10.07.2024 à 23:22
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Le 26 février, la China Aerospace Science and Technology Corporation (CASC), développeur de séries de
L’article Ambitions célestes : que réalise et prépare la Chine dans l’espace pour 2024 ? est apparu en premier sur Observatoire Français des Nouvelles Routes de la Soie.
Le 26 février, la China Aerospace Science and Technology Corporation (CASC), développeur de séries de fusées et principale force motrice de l’industrie spatiale de la République Populaire de Chine (RPC), a dévoilé son « Livre Bleu » annuel, révélant les ambitions spatiales chinoises pour 2024. Cette année, qui coïncide avec le 75ème anniversaire de la République Populaire de Chine, est particulièrement importante dans la réalisation des visions du 20ème Congrès du Parti. Elle marque une étape déterminante dans l’atteinte des objectifs du 14ème plan quinquennal et dans l’accélération des efforts pour établir la Chine comme la première puissance spatiale à l’horizon 2030.
La Chine a établi des objectifs de grande envergure pour l’année prochaine, avec la planification d’environ 100 missions de lancement, un chiffre qui pourrait marquer un nouveau record historique. Environ 70 missions, pilotées par la CASC, prévoient de mettre en orbite plus de 290 engins spatiaux et de déployer des projets d’ingénierie spatiale cruciaux. Parmi ces projets, on compte les lancements inauguraux des fusées Longue Marche-6C et Longue Marche-12, les missions de lancement de vaisseaux cargos Tianzhou-7 et -8, les missions de lancement de vaisseaux avec équipage Shenzhou-18 et -19, ainsi que deux missions de retour avec équipage pour Shenzhou-17 et -18. La Longue Marche-12 s’élancera depuis le tout premier site de lancement commercial de vaisseaux spatiaux du pays, situé dans la ville de Wenchang, sur l’île provinciale de Hainan dans le sud de la Chine.
En outre, la quatrième phase du projet d’exploration lunaire sera avancée avec le lancement du Queqiao-2, le satellite relais destiné à faciliter les communications entre la face cachée de la Lune et la Terre, et du rover Chang’e-6 via la fusée Longue Marche-5, tentant le premier retour d’échantillons depuis le Pôle Sud de la face cachée de la Lune dans le bassin Aitken. D’après l’Administration spatiale nationale chinoise, la mission Chang’e-6 accueillera à son bord des équipements scientifiques en provenance de France, d’Italie, de Suède ainsi que de l’Agence spatiale européenne, tandis qu’un module de charge utile conçu au Pakistan prendra place sur son orbiteur. Selon la CASC, le programme chinois de missions habitées sur la Lune a pour ambition d’accomplir une série d’objectifs diversifiés, incluant l’atterrissage, la mobilité, l’échantillonnage, la recherche, et le retour, afin d’envoyer des taïkonautes sur le sol lunaire avant 2030. L’initiative est également conçue pour développer et consolider les capacités autonomes de la Chine dans le domaine des missions lunaires habitées.
En 2024, la CASC s’engage à amplifier la production de sa nouvelle génération de vaisseaux spatiaux habités, incluant les innovants Chang’e-7 et Tianwen-2. Parallèlement, la CASC planifie le déploiement d’un satellite de détection de la salinité des océans, un satellite de surveillance électromagnétique et une sonde astronomique développée conjointement par la RPC et la France. De plus, la CASC s’apprête à produire plus de 200 lots de fusées de lancement et à finaliser plusieurs contrats importants pour des satellites commerciaux et des exportations de satellites complets. Tournant son regard vers l’avenir, la CASC vise à accomplir des avancées technologiques majeures, telles que le retour d’échantillons de Mars, l’exploration du système Jupiter, et la mise en place de stratégies pour la défense planétaire contre les astéroïdes.
Enfin, la CASC prévoit d’élargir l’application des systèmes de navigation Beidou. Ainsi, la CASC a annoncé la poursuite de ses efforts pour mettre au point un système satellite, dédié à la télédétection commerciale, « système de nouvelle génération en quatre dimensions ». Сe réseau débutera avec le déploiement des satellites SuperView (Gaojing) et s’étoffera pour inclure un total d’au moins 28 satellites. Ces satellites seront équipés de diverses technologies avancées, comprenant des capteurs optiques de haute résolution, des capteurs optiques à large couverture, des capteurs radar également de haute résolution, et une gamme étendue d’autres types de satellites spécialisés dans la télédétection commerciale. La CASC s’engage à intégrer de manière continue les technologies satellitaires dans de nouveaux secteurs, contribuant ainsi au développement économique des régions stratégiquement importantes.
