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Institut de Relations Internationales et Stratégiques - Think tank français spécialisé sur les questions géopolitiques et stratégiques

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14.03.2025 à 15:59

La Chine face à l’arrivée de Donald Trump au pouvoir : entre défis économiques et accélération stratégique

Coline Laroche              

Le 5 mars dernier se tenait l’ouverture de la Conférence consultative politique du peuple chinois lors de laquelle sont discutés les différents objectifs économiques du pays. Cette réunion permet au Parti communiste chinois d’exposer la trajectoire qu’il souhaite emprunter et d’actualiser les politiques nationales. Alors que les équilibres internationaux sont bouleversés par l’accession de Donald Trump au pouvoir, la Chine adapte son positionnement stratégique. Quels sont les défis auxquels Pékin risque de se confronter en matière de développement économique ? Quelles pourraient être les implications de l’arrivée au pouvoir de Donald Trump sur l’économie chinoise et la question taïwanaise ? Quelles sont les perspectives de la politique étrangère chinoise, notamment en ce qui concerne les relations sino-européennes ? Le point avec Emmanuel Lincot, directeur de recherche à l’IRIS, co-responsable du Programme Asie-Pacifique. Quel état de lieux peut-on dresser de la situation économique en Chine ? Quels sont les défis à relever pour l’économie chinoise, notamment à la suite de l’annonce de la hausse des droits de douane états-uniens sur les produits chinois ? Li Qiang, Premier ministre de la République populaire de Chine, a annoncé comme prévu 5 % de croissance, ce qui est à prendre avec beaucoup de précautions, car l’économie est en réalité confrontée à un problème de spéculation immobilière et une montée sensible du chômage. Cette annonce vise sans doute à relancer les investissements et créer un climat de confiance pour le développement d’une industrie à forte plus-value comme les microprocesseurs ; pari difficile car la conjoncture n’est pas favorable. Si les taxes imposées par Donald Trump impactent encore peu l’économie, elles sont peut-être l’amorce de sanctions plus lourdes. Par ailleurs, les annonces du Premier ministre vont de pair avec une augmentation sensible du budget militaire à plus de 7 %. En somme, la Chine fixe son cap […]

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Texte intégral (849 mots)

Quel état de lieux peut-on dresser de la situation économique en Chine ? Quels sont les défis à relever pour l’économie chinoise, notamment à la suite de l’annonce de la hausse des droits de douane états-uniens sur les produits chinois ?

Li Qiang, Premier ministre de la République populaire de Chine, a annoncé comme prévu 5 % de croissance, ce qui est à prendre avec beaucoup de précautions, car l’économie est en réalité confrontée à un problème de spéculation immobilière et une montée sensible du chômage. Cette annonce vise sans doute à relancer les investissements et créer un climat de confiance pour le développement d’une industrie à forte plus-value comme les microprocesseurs ; pari difficile car la conjoncture n’est pas favorable. Si les taxes imposées par Donald Trump impactent encore peu l’économie, elles sont peut-être l’amorce de sanctions plus lourdes. Par ailleurs, les annonces du Premier ministre vont de pair avec une augmentation sensible du budget militaire à plus de 7 %. En somme, la Chine fixe son cap entre une réduction de sa dépendance vis-à-vis de l’extérieur en matière de haute technologie et une volonté de tenir tête militairement aux États-Unis.

Alors que la question taiwanaise reste en suspens, doit-on s’attendre une intensification des tensions entre Taipei et Pékin ?

Xi Jinping fait clairement de Taïwan une priorité. Les provocations récurrentes de la chasse chinoise, des garde-côtes, associées aux cyberattaques quotidiennes augurent du pire. Il y a fort à parier que la rencontre houleuse entre Volodymyr Zelensky, James David Vance et Donald Trump a par ailleurs conforté Xi Jinping dans son diagnostic : les États-Unis ne sont pas fiables. La propagande chinoise l’avait déjà dit à qui voulait l’entendre en août 2021 lorsque les Américains avaient piteusement quitté Kaboul, arguant du fait que Washington allait lâcher tout autant Taïwan. Sommes-nous arrivés à ce moment de vérité ? Les Taïwanais sont à la fois résignés et inquiets. Les Japonais et les Sud-Coréens envisagent de plus en plus sérieusement de se doter de l’arme atomique et de renforcer leurs partenariats avec les Européens. Ce qui signifie au moins deux choses : l’Occident dans sa relation transatlantique héritée de 1945 a vécu et les États-Unis ont renoncé à devenir une puissance impériale intervenant en tout temps et en tous lieux.

Alors que Donald Trump se retire progressivement de certains théâtres de crises militaires et humanitaires, quel rôle pourrait être amenée à jouer la Chine dans ce changement de paradigme ?

Elle va être opportuniste. Signe qui ne trompe pas : à l’issue de la conférence de Munich et des déclarations haineuses de James David Vance à l’encontre des Européens, Wang Yi, le ministre chinois des Affaires étrangères, a rencontré ses homologues européens au cas par cas, rappelant l’ancienneté de la relation entre Bruxelles et Pékin et son attachement au multilatéralisme. Au sommet de l’IA à Paris, les Chinois ont fait assaut d’amabilité. Ne soyons pas dupes non plus. Les Chinois sont avant tout des concurrents comme le sont d’ailleurs les Américains. Soyons pragmatiques et maintenons une relation d’équidistance entre Washington et Pékin, sachant que Donald Trump est sans doute notre meilleur adversaire car il nous pousse à devenir intelligents et partant, réellement autonomes. Quant aux Chinois, ne croyons pas un seul instant à un « Nixon in reverse » sur lequel tablent quelques stratèges américains car la relation entre la Russie et la Chine durera aussi longtemps que vivront Vladimir Poutine et Xi Jinping.

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14.03.2025 à 11:01

Océan : pourquoi un programme dédié ?

stagiaire-comm@iris-france.org

Les Océans sont des espaces incontournables dans la compréhension des dynamiques internationales. À la fois moteurs de l’économie, réservoirs de biodiversité et sources essentielles de ressources naturelles, ils sont au cœur de la géopolitique mondiale. C’est dans cette optique d’analyse et de compréhension que l’IRIS a lancé un nouveau programme de recherche : le Programme Océan. Entretien avec Julia Tasse, directrice de recherche a l’IRIS, responsable du Programme Océan.

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Les Océans sont des espaces incontournables dans la compréhension des dynamiques internationales. À la fois moteurs de l’économie, réservoirs de biodiversité et sources essentielles de ressources naturelles, ils sont au cœur de la géopolitique mondiale. C’est dans cette optique d’analyse et de compréhension que l’IRIS a lancé un nouveau programme de recherche : le Programme Océan.

Entretien avec Julia Tasse, directrice de recherche a l’IRIS, responsable du Programme Océan.

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13.03.2025 à 12:59

Fin de l’USAID : conséquences internationales et multisectorielles

Coline Laroche              

Le 20 janvier 2025, dès son retour à la présidence des États-Unis, Donald Trump a signé un décret suspendant pour quatre-vingt dix jours l’ensemble des programmes de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID). Le 3 février 2025, Elon Musk, désormais à la tête du Département de l’efficacité gouvernementale (DOGE), a déclaré la fermeture définitive de l’USAID, qu’il qualifie d’« organisation criminelle ». Enfin, le 10 mars, le secrétaire d’État Marco Rubio a indiqué la suppression de 83 % des programmes de l’USAID, les 17 % restants étant transférés sous la tutelle du Département d’État.L’USAID, fondée en 1961 sous l’administration Kennedy, était un pilier de l’aide internationale. Ses financements (42 milliards de dollars en 2023, 35 milliards de dollars en 2024) représentaient plus de 40 % de l’aide humanitaire mondiale en 2024. L’USAID finançait des projets dans 158 pays et fournissait jusqu’à 50 % de l’aide humanitaire totale pour certains d’entre eux. La dissolution de l’USAID a entraîné l’arrêt immédiat de milliers de projets vitaux à travers le monde. En Ukraine, l’assistance aux médias indépendants a été interrompue. Au Myanmar, des hôpitaux ont fermé, privant des milliers de personnes de soins. Au Cameroun, les programmes de vaccination contre le VIH/SIDA ont été suspendus, menaçant les progrès sanitaires réalisés ces dernières années. En République démocratique du Congo et au Népal, les initiatives de lutte contre la malnutrition ont cessé, aggravant l’insécurité alimentaire. Au Cambodge, les opérations de déminage ont été stoppées, exposant les populations rurales aux dangers des mines terrestres. Il s’agit d’un tournant historique dans la politique d’aide étrangère des États-Unis. Si l’ensemble des répercussions ne sont pas encore connues, cette décision touchera en premier lieux les populations vulnérables et elle constitue une menace dans le cadre de nombreux défis mondiaux, en déstabilisant de manière inédite l’écosystème de l’aide […]

