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Institut de Relations Internationales et Stratégiques - Think tank français spécialisé sur les questions géopolitiques et stratégiques

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19.04.2024 à 16:24

Israël – Iran : rester au bord du gouffre ?

Victor Pelpel

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L’évolution des hostilités entre Israël et l’Iran a démontré qu’il s’agissait-là pour les chefs de guerre des deux États de défendre leurs crédibilités respectives. Elles avaient été engagées auprès de leurs populations et de leurs soutiens à la suite d’une … Suite
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L’évolution des hostilités entre Israël et l’Iran a démontré qu’il s’agissait-là pour les chefs de guerre des deux États de défendre leurs crédibilités respectives. Elles avaient été engagées auprès de leurs populations et de leurs soutiens à la suite d’une part, des frappes du 1er avril sur le consulat iranien à Damas attribuées à Israël, puis des 300 drones et missiles lancés par l’Iran sur le territoire israélien le 13 avril, interceptés à 99%. Après quelques jours de débats autour d’une riposte israélienne contre l’Iran, fortement déconseillée par les États occidentaux, Israël a finalement répliqué ce 19 avril sans revendiquer officiellement l’attaque ni causer de dégâts majeurs. Une façon de défendre sa crédibilité, et d’éviter, du côté iranien, d’avoir à répliquer, ce qui aurait mené à une guerre régionale qu’il savait perdue d’avance. A-t-on évité l’escalade ?

Ce que l’on peut affirmer à l’heure actuelle, c’est qu’Israël ressort gagnant de ces échauffourées. D’abord, il a regagné le soutien de ses alliés qu’il voit durcir le ton avec l’Iran, dont les relations se sont, elles, davantage distendues avec les pays arabes. Puis, le dossier de ces derniers jours a largement détourné l’attention (relativement) portée sur Gaza, mais aussi sur la Cisjordanie, où l’installation de colonies illégales se poursuit malgré les injonctions successives de l’ONU qui appelle Israël à y mettre fin. Enfin, il a vu son allié étatsunien opposer son véto lors d’un vote au Conseil de sécurité sur l’adhésion pleine et entière de la Palestine à l’ONU qui aurait pu aboutir sans cette désapprobation.

Le point de vue de Pascal Boniface.

19.04.2024 à 10:49

« L’Europe enfla si bien qu’elle creva » – 4 questions à Sylvie Goulard

Victor Pelpel

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Ancienne députée européenne et ancienne ministre française des Armées, Sylvie Goulard répond à mes questions à l’occasion de la parution de son livre L’Europe enfla si bien qu’elle creva, aux éditions Tallandier. 1/ Vous vous élevez contre des élargissements successifs … Suite
Texte intégral (1108 mots)

Ancienne députée européenne et ancienne ministre française des Armées, Sylvie Goulard répond à mes questions à l’occasion de la parution de son livre L’Europe enfla si bien qu’elle creva, aux éditions Tallandier.

1/ Vous vous élevez contre des élargissements successifs sans réelle vision…

Les raisons invoquées pour accueillir dans l’UE des pays agressés, menacés ou influencés par la Russie (l’Ukraine, la Moldavie ou la Géorgie, les Balkans) ne sont pas illégitimes. Toutefois, personne n’explique ce que serait une Union à 36 (les négociations avec la Turquie étant au point mort mais n’ayant jamais été interrompues). Les conséquences du nombre et de la diversité culturelle, économique et sociale, comme des divergences politiques, ne me semblent pas prises au sérieux.

Il n’est dans l’intérêt de personne, ni dans l’UE, ni dans les pays tiers, que des promesses soient faites en l’air d’autant que, parmi les questions laissées sans réponse, certaines touchent à la nature même de l’Union européenne. Comment un projet conçu pour assurer la paix entre ses membres, peut-il se transformer en bouclier contre une puissance agressive ? À ce jour, la défense européenne reste une addition de moyens nationaux disparates. L’UE a besoin de fortifier le sentiment d’appartenance à un ensemble de valeurs et d’intérêts, pas de le diluer.

