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28.03.2024 à 10:21

Au Kenya, un ambitieux projet de logements abordables se heurte à des obstacles juridiques majeurs et à une opposition croissante

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En 2018, lorsque le gouvernement du Kenya, dirigé par l'ancien président Uhuru Kenyatta, a lancé son programme « Big Four » pour un développement transformationnel, l'un des principaux piliers était la mise à disposition de logements décents aux personnes à faibles et moyens revenus.
Même si l'article 43.1 (b) de la Constitution du Kenya déclare que « toute personne a droit à un logement accessible et décent, ainsi qu'à des conditions d'hygiène raisonnables », le logement constitue depuis longtemps un défi (...)

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Texte intégral (1818 mots)

En 2018, lorsque le gouvernement du Kenya, dirigé par l'ancien président Uhuru Kenyatta, a lancé son programme « Big Four » pour un développement transformationnel, l'un des principaux piliers était la mise à disposition de logements décents aux personnes à faibles et moyens revenus.

Même si l'article 43.1 (b) de la Constitution du Kenya déclare que « toute personne a droit à un logement accessible et décent, ainsi qu'à des conditions d'hygiène raisonnables », le logement constitue depuis longtemps un défi majeur au Kenya, en particulier dans les centres urbains, où l'on estime que 61 % des ménages vivent dans des habitations informelles. Selon les données de l'ONG internationale Habitat for Humanity, le gouvernement ne livre actuellement que 50.000 des 250.000 unités de logement nécessaires annuellement pour répondre à la demande de la population kenyane, qui compte 55 millions d'habitants.

Le plan initial de M. Kenyatta prévoyait la construction de 500.000 logements en cinq ans dans les villes et les zones métropolitaines du pays. Le plan s'inscrivait dans le cadre du programme de logements abordables connu à l'époque sous le nom de Boma Yangu (qui signifie « Ma maison » en kiswahili). La contribution des travailleurs était assurée par un système de prélèvement, tandis que les personnes travaillant dans le secteur informel devaient verser des cotisations volontaires pour constituer la caution de 10 % nécessaire pour accéder à la propriété.

Néanmoins, le site internet de recoupement de données Africa Check constate qu'à peine plus de 3 % (13.529) des 500.000 logements avaient été construits à la fin de l'année 2022, et ce, pour un certain nombre de raisons ; notamment un financement insuffisant du programme, des prêts hypothécaires inabordables et un manque de terrains constructibles.

Pauline Wanjiru, marchande de fruits sur un marché en bord de route dans la capitale kenyane, Nairobi, est l'une de celles qui se sont rapidement inscrites au programme, en versant des cotisations mensuelles variables dans le but de réunir 1.900 dollars US (environ 250.000 shillings kenyans ou 1.848,20 euros) en trois ou quatre ans, le montant minimum de la caution requise pour participer au programme. Si une maison venait à lui être attribuée, elle rembourserait alors le reste de sa créance grâce à un prêt hypothécaire d'une durée de 15 à 20 ans.

Même s'il lui arrive parfois de ne pas pouvoir honorer ses paiements pendant un ou deux mois, cette mère de deux garçons continue de cotiser au programme, et ce, malgré les difficultés économiques qui frappent le Kenya depuis la pandémie de Covid-19 en 2020.

« Épargner pour cette maison m'a obligée à renoncer à l'achat d'une belle robe ou d'une paire de chaussures, mais je dois réaliser mon rêve d'avoir une maison à moi », affirme-t-elle.

Cependant, l'avenir du programme (qui a été rebaptisé Affordable Housing Programme ou Programme de logement abordable) est aujourd'hui incertain, du fait de la résistance qui se manifeste contre le prélèvement obligatoire imposé aux travailleurs salariés kenyans par la Loi sur les finances 2023 et servant à financer le capital de base du projet.

Le gouvernement avait créé un Fonds national pour le développement du logement en vue de financer la construction de 250.000 logements par an, qui seraient vendus aux citoyens kenyans éligibles à un prix compris entre 7.600 et 26.600 dollars US (entre 1 million et 3,5 millions de shillings kenyans ou entre 6.469,75 et 27.727,50 euros), en fonction de leur éligibilité à un logement social, à un logement à bas prix ou à un prêt hypothécaire abordable sur le marché libre.

