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03.12.2023 à 12:30

Elsa Morante / Petit manifeste des communistes (sans classe et sans parti)

L'Autre Quotidien

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Un monstre parcourt le monde : la fausse révolution.
Texte intégral (1773 mots)

Trouvé par Carlo Cecchi et Cesare Garboli parmi les papiers d'Elsa Morante, ce texte avait une version antérieure, retravaillée plus tard, incluse dans une lettre non envoyée, vraisemblablement écrite vers Pâques 1970 ou 1971. Publié pour la première fois en 1988 dans la revue Linea d'ombra . En 2007, l'éditeur italien nottetempo publie le manifeste accompagné de la « Lettre aux Brigades rouges » que Morante a écrite en 1978 lors de l'enlèvement d'Aldo Moro.

 

1. Un monstre parcourt le monde : la fausse révolution.

 

2. L’espèce humaine diffère des autres êtres vivants par deux qualités principales. L’un est le déshonneur de l’homme ; l'autre, l'honneur de l'homme.

 

3. Le déshonneur de l'homme est le Pouvoir. Elle se configure immédiatement dans la société humaine, universellement et toujours fondée et fixée sur le binôme : maîtres et serviteurs – exploités et exploiteurs.

 

4. L'honneur de l'homme est la liberté de l'esprit. Et il ne serait pas nécessaire de souligner qu'ici le mot esprit (même si ce n'est que sur la base de la science actuelle) ne signifie pas cette entité métaphysique-éthérée (et plutôt suspecte) que comprennent les « spiritualistes » et les épouses ; mais la réalité intégrale, propre et naturelle de l'homme.

Cette liberté de l’esprit se manifeste de manières infinies et différentes, qui signifient toutes la même unité, sans hiérarchies de valeurs. Exemple : la beauté et l’éthique sont la même chose. Rien ne peut être beau s'il est expression de la servitude de l'esprit, c'est-à-dire affirmation de Pouvoir. Et vice versa. Ainsi, par exemple, le Sermon sur la Montagne, ou les Dialogues de Platon , ou le Manifeste de Marx-Engels , ou les essais d'Einstein sont beaux ; de même que l'Iliade d'Homère , ou les Autoportraits de Rembrandt , ou les Madones de Bellini , ou les poèmes de Rimbaud sont moraux. En effet, toutes ces œuvres (ni plus ni moins que les nombreuses actions possibles qui leur sont équivalentes) sont toutes, en elles-mêmes, des affirmations de la liberté de l'esprit et, par conséquent, quelles que soient les contingences historiques et sociales dans lesquelles elles sont exprimés, ils ne sont essentiellement déterminés par aucune classe et, enfin, ils appartiennent à toutes les classes. Car par définition ils nient le Pouvoir, dont la division des hommes en classes est une des nombreuses revendications aberrantes.

 

5. En tant qu'honneur de l'homme, la liberté de l'esprit, qu'elle soit comme expression ou comme jouissance, est due par définition à tous les hommes. Tout homme a le droit et le devoir d’exiger la liberté d’esprit pour lui-même et pour tous les autres.

 

6. Cette exigence universelle ne peut être appliquée tant que le Pouvoir existe. En fait, il est évident qu'elle est en principe refusée aussi bien à l'exploité qu'à l'exploiteur, au maître comme au serviteur.

 

7. De là naît la nécessité absolue d'une révolution, qui doit libérer tous les hommes du pouvoir pour que leur esprit soit libre. Le seul but de la révolution est de libérer l'esprit des hommes, par l'abolition totale et définitive du pouvoir.

 

8. Par une loi inévitable (et toujours confirmée par les faits) il est impossible d'atteindre la liberté commune de l'esprit par son contraire. La révolution, pour réaliser son propre objectif de libération, doit avant tout le prendre comme commencement et comme commencement. Celui qui asservit son propre esprit et celui des autres avec une promesse de libération « mystique » et est finalement lui-même un esclave, mais aussi un escroc et un exploiteur. Ni plus ni moins que les jésuites et les contre-réformistes - de Mahomet qui envoya ses "fidèles" se détruire en vue du "Paradis" des Houris - de Hitler et Mussolini qui exterminèrent les nations en vue des "gloires nationales" - depuis Staline qui a castré et martyrisé le peuple en vue du « bien du peuple », etc., etc., etc.

 

9. Une révolution qui réaffirme le Pouvoir est une fausse révolution. Aucun prolétariat (ni plus ni moins que s'il existait une monarchie, ou une aristocratie, ou une théocratie, ou une bourgeoisie, etc.) ne pourra jamais prétendre ou réaliser la révolution s'il n'a pas un esprit libre des germes du pouvoir. . En fait, personne ne peut communiquer aux autres ce qu’il n’a pas, et on ne peut pas présumer que la guérison grandira avec les graines de la peste.

 

10. Dans une société fondée sur le Pouvoir (comme toutes les sociétés qui ont existé jusqu'à présent et qui existent aujourd'hui), un révolutionnaire ne peut rien faire d'autre que s'opposer (ne serait-ce que) au Pouvoir, en affirmant (avec les moyens et dans le cadre de ses possibilités personnelles, naturelles et limites historiques accordées) la liberté de l'esprit due à chacun. Et c’est votre droit et c’est votre devoir de le faire à tout prix : même, en fin de compte, au prix de la mort. C'est ce qu'ont fait le Christ, Socrate, Jeanne d'Arc, Mozart, Tchekhov, Giordano Bruno, Simone Weil, Marx, Che Guevara, etc., etc., etc. C'est ce que fait un journalier qui refuse de subir des abus, un jeune homme qui refuse une éducation dégradée, un enseignant qui fait de même, un forgeron qui fabrique un clou à quatre pointes contre les véhicules nazis, un ouvrier qui se met en grève pour s'opposer à l'exploitation, etc., etc., etc. De telles œuvres ou actions qui affirment, chacune avec ses moyens, la liberté de l'esprit contre le déshonneur de l'homme, sont toutes également belles et morales. Et par définition, ils ne sont pas la distinction et la propriété d'une classe, mais de l'homme absolument en tant que tel, conformément à ce qui a été dit aux paragraphes 2 et 4.

 

11. Si le pouvoir est réaffirmé au nom de la révolution, cela signifie que la révolution était fausse ou qu'elle a déjà été trahie.

 

12. Tout révolutionnaire (que ce soit Marx ou le Christ) qui rejoint le pouvoir (qu'il l'assume, qu'il l'administre ou qu'il le subisse) cesse à partir de ce moment d'être un révolutionnaire et devient un esclave et un traître.

 

13. Supposons maintenant un individu devant un bâtiment en feu. Par une fenêtre ouverte (la seule fenêtre accessible, bien que dangereuse) l'individu aperçoit un enfant, qui est sur le point d'être touché par les flammes. L'homme entre dans le compartiment et sauve le garçon à ses risques et périls. Et ce serait clairement un fou criminel qui l'accuserait d'avoir commis un acte antisocial et injuste car, étant donné l'impossibilité de sauver les autres habitants de l'immeuble, il n'a pas laissé même cet enfant brûler vif. L'homme qui (avec les moyens et dans les limites personnelles, naturelles et historiques qui lui sont accordées) affirme la liberté de l'esprit contre le Pouvoir, et donc aussi contre les fausses révolutions, réalise la véritable Longue Marche, même s'il reste enfermé. toute sa vie en prison. C'est ce qu'a fait Gramsci. En l’absence de compagnons ou de disciples, d’auditeurs ou de spectateurs, l’esprit libre reste le même dans sa longue marche, ne serait-ce que devant lui-même et donc devant Dieu. Rien n'est perdu (voir le grain de moutarde et la pincée de levure) ; et, par conséquent, quiconque asservit, sous quelque prétexte que ce soit, son propre esprit, devient par là un agent du déshonneur de l'homme. Doublement malheureux est celui qui s'efforce de répandre la contagion parmi les autres, et encore plus malheureux s'il le fait en vue ou pour le plaisir de son propre pouvoir personnel.

Utiliser les exploités à des fins de pouvoir (ne serait-ce que leur nom) est la pire forme d’exploitation possible. Pire encore pour ceux qui le font pour leur propre bénéfice personnel. Proclamer l’amour pour les travailleurs peut être un alibi commode pour ceux qui n’aiment aucun travailleur, ni aucun homme.

Une multitude consciente affirmant la liberté de l'esprit est un spectacle sublime. Et une foule aveuglée qui exalte le Pouvoir est un spectacle obscène : celui qui est responsable d'une telle obscénité ferait mieux de se pendre.

25.11.2023 à 12:40

La métamorphose du corps humain au 21ème siècle

L'Autre Quotidien

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Lorsque le capital, poussé par son besoin d’expansion, rencontre le corps humain, il le modifie de trois manières : comme produit, comme moyen de production et comme marché en soi. Ce processus s'accompagne d'une marchandisation générale du corps humain et d'une métamorphose fonctionnelle : d' être un corps à avoir un corps .
Texte intégral (1203 mots)

Ordinary man, de Zharko Basheski  - 2009-2010

Lorsque le capital, poussé par son besoin d’expansion, rencontre le corps humain, il le modifie de trois manières : comme produit, comme moyen de production et comme marché en soi. Ce processus s'accompagne d'une marchandisation générale du corps humain et d'une métamorphose fonctionnelle : d' être un corps à avoir un corps .

 Le corps humain comme produit

En tant que produit destiné à être acheté et vendu sur le marché de la production et de la consommation, le corps humain a toujours été limité par sa rigidité. Contrairement à de nombreux autres produits, le corps humain ne peut être modifié à volonté. C'est pourtant le fait d'être un mauvais produit qui a préservé son humanité.

Aujourd’hui, la biotechnologie et l’intelligence artificielle semblent capables de surmonter cet obstacle. La séparation du corps de l'identité de l'individu a permis de vendre le corps humain non seulement aux hommes, comme c'est le cas pour l'esclavage, la prostitution ou, en d'autres termes, le travail rémunéré, mais aussi au propriétaire du corps lui-même, qui, en interaction avec lui-même, entre dans un cercle de création et de satisfaction de besoins satisfaits par les soins du corps, les soins de beauté, la chirurgie, le fitness, etc. L’individu finit ainsi par devenir une sorte d’acheteur, d’utilisateur et de client envers son propre corps. La biotechnologie peut élargir les possibilités du corps humain, compris comme un produit, en fonction des besoins du marché, en identifiant de nouvelles parties ciblées à améliorer, à remplacer et à échanger ; et en perspective, l’intelligence artificielle est capable de reproduire algorithmiquement l’esprit, le séparant ainsi du corps. De ce point de vue, n’importe quel esprit pourrait habiter n’importe quel corps, dans une sorte de marché immobilier du corps humain.

 Le corps humain comme outil de production

En tant qu’instrument de production, le corps humain a montré toutes ses limites depuis la naissance de la vie sociale. La marge d’amélioration structurelle est très différente. La machine peut être modifiée, perfectionnée et remplacée indéfiniment tandis que l’homme est tel qu’il était le jour imaginaire où il s’est proclamé homme.

L'impossibilité de modifier structurellement le corps humain l'a laissé, du point de vue de sa capacité de production, entre le statut de marchandise inestimable et de sujet hors marché et, à l'inverse, de produit sans marché et de marchandise de peu de valeur.

Le corps humain comme marché en soi

Si l'on imagine le corps humain comme un lieu géographique dans lequel acheter et vendre des biens, comme des montres, des vêtements ou des bijoux, sa plasticité limitée représente un obstacle à l'expansion du capital car, si le marché horloger nécessite un troisième bras, l'homme n'est pas en mesure de s'en procurer un.

Le capital a cherché à contourner cette limitation par la multiplication des individus et l’augmentation conséquente de la population mondiale.

La façon dont le capital a dépassé les utilisations traditionnelles du corps humain en tant que marché en soi ces dernières années, comme les vêtements, la mode, les accessoires, les médicaments, etc., a vu le capital s'introduire dans le corps humain, donnant naissance à un marché du sang. organes et, plus récemment, graines et œufs, ainsi que la location d'utérus pour la reproduction.

Ces dernières années, le développement de la technologie a permis la conception de médicaments personnalisés, de variations génétiques, de produits nanopharmaceutiques, de protéomique, de cellules souches et de biologie synthétique, qui promettent de faire du corps humain un marché aux possibilités énormes.

Le scénario le plus inquiétant voit l’homme du 21ème siècle complètement détaché de son corps et le corps complètement marchandisé et soumis aux règles du marché.

Dans les perspectives les plus extrêmes de l’intelligence artificielle, le corps peut être habité, acheté et vendu comme un appartement, tandis que dans la perspective de la biotechnologie, il peut être modifié à volonté, mis à jour et intégré à des pièces robotiques.

Dans cette perspective, la phrase du vieux Sénèque : « Celui qui est esclave de son propre corps n'est pas libre » prend un tout autre sens.


Giuseppe Sapienza
Traduction L’AQ. Lire
l’article original en italien 


Giuseppe Sapienza est né en 1974 à Catane où il a étudié la philosophie. Il vit actuellement à Oulan-Bator où il est vice-président de la Royal International University. Auparavant, il a vécu et travaillé en Italie, au Royaume-Uni, en Chine, au Cambodge, aux Îles Salomon et au Vietnam, en collaboration avec des universités, des ministères et des organisations internationales telles que l'UNESCO, le PNUD, l'OMS et la KOICA. Il a publié L'arte del capitale pour les éditions Algra en 2020. Le suivre sur son blog.

12.11.2023 à 17:26

Il n’y a pas de justice climatique sans justice pour les animaux !

