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28.03.2024 à 10:21

Au Kenya, un ambitieux projet de logements abordables se heurte à des obstacles juridiques majeurs et à une opposition croissante

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En 2018, lorsque le gouvernement du Kenya, dirigé par l'ancien président Uhuru Kenyatta, a lancé son programme « Big Four » pour un développement transformationnel, l'un des principaux piliers était la mise à disposition de logements décents aux personnes à faibles et moyens revenus.
Même si l'article 43.1 (b) de la Constitution du Kenya déclare que « toute personne a droit à un logement accessible et décent, ainsi qu'à des conditions d'hygiène raisonnables », le logement constitue depuis longtemps un défi (...)

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Texte intégral (1818 mots)

En 2018, lorsque le gouvernement du Kenya, dirigé par l'ancien président Uhuru Kenyatta, a lancé son programme « Big Four » pour un développement transformationnel, l'un des principaux piliers était la mise à disposition de logements décents aux personnes à faibles et moyens revenus.

Même si l'article 43.1 (b) de la Constitution du Kenya déclare que « toute personne a droit à un logement accessible et décent, ainsi qu'à des conditions d'hygiène raisonnables », le logement constitue depuis longtemps un défi majeur au Kenya, en particulier dans les centres urbains, où l'on estime que 61 % des ménages vivent dans des habitations informelles. Selon les données de l'ONG internationale Habitat for Humanity, le gouvernement ne livre actuellement que 50.000 des 250.000 unités de logement nécessaires annuellement pour répondre à la demande de la population kenyane, qui compte 55 millions d'habitants.

Le plan initial de M. Kenyatta prévoyait la construction de 500.000 logements en cinq ans dans les villes et les zones métropolitaines du pays. Le plan s'inscrivait dans le cadre du programme de logements abordables connu à l'époque sous le nom de Boma Yangu (qui signifie « Ma maison » en kiswahili). La contribution des travailleurs était assurée par un système de prélèvement, tandis que les personnes travaillant dans le secteur informel devaient verser des cotisations volontaires pour constituer la caution de 10 % nécessaire pour accéder à la propriété.

Néanmoins, le site internet de recoupement de données Africa Check constate qu'à peine plus de 3 % (13.529) des 500.000 logements avaient été construits à la fin de l'année 2022, et ce, pour un certain nombre de raisons ; notamment un financement insuffisant du programme, des prêts hypothécaires inabordables et un manque de terrains constructibles.

Pauline Wanjiru, marchande de fruits sur un marché en bord de route dans la capitale kenyane, Nairobi, est l'une de celles qui se sont rapidement inscrites au programme, en versant des cotisations mensuelles variables dans le but de réunir 1.900 dollars US (environ 250.000 shillings kenyans ou 1.848,20 euros) en trois ou quatre ans, le montant minimum de la caution requise pour participer au programme. Si une maison venait à lui être attribuée, elle rembourserait alors le reste de sa créance grâce à un prêt hypothécaire d'une durée de 15 à 20 ans.

Même s'il lui arrive parfois de ne pas pouvoir honorer ses paiements pendant un ou deux mois, cette mère de deux garçons continue de cotiser au programme, et ce, malgré les difficultés économiques qui frappent le Kenya depuis la pandémie de Covid-19 en 2020.

« Épargner pour cette maison m'a obligée à renoncer à l'achat d'une belle robe ou d'une paire de chaussures, mais je dois réaliser mon rêve d'avoir une maison à moi », affirme-t-elle.

Cependant, l'avenir du programme (qui a été rebaptisé Affordable Housing Programme ou Programme de logement abordable) est aujourd'hui incertain, du fait de la résistance qui se manifeste contre le prélèvement obligatoire imposé aux travailleurs salariés kenyans par la Loi sur les finances 2023 et servant à financer le capital de base du projet.

Le gouvernement avait créé un Fonds national pour le développement du logement en vue de financer la construction de 250.000 logements par an, qui seraient vendus aux citoyens kenyans éligibles à un prix compris entre 7.600 et 26.600 dollars US (entre 1 million et 3,5 millions de shillings kenyans ou entre 6.469,75 et 27.727,50 euros), en fonction de leur éligibilité à un logement social, à un logement à bas prix ou à un prêt hypothécaire abordable sur le marché libre.

Mais avec un salaire mensuel moyen de 14.000 shillings kenyans (environ 106 dollars US ou 125 euros), selon les statistiques les plus récentes de 2019 de l'Organisation internationale du Travail (OIT), pour certains travailleurs, même un logement dit « abordable » est complètement hors de portée. « Je ne veux pas payer une taxe sur le logement pour une habitation dans laquelle moi ou mes enfants ne vivrons jamais », a déclaré un travailleur à Al-Jazeera.

Démagogie politique

Des particuliers et des associations de travailleurs ont réussi à contester le prélèvement de 1,5 % pour le logement prélevé sur les revenus mensuels bruts des employés (complété par un montant équivalent apporté par leurs employeurs) devant les tribunaux, le déclarant « discriminatoire et irrationnel », ainsi qu'anticonstitutionnel. Alors que le gouvernement loue le projet pour son potentiel à créer des centaines de milliers d'emplois dans le secteur de la construction et à combler la pénurie de logements du pays, les critiques affirment que les travailleurs qui ont déjà été durement touchés par la flambée du coût de la vie au cours des dernières années ne peuvent pas supporter de charges fiscales supplémentaires.