D’autres interrogations touchent à l’organisation : des institutions conçues pour six pays à l’origine, peuvent-elles être encore étirées ? Déjà, l’unanimité entrave les décisions, comme on le voit dans les relations avec la Chine ou à propos du conflit à Gaza.  L’UE n’a pas non plus le budget de ses ambitions ; les gouvernements négocient ses finances à huis clos, à l’unanimité, chichement. L’arrivée de pays dont le niveau de vie est inférieur à celui de la Bulgarie, le pays le plus démuni de l’UE, ne va ni améliorer ses ressources, ni aider à la cohésion sociale. Que restera-t-il des politiques existantes, politiques sociales, de recherche ou de protection de l’environnement,  par exemple ?

2/ Comment expliquer que l’on puisse envisager une adhésion de l’Ukraine sans avoir fait une étude d’impact ?

En novembre 2023, la Commission européenne a publié son analyse des pays candidats (comme elle contrôlera leur évolution tout au long du processus). Malheureusement, le regard est surtout tourné vers les autres. Nous devrions cesser de voir l’élargissement comme la transformation de pays tenus de s’adapter à nos standards. Ce projet appelle aussi un changement profond de nos usages et institutions.

Les critères d’adhésion adoptés à Copenhague, en 1993, sont au nombre de quatre ; trois concernent les pays candidats (État de droit, économie capable de rejoindre le marché unique, reprise des règles en vigueur dans l’UE).   Le 4ème touche à l’UE et à sa capacité d’assimiler ces nouveaux membres « tout en maintenant l’élan de l’intégration ». Malheureusement, cette exigence tend à être escamotée car elle dérange. En décembre 2023, les leaders européens se sont bornés à évoquer des « réformes », dans des termes vagues. Il n’y a ni parallélisme des deux processus, ni de vision partagée par la France et l’Allemagne, malgré leur responsabilité historique.

En 2004, dans un ouvrage traitant de la manière dont l’UE avait décidé d’ouvrir des négociations avec la Turquie (Le Grand Turc et la République de Venise, Fayard), je dénonçais déjà cette situation. Elle tient, à mon sens, à ce que le projet européen, né comme une Communauté d’hommes et de femmes, est en train de devenir une Union interétatique, une cousine de la SDN et de l’ONU où des gouvernements se bercent de mots sans mettre en œuvre leurs propres décisions. Certains leaders, cyniques, peuvent se dire qu’ils auront quitté le pouvoir lorsqu’il faudra tenir les promesses.

3/ La PAC pourrait-elle survivre à une adhésion de l’Ukraine ?

C’est une question importante, vu la force du secteur agricole ukrainien, vu aussi le poids de la PAC dans le budget de l’UE (1ère en volume) et … la force intacte des lobbies agricoles. Déjà, sous leur pression, des gouvernements affichant leur soutien à l’Ukraine (parmi lesquels la Pologne ou la France pour ne citer que ceux-là) ont âprement combattu l’entrée de sa production agricole dans le marché unique. Cela ne laisse pas bien augurer de la suite.

C’est aussi la question de la nature de la PAC qui se pose. L’arrivée de l’Ukraine aurait-elle pour effet de consolider un système consistant à subventionner massivement des productions industrielles utilisatrices de pesticides, nocives pour la biodiversité ou au contraire, aiderait-elle à canaliser enfin les aides vers une agriculture plus respectueuse des êtres humains et de l’environnement, mieux réparties sur l’ensemble de l’UE (production de montagne, petites exploitations, produits méditerranéens) ?

4/ Vous écrivez que « les gouvernements présument de l’adhésion des populations, plus qu’ils ne se donnent la peine de la construire »…

La diplomatie est mise avant la démocratie, la géopolitique ignore la politique. Pour le Conseil européen, les peuples suivront, en quelque sorte. Ou seront placés devant le fait accompli.  Un rejet à la fin de négociations qui auront duré des années, toujours possible, notamment en France où un referendum est probable, serait pourtant désastreux. L’expérience turque enseigne qu’à force de promettre sans savoir comment tenir ses engagements, on crée surtout du ressentiment.

Le désir de « vivre ensemble » dans une Union de valeurs, démocratique, ne peut pas se décréter. C’est pourquoi il est important de convaincre les Européens, d’encourager un débat sans tabou. Hélas les promesses ont été faites par le Conseil européen sans discussion ouverte et telle qu’elle semble partie, la campagne pour l’élection du Parlement européen risque de passer à côté.