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Le 20 janvier 2025, dès son retour à la présidence des États-Unis, Donald Trump a signé un décret suspendant pour quatre-vingt dix jours l’ensemble des programmes de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID). Le 3 février 2025, Elon Musk, désormais à la tête du Département de l’efficacité gouvernementale (DOGE), a déclaré la fermeture définitive de l’USAID, qu’il qualifie d’« organisation criminelle ». Enfin, le 10 mars, le secrétaire d’État Marco Rubio a indiqué la suppression de 83 % des programmes de l’USAID, les 17 % restants étant transférés sous la tutelle du Département d’État.
L’USAID, fondée en 1961 sous l’administration Kennedy, était un pilier de l’aide internationale. Ses financements (42 milliards de dollars en 2023, 35 milliards de dollars en 2024) représentaient plus de 40 % de l’aide humanitaire mondiale en 2024. L’USAID finançait des projets dans 158 pays et fournissait jusqu’à 50 % de l’aide humanitaire totale pour certains d’entre eux.

La dissolution de l’USAID a entraîné l’arrêt immédiat de milliers de projets vitaux à travers le monde. En Ukraine, l’assistance aux médias indépendants a été interrompue. Au Myanmar, des hôpitaux ont fermé, privant des milliers de personnes de soins. Au Cameroun, les programmes de vaccination contre le VIH/SIDA ont été suspendus, menaçant les progrès sanitaires réalisés ces dernières années. En République démocratique du Congo et au Népal, les initiatives de lutte contre la malnutrition ont cessé, aggravant l’insécurité alimentaire. Au Cambodge, les opérations de déminage ont été stoppées, exposant les populations rurales aux dangers des mines terrestres.

Il s’agit d’un tournant historique dans la politique d’aide étrangère des États-Unis. Si l’ensemble des répercussions ne sont pas encore connues, cette décision touchera en premier lieux les populations vulnérables et elle constitue une menace dans le cadre de nombreux défis mondiaux, en déstabilisant de manière inédite l’écosystème de l’aide internationale.

Cette analyse cartographique et infographique permet d’évaluer l’ampleur des aides en provenance de l’USAID pour l’année 2024, avant son démantèlement, à la fois dans sa dimension géographique et sectorielle, et de prendre ainsi la mesure des conséquences d’une telle suppression.

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13.03.2025 à 12:35

République démocratique du Congo : escalade militaire, rivalités régionales et impasse diplomatique

Coline Laroche              

La situation en République démocratique du Congo (RDC) s’est considérablement aggravée ces derniers mois, avec une offensive rwandaise en soutien au groupe armé M23 sur le territoire congolais. Cette intervention, qui constitue une violation manifeste du droit international, a conduit à la prise de Goma, entraînant la mort d’au moins 3 000 personnes et marquant une nouvelle étape dans la détérioration de la situation humanitaire. Face à cette escalade, la mobilisation régionale a pris une ampleur inédite. Les deux principales organisations impliquées dans le traitement du conflit, la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), ont organisé un sommet afin d’apporter une réponse coordonnée. Cependant, pour comprendre les dynamiques actuelles, il est essentiel de revenir sur l’évolution du conflit, tant sur le terrain militaire que dans la sphère politique et diplomatique. L’avancée militaire du M23 et l’implication du Rwanda Depuis près de trois ans, le M23, soutenu par les forces armées rwandaises, a progressivement étendu son contrôle sur une partie du territoire congolais, en particulier dans la province du Nord-Kivu, frontalière du Rwanda et bordée par le lac Kivu. Cette avancée s’est accélérée au cours de l’année écoulée, suivant une logique d’extension territoriale en « tache d’huile ». Si, dans un premier temps, les zones conquises se limitaient au Nord-Kivu, la situation évolue rapidement : les combats s’étendent désormais vers l’Ituri, au nord, ainsi que vers le Sud-Kivu, dont la capitale Bukavu vient également d’être conquise. La présence militaire rwandaise, longtemps débattue, ne fait aujourd’hui plus aucun doute. Kigali l’assume pleinement, et le nombre de soldats rwandais sur le terrain est estimé entre 3 000 et 4 000, soit une force potentiellement plus importante que les effectifs du M23 lui-même. Sur le terrain militaire, une riposte congolaise faible et externalisée Face à cette […]

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Texte intégral (2007 mots)

Depuis près de trois ans, le M23, soutenu par les forces armées rwandaises, a progressivement étendu son contrôle sur une partie du territoire congolais, en particulier dans la province du Nord-Kivu, frontalière du Rwanda et bordée par le lac Kivu. Cette avancée s’est accélérée au cours de l’année écoulée, suivant une logique d’extension territoriale en « tache d’huile ».

Si, dans un premier temps, les zones conquises se limitaient au Nord-Kivu, la situation évolue rapidement : les combats s’étendent désormais vers l’Ituri, au nord, ainsi que vers le Sud-Kivu, dont la capitale Bukavu vient également d’être conquise. La présence militaire rwandaise, longtemps débattue, ne fait aujourd’hui plus aucun doute. Kigali l’assume pleinement, et le nombre de soldats rwandais sur le terrain est estimé entre 3 000 et 4 000, soit une force potentiellement plus importante que les effectifs du M23 lui-même.

Face à cette menace, la riposte militaire congolaise s’accompagne d’une rhétorique nationaliste et guerrière, selon laquelle chaque défaite serait suivie d’une reconquête victorieuse. Cependant, en réalité, l’effort de défense a été largement, et vainement, externalisé à travers :

  • Le recrutement de groupes armés dits « loyalistes », constitués sur des bases ethniques ou communautaires ;
  • Des achats massifs d’armements, notamment des drones ;
  • Un programme intensif de recrutement et de formation des troupes, principalement à travers des sociétés militaires privées (principalement une société roumaine).

Cette dynamique souligne les profondes failles de l’appareil militaire congolais, miné par la corruption et par l’incapacité du gouvernement central à en assurer un contrôle efficace, tant sur la chaine de commandement que sur le comportement des troupes et des supplétifs « loyalistes ».

Du côté rwandais, l’offensive actuelle semble s’inscrire dans une stratégie plus large. Jusqu’à la prise de Goma, la stratégie de Paul Kagame pouvait être interprétée comme relevant d’une prise de gages territoriaux dans une perspective de règlement (sous médiation régionale avec un soutien international), se limitant à une pression militaire sans aller jusqu’à une prise de contrôle direct de la capitale du Nord-Kivu. Il semble désormais avoir opté pour une approche plus audacieuse, visant un affaiblissement profond, voire une déstabilisation assumée du régime de Kinshasa.

Alors que la communauté internationale peine à apporter une réponse efficace à cette crise, la RDC se trouve dans une situation de plus en plus précaire. L’issue du conflit dépendra autant des dynamiques militaires sur le terrain que des décisions politiques prises à l’échelle régionale et internationale dans les semaines à venir.

Pour comprendre la situation actuelle en RDC, il est essentiel de revenir sur l’histoire diplomatique qui a accompagné les dynamiques régionales depuis les années 1990. Le conflit s’inscrit dans une histoire remontant aux conséquences sur la RDC du génocide rwandais en 1994 puis aux « guerres du Congo », la Deuxième Guerre du Congo à la fin des années 1990 et au début des années 2000 ayant été, par la multiplicité de ses protagonistes africains, un conflit d’ampleur continentale.

