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12.03.2024 à 18:23

Notre audition dans le cadre de la commission d'enquête sénatoriale sur TotalEnergies

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Le lundi 11 mars 2024, Olivier Petitjean, coordinateur de l'Observatoire des multinationales était auditionné dans le cadre de la commission d'enquête du Sénat sur « les moyens mobilisés et mobilisables par l'État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France ».
On retrouvera ci-dessous l'enregistrement de cette audition, au cours de laquelle Olivier Petitjean a notamment tiré (…)

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Le lundi 11 mars 2024, Olivier Petitjean, coordinateur de l'Observatoire des multinationales était auditionné dans le cadre de la commission d'enquête du Sénat sur « les moyens mobilisés et mobilisables par l'État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France ».

On retrouvera ci-dessous l'enregistrement de cette audition, au cours de laquelle Olivier Petitjean a notamment tiré les leçons de nos enquêtes sur les portes tournantes et sur l'usage qu'en fait le groupe pétrogazier français, et présenté les conclusions de notre étude pour 350.org, TotalEnergies : comment mettre une major pétrogazière hors d'état de nuire.

Voir la page de la commission d'enquête pour le programme et les captations des autres auditions.

11.03.2024 à 23:49

AI Act : le troublant lobbying des « champions » européens, Mistral AI et Aleph Alpha

Olivier Petitjean

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Sous prétexte de ne pas nuire au développement de potentiels champions comme Mistral AI en France, les gouvernements de l'UE ont considérablement atténué la portée de la nouvelle loi sur l"intelligence artificielle qui doit être validée à Bruxelles ce mercredi. Au bénéfice de qui au final ?
Ce mercredi 13 mars, le Parlement européen doit donner son approbation finale à l'AI Act, future loi européenne sur l'intelligence artificielle. Le texte soumis au vote est le résultat de mois de (…)

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Sous prétexte de ne pas nuire au développement de potentiels champions comme Mistral AI en France, les gouvernements de l'UE ont considérablement atténué la portée de la nouvelle loi sur l"intelligence artificielle qui doit être validée à Bruxelles ce mercredi. Au bénéfice de qui au final ?

Ce mercredi 13 mars, le Parlement européen doit donner son approbation finale à l'AI Act, future loi européenne sur l'intelligence artificielle. Le texte soumis au vote est le résultat de mois de débats et de négociations. Que va-t-il changer concrètement ? C'est malheureusement la question que l'on ne peut manquer de se poser à propos des législations concoctées à Bruxelles, particulièrement lorsqu'elles donnent lieu – comme cela a été le cas pour l'AI Act – à d'intenses batailles de lobbying.

En l'occurrence, cependant, contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce ne sont pas OpenAI ni Microsoft, Meta (Facebook) ou Google qui ont été au premier plan de cette bataille - du moins sur la dernière ligne droite. Ce sont les start-up européennes du secteur, à commencer par l'allemande Aleph Alpha et la française Mistral AI. Et, grâce au soutien appuyé de leurs gouvernements, ces prétendus « champions » ont largement obtenu gain de cause. « Dans sa forme finale, l'AI Act est tout à fait gérable pour nous », se félicitait ainsi Arthur Mensch, cofondateur et directeur de Mistral AI dans un récent entretien avec Le Monde. Le patron d'Aleph Alpha, Jonas Andrulis, est plus direct encore : « La version actuelle de l'AI Act est bonne. Il y a eu beaucoup de travail qui a mené à des améliorations importantes près de la ligne d'arrivée. »

De fait, dans la version finale de la loi européenne, leurs modèles à usage général ne sont plus classifiés comme à risque, de sorte que leurs produits – et quasiment tous les autres à l'exception de ChatGPT – ne plus sont soumis qu'à des obligations minimales de transparence... dont la teneur et la mise en œuvre restent encore à préciser. Sous prétexte de ne pas nuire au développement de potentiels champions européens, nos gouvernements ont de fait renoncé à réguler concrètement une grande partie du secteur de l'intelligence artificielle. Mais au bénéfice de qui au final ?

