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Humans Right Watch enquête sur les violations des droits humains commises à travers le monde

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16.05.2024 à 15:45

Rwanda : Une chercheuse de Human Rights Watch interdite d’entrée

Human Rights Watch

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(New York) – Les services d’immigration au Rwanda ont refusé l'entrée sur le territoire à Clémentine de Montjoye, chercheuse senior au sein de la division Afrique de Human Rights Watch, lors de son arrivée à l’aéroport international de Kigali le 13 mai 2024, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. 

Clémentine de Montjoye, qui se rendait au Rwanda dans le cadre de réunions avec des diplomates d’ambassades étrangères, a été informée à son arrivée qu’elle n’était « pas la bienvenue au Rwanda » pour des « raisons liées à l’immigration » qui ne lui ont pas été communiquées, et la compagnie aérienne Kenya Airways a reçu l’ordre d’assurer son transport hors du pays.

« Si le Rwanda se targue d’être une destination ouverte et accueillante, le traitement qu’il réserve à ceux susceptibles d’enquêter sur des abus révèle la profonde hostilité de son gouvernement à tout examen indépendant sur la situation des droits humains dans le pays », a déclaré Tirana Hassan, directrice exécutive de Human Rights Watch. « Les autorités rwandaises ont ici l’occasion de montrer que leur ouverture affichée n'est pas qu'une façade, en autorisant Clémentine de Montjoye à retourner au Rwanda et à y effectuer son travail sans entrave ni ingérence ».

Clémentine De Montjoye, qui a la double nationalité française et britannique, avait informé le gouvernement rwandais de son intention de se rendre dans le pays et envoyé, le 29 avril puis le 7 mai, des demandes de réunions auprès du ministère de la Justice, l’interlocuteur de Human Rights Watch au sein du gouvernement. Ces demandes sont restées sans réponse. Human Rights Watch avait également contacté la présidente de la Commission nationale des droits de la personne (CNDP), qui avait répondu qu’elle était hors du pays. Elle n’avait pas répondu à une proposition d’organiser une rencontre une fois de retour à Kigali.

Human Rights Watch avait également informé les autorités rwandaises quand Clémentine de Montjoye s’était rendue au Rwanda, munie des mêmes documents de voyage, en juin 2022 et en août 2023. Elle n’avait alors pas eu de difficultés pour entrer dans le pays.

Lorsque Clémentine de Montjoye est arrivée dans la matinée du 13 mai, les autorités d’immigration ont confisqué son passeport. Elle a reçu l’ordre de prendre un vol retour vers Nairobi, au Kenya, le soir même, où son passeport lui a été rendu avec un document déclarant que l’entrée au Rwanda lui avait été refusée pour des « raisons liées à l’immigration ».

Ce refus d’entrée témoigne de l’intensification de l’offensive des autorités contre les droits humains à quelques mois des élections générales de 2024, a déclaré Human Rights Watch.

Human Rights Watch effectue des recherches sur la situation du Rwanda en matière de droits humains depuis plus de 30 ans, avant le génocide de 1994. Clémentine de Montjoye est la quatrième chercheuse de Human Rights Watch à être empêchée d’entrer au Rwanda. D’autres employés de Human Rights Watch ont subi un traitement similaire en 2008, en 2010 et en 2018. En janvier 2018, après qu’un chercheur de Human Rights Watch s’était vu refuser l’entrée dans le pays, un consultant rwandais travaillant pour Human Rights Watch avait été placé puis maintenu arbitrairement en détention pendant 6 jours, dont les 12 premières heures au secret.

Le refus d’entrée subi par Clémentine de Montjoye fait suite à la publication en octobre 2023 d’un rapport exhaustif de Human Rights Watch qui documente le ciblage systématique par le Rwanda de détracteurs et de dissidents au-delà de ses frontières.

Lors d’une session parlementaire réunie pour discuter de ce rapport, un membre du Front patriotique rwandais (FPR), John Ruku-Rwabyoma, a accusé Human Rights Watch de « ne jamais mettre les pieds au Rwanda » pour effectuer ses recherches. S’adressant directement à Human Rights Watch, il a lancé : « Osez donc venir ici, vous n’avez pas besoin de visa … vous pouvez en obtenir un à l’aéroport … Alors vous verrez le véritable Rwanda dont vous essayez de ternir l’image ».