L'Autre Quotidien

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« La guerre que nous menons contre la nature est nécessairement une guerre contre nous-mêmes. » Dans cet article, les auteurs Zipporah Weisberg et Carlo Salzani remettent en question le concept de « justice climatique » : pour que le principe fonctionne réellement, il ne faut pas ignorer les actions d'extermination menées par l'homme contre les animaux - pensez à l'agriculture intensive. Il est donc urgent de penser une « justice multi-espèces » : une approche relationnelle de la justice qui ne néglige aucun être vivant et vise la « décentralisation » de l'être humain.
Texte intégral (6466 mots)

« La guerre que nous menons contre la nature est nécessairement une guerre contre nous-mêmes. » Dans cet article, les auteurs Zipporah Weisberg et Carlo Salzani remettent en question le concept de « justice climatique » : pour que le principe fonctionne réellement, il ne faut pas ignorer les actions d'extermination menées par l'homme contre les animaux - pensez à l'agriculture intensive. Il est donc urgent de penser une « justice multi-espèces » : une approche relationnelle de la justice qui ne néglige aucun être vivant et vise la « décentralisation » de l'être humain.

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Le mouvement pour la justice climatique, en tant que mouvement pour la justice sociale, reconnaît le lien entre la marginalisation, l’exploitation des groupes humains vulnérables et la destruction du monde naturel. Cependant, la promesse d’inclusion de la justice climatique ne semble pas s’appliquer de la même manière aux autres animaux. Tout en s’attaquant à l’agriculture industrielle, l’activisme climatique se concentre sur la pollution, les émissions de carbone et autres risques environnementaux associés, tout en ne disant presque rien des souffrances indescriptibles auxquelles sont soumis des dizaines de milliards d’êtres sensibles dans les fermes industrielles intensives. Ce silence est non seulement injustifié, mais aussi contre-productif. Tout comme il ne peut y avoir de justice climatique sans justice sociale, il ne peut y avoir de justice climatique sans justice pour les animaux.

«Nous avons rompu les fondements mêmes de la vie»

Le Living Planet Report 2022, publié en octobre 2022 par le World Wildlife Fund (WWF) en collaboration avec la Zoological Society London (ZSL), attire l'attention sur la vitesse alarmante à laquelle les populations d'animaux sauvages à travers le monde ont été décimées au cours des dernières décennies. . Le rapport documente un déclin moyen de 69 % parmi les populations suivies entre 1970 et 2018, des pays comme ceux d'Amérique latine affichant des déclins plus marqués (94 %). Dans le même temps, les poissons d'eau douce ont enregistré le plus grand déclin mondial global (83 %) [2] . La liste des principaux facteurs de déclin des espèces comprend la perte et la fragmentation de l’habitat, la déforestation, l’exploitation intensive, la pollution, les maladies, les espèces dites « envahissantes » et le changement climatique. Andrew Terry, directeur de la conservation et des politiques à ZSL, rejoignant le chœur des scientifiques et des activistes qui demandent depuis des décennies aux gouvernements et aux organisations internationales d'agir (en vain) [3], déplore que « nous ayons coupé la base même de la vie » .

Le coût humain du changement climatique n’est pas moins grave. Les habitats décimés, les ressources en eau contaminées, la dégradation des terres et la pollution atmosphérique constituent des menaces croissantes pour la vie humaine. Les conséquences, telles que les sécheresses, les inondations, la pauvreté et la famine, exacerbent les conflits géopolitiques et conduisent à des déplacements forcés de populations entières. Entre-temps, la spoliation des écosystèmes rend impossibles les « services écosystémiques » qui soutiennent et régulent la vie humaine (comme la pollinisation des cultures) [4] et l'anthropisation croissante de territoires toujours plus vastes contribue à l'introduction et à la propagation d'agents pathogènes virulents qui menacent gravement les populations. menacer la santé humaine. Comme l'a observé Dave Goulson, la guerre que nous menons contre la nature est nécessairement une guerre contre nous-mêmes [5] .

Le mouvement pour la justice climatique s’attaque de front à ces problèmes, offrant une alternative indispensable aux approches traditionnelles, corporatives ou gouvernementales. La notion de « justice climatique » remonte à plus de deux décennies : l’une des premières occurrences se trouve dans un rapport de 1999 de l’ONG CorpWatch, intitulé Greenhouse Gangsters vs. Justice climatique [6] . L’année suivante, le premier sommet sur la justice climatique organisé par CorpWatch se tient parallèlement (et en opposition) aux négociations de la COP6 à La Haye. De nombreux événements ont eu lieu au fil des ans, notamment le Sommet de la Terre à Bali en 2002, la Conférence mondiale des peuples sur le changement climatique et les droits de la Terre nourricière en 2010 et le Sommet des peuples pour la justice climatique de novembre 2022. Depuis quelques années, des dizaines d’associations pour la justice climatique ont également vu le jour, comme Global Justice Now, Climate Justice Alliance, Climate Justice Coalition et Climate Justice Action.

En tant que mouvement social pour la justice, le mouvement pour la justice climatique met en lumière les inégalités produites par la crise climatique, notamment son impact nettement différencié sur les populations humaines à travers la planète. Le sexe, la race, l’origine ethnique, l’âge et le revenu ont un impact décisif sur ces différences et ceux qui souffrent le plus des conséquences du changement climatique sont les composantes les plus vulnérables de la population : les pauvres, les minorités raciales, les femmes et les autochtones. Cependant, d’autres animaux sont presque toujours les grands absents des discussions sur la catastrophe climatique, même s’ils comptent parmi les plus gravement touchés. Dans l'élevage, l'un des plus destructeurs pour l'environnement, des centaines d'espèces animales sont en voie d'extinction tandis que des dizaines de milliards d'animaux sont contraints de vivre dans un élevage intensif dans des conditions abominables avant d'être envoyés vers une mort violente. Sept milliards d'animaux, pour la plupart des nouveau-nés, ont jusqu'à présent été tués pour la nourriture et d'autres sous-produits rien qu'aux États-Unis cette année, et plus de 150 milliards d'animaux sont abattus dans le monde chaque année [7] .

Les défenseurs de la justice climatique critiquent l’agro-industrie pour les dommages environnementaux qu’elle provoque, mais restent silencieux sur les dommages qu’elle inflige aux autres animaux. Alors que la production de méthane, les émissions de carbone et la combustion pour créer des pâturages pour le bétail en Amazonie suscitent des inquiétudes, la mutilation, la détention extrême, les coups et l'abattage massif d'animaux restent largement invisibles. En gardant le silence sur la violence systémique contre les animaux, le mouvement pour la justice climatique se rend complice de l’une des injustices les plus graves de notre époque. Tout comme il ne peut y avoir de justice climatique sans justice sociale, il ne peut y avoir de justice climatique sans justice pour les animaux.

La justice climatique est une justice sociale

Le mouvement pour la justice climatique a réaffirmé par tous les moyens que le changement climatique est une question de droits humains [8] et, avant tout, de justice sociale. Le mouvement défie ouvertement les dirigeants mondiaux et les organisations gouvernementales qui ignorent les injustices majeures sous-jacentes au changement climatique, tout en poursuivant le mythe du solutionnisme technologique et en prétendant réduire progressivement les émissions de carbone. Contrairement à l’approche dominante, favorable aux entreprises et dominée par les euro-américains, face à la crise climatique, les collectifs de justice climatique remettent en question l’élitisme, promeuvent la démocratie populaire et attirent l’attention sur le sort des pays du Sud. Global Justice Now , par exemple, prétend être « une organisation démocratique de justice sociale travaillant dans le cadre d'un mouvement mondial visant à défier les puissants et à parvenir à un monde plus juste et équitable. Mobilisons les citoyens du Royaume-Uni pour le changement et agissons en solidarité avec ceux qui luttent contre l'injustice, en particulier dans les pays du Sud . »

Climate Justice Alliance se concentre sur la relation entre les systèmes de production extractive et l’oppression politique, insistant sur le fait que l’égalité raciale, de genre et de classe fait partie intégrante de la transformation : « Notre stratégie organisationnelle translocale et notre capacité de mobilisation construisent une transition juste, contre les systèmes extractifs de production, de consommation et d’oppression politique et vers des économies résilientes, régénératrices et équitables. Nous pensons que le processus de transition doit placer la race, le sexe et la classe sociale au centre des solutions à cette équation pour que la transition soit vraiment juste. »

Les militants pour le climat identifient une « triple injustice » en jeu dans la crise climatique :
1) les groupes défavorisés, qui sont les moins responsables du changement climatique, subissent les pires conséquences ;
2) les pays riches du Nord et les classes aisées du monde entier, les plus responsables du réchauffement climatique, sont les moins touchés ;
3) les groupes marginalisés, qui disposent de moins de ressources, sont laissés à eux-mêmes avec peu ou pas de soutien. Pour remédier aux nombreuses injustices sociales, les militants réclament une répartition équitable des charges et des bénéfices [9]. Mais dans le travail urgent et important réalisé par les collectifs pour la justice climatique à travers le monde, un groupe particulièrement vulnérable reste visiblement absent : les animaux non humains.

La première extermination de masse

Que les humains soient responsables de la sixième extinction de masse [10] est désormais un fait reconnu. La panique suscitée par ce que nous avons fait pour provoquer ce scénario apocalyptique est évidente, et les gens ordinaires et les militants de base, voire les gouvernements, tentent véritablement de trouver des solutions. Notre sentiment de culpabilité est évident dans les noms que nous donnons à cette dernière extinction : « Extinction anthropocène », « Extinction capitocène » et « Écocide » [11] . Justin McBrien propose de renommer cette extinction « Première extermination de masse », pour souligner qu'il ne s'agit pas d'un événement géologique passif comme les cinq extinctions précédentes, mais d'une véritable extermination, d'une « éradication active et systématique » qui pousse la Terre au bord de l'extinction. ce que McBrien appelle le « Nécrocène » [12] . À cette liste déjà longue d'horribles néologismes, Danielle Celermajer ajoute celui de « l'omnicide », la « mise à mort de tout », qui menace l'existence même de la vie sur terre [13] .

Le langage alarmiste, en revanche, a du sens : ces cataclysmes sont des crimes à l’échelle planétaire, dont les responsabilités peuvent et doivent être identifiées et dont les coupables doivent rendre des comptes. Même si aucun individu n’est à blâmer, l’arrogance humaine, combinée à un système économique intrinsèquement extractif, sont en fin de compte les véritables coupables. Mais même ces néologismes ne parviennent pas à saisir le problème spécifique de l’extermination animale. L'utilisation du terme « écocide » au lieu de « zoocide », par exemple, ne prend pas en compte la détention, la torture et l'abattage d'animaux dans les laboratoires d'élevage intensif et de recherche, les zoos, les cirques, les rodéos, les foires de village, etc. «Omnicide» met correctement en évidence la totalité de la destruction, mais un autre terme qui met en avant la soustraction impitoyable de la vie animale non humaine permettrait de ne plus négliger et cacher la violence contre d'autres animaux [14 ] .

Pour être honnête, l’industrie de l’élevage est souvent identifiée comme l’une des principales causes du changement climatique. Les climatologues ont appelé à plusieurs reprises à une réduction de la consommation de viande et de produits laitiers et à un passage à un régime alimentaire à base de plantes [15] . Cependant, les atrocités humaines contre les animaux eux-mêmes ne semblent avoir aucun poids moral ou politique dans le mouvement climatique. Lorsque les militants expriment leurs inquiétudes concernant (plutôt que pour) les animaux d’élevage, c’est généralement en termes utilitaires, comme la nourriture ou les ressources. Lorsque les animaux non humains, comme le panda ou l’ours polaire omniprésents, sont au centre des campagnes pour la justice climatique, généralement comme symboles d’une menace pour la survie humaine. Dans des documents et déclarations comme les Principes de justice environnementale ou les Principes de Bali pour la justice climatique [16] , les autres animaux restent des préoccupations morales secondaires ou indirectes : si même les non-humains peuvent être affectés par les crises écologiques, le centre du problème reste l'humain. [17] .

Extinction Rebellion (ER), l'un des mouvements pour la justice climatique les plus radicaux de ces dernières années, qui souligne l'urgence et la pertinence de la crise climatique par le biais d'actions directes ou performatives, en est un bon exemple : ER refuse de reconnaître que la torture et les meurtres systématiques des animaux dans les fermes industrielles est un problème en soi. Le mouvement organise des funérailles publiques pour les espèces disparues, mais ne reconnaît ni n'honore les animaux qui n'entrent pas dans la catégorie « sauvage » [18] . Son insistance à tracer une ligne entre les vies et les morts qui comptent et celles qui ne comptent pas est si forte qu'un groupe dissident, Animal Rebellion, maintenant connu sous le nom d'Animal Rising (AR), s'est formé pour s'attaquer spécifiquement aux atrocités perpétrées contre les animaux . Avec son approche intégrée des oppressions interconnectées, AR est peut-être le seul groupe multi-espèces existant pour la justice climatique. Mais il ne peut pas gagner seul et certainement pas en tant qu’appendice d’un autre groupe plus puissant. Certains militants pour la justice climatique, comme Greta Thunberg, sont végétaliens, mais ils restent une exception. Dans son silence sur l’oppression animale, le mouvement pour la justice climatique finit par ressembler à ses homologues qu’il combat, affaiblissant ainsi son engagement en faveur de la justice.

L’omission des animaux dans le débat sur la justice climatique n’est pas le fruit du hasard. Cela fait partie d’une campagne millénaire d’effacement matériel et symbolique des animaux. Les humains tuent systématiquement d’autres animaux dans le cadre d’activités agricoles, industrielles et économiques depuis des millénaires, et la période entre la fin du 20e et le début du 21e siècle s’est avérée être la plus catastrophique à ce jour. Comme le dit Dinesh Wadiwel [19] , les animaux sont assiégés, capturés et courent un risque perpétuel d'être blessés ou tués dans la « topographie de l'inimitié » [20] que les humains ont créée. Domestiqués ou non, confinés ou « libres », sur terre ou en mer, les autres animaux sont victimes d'une idéologie monumentale et d'un système d'extermination.