Ambitions revues à la baisse

C'est en 2021 que la Commission européenne a présenté sa proposition de loi initiale sur l'AI. Celle-ci reposait sur un principe simple : celui de séparer les pratiques et technologies entre celles qui doivent être purement et simplement interdites, celles qui doivent être soumises à des régulations plus fortes et celles qui peuvent en être dispensées. La publicité faite autour de ChatGPT lors de son lancement en 2022 a changé la donne. À l'initiative du Parlement européen, la loi européenne a intégré la problématique de l'intelligence artificielle générative, jusqu'alors absente du texte. Les eurodéputés ont introduit des mesures plus contraignantes pour les modèles d'IA dits “à usage général”, du fait des risques que pourraient engendrer certaines utilisations.

Inacceptable pour les grandes entreprises du secteur, qui sont immédiatement entrées en action. Sur l'année 2023, le projet de loi a donné lieu à pas moins de 122 de réunions de lobbying à la Commission européenne, soit une tous les deux jours ouvrables, dont 78% avec les industriels. Mais dans les derniers mois de cette lutte d'influence, les Microsoft, Meta, Google et autres se sont fait plus discrets. Ce sont les acteurs européens, Mistral AI et Aleph Alpha en tête, qui ont été les têtes de pont de la bataille, en intervenant dans les médias et auprès des politiques. Jusqu'il y a peu, ils étaient totalement inconnus du grand public, voire des dirigeants politiques. Les statuts de Mistral AI n'ont été déposés qu'en mai 2023, il y a moins d'un an. Mais ils ont su trouver les arguments pour convaincre les gouvernements des grands pays européens de réduire les ambitions de l'AI Act. Il y a quelques mois encore, le patron d'Aleph Alpha se plaignait :« Nous sommes leaders en matière d'innovation, mais pour l'instant nous avons fait zéro lobbying. » Depuis, les choses ont bien changé.

Mistral AI est peut-être la plus jeune entreprise à avoir jamais obtenu un rendez-vous avec les dirigeants de la Commission européenne. Un peu plus de deux mois à peine après sa création, les représentants de Mistral AI rencontraient Roberto Viola, le patron de la DG Connect, pour discuter d'AI générative. Un second rendez-vous a eu lieu début mars 2024 avec le cabinet de la commissaire européenne responsable des dossiers numériques pour “présenter l'entreprise”. Mais Mistral semble déjà bien présente à Bruxelles où elle a rencontré deux députés européens clés sur le sujet de l'IA et elle a également rencontré en novembre les représentants belges, qui assurent actuellement la présidence tournante du Conseil. En novembre, un de ses cadres avait déjà participé à un événement sur l'AI organisé par le prédécesseur de la Belgique : l'Espagne.

« Si on perd des leaders ou des pionniers à cause de ça... »

De fait, c'est surtout à travers les gouvernements des plus gros États-membres, et notamment ceux de la France et de l'Allemagne – alliés à l'Italie – que l'offensive a été menée. Dans les derniers mois de l'année 2023, les dirigeants de ces trois pays ont multiplié les critiques contre les velléités de régulation du Parlement européen. Lors d'un sommet organisé en novembre 2023 à Rome en présence d'industriels, les ministres des trois pays ont martelé le message. « Je suis tout à fait d'accord avec mes collègues italien et français pour dire que nous avons besoin d'une régulation favorable à l'innovation dans le domaine de l'AI, y compris l'AI à usage général, a ainsi expliqué l'allemand Robert Halbeck. (…) Les règles doivent être établies lorsque des risques spécifiques surviennent dans l'application [des modèles]. » « Nous devons travailler ensemble sur ce sujet au niveau de l'UE, main dans la main avec l'industrie », a renchéri son homologue italien Adolfo Urso.

Même après qu'un texte de compromis a été validé – théoriquement de manière définitive – au niveau du Conseil de l'UE, les dirigeants français sont revenus à la charge. « Il faut éviter d'écraser les innovateurs européens sous une réglementation trop lourde », avait ainsi réagi Jean-Noël Barrot, le ministre délégué au Numérique, évoquant « les discussions qui vont nécessairement se poursuivre pour régler un certain nombre de détails » Quelques jours plus tard, à l'occasion du deuxième anniversaire du plan France 2030, Emmanuel Macron abondait dans le même sens : « On peut décider de réguler beaucoup plus vite et beaucoup plus fort que nos grands compétiteurs mais on régulera des choses qu'on ne produira plus ou qu'on n'inventera pas. Ce n'est jamais une bonne idée. »