Cette période a inauguré une séquence de plusieurs accords de paix régionaux. L’Accord de Lusaka en 1999, suivi du dialogue intercongolais ayant abouti aux accords de Sun City en 2002, et enfin l’Accord-cadre d’Addis-Abeba en 2013, ont été autant de tentatives pour stabiliser la région des Grands Lacs. Ce dernier accord, signé après une première offensive du M23 sur Goma, avait abouti à un retrait du groupe armé de la ville sous la pression des États-Unis, Barack Obama ayant directement fait pression sur Paul Kagame.

Un ressort central de la permanence de la conflictualité dans l’est de la RDC (pas exclusif d’autres facteurs : lutte pour le pouvoir, influences régionales, affrontements intercommunautaires sur le contrôle de la terre) a toujours été l’accès aux ressources du sous-sol congolais, en particulier les métaux rares, indispensables aux industries de haute technologie, aujourd’hui encore plus stratégiques dans le contexte de la transition énergétique. Malgré les efforts diplomatiques déployés pendant trois décennies, la violence sous toutes ses formes – implication de groupes armés et d’armée régulières, violences de masse à l’encontre des populations – n’a jamais cessé.

Le conflit de l’est de la RDC est en effet tristement célèbre pour les exactions commises contre les civils, notamment les violences sexuelles, mises en lumière par le travail du Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la paix. Cette instabilité a justifié le maintien, année après année, d’une importante mission des Nations unies, la MONUSCO, dont le mandat est renouvelé annuellement par le Conseil de sécurité et dont la composante militaire a pour mission centrale la protection des civils.

L’élection de Félix Tshisekedi en 2019 marque un tournant dans la politique congolaise. Son accession à la présidence s’est faite dans le cadre d’un accord de partage du pouvoir avec son prédécesseur Joseph Kabila (qui gardait une influence considérable au Parlement et dans les institutions) sous la supervision de plusieurs « parrains » régionaux, dont Paul Kagamé. Toutefois, Félix Tshisekedi s’est progressivement affranchi de cette coalition, consolidant son pouvoir à travers le contrôle de plusieurs leviers institutionnels et, depuis la réémergence du M23 sous influence rwandaise, par une posture nationaliste qui lui a permis de remporter l’élection présidentielle de fin 2023.

Dès 2021, la réémergence du M23 a en effet marqué un tournant, Kigali ayant perçu certaines initiatives congolaises comme des provocations, notamment le rapprochement entre Kinshasa et Kampala sur des sujets militaires et économiques. Le rapprochement Kinshasa-Kigali des années 2019-2021, amorcé par Félix Tshisekedi, s’est rapidement retourné en hostilité croissante, initiant une escalade qui s’est poursuivie depuis lors en dépit d’une mobilisation diplomatique régionale inédite à travers les processus de Nairobi et de Luanda.

La SADC et l’EAC, les deux principales organisations régionales (Afrique australe et Afrique de l’Est respectivement), ont intensifié leur engagement face à la menace de régionalisation du conflit. En 2022, la RDC a intégré l’EAC lors du lancement du processus de Nairobi, mais les tensions avec le Kenya ont conduit à un désengagement progressif de la force déployée dans l’Est congolais par cette organisation. La SADC, plus proche des vues de la RDC et dont celle-ci est membre, a pris le relais en déployant une force régionale, qui n’a pas été en état de s’opposer à la progression du M23 et des forces rwandaises. 

Face à ces tensions, l’Union africaine a mandaté l’Angola pour mener une médiation entre la RDC et le Rwanda. Un jalon essentiel est posé en novembre 2022 avec la feuille de route de Luanda, qui prévoit une séquence de désarmement du M23 et le retrait des troupes rwandaises. Cependant, cet accord n’a pu être appliqué sur le terrain : le cessez-le-feu préalable n’a tenu que quelques mois en 2023, la pression militaire ayant repris le dessus. La médiation de l’Angola a repris un nouveau souffle depuis 2024 et s’impose comme le processus diplomatique central, focalisé sur l’antagonisme RDC-Rwanda et les préalables de chacun des deux protagonistes (retrait des troupes rwandaises pour la RDC, dialogue M23-Kinshasa et démantèlement du FDLR, groupe armé rwandais ex-génocidaire installé au Kivu, pour le Rwanda).  

Aujourd’hui, la région reste en proie à des tensions croissantes, et la recherche d’une solution durable semble encore incertaine en dépit de la gravité de la situation, qui implique les voisins (Ouganda et Burundi) et tout l’environnement régional. La RDC, dans son bon droit au regard du droit international mais en position de faiblesse, exige le retrait des troupes rwandaises, tandis que Kigali conditionne tout dialogue à des négociations entre Kinshasa et le M23.

Enfin, la question des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé hutu rwandais actif en RDC composé d’ex-génocidaires et de leurs héritiers, complique encore davantage la situation. Ce groupe est mis en avant par le Rwanda pour justifier son intervention militaire, en le présentant comme le maintien d’une menace existentielle à quelques kilomètres de son territoire. La RDC pour manifester sa bonne volonté a proposé en 2024 dans le cadre du processus de Luanda son démantèlement, sans trouver toutefois les moyens de le mettre en œuvre. 

Le sommet du 8 février 2025 organisé conjointement par la SADC et l’EAC (qui paraissent incliner respectivement vers la RDC et le Rwanda) a réaffirmé l’intégrité territoriale de la RDC, mais les désaccords persistent sur le retrait des forces étrangères. L’avenir du conflit dépendra désormais de la capacité des acteurs régionaux et internationaux à imposer une solution diplomatique viable à un conflit qui a retrouvé un niveau de militarisation et de régionalisation comparable à celui du début des années 2000.

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13.03.2025 à 11:46

L’Indonésie, dans la cour des grandes puissances. Expliquez-moi…

stagiairedecomm@iris-france.org

Membre du G20 et forte de son intégration aux BRICS+ en janvier 2025, l’Indonésie s’affirme désormais comme un acteur incontournable tant à l’échelle régionale qu’internationale. Située au carrefour de routes maritimes stratégiques reliant l’océan Indien au Pacifique, l’archipel tire parti de sa position géographique pour étendre son influence dans un contexte de rivalités croissantes entre grandes puissances. De son rôle central du Mouvement des non-alignés à l’affirmation d’une politique de multi-alignement, Jakarta développe des accords de partenariats et de coopération à la fois avec les États-Unis, la Chine, la Russie, ou l’Union européenne, lui permettant ainsi une certaine autonomie stratégique. Forte de ses 275 millions d’habitants, l’Indonésie connaît depuis les années 2000, une croissance économique constante avoisinant les 5% par an. Par ailleurs, le pays dispose de nombreuses ressources naturelles stratégiques, lui conférant un rôle de premier plan sur la scène économique mondiale. Mais cette montée en puissance s’accompagne de défis majeurs. Des fragilités économiques et sociales persistent, tandis que les tensions géopolitiques, notamment avec Pékin en mer de Chine méridionale, continuent de peser sur sa sécurité. L’Indonésie fait aussi face à des menaces environnementales croissantes, exacerbées par sa vulnérabilité aux catastrophes naturelles et aux effets du changement climatique. L’Indonésie parviendra-t-elle à s’affirmer comme une puissance majeure tout en surmontant les défis internes et les tensions régionales croissantes? Retour sur l’entrée de l’Indonésie dans la cour des grandes puissances.