On pourrait aller jusqu'à dire que les animaux élevés et reproduits par milliards sont parmi les plus grandes victimes de « l'extinction », si dans le phénomène d'extinction on inclut l'élimination de certaines espèces comme sujets de vie significatifs. D’autres animaux disparaissent en tant que sujets à cause de leur hyper-(re)production en tant que marchandises et sont doublement liquidés par des manipulations génétiques agressives. La mort d'un individu n'est qu'une question de valeur économique. En soi, un seul animal ne vaut rien. Un autre sera produit à sa place. Et puis un autre à la place de celui-ci. Les animaux d'élevage sont si consommables que leur élimination en « tas de carcasses » ou leur statut « morts à l'arrivée » sont déjà calculés à l'avance en termes de pertes minimes, voire nulles. Les subventions agricoles compensent alors toutes dépenses imprévues et maintiennent le prix de la viande et des produits carnés à un niveau bas.

Les petites exploitations agricoles ne sont pas des lieux très différents de celles de l’extermination de l’agro-industrie. Même si nous aimons croire aux fantasmes pastoraux des « animaux heureux » et de l’agriculture « humaine », dont de nombreux militants pour la justice climatique sont partisans, les fermes « locales » sont aussi meurtrières que les fermes industrielles et sont basées sur la même idéologie zoocide. Peu importe à quel point ils sont « bien » traités (et, le plus souvent, ils ne sont pas bien traités), ces animaux restent une propriété, et non des individus ou des sujets. Dans certains cas, les animaux des fermes ont même des noms et sont choyés et gâtés pendant un certain temps, mais finalement, lorsque leurs propriétaires décident qu'il est temps, ils sont exterminés. Tout comme les animaux d’élevage industriel, les animaux des environnements locaux n’ont aucun droit à la liberté, ni à la vie en tant que telle, et encore moins à une vie pleine de sens. Leur fonction est de fournir des produits consommables et rentables.

Pourquoi nous et pas eux ? Pourquoi pas nous et eux ?

La tendance anthropocentrique du mouvement pour la justice climatique est une contradiction. La catastrophe climatique ne peut être contenue, et encore moins surmontée, sans s’attaquer au sort des êtres les plus vulnérables touchés par le changement climatique et l’activité humaine, les victimes des formes d’injustice les plus brutales, les êtres les moins responsables de tout cela [ 21 ] et qui ont le moins de ressources pour y faire face : les animaux non humains. Il ne fait aucun doute que les humains vivant dans les pays du Sud sont victimes de la triple injustice du changement climatique, mais il n’y a aucune raison pour que reconnaître leur terrible condition implique d’ignorer celle des autres animaux. Cela ne fait qu’exacerber le problème et renforcer une binaire arbitraire entre « nous » et « eux », une binaire qui sous-tend toutes les formes d’injustice. Les familles, communautés et sociétés non humaines, tout comme les familles, communautés et sociétés humaines dans les pays du Sud, sont déchirées, détruites et anéanties à cause du changement climatique. D’autres animaux, tout comme les humains, souffrent également d’atroces souffrances dues au changement climatique, comme la faim, la maladie, la migration forcée et la perte de leurs foyers.

Le fait que les humains et les autres animaux soient systématiquement maltraités à une échelle sans précédent au nom du profit devrait inspirer un sentiment de solidarité entre les espèces. Mais le spécisme a été si profondément intériorisé par les humains, et la violence contre d'autres animaux si normalisée à travers le temps et l'espace, que la plupart des gens, y compris les militants pour le climat, ne pensent même pas à envisager la discussion sur les droits de l'homme sur les corps d'autres animaux.

Il doit y avoir une raison pour laquelle la terreur et l'anxiété que nous ressentons tous lorsque nous apprenons l'extinction d'une autre espèce d'animal « sauvage » se transforment en indifférence totale lorsque nous apprenons l'abattage d'animaux élevés dans un but lucratif, tant dans les fermes familiales et dans le circuit industriel. Est-ce parce que nous avons esthétisé, réifié et fétichisé « le sauvage » (et ses habitants) comme objet d’émerveillement et d’enchantement au point que nous ne voulons pas perdre le plaisir esthétique qu’il nous offre ? Ou pourquoi, si nous devions faire face à l'horreur de ce que nous faisons aux porcs, aux poulets, aux vaches, aux chèvres, aux moutons et aux autres animaux d'élevage, devrions-nous arrêter de les manger, de porter leur peau et leur fourrure et de boire le lait de leur mère ?

C’est comme si la souffrance des animaux individuels par rapport à la disparition d’espèces (sauvages) affectait beaucoup moins le mouvement pour la justice climatique, mais aussi les gens en général. Peut-être parce qu'une « espèce » est, dans son abstraction, moins menaçante à considérer qu'un « individu » ou une « personne ». Cependant, si l’on prend en considération l’expérience d’un seul animal, une personne animale qui est témoin de la mort de sa famille et de ses amis, il est probable qu’il soit plus perturbé émotionnellement. Mais nous évitons ce sentiment, même s’il pourrait nous conduire à une plus grande conscience et compassion et à une action véritablement transformatrice : une justice sociale véritablement pour tout le monde, et pas seulement pour un groupe sélectionné (les humains).

Pas de justice multi-espèces dans le capitalisme

Pour satisfaire le besoin urgent d'un concept plus inclusif de justice (climatique), les militants et les studios antispécistes ont théorisé la « justice multi-espèces » [22] . Au sens large, la justice multi-espèces repose sur deux principes fondamentaux : une approche relationnelle de la justice et la décentralisation de l’humain. Le premier principe doit partir de la reconnaissance des différentes histoires et pratiques de violence environnementale et écologique ; ce n’est qu’ainsi qu’il pourra promouvoir des environnements inclusifs, participatifs, efficaces et épanouissants et, en outre, des voies viables vers un avenir plus juste.

En même temps, tout en décentrant l’individu, une théorie (et une pratique) de la justice doit également décentrer l’humain (ou, ce qui revient au même, la notion individualiste et exceptionnaliste de la subjectivité humaine) et reconnaître le réseau de multiples interactions quotidiennes qui il lie ensemble tous les êtres, humains et plus qu'humains [23] .

Il existe des théories pertinentes sur la justice animale [24] : Nussbaum propose une « approche basée sur les capacités », fondant la justice sur la satisfaction des capacités spécifiques de l'espèce [25] . Donaldson et Kymlicka [26] proposent une théorie politique solide des droits des animaux, dans laquelle les animaux sont considérés comme des sujets souverains, des habitants et des citoyens, c'est-à-dire des membres à part entière d'une communauté politique diversifiée, dynamique et démocratique. Angie Pepper, une autre chercheuse dans le domaine, tente de combler le fossé entre les théories de la justice animale et climatique en prônant une approche cosmopolite de la justice climatique. Développant ce qu'il appelle une « thèse radicale sur l'égalité », Pepper soutient que la justice climatique pour les animaux non humains ne peut pas se limiter aux « devoirs d'atténuation » (c'est-à-dire réduire la pression de l'extractivisme humain) mais doit inclure des « devoirs d'adaptation » qui facilitent l'adaptation aux changements climatiques. changement climatique anthropique [27] . La proposition de Pepper est certes convaincante mais, comme l'observent Charlotte Blattner et Eva Meijer, elle maintient une approche traditionnelle de l'éthique animale et ne parvient pas à aborder la dimension intrinsèquement politique et essentielle du problème [28] .

Ces contributions, aussi importantes et diverses soient-elles, s’appuient sur une tradition politique libérale occidentale et tiennent donc pour acquis le capitalisme en tant que système économique qui, bien que réformable, n’exclut pas nécessairement la justice. Ces formes d’injustice sont cependant inextricablement liées au capitalisme mondial. Le changement climatique est indéniablement le produit d’un système économique, social, culturel et politique qui, en un peu plus de deux siècles, a radicalement changé le monde (c’est pourquoi le nom le plus approprié pour notre époque est Capitalocène [29] ) . Le niveau d’injustice auquel les humains, les autres animaux et la Terre sont confrontés n’aurait jamais été atteint sans le capitalisme mondial [30] . Bien qu’il n’entre pas dans le cadre de cet article de discuter en détail du rôle du capitalisme dans l’exacerbation de la crise climatique (et d’autres injustices) [31] , il est évident que le système mondial de production et de consommation de masse – sans parler de la violence de l’industrie L’extractivisme [32] , aussi lucratif qu’exploiteur – est extrêmement destructeur, car il génère des quantités gigantesques de déchets plastiques et industriels, de déchets toxiques et d’émissions de carbone et est la cause d’une douleur et d’une terreur immenses tant pour les humains que pour les autres animaux.

Il est pour le moins trompeur de supposer que justice peut être rendue à quiconque tant qu’un système aussi intrinsèquement violent reste en place. Et supposer que la justice sociale et climatique peut être réalisée alors que d’autres animaux continuent d’être abattus sans arrière-pensée ne fait qu’intensifier la crise. Pour qu’il y ait un espoir de parvenir à une justice sociale et climatique, il doit y avoir justice pour les autres animaux. La première étape pour obtenir justice pour les animaux est de s’opposer à leur exploitation et à leur mise à mort. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’un débat sérieux pourra commencer.

Zipporah Weisberg et Carlo Salzani

NOTE

[*] Cet article est paru pour la première fois en anglais sous le titre No Climate Justice With Justice for Animals dans dePICTions volume 3 : « the Paris Institute », 2023, https://parisinstitute.org/no-climate-justice-without-justice- pour-animaux/#_ftnref26. Nous le publions en traduction avec l'autorisation de l'auteur.

[2] REAAlmond et al. (éd.), Rapport Planète Vivante 2022 – Construire une société respectueuse de la nature , trans. il. par Carlotta Maggio, Isabella Pratesi, Marco Antonelli et Marco Galaverni, WWF, Gland, SEDE 2022.

[3] Souligné par l'auteur. Le rapport a reçu une large couverture médiatique, voir, par exemple, Lights Flashing Red for Wildlife Among 69% Populations Decline, dans « Al-Jazeera », 13 octobre 2022 ; Hafsa Khalil, Les populations mondiales d'espèces sauvages ont diminué de 69 % depuis 1970, selon un rapport du WWF , CNN, 13 octobre 2022 ; Gloria Dickie, Les populations mondiales d’animaux sauvages ont chuté de 69 % depuis 1970 – Rapport du WWF , Reuters, 13 octobre 2022 ; Patrick Greenfield et Max Benato, Les populations animales connaissent un déclin moyen de près de 70 % depuis 1970, révèle un rapport, dans « The Guardian », 13 octobre 2022.

[4] Ce point est également souligné dans le communiqué de presse du WWF pour le Rapport Planète Vivante 2022 : « Ces déclins des populations d'animaux sauvages peuvent avoir des conséquences désastreuses sur notre santé et nos économies », déclare Rebecca Shaw, scientifique en chef mondiale du WWF. « Lorsque les populations d’animaux sauvages diminuent autant, cela signifie que des changements dramatiques ont un impact sur leurs habitats ainsi que sur la nourriture et l’eau dont elles dépendent. Nous devrions être sérieusement préoccupés par la destruction des écosystèmes, car ces mêmes ressources soutiennent la vie humaine » : WWF, 69% Average Decline in Wildlife Populations Since 1970, selon le nouveau rapport du WWF, 13 octobre 2022 , https://www.worldwildlife.org/ communiqués de presse/69-déclin-moyen-des-populations-fauniques-depuis-1970-selon-un-nouveau-rapport-du-wwf

[5] Dave Goulson, Silent Earth : Averting the Insect Apocalypse, Harper Collins, New York 2021, cit. dans Alice Crary et Lori Gruen, Animal Crisis : A New Critical Theory, Polity Press, Cambridge 2022, p. 126.

[6] Kenny Bruno, Joshua Karliner et China Brotsky, Greenhouse Gangsters contre. Justice climatique, San Francisco, TRAC—Transnational Resource & Action Center, 1999, http://www.corpwatch. org/sites/default/files/Greenhouse%20Gangsters.pdf.

[7] Voir www.animalclock.org pour les données mises à jour

[8] Voir, par exemple, Amy Sinden, Climate Change and Human Rights, dans « Journal of Land, Resources, and Environmental Law », vol. 27, non. 2, 2007, p. 255-273 ; Ottavio Quirico et Mouloud Boumghar (éd.), Changement climatique et droits de l'homme : une perspective de droit international et comparé, Routledge, Londres 2016.

[9] Pour une introduction générale à ces sujets, voir Dominic Roser et Christian Seidel, Climate Justice : An Introduction, Routledge, Londres 2017

[10] La littérature scientifique et populaire sur ce sujet est abondante. Pour quelques références essentielles (et connues), voir Richard Leakey et Roger Lewin, La sixième extinction. La vie sur Terre et l'avenir de l'humanité, trans. il. par Isabella C. Blum, Bollati Boringhieri, Turin 2015 ; Elizabeth Kolbert, La sixième extinction. Une histoire contre nature, trans. il. par Cristiano Peddis, Neri Pozza, Venise 2016

[11] Voir Franz J. Broswimmer, Ecocide. Comment et pourquoi l'homme détruit la nature, trans. il. par Maria Cristina Coldagelli, Carocci, Rome 2005

[12] Justin McBrien, Ce n'est pas la sixième extinction. C'est le premier événement d'extermination, dans « Truthout », 14 septembre 2019, https://truthout.org/articles/this-is-not-the-sixth-extinction-its-the-first-extermination-event/. Voir aussi Justin McBrien, Accumulated Extinction: Planetary Catastrophism in the Necrocene, dans Jason W. Moore (éd.), Anthropocène ou Capitalocène : nature, histoire et crise du capitalisme, PM Press, Oakland 2016, pp. 116-137

[13] Danielle Celermajer, Omnicide : qui est responsable du plus grave de tous les crimes ?, dans « ABC Religion et éthique », n. 2 janvier 2020, https://www.abc.net.au/religion/danielle-celermajer-omnicide-gravest-of-all-crimes/11838534

[14] La tentative de Celermajer de saisir l'étendue de ce crime avec un néologisme n'a certainement pas l'intention d'effacer l'importance des morts individuelles ; dans Summertime : Reflections on a Vanishing Future (Hamish Hamilton, Londres 2021), le chercheur aborde explicitement l'importance cruciale des vies individuelles et le danger d'« aplatir » les décès comme s'il s'agissait de simples unités numériques. Notre argument, cependant, est que regrouper tous ces différents délits sous une seule étiquette finit par diluer la spécificité des délits propres à l’industrie de l’élevage et de l’exploitation animale.