Cet article est également disponible sur mon blog et ma page Mediapart.

18.04.2024 à 15:37

Géopolitique des Jeux olympiques

Victor Pelpel

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Peut-on séparer sport et politique ? Nombreux sont ceux qui les dissocient, comme s’il existait une imperméabilité entre les deux domaines ou du moins, une nécessité de les séparer. C’était d’ailleurs la volonté du créateur des Jeux olympiques modernes, Pierre … Suite
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Peut-on séparer sport et politique ? Nombreux sont ceux qui les dissocient, comme s’il existait une imperméabilité entre les deux domaines ou du moins, une nécessité de les séparer. C’était d’ailleurs la volonté du créateur des Jeux olympiques modernes, Pierre de Coubertin.

L’histoire des JO « modernes » de 1896 à nos jours aura montré que le sport est une véritable tribune pour les enjeux (géo)politiques contemporains. Visionnés par des milliards d’individus, les Jeux d’hiver et d’été ont été, en effet, le théâtre des rivalités géopolitiques ou encore de revendications politiques. Entre les boycotts, les suspensions de pays en guerre par le Comité olympique, les gestes politiques et symboliques, relais des luttes pour l’égalité, il semble impossible d’affirmer aujourd’hui que le sport et la politique sont indissociables. On se souvient notamment des images fortes à différentes éditions des Jeux : l’amitié entre Jessie Owens, athlète afro-américain et Luz Long athlète blanc et allemand en 1936 face à Hitler, le poing levé du Black Power de Tommie Smith et John Carlos en 1968 à Mexico, la prise d’otage de la délégation israélienne à Munich par un groupe extrémiste palestinien en 1972… Retour en vidéo sur les évènements et enjeux (géo)politiques qui ont marqué les Jeux olympiques.

L’analyse de Pascal Boniface.

18.04.2024 à 10:02

« Le CIO pourrait inscrire dans sa charte qu’un État en guerre ne peut pas participer aux Jeux »

Déborah Yapi

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17.04.2024 à 18:01

« Tant qu’il n’y aura pas de sanctions, ni de cessation de livraison d’armes à Israël, les responsables israéliens continueront »

Déborah Yapi

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Pourquoi le vote de la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU appelant à un « cessez-le-feu immédiat » n’a pas marqué de tournant dans la bande de Gaza ? Il y a deux éléments de réponse à apporter. Le … Suite
Texte intégral (2680 mots)

Pourquoi le vote de la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU appelant à un « cessez-le-feu immédiat » n’a pas marqué de tournant dans la bande de Gaza ?

Il y a deux éléments de réponse à apporter. Le premier, c’est qu’on est, tout de même, à l’orée d’une nouvelle étape puisqu’on se souvient que, depuis le 7 octobre, à trois reprises, les États-Unis avaient posé leur veto à des résolutions portées au Conseil de sécurité, visant à obtenir un cessez-le-feu. Cette fois-ci, ils se sont abstenus et on sait très bien que dans le fonctionnement du Conseil de Sécurité, une abstention permet de passer ladite résolution. De ce point de vue, il y a une véritable évolution de la part des États-Unis.

Rappelons toutefois que cette résolution n’est pas contraignante à l’encontre de l’État d’Israël. La meilleure preuve, c’est que depuis l’adoption de cette résolution, les dirigeants israéliens continuent de bombarder de façon aussi intensive et sauvage que lors de ces derniers mois. Et surtout, en matière d’aide, notamment militaire, de la part des États-Unis à l’État d’Israël, rien n’a changé. Il y a une forme de duplicité de la part des États-Unis. Ils ont bougé dans la mesure où ils se sont abstenus de leur veto. Tant mieux ! C’est un point d’appui. Mais dans le même mouvement, il y a eu 100 envois aériens de livraisons d’armes à Israël depuis le 7 octobre. C’est quelque chose d’énorme. Il faudra suivre cela, mais ce serait une aide militaire de plusieurs milliards de dollars. Tant qu’il n’y aura pas de sanctions, ni de cessation de livraison d’armes à Israël, les responsables israéliens continueront.

Que faudrait-il pour contraindre l’État d’Israël à stopper l’opération militaire en cours ?