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Membre du G20 et forte de son intégration aux BRICS+ en janvier 2025, l’Indonésie s’affirme désormais comme un acteur incontournable tant à l’échelle régionale qu’internationale. Située au carrefour de routes maritimes stratégiques reliant l’océan Indien au Pacifique, l’archipel tire parti de sa position géographique pour étendre son influence dans un contexte de rivalités croissantes entre grandes puissances. De son rôle central du Mouvement des non-alignés à l’affirmation d’une politique de multi-alignement, Jakarta développe des accords de partenariats et de coopération à la fois avec les États-Unis, la Chine, la Russie, ou l’Union européenne, lui permettant ainsi une certaine autonomie stratégique. Forte de ses 275 millions d’habitants, l’Indonésie connaît depuis les années 2000, une croissance économique constante avoisinant les 5% par an. Par ailleurs, le pays dispose de nombreuses ressources naturelles stratégiques, lui conférant un rôle de premier plan sur la scène économique mondiale. Mais cette montée en puissance s’accompagne de défis majeurs. Des fragilités économiques et sociales persistent, tandis que les tensions géopolitiques, notamment avec Pékin en mer de Chine méridionale, continuent de peser sur sa sécurité. L’Indonésie fait aussi face à des menaces environnementales croissantes, exacerbées par sa vulnérabilité aux catastrophes naturelles et aux effets du changement climatique. L’Indonésie parviendra-t-elle à s’affirmer comme une puissance majeure tout en surmontant les défis internes et les tensions régionales croissantes?

Retour sur l’entrée de l’Indonésie dans la cour des grandes puissances.

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12.03.2025 à 18:13

L’Afrique face aux recompositions géopolitiques. Avec Niagalé Bagayoko

stagiairedecomm@iris-france.org

Pascal Boniface · L'Afrique face aux recompositions géopolitiques. Avec Niagalé Bagayoko | Entretiens géopo L’arrivée au pouvoir de Donald Trump et le désintérêt progressif des États-Unis pour l’Afrique entrainent des recompositions géopolitiques sur l’ensemble du continent. Au-delà de la fin de l’USAID qui aura des répercussions sur la gestion de nombreuses crises, ce désintéressement, en réalité historique et traditionnel, favorise l’arrivée d’acteurs impatients d’occuper le siège laissé vacant. Parmi eux, la Chine et la Russie s’imposent comme de sérieux candidats, notamment en ce qui concerne les questions sécuritaires. Un phénomène qui s’inscrit dans un contexte plus large de changement de paradigme international. Quelles sont les recompositions géopolitiques en cours en Afrique ? Comment l’arrivée de Donald Trump est-elle perçue par les pays africains ? Comment expliquer l’arrivée de nouvelles puissances partenaires ? Comment se traduit la rivalité sino-américaine sur le continent ? Face aux conflits en Ukraine et à Gaza, les crises présentes en Afrique risquent-elles de tomber dans l’oubli ? Comment résoudre la question des crises humanitaires dans un contexte géopolitique en tension ? Autant d’enjeux abordés dans ce podcast avec Niagalé Bagayoko, directrice de l’African Security Sector Network.

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L’arrivée au pouvoir de Donald Trump et le désintérêt progressif des États-Unis pour l’Afrique entrainent des recompositions géopolitiques sur l’ensemble du continent. Au-delà de la fin de l’USAID qui aura des répercussions sur la gestion de nombreuses crises, ce désintéressement, en réalité historique et traditionnel, favorise l’arrivée d’acteurs impatients d’occuper le siège laissé vacant. Parmi eux, la Chine et la Russie s’imposent comme de sérieux candidats, notamment en ce qui concerne les questions sécuritaires. Un phénomène qui s’inscrit dans un contexte plus large de changement de paradigme international. Quelles sont les recompositions géopolitiques en cours en Afrique ? Comment l’arrivée de Donald Trump est-elle perçue par les pays africains ? Comment expliquer l’arrivée de nouvelles puissances partenaires ? Comment se traduit la rivalité sino-américaine sur le continent ? Face aux conflits en Ukraine et à Gaza, les crises présentes en Afrique risquent-elles de tomber dans l’oubli ? Comment résoudre la question des crises humanitaires dans un contexte géopolitique en tension ? Autant d’enjeux abordés dans ce podcast avec Niagalé Bagayoko, directrice de l’African Security Sector Network.

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12.03.2025 à 11:38

Le plan ReArm Europe et la quadrature du cercle entre intégration et souveraineté nationale

Coline Laroche              

Face au déliement de l’Alliance atlantique et aux défis posés par la guerre en Ukraine, les Européens ont annoncé leur intention de se réarmer, en mettant à contribution l’Union européenne (UE). Pour comprendre les dynamiques en cours à Bruxelles, notamment en termes de financements militaires, et pour mettre un peu d’ordre parmi la myriade d’initiatives lancées dans ce domaine au cours des dernières années, un petit pas en arrière est nécessaire. Le plan ReArm Europe mise sur un financement national plutôt qu’européen Cela fait en réalité déjà plusieurs années que l’UE a acquis des compétences inédites pour soutenir et consolider la base industrielle de défense européenne. Depuis 2017, elle a adopté différents programmes destinés à financer des projets collaboratifs entre États membres dans ce domaine, parmi lesquels figurent le Fonds européen de la défense (FEDEF) et le futur et le Programme industriel de défense européen (EDIP selon l’acronyme anglais), encore en négociation. Ces programmes, gérés par la Commission et financés par le budget ordinaire de l’UE, sont toutefois restés dotés de moyens limités. Jusqu’à présent, les États membres ont souhaité freiner la montée en puissance de l’exécutif européen dans ce secteur, qu’ils considèrent être du ressort de leur souveraineté nationale.   Le rapprochement entre les États-Unis et la Russie a néanmoins rappelé aux États membres qu’ils devaient poursuivre urgemment leur objectif d’autonomie stratégique, en augmentant leurs dépenses militaires et en unissant leurs forces via leurs politiques de défense communes. Ils ont dès lors demandé à la Commission d’identifier des options pour soutenir les investissements dans le secteur de la défense, tout en ne remettant pas en cause leurs prérogatives nationales. Le 6 mars 2025, la Commission a ainsi proposé un plan baptisé ReArm Europe, en tentant d’assurer la quadrature du cercle voulue par les États membres, à savoir concilier le […]

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Cela fait en réalité déjà plusieurs années que l’UE a acquis des compétences inédites pour soutenir et consolider la base industrielle de défense européenne. Depuis 2017, elle a adopté différents programmes destinés à financer des projets collaboratifs entre États membres dans ce domaine, parmi lesquels figurent le Fonds européen de la défense (FEDEF) et le futur et le Programme industriel de défense européen (EDIP selon l’acronyme anglais), encore en négociation. Ces programmes, gérés par la Commission et financés par le budget ordinaire de l’UE, sont toutefois restés dotés de moyens limités. Jusqu’à présent, les États membres ont souhaité freiner la montée en puissance de l’exécutif européen dans ce secteur, qu’ils considèrent être du ressort de leur souveraineté nationale.  

Le rapprochement entre les États-Unis et la Russie a néanmoins rappelé aux États membres qu’ils devaient poursuivre urgemment leur objectif d’autonomie stratégique, en augmentant leurs dépenses militaires et en unissant leurs forces via leurs politiques de défense communes. Ils ont dès lors demandé à la Commission d’identifier des options pour soutenir les investissements dans le secteur de la défense, tout en ne remettant pas en cause leurs prérogatives nationales.

Le 6 mars 2025, la Commission a ainsi proposé un plan baptisé ReArm Europe, en tentant d’assurer la quadrature du cercle voulue par les États membres, à savoir concilier le principe de souveraineté nationale avec le besoin d’agir ensemble. À ce stade, le plan de la Commission ne s’adresse donc pas aux programmes communautaires mis en place au cours des dernières années pour soutenir l’industrie militaire, tels que le FEDEF ou le futur EDIP. Les montants de ces programmes seront discutés dans les mois à venir, lorsque le prochain Cadre financier pluriannuel (2028-2034) sera renégocié. ReArm Europe se limite à identifier des dispositions devant faciliter l’augmentation des budgets militaires nationaux des États membres, tout en essayant néanmoins de faire en sorte que cela se produise dans un cadre européen.