Dans un arrêt du 26 janvier, la Cour d'appel du Kenya a conclu que le prélèvement avait également été introduit sans cadre juridique approprié, confirmant un arrêt de novembre 2023 de la Haute Cour qui avait jugé que la Loi sur les finances de 2023 avait violé l'article 10.2 (a) de la Constitution.

Le prélèvement avait été déduit des salaires des employés depuis juillet 2023. Les travailleurs salariés du secteur formel représentent environ 16 % de la population active totale. Toutefois, le gouvernement n'a pas avancé de proposition claire sur la manière dont les travailleurs du secteur informel seraient taxés par le système, même lorsque leurs revenus sont plus élevés que ceux des travailleurs salariés.

Le projet est en outre embourbé dans des manœuvres politiques démagogiques, l'actuel président William Ruto se l'appropriant comme projet phare de son premier mandat et promettant de le poursuivre, en dépit des protestations des travailleurs qui estiment que ce projet ne profitera qu'aux quelques travailleurs de la classe moyenne qui gagnent suffisamment d'argent et bénéficient d'une sécurité de l'emploi suffisante pour contracter un prêt hypothécaire sur 15 ou 20 ans.

Des controverses ont par ailleurs éclaté quant à la propriété des terrains sur lesquels les logements sont construits, certains gouvernements locaux se plaignant d'être contraints de céder des terrains pour les construire et des expulsions ont également eu lieu pour leur laisser la place.

Le fait que les salariés qui financent le programme n'ont aucune garantie de se voir attribuer un logement suscite lui aussi la controverse, car les logements sont attribués à l'issue d'une procédure de mise aux enchères.

« Une approche multidimensionnelle est nécessaire »

Au début du mois, l'université publique, l'Université des sciences et technologies Jaramogi Oginga Odinga, est devenue la première institution à annoncer qu'elle allait rembourser les déductions, dans ce qui pourrait créer un précédent. La Fédération des employeurs du Kenya a également conseillé à ses membres de cesser immédiatement de déduire le prélèvement pour le logement sur les salaires des employés.

Selon Wahome Thuku, avocat à Nairobi, les employeurs n'ont désormais plus aucune base légale pour imposer ces déductions. « Le pouvoir judiciaire n'a pas empêché le président William Ruto et son gouvernement de construire des logements ni d'embaucher qui que ce soit sur les chantiers de construction. Il est également libre d'utiliser tous les terrains du gouvernement pour construire des appartements. Ce qu'il ne doit pas, ne peut pas et ne fera pas, c'est collecter de l'argent auprès des salariés kenyans pour financer ces projets. C'est cela que le tribunal a bloqué ».

Le gouvernement, par l'intermédiaire du Procureur général, avait la possibilité de faire appel de la décision devant la Cour suprême, mais M. Thuku a exprimé ses doutes quant à la possibilité que la plus haute juridiction casse une décision prise par deux juridictions inférieures.

Selon l'ONG internationale Habitat for Humanity, bien qu'il soit louable que le gouvernement se concentre sur le logement abordable pour les personnes à revenus moyens, il est important qu'il s'intéresse également aux solutions de logement social qui donnent la priorité aux besoins des personnes les plus vulnérables.

« Concernant la récente décision de la Cour d'appel d'arrêter les déductions, Habitat for Humanity Kenya reconnaît la complexité de la question et respecte les procédures juridiques concernées. Nous pensons qu'une approche multidimensionnelle est nécessaire pour répondre efficacement aux besoins en logements des travailleurs et pauvres dans les villes », déclare à Equal Times Anthony Okoth, le directeur national d'Habitat for Humanity Kenya.

Cette approche devrait inclure « l'utilisation de mécanismes de financement innovants », tels que la microfinance immobilière et les partenariats public-privé, explique M. Okoth, afin de permettre aux individus et aux communautés d'accéder à des solutions de logements abordables.

« Il est également nécessaire de mettre en place une planification urbaine globale qui intègre le logement aux services essentiels tels que l'eau, l'assainissement et l'énergie, tout en abordant les questions de propriété foncière et de réforme politique dans le but de créer un environnement propice au développement immobilier durable », ajoute-t-il.

25.03.2024 à 08:00

Les Uru Morato, les « hommes de l'eau » tentent de survivre à la disparition du Lac Poopó en Bolivie

Nils Sabin, Sara Aliaga Ticona

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Dans l'Altiplano bolivien, à plus de 4.000 mètres d'altitude, la communauté de Puñaca Tinta María du peuple Uru Morato lutte pour ne pas disparaître. Pendant des siècles, les Uru Morato ont vécu sur des îles du lac Poopó, d'où leur surnom « d'hommes de l'eau ».
Mais depuis 2015, ce lac est complètement asséché, transformant radicalement leur mode de vie. La disparition du Poopó est due à plusieurs facteurs, parmi lesquels, les exploitations minières de zinc et d'étain très gourmandes en eau, la culture du (...)