Et le président français d'en appeler à une évaluation régulière de l'AI Act et de ses conséquences : « Si on perd des leaders ou des pionniers à cause de ça, il faudra revenir. C'est clé. » Pour les dirigeants politiques, l'enjeu est bien là : garder les fleurons français et allemands de l'AI en Europe même, et éviter qu'ils ne partent aux Etats-Unis ou, plus près, à Londres, où le gouvernement conservateur leur fait les yeux doux en promettant une régulation plus souple. Le patron de Aleph Alpha n'a pas hésité à brandir explicitement la menace : « Si nous ne pouvons pas survivre en Europe, nous devrons agir. »

Des gouvernements travaillés au corps

Du côté allemand, le travail d'influence mené par Aleph Alpha auprès de leurs dirigeants est bien documenté. Nos partenaires allemands de LobbyControl ont retrouvé la trace de pas moins de douze rendez-vous de lobbying entre juin et novembre 2023 entre la start-up et des membres du gouvernement fédéral, à commencer par le ministre de l'Économie Robert Habeck, des Verts, et le ministre du Numérique Volker Wissing, du parti libéral FDP. Les dirigeants d'Aleph Alpha ont même rencontré une fois le chancelier Olaf Scholz lui-même [1]. Les dirigeants d'Aleph Alpha ont été auditionnés à plusieurs reprises et ont transmis au gouvernement allemand nombre d'argumentaires, désormais rendus publics. L'enquête menée par LobbyControl montre que les ministres allemands ont repris point pour point les éléments de langage avancés par Aleph Alpha contre une régulation trop contraignante des modèles à usage général l'AI. Notamment l'idée, martelée aussi bien par les GAFAM, qu'il ne fallait pas réguler les modèles, mais seulement les usages.

En France, faute du niveau minimal de transparence similaire que l'on constate outre-Rhin ou à Bruxelles, nous en sommes réduits à observer les traces publiques du lobbying de Mistral AI. Par exemple les multiples occasions, depuis le salon Vivatech en juin 2023 jusqu'au récent forum de Davos, où les dirigeants de la start-up ont été invités à partager la scène avec Emmanuel Macron ou d'autres leaders français, en passant par des dîners à l'Élysée en marge de conférences publiques [2]. Ces derniers mois, les dirigeants de start-ups spécialisées dans l'AI se sont vu dérouler le tapis rouge. Stanislas Polu, fondateur de Dust, une autre start-up d'IA invité au même dîner, a bien résumé l'ambiance : (« Pour la première fois de ma vie, j'ai eu l'opportunité de dire quelque chose une semaine et de voir le plus haut échelon de l'Etat faire une annonce en ce sens la semaine suivante. »

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Collaboration public-privé

Mais c'est évidemment le débauchage par Mistral AI de Cédric O, proche d'Emmanuel Macron et ancien secrétaire d'Etat au numérique, comme actionnaire et responsable des relations publiques via sa société de conseil, qui retient l'attention (lire notre article). Il faut dire qu'il n'a pas hésité à tenir sur la régulation de l'AI un discours exactement inverse à celui qu'il tenait alors qu'il était au gouvernement. En 2022 à New York, il affirmait encore : « Nous avons besoin de plus de réglementation. Si le prix à payer est d'avoir un cadre différent aux États-Unis et dans l'Union européenne, alors nous le paierons. » Un peu plus d'un an plus tard, la tonalité était toute différente : « Les investisseurs attendent de voir quelles seront les conséquences de l'IA Act (future législation européenne sur l'intelligence artificielle). S'ils estiment qu'il empêche de créer des champions de rang mondial, alors ils investiront dans des entreprises américaines. »

Le 30 juin 2023, avec René Obermann, président du géant de l'aérospatiale et de la défense Airbus, et Jeannette zu Fürstenberg, du fonds de capital-risque technologique La Famiglia, Cédric O a été l'un des initiateurs d'une lettre ouverte signée par 150 entreprises européennes affirmant que la loi sur l'IA « mettrait en péril la compétitivité et la souveraineté technologique de l'Europe ».