Cinq mesures ont été pensées pour cela :

  • Activer la clause dérogatoire prévue par le Pacte de stabilité et de croissance, qui permet de déroger, en cas de crise, aux limites imposées aux États membres en termes de déficit et de dette publique. La Commission évoque à titre d’exemple la possibilité que les États membres augmentent leurs budgets militaires jusqu’à 1,5 % de leur PIB sans que ces sommes ne soient prises en compte dans leurs déficits nationaux, ce qui équivaut à générer 650 milliards d’euros sur 4 ans pour la défense.
  • Lever sur le marché 150 milliards via l’émission d’obligations de l’UE, pour ensuite reprêter cette somme aux gouvernements avec des taux bas et des échéances de remboursement longues. Cette somme devrait permettre de financer une liste de projets militaires paneuropéens, comme la défense antiaérienne, en mutualisant la demande et en effectuant des achats communs. Les équipements ainsi financés pourront entre autres être envoyés à l’Ukraine.
  • Faciliter l’utilisation des fonds de cohésion pour des investissements dans la défense. Il convient de rappeler, à ce propos, que les États membres demeurent libres de décider s’ils comptent utiliser les fonds de cohésion qui leur sont dus pour la défense ou non. Ceux-ci, en effet, doivent financer des projets qui sont identifiés par les États membres et leurs entités locales, bien qu’ils doivent par la suite être approuvés au niveau de l’UE.
  • Mettre en place une Union de l’épargne et des investissements pour pousser les établissements financiers privés à soutenir l’industrie militaire, ce qu’ils font à ce jour avec une certaine réticence.
  • Pousser la Banque européenne d’investissement (BEI) à appuyer également le secteur de la défense. Actuellement la BEI ne peut financer que les biens à double usage. L’idée est donc de lever toute restriction en matière militaire. Cela fait toutefois plusieurs années que cette option est sur la table. Le Conseil d’administration de la Banque est composé des États membres, lesquels prennent leurs décisions à l’unanimité. La Commission n’a donc en réalité aucun pouvoir en la matière.

Le plan pourrait incontestablement renforcer la défense européenne, mais il pourrait également l’affaiblir. Tout dépendra des détails techniques, à ce jour encore inconnus, qui seront adoptés pour le mettre en œuvre. Pour comprendre ce point, il convient de rappeler que le sens ultime de l’action de l’UE en matière d’armement est de réduire la fragmentation de la base industrielle de défense européenne, afin de la consolider et de la rendre plus compétitive. L’UE doit créer une masse critique en termes de capacités et de technologies de défense qui permette aux Européens de se confronter ensemble aux grandes puissances de ce monde.

Or, si le plan devait se traduire par une simple augmentation des dépenses militaires au niveau national, en dehors de toute coordination et stratégie commune élaborées au niveau de l’UE, il produirait tout simplement le contraire de l’effet souhaité. Chaque État membre finirait par financer ses propres industries, lesquelles resteraient déconnectées les unes des autres. La fragmentation industrielle du continent et les duplications ne feraient qu’accroître, sans pour autant que les capacités militaires des Européens soient renforcées.

Les détails techniques et réglementaires qui seront adoptés pour mettre en œuvre concrètement le plan ReArm Europe nous dirons si celui-ci sera mis au service d’une stratégie européenne ou s‘il se limitera à arroser inutilement les sables du désert. Plusieurs questions délicates devront être tranchées, surtout pour ce qui concerne la proposition de dérogation du Pacte de stabilité et de croissance. Celles-ci peuvent être regroupées en trois groupes de questions et en plusieurs sous-questions :

De quels financements parle-t-on exactement ? L’UE devra préciser quels seront exactement les financements de défense qui ne seront pas pris en compte dans le calcul du déficit et lesquels continueront à l’être : Est-ce que le plan ReArm Europe concernera uniquement les dépenses d’investissement (R&D, acquisitions) ou s’adressera-t-il également aux dépenses de fonctionnement  (embauche de soldats, formation, salaires, coûts opérationnels pour les déploiements …) ?

À quelles conditions ? L’UE devra également définir quelles seront les conditions qui permettront aux dépenses en armement de ne pas être prises en compte dans les déficits :

  • Faudra-t-il que les États membres investissent dans des équipements identifiés comme prioritaires au niveau de l’UE ou pourront-ils financer ce que bon leur semble sans coordination au sein de l’UE ?
  • Faudra-t-il qu’ils le fassent à travers des projets collaboratifs transeuropéens ou non ?
  • Quid de la préférence européenne et des critères d’éligibilité ? Devront-ils utiliser cet argent pour produire ou acheter des équipements européens, ou pourront-ils également s’équiper à l’étranger ?

Qui décidera ? Enfin et surtout :

  • Quelles seront les marges de manœuvre dont la Commission bénéficiera dans l’identification concrète des dépenses qui ne seront pas prises en compte dans le calcul du déficit ?
  • Pourra-t-elle refuser que certaines dépenses soient soustraites au calcul des déficits si elles ne répondent pas à une logique européenne ?
  • Et pour ceux qui concernent les prêts de l’UE, comment seront identifiés les projets qu’ils devront financer ?

Les négociations qui devront être entamées au sein de l’UE pour répondre à ces questions ne seront pas faciles. Derrière le caractère bureaucratique relatif à la mise en œuvre du plan se cachent en effet les sempiternels défis politiques et existentiels qui tourmentent la défense européenne depuis qu’elle a été créée : quel niveau d’intégration les États membres sont-ils prêts à accepter ? Quelle place pour Bruxelles et pour la Commission ? La quadrature du cercle est loin d’être résolue.

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11.03.2025 à 19:07

Un nouvel âge d’or américain ? L’impact des milliardaires sur la politique économique sous Trump II

Coline Laroche              

Lors de son audition devant le Sénat américain, Scott Bessent, secrétaire du Trésor américain, a déclaré que les États-Unis étaient à l’aube d’un « nouvel âge d’or ». Cette expression fait écho à la « Gilded Age » (période 1870-1890), marquée par l’accumulation du capital par une minorité d’industriels et l’émergence de grands oligopoles dans les secteurs des hydrocarbures (StandardOil), de la banque (J.P. Morgan & Co.), de l’aluminium (Alcoa) et des télécommunications (AT&T). Ces conglomérats furent dominés par des figures telles que J.P. Morgan ou John D. Rockefeller, qualifiés de « barons voleurs » en raison de nombreux abus de pouvoir et de leurs pratiques financières peu soucieuses du code déontologique.  Dans un pays où la réussite est corrélée au niveau de concentration de richesse, les hommes d’affaires ont historiquement exercé une influence majeure sur la sphère politique, exploitant des mécanismes institutionnels comme le lobbying et le financement de campagnes électorales. L’arrivée d’Elon Musk dans la nouvelle administration Trump marque un bouleversement significatif, accélérant la possibilité de « conversion de la richesse en pouvoir politique » (Jeffrey Winters, 2011) et donc de voir accéder au pouvoir une élite économique. Le ralliement d’Elon Musk à Donald Trump relève-t-il d’une simple convergence d’intérêts à court terme ou d’une stratégie plus profonde visant à remodeler les États-Unis et leur rôle sur la scène mondiale ? Un projet au caractère totalisant L’arrivée d’Elon Musk dans l’administration Donald Trump marque un tournant et illustre plus que jamais le rapprochement du politique avec l’économie, théorisé lors du colloque de Lipp en 1939. Sa fortune lui permet de financer un projet économique et politique d’une ampleur inédit. Contrairement à d’autres figures du capitalisme américain, comme les frères Koch, Elon Musk mobilise sa fortune – estimée à environ 430 milliards de dollars en décembre 2024 – au service d’une vision économique, d’un projet politique, et d’une […]

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Texte intégral (2961 mots)

L’arrivée d’Elon Musk dans l’administration Donald Trump marque un tournant et illustre plus que jamais le rapprochement du politique avec l’économie, théorisé lors du colloque de Lipp en 1939. Sa fortune lui permet de financer un projet économique et politique d’une ampleur inédit. Contrairement à d’autres figures du capitalisme américain, comme les frères Koch, Elon Musk mobilise sa fortune – estimée à environ 430 milliards de dollars en décembre 2024 – au service d’une vision économique, d’un projet politique, et d’une conception anthropologique qui se veulent systémiques. Bien qu’il partage, avec les frères Koch, une sensibilité libertarienne, son projet dépasse largement les considérations économiques classiques : le dessein muskien repose sur un transhumanisme techno-utopique marqué par le dépassement des limites biologiques et terrestres. Elon Musk avait affirmé dans Full Send Podcast que « la plus grande menace pour l’humanité est l’effondrement du taux de fertilité au niveau mondial ». Le milliardaire a ensuite multiplié les déclarations sur la nécessité de rendre la vie multiplanétaire, expliquant en avril 2024 : « Nous devons coloniser Mars tant que la civilisation est encore forte ». Son entreprise SpaceX travaille activement sur ce projet avec le développement du vaisseau Starship.

