Comme le dit Neige Sinno, et comme le disent beaucoup de victimes de violences sexuelles, la justice dépossède les victimes de leurs besoins, de leur blessure. Ce qui serait la véritable salvation, le véritable sens à verser dans ces viols répétés – qui sont l'inverse même du sens –, ce serait ce changement de société que Gisèle Pélicot appelle de ses vœux.
Au-delà des individualités des prévenus, l'ampleur de l'affaire nous invite à dézoomer, à considérer le viol non plus comme un cas extrême, le fait de monstres déséquilibrés, mais comme un instrument de contrôle social* structurant notre société. Gisèle Pélicot ne s'y trompe pas : davantage que demander justice ou dénoncer l'impunité, elle appelle à une prise de conscience. Dans une société française où seulement 2 % des viols passent devant la justice, il serait illusoire de vouloir mettre sous les barreaux tous les violeurs. Le système pénal fonctionne sur son échec. La question ne doit pas être comment punir, mais comment les empêcher de violer.