Je pense qu’il n’y a pas 36 solutions. Il y a la nécessité, pour ma part le souhait, que dans les plus brefs délais, les accords d’association avec Israël, concernant les États-Unis, mais aussi l’Union Européenne, dont la France, doivent être suspendus, voire dénoncés, car on sait fort bien, vu la composition du gouvernement israélien, que seul le rapport de force peut peser sur la situation. La seule manière de faire plier Israël est de lui imposer des sanctions économiques. Les dirigeants israéliens ne comprennent que la force, qu’ils utilisent brutalement contre les Palestiniens. Le propos, c’est d’être aussi rudes et brutaux qu’eux, sans opération militaire bien entendu. Je parle de sanctions économiques, politiques. Ce sont des décisions qui peuvent se prendre concrètement. Les bonnes résolutions, les déclarations, sont nécessaires. Mais totalement insuffisantes.

J’observe le secrétaire général de l’ONU qui mène un combat de principes depuis des semaines. Il a raison sur ce qu’il déclare. Il a dénoncé la politique israélienne à maintes reprises. Mais comme il n’a pas les moyens d’imposer des sanctions envers qui que ce soit, les dirigeants israéliens continuent leur œuvre de mort méthodique comme si de rien n’était. C’est une leçon de ces six derniers mois, mais on peut remonter beaucoup plus loin dans le temps du fait que les dirigeants israéliens jouissent d’un total sentiment d’impunité. À un moment donné, il faut dire stop ! On dénonce tel accord d’association. On arrête les livraisons d’armes. On arrête les livraisons économiques. Et là, peut-être que leur position évoluerait. Il y a urgence car pendant ce temps-là, il y a des gens qui meurent de faim dans des conditions d’inhumanité barbare.

Depuis le lancement des représailles après l’attaque du Hamas du 7 octobre, le gouvernement israélien – et ses soutiens en Occident – accusent l’ONU ou d’autres instances internationales d’antisémitisme. N’est-ce pas plutôt sa politique à l’égard des Palestiniens qui fait désormais monter l’antisémitisme dans le monde?

Oui. À nouveau, il y a deux niveaux de réponse. Tout d’abord, les Israéliens sont passés maîtres, depuis longtemps, dans l’art d’accuser d’antisémitisme toute personne, toute institution ou tout gouvernement qui ose porter une critique à l’égard de leur politique. C’est une ritournelle classique qui, depuis le 7 octobre, prend une ampleur considérable.

Mais ce qui est terrible, dans cette histoire, c’est qu’à travers le monde, cette politique de la terre brûlée, dont la Cour internationale de justice a évoqué des intentions génocidaires, peut nourrir, et c’est regrettable, des critiques, des actions, des manifestations dont certaines peuvent en effet avoir un caractère antisémite. Honnêtement, je crois que c’est là un aspect infiniment minoritaire. Qu’il y ait des antisémites, je le regrette et le condamne. Mais pour l’instant, dans le mouvement de solidarité internationale à l’égard des Palestiniens, l’immense majorité des positions, qu’elles soient individuelles, d’intellectuels, de responsables politiques, de gouvernements, ne peuvent pas être qualifiées d’antisémites. Elles sont critiques à l’égard de la politique d’Israël. Mais à travers le monde, le mouvement de solidarité est réel, tant dans les pays dits du Sud que dans les pays occiden

Que vous inspire la démarche entamée par la Cour internationale de justice le 26 janvier dernier pour prévenir un « risque de génocide » ?

Je pense que la Cour internationale de justice avait raison, et que tout converge à terme dans le sens d’une qualification de génocide. C’est ce que je pense. Ceci étant dit, l’accusation est très grave et elle doit être fondée juridiquement. Pour l’instant, nous n’en sommes pas là. La Cour internationale de justice, fin janvier, a évoqué le risque génocidaire. Elle n’a pas qualifié la politique israélienne de génocide. Et nous savons, malheureusement, que pour instruire ce dossier, cela va prendre des mois, voire des années. Or, il y a une urgence absolue. De mon point de vue, il y a tous les éléments d’une politique génocidaire, mais pour le moment cela reste une qualification politique. Pour la qualification juridique, il faudra que le dossier soit instruit. Et tant que nous sommes encore dans la phase actuelle du conflit, l’instruction n’ira pas à son terme. On peut regretter que la justice internationale n’ait pas un rythme correspondant à celui des nécessités humanitaires que nous avons sous les yeux. C’est le propre des actes de justice de ne pas correspondre au temps politique.