En finançant à plus 118 millions de dollars la campagne de Donald Trump, Elon Musk a, d’une part assuré la victoire du républicain et s’est offert la possibilité de mettre en œuvre son projet « totalisant ». Dans ce contexte, les nombreuses entreprises apparaissent comme un véritable écosystème allant du microscopique (avec Neuralink) au macroscopique (via Starlink ou SpaceX) au service d’un dessein civilisationnel. Au cœur de cet écosystème intégré, la donnée s’impose comme une ressource stratégique, jouant le rôle de « matière première » fondamentale. Pilier central du projet Muskien, la data alimente les différents secteurs dans lesquels les entreprises Musk évoluent :  l’aérospatial (SpaceX, Starlink), l’intelligence artificielle (xAI, Grok), l’automobile autonome (Tesla), les infrastructures de transport (The Boring Company, Hyperloop) et la biotechnologie (Neuralink). L’acquisition de Twitter (désormais X) en 2022 ne s’est pas limitée à un simple positionnement médiatique, à l’image du Washington Post pour Jeff Bezos. Elle s’inscrit en effet dans une logique plus large de captation et d’exploitation de données, essentielles au développement de son intelligence artificielle Grok, intégrée à X. En parallèle, les véhicules autonomes de Tesla collectent chaque jour des milliards de kilomètres de données sur la conduite humaine, tandis que Neuralink ambitionne de fusionner l’humain et la machine à travers des interfaces cerveau-ordinateur.

Pour concrétiser son projet à dimension « totalisante », Elon Musk transpose au champ politique les stratégies éprouvées dans le monde des affaires : disrupter pour monopoliser. Ce mode opératoire repose sur une remise en question des cadres institutionnels établis, lui permettant d’imposer ses propres solutions, souvent en dehors des circuits traditionnels de régulation. L’intervention de Starlink dans le conflit russo-ukrainien illustre parfaitement cette logique. En fournissant un accès Internet par satellite aux forces ukrainiennes dès les premières semaines de l’invasion russe, Elon Musk a comblé un vide laissé par les instances internationales et les infrastructures étatiques défaillantes. Cependant, la suspension temporaire de l’accès à Starlink dans certaines zones sensibles – notamment en Crimée – a révélé l’ampleur du pouvoir discrétionnaire d’Elon Musk dans un domaine aussi stratégique que la guerre numérique. Selon un rapport du Pentagon Oversight Committee de 2023, cette situation soulève une problématique cruciale : la privatisation des infrastructures essentielles à la souveraineté nationale et à la conduite des conflits modernes.

Au-delà des conflits armés, l’influence d’Elon Musk s’étend également aux infrastructures économiques des États. À Mayotte, l’introduction de Starlink a fragilisé la position des opérateurs historiques comme Orange et SFR, redessinant les équilibres économiques locaux. Ce schéma de substitution d’acteurs nationaux s’apparente à une forme de disruption économique où l’absence d’une régulation stricte permet à des entreprises privées d’évincer les acteurs traditionnels sous couvert d’innovation. Cette stratégie trouve un écho dans les dynamiques géopolitiques du Sahel. Au Niger, après le coup d’État de 2023, Elon Musk a suggéré sur X que ses infrastructures pourraient servir à contourner les restrictions imposées par la CEDEAO. Si cette déclaration est restée au stade de l’intention, elle témoigne d’une vision interventionniste où l’entrepreneuriat technologique devient un levier d’influence géopolitique.

Elon Musk ne se contente pas d’exploiter les failles du système international, il reconfigure les rapports de force à son avantage. Ses entreprises ne sont plus seulement des entités économiques, mais des acteurs centraux des relations internationales, influençant directement les choix stratégiques des États. Cette privatisation du pouvoir, qui échappe en grande partie aux mécanismes de contrôle démocratique, pose un défi majeur pour les gouvernements et les institutions multilatérales. Le modèle proposé par Elon Musk, bien qu’encore embryonnaire, pourrait préfigurer – à condition que son alliance avec Donald Trump perdure – une nouvelle ère dans laquelle une petite poignée d’entreprises technologiques, dialoguerait d’égale à égale avec les États.

Faire de l’État une entreprise : les risques de state-capture

L’arrivée d’Elon Elon Musk au Department of Governmental Efficiency (DOGE), acronyme qui fait directement référence à la cryptomonnaie éponyme (Dogecoin), soulève des préoccupations croissantes, notamment en ce qui concerne les conflits d’intérêts potentiels et la concentration de pouvoir économique et politique entre les mains d’une poignée individus. Cette nomination illustre le phénomène plus large de l’influence accrue des grandes entreprises technologiques sur les politiques publiques, ce qui a alimenté des critiques sur l’érosion des principes démocratiques et le risque de capture de l’État (« statecapture »).

Un des enjeux majeurs du prochain mandat de  Donald Trump est la gestion de la dette états-unienne. En 2023, les dépenses fédérales des États-Unis ont dépassé 6 000 milliards de dollars, tandis que les recettes n’ont atteint que 4 500 milliards de dollars, ce qui a creusé un déficit budgétaire de 1 500 milliards de dollars. Cette situation s’est aggravée sous la présidence de Joe Biden, la dette publique ayant augmenté de manière significative, passant de 28 000 milliards de dollars à 34 500 milliards de dollars entre 2021 et 2024. Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit que la dette publique des États-Unis atteindra 121 % du produit intérieur brut (PIB) d’ici la fin de 2024, une situation qui expose le pays à de nouvelles vulnérabilités économiques à moyen terme (FMI, 2024).

Dans ce contexte, la critique de la gestion financière du pays par Elon Musk est l’occasion pour lui de mettre en place « un État sous surveillance du marché plutôt qu’un marché sous surveillance de l’État » (Foucault), en réduisant la taille et l’influence de l’État au profit de grandes entreprises. En effet, Elon Musk souhaite faire profiter ses entreprises des mécanismes d’externalisation des fonctions stratégiques de l’État, en particulier dans les domaines de la défense et de l’exploration spatiale. Par le passé, SpaceX, entreprise fondée par Elon Musk, a signé un contrat avec la NASA en 2008 pour fournir des services de transport spatiaux, d’une valeur de 15 milliards de dollars. En juillet 2024, ce contrat s’élevait à 69 milliards de dollars. Cette situation illustre une tendance croissante à confier à des entreprises privées des missions de plus en plus stratégiques et sensibles, une dynamique qui peut être perçue comme une forme de dérégulation ou de privatisation des fonctions régaliennes de l’État. L’externalisation de telles missions à des entreprises comme SpaceX, qui propose des solutions innovantes à des coûts moins élevés que des acteurs historiques comme Boeing ou Lockheed Martin, a des implications sur l’efficacité, mais soulève aussi des questions de contrôle et de responsabilité.

Pour Elon Musk, l’efficacité ne se limite donc pas à la réduction des dépenses publiques ou au gain de temps qui pourrait en découler : elle devient un levier lui permettant de redéfinir les relations entre technologie, société et pouvoir, tout en consolidant la position de sa galaxie d’entreprises dans la course mondiale à l’innovation. La politique d’efficacité Muskienne apparait comme une étape nécessaire à la réalisation de son mettre son projet civilisationnel. À ce titre, la démission de Vivek Ramaswamy et plus récemment, d’une vingtaine de fonctionnaires américains, intégrés aux effectifs du DOGE interroge : « nous n’utiliserons pas nos compétences techniques pour fragiliser l’appareil d’États ».

