrière le cas de CNews, le consensus néolibéral contre le pluralisme réel », Nikos Smyrnaios, Acrimed, 8/04.

« Jean-Luc Hees a démissionné du comité d'éthique d'Europe 1 après avoir écouté la radio : "J'ai commencé à avoir des boutons" », Libération, 7/04 [article complet réservé aux abonnés].

« Society, Arrêt sur images, BFM Alsace, BFM TV : le CDJM publie cinq nouveaux avis », CDJM, 5/04.

« Audiences : Quel bilan pour "Bonjour !" avec Bruce Toussaint trois mois après son lancement sur TF1 ?, Pure Médias, 9/04.

« France : RSF dénonce une campagne de cyberharcèlement contre les journalistes de Conspiracy Watch à la suite des propos infondés du député Nicolas Dupont-Aignan », RSF, 10/04.

« Policiers et journalistes corrompus, agents doubles : comment la Russie nous infiltre », Blast, 8/04.

« Politiques, milliardaires, grands médias : à qui servent vraiment les sondages ? », Le Média, 9/04.

« Pour la liberté d'informer à Gaza », Le Monde, 5/04.

« En Israël, la chaîne 13 axe la plupart de ses programmes sur la sécurité dans le pays et le retour des otages », Le Monde, 6/04 [article complet réservé aux abonnés].

Et aussi, dans le monde : Jordanie, Turquie, Ukraine, Pérou...

Retrouver toutes les revues de presse ici.


[1] Précisons-le : référencer un article dans cette revue de presse ne signifie pas forcément que nous y souscrivons sans réserve.

11.04.2024 à 12:06

Nathalie Saint-Cricq dans Libération : une « pointure » et beaucoup de cirage

Olivier Poche

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« Nathalie Saint-Cricq vote », et Libération vote Saint-Cricq.

- L'art du portrait / , ,
Texte intégral (1383 mots)

On le sait depuis l'édito signé Jonathan Bouchet-Petersen, et intitulé « Les insoumis sont pénibles, ils nous obligent à défendre Nathalie Saint-Cricq et, pire, Pascal Praud », Libération a fort peu goûté la campagne de LFI pour l'inscription sur les listes électorales qui avait suscité une tempête de désapprobation comme le petit monde médiatique outragé sait si bien les orchestrer. Nouvelle pièce fournie par la défense de l'éditocrate du service public : un portrait, dégoulinant de complaisance, publié dans l'édition du 4 avril. Un papier de ceux dont on se demande si quelqu'un l'a relu et validé avant publication, sans trop savoir quelle réponse espérer.

Comme l'indique clairement le chapô, c'est bien le conflit ouvert par les affiches de LFI et la « polémique » qui s'en est suivie qui justifient ce portrait : « Membre de la famille Duhamel, la journaliste télé au caractère bien trempé ne se laisse pas déstabiliser par les accusations de connivence et de macronisme lancées par LFI. » Et pour cause : l'autrice du portrait, Virginie Bloch-Lainé, membre d'une autre grande « famille » française et appartenant sensiblement au même monde que notre « journaliste télé », va s'efforcer de la défendre, et de délégitimer ces « accusations ». À cet égard, le premier paragraphe est un chef d'œuvre du genre :

A l'antenne, elle est mordante. Physiquement, elle ne vacille pas, mais par la parole, elle balance et balaie la poussière. En raison de ces qualités, sa discrétion lors du débat entre Macron et Le Pen avant le second tour de la présidentielle de 2017 avait été moquée. Alors que voulez-vous, qu'elle se taise ou qu'elle l'ouvre ? C'est le sort d'une excellente journaliste de provoquer une myriade de fantasmes. Nathalie Saint-Cricq serait très riche, terriblement macroniste et peut-être d'autres choses encore. Épouse de Patrice Duhamel, ancien directeur général de France Télévisions, belle-sœur d'Alain Duhamel et mère du journaliste de BFM TV Benjamin Duhamel, elle concentrerait entre ses mains l'information des citoyens.