Mais avec un salaire mensuel moyen de 14.000 shillings kenyans (environ 106 dollars US ou 125 euros), selon les statistiques les plus récentes de 2019 de l'Organisation internationale du Travail (OIT), pour certains travailleurs, même un logement dit « abordable » est complètement hors de portée. « Je ne veux pas payer une taxe sur le logement pour une habitation dans laquelle moi ou mes enfants ne vivrons jamais », a déclaré un travailleur à Al-Jazeera.

Démagogie politique

Des particuliers et des associations de travailleurs ont réussi à contester le prélèvement de 1,5 % pour le logement prélevé sur les revenus mensuels bruts des employés (complété par un montant équivalent apporté par leurs employeurs) devant les tribunaux, le déclarant « discriminatoire et irrationnel », ainsi qu'anticonstitutionnel. Alors que le gouvernement loue le projet pour son potentiel à créer des centaines de milliers d'emplois dans le secteur de la construction et à combler la pénurie de logements du pays, les critiques affirment que les travailleurs qui ont déjà été durement touchés par la flambée du coût de la vie au cours des dernières années ne peuvent pas supporter de charges fiscales supplémentaires.

Dans un arrêt du 26 janvier, la Cour d'appel du Kenya a conclu que le prélèvement avait également été introduit sans cadre juridique approprié, confirmant un arrêt de novembre 2023 de la Haute Cour qui avait jugé que la Loi sur les finances de 2023 avait violé l'article 10.2 (a) de la Constitution.

Le prélèvement avait été déduit des salaires des employés depuis juillet 2023. Les travailleurs salariés du secteur formel représentent environ 16 % de la population active totale. Toutefois, le gouvernement n'a pas avancé de proposition claire sur la manière dont les travailleurs du secteur informel seraient taxés par le système, même lorsque leurs revenus sont plus élevés que ceux des travailleurs salariés.

Le projet est en outre embourbé dans des manœuvres politiques démagogiques, l'actuel président William Ruto se l'appropriant comme projet phare de son premier mandat et promettant de le poursuivre, en dépit des protestations des travailleurs qui estiment que ce projet ne profitera qu'aux quelques travailleurs de la classe moyenne qui gagnent suffisamment d'argent et bénéficient d'une sécurité de l'emploi suffisante pour contracter un prêt hypothécaire sur 15 ou 20 ans.

Des controverses ont par ailleurs éclaté quant à la propriété des terrains sur lesquels les logements sont construits, certains gouvernements locaux se plaignant d'être contraints de céder des terrains pour les construire et des expulsions ont également eu lieu pour leur laisser la place.

Le fait que les salariés qui financent le programme n'ont aucune garantie de se voir attribuer un logement suscite lui aussi la controverse, car les logements sont attribués à l'issue d'une procédure de mise aux enchères.

« Une approche multidimensionnelle est nécessaire »

Au début du mois, l'université publique, l'Université des sciences et technologies Jaramogi Oginga Odinga, est devenue la première institution à annoncer qu'elle allait rembourser les déductions, dans ce qui pourrait créer un précédent. La Fédération des employeurs du Kenya a également conseillé à ses membres de cesser immédiatement de déduire le prélèvement pour le logement sur les salaires des employés.

Selon Wahome Thuku, avocat à Nairobi, les employeurs n'ont désormais plus aucune base légale pour imposer ces déductions. « Le pouvoir judiciaire n'a pas empêché le président William Ruto et son gouvernement de construire des logements ni d'embaucher qui que ce soit sur les chantiers de construction. Il est également libre d'utiliser tous les terrains du gouvernement pour construire des appartements. Ce qu'il ne doit pas, ne peut pas et ne fera pas, c'est collecter de l'argent auprès des salariés kenyans pour financer ces projets. C'est cela que le tribunal a bloqué ».

Le gouvernement, par l'intermédiaire du Procureur général, avait la possibilité de faire appel de la décision devant la Cour suprême, mais M. Thuku a exprimé ses doutes quant à la possibilité que la plus haute juridiction casse une décision prise par deux juridictions inférieures.

Selon l'ONG internationale Habitat for Humanity, bien qu'il soit louable que le gouvernement se concentre sur le logement abordable pour les personnes à revenus moyens, il est important qu'il s'intéresse également aux solutions de logement social qui donnent la priorité aux besoins des personnes les plus vulnérables.