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Dans l'Altiplano bolivien, à plus de 4.000 mètres d'altitude, la communauté de Puñaca Tinta María du peuple Uru Morato lutte pour ne pas disparaître. Pendant des siècles, les Uru Morato ont vécu sur des îles du lac Poopó, d'où leur surnom « d'hommes de l'eau ».

Mais depuis 2015, ce lac est complètement asséché, transformant radicalement leur mode de vie. La disparition du Poopó est due à plusieurs facteurs, parmi lesquels, les exploitations minières de zinc et d'étain très gourmandes en eau, la culture du quinoa et le réchauffement climatique qui réduit les pluies et favorise l'évaporation dans l'Altiplano. En plus de cela, la communauté fait actuellement face à une intense sécheresse et il ne reste plus qu'un seul puits pour tous les habitants.

Les photos de ce reportage font partie d'une exposition photographique réalisée par Sara Aliaga Ticona, artiste plasticienne et journaliste. En collaboration avec la communauté, elle a réalisé cette exposition photographique et un court documentaire, intitulé Urus, del agua vengo, où il dépeint la vision du monde, la lutte et la résilience de ce peuple ancestral qui risque plus que jamais de disparaître, ce qui signifierait une perte irréparable pour la Bolivie.

La nation Uru Murato a fondé sa cosmovision sur sa relation avec l'eau, un lien si profond que ce peuple est connu sous le nom d' « hommes de l'eau ». 15 juin 2023, Oruro.

Photo: Sara Aliaga Ticona

« Nous n'avons pas d'eau, nous ne pouvons pas planter et cultiver parce que nous n'avons pas la terre pour cela », se désole Erasmo Zuna, 33 ans, le dirigeant de la communauté. Les dix familles qui vivent encore à Puñaca Tinta María font face à un double défi : tout d'abord développer des activités économiques pour continuer à vivre sur leur territoire ancestral et ensuite réussir à conserver des récits, des souvenirs pour que l'identité et la cosmovision du peuple Uru Morato ne disparaissent pas complètement.

Portrait d'une artisane du peuple Uru Murato, María Choque, dans la communauté de Puñaca Tinta María, municipalité de Poopó. 15 juin 2023.

Photo: Sara Aliaga Ticona

« Avant, nous vivions du lac, de ses poissons, nous chassions les oiseaux qui vivaient sur le Poopó. Nous vivions sur des îles et n'allions presque jamais sur la terre ferme » , raconte Maria Choque, une artiste de la communauté. Sur ses toiles en broderie, elle retrace l'ancienne vie lacustre de son peuple.

Une vie au milieu des roseaux, rendue possible par l'abondance du lac. « Aujourd'hui, nous sommes abandonnés, personne se souvient de nous, il n'y a pas d'eau ou de terres à cultiver, aucune autorité ne nous aide. » De nombreux habitants sont partis dans d'autres régions de Bolivie ou à l'étranger, faute d'envisager un avenir à Puñaca Tinta María.

Vue aérienne de la ville de Poopó, contaminée par une intense activité minière. 13 juin 2023.

Photo: Sara Aliaga Ticona

Les Uru Morato doivent également faire face à l'industrie minière, très importante dans cette zone riche en zinc et en étain, qui a participé à l'assèchement du lac Poopó et qui contamine le territoire de la communauté et notamment l'unique puits. « Regardez le puits, vous avez envie de boire son eau ? » , demande Erasmo Zuna en faisant visiter la communauté. Entre deux planches de bois, il est possible d'apercevoir une eau aux reflets huileux. Les tests menés il y a quelques semaines ont révélé la présence de métaux lourds comme le plomb ou le mercure. « Sans aide extérieure pour acheter de l'eau, on n'a pas le choix, on doit tous boire l'eau de ce puits » , continue, d'un air résigné, le leader de la communauté. Les autres communautés à proximité sont aussi affectées par ce problème.

Le chef de la communauté Uru Murato située à Puñaca Tinta María, municipalité de Poopó, Erasmo Zuna alors qu'il tente de chasser un oiseau appelé Pariguana avec un instrument ancestral de son peuple appelé « Liwi », 15 juin 2023, Oruro, Bolivie.

Photo: Sara Aliaga Ticona

Mais tous n'ont pas baissé les bras et plusieurs activités économiques sont en train de voir le jour. La communauté veut notamment miser sur le tourisme local et culturel, une manière de faire découvrir le mode de vie et la cosmovision des Uru Morato.

Abdón Choque, un jeune de la communauté, s'est formé en tourisme communautaire. Il est à l'origine de l'ouverture d'un petit musée à Puñaca Tinta María qui recense les 38 espèces d'oiseaux qui vivaient sur le lac Poopó. « Chaque espèce avait son utilité », détaille-t-il, « certaines pour la viande, d'autres pour leurs œufs et certaines nous guidaient vers des zones du Poopó riches en poissons » . À terme, il aimerait également recenser les différentes plantes utilisées traditionnellement par les Uru Morato et ouvrir un petit hébergement pour touristes.