Si d’aventure l’État d’Israël est jugé comme un État génocidaire, est-ce que des pays tels que les États-Unis, le Royaume-Uni, la France ou l’Allemagne pourraient être visés par des plaintes d’autres pays pour complicité de génocide devant la CIJ ?

D’un point de vue strictement juridique, oui. Mais nous savons que le droit international est dépendant des rapports de force politiques. Dans l’hypothèse où des actes génocidaires seraient établis par la Cour internationale de justice, alors oui, des États comme ceux que vous avez cités pourraient être accusés de complicité de génocide. C’est tout à fait envisageable. Mais cela dépendra des rapports de force car quel État, quelle entité pourrait vouloir accuser les États-Unis, la France ou d’autres États et quelle serait la poursuite juridique ? Cela n’est pas écrit d’avance.

En tout cas, au niveau politique, on peut considérer qu’il y a une forme de complicité de la part d’États comme les États-Unis, la France, et de nombreux autres, face à ce qui se passe actuellement parce que si j’évoquais tout à l’heure une duplicité des États-Unis s’abstenant au Conseil de sécurité tout en livrant des armes à Israël, la France ne vaut guère mieux sur le principe. Je sais que la France livre beaucoup moins d’armes que les États-Unis à Israël, mais elle pourrait se battre, au sein de l’Union européenne, pour la dénonciation ou la suspension des accords d’association avec Israël. Elle ne le fait pas. On regarde pudiquement ailleurs pour éviter de prendre les responsabilités.

taux. Les fondements politiques de ce mouvement de solidarité au peuple palestinien sont la dénonciation de la barbarie, de la colonisation, de la volonté d’annexion. Ce sont des engagements et des objectifs politiques. Cela n’a rien d’antisémite. Il faut déconstruire ces pseudo-accusations israéliennes.

Il a fallu près de six mois pour qu’il y ait une résolution onusienne pour un cessez-le-feu. N’est-ce pas un aveu d’impuissance de la part de l’instance internationale ?

Là aussi, il y a deux niveaux de réponse. Une des leçons qu’on peut d’ores et déjà tirer, c’est l’inadéquation des organisations internationales pour peser sur la résolution des conflits. Celui de Gaza est singulièrement terrifiant. Il y en a beaucoup d’autres à l’égard desquels ladite « communauté internationale » a fait preuve de son inefficacité. Cela nous pose un sacré défi collectif. J’entends, dans certains débats, que l’ONU ne sert à rien. Je ne suis pas d’accord. L’ONU, j’en vois toutes les limites, notamment sur la question palestinienne, parce qu’on parle, à raison, de l’actualité chaude. Mais rappelons-nous toujours de la résolution 242 de l’ONU, de novembre 1967, qui n’est toujours pas appliquée. Ce n’est pas tout à fait nouveau et on peut constater qu’à propos de la Syrie par exemple, que ladite « communauté internationale » a fait preuve de son impuissance.

En tant que chercheur, journaliste, citoyen, nous avons notre mot à dire sur la nécessaire refondation de l’ONU parce que si on veut être efficace, si on veut que l’ONU soit un instrument efficient de régulation des relations internationales, il faut la modifier de fond en comble. Facile à dire, infiniment compliqué à faire, je le sais. Mais le constat actuel, et cette crise palestinienne, le prouvent tragiquement: c’est qu’il n’y a plus d’instance de régulation internationale fonctionnelle et efficace.