« Concernant la récente décision de la Cour d'appel d'arrêter les déductions, Habitat for Humanity Kenya reconnaît la complexité de la question et respecte les procédures juridiques concernées. Nous pensons qu'une approche multidimensionnelle est nécessaire pour répondre efficacement aux besoins en logements des travailleurs et pauvres dans les villes », déclare à Equal Times Anthony Okoth, le directeur national d'Habitat for Humanity Kenya.

Cette approche devrait inclure « l'utilisation de mécanismes de financement innovants », tels que la microfinance immobilière et les partenariats public-privé, explique M. Okoth, afin de permettre aux individus et aux communautés d'accéder à des solutions de logements abordables.

« Il est également nécessaire de mettre en place une planification urbaine globale qui intègre le logement aux services essentiels tels que l'eau, l'assainissement et l'énergie, tout en abordant les questions de propriété foncière et de réforme politique dans le but de créer un environnement propice au développement immobilier durable », ajoute-t-il.

25.03.2024 à 08:00

Les Uru Morato, les « hommes de l'eau » tentent de survivre à la disparition du Lac Poopó en Bolivie

Nils Sabin, Sara Aliaga Ticona

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Dans l'Altiplano bolivien, à plus de 4.000 mètres d'altitude, la communauté de Puñaca Tinta María du peuple Uru Morato lutte pour ne pas disparaître. Pendant des siècles, les Uru Morato ont vécu sur des îles du lac Poopó, d'où leur surnom « d'hommes de l'eau ».
Mais depuis 2015, ce lac est complètement asséché, transformant radicalement leur mode de vie. La disparition du Poopó est due à plusieurs facteurs, parmi lesquels, les exploitations minières de zinc et d'étain très gourmandes en eau, la culture du (...)

- Reportages photos / , , , , , , ,
Texte intégral (1414 mots)

Dans l'Altiplano bolivien, à plus de 4.000 mètres d'altitude, la communauté de Puñaca Tinta María du peuple Uru Morato lutte pour ne pas disparaître. Pendant des siècles, les Uru Morato ont vécu sur des îles du lac Poopó, d'où leur surnom « d'hommes de l'eau ».

Mais depuis 2015, ce lac est complètement asséché, transformant radicalement leur mode de vie. La disparition du Poopó est due à plusieurs facteurs, parmi lesquels, les exploitations minières de zinc et d'étain très gourmandes en eau, la culture du quinoa et le réchauffement climatique qui réduit les pluies et favorise l'évaporation dans l'Altiplano. En plus de cela, la communauté fait actuellement face à une intense sécheresse et il ne reste plus qu'un seul puits pour tous les habitants.

Les photos de ce reportage font partie d'une exposition photographique réalisée par Sara Aliaga Ticona, artiste plasticienne et journaliste. En collaboration avec la communauté, elle a réalisé cette exposition photographique et un court documentaire, intitulé Urus, del agua vengo, où il dépeint la vision du monde, la lutte et la résilience de ce peuple ancestral qui risque plus que jamais de disparaître, ce qui signifierait une perte irréparable pour la Bolivie.

La nation Uru Murato a fondé sa cosmovision sur sa relation avec l'eau, un lien si profond que ce peuple est connu sous le nom d' « hommes de l'eau ». 15 juin 2023, Oruro.

Photo: Sara Aliaga Ticona

« Nous n'avons pas d'eau, nous ne pouvons pas planter et cultiver parce que nous n'avons pas la terre pour cela », se désole Erasmo Zuna, 33 ans, le dirigeant de la communauté. Les dix familles qui vivent encore à Puñaca Tinta María font face à un double défi : tout d'abord développer des activités économiques pour continuer à vivre sur leur territoire ancestral et ensuite réussir à conserver des récits, des souvenirs pour que l'identité et la cosmovision du peuple Uru Morato ne disparaissent pas complètement.

Portrait d'une artisane du peuple Uru Murato, María Choque, dans la communauté de Puñaca Tinta María, municipalité de Poopó. 15 juin 2023.

Photo: Sara Aliaga Ticona

« Avant, nous vivions du lac, de ses poissons, nous chassions les oiseaux qui vivaient sur le Poopó. Nous vivions sur des îles et n'allions presque jamais sur la terre ferme » , raconte Maria Choque, une artiste de la communauté. Sur ses toiles en broderie, elle retrace l'ancienne vie lacustre de son peuple.