En 2023, la Chine a réalisé 67 missions de lancement, se classant deuxième au monde, et a développé puis lancé 221 engins spatiaux, battant des records nationaux en termes de nombre de lancements et de satellites. La série de fusées Longue Marche a effectué 47 lancements avec un taux de réussite de 100 %, dépassant ainsi le total de 500 lancements, tandis que 20 autres ont été réalisés par des fusées commerciales. En revisitant l’année écoulée, le secteur spatial chinois a maintenu un rythme soutenu de lancements réussis et ordonnés, avec une augmentation rapide du nombre de satellites produits et une amélioration continue de ses capacités de développement.
Sur le plan de la coopération internationale, la RPC a mené des activités d’échange et de discussion, de partage de données, de coopération technique, de services d’application et d’éducation culturelle spatiale, favorisant le développement de l’initiative BRI et contribuant à la construction d’une communauté de destin pour l’humanité, souligne la CASC dans son rapport.
Enfin, bien que l’espace soit dominé par les États-Unis avec environ 45% des 220 lancements effectués en 2023, la Chine, avec près de 30% de ces lancements, aspire à renforcer ses capacités spatiales, avec la Lune comme objectif à court terme. Mieux encore, en 2023, l’entreprise privée chinoise Space Pioneer s’est distinguée en devenant la première start-up à atteindre l’orbite lors de son premier essai, et ce, sans recourir à la propulsion solide, avec son lanceur Tianlong-2.
Le 3 février 2024, la Chine a mis en orbite le premier satellite commercial doté d’intelligence artificielle, nommé Rongpiao ou Xingshidai-18. Lancé depuis les eaux au large de la ville de Yangjiang, dans la province du Guangdong au sud de la Chine, par la fusée Smart Dragon-3 (SD-3), ce satellite a été développé par la société Guoxing Aerospace Technology Co., Ltd. Sa mission principale est de valider en orbite l’algorithme d’intelligence artificielle Synaesthesia Fusion. Il est également conçu pour intégrer des capacités de plateforme à distance pour les futurs réseaux de communication. Lors de ce lancement, la SD-3 a également placé en orbite le satellite égyptien NExSat-1, marquant ainsi le premier lancement international de la fusée.
D’autre part, le géant de l’automobile chinois Geely a lancé 11 satellites en orbite basse depuis le Centre de lancement de satellites de Xichang, situé dans le Sichuan. Ces satellites, destinés à améliorer la navigation des véhicules autonomes de Geely, sont équipés de capacités de télédétection utilisant l’intelligence artificielle. Geely prévoit de porter le nombre de ses satellites en fonctionnement à 72 d’ici 2025 et envisage de développer à terme un réseau de 240 satellites.
Le 23 février, la Chine a procédé au lancement du satellite classifié TJS-11 (Tongxin Jishu Shiyan-11) à bord de la fusée Longue Marche 5, le lanceur le plus puissant du pays, depuis le Centre de lancement de satellites de Wenchang, situé sur l’île de Hainan. Peu de détails ont été divulgués sur le satellite, si ce n’est qu’il sera principalement utilisé pour des expériences de communication en multi-bandes et haute vitesse. Cependant, certains observateurs suggèrent que cette série de satellites géosynchrones classifiés pourrait servir les intérêts militaires chinois. Plus tard en mai, la Chine a envoyé dans l’espace son premier satellite de communication, Smart SkyNet-1 01, placé en orbite terrestre moyenne, qui se situe au-dessus de l’orbite terrestre basse et en dessous de l’orbite géostationnaire. Il est important de noter que la Chine a exprimé son opposition à la militarisation de l’espace, bien que l’espace soit considéré par les grandes puissances mondiales comme un enjeu crucial pour la défense et la sécurité.
Fin février, l’Agence chinoise des vols spatiaux habités (CMSA) a annoncé les noms de ses nouvelles avancées dans le domaine spatial : l’atterrisseur lunaire chinois « Lanyue » (« Embracing the Moon ») et le nouveau véhicule de transport spatial « Mengzhou » (« Vaisseau de rêve »). Le « Mengzhou » existe en deux versions : une destinée à transporter trois astronautes vers la Lune et une autre conçue pour remplacer le vaisseau actuel Shenzhou, avec une capacité de transporter jusqu’à sept astronautes entre la Terre et la station spatiale Tiangong, en orbite depuis près de trois ans. Le nom « Lanyue » est un hommage à un poème du premier président de la Chine, Mao Zedong (1893-1976). Les fusées Longue Marche-10 joueront un rôle central dans ces missions, en propulsant « Mengzhou » et « Lanyue » vers l’espace.