Sur le réseau Linkedin, l'ancien secrétaire d'État s'est félicité, à propos du sommet sur l'AI organisé par le gouvernement britannique en novembre dernier (OpenAI, Google/Deepmind, Anthropic, Inflection, Meta... et Mistral AI), de la collaboration entre secteur public et secteur privé français : « J'ai participé à nombre de ces réunions lors des 5 ans que j'ai passés au service de l'État. La France était toujours du côté des régulateurs, jamais des acteurs. Cette fois, les Français étaient des deux côtés de la table (Bruno Le Maire et Jean-Noël Barrot pour le gouvernement, Arthur Mensch et moi-même pour Mistral AI)... et ça change tout. »

Alors qu'il joue le rôle de lobbyiste en chef de Mistral AI, Cédric O a gardé ses attaches dans le public puisqu'il a été nommé en octobre 2023 au « comité de l'intelligence artificielle générative » mis en place pour conseiller le gouvernement sur sa politique en matière d'IA. Présenté comme simple « consultant » sur le site de Matignon [3], il y siège d'ailleurs aux côtés de son patron et co-actionnaire Arthur Mensch.

Lire aussi Les bonnes affaires de Cédric O, ex secrétaire d'État

Cédric O n'est pas le seul chez Mistral AI à emprunter les « portes tournantes » entre public et privé. William El Sayed, lui aussi sorti de Polytechnique et recruté en juillet 2023 pour aider les fondateurs de Mistral AI, a fait de janvier à juin 2023 son stage de fin d'étude auprès du ministre chargé du Numérique et des Télécommunications. Sa mission ? La conception de la stratégie IA dans le cadre du plan France 2030. Le monde est petit.

Porte-voix des GAFAM ?

Mistral AI et Aleph Alpha, les prétendus champions européens, ont-ils surtout au final servi de paravent pour le lobbying des GAFAM ? C'est la question que se posent certains observateurs. Et elle se pose de manière encore plus vive depuis que Mistral AI a annoncé, à la fin du mois de février, un partenariat de grande ampleur avec Microsoft, avec à la clé un investissement de 15 millions d'euros de ce dernier. Les modèles de Mistral AI seront désormais entraînés et distribués sur les serveurs du géant américain, dans le cadre d'un arrangement qui n'est pas sans rappeler – même s'il reste à ce stade de bien moindre ampleur – celui passé par le même Microsoft avec OpenAI.

« Cette transaction était-elle en cours de préparation alors que l'AI Act était en cours de négociation ?, se demande ainsi le journaliste spécialisé Luca Bertuzzi. Il semble irréaliste qu'un tel partenariat puisse être conclu en moins d'un mois. De nombreuses personnes impliquées dans l'AI Act ont d'ailleurs remarqué que le lobbying des GAFAM sur l'AI à usage général s'était soudainement calmé vers la fin. Cela s'explique par le fait qu'ils n'avaient pas besoin d'intervenir puisque Mistral faisait le "sale boulot" pour eux. Les arguments de Mistral étaient remarquablement similaires à ceux de Big Tech. »

Les eurodéputés verts ont immédiatement demandé aux commissaires européens Thierry Breton et Margrete Vestager d'examiner si Mistral AI n'avait pas servi de faux nez au lobbying de Microsoft, en violation des règles de transparence et de prévention des conflits d'intérêts. La direction de la Concurrence de la Commission a précisé quant à elle que l'accord entre Mistral et Microsoft serait étudié dans le cadre de l' examen préliminaire” qu'elle vient de lancer sur le partenariat entre Microsoft et OpenAI – soupçonné d'être une acquisition masquée.

La France, meilleure amie de la Silicon Valley

À écouter les discours des dirigeants de la start-up française – non seulement ceux qu'ils tiennent en France, mais aussi ceux qu'ils tiennent à l'étranger –, difficile de ne pas percevoir la trace d'un certain opportunisme. D'un côté, ils ne manquent pas une occasion de faire miroiter l'émergence d'un champion français et européen enfin capable de redorer le blason technologique du vieux continent. De l'autre, par exemple lors d'un entretien avec le Financial Times, ils minimisent leurs liens avec l'Etat français, qu'ils assurent « maintenir à distance » de leurs affaires.