Deux autres activités sont également en cours de développement : la production et la vente de sel — favorisée par la salinisation croissante de la zone de l'ancien lac — et la vente d'artisanat sur place et bientôt à Oruro, ville la plus importante du département.

Les chefs du peuple Uru Murato à Puñaca Tinta María, municipalité de Poopó, effectuent un rituel pour demander de l'eau à l'endroit où se trouvait autrefois le lac Poopó, ce rituel n'est effectué que par les sages de la communauté. 14 juin 2023, Oruro.

Photo: Sara Aliaga Ticona

Au sein de la communauté, l'espoir que le lac Poopó revienne un jour existe encore. En effet, ce n'est pas la première fois que le lac disparaît. Entre 1939 et 1944, le Poopó s'était déjà complètement asséché et lors d'autres périodes au XXe siècle, son niveau avait drastiquement baissé, comme par exemple en 1969 et 1973.

Portrait du chef spirituel Felix Mauricio Zuna, alors qu'il effectue un rituel pour demander de l'eau à l'endroit où se trouvait autrefois le lac Poopó, ce rituel n'étant effectué que par les sages de la communauté. 14 juin 2023.

Photo: Sara Aliaga Ticona

Régulièrement, les chefs Uru Morato réalisent un rituel sacré pour faire tomber la pluie et que l'eau revienne. Erasmo Zuna, Felix Mauricio Zuna, l'ancien de la communauté, et Pablo Flores se rendent au cerro Jututilla, un lieu spirituel important pour leur peuple : « Cette colline est comme un dieu pour nous », raconte Erasmo Zuna, « donc on lui demande que le lac revienne. De leur temps, mes grands-parents disaient, « d'ici dix ans, le lac reviendra » et ça fonctionnait. C'est pour ça qu'on suit ces us et coutumes. »

22.03.2024 à 05:00

Les paysans en lutte pour l'accès à la terre et l'acquisition de la souveraineté alimentaire dans le monde entier

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Du 1er au 8 décembre 2023, la 8e Conférence internationale de La Via Campesina (LVC) s'est tenue à Bogota, en Colombie. L'événement a réuni plus de 400 petits exploitants agricoles représentant quelque 200 millions de producteurs de denrées alimentaires à petite échelle, appartenant à 182 mouvements dans 81 pays du monde. Pour la première fois depuis la pandémie de Covid-19, les militants ont pu se réunir en présentiel pour discuter des questions les plus pressantes pour les paysans du monde entier et pour (...)

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Du 1er au 8 décembre 2023, la 8e Conférence internationale de La Via Campesina (LVC) s'est tenue à Bogota, en Colombie. L'événement a réuni plus de 400 petits exploitants agricoles représentant quelque 200 millions de producteurs de denrées alimentaires à petite échelle, appartenant à 182 mouvements dans 81 pays du monde. Pour la première fois depuis la pandémie de Covid-19, les militants ont pu se réunir en présentiel pour discuter des questions les plus pressantes pour les paysans du monde entier et pour élaborer un programme commun. L'événement a également marqué le 30e anniversaire d'un mouvement qui a vu le jour à Mons, en Belgique, en 1993.

Parmi l'éventail de thèmes abordés – tels que la justice climatique, le féminisme et l'agroécologie – la lutte pour l'accès à la terre et la réforme agraire s'est imposée comme l'un des piliers essentiels de l'accès à la nourriture et de la souveraineté alimentaire, ainsi que de la justice sociale au sens le plus large du terme.

L'un des exemples les plus criants de la corrélation qui existe entre l'accès à la terre, la souveraineté alimentaire et la justice sociale nous vient de Palestine, où, après des décennies d'occupation violente, plus de 30.000 Palestiniens ont été tués dans le bombardement de Gaza, alors même que l'accaparement des terres par les colons israéliens en Cisjordanie ne cesse de s'intensifier, avec un bilan de plus en plus meurtrier.

Selon les données les plus récentes de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), près de 42,6 % de l'ensemble des terres cultivables de Gaza ont été endommagées. Ce problème s'étend à la Cisjordanie, où 50 % des cultivateurs de légumes ont été empêchés d'accéder à leurs terres au moins une fois. Selon les Nations Unies, plus d'un demi-million de personnes sont menacées de famine imminente.

« Les paysans palestiniens souffrent et sont empêchés d'avoir accès à leurs terres. C'était le cas même avant 1948 et c'est toujours le cas aujourd'hui. Des oliviers de plus de 600 ans sont abattus pour donner des terres aux colons », explique Hatem Aouini, du mouvement Million de femmes rurales et sans terre de Tunisie.

« Les colons s'opposent à la souveraineté alimentaire des Palestiniens, à leur accès à la terre et à leur existence-même. C'est pourquoi la Palestine est au cœur du combat que mène La Via Campesina dans le monde entier. »

Face à une crise alimentaire d'une ampleur sans précédent, entraînée par les conflits, les chocs économiques, les extrêmes climatiques et la flambée des prix des engrais, LVC poursuit son action en faveur de la souveraineté alimentaire comme solution à cette situation d'urgence.