D’une ampleur inédite, le projet d’Elon Musk alerte également par sa radicalité radicalité qui provient à la fois du caractère totalisant de son projet et de ses méthodes importées du monde des affaires. Contrairement aux cycles électoraux précédents où la Silicon Valley était perçue comme un bastion démocrate, l’influence d’Elon Musk contribue à un basculement pragmatique, pour certains, idéologique, pour d’autres dans le camp conservateur.

La défiance croissante envers l’État régulateur et l’expansion de modèles économiques transnationaux facilitent une alliance entre Donald Trump et certains entrepreneurs technologiques, soucieux de maintenir une autonomie réglementaire. Historiquement, la Silicon Valley a soutenu les démocrates, en raison d’une convergence autour de valeurs progressistes telles que la diversité, l’inclusion et la lutte contre les changements climatiques, ainsi qu’un intérêt commun pour les politiques favorisant l’innovation publique. Si la diversité et l’inclusion restent des éléments centraux pour attirer une main-d’œuvre jeune et talentueuse, des dirigeants à l’instar de Mark Zuckerberg voient dans l’approche masculiniste et libertarienne du camp républicain, une manière de s’émanciper des garde-fous qu’avaient imposés les démocrates sous la présidence Biden. Meta et Amazon n’ont en effet pas attendu l’investiture de Donald Trump pour mettre un stop à leur programme de diversité. La firme de Mark Zuckerberg, qui avait contribué à auteur d’un million de dollars au fonds d’inauguration de Donald Trump, a annoncé la suppression de ses programmes de Diversité, d’équité et d’inclusion (DEI) dans ses processus de recrutement, de formation et de sélection des fournisseurs. La société a également mis fin à son programme de vérification des faits aux États-Unis et nommé des figures conservatrices à des postes clés, dont Joel Kaplan[1] et Dana White. Quant à la firme de Jeff Bezos, elle suit une tendance similaire, en supprimant, en janvier 2025, ses programmes liés à la représentation et à l’inclusion.

Le ralliement à Elon Musk peut être également interprété comme une réponse pragmatique face au risque potentiel de se faire disrupter. Le basculement vers le camp républicain peut s’expliquer par ailleurs, par plusieurs facteurs liés à la position dominante et au pouvoir disruptif d’Elon Musk dans le secteur technologique. Elon Musk a démontré en effet, sa capacité à disrupter des secteurs entiers (l’aérospatiale avec SpaceX, l’automobile avec Tesla). La menace qu’il a formulée de boycotter Apple à la suite du choix de la firme de Cupertino de collaborer avec OpenAI plutôt que d’adopter les solutions IA développées par Elon Musk illustre cette dynamique de pouvoir.Sa position au gouvernement pourrait exacerber ces enjeux de régulation de la concurrence. Sa capacité à influencer les choix publics, en orientant notamment, les ressources vers ses projets technologiques (aérospatial, intelligence artificielle), pose la question du possible conflit d’intérêts. Cette question avait déjà été mise en lumière en avril 2021, lorsque la NASA a attribué à SpaceX, au détriment de Blue Origin, un contrat de 2,9 milliards de dollars pour développer un atterrisseur lunaire, suscitant des accusations de favoritisme et des contestations de la part de la concurrence.

Le rapprochement entre élites politiques et élites économiques, autrefois discret, devient à l’ère Trump-Musk ostentatoire. Le milliardaire sud-africain marque une rupture en assumant un rôle politique visible et disruptif alors même qu’il n’a jamais été élu, via, d’une part le contrôle de Twitter (devenu X) et, d’autre part, son rôle au sein de l’administration Trump. Bien qu’Elon Musk monopolise la scène médiatique et les réseaux sociaux, son projet global reste difficile à appréhender dans son intégralité. Contrairement à d’autres, qui avaient exposé leur dessein dans des manifestes ou des essais politiques, le fondateur de Tesla se garde bien d’exposer la finalité de son projet et joue, à l’image de  Donald Trump, des effets d’annonce sur son réseau social, limitant ainsi la portée des analyses. Nombreux sont les commentateurs de tweet, peu prennent de la distance et tentent de se projeter.  Il semble en effet nécessaire de considérer qu’Elon Musk construit son influence comme un engrenage dont les pièces s’assemblent à mesure que son projet prend forme. Cette stratégie de communication lui permet d’écarter tout risque de suspicion de la part de potentiels adversaires. La vision à long terme d’Elon Musk dépasse largement une simple influence sur l’administration américaine. Elle semble s’inscrire dans une logique d’intégration systémique de ses entreprises sous une entité unique, en témoigne la création de la société United States of America Inc. Si le milliardaire ne s’est pas publiquement exprimé sur les intentions précises derrière cette structure, plusieurs indices permettent d’esquisser une hypothèse. United States of America Inc. est citée comme gestionnaire de Group America LLC, une entité dont Elon Musk n’est pas directement mentionné comme propriétaire, mais qui partage la même adresse postale que plusieurs de ses entreprises, notamment Musk Ventures et diverses LLC associées à ses activités. Cette structure intrigue, car elle pourrait servir de véhicule juridique pour consolider son empire industriel et technologique, en lui offrant une flexibilité financière et réglementaire accrue.


[1] Ancien dirigeant républicain, Joel Kaplan a été nommé responsable des affaires internationales chez Méta pour succéder à Nick Clegg.

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11.03.2025 à 16:49

2050 : L’insécurité alimentaire mondiale inévitablement amplifiée ? | Déméter 2025

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L’insécurité alimentaire est au cœur des défis auxquels l’humanité est confrontée. Encore largement présente malgré certaines initiatives globales, son impact sur la stabilité des États concernés revêt de multiples formes et soulève de nombreuses interrogations. À l’heure où le réchauffement climatique tend à accentuer les difficultés d’accès à une nutrition saine, les États n’auront d’autres choix que de réagir. De la nécessité de répondre aux besoins d’une population toujours plus importante à la bonne gestion des crises liées aux différents conflits, les enjeux pour 2050 sont colossaux et laissent entrevoir plusieurs scénarios… À l’occasion de la sortie du Déméter 2025, Marine Raffray, chargée de mission au Service étude économique et prospective de Chambres d’agriculture France, répond à nos différentes questions :

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L’insécurité alimentaire est au cœur des défis auxquels l’humanité est confrontée. Encore largement présente malgré certaines initiatives globales, son impact sur la stabilité des États concernés revêt de multiples formes et soulève de nombreuses interrogations. À l’heure où le réchauffement climatique tend à accentuer les difficultés d’accès à une nutrition saine, les États n’auront d’autres choix que de réagir. De la nécessité de répondre aux besoins d’une population toujours plus importante à la bonne gestion des crises liées aux différents conflits, les enjeux pour 2050 sont colossaux et laissent entrevoir plusieurs scénarios…

À l’occasion de la sortie du Déméter 2025, Marine Raffray, chargée de mission au Service étude économique et prospective de Chambres d’agriculture France, répond à nos différentes questions :

  • Quel état des lieux peut-on dresser sur l’insécurité alimentaire aujourd’hui ? Quelles ont été ses répercutions sur la stabilité géopolitique des pays ?
  • Quelles sont les causes de l’insécurité alimentaire à l’époque contemporaine ? Dans quelle mesure la démographie a-t-elle une influence ?
  • Quels sont les différents scénarios possibles à l’horizon 2050 ? La disparition de la faim est-elle encore un objectif réaliste ?