De bonne guerre, peut-être, du point de vue des entreprises concernées. Mais qui fait sonner les grands slogans gouvernementaux sur la « souveraineté numérique » particulièrement creux. Derrière la prétention à faire émerger des champions européens, il y a surtout en réalité une politique d'attractivité visant à faire de la France le partenaire privilégié de la Silicon Valley en Europe. « L'autre question, ajoute Luca Bertuzzi, est de savoir dans quelle mesure le gouvernement français était au courant de ce partenariat à venir avec Microsoft. Il semble peu probable que Paris ait été tenu complètement dans l'ignorance. »

Cette ambiguïté se retrouve dans la composition de ce fameux comité consultatif à Matignon évoqué plus haut. Outre Cédric O et Arthur Mensch, on y retrouve des représentants de grandes entreprises comme Dassault Systèmes ou Renault, mais aussi Google et de Meta – en la personne de Yann Le Cun, lauréat du prix Turing et vice-président de Meta, très en pointe sur la défense publique de l'AI – ainsi que d'institutions financées par ces dernières, comme le « Paris Artificial Intelligence Research Institute ».

Lire aussi GAFAM Nation

Il est vrai que, dans le domaine de l'AI comme du numérique en général, les GAFAM sont aussi omniprésents qu'incontournables. Les trois fondateurs de Mistral AI, passés par l'école Polytechnique, sont des anciens de Meta et de Google, tout comme plusieurs de leurs employés.

Et cet effet de trait d'union entre l'Etat français et les GAFAM se retrouve enfin du côté des financements. Mistral AI a fait pour l'instant deux levées de fonds, de 105 millions d'euros en juin 2023, puis de 385 millions d'euros en décembre 2023 – une somme qui n'a été dépassée que par Aleph Alpha. Parmi les participants à ces levées, on retrouve à la fois Bpifrance, bras armé financier de l'État français, des grandes firmes de « venture capital » américaines comme Lightspeed, quelques poids lourds comme BNP Paribas et CMA-CGM, et des fonds liés aux grandes entreprises de la tech (Nvidia, Salesforce) ou aux grandes fortunes françaises ou européennes (Xavier Niel, JC Decaux, la famille Motier des Galeries Lafayette, Exor de la famille Agnelli, Sofina...). À quoi s'ajoute désormais Microsoft. Une intéressante convergence d'intérêts.

Le diable dans les détails

L'accès privilégié dont les entreprises comme Mistral AI et Aleph Alpha bénéficient auprès de leurs gouvernements et de la Commission européenne – et l'absence criante de points de vue alternatifs - sont d'autant plus préoccupants que le travail de régulation de l'intelligence artificielle ne fait que commencer. Une fois que l'AI Act dans sa version allégée sera adopté, il faudra ensuite le mettre en œuvre. Ce qui, dans un domaine aussi technique, et avec des règles offrant tant de marges d'interprétation, ne sera sans doute pas une mince affaire.

L'AI Act, par exemple, établit un seuil à partir duquel un modèle à usage général est considéré comme comportant un risque systémique, avec à la clé des obligations renforcées. Pour Mistral AI et Aleph Alpha, il s'agissait justement de ne pas tomber dans cette catégorie, et ils ont obtenu gain de cause. Pour l'instant, seul GPT4, le dernier modèle d'OpenAI, est concerné. Pourrait-il être rejoint un jour par les modèles développés par les start-up européennes ? En réalité, le seuil fixé par le texte, une puissance de calcul cumulée de plus de 10^25 FLOPS, offre une marge d'interprétation qui le rend facile à contourner – c'est peut-être ce qu'Arthur Mensch qualifiait de « gérable » dans son entretien au Monde.

De même, les obligations de transparence précises qui s'imposeront aux modèles restent à fixer dans le cadre de « discussions techniques avec la Commission européenne, auxquelles nous participons », ajoute le cofondateur de Mistral AI. Il en va de même pour de nombreux autres détails de la mise en œuvre du texte, sans garantie que d'autres points de vue que ceux – largement convergents – des start-ups européennes et des GAFAM soient entendus.

L'AI Act prévoit enfin la création d'une nouvelle agence européenne dédiée, à laquelle serait associé un conseil consultatif, dont la composition est pour l'instant peu claire. Si la future instance suit le même modèle que celui du comité de Matignon, il y a peut-être du souci à se faire.