[15] Pour un exemple (parmi tant d’autres), cf. Quirin Schiermeier, Mangez moins de viande : le rapport de l'ONU sur les changements climatiques appelle à un changement dans l'alimentation humaine, dans « Nature », 12 août 2019,

[16] Principes de justice environnementale, Premier Sommet national sur le leadership environnemental des personnes de couleur , Washington DC, 24-27 octobre 1991 ; Principes de Bali pour la justice climatique, Réseau international pour la justice climatique, 28 août 2002, https://www.corpwatch.org/article/bali-principlesclimate-justice.

[17] Claire Palmer, La nature compte-t-elle ? La place du non-humain dans l'éthique du changement climatique, dans Denis G. Arnold (éd.), The Ethics of Global Climate Change, Cambridge University Press, Cambridge 2011, p. 272. Cela semble être le fil conducteur de nombreuses discussions sur l'éthique animale et le changement climatique, que l'on retrouve par exemple dans le nouveau livre de Jeff Sebo, Saving Animals, Saving Ourselves: Why Animals Matter for Pandemics, Climate Change, and Other Catastrophes. , Oxford University Press, Oxford 2022 : le thème est que nous devrions sauver les animaux non humains, mais la raison ultime est que c'est le seul moyen de nous sauver nous-mêmes.

[18] Avant de rencontrer et de rejoindre AR (Royaume-Uni), l'un de nous était membre d'ER et essayait d'attirer l'attention sur les animaux de la ferme lors des funérailles publiques. Sa proposition fut rapidement et fermement rejetée.

[19] Dinesh J. Wadiwel, La guerre contre les animaux, Brill, Leiden 2015

[20] Timothy Pachirat, Sanctuary, dans Lori Gruen (éd.), Critical Terms for Animal Studies, University of Chicago Press, Chicago 2018, p. 339

[21] Un argument particulièrement méchant accuse les animaux d’élevage, et en particulier ceux élevés dans les fermes industrielles, d’être à l’origine de la destruction de l’environnement. Par exemple, jusqu'à 51 % des émissions de gaz à effet de serre sont attribuées aux animaux d'élevage (pour une discussion de ces chiffres, voir l'annexe du livre de Jonathan Safran Foer, We Can Save the World Before Dinner. Why We Are the Climate noi, traduction italienne par Irene A. Piccinini, Guanda, Parme 2019). Il est superflu de souligner l’hypocrisie de mauvais goût qui reproche aux victimes.

[22] Voir, par exemple, Deborah Bird Rose, Wild Dog Dreaming : Love and Extinction, University of Virginia Press, Charlottesville 2011 ; Eben Kirksey (éd.), The Multispecies Salon, Duke University Press, Durham 2014 ; Ursula K. Heise, Imagining Extinction : The Cultural Meanings of Endangered Species, The University of Chicago Press, Chicago 2016. Et puis : Danielle Celermajer et al., Multispecies Justice : Theories, Challenges, and a Research Agenda for Environmental Politics, dans « Politique environnementale », vol. 30, nos. 1-2, 2021, p. 119-140 ; Petra Tschakert et al., Justice multi-espèces : un avenir juste pour le climat avec, pour et au-delà des humains, dans « Wiley Interdhistoric Reviews : Climate Change », 28 décembre 2020,

[23] Charlotte Blattner et Eva Meijer, Animals and Climate Change, dans Hanna Schübel et Ivo Wallimann-Helmer (éd.), Justice and Food Security in a Changing Climate, Wageningen Academic Publishers, Wageningen 2021, p. 69.

[24] Voir Martha Nussbaum, Les nouvelles frontières de la justice. Handicap, nationalité, appartenance à une espèce, Il Mulino, Bologne 2007 et son plus récent Justice pour les animaux : notre responsabilité collective, Simon & Schuster, New York 2023 ; Sue Donaldson et Will Kimlicka, Zoopolis : Une théorie politique des droits des animaux, Oxford University Press, Oxford 2013 ; Alasdair Cochrane, Droits des animaux sans libération. Éthique appliquée et obligations humaines, Columbia University Press, New York 2012 ; Robert Garner, Une théorie de la justice pour les animaux : les droits des animaux dans un monde non idéal, Oxford University Press, Oxford 2013 ; Brian Baxter, A Theory of Ecological Justice, Routledge, Londres 2014, qui comprend également des mesures de justice pour les non-humains.

[25] M. Nussbaum, Beyond « Compassion and Humanity » : Justice for Nonhuman Animals, dans Cass R. Sunstein et Martha Nussbaum (éd.) Animal Rights : Current Debates and New Directions, Oxford University Press, Oxford 2005, pp. 299-320 ; Ead., Les nouvelles frontières de la justice, cit. ; Ead., Justice pour les animaux, cit. Voir aussi David Schlosberg, Ecological Justice for the Anthropocene, qui tente d'appliquer l'approche des capacités à la justice climatique, dans Marcel Wissenbrug et David Schlosberg (éd.), Political Animals and Animal Politics, Palgrave MacMillan, Basingstoke 2014, pp. 75-89.

[26] S. Donaldson et W. Kymlicka, Zoopolis, cit.

[27] Angie Pepper, Au-delà de l'anthropocentrisme : cosmopolitisme et animaux non humains, dans « Global Justice : Theory Practice Rhetoric », vol. 9, non. 2, 2016, p. 114-133 ; Ead., Justice pour les animaux dans un monde globalisé, dans Andrew Woodhall et Gabriel Garmendia de Trinidade (éd.), Approches éthiques et politiques des questions liées aux animaux non humains, Palgrave Macmillan, Basingstoke 2017, pp. 149-176 ; Ead., Adaptation au changement climatique : ce que nous devons aux autres animaux, dans Journal of Applied Philosophy, vol. 36, non. 4, 2019, p. 592-607.

[28] C. Blattner et E. Meijer, Animaux et changement climatique, cit., p. 67.

[29] Jason W. Moore (éd.), Anthropocène ou Capitalocène ? Nature, histoire et crise du capitalisme, PM Press, Binghamton 2016 ; Armel Campagne, Le Capitalocène : Aux racines historiques du dérèglement climatique, Éditions Divergences, Paris 2017.

[30] Pour plus d’informations sur la relation entre le changement climatique et le capitalisme, voir Max Koch, Capitalisme et changement climatique : discussion théorique, développement historique et réponses politiques, Palgrave Macmillan, Basingstoke 2011 ; Mark Pelling, David Manuel-Navarrete et Michael Redclift (éd.), Changement climatique et crise du capitalisme : une chance de se réapproprier, soi, la société et la nature, Routledge, Londres 2011 ; Naomi Klein, Capital contre le climat, trad. il. par Marco Carassai, Castelvecchi, Rome 2020 ; Christopher Wright et Daniel Nyberg, Changement climatique, capitalisme et entreprises : processus d'autodestruction créative, Cambridge University Press, Cambridge 2015 ; David Camfield, L'avenir en feu : le capitalisme et la politique du changement climatique, PM Press, Binghamton 2022.

[31] Ce rôle a été largement théorisé dans la littérature éco-marxiste. La relation entre le capitalisme et les animaux a été spécifiquement abordée, par exemple, par Maan Barua dans le récent Lively Cities: Reconfiguring Urban Ecology, University of Minnesota Press, Minneapolis 2023.

[32] Certains théoriciens de la justice multi-espèces ont en effet abordé la question du capitalisme. Voir D. Celermajer et al., Multispecies Justice, cit.; Ead. et al., La justice à travers une lentille multi-espèces, dans Théorie politique contemporaine, vol. 19, non. 3, 2020, p. 475-512 ; D. Celermajer, D. Schlosberg, D. Wadiwel et C. Winter, Une théorie politique pour un monde multi-espèces confronté au défi climatique : 2050, dans « Théorie politique », vol. 51 non. 1, 2023, p. 39-53. Tschakert et al., Multispecies Justice, cit.

 

26.10.2023 à 15:26

Ce que les zoos prennent aux animaux. Impérialisme, contrôle, conservation

L'Autre Quotidien

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Deux difficultés majeures contraignent l’écriture d’une histoire des zoos, explique l’historienne Violette Pouillard. La première est que l’histoire des zoos est souvent une histoire officielle, faite par et/ou pour les gestionnaires des zoos : difficile, dans ces conditions, de savoir ce qu’est véritablement le zoo. La seconde est que les historiens de l’environnement, qui sont de surcroît influencés par leurs sources, ont tendance à valoriser l’approche culturelle (et donc humaine) au détriment du point de vue animal : difficile, ici, d’inclure véritablement les animaux dans le récit.
Texte intégral (3264 mots)

Don Hassan

Deux difficultés majeures contraignent l’écriture d’une histoire des zoos, explique l’historienne Violette Pouillard. La première est que l’histoire des zoos est souvent une histoire officielle, faite par et/ou pour les gestionnaires des zoos : difficile, dans ces conditions, de savoir ce qu’est véritablement le zoo. La seconde est que les historiens de l’environnement, qui sont de surcroît influencés par leurs sources, ont tendance à valoriser l’approche culturelle (et donc humaine) au détriment du point de vue animal : difficile, ici, d’inclure véritablement les animaux dans le récit.

Pour faire face à ces deux épreuves, Violette Pouillard en appelle à « cesser de nous détourner de tout ce que nous ne voulons pas voir » (p. 12). Pour cela, elle adopte une posture scientifique qui place son livre parmi les travaux les plus novateurs de l’histoire environnementale en général et des animal studies en particulier : « je suis aux côtés de ceux de l’en bas », écrit l’historienne, « c’est-à-dire de tous ceux qui sont aussi puissants que ceux de l’en-haut mais dont les voix portent moins haut » (p. 22). Alors, tout au long du livre, à travers l’histoire de la ménagerie du Jardin des Plantes créée à Paris en 1793, du zoo de Londres ouvert en 1828 et de celui d’Anvers inauguré en 1843, Violette Pouillard s’efforce de toujours partir des animaux, et de rester avec eux. De leur capture en Afrique et en Asie jusqu’à leur transport vers l’Europe et leur mise en cage dans les institutions qui veulent les montrer au public, les lions, les éléphants, les singes, les lémuriens, les gorilles, les panthères et bien d’autres non-humains sont ceux qui nous donnent à voir l’essor de l’emprise coloniale, la naissance des mouvements dits de protection de la faune et l’avènement simultané de l’ère postcoloniale et du conservationnisme global.

L’histoire (et la première partie du livre) commence au début du 19e siècle. En France, en Angleterre puis en Belgique, après quelques tâtonnements, le travail des gestionnaires des zoos sert deux fonctions : « l’attraction-distraction » du public et la taxonomie, grâce à laquelle constituer et étudier des séries – par exemple les quarante espèces d’antilopes d’Afrique. Plus les zoos s’affairent à construire des cheptels, raconte Violette Pouillard, et plus les réseaux d’extraction se structurent. Particuliers, chasseurs et commerçants partent en Afrique et en Asie où ils s’appuient sur l’exploitation des colonisés pour capturer des espèces dites « exotiques ». Ce faisant, l’extraction devient massive : au 19e siècle, près de mille mammifères sont envoyés chaque année au zoo de Londres. Et derrière ces captifs, une foule d’invisibles trépasse, des adultes abattus pendant la capture de leurs petits, jusqu’à celles et ceux qui meurent durant la traversée des océans ou lors de la quarantaine à l’arrivée.

« La mort impériale des cages et des vitrines » (p. 73) n’épargne pas non plus les survivants. Être au zoo, nous dit Violette Pouillard, c’est d’abord vivre la contrainte spatiale. En 1804, le directeur du Muséum national d’Histoire naturelle évoque à la ménagerie le cas d’un « lion “dégénéré par l’esclavage, gêné dans son étroite prison, affaibli par le repos”, c’est-à-dire l’inactivité forcée du confinement » (p. 79). Il y a aussi le froid. Toujours à Paris, l’hiver 1890 tue 7% des oiseaux de la ménagerie. Il y a également, pour beaucoup, des pathologies irréversibles. L’humidité, les carences alimentaires et le manque d’exposition solaire font perdre la vue à une quantité inouïe d’animaux. Il y a bien des résistances, certes, comme celle de Jumbo, l’éléphant d’Afrique enfermé au zoo de Londres et qui, à force de se frotter contre les murs, d’attaquer les parois et les portes de sa cage avec ses défenses, se retrouve durant les années 1870 sans défense ou, au mieux, avec des moignons. Mais qui dit résistance dit surtout châtiments. Les gestionnaires des zoos recourent à davantage d’enfermement et de dressage, tout en multipliant les punitions physiques. À la manière des administrateurs coloniaux sous les Tropiques, ils « déploient une pacification qui avance au moyen de barreaux et de surcroît de contrainte » (p. 119).

De Chateaubriand à Henry Salt, dès le 19e siècle certains se placent du côté des animaux. Seulement, à l’instar des oppositions à la colonisation, la majorité dénonce non pas l’entreprise en tant que telle, mais ses excès. La Société protectrice des animaux (SPA) en France, la Société royale Protectrice des animaux en Belgique et la Society for the Prevention of Cruelty to Animals en Grande-Bretagne s’insurgent contre l’exiguïté, l’insalubrité, la morbidité et la souffrance animale. Elles contribuent alors à l’amélioration du sort des captifs – ainsi, depuis 1888, la grande volière du Jardin des Plantes doit permettre aux oiseaux de voler (ce qu’ils font rarement puisque l’encagement et la mutilation les ont souvent privés de l’usage de leurs ailes). Mais aucun de ces porte-paroles de la cause animale ne remet en cause la capture, la captivité et la mise en spectacle du monde (colonial) animal. Car face à la disparition accélérée de la faune africaine et asiatique, les gestionnaires des zoos diffusent un nouveau discours : le zoo serait un refuge pour des espèces sauvages qui mourraient si elles étaient en liberté… La réalité est autre, raconte l’historienne. Plutôt que de critiquer une colonisation qui encourage l’essor de la chasse, du commerce de faune et donc de la mortalité animale, les conservationnistes « déploient une cécité de convenance pour préserver leurs usages et reportent la causalité des extinctions sur les autres auxquels ils recourent pourtant – les braconniers, les capteurs africains, les petits marchands » (p. 137).