« Le capitalisme est la principale cause des problèmes actuels. Nous nous trouvons face à un système alimentaire mondial défaillant qui produit tellement de nourriture que si vous redistribuiez le tout, il y aurait plus qu'assez pour nourrir les huit milliards d'habitants de la planète. Et pourtant, ce système coexiste avec [presque] un milliard de personnes souffrant de faim chronique », explique à Equal Times Jun Borras, professeur d'études agraires à l'Institut international d'études sociales de l'université Erasmus aux Pays-Bas et l'un des fondateurs de LVC.

Depuis trois décennies, LVC œuvre à l'autonomisation des paysans dans le monde entier avec un objectif fondamental : l'acquisition de la souveraineté alimentaire, un concept défini par le l'organisation comme « le droit des peuples à une alimentation saine et culturellement appropriée, produite par des méthodes écologiquement saines et durables, et leur droit de définir leurs propres systèmes alimentaires et agricoles ».

Bien que différents facteurs soient requis pour acquérir la souveraineté alimentaire, LVC estime qu'un accès plus équitable à la terre est essentiel pour garantir le droit des personnes à des produits alimentaires sains et durables. « Il est inconcevable de parler de souveraineté alimentaire sans accès démocratique à la terre. Comment peut-on promouvoir l'agroécologie sans démocratiser ce même système agroécologique pour ce qui concerne la terre et la nature ? C'est impossible », souligne M. Borras.

Selon une enquête réalisée en 2020, les 10 % les plus riches de la population rurale dans les pays de l'échantillon accaparent 60 % de la valeur des terres agricoles, tandis que les 50 % les plus pauvres, généralement plus dépendants de l'agriculture, ne contrôlent que 3 % de cette valeur. L'étude conclut que l'inégalité foncière est plus importante que ce qui avait été rapporté précédemment et qu'elle menace les moyens de subsistance d'environ 2,5 milliards de personnes dans le monde qui pratiquent l'agriculture à petite échelle.

La lutte pour la terre et l'acquisition de la souveraineté alimentaire

La situation de la Palestine ne constitue pas un cas isolé de recours à la violence en vue de l'appropriation des terres d'un groupe de personnes. Selon M. Borras, les atrocités commises actuellement contre les musulmans rohingyas au Myanmar [ndlr : depuis 2016-2017] présentent certaines similitudes.

« Le gouvernement militaire du Myanmar, qui a pris le pouvoir par la force à la suite d'un coup d'État en 2021, a incendié des [de nombreux] villages. Il s'agit d'une forme d'accaparement des terres qui vise, non pas, à produire quelque chose, mais au contraire. Il s'agit de s'assurer que rien ne puisse être produit afin d'affamer les groupes de résistance. » D'autres facteurs qui contribuent à l'inégalité foncière sont les inégalités de genre, les inégalités sociales et politiques ainsi que les forces du marché.

L'agro-industrie et le secteur minier sont deux exemples de forces du marché qui favorisent l'accumulation foncière et conduisent à la dégradation de l'eau et des sols. Cette situation a des répercussions sur les paysans, les pêcheurs et les femmes du monde entier, limitant leur accès à la terre et la possibilité de subvenir à leurs besoins grâce à l'agriculture.

Selon Josana Pinto, du Mouvement des hommes et des femmes de la pêche artisanale (MPP, Movimento de Pescadores e Pescadoras Artesanais, en portugais) au Brésil, la contamination de l'eau par les activités minières, la limitation de l'accès à la terre par les grandes industries et la destruction des mangroves par les élevages de crevettes sont quelques-uns des plus grands défis auxquels se heurtent les hommes et les femmes de la pêche artisanale au Brésil. « Pour nous, sans accès à nos territoires, nous n'avons ni production, ni histoire, ni vie », dit-elle.

« Alors que le Banc rural [une fraction puissante au sein du Congrès national du Brésil alliée aux intérêts de l'agrobusiness] continue de veiller aux profits de l'agro-industrie, notre mouvement, lui, est un mouvement populaire. Nous sommes alignés avec les autres mouvements de La Via Campesina et nos frères et sœurs indigènes. Nous pensons que seul le syndicat peut faire la différence et garantir nos droits à la terre et à l'eau », ajoute Mme Pinto.

Partout dans le monde, des mouvements de paysans et de pêcheurs s'organisent pour défendre leurs droits fonciers et acquérir la souveraineté alimentaire. Cela va d'actions directes, telles que l'occupation de terres, aux actions légales, telles que les projets de loi ou la création de réserves paysannes.

Certaines de ces luttes sont également associées à d'autres types d'inégalités, comme au Sri Lanka, où la dimension de genre est directement liée à l'inégalité en matière de droits fonciers. En 2020, les femmes se sont vu garantir des droits de succession foncière par le biais d'une loi portant modification de l'ordonnance sur le développement foncier (Land Development Ordinance Amendment Act).

« De nombreux cas se sont présentés où des femmes ont dû quitter leur terre parce que le frère aîné est venu en disant : “Cette terre ne t'appartient pas. Tu dois partir.” Dans ces cas, on a même assisté à de nombreux actes de violence physique et psychologique », déclare Anuka De Silva, membre de l'organisation Women for Land and Agricultural Reform au Sri Lanka et du comité international de coordination de LVC.