Comme le rapporte L'informé, la région Ile-de-France s'est d'ailleurs déjà portée candidate pour accueillir le siège de cette nouvelle agence, en lien avec la ville de Paris et l'État. L'un de ses principaux arguments de vente ? La présence sur place de champions européens comme Mistral AI.

Olivier Petitjean


23.02.2024 à 10:57

L'Observatoire des multinationales propose une nouvelle série de formations

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Comment enquêter sur les multinationales ? Sur leur lobbying ? Comment décrypter et exploiter les rapports annuels du CAC40 ? Tel est le programme de la nouvelle série de formations que nous lançons ce printemps.
Nous proposons tout d'abord une formation introductive Comment enquêter sur les multinationales sur deux jours les 23 et 24 avril prochains à Paris, en partenariat avec le React Transnational et l'institut Alinksy. Cette formation offre un aperçu général des informations utiles (…)

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Comment enquêter sur les multinationales ? Sur leur lobbying ? Comment décrypter et exploiter les rapports annuels du CAC40 ? Tel est le programme de la nouvelle série de formations que nous lançons ce printemps.

Nous proposons tout d'abord une formation introductive Comment enquêter sur les multinationales sur deux jours les 23 et 24 avril prochains à Paris, en partenariat avec le React Transnational et l'institut Alinksy. Cette formation offre un aperçu général des informations utiles sur les multinationales et des méthodes et sources pour les trouver et les exploiter. Informations et inscriptions ici.

Les 13 et 14 mai, nous proposons une nouvelle édition de notre formation très demandée sur Comment enquêter sur le lobbying à Paris et à Bruxelles ?. Programme et inscription ici. Elle est également organisée en partenariat avec le ReAct Transnational et
l'institut Alinsky.

Nous inaugurons enfin cette année un nouveau module de formation, sur une seule journée, spécifiquement dédié aux groupes du CAC40 et à l'utilisation de leurs rapports annuels. Elle aura lieu le 18 avril 2024, toujours à Paris. Informations et inscription ici.

Ces formations sont conçues pour un public de journalistes et de salariés ou militants de la société civile, mais nous nous efforçons de répondre à tous les besoins.

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08.02.2024 à 17:29

À qui profite le crime (écologique) - La lettre du 8 février 2024

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Superprofits, la saison 3
C'était attendu : le groupe pétro-gazier TotalEnergies a annoncé le 7 février des bénéfices historiques de près de 20 milliards d'euros (21,4 milliards de dollars) pour l'année 2023. C'est légèrement plus que les deux années précédentes, où les « superprofits » de (…)

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Superprofits, la saison 3

C'était attendu : le groupe pétro-gazier TotalEnergies a annoncé le 7 février des bénéfices historiques de près de 20 milliards d'euros (21,4 milliards de dollars) pour l'année 2023. C'est légèrement plus que les deux années précédentes, où les « superprofits » de l'entreprise ont été amputés, d'un point de vue comptable, par des dépréciations liées à son retrait forcé de Russie.

Les dirigeants de TotalEnergies ont également annoncé une nouvelle hausse de leur dividende. La quasi totalité des profits des années précédentes avaient déjà été reversés directement ou indirectement aux actionnaires du groupe.

Pour éteindre les polémiques, la major a publié la veille de ses résultats un communiqué de presse vantant ses « contributions et engagements » pour la France. Elle y pratique les confusions habituelles sur la nature de ses contributions financières aux caisses de l'État, mélangeant allègrement les cotisations sociales, les taxes collectées, la « taxe de solidarité sur l'électricité » (sic : il s'agit apparemment de la contribution exceptionnelle sur les superprofits énergétiques introduite au niveau européen) et l'impôt sur les bénéfices qu'il verse effectivement - ou pas, ce n'est (lire TotalEnergies n'a pas payé d'impôt sur les sociétés en France depuis deux ans). Le communiqué mentionne aussi la ristourne à la pompe (lire « Ristourne » : le coup double de TotalEnergies pour enfoncer ses concurrents et éviter une taxation des superprofits) et les diverses initiatives de mécénat du groupe, notamment en matière de rugby.