D'un côté, une « excellente journaliste », bourrée de « qualités ». De l'autre, une « myriade de fantasmes » [1], des injonctions contradictoires (« qu'elle se taise ou qu'elle l'ouvre ? »), et des accusations ridicules : « elle concentrerait entre ses mains l'information des citoyens ». Personne n'a jamais prétendu cela, mais c'est une constante des plaidoiries médiatiques pro domo : on caricature sans complexe le discours des opposants, ce qui a le double mérite de leur enlever tout crédit et d'éviter de répondre à leurs critiques et arguments.

D'ailleurs, les opposants n'auront pas leur mot à dire : on y lira surtout des citations de Nathalie Saint-Cricq [2]. Les deux autres sources de Virginie Bloch-Lainé sont Arlette Chabot, qui trouve sa consœur « généreuse et attentive aux autres. Elle est exceptionnelle, et je ne dis pas ça pour être gentille », et Ali Baddou, qui la trouve pour sa part « exigeante et bienveillante ». Et… c'est tout.

C'est presque tout : le portrait assemble des bribes d'information sur son parcours, son salaire (et sa transparence) [3], ses deux premiers romans, ses vacances en Corse, sa rencontre amoureuse avec « Patrice », ses grands-parents résistants, son frère qui dirige le journal fondé par le grand-père, aventure résumée ainsi par Nathalie (la sœur) – et par elle seule : « C'est un processus qui peut sembler dynastique mais on ne possède pas le journal. C'est une coopérative ouvrière. »

Bref, un ramassis d'éléments biographiques, qui paraissent d'autant plus anecdotiques qu'aucune idée directrice ne semble présider à leur sélection, sinon la volonté de montrer l'« excellente journaliste » sous son meilleur jour – sans exclure des messages annexes : « La journaliste est intransigeante sur deux points : les atteintes à la laïcité et à l'antisémitisme, qui souvent se maquille en antisionisme. »

On retrace à (très) grands traits sa vie de « reporter, en Israël pendant la guerre du Golfe, en Roumanie pendant la révolution de 1989 », son éloignement « du terrain », son retour « à l'écran », son renvoi dans la « charrette » de Sarkozy. On cite les avis (comblés) de ses amis Arlette et Ali. On évoque la « polémique AOC » en invitant Nathalie – et elle seule – à dire « franco de port ce qu'elle pense de cette affaire ». Et Nathalie de faire une révélation pleine de courage : « À sa place, j'aurais démissionné rapidement. » Nathalie, à sa place d'éditocrate, s'était surtout abstenue de toute déclaration compromettante, en prétendant se « mettre en retrait » selon des modalités baroques qui avaient « agacé à France Télés » et fait « jaser en interne », comme le révélait un article de… Libération. Mais des motifs de cet « agacement », du contenu de ces « jaseries », on ne saura rien – même pas leur existence. De même qu'on ne saura rien des critiques précises et argumentées, qu'on a pu formuler, ici même par exemple, à l'encontre de cette éditocrate et du tort qu'elle et ses pairs font au débat public, à la démocratie en général, et à la gauche en particulier.

Pour finir, on apprendra que « Nathalie Saint-Cricq n'a pas demandé à relire ses propos avant la publication du portrait » : la précision s'imposait en effet ! Pourtant, « de plus petites pointures l'exigent », glisse Bloch-Lainé dans un ultime coup de brosse. Une « pointure » – le mot dit bien ce que Virginie voit en Nathalie : voilà son point de vue, qui explique son portrait, en tout point conforme aux attentes de cette dernière. Et de Libération ?

Olivier Poche


[1] En effet délirants : Saint-Cricq serait riche et macroniste !

[2] Qui pourra par exemple déplorer « toute la méchanceté dont [les gens de LFI] sont capables ».

[3] « Parce qu'elle sait que les imaginaires s'emballent, elle nous montre son salaire, sur son smartphone, au bas de sa fiche de paie : 5 789 euros net, treizième mois compris. »

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