En Tunisie, après la révolution de 2011, une vague d'occupations a eu lieu dans le sud du pays, près de la ville de Kébili. Pour M. Aouini, le cas de l'occupation des terres par l'Association pour la protection de l'oasis de Jemna est un exemple à suivre. Cette plantation de dattes, d'abord exploitée par les colons français puis par l'État tunisien, est aujourd'hui gérée par la communauté. Cinq ans après son occupation, la communauté a réussi à doubler la production de cette exploitation, d'une superficie de 185 hectares, engendrant d'importants bénéfices pour la population locale.

« Aujourd'hui, les bénéfices sont redistribués dans le cadre d'une coopérative. Une partie va aux petits paysans, et le reste pour améliorer les conditions de vie de la communauté. Ils ont acheté une ambulance, construit une école et un terrain de football pour les enfants », explique Hatem Aouini.

En Tunisie, la vague d'occupations a été réprimée à coups de poursuites judiciaires par l'État, ce qui a entraîné la faillite de nombreuses exploitations agricoles occupées. « Malheureusement, après l'occupation des terres, nombre de nos camarades ont été arrêtés, incarcérés, et jusqu'à aujourd'hui – alors que plus de dix années se sont écoulées – ils n'ont toujours pas fini d'en découdre avec les tribunaux », a déclaré M. Aouini. Malgré ces revers, les mouvements paysans en Tunisie continuent de se mobiliser pour acquérir la souveraineté alimentaire. Ils sont inspirés, notamment, par le succès de la plantation de dattes de Jemna et du Mouvement des travailleurs sans terre (MST) au Brésil, où 370.000 familles se sont installées sur 7,5 millions d'hectares de terres, ce qui leur a permis d'accéder à la scolarisation, aux crédits agricoles et aux soins de santé.

« Nous pensons que l'occupation est une tactique révolutionnaire qui peut aider les petits paysans à accéder à la terre. Néanmoins, les coopératives, les sociétés communautaires, l'économie solidaire et d'autres alternatives peuvent également constituer une solution pour les jeunes, les femmes et les petits paysans qui souhaitent accéder à la terre », explique M. Aouini.

En 2020, les pêcheurs brésiliens ont déposé une proposition de loi visant à reconnaître et à garantir le droit au territoire des communautés de pêche traditionnelles, entendu comme un patrimoine culturel matériel et immatériel. « Pour l'heure, nous avons soumis un projet de loi d'initiative populaire au Congrès national. Nous visons à travers ce projet à régulariser nos territoires afin de garantir la souveraineté alimentaire et de meilleures conditions de vie pour tous », a indiqué M. Pinto.

La Colombie progresse également dans la protection des droits fonciers des communautés paysannes grâce à la création de Zones de réserve paysanne (ZRP). Jusqu'à présent, le pays compte 12 de ces ZRC qui couvrent une superficie totale d'environ 403.000 hectares. Cinq d'entre elles ont été créées sous l'actuel gouvernement de gauche de Gustavo Petro. La création de ces zones vise à privilégier les pratiques agricoles traditionnelles par rapport aux monocultures, à limiter l'accaparement des terres par l'agro-industrie et à servir de zone tampon pour limiter l'impact du développement sur les zones protégées.

Pour M. Borras, la lutte pour la souveraineté alimentaire est un processus et il reste encore beaucoup à faire. « Les luttes pour la démocratisation de l'accès à la terre sont trop dispersées et trop peu nombreuses », reconnaît M. Borras. « À l'heure qu'il est, quelque 100 millions de personnes sont déplacées de force dans le monde entier. Ces personnes ont besoin de terres pour reconstruire leur vie et restaurer leurs communautés, or pas une seule politique de restitution efficace n'a encore vu le jour dans le monde jusqu'à présent. »

Malgré tous ces défis, M. Borras continue de voir le verre à moitié plein plutôt qu'à moitié vide. « Nous savons qu'il n'y a pas d'avenir pour ce système alimentaire capitaliste. Il est voué à disparaître, mais il n'a pas encore rendu son dernier soupir. Entre-temps, les militants pour la souveraineté alimentaire sont comme un collectif de sage-femmes qui assistent à la naissance d'un nouveau système. »

18.03.2024 à 05:00

En Macédoine du Nord, face à l'impunité des employeurs et la violation de leurs droits des ouvrières du textile se mobilisent

Louis Seiller

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Bien visibles dans le centre comme à l'entrée de Shtip, des peintures murales interpellent le regard des passants. Du fil, des aiguilles, et surtout des mains se détachent au milieu des habituels tags et slogans footballistiques. Ces mains expertes sont celles des couturières de l'est de la Macédoine du Nord. Leurs représentations artistiques n'apportent pas seulement de la couleur aux murs gris de Shtip.
« Les femmes qui travaillent dans les usines textile sont l'identité même de la région », (...)

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Bien visibles dans le centre comme à l'entrée de Shtip, des peintures murales interpellent le regard des passants. Du fil, des aiguilles, et surtout des mains se détachent au milieu des habituels tags et slogans footballistiques. Ces mains expertes sont celles des couturières de l'est de la Macédoine du Nord. Leurs représentations artistiques n'apportent pas seulement de la couleur aux murs gris de Shtip.