Ces derniers temps, le groupe a multiplié les signaux ouvertement négatifs sur l'enjeu climatique, ne se souciant apparemment même plus de maintenir le vernis vert dont il avait cherché à revêtir sa stratégie de poursuite des énergies fossiles. Il a multiplié les nouveaux investissements dans le pétrole et le gaz, et envisagerait désormais de céder une partie de ses actifs dans les énergies renouvelables, pour plus de 2 milliards d'euros.

Bref, Total fait plus que jamais du Total.

Pourrait-il en aller autrement ? Peut-on faire quelque chose, et quoi ? C'est la question à laquelle nous avons voulu répondre dans notre étude de décembre dernier TotalEnergies : comment mettre une major pétrogazière hors d'état de nuire, où nous examinons les mesures plus ou moins radicales qui pourraient être prises pour remettre un groupe comme TotalEnergies dans le sens de l'intérêt général.

Hasard du calendrier : les élus écologistes au Sénat viennent de lancer une commission d'enquête sur « les moyens mobilisés et mobilisables par l'État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France ». Les auditions, qui ont commencé le 18 janvier, vont se poursuivre dans les semaines à venir (voir la page dédiée du site du Sénat). On peut espérer qu'elle serve au moins à introduire plus de transparence sur les mille et une manière dont l'État français continue aujourd'hui à soutenir TotalEnergies, notamment dans ses projets à l'étranger.

Jeu de dupes agricole

La révolte des agriculteurs français semble s'être éteinte presque aussi vite qu'elle s'était enflammée. La FNSEA et les Jeunes agriculteurs ayant obtenu ce qu'ils souhaitaient – c'est-à-dire essentiellement la remise en cause de plusieurs mesures écologiques, dont le plan anti-pesticides Ecophyto –, ils ont sonné la fin du mouvement et ont été globalement suivis par leurs troupes sur le terrain.

Pourtant, la colère des paysans portait sur bien davantage que cela, à savoir la juste rémunération de leur travail et le poids croissant de la bureaucratie. Autant voire plus que les politiques écologiques, leurs actions ont ciblé les géants de la grande distribution et de l'agroalimentaire. Depuis des années, ces derniers s'accaparent une partie de plus en plus importante des revenus des filières agricoles, au détriment des producteurs (lire par exemple Comment l'industrie agro-alimentaire et la grande distribution asphyxient le monde agricole et En pleine crise de l'élevage, les grandes familles du lait plus prospères que jamais). La tendance n'a fait que s'accentuer depuis la pandémie de Covid et la crise du coût de la vie qui a suivi la guerre en Ukraine. Parmi les premiers ciblés par les agriculteurs : le groupe Lactalis, qui venait d'annoncer un prix de rachat du lait beaucoup trop modique. Globalement, tous les grands groupes qui contrôlent les divers maillons de la chaîne agricole mondiale – agroalimentaire et distribution, mais aussi producteurs de pesticides et d'engrais, ou encore négociants, ont connu ces deux dernières années une période très faste de « superprofits », tandis que les paysans voyaient leurs revenus encore diminuer.

Pourtant, au sein des organisations dominantes de la profession agricole, on fait encore semblant que tous ces acteurs ont les mêmes intérêts ou au moins les mêmes ennemis, à savoir les écologistes. Et rien ne le symbolise mieux que le fait que le président de la FNSEA Arnaud Rousseau n'est autre que le patron d'un de ces groupes qui contrôlent les chaînes de valeur au détriment des « vrais » producteurs : le groupe d'oléagineux Avril. Jusqu'à quand un tel jeu de dupes peut-il se perpétuer ?

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En bref

Gaza : des entreprises françaises dans le collimateur. L'intervention militaire israélienne dans la bande de Gaza suite aux attentats du 7 octobre entre dans son quatrième mois. Alors que les gouvernements occidentaux maintiennent un silence coupable sur les exactions des militaires israéliens et les victimes civiles, certaines entreprises jugées complices de la politique israélienne et en particulier de la colonisation illégale sont montrées du doigt par les mouvements de soutien à la Palestine. C'est le cas du groupe français Carrefour, qui a récemment passé un accord pour s'étendre dans le pays, et qui est ciblé par une campagne de boycott dont les effets sont plus sensibles dans d'autres pays, comme le Maroc, qu'en France. D'autres militants visent les livraisons d'armes et d'équipements militaires à Israël – livraisons sur lesquelles il n'y a actuellement aucune réelle transparence en ce qui concerne la France. La récente ordonnance de la Cour internationale de justice ordonnant à Israël de remédier au risque de génocide de la population civile va-t-elle changer la donne ? L'entreprise japonaise Itochu vient d'annoncer avoir mis fin à son partenariat stratégique avec la firme d'armement israélienne Elbit du fait de la décision de la CIJ. Elbit dont un autre partenaire clé est le français Thales.