Les animaux des zoos font alors leur entrée dans le vingtième siècle (et la deuxième partie du livre) sur ce paradoxe appelé à durer : la « captivité libre ». Les cages deviennent plus grandes et les animaux reçoivent davantage de soleil, au besoin à l’aide de lampes à UV. Mais derrière ce semblant d’air et de lumière, Violette Pouillard lève le voile sur le vide et le silence qui plombent le quotidien des captifs, à l’image de cette ourse polaire du zoo d’Anvers qui « bat l’horloge » toute la journée, de l’aveu de ses gardiens, balançant la tête de gauche à droite, et ne s’arrêtant que pour la coincer entre les barreaux de sa cage. Même constat pour les conditions de vie des captifs. Les vétérinaires investissent les directions de l’entreprise Zoo, apportant aux animaux davantage d’hygiène et d’espace dans des cages moins peuplées. Or, il ne faut pas s’y tromper. Leurs efforts consistent à « guérir les pathologies qu’ils contribuent eux-mêmes à créer en drainant à eux des animaux de partout » (p. 209). Et si les oppositions et les critiques se font plus bruyantes, leur seul résultat est d’aboutir à une distinction entre « mauvais » et « bons » zoos, dans lesquels, partout, la violence est de mise. Les archives de la Monkey Hill en témoignent. Dans cet espace créé au zoo de Londres en 1925, des babouins périssent d’infections, des femelles se font assassiner par des mâles qui meurent eux aussi au combat en voulant s’approprier ces dernières, et nombre d’entre-eux sont régulièrement abattus par les gestionnaires du zoo qui les suspectent d’être malades et contagieux, les jugent en surplus, ou tout simplement impropres à être montrés au public.

Le monde du zoo est celui de l’étroitesse mais aussi de l’immensité. Car derrière les cages, la colonisation est partout. Les gestionnaires des zoos participent en effet à la définition des politiques impériales qui disent protéger les animaux d’Afrique tout en renouvelant leur exploitation. Le droit conservationniste prend forme en Europe et soutient, en Afrique et en Asie, la création de réserves de chasse puis de parcs nationaux. Là-encore, Violette Pouillard souligne « l’ironie à avoir, du côté animal, pour protecteurs ceux qui vous tuent » (p. 251). Sur le terrain colonial, la mise en réserve est le fait des chasseurs européens. Ils privent les populations africaines et asiatiques de l’accès à la faune, et ils monopolisent alors les ressources animales qu’ils disent exploiter, eux, rationnellement et éthiquement. L’accaparement des animaux connaît alors un essor retentissant. Les donateurs, collecteurs, marchands d’animaux et colons-chasseurs approvisionnent les gestionnaires des zoos européens, avec les zoos coloniaux pour intermédiaires, de Calcutta à Tananarive. Les captures continuent d’être sanglantes (21 à 28 gorilles tués au Congo belge pour capturer 12 gorillons vivants), les capturés continuent d’endurer des transports durant lesquels ils luttent contre les vers, les parasites ou les fourmis tropicales, et les captifs qui arrivent à bon port continuent, eux, d’être les prisonniers d’un système qui se dit désormais « conservationniste ».

Ainsi débute le second vingtième siècle (et la dernière partie de l’ouvrage). De Londres à Paris en passant par Anvers, nous explique Violette Pouillard, les gestionnaires des zoos s’évertuent à déconstruire, et reconstruire. Déconstruire, ils y sont poussés, d’une part, par les critiques des ligues de droit animal qui fustigent la légitimité morale de l’enfermement, d’autre part, par la remise en cause de la domination (post)coloniale et, enfin, par la montée des mouvements écologistes couplée, à l’intérieur des zoos, par un courant hygiéniste qui distingue toujours davantage les « bons » zoos des « mauvais ». Il faut alors reconstruire. La réforme se fait par le verbe (les zoos deviennent des parcs zoologiques et leurs bâtiments des pavillons), par la propagande (les gardiens devenus soigneurs sont photographiés dans les moments d’affection qu’ils partagent avec les captifs) et par la pratique (la capture là-bas tend à être remplacée par l’élevage ici, c’est-à-dire par la production de captifs par les captifs). Mais pour les animaux, la violence n’en finit pas de durer. Prenant soin de multiplier les exemples et, ainsi, de croiser les lieux, les temps et la diversité des animaux touchés, l’auteure évoque tour à tour l’abattage régulier des animaux (91 chauves-souris d’Égypte tuées à Anvers en 2004 pour diminuer le « surplus » de population), le dressage qui demeure un outil central de la récréation, le training étendu à un nombre croissant d’animaux (par les gardiens qui leur offrent des récompenses lorsqu’ils font ce qui est attendu d’eux), le harcèlement des visiteurs (qui veulent interagir avec les animaux selon leur propre rythme) et bien d’autres souffrances nées de la captivité.

Violette Pouillard ne cède pas à la critique facile. Elle le note à maintes reprises : les cages extérieures sont agrandies, des arbres sont ajoutés, ainsi que des rochers, des faux baobabs ou des feuillages artificiels. Mais en écrivant avec les captifs, l’historienne souligne aussi que derrière « ce refus [des gestionnaires] de voir les animaux pour eux-mêmes » (p. 353), la vie animale reste celle de l’enfermement permanent. Au zoo d’Anvers, le singe Gust restera enfermé dans une cage vitrée pendant près de trente ans. Les éléphants de Londres sont enchaînés la nuit jusqu’en 1995. Et si les tortues géantes de la ménagerie du Jardin des Plantes sortent de mai à septembre, elles passent ensuite sept mois consécutifs enfermées dans l’étroite galerie des reptiles.

Cette violence, propre à notre époque, à notre présent, l’auteure l’inscrit enfin dans une dynamique plus large : celle de « l’hégémonie conservationniste ». Mêlant sources administratives locales, récits de voyage et archives des institutions internationales, Violette Pouillard tente de démêler l’écheveau de l’entreprise conservationniste. Elle nous raconte le moment des indépendances, lorsque les gestionnaires des zoos profitent du chaos juridique et administratif des nouveaux États africains pour faire appel aux chasseurs européens qui vont ponctionner pour eux, là-bas, les espèces qu’ils ont peur de ne plus pouvoir montrer ici. Vient ensuite le temps de la violence postcoloniale, perpétuée par les nouveaux dirigeants qui s’associent avec d’anciens coloniaux pour alimenter les zoos africains et, par leur biais, ceux européens. Progressivement, un réel reflux des captures et des captifs s’opère. Il est encouragé par la signature à Washington, en 1973, de la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction). Mais ce reflux est largement contenu par les innombrables dérogations qu’obtiennent les gestionnaires des zoos européens, au point que celles-ci deviennent le modus operandi de l’extraction animale depuis l’Afrique jusqu’aux anciennes métropoles. Vient ensuite le temps de la conservation ex-situ. Pour répondre aux nouvelles préoccupations écologiques, entre leurs murs les gestionnaires des zoos perfectionnent l’organisation des naissances et la reproduction des animaux. L’entreprise constitue un véritable modelage eugéniste des troupeaux : prélèvements de sang permanents, laparotomies et endoscopies à des fins de sexage, extractions du sperme des oiseaux mâles par électroéjaculation, etc. Les dirigeants des zoos légitiment ces actions : « [le zoo est] un petit monde d’hommes et d’animaux élevés avec toute l’attention que méritent des survivants d’un ancien monde où tous se partageaient bon gré mal gré une planète à présent mutilée », écrit en 2011 l’ancienne directrice de la ménagerie du Jardin des Plantes. L’argument ne fait que renouveler le discours colonial du refuge, et sa mise en pratique est possible parce qu’elle n’est plus officiellement coloniale : elle est « internationale ». Seulement, aussi profondes soient-elles, les réformes n’enlèvent rien à la négation de l’individualité animale. Du zoo européen aux réserves africaines, le monde professionnel de la prétendue sauvegarde animale reste celui de « l’empire d’un conservationnisme qui opère par le contrôle de ceux que l’on dit protéger » (p. 377).

Et pour les animaux, aujourd’hui comme hier, « le zoo n’a jamais cessé de prendre plus qu’il ne rend » (p. 416). Violette Pouillard leur rend, un peu, de la vie que d’autres continuent à leur prendre.

Guillaume Blanc pour la revue Terrestres

 

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22.10.2023 à 17:15

Œil pour œil et le monde est aveugle // Franco Bifo Berardi

L'Autre Quotidien

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Le pogrom organisé par le Hamas (car c’était bien ça, un pogrom, pas une action de guerre) n’était pas dirigé contre l’État d’Israël, contre l’armée israélienne, mais contre les ravers, les femmes  et  les communautés villageoises. C’est un acte abominable, mais on ne peut le condamner sans comprendre en même temps le contexte dans lequel il s’est produit. Ce contexte est la revanche de tous contre tous. Ce contexte est celui d’une guerre fragmentaire et mondiale dans laquelle, à ce stade, seuls les nazis affrontent les nazis. C’est le fruit empoisonné de la victoire du nationalisme contre l’internationalisme.
Texte intégral (6238 mots)

« Une nuit d'hiver, j'étais de garde avec Efraim Avneri… La nuit ne m'a pas permis de voir son visage, mais j'ai perçu une ombre d'ironie subversive dans sa voix lorsqu'il m'a répondu :


— Des meurtriers ? Et qu’attendez-vous d’eux ? De leur point de vue, nous sommes des extraterrestres venus de l'espace pour s'étendre sur leurs terres... Et avec ruse, nous monopolisons un terrain après l'autre. Alors que voudriez-vous ? Qu'ils nous remercieraient pour la bonté de notre cœur ? Qu'ils viendraient à notre rencontre en jouant des fanfares ? Qu'ils nous ont respectueusement offert les clés de tout le pays car il fut un temps où nos ancêtres vivaient ici ? Devons-nous être surpris s’ils ont pris les armes contre nous ? Et maintenant que nous leur avons infligé une défaite écrasante et que des centaines de milliers d’entre eux vivent depuis lors dans des camps de réfugiés, espérez-vous peut-être qu’ils partageront notre joie et nous souhaiteront le meilleur ?

Je lui ai répondu :

« Dans l'état actuel des choses, pourquoi faites-vous ici la tournée, armés ? Pourquoi ne quittes-tu pas le pays ? Ou prends-tu ton arme et vas-tu combattre à ses côtés ?

Dans l'obscurité, j'ai senti son sourire triste :

-À ses côtés? Ils ne veulent pas de moi à leurs côtés, ils ne veulent de moi nulle part dans le monde. Personne ne veut de moi avec eux. La question est justement là. Il y a trop de gens comme moi partout. C'est juste pour ça que je suis ici. C'est la seule raison pour laquelle je porte une arme, pour qu'ils ne me jettent pas non plus dehors. Mais je n'utiliserai jamais le mot « meurtriers » contre les Arabes qui ont perdu leurs villages.

Des nazis, je le dis sans hésitation. De Staline aussi. Et de tous ceux qui exproprient les terres d’autrui.

(Amos Oz : Une histoire d'amour et de ténèbres)

« Atalya le regardait du coin de l'œil, depuis son cheslon, et comme pour cracher les mots entre ses lèvres, elle dit : Vouliez-vous un État ? Vouliez-vous l'indépendance? Drapeaux, uniformes, affiches, tambours et trompettes. Vous avez versé des rivières de sang innocent, vous avez enterré une génération entière. Vous avez chassé des centaines de milliers d’Arabes de leurs foyers, vous avez envoyé des bateaux entiers d’immigrants qui ont survécu à Hitler directement des tentes-abris vers les champs de bataille. Tout pour avoir un État juif ici. Et regarde ce que tu as obtenu.

(Amos Oz, Judas)

Le pogrom organisé par le Hamas (car c’était bien ça, un pogrom, pas une action de guerre) n’était pas dirigé contre l’État d’Israël, contre l’armée israélienne, mais contre les ravers, les femmes  et  les communautés villageoises. C’est un acte abominable, mais on ne peut le condamner sans comprendre en même temps le contexte dans lequel il s’est produit. Ce contexte est la revanche de tous contre tous. Ce contexte est celui d’une guerre fragmentaire et mondiale dans laquelle, à ce stade, seuls les nazis affrontent les nazis. C’est le fruit empoisonné de la victoire du nationalisme contre l’internationalisme.

* * * * *

Le 7 août 2023, j'ai commencé à suivre les attaques des colons israéliens contre des paysans palestiniens, celles des soldats de Tsahal contre des jeunes emprisonnés dans les territoires occupés ou dans le camp de concentration de Gaza, et les profanations des ultra-orthodoxes contre les lieux sacrés du peuple islamique dans l'Esplanade des Mosquées.

La principale source d'information est l'  agence ANBAMED , fondée par Farid Adly.

La presse italienne qui qualifie les militants du Hamas de « terroristes » n’a jamais utilisé la même épithète pour désigner les Israéliens qui tuent de sang-froid des civils non armés, qui détruisent quotidiennement des maisons et déracinent des oliviers.

L’histoire du XXe siècle aurait dû nous apprendre que si nous appliquons le principe biblique œil pour œil, nous deviendrons tous aveugles.

Je sais que le Hamas est une organisation islamiste soutenue par des massacreurs iraniens. Je sais parfaitement que son action repose sur une violente idéologie de vengeance.

Mais je sais aussi que la vengeance est tout ce qui reste à ceux qui sont soumis à des violences et à des humiliations systématiques. Ceux qui vivent sous une menace constante, ceux qui ont subi la destruction de leurs maisons, ceux qui ont un frère emprisonné sans raison, ne peuvent que désirer se venger.

L’humiliation engendre des monstres, il faut le savoir.

L'humiliation des prolétaires allemands après le Traité de Versailles a engendré le monstre Hitler.