« Les femmes qui travaillent dans les usines textile sont l'identité même de la région », explique Kristina Ampeva, la fondatrice de l'organisation Glasen Tekstilec qui est à l'origine de ces fresques militantes. « Il fallait leur rendre hommage, leur rendre leur fierté. »

Depuis 70 ans, la ville de Shtip fait figure de place-forte de l'industrie du textile en Macédoine du Nord. Le secteur est en perte de vitesse, mais il emploie encore près de 30.000 personnes, un chiffre considérable dans ce pays de 2 millions d'habitants.

Chaque matin, des milliers d'ouvrières sont amenées en bus dans les nombreuses usines des banlieues nord-macédoniennes. Kristina Ampeva y a elle-même travaillé neuf ans comme couturière. Cette trentenaire déterminée en garde un souvenir amer, mais il a nourri son engagement. « Il n'y avait personne pour vous expliquer vos droits et vos conditions de travail. Quel doit-être le montant de votre salaire, combien d'heures vous devez travailler et combien sont payées les heures supplémentaires, etc. Qui est censé vous aider si vos droits sont bafoués ? Rien n'était expliqué. C'est pour ça qu'on a lancé Glasen Tekstilec : pour se battre pour les droits des travailleuses du textile. »

En Macédoine du Nord, des centaines d'usines confectionnent vêtements et chaussures pour des grandes marques européennes. La difficulté des conditions de travail dans ces ateliers n'est un secret pour personne, pourtant les violations généralisées du code du travail ont longtemps été passées sous silence.

Depuis son lancement en 2017, Glasen Tekstilec recueille quotidiennement des témoignages édifiants. « Les conditions dans l'usine étaient désastreuses », résume Dimitrinka dans le bureau de l'organisation. Cette ancienne ouvrière d'une soixantaine d'années a travaillé pendant plus de 20 ans dans l'un des principaux ateliers de Shtip.

« Il faisait froid parce qu'il n'y avait même pas de chauffage. On devait amener notre propre matériel de couture. C'était sale, les toilettes étaient toujours fermées. On était payées en dessous du salaire minimum ! »

En 2021, alors que leur entreprise connaît des difficultés, Dimitrinka et ses collègues sont privées de salaires pendant plus de trois mois. « Alors on a cherché de l'aide auprès de Kristina. Pour qu'elle fasse la médiatrice entre nos employeurs et nous. » Grâce à ses passages réguliers sur les chaînes de télévision, Kristina est devenue en quelques mois l'incarnation de la lutte des femmes du textile. Et le porte-voix de leurs doléances : son téléphone sonne en continu.

Décoré d'immenses affiches qui représentent les couturières en superhéroïnes, armées d'aiguilles et de fil à coudre, le local de son organisation accueille chaque jour des ouvrières démunies face à leurs employeurs peu scrupuleux. Elles y obtiennent gratuitement des conseils, mais aussi une aide légale concrète pour faire valoir leurs droits. Horaires de travail non respectés, salaires versés avec des mois de retard, heures supplémentaires non payées, congés maternité non accordés, etc. Les membres de l'organisation se chargent de rédiger leurs plaintes et de les transmettre aux institutions concernées, et notamment à l'inspection du travail.

La classe ouvrière face au moins-disant social

S'il est en déclin continu depuis de nombreuses années, le secteur du textile représente encore plus de 10 % du PIB nord-macédonien. La quasi-totalité de la production est destinée à l'export, et les usines de la région de Shtip travaillent essentiellement pour des marques allemandes, belges ou italiennes.

Avoir un atelier dans le Sud-Est européen est particulièrement avantageux pour ces grandes entreprises. « Vous avez une main-d'œuvre pas chère comme au Bangladesh ou comme en Chine, mais vous êtes dans les Balkans occidentaux », explique Kristina Ampeva. « En une journée, vous pouvez acheminer votre production n'importe où en Allemagne par exemple. C'est ce qui attire ces compagnies qui ont des usines en Albanie, en Serbie, au Monténégro et en Macédoine du Nord. »

Candidate à l'Union européenne depuis 2005, la Macédoine du Nord dispose sur le papier d'un code du travail plutôt protecteur, mais il est rarement respecté loi dans les ateliers. Les institutions du petit pays restent fragiles, et les employeurs influents ont peu de mal à faire valoir leurs intérêts auprès des décideurs. Selon les spécialistes, les mécanismes de contrôle étatique ne fonctionnent pas.

Le syndicat de l'industrie du textile, du cuir et de la chaussure de Macédoine (Синдикат на работниците од текстилната, кожарската и чевларската индустрија - STKC), affirme tenter d'agir. « Pour chaque violation des droits du travail, nous réagissons, par l'intermédiaire de l'inspection du travail, du médiateur public ou d'une action en justice », explique son président Ljupco Radovski, à Equal Times.

Mais ce n'est pas toujours efficace, puisque « les plaintes déposées par les employés sont la plupart du temps ignorées par l'inspection du travail et le pouvoir judiciaire », constate Branimir Jovanovic, économiste auprès de l'Institut de Vienne des études économiques internationales (WIIW) et ancien conseiller du gouvernement social-démocrate macédonien (2017-2019).