Le 2 juin, la Chine a réussi pour la deuxième fois à se poser sur la face cachée de la Lune avec la sonde Chang’e 6, qui avait décollé le 3 mai à bord d’une fusée Longue Marche 5 depuis le centre spatial de Wenchang, situé sur l’île de Hainan. L’atterrisseur s’est posé dans la région du bassin Pôle Sud-Aitken, l’un des plus grands cratères d’impact du système solaire, situé sur la face cachée de la Lune. Les objectifs de cette mission incluent le retour sur Terre d’échantillons de sol lunaire d’environ 4 milliards d’années, conformément aux plans décrits dans le « Livre Bleu » en février. Pour collecter ces échantillons, l’appareil est équipé d’un foret et d’une main robotisée.
À bord de Chang’e 6 se trouve également DORN, le premier instrument français actif sur la Lune, chargé d’étudier le radon, un gaz radioactif produit en continu dans le sol lunaire. Le 4 juin, le module d’ascension de la Chang’e 6 a décollé de la surface lunaire, emportant des échantillons de la face cachée. Ces échantillons ont été ramenés sur Terre le 25 juin avec succès. La capsule contenant ces échantillons, larguée par la sonde à l’aide d’un parachute, a atterri dans le nord de la Chine, selon les informations du média chinois CGTN. La Chine devient ainsi le premier pays à avoir collecté et ramené sur Terre des échantillons de la face cachée de la Lune.
Il convient de rappeler que la mission Chang’e-5 avait déjà rapporté des échantillons de la face visible de la Lune en décembre 2020, les premiers depuis 1976. Avant la Chine, seuls les États-Unis et l’URSS avaient réussi à ramener du sol lunaire sur Terre. Cette nouvelle réussite marque une avancée significative pour le programme spatial chinois, qui ambitionne d’envoyer une mission habitée sur la Lune d’ici 2030
Néanmoins, la Chine ne se concentre pas uniquement sur l’exploration lunaire. En effet, des scientifiques chinois ont mis au point un prototype de moteur nucléaire pour vaisseau spatial, destiné à des voyages vers Mars. En effet, ce nouveau moteur place le vaisseau comme un concurrent direct de la fusée Starship de SpaceX, d’après le journal South China Morning Post, s’appuyant sur un article publié dans le journal Scientia Sinica Technologica de l’Académie des Sciences Chinoise. Selon les chercheurs, la puissance du réacteur nucléaire atteint 1,5 MW, soit sept fois celle du système développé par la NASA. Ils estiment que ce vaisseau spatial équipé d’un moteur nucléaire pourrait réaliser le trajet de la Terre à Mars en seulement trois mois, alors que la fusée Starship de SpaceX pourrait nécessiter au moins sept mois pour atteindre la planète rouge.
Les lanceurs lourds, longtemps réservés aux puissances spatiales pour des missions vers des orbites géosynchrones ou interplanétaires, sont désormais aussi un enjeu majeur pour l’industrie privée chinoise. Le 11 janvier 2024, Orienspace, une société commerciale chinoise, a lancé sa première fusée, Gravity-1, depuis un navire en mer. Ce vol inaugural, qui a mis en évidence l’impressionnante capacité d’accélération de la fusée, a marqué Gravity-1 comme la plus puissante fusée à propulsion solide jamais lancée et le plus grand lanceur commercial chinois avec une capacité de charge utile de 6,5 tonnes en orbite basse. Parallèlement, Space Pioneer développe le lanceur Tianlong-3, qui rivalise avec Gravity-1 en tant que plus lourd lanceur privé chinois. Utilisant des moteurs TH-12 partiellement imprimés en 3D, ce lanceur réutilisable prévoit de mettre en orbite jusqu’à quinze tonnes. Avec des vols prévus dès juillet 2024, Space Pioneer envisage également une version améliorée capable de transporter jusqu’à cinquante tonnes et une version plus légère pour le vol habité et le tourisme spatial. Ces développements illustrent l’ambition croissante de la Chine dans le secteur compétitif des lanceurs lourds.
Au cours de la première moitié de l’année 2024, la Chine a nettement accentué son empreinte spatiale, multipliant les missions innovantes et les avancées technologiques majeures. Ces initiatives, couplées à l’ascension de lanceurs lourds, démontrent l’ambition de la Chine de devenir une superpuissance spatiale, capable de rivaliser avec les leaders mondiaux tout en ouvrant de nouvelles voies pour l’exploration interplanétaire et la défense des intérêts terrestres dans l’espace.
Par Oksana ZAITSEVA, Analyste Diplomatie Spatiale chinoise auprès de l’OFNRS
L’article Ambitions célestes : que réalise et prépare la Chine dans l’espace pour 2024 ? est apparu en premier sur Observatoire Français des Nouvelles Routes de la Soie.