L’humiliation des Juifs exterminés par Hitler et abandonnés par tous les États européens a engendré le monstre de l’État ethno-militariste et colonialiste d’Israël.

L'humiliation des Palestiniens écrasés par la domination militaire des sionistes a engendré le Hamas.

Mais l’histoire du XXe siècle aurait dû nous apprendre que si nous appliquons le principe biblique œil pour œil, nous deviendrons tous aveugles. Les Palestiniens sont aveugles, les Israéliens sont aveugles. Les Russes et les Ukrainiens sont aveugles.

Mais non. Après la fin de l’internationalisme, nous tâtonnons dans un monde d’aveugles combattant dans les ténèbres éternelles du nazisme omniprésent.

Exode 21 :

« Si quelqu'un se dispute et blesse une femme enceinte et qu'elle fait une fausse couche, mais sans mort, il sera puni selon ce que le mari de la femme lui imposera et que les juges décideront. Mais s’il y a mort, vous paierez vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, coup pour coup.

Vous pouvez lire ci-dessous les nouvelles que la presse (aveugle) occidentale ne vous a pas communiquées au cours des deux mois précédant la vengeance du Hamas.

 * * * * *

7 août 2023
Exécution publique. Trois jeunes Palestiniens ont été assassinés dans leur voiture entièrement détruite par une pluie de balles, à Arraba, au sud de Jénine. Le commandement des troupes d'élite israéliennes a attendu la voiture à un carrefour au milieu de la circulation urbaine. Le Croissant-Rouge palestinien dénonce le fait que l'armée a empêché que les blessés soient soignés et a attendu qu'ils se vident de leur sang, pour ensuite emporter la voiture détruite avec leurs corps à l'intérieur avec une dépanneuse, dans le cadre d'une opération d'enlèvement horrible et désormais courante. de cadavres. Le communiqué de l'armée israélienne parle d'une opération préventive contre une cellule qui était sur le point de commettre une attaque contre des citoyens israéliens.

Dans un autre épisode, un colon a délibérément écrasé un jeune Palestinien près de Bethléem, mettant ainsi fin à ses jours. Le comportement des forces d'occupation face aux attaques des colons se caractérise par une discrimination inhabituelle. Les agresseurs ne sont pas arrêtés, en fait, ils sont protégés des pierres des Palestiniens. En cas de meurtre, ils sont assignés à résidence et lors des procès, ils sont acquittés pour « légitime défense face à un danger évident ». Ce fut le cas des deux colons accusés du meurtre du jeune homme de Burqa, Qusai Maatan, 19 ans, abattu lors d'une manifestation palestinienne pour empêcher le vol de terres par les colons juifs israéliens. Les deux meurtriers, clairement identifiés dans plusieurs vidéos, sont dans la rue. Cette affaire est définie, pour la première fois dans un communiqué du Département d'État américain, comme « un acte de terrorisme contre la population palestinienne », une organisation qui a également demandé que les responsables soient punis pour leur crime.

Depuis 2021, l’armée israélienne est autorisée par le gouvernement de Tel-Aviv à tirer sur les manifestants en fuite. Une impunité criminelle


9 août
Amir Khalife, un Palestinien de 27 ans, a été tué jeudi matin par les troupes d'occupation lors d'un raid à  Zawata , à l'ouest de Naplouse. Selon le ministère palestinien de la Santé, le jeune homme a été touché à la tête et à la poitrine par des balles militaires alors qu'il tentait de combattre les troupes qui avançaient en leur lançant des pierres.

Une exécution publique en totale impunité. En revanche, la Cour de cassation a libéré les deux colons responsables de la mort du jeune Palestinien Qusai Maatan, 19 ans, lors d'un raid visant à occuper des terres agricoles à Burqa, près de Ramallah, vendredi  dernier . Les deux accusés ont reconnu avoir tiré, « parce qu’ils avaient peur des jets de pierres d’une foule de Palestiniens ». Le juge a libéré l'un d'eux et a ordonné l'assignation à résidence du second, "parce qu'il n'y a pas suffisamment d'éléments pour sa culpabilité et son envoi en prison". L’émergence des colons à Burqa s’est produite sous la protection de l’armée, qui n’est pas intervenue pour bloquer l’agression armée. Ce n'est qu'après la mort de Maatan à l'hôpital que les meurtriers ont été arrêtés, puis finalement relâchés sur la base de principes juridiques douteux. Un autre cas d’apartheid colonial.

10 août
Aujourd'hui à l'aube, nouvel assassinat d'un jeune Palestinien aux mains de soldats israéliens à  Tulkarem , en Cisjordanie occupée. L'armée de Tel Aviv a encerclé la ville et y est entrée avec des véhicules blindés, plaçant également des tireurs d'élite dans les bâtiments les plus hauts. Plusieurs maisons et écoles ont été occupées pour les transformer en bases militaires. Un type de raid qui se répète quasi quotidiennement dans les villes de Cisjordanie gouvernées par l’ANP. Il s'agit de la troisième agression armée en seulement un mois contre une ville qui résiste à l'arrogance des militaires et des colons. Il y a quelques jours, des soldats ont tué un garçon de 17 ans d'une balle dans la tête. Le Croissant-Rouge a rapporté que les soldats ont empêché les ambulances de soigner les blessés.

14 août
Dans le camp d'Aqaba Jabr, près d'Ariha (Jéricho), des soldats de l'armée d'occupation ont tué ce mardi matin deux jeunes Palestiniens d'une balle dans la poitrine. Le raid éclair a duré moins d'une heure et s'est heurté à la résistance des jeunes qui ont jeté des pierres sur les soldats. L'hôpital de Jéricho a indiqué que les deux jeunes étaient âgés d'une vingtaine d'années et qu'ils étaient décédés peu de temps après leur admission. Les militaires se sont retirés sans arrêter personne. L'armée israélienne n'a donné aucune information sur cette opération.

Le 18 août,
les forces d'occupation israéliennes ont démoli une école à Ain Samyia, en Cisjordanie. A quelques semaines de la rentrée scolaire, la destruction de l'école, qui assurait l'enseignement primaire aux enfants des bergers nomades de la région, vise à expulser la population palestinienne de ces terres, pour laisser place à la colonisation juive. En 2023, trois écoles ont été démolies selon les mêmes modalités. Selon un rapport de l'ONU, le plan israélien menace la démolition de 58 autres écoles primaires.

21 août
L'état d'alerte des troupes d'occupation israéliennes s'intensifie dans toute la Cisjordanie, avec des raids et des interrogatoires pour identifier l'auteur de l'attaque armée à Huwara qui a causé la mort de deux colons dans une station de lavage de voitures. Les actions répressives de l'armée s'accompagnent d'attaques de colons armés contre des villages palestiniens, dont l'objectif est de terroriser la population et de la contraindre à abandonner ses terres agricoles. L'armée israélienne a rapporté avoir abattu par erreur un colon, le prenant pour un Palestinien. L'événement s'est produit à la périphérie du village d'  Al-Lubban al-Gharbi , entre Naplouse et Ramallah, lorsqu'un groupe de colons a attaqué des agriculteurs palestiniens en leur lançant des pierres, laissant un groupe de soldats coincé au milieu. L'armée a pris les colons pour des Palestiniens et les a abattus. Lorsqu'ils ont réalisé leur erreur, ils ont immédiatement appelé les ambulances de l'Étoile Rouge de David et le blessé a été transporté à l'hôpital. Un cas d’école de l’apartheid colonial.

22 août
La police israélienne du nord de Jérusalem diffuse une vidéo montrant une étoile de David gravée, avec un instrument pointu, sur le visage d'un détenu palestinien après avoir été soumis à un interrogatoire. Vingt officiers israéliens sont impliqués dans cet événement criminel. Urwa Sheikh, du camp de réfugiés de Shaafat, a été arrêté mercredi 16 août dernier pour délits de droit commun et, selon son avocat, il a été présenté jeudi 17 août devant le juge dans des conditions difficiles, avec une étoile de David tatouée sur son visage. son dos, à gauche du visage. De nombreux commentateurs israéliens ont rappelé l'obligation imposée par les nazis aux Juifs d'Allemagne de porter une étoile de David sur le côté gauche de leur veste. Une attaque armée palestinienne dans la province d'Al-Khalil (Hébron) a tué un colon israélien et blessé un autre colon. Les deux assaillants armés ont réussi à les perdre de vue et d'immenses forces militaires israéliennes ratissent le territoire. La province a été déclarée zone militaire fermée, avec des points de contrôle sur toutes les routes principales. 650 000 Palestiniens se sont vu interdire de quitter la ville et les villages, se retrouvant ainsi assiégés, incapables de s'approvisionner en nourriture. Il s'agit de la deuxième attaque armée palestinienne contre des colons en une semaine. C'est la réponse aux raids de l'armée d'occupation qui ont envahi de nombreuses villes et villages palestiniens, tuant des dizaines de personnes. La politique agressive du gouvernement Netanyahu s’est révélée être un boomerang. Pour cacher l'échec de sa politique sécuritaire en Cisjordanie, le Premier ministre a accusé l'Iran de l'escalade de la résistance armée palestinienne contre l'occupation. Aujourd'hui à l'aube, à Beita, un jeune Palestinien a été touché par une balle dans la tête, alors qu'il fuyait après avoir jeté des pierres sur les soldats. Il est admis et son état est grave.

Le 23 août,

des soldats israéliens ont abattu un garçon de 17 ans à Zababdeh, au sud de Jénine. Othman Abu-Kharaj a reçu une balle dans la nuque alors qu'il fuyait après avoir jeté des pierres sur les soldats de l'occupation militaire. Avec lui, ce sont désormais 53 mineurs assassinés par l’armée israélienne en Cisjordanie depuis le début de l’année. Hier, 50 Palestiniens ont été arrêtés lors de plusieurs raids menés notamment dans la province d'Al-Khalil, où il y a deux jours a eu lieu une attaque armée palestinienne qui a causé la mort d'une Israélienne et au cours de laquelle un homme a été blessé.

25 août
Campagne systématique de raids de l'armée israélienne dans plusieurs villes de Cisjordanie occupée. Rien qu'hier, jusqu'à 40 Palestiniens ont été arrêtés. Au cours des trois derniers jours, le nombre de personnes arrêtées s'élève à 120, et il y en a déjà 5 000 cette année.

27 août
En plus des raids contre les villes et villages de Cisjordanie, des raids menés par des colons armés ont été signalés hier dans des zones agricoles près d'al-Khalil, Naplouse et Jérusalem-Est. Les colons ont détruit les terres cultivées et arraché les arbres fruitiers et les oliviers. A Tulkarem, cinq Palestiniens ont été blessés lors de l'entrée de chars de l'armée israélienne dans la ville.

Dans la mer de Gaza, des unités de la marine israélienne ont empêché les pêcheurs palestiniens de travailler, lançant des rafales de mitrailleuses sur leurs bateaux, les obligeant ainsi à se replier vers le port.

29 août
Un rapport de Human Rights Watch dénonce l'escalade israélienne contre la jeunesse palestinienne, et notamment contre les mineurs. En 2022, le record des 15 dernières années a été enregistré, et dans les premiers mois de 2023, le nombre de victimes mineures a dépassé les chiffres totaux de l'année précédente : 34 mineurs palestiniens tués par des balles militaires tirées par des soldats israéliens. La plupart des jeunes ont été touchés à la tête et à la poitrine, ce qui montre que les militaires ont tiré pour tuer. Depuis 2021, l’armée israélienne est autorisée par le gouvernement de Tel-Aviv à tirer sur les manifestants en fuite. Impunité criminelle.

31 août
Quatre jeunes Palestiniens ont été assassinés hier. Deux aux mains de soldats israéliens, à Naplouse et à Jérusalem-Est ; l'un aux mains des policiers du président Abbas et le quatrième pour l'explosion accidentelle d'une bombe rudimentaire qu'il fabriquait chez lui. A Naplouse, un officier israélien et trois soldats ont été blessés par une bombe qui a explosé alors qu'ils traversaient la rue à bord d'un camion militaire. L'irruption de soldats dans la ville, administrée par les autorités palestiniennes, a eu lieu pour garantir aux colons juifs extrémistes qu'ils pourraient visiter ce qu'on appelle le « Tombeau de Joseph ». Des centaines de jeunes ont entravé l’avancée des fourgons militaires en lançant des pierres et des cocktails Molotov, mais la force militaire écrasante a pris le dessus. Une cinquantaine de jeunes ont été arrêtés.

À Jérusalem, le meurtre du jeune homme a été justifié par les autorités d'occupation israéliennes pour une prétendue tentative d'attaque à l'arme blanche à un poste de contrôle militaire. A Tulkarem, la tension monte après la mort d'un jeune homme suite à des tirs d'agents de l'ANP. Comme cela arrive habituellement dans ces cas-là, le gouvernement de Ramallah parle de la constitution d'une commission d'enquête (pour étouffer l'affaire). Les forces de sécurité avaient tenté de supprimer les barrières érigées par la résistance armée pour entraver l'avancée des soldats israéliens. La collaboration avec les occupants pourrait briser la solidarité sur le front palestinien. Tous les partis palestiniens, à l’exception d’Al-Fatah, ont condamné la dérive dangereuse de la confrontation interne.

1er septembre
L'armée israélienne a réprimé de manière sanguinaire les manifestations contre la colonisation dans différents endroits de Cisjordanie. Les soldats ont tiré directement sur des militants « armés » de drapeaux et de pierres palestiniennes. Un jeune homme a été assassiné à Aqqaba, au nord du territoire occupé. Selon le ministère de la Santé de l'ANP, une centaine de personnes ont été blessées par des balles militaires dans plusieurs endroits où des manifestations étaient organisées. À Gaza, l'armée israélienne a tiré sur une concentration pacifique de Palestiniens, en préparation d'une marche avec des drapeaux à proximité des fils accordéon placés autour de cette grande prison à ciel ouvert qu'est la bande de Gaza. La manifestation a été organisée en solidarité avec les sites islamiques de Jérusalem-Est menacés par l'occupation des colons extrémistes.