« Dans les rares cas où des mesures sont prises, les sanctions imposées aux entreprises sont minimes et les travailleurs concernés reçoivent rarement une compensation. Cela décourage les travailleurs de signaler les violations dont ils sont victimes et, dans le même temps, les entreprises sont encouragées à enfreindre les lois, car elles savent qu'elles ne subiront aucune répercussion. »

Ce fonctionnement clientéliste, qui favorise l'employeur, est l'une des plaies de nombreuses sociétés d'Europe de l'Est, embarquées depuis trois décennies dans une interminable « transition économique ». Les dérégulations et les privatisations ont accompagné la sortie du socialisme, et la classe ouvrière a été confrontée aux affres du moins-disant social, imposé par le néolibéralisme triomphant. L'économie nord-macédonienne souffre encore de la désindustrialisation post-yougoslave et les responsables politiques déroulent le tapis rouge aux investisseurs étrangers.

« La Macédoine du Nord se trouve géographiquement en Europe, mais c'est un pays typique de la périphérie capitaliste, notamment en ce qui concerne les normes de travail », contextualise Zdravko Saveski, sociologue à l'Institut des sciences sociales et humanités de Skopje (ISSHS). « Si une entreprise occidentale a par exemple besoin de conditions de travail plus flexibles, ce qui implique souvent de violer le droit du travail existant, le gouvernement peut l'aider à y parvenir… quitte à modifier la législation. On l'a encore vu récemment avec le projet de Bechtel-Enka. » Au printemps 2023, ce puissant consortium turco-américain aurait poussé le gouvernement social-démocrate à, entre autres, relever la durée légale hebdomadaire du travail à 60 heures.

En réponse, avec d'autres organisations de la société civile, Glasen Tekstilec, le STKC et la Fédération des syndicats de Macédoine (Сојуз на синдикатите на Македонија - SSM) se sont mobilisés et ont réussi à bloquer le projet de loi provisoirement. Une menace de plus pour les travailleurs, tandis que les scandales de corruption éclaboussent régulièrement la classe politique. Selon une étude du Centre macédonien pour la coopération internationale (CMCI), la corruption est ainsi la première préoccupation des citoyens.

10 % des travailleurs de Macédoine du Nord vivent dans la pauvreté

Forte de son expertise mise au service des ouvrières du textile, Glasen Tekstilec s'est imposée comme un interlocuteur dans le dialogue social. L'organisation a notamment contribué à certaines augmentations du salaire minimum, passé de 130 euros, il y a dix ans, à 320 euros aujourd'hui.

Kristina Ampeva et ses collègues conseillent également les rares employeurs de la région qui respectent le code du travail. C'est le cas de l'usine familiale de Hristian Velkov à Sveti Nikolé, une petite ville située à 30 kilomètres de Shtip. « Ici, on propose des conditions de travail bien différentes de celles des autres entreprises de la région », affirme ce styliste de 22 ans qui compte reprendre la direction de l'usine après son père. « Nos ouvrières travaillent 40 heures par semaine et les salaires varient de 25 000 à 34 000 dinars (400 à 560 €). Deux jours supplémentaires par mois sont payés au taux horaire majoré de 35 %. »

Glasen Tekstilec devrait prochainement se transformer en un véritable syndicat et le jeune patron ne s'oppose pas à son implantation dans son atelier. « Il faut proposer des bonnes conditions pour que les jeunes restent travailler dans notre pays. »

Alors que l'inflation galopante liée aux tensions internationales a exacerbé les inégalités et encore un peu plus précarisé les employés du secteur privé, la question de l'augmentation des salaires est au cœur des revendications ouvrières.

Selon beaucoup d'experts, la filière du textile pourrait ne pas survivre aux bouleversements actuels. « Près de 10 % des travailleurs de Macédoine du Nord vivent dans la pauvreté, l'un des taux les plus élevés d'Europe », s'inquiète l'économiste Branimir Jovanovic. « Dans le même temps, les 1 % les plus riches du pays gagnent 14 % du revenu national total, et ces disparités économiques sont les plus évidentes dans les usines textiles. Personne ne veut travailler dans cette filière quand les salaires sont si bas, le travail dur, les conditions mauvaises et que les ouvriers savent que les propriétaires empochent tous les profits. Si les choses ne changent pas rapidement, l'industrie textile s'éteindra lentement. »

Déjà durement éprouvée par la crise de 2008 et la pandémie de Covid-19, l'industrie textile nord-macédonienne vit-elle ses derniers jours ? Les conditions de travail dans le secteur rebutent la jeunesse qui préfère émigrer en Allemagne, et, faute de main-d'œuvre, de plus en plus d'entreprises européennes délocalisent leurs ateliers en Afrique du Nord.

« Le secteur s'effondre, car personne n'endosse la responsabilité pour toutes ces entreprises qui ne paient pas les salaires de leurs travailleurs », accuse Kristina Ampeva, infatigable. « C'est malheureusement un secteur économique criminel et nos politiques soutiennent ces pratiques criminelles. C'est à cause de ce système que nos jeunes et nos travailleurs en bonne santé quittent le pays. »

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