Une vie au milieu des roseaux, rendue possible par l'abondance du lac. « Aujourd'hui, nous sommes abandonnés, personne se souvient de nous, il n'y a pas d'eau ou de terres à cultiver, aucune autorité ne nous aide. » De nombreux habitants sont partis dans d'autres régions de Bolivie ou à l'étranger, faute d'envisager un avenir à Puñaca Tinta María.

Vue aérienne de la ville de Poopó, contaminée par une intense activité minière. 13 juin 2023.

Photo: Sara Aliaga Ticona

Les Uru Morato doivent également faire face à l'industrie minière, très importante dans cette zone riche en zinc et en étain, qui a participé à l'assèchement du lac Poopó et qui contamine le territoire de la communauté et notamment l'unique puits. « Regardez le puits, vous avez envie de boire son eau ? » , demande Erasmo Zuna en faisant visiter la communauté. Entre deux planches de bois, il est possible d'apercevoir une eau aux reflets huileux. Les tests menés il y a quelques semaines ont révélé la présence de métaux lourds comme le plomb ou le mercure. « Sans aide extérieure pour acheter de l'eau, on n'a pas le choix, on doit tous boire l'eau de ce puits » , continue, d'un air résigné, le leader de la communauté. Les autres communautés à proximité sont aussi affectées par ce problème.

Le chef de la communauté Uru Murato située à Puñaca Tinta María, municipalité de Poopó, Erasmo Zuna alors qu'il tente de chasser un oiseau appelé Pariguana avec un instrument ancestral de son peuple appelé « Liwi », 15 juin 2023, Oruro, Bolivie.

Photo: Sara Aliaga Ticona

Mais tous n'ont pas baissé les bras et plusieurs activités économiques sont en train de voir le jour. La communauté veut notamment miser sur le tourisme local et culturel, une manière de faire découvrir le mode de vie et la cosmovision des Uru Morato.

Abdón Choque, un jeune de la communauté, s'est formé en tourisme communautaire. Il est à l'origine de l'ouverture d'un petit musée à Puñaca Tinta María qui recense les 38 espèces d'oiseaux qui vivaient sur le lac Poopó. « Chaque espèce avait son utilité », détaille-t-il, « certaines pour la viande, d'autres pour leurs œufs et certaines nous guidaient vers des zones du Poopó riches en poissons » . À terme, il aimerait également recenser les différentes plantes utilisées traditionnellement par les Uru Morato et ouvrir un petit hébergement pour touristes.

Deux autres activités sont également en cours de développement : la production et la vente de sel — favorisée par la salinisation croissante de la zone de l'ancien lac — et la vente d'artisanat sur place et bientôt à Oruro, ville la plus importante du département.

Les chefs du peuple Uru Murato à Puñaca Tinta María, municipalité de Poopó, effectuent un rituel pour demander de l'eau à l'endroit où se trouvait autrefois le lac Poopó, ce rituel n'est effectué que par les sages de la communauté. 14 juin 2023, Oruro.

Photo: Sara Aliaga Ticona

Au sein de la communauté, l'espoir que le lac Poopó revienne un jour existe encore. En effet, ce n'est pas la première fois que le lac disparaît. Entre 1939 et 1944, le Poopó s'était déjà complètement asséché et lors d'autres périodes au XXe siècle, son niveau avait drastiquement baissé, comme par exemple en 1969 et 1973.

Portrait du chef spirituel Felix Mauricio Zuna, alors qu'il effectue un rituel pour demander de l'eau à l'endroit où se trouvait autrefois le lac Poopó, ce rituel n'étant effectué que par les sages de la communauté. 14 juin 2023.

Photo: Sara Aliaga Ticona

Régulièrement, les chefs Uru Morato réalisent un rituel sacré pour faire tomber la pluie et que l'eau revienne. Erasmo Zuna, Felix Mauricio Zuna, l'ancien de la communauté, et Pablo Flores se rendent au cerro Jututilla, un lieu spirituel important pour leur peuple : « Cette colline est comme un dieu pour nous », raconte Erasmo Zuna, « donc on lui demande que le lac revienne. De leur temps, mes grands-parents disaient, « d'ici dix ans, le lac reviendra » et ça fonctionnait. C'est pour ça qu'on suit ces us et coutumes. »

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