6 septembre
Un jeune Palestinien, Mohammed Zbeidat, 17 ans, a été poursuivi et tué par des soldats israéliens au nord d'Ariha (Jéricho). Les troupes d'occupation ont ratissé le village de Zbeidat et établi un poste de contrôle militaire. Dans un communiqué, l'armée israélienne parle d'une tentative de tirer sur les soldats, tandis que des témoins oculaires palestiniens, qui ont été témoins de la persécution et du meurtre, affirment que le jeune homme, qui a été laissé à mort sans assistance médicale, n'a pas porté un pistolet. Le raid israélien d'hier dans le village de Nur Shams, autour de Tulkarem, qui s'est également soldé par le meurtre d'un jeune Palestinien, ne s'est pas limité à des patrouilles et des fouilles, mais a également détruit des infrastructures, des maisons et des locaux publics, causant d'énormes dégâts à la population et de graves conséquences sur leur vie quotidienne. Les principaux moteurs du réseau d'eau, le centre local de distribution électrique et une pompe à carburant ont été détruits. Crime de guerre impuni.

11 septembre
Deux Palestiniens grièvement blessés dans le camp d'al-Oroub lors des funérailles du jeune homme tué la veille par des soldats israéliens. Les commandements militaires n'ont pas souhaité que les funérailles soient publiques, mais les proches et la population ont défié cet ordre absurde. L'armée a placé des tireurs d'élite autour du cimetière et des points de contrôle avec des camions blindés, tirant des balles militaires sur un cortège funèbre. Dans plusieurs villages et villes de Cisjordanie, l’armée a mené des raids. Cinq militants ont été arrêtés. À l'ouest de Jénine, un groupe de résistants a annoncé avoir lancé une roquette artisanale sur une colonie israélienne. Ils ont publié des photos et des vidéos du lancement sur les réseaux sociaux, mais on ignore quels effets cela a provoqué. Selon la presse israélienne, il est tombé dans un espace vide et n'a causé aucun dégât.

16 septembre
Bombardement israélien de Gaza dans la nuit. La zone bombardée se situe dans une ville du nord de la bande de Gaza, où des manifestations de protestation ont lieu près de la ligne de démarcation imposée par l'armée d'occupation. Selon des sources à Gaza, il n'y aurait que des blessés. Ces derniers jours, des manifestations massives ont eu lieu le long de la ligne de démarcation, avec incendies de pneus et lancements de ballons incendiaires. L'armée israélienne a tiré sur la foule. Hier, 12 personnes ont été blessées, parmi lesquelles un journaliste qui couvrait l'initiative d'une chaîne de télévision arabe.

Le 19 septembre,
les troupes d'occupation israéliennes assiègent la ville de Naplouse depuis plus de 24 heures. L'opération de vengeance a été motivée par une série de tirs contre un poste de contrôle militaire depuis une voiture palestinienne en mouvement. A Jérusalem-Est, un jeune Palestinien a été touché par une balle tirée par les forces d'occupation. Il a été admis à l'hôpital en état d'arrestation. Théoriquement, il aurait tenté de poignarder un militaire. Les démolitions de maisons palestiniennes se poursuivent, sous prétexte de l'absence d'autorisations. Hier, trois maisons ont été démolies dans la région de la vallée du Jourdain. Un rapport de l'organisation israélienne  B'Tselem  accuse le gouvernement de Tel Aviv de chercher à expulser violemment les Palestiniens de leurs terres en Cisjordanie pour les remettre aux colons juifs, les laissant libres d'agir en toute impunité, par des attaques armées contre les communautés palestiniennes. . , incendies de cultures, destruction de puits et abattage d’arbres. Selon le rapport, l'année dernière, six communautés palestiniennes de Cisjordanie ont été contraintes d'abandonner leurs terres, fuyant la violence des colons.

20 septembre
Nième raid à Jénine. Trois Palestiniens morts et 30 blessés. Un groupe de soldats habillés en civils sont entrés dans le camp de réfugiés dans la nuit de lundi à mardi pour capturer deux résistants, mais ont été découverts et encerclés par des militants qui leur ont lancé des pierres et des bouteilles en verre. L'armée a envoyé des chars à leur secours, lancé des drones kamikaze et survolé la zone avec des hélicoptères. Pour bloquer l'avancée des troupes, des groupes de combattants ont tiré des rafales de mitrailleuses et largué des bombes artisanales rudimentaires. Un char israélien a été incendié. Hier après-midi, les troupes d'occupation se sont retirées. Un communiqué de l'armée parle de l'arrestation de deux résistants.

21 septembre
Six jeunes Palestiniens tués hier lors d'attaques israéliennes en Cisjordanie et à Gaza. Les troupes d'occupation ont mené hier deux raids, l'un dans le champ d'Aqabat-Jabr, près d'Ariha (Jéricho) et l'autre à Jénine. Lors de la première opération, un jeune homme a été tué, qui a été abattu à plusieurs reprises alors qu'il tentait de bloquer l'avancée des soldats en leur lançant des pierres. Selon le ministère palestinien de la Santé, les balles ont touché la tête du jeune homme, décédé avant d'arriver à l'hôpital. A Jénine, c'est le carnage : quatre morts en une seule attaque. Lors de cette opération, l’armée de Tel Aviv a utilisé des drones kamikaze télécommandés. Selon des témoins locaux, les soldats n'ont pas pu entrer dans le camp de réfugiés de Jénine et le premier groupe de soldats a été assiégé par des lanceurs de pierres. L'armée d'occupation a envoyé des renforts, notamment des chars. La résistance armée a réussi à détruire deux véhicules militaires avec des bombes artisanales et a mené des raids avec des tirs de mitrailleuses. Les soldats ont arrêté deux personnes, qui ont ensuite été relâchées, « parce que les soupçons à leur sujet étaient infondés », selon le communiqué de l'armée israélienne. C’était une opération évidente pour montrer du muscle.

À Gaza, des soldats ont tiré sur des manifestants palestiniens qui se trouvaient sur la ligne de démarcation, tuant une personne et en blessant 20 autres.

24 septembre

Aujourd'hui, dimanche à l'aube, les troupes israéliennes ont tué deux jeunes Palestiniens dans le camp de Nour Shams, à l'est de Tulkarem. Les médecins de l'hôpital ont souligné que les deux victimes ont été touchées par des balles à la tête, ce qui indique qu'elles se sont suicidées pour se suicider. Les troupes israéliennes ont introduit un bulldozer sur le terrain pour détruire les routes et les réseaux de services (électricité, eau et égouts), rendant ainsi la vie impossible aux habitants, qui n'ont pas capitulé devant l'imposition du colonialisme israélien. L'avancée des soldats a été réprimée par des jets de pierres et de bouteilles en verre. L'armée d'occupation israélienne a annoncé la fermeture hermétique de la Cisjordanie et de Gaza pour 48 heures, d'hier samedi à demain soir, lundi, en raison de la célébration des fêtes juives. Tous les postes frontaliers avec le territoire israélien ont été fermés à la circulation des personnes et des marchandises. Hier, il y a eu un raid à grande échelle dans la petite ville d'  Isawiya , à l'est de Jérusalem, au cours duquel trois jeunes Palestiniens ont été blessés par balle. A  Kfar Qaddum  (Cisjordanie), les troupes israéliennes ont dispersé la traditionnelle manifestation anticoloniale de la population, organisée une fois par semaine pour lutter contre la confiscation des terres agricoles par l'armée et en faveur des colons juifs.

Le 27 septembre,
des avions de combat israéliens ont bombardé Gaza hier pour tenter de dissuader les Palestiniens de manifester sur la ligne de démarcation. Les postes d'observation et de surveillance étaient les principales cibles des frappes aériennes. Il n'y a aucune nouvelle des victimes. Les soldats de Tel-Aviv ont tiré directement sur les manifestants qui protestaient près de la ligne de démarcation, blessant plus de 20 personnes, dont du personnel de santé et des journalistes.

Pendant ce temps, la fermeture totale des postes frontaliers pour les personnes et les marchandises à destination et en provenance de la bande de Gaza se poursuit. Au sud de Jénine, en Cisjordanie, l'offensive générale de l'armée israélienne contre la population se poursuit. Les troupes blindées sont entrées dans  Ya'bad , à l'ouest de la ville, ainsi que dans plusieurs villages. Les raids et les postes de contrôle militaires se sont heurtés à des jets de pierres de la part des jeunes de la nouvelle Intifada.

29 septembre
L'armée israélienne a une nouvelle fois détruit le village d'Al-Araaqeeb, au nord de Beer Sheva, dans le Néguev. Cela s’est déjà produit 222 fois, dont deux rien qu’en septembre. Le village au milieu du désert, où vivent des bergers palestiniens, est dans la ligne de mire du gouvernement israélien, qui compte allouer ses terres à l'expansion d'une ville juive voisine. Le village est construit avec du carton, du plastique et des tôles, et les 22 familles résistantes n'ont jamais quitté leurs terres depuis le début de leur calvaire en 2010. Chaque fois que les militaires détruisent le village au bulldozer, ils récupèrent les matériaux et le reconstruisent. Le monde reste silencieux face à ces crimes de l’apartheid.

30 septembre
Un garçon de 18 ans a été tué par des soldats israéliens à El-Bira et un autre a été grièvement blessé. Un deuil général a été proclamé dans la ville. L'armée d'occupation a déclaré que les soldats avaient tiré parce qu'ils soupçonnaient que les deux jeunes hommes essayaient de lancer des bouteilles à un poste de contrôle situé à l'entrée d'une colonie juive. Les automobilistes palestiniens traversant la zone ont démenti la version des occupants. Le corps de la victime a été enlevé par l'armée et n'a pas été restitué à la famille ; une pratique de vengeance haineuse et inhumaine.

5 octobre
Raid sur Tulkarem aujourd'hui à l'aube. Des centaines de soldats et d'agents spéciaux habillés en civil sont entrés dans le camp de réfugiés et ont dévasté les infrastructures. Un bulldozer israélien a percuté un bus de travailleurs palestiniens, le détruisant, mais heureusement sans faire de victimes.

Hier, les troupes israéliennes sont entrées à Naplouse, avec une quarantaine de véhicules blindés, de drones et de tireurs d'élite, pour garantir la visite des colons juifs au soi-disant « Tombeau de Joseph ». Il s'agit d'un tombeau situé à l'intérieur d'une mosquée et appartenant à un homme décédé au XIXe siècle, mais les fanatiques religieux sionistes tentent de faire croire qu'il s'agit du tombeau du prophète Joseph et organisent des visites collectives avec des prières juives à l'intérieur. du lieu de culte musulman. Après l'intervention de l'armée pour mater les protestations de la jeunesse palestinienne, 40 bus remplis de supporters sont entrés dans la ville. À Jérusalem-Est, la profanation de la mosquée Al-Aqsa se répète pour le cinquième jour consécutif. Un millier de juifs extrémistes sont entrés dans le lieu de culte, protégé par les forces d'occupation.

6 octobre
Guerre non déclarée. Opérations militaires des forces d'occupation à Tulkarem, Bethléem, Huwara et Naplouse. Trois jeunes Palestiniens ont été assassinés ; Des dizaines de personnes ont été blessées et de nombreuses autres sont en état d'arrestation. Les opérations les plus sanglantes ont eu lieu à Tulkarem, où des troupes blindées ont tenté d'envahir le camp de réfugiés depuis les premières heures d'hier matin, mais elles ont été repoussées par la résistance des jeunes à coups de pierres et de cocktails Molotov. Un véhicule militaire a été incendié et des soldats attaquants ont été blessés. Deux jeunes Palestiniens ont été touchés par les balles des soldats et sont morts dans les rues de la ville, avant le retrait des troupes. Le troisième jeune homme a été assassiné à Huwara, la petite ville martyre, incendiée il y a des mois par la fureur des colons meurtriers. Des raids ont été menés à Naplouse et à Bethléem. En pratique, les accords d’Oslo sont morts pour le gouvernement de Tel-Aviv. Aussi les villes sous contrôle administratif et sécuritaire de l’ANP (zone A) sont le théâtre d’opérations militaires quotidiennes. À ces actions de l’armée s’ajoutent les agressions armées des colons. Dans la vallée du Jourdain, ils ont labouré les terres palestiniennes avec des bulldozers pour se les approprier. Dans un village près de Salfit, des colons ont abattu 40 oliviers. L'Observatoire euro-méditerranéen, basé à Genève, a présenté un rapport sur la violence des colons contre les Palestiniens à la commission des droits de l'homme de l'ONU. Le rapport indique qu'au cours des six premiers mois de cette année, il y a eu 1 148 attaques de colons. Toutes les attaques ont été menées sous la protection de l’armée et avec la complicité du gouvernement et de la justice israéliens. Le rapport parle clairement du régime de l'apartheid et de la violation des lois internationales dans les territoires occupés.

Franco Berardi Bifo

Article original :  Occhio per occhio e tutto il mondo è cieco – di Franco Berardi Bifo  

21.10.2023 à 17:27

Contre le travail et la logique démente des machines ! Par Franco Berardi

L'Autre Quotidien

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"Le capital techno-financier n'est pas identifiable en termes territoriaux ou personnels, ce qui rend toute négociation difficile”, postule le philosophe italien Franco "Bifo" Berardi, dans une longue conversation avec le média argentin Página/12  par courrier électronique. Au cours des 60 dernières années, le monde du travail a connu un énorme changement qui a conduit à une “déterritorialisation” des activités. Les travailleurs, précaires et isolés, ne peuvent pas s’unir dans la solidarité. Il s'agit d'un produit de la contre-révolution politico-sociale du néolibéralisme, étroitement liée à la mutation technologique numérique.
Texte intégral (2755 mots)

"Le capital techno-financier n'est pas identifiable en termes territoriaux ou personnels, ce qui rend toute négociation difficile”, postule le philosophe italien Franco "Bifo" Berardi, dans une longue conversation avec le média argentin Página/12. Au cours des 60 dernières années, le monde du travail a connu un énorme changement qui a conduit à une “déterritorialisation” des activités. Les travailleurs, précaires et isolés, ne peuvent pas s’unir dans la solidarité. Il s'agit d'un produit de la contre-révolution politico-sociale du néolibéralisme, étroitement liée à la mutation technologique numérique. Avec l'intelligence artificielle, la démence se propage dans le monde : ce ne sont pas les machines qui s’alignent sur les valeurs humaines, c’est notre cerveau qui s’aligne sur leur logique. Et le nazisme contemporain est né d'un phénomène de démence de masse, prévient Bifo.