Il y a un deuxième niveau de réponse, si on zoome sur la singularité de la question israélo-palestinienne. On sait bien que nombre d’États occidentaux ont une sorte de mauvaise conscience à l’égard d’Israël en raison de l’Holocauste. Il est vrai qu’on évoquait le sentiment d’impunité et cette expression est parfaitement juste pour décrire la façon dont les dirigeants israéliens, qu’ils soient travaillistes, du Likoud ou d’extrême-droite, ont compris que ladite « communauté internationale », notamment sa composante occidentale, n’ose pas prendre des sanctions parce qu’il y a toujours ce rapport singulier à l’égard de l’État d’Israël. C’est insupportable parce qu’encore une fois, être exigeant, voire sévère à l’égard d’Israël, ce n’est pas du tout faire preuve d’antisémitisme ! C’est tout simplement vouloir faire respecter le droit international. Il est important, intéressant, que ce soit l’Afrique du Sud qui ait saisi la Cour internationale de justice. Un État dit « du Sud ». Je pense que c’est un indicateur de ce qu’on appelle le basculement du monde. Il y a quelques mois, j’ai co-écrit, avec un ami, Christophe Ventura, un livre qui s’appelle Désoccidentalisation-Repenser l’ordre du monde. Je pense que c’est un fait majeur des relations internationales. La désoccidentalisation du monde n’est pas un concept géographique, mais un concept politique. Le fait est que nombre d’États ne veulent plus passer sous les fourches caudines des exigences occidentales. Le fait que ce soit un État du Sud qui ait saisi la CIJ est donc tout à fait révélateur du cours actuel des relations internationales qui va, sûrement, s’approfondir dans les années à venir. C’est un phénomène marquant et je pense que dans ce cadre-là, les dirigeants israéliens seraient bien à même de méditer ce basculement du monde parce que je pense que leur sentiment d’impunité risque, peu à peu, de disparaître parce que des États comme l’Afrique du Sud, comme le Brésil, la Turquie, ne sont pas en situation d’avoir les mêmes préventions à l’égard d’Israël que les États occidentaux. Il y a là quelque chose d’essentiel pour l’avenir. Les rapports de force internationaux sont en train de se modifier profondément.

Est-il nécessaire de réformer en profondeur le fonctionnement de l’ONU, notamment celui du Conseil de Sécurité ? Si oui, faudrait-il supprimer les sièges permanents et le droit de veto allant avec ?

Je pense qu’il faudrait le faire. Mais chacun comprend que cela ne pourra pas se réaliser d’un coup de baguette magique. C’est impossible aujourd’hui parce qu’évidemment, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité jouissent de ce pouvoir inouï de droit de veto, qui est insupportable. L’ONU, dans son essence, c’est l’égalité entre tous les États puisque chaque État a une voix. On sait bien que ce droit de veto est le produit des rapports de force issus de la Seconde guerre mondiale, avec un tour de force des Français pour obtenir ce droit de veto d’ailleurs. Ces cinq États s’arc-boutent sur une prérogative absolument injuste.

La tâche, dans les années à venir, c’est que le Conseil de sécurité ne fonctionne plus de cette façon. Déjà, il faut l’élargir à d’autres États. Il faut aussi modifier la règle du veto. Mais vous imaginez bien que ni les Russes, ni les États-Uniens, ni les Chinois, ni les Britanniques et ni les Français ne veulent voir cette prérogative être supprimée ! Pourtant, c’est la voie vers laquelle on doit se diriger. Il est incroyable qu’il n’y ait pas de pays africains, pas de pays latino-américains, pas de pays moyen-orientaux qui soient représentés, de façon permanente, au Conseil de sécurité. Je pense que la marche de l’Histoire sera celle d’élargir le Conseil de Sécurité et de supprimer le droit de veto. Encore une fois, ce n’est pas pour tout de suite. Cela va prendre du temps. Ce sera une bataille politique acharnée pour parvenir à ce résultat.

Il y a d’autres réformes du fonctionnement de l’ONU à mener. Mais je suis, pour ma part, persuadé, en dépit de toutes ses faiblesses, que c’est un instrument à conserver, à réformer, à refonder, parce qu’on n’a pas inventé mieux pour tenter de réguler les relations internationales. Je pense qu’il faut maintenir une enceinte où les conflits, les tensions, les différends, peuvent être discutés, plutôt que de multiplier les conflits guerriers. J’espère que ce n’est pas un vœu pieux de ma part. C’est du travail. Rien ne sera mécanique, automatique. C’est la volonté politique qui comptera.

Propos recueillis par Jonathan Baudoin pour Quartier Général. 

17.04.2024 à 17:41

Quelles conséquences du conflit entre l’Iran et Israël sur le cours du pétrole ?

Déborah Yapi

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