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11.03.2025 à 14:37

« L’idée de gauche peut-elle encore faire sens ? » 4 questions à Michel Wieviorka

stagiairedecomm@iris-france.org

Sociologue, directeur d’étude à l’École des hautes études en sciences sociales, Michel Wieviorka répond aux questions de Pascal Boniface à l’occasion de la parution de son ouvrage L’idée de gauche peut-elle encore faire sens ? aux Éditions de l’Aube Selon vous le rapport de la gauche à la nation est anti-nationaliste, mais il n’est pas nécessairement fait d’hostilité ou de refus… L’idée de gauche s’est construite historiquement sur trois registres : celui du vivre ensemble et de la lutte pour la République, en opposition à l’ordre politique autoritaire et à l’Église catholique ; celui de l’incarnation d’une figure sociale, le prolétariat ouvrier, appelé à diriger toute la société dans les utopies et les discours socialistes et communistes ; enfin, et vous avez raison, plus ambigu, celui de l’unité et de la défense du corps social, et donc la Nation. Cela commence à Valmy, moment patriotique où il s’agit de sauver la Nation, et traverse l’histoire : la nation n’a pas toujours été le seul fait de la droite, et aujourd’hui des extrêmes-droites. La gauche a été à certains moments, ou chez certains, patriote, y compris, on l’oublie trop souvent, chez Jean Jaurès, dans les jours qui précèdent son assassinat et la déclaration de la guerre en 1914 – mais elle a aussi été souvent internationaliste, comme lui. Elle a résisté à l’envahisseur étranger et aux collaborateurs, pendant la deuxième guerre mondiale, mais pas toujours : faut-il rappeler ici ce qu’a été pour les communistes l’époque du pacte Molotov- Ribbentrop ? Au pouvoir, sous la Troisième République, elle a été impériale et a accompagné une colonisation qui broyait sinon des nations, du moins des peuples – mais elle a aussi, en partie ou à certains moments soutenu des mouvements de libération nationale….  Le grand problème aujourd’hui est simple à formuler, sinon à résoudre : comment la gauche peut-elle contribuer […]

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Texte intégral (1353 mots)

Selon vous le rapport de la gauche à la nation est anti-nationaliste, mais il n’est pas nécessairement fait d’hostilité ou de refus…

L’idée de gauche s’est construite historiquement sur trois registres : celui du vivre ensemble et de la lutte pour la République, en opposition à l’ordre politique autoritaire et à l’Église catholique ; celui de l’incarnation d’une figure sociale, le prolétariat ouvrier, appelé à diriger toute la société dans les utopies et les discours socialistes et communistes ; enfin, et vous avez raison, plus ambigu, celui de l’unité et de la défense du corps social, et donc la Nation. Cela commence à Valmy, moment patriotique où il s’agit de sauver la Nation, et traverse l’histoire : la nation n’a pas toujours été le seul fait de la droite, et aujourd’hui des extrêmes-droites.

La gauche a été à certains moments, ou chez certains, patriote, y compris, on l’oublie trop souvent, chez Jean Jaurès, dans les jours qui précèdent son assassinat et la déclaration de la guerre en 1914 – mais elle a aussi été souvent internationaliste, comme lui. Elle a résisté à l’envahisseur étranger et aux collaborateurs, pendant la deuxième guerre mondiale, mais pas toujours : faut-il rappeler ici ce qu’a été pour les communistes l’époque du pacte Molotov- Ribbentrop ? Au pouvoir, sous la Troisième République, elle a été impériale et a accompagné une colonisation qui broyait sinon des nations, du moins des peuples – mais elle a aussi, en partie ou à certains moments soutenu des mouvements de libération nationale….  Le grand problème aujourd’hui est simple à formuler, sinon à résoudre : comment la gauche peut-elle contribuer à des progrès dans la construction européenne, sans délaisser la nation ni être pour autant nationaliste ?

Le mouvement d’ensemble de la société en faveur des valeurs d’égalité, de progrès d’émancipation, a reculé au profit de valeurs contraires. Pourquoi ?

L’idée de gauche est en crise pour des raisons profondes. Sur le premier registre de mon analyse, la République, ses partis ne sont plus seuls à s’en réclamer : tout le monde est républicain aujourd’hui, y compris les droites et extrêmes-droites qui incarnaient dans un passé, qui n’est pas si lointain, le refus sans concession de la République. Il n’y a –-apparemment – pas plus républicaine, c’est-à-dire laïque, refusant l’antisémitisme, défendant les institutions, prônant l’égalité des femmes et des hommes que Marine Le Pen ! 

Sur le deuxième registre : le mouvement ouvrier, que la gauche a pu prétendre incarner politiquement, avait un haut niveau de projet, son horizon était de diriger la société. C’est fini. Même si les syndicats ont encore un rôle important à jouer, ce n’est plus à ce niveau de définition des orientations les plus importantes et de la conduite générale de la vie collective. La gauche est orpheline là aussi.

Enfin, les nationalistes ont presque le monopole de la nation, et la gauche peine à inventer la seule alternative qui vaille selon moi : une combinaison de soutien à la construction de l’Europe et de référence à une idée de nation associée à un message universaliste.

Comme vous voyez, je m’écarte des explications qui ont leur part de vérité, mais qui sont superficielles, celles par exemple qui mettent en cause les politiciens. Il faudrait en revanche tenir compte du fait que la crise de la gauche est un phénomène planétaire : elle a, en France comme ailleurs, des aspects spécifiques et des caractéristiques globales. Peut-être faut-il s’intéresser aussi, pour la comprendre, à la vie des idées, au déclin des intellectuels de gauche dans un monde où Internet et les réseaux sociaux favorisent la droitisation de la pensée. Toujours est-il que l’essentiel, à mes yeux, est que le mouvement de notre société, comme celui du monde, ne peut plus être pensé -ou pas seulement en tous cas -dans les catégories héritées des grandes heures de la Troisième République, du mouvement ouvrier à son apogée, et de la patrie. Nous sommes entrés dans une nouvelle ère, et sans faire table rase du passé, la gauche n’en doit pas moins se réinventer. Elle est pour l’instant – comme la droite – en retard sur la société.  

Pour vous, le rêve de la gauche est indissociable d’une solide réflexion sur les services publics, l’État providence, la fiscalité…

Mon cadre d’analyse peut aider à ébaucher une réponse ! Pour ré-enchanter l’idée de gauche, il faut lester la République de plus de démocratie, qu’il s’agisse de promouvoir les droits humains et l’État de droit, d’introduire des changements institutionnels ou de compléter la démocratie représentative qui va mal, par plus de démocratie participative ou délibérative, voire par une certaine ouverture à la démocratie directe. Si la gauche est orpheline du mouvement ouvrier, elle peut s’intéresser aux nouveaux mouvement sociaux et culturels, à condition d’articuler la réflexion de façon à prendre en charge en même temps les préoccupations sociales classiques que vous évoquez ; le service public, la redistribution, etc., et les thématiques culturelles nouvelles ; environnementales, féministes, éthiques, etc.

Mais il y a plus : le social n’est pas seulement souvent opposé au culturel, à l’action face au changement climatique, aux réponses à apporter aux identités, il existe aussi un risque qu’il soit pensé de façon purement défensive, déconnectée de la réflexion sur la science, les nouvelles technologies, l’IA, etc. À quand une gauche capable de se projeter vers l’avenir sur ces enjeux ?

À partir d’évènements isolés, la critique du wokisme revient à discréditer des protestations légitimes un peu comme si on avait voulu à la fin du XIXe siècle déconsidérer le mouvement syndical du fait d’attentats anarchistes…

La réflexion sur les identités devrait ici dépasser le stade misérable de l’opposition entre wokisme et antiwokisme – une question que renouvellent les attaques de Trump contre les libertés académiques et la science : censure, privation de droits, mise au pas du travail scientifique, voici ce que signifie l’antiwokisme dont Trump est maintenant la plus haute figure. La critique du wokisme touche juste quand elle vise des dérapages inacceptables, de l’intolérance, de la bêtise. Mais elle est en France presque toujours réactionnaire. Elle généralise des évènements précis pour disqualifier les contestations antiracistes, féministes, pour la justice, ou en faveur d’une laïcité conforme à la lettre et à l’esprit de la loi de 1905. Elle jette le bébé avec l’eau du bain.

Cet article est également disponible sur le blog de Pascal Boniface et sur Médiapart

L’article « L’idée de gauche peut-elle encore faire sens ? » 4 questions à Michel Wieviorka est apparu en premier sur IRIS.

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