Quelles sont les principales évolutions observées dans le monde du travail depuis les années 60 jusqu'à aujourd'hui ? 

La contre-révolution politico-sociale du néolibéralisme, liée à la mutation technologique numérique, a produit un effet de désintégration et de précarité du travail : la précarité, en lien avec la déterritorialisation de l'activité, signifie essentiellement l'absence d'une dimension territoriale commune aux travailleurs. De plus, le travailleur précaire se retrouve dans une condition persistante de concurrence. Cela a désintégré la solidarité sur le front du travail. Ces transformations ont détruit les conditions mêmes de la solidarité sociale et ont instauré celles de l'esclavage high-tech.

Qui est l'ennemi contre lequel se rebeller aujourd'hui ? Vous avez dit que nous sommes confrontés à une nouveauté : le fait que la bourgeoisie est devenue d’une certaine façon introuvable.

La bourgeoisie était une classe territorialisée, spécifiquement identifiable chez les êtres humains qui pouvaient prendre des décisions dans les négociations avec les syndicats. Le capital techno-financier n'est pas identifiable en termes territoriaux ou personnels , ce qui rend difficiles les négociations, les pressions sociales pour obtenir des améliorations salariales, etc. Dans le même temps, la décision humaine a perdu en force et en autonomie car la force qui décide est la chaîne d'automatisation technique incorporée dans les machines de production et surtout dans le réseau financier. Il n’y a pas d’ennemi spécifique mais une chaîne d’abstractions qui se prétendent naturelles, incontournables.

Dans les années 80, vous avez décrit le passage du travail en usine à une activité créatrice, scientifique et intellectuelle. Apparaît alors le terme de « cognitariat ». Est-ce un concept qui nous aide encore à réfléchir à cette époque ?

Dans le deuxième volume des Grundrisse, dans le "Fragment sur les machines", Marx parle de la formation in fieri ("en cours") de l'intellect général, la forme sociale dans laquelle s'incarne la connaissance productive. Cette intuition de Marx prend forme lorsque le réseau numérique rend possible une puissance productive croissante de l’information. Prolétaires de la cognition : les cognitaires. L’auto-organisation du travail cognitif serait la seule manière d’entamer un processus de déconstruction du pouvoir techno-financier automatisé. Étant donné que le fascisme et la violence se propagent partout sur la planète, il ne me semble pas que les conditions d'un processus d'auto-organisation du cognitariat soient encore possibles. L’alternative est le déchaînement de la barbarie, la guerre et, finalement, la fin de la civilisation.

Parmi les travailleurs précaires, il est courant de constater que certains préfèrent ne pas avoir de syndicat ni d'horaires fixes ; Ils disent se sentir à l’aise en tant qu’« entrepreneurs ». En Argentine, cela s'observe parmi les liveurs Deliveroo et les travailleurs de la technologie. Pourquoi cela arrive-t-il ?

L'individualisation de la relation entre le travailleur et l'entreprise a été l'un des pièges qui ont permis au capital de maximiser les profits et de réduire les salaires. L'idéologie des agents libres, des auto-entrepreneurs, était très forte dans les années 90, à l'époque de l'émergence des soi-disant dot.com, petites entreprises de création numérique qui ont fait faillite pendant la crise numérique du début du nouveau siècle. Les travailleurs du point.com ont perdu le contrôle de leur travail et de leurs créations ; Ils ont été soumis aux grandes entreprises numériques créées à cette époque. Les auto-entrepreneurs ont ainsi été prolétarisés , mais l’idéologie totalement fausse de l’auto-entreprenariat continue de fonctionner.

Un livre de Byung-Chul Han – Thanatocapitalisme. Essais et entretiens., Paris, PUF, 2021 – contient une controverse entre le philosophe coréen et Toni Negri. Alors que ce dernier fait confiance à la « résistance », une « foule » capable de renverser l’empire, Byung-Chul Han estime qu’aucune révolution n’est possible aujourd’hui. Les travailleurs sont devenus leurs propres entrepreneurs, auto-exploités. Les gens sont épuisés, déprimés, isolés. Quelle position prenez-vous dans ce débat ?

Je ne suis pas très intéressé par la rhétorique négrienne, cela me semble quelque chose de faux et de vieux. Le discours de Byung-Chul Han me semble être une reformulation tardive des intuitions de Baudrillard. « Multitude » est un mot qui ne veut pas dire grand-chose, mais l’affirmation selon laquelle aucune révolution n’est possible me semble banale. Le problème est de savoir comment parvenir à une certaine autonomie par rapport à la forme actuelle du capitalisme techno-financier et techno-militaire . Ma réponse est : désertion . Désert du travail, de la consommation, de la politique institutionnelle, de la guerre, de la procréation.

Que signifie « abandonner le travail » ? Comment pourrions-nous le faire alors que nous en avons besoin pour survivre ?

Dans les grandes usines italiennes, l'expression "refus du travail" circulait ouvertement (dans les années soixante-dix): elle signifiait le rejet d'une aliénation intolérable pour les jeunes migrants venus des villes du sud, de Sicile, de Calabre, de Naples. Les blocages des chaînes de montage, les sabotages et les grèves sauvages étaient monnaie courante chez Fiat, Alfa Romeo, dans les industries métallurgiques et chimiques. Aujourd'hui, il n'y a rien de semblable . Le rejet n'est pas l'effet d'une énergie collective et consciente, mais d' une désertion passive , d'un sentiment d'épuisement . 350 000 travailleurs anglais ne sont pas retournés au travail après la pandémie. Ils l'appellent "long covid", mais il n'est pas clair que ce soit ça. C’est une manifestation de fatigue physique et mentale qui a une dimension massive. En Amérique, on appelle cela « la grande démission » de 4 millions et demi de travailleurs. En Italie, les concours publics pour lesquels il y avait autrefois 100 000 candidats pour dix emplois sont désormais désertés. Qui a dit que nous ne pouvions pas quitter notre travail lorsque nous en avions besoin pour exister ? Je ne comprends pas. Il existe des moyens de survivre sans presque rien consommer ni voler. Certains pensent peut-être qu’il vaut mieux mourir de faim que d’accepter l’humiliation déprimante du travail. 

Que pensez-vous de la tendance mondiale vers des horaires de travail plus courts ?

Cette possibilité est peut-être entendue depuis 40 ans dans certains secteurs du travail industriel. Mais ce sont des expériences isolées alors que dans les secteurs les moins protégés – la grande majorité – l’exploitation augmente, tout comme le temps de travail. Les travailleurs du sud de l’Espagne ou du sud de l’Italie, pour la plupart des migrants africains, travaillent 12 heures au lieu de huit. La grande majorité des travailleurs cognitifs n’ont pas d’horaire. Les journaux font beaucoup de publicité à quelques expériences de réduction, mais ils ne parlent pas beaucoup des conditions des nouveaux esclaves.

Déjà dans les années 90, il mettait en garde contre la panique, la dépression, l'angoisse ; les troubles que la technologie pourrait générer chez l'être humain. Dans les années 2000, il parlait d’une « saturation pathologique » massive. Quel panorama voyez-vous maintenant ?

Les psychiatres parlent de dépression massive . Le taux de suicide a augmenté particulièrement chez les adolescents. La distanciation obligatoire pendant la pandémie a produit un effet de peur et d’angoisse, qui pourrait être défini comme une  sensibilisation phobique au corps de l’autre . L’effet est que l’agression et la guerre se propagent partout.

En Argentine, nous sommes proches des élections générales et pour beaucoup la victoire de Javier Milei aux primaires a généré un choc, une surprise. Avez-vous suivi l'actualité du pays ? Avez-vous des informations sur le phénomène Milei ?

Alors que l'intelligence artificielle se propage, la démence naturelle se propage en parallèle. Ce n'est pas une blague : c'est un diagnostic. Les effets de l’alignement du cerveau humain sur l’intelligence artificielle vont à l’encontre de ce que disent les défenseurs de l’éthique des machines. Ce ne sont pas des machines qui s’alignent sur des valeurs humaines (qui n’existent pas, qui sont des critères de sélection historiquement et anthropologiquement déterminés). Le cerveau humain s’aligne de plus en plus sur la logique technique de la machine intelligente. En 1919, Sándor Ferenczi, psychanalyste de la première génération freudienne, affirmait que le plus gros problème était que nous ne savons pas comment guérir la psychose de masse. La psychose de masse évolue vers le totalitarisme nazi dans les décennies suivantes. Aujourd'hui, le problème est le même : l'humiliation, la solitude et la pauvreté ont produit des effets de dépression massive chez les jeunes, de démence sénile, d'agressivité chez les impuissants. Les travailleurs ne peuvent pas se rebeller contre les exploiteurs et se montrer agressifs contre ceux qui sont les plus pauvres, les plus impuissants, les migrants. Le nazisme contemporain naît de ce phénomène de démence de masse , dont on ne sait pas guérir.

Pourquoi le fait que le cerveau humain est en train d’assimiler la logique des machines est-il selon vous l’indicateur du fait qu’une démence massive nous guette ?

Avant les ordinateurs, les enfants apprenaient la division. Aujourd’hui, personne n’apprend à diviser 100 par 5. L’automatisation des processus cognitifs produit nécessairement l’annulation de compétences. La virtualisation du contact corporel a produit un effet invalidant massif sur les compétences affectives. La fréquence des rapports sexuels a chuté de façon spectaculaire au cours des 30 dernières années (David Spiegelhalter, Sex by Numbers ; Jean Twenge, I-Generation). L’humanité perd ses compétences cognitives et émotionnelles. L’effet est, d’une part, la dépression psychologique produite par la solitude, l’inverse paradoxal de l’hypercommunication virtuelle. De l’autre, l’explosion d’une agressivité accumulée et inexprimée. En même temps, nous devons considérer la démence sénile de masse, effet de l’allongement de la durée de vie dans des conditions d’isolement social de plus en plus préoccupantes. 

Que pensez-vous de l'intelligence artificielle ?

Je me souviens de ce que dit Humpty Dumpty. Alice demande : « Où est le sens fondamental des mots ? Réponse :  la question est de savoir qui commande . Celui qui commande établit le sens des mots. Idem quand on parle d’intelligence artificielle. Qui commande ? Le nazi Elon Musk , les grandes entreprises techno-financières. L’intelligence artificielle constitue donc  un danger pour la liberté mais aussi pour la paix. La première application de l’IA se situe naturellement dans le système militaire. Dès lors, on peut imaginer que la décision de lancer la bombe dépend de plus en plus d’un enchaînement d’automatismes logiques et technologiques. Quelle est la mission de l’IA ? Éliminez le désordre. Qui est le trouble ? Je suis le désordre, vous et tous les humains. Je pense que Stephen Hawkins avait raison lorsqu’il disait que l’IA représentait le plus grand danger pour l’avenir de l’humanité. Mais  pouvons-nous arrêter le processus de contrôle et de mort ? Dans des conditions de concurrence économique et militaire, rien ne peut être arrêté. Si je ne produis pas la mort technologique, mon ennemi le fera. 

À propos de la guerre entre la Russie et l'Ukraine, vous déclarez dans un livre : « C'est le point culminant d'une crise psychotique du cerveau blanc. » Vous dîtes également que pour l’analyser, nous avons besoin d’une « géopolitique de la psychose ». Pourquoi ?

-La guerre russo-ukrainienne et l'extermination réciproque israélo-palestinienne sont la preuve évidente que nous sommes dans une phase de violence psychotique accélérée. La cause la plus profonde est l’incapacité du monde blanc (judéo-chrétien) à accepter le déclin de l’Occident. Le déclin démographique, le vieillissement de la population et l'épuisement psychique produisent un effet de réaction impuissante et furieuse qui se manifeste comme une véritable démence sénile collective appelée fascisme. L’Occident ne peut pas arrêter cette tendance, mais sa réaction est une pure violence, sans stratégie, sans avenir ni espoir. La défaite de l’Occident est inévitable en ce sens, mais on peut craindre que sa démence sénile ne préfère le suicide nucléaire à l’effondrement du régime impérialiste . 

"La vengeance est tout ce qui reste à ceux qui sont soumis à une violence et à une humiliation systématiques", écrivez-vous dans un article sur le conflit au Moyen-Orient, dans lequel il détaille les agressions d'Israël contre les Palestiniens. Pouvez-vous résumer votre position ?

On se retrouve face à un phénomène de fureur qui se déchaîne des deux côtés. Le Hamas est une organisation suicidaire, car le suicide est devenu la seule forme de lutte efficace. Marek Edelman, le seul membre du groupe ZOB (Jewish Combat Organisation) qui a survécu à la révolte des Juifs du ghetto de Varsovie, à qui on a demandé pourquoi une telle révolte suicidaire, a répondu : « Nous avons librement décidé du moment et du lieu de notre la mort." Les terroristes du Hamas peuvent dire la même chose. Seul le désespoir peut expliquer ce qui se passe : une vague de fureur désespérée, d’un côté comme de l’autre. Je ne crois pas qu’Israël survivra à l’explosion de folie exterminatrice qui s’est déclenchée après l’agression criminelle palestinienne. Œil pour œil, le monde est devenu aveugle. Je crois qu'après cette horreur, Israël se désintégrera.

Traduction de L’AQ. Texte original : https://www.pagina12.com.ar/599173-vivimos-un-fenomeno-de-demencia-masiva


Franco Berardi dit Bifo est un philosophe et militant politique italien issu de la mouvance opéraïste. Il rejoint le groupe Potere Operaio et s'implique dans le mouvement autonome italien dans les années 1970, notamment depuis la Faculté des Lettres et de Philosophie de l'Université de Bologne, où il enseignait l'esthétique.

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