Un autre ex ministre rejoint le privé. L'ancien ministre des Solidarités Jean-Christophe Combe est désormais le directeur marketing et innovation de l'entreprise de transport Keolis, filiale de la SNCF. Il avait déjà annoncé par ailleurs rejoindre le comité de mission de La Plateforme, école privée dédiée au numérique. Jean-Christophe Combe ne fait que suivre le mouvement de beaucoup de ses ex collègues au gouvernement qui ont rejoint le secteur privé, comme nous le montrons dans notre page spéciale « Portes tournantes » et plus spécifiquement dans cet article. En allant pantoufler chez Keolis, il rejoint aussi un secteur, celui des transports publics, qui a récemment recruté nombre d'anciens responsables publics (dont Jean Castex à la RATP) sur fond de libéralisation programmée.

EPR en Angleterre : nouveaux retards et dépassements de coût. Les déboires d'EDF avec l'EPR n'en finissent pas. Après les problèmes rencontrés à Flamanville et plus récemment en Chine (et sans parler du réacteur finlandais construit par Areva), c'est le projet phare mené au Royaume-Uni, Hinkley Point C, qui accumule les problèmes. Le groupe français, désormais propriété à 100% de l'État, a annoncé un retard de 4 ans supplémentaires, avec une mise en service prévue entre 2029 et 2031 contre 2017 initialement. Le coût total du projet, évalué au départ à 18 milliards de livres sterling, l'est désormais à entre 31 et 34 milliards. Le groupe EDF, déjà très fragile, va devoir assumer seul tous ces surcoûts, du fait du retrait de son partenaire chinois et du refus de renégocier du gouvernement britannique. Et ce sont en dernière instance les usagers, déjà frappés par une nouvelle hausse du prix de l'électricité, qui risquent de passer à la caisse.

Cabinets de conseil contre transparence. C'était l'une des conséquences concrètes de la « commission d'enquête McKinsey » initiée il y a deux ans par le Sénat : une proposition de loi portée par la sénatrice Éliane Assassi (Parti communiste français) et le sénateur Arnaud Bazin (Les Républicains) visant à réduire le poids des cabinets de conseil au sein de l'Etat. Leurs services auraient coûté en 2021 la bagatelle de 1 milliard d'euros aux finances publiques. Selon les révélations de Mediapart, Richard Ferrand qui comme beaucoup d'anciens dirigeants macronistes retirés des affaires publiques a créé une société de « conseil » (c'est-à-dire de lobbying, lire Sociétés de « conseil » : le très discret business des anciens ministres d'Emmanuel Macron), s'est mis au service du cabinet Accenture pour faire vider de sa substance la proposition de loi à l'Assemblée nationale. Avec succès, puisque l'une des dispositions phares, à savoir la possibilité pour la HATVP d'imposer des obligations de transparence, de les contrôler et éventuellement de prononcer des sanctions comme des interdictions de marchés publics, a été supprimée.

Havas mise gros sur Shell. La filiale du groupe Vivendi, dirigée par Yannick Bolloré, fils de Vincent, est sur la sellette au Royaume-Uni. Alors qu'elle multipliait depuis des années les engagements sur le climat et les questions sociétales, jusqu'à obtenir la certification « B Corp », elle a conclu en 2023 un premier contrat très lucratif avec l'un des principaux géants des énergies fossiles, Shell, sur l'achat d'espaces dans les médias, et serait aujourd'hui en lice pour un second contrat sur les relations publiques et la gestion de crise. Ce choix stratégique contesté en interne a poussé le mouvement Extinction Rebellion à cibler le siège londonien du géant français. Lire l'article de DeSmog (en anglais).

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