Les autorités rwandaises s’efforcent depuis longtemps d’empêcher tout examen critique indépendant, y compris en refusant l’entrée dans le paysà un certain nombre de journalistes internationaux, en dénigrant des militants des droits humains et des journalistes rwandais, et en les soumettant à des poursuites judiciaires abusives. Plusieurs journalistes, détracteurs du gouvernement et activistes rwandais ont été tués ou ont été portés disparus dans des circonstances suspectes.

Ces derniers mois, le bilan du Rwanda en matière de droits humains a suscité l’attention de la communauté internationale. Son armée a joué un rôle de plus en plus importantdans le conflit armé qui se poursuit en République démocratique du Congo voisine, où elle fournit un soutien logistique et opérationnel au M23, un groupe armé responsable d’abus.

En dépit du bilan déplorable du pays en matière de droits humains, le Royaume-Uni maintient son projet d'envoyer des demandeurs d’asile au Rwanda, où il affirme, en totale contradiction avec les faits observés, qu’un examen indépendant des conditions de vie des personnes expulsées sera possible. Le refus d’autoriser l’entrée de Clémentine de Montjoye soulève une nouvelle fois des questions quant à l’obstination du gouvernement britannique d’envoyer des demandeurs d’asile vers un pays qui entrave aussi explicitement tout examen des droits humains et refuse d’autoriser l’accès d’enquêteurs spécialisés en droits humains, a déclaré Human Rights Watch.

Trente ans après le génocide de 1994, le gouvernement rwandais a accompli d’importants progrès du point de vue de la reconstruction des infrastructures du pays, ainsi qu’en développant son économie et en améliorant l’accès aux services publics. Il devrait reconnaître le rôle précieux que la société civile peut jouer et permettre un accès libre à ceux qui évaluent le bilan du pays en matière de droits humains.

Human Rights Watch reste engagé à mettre en place un dialogue avec les autorités rwandaises et demande un accès au pays pour ses employés, afin qu’ils puissent rencontrer des responsables gouvernementaux et faire leur travail, comme ils le font dans plus de 90 pays à travers le monde.

« La décision du Rwanda illustre à quel point il est nécessaire que la communauté internationale revoit son approche vis-à-vis du bilan du Rwanda en matière de droits humains, qui ne cesse de se détériorer », a affirmé Tirana Hassan. « Un gouvernement qui refuse l’accès à une employée d’une importante organisation de défense des droits humains n’est guère susceptible de cesser sa répression des droits humains sans une pression plus forte de la communauté internationale. Cet épisode va au-delà d’une tentative d’empêcher Human Rights Watch de travailler au Rwanda, il s'agit d'efforts flagrants de bloquer l’ examen de la conformité du Rwanda à ses obligations internationales en matière de droits humains ».

16.05.2024 à 12:04

Gambie : Condamnation historique en Suisse d’un ex-ministre

Human Rights Watch

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Click to expand Image Tribunal pénal fédéral suisse à Bellinzone, Suisse, le 15 mai 2024. © 2024 Human Rights Watch

(Genève) – La condamnation par un tribunal suisse de l’ancien ministre de l’Intérieur gambien Ousmane Sonko pour crimes contre l’humanité est un événement majeur pour les victimes gambiennes des crimes d’atrocité commis sous le règne de Yahya Jammeh, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le verdict est une avancée de taille dans les efforts de la Suisse visant à demander des comptes aux responsables de crimes graves commis à l’étranger.

Le 15 mai 2024, le Tribunal pénal fédéral suisse de Bellinzone a reconnu Sonko coupable et l’a condamné à 20 ans de prison pour son rôle dans des crimes contre l’humanité liés à la torture, des détentions illégales et des exécutions illégales commises entre 2000 et 2016, au cours du mandat du président de l’époque Yahya Jammeh. Sonko est la deuxième personne condamnée en Europe pour des crimes internationaux commis en Gambie.

« La condamnation d’Ousmane Sonko est historique pour les victimes gambiennes de crimes brutaux commis sous le régime de Yahya Jammeh », a déclaré Balkees Jarrah, Directrice adjointe du Programme Justice internationale à Human Rights Watch. « Le verdict devrait catalyser les efforts de justice en Gambie et encourager les procureurs suisses à poursuivre d’autres affaires d’atrocités au niveau international. »

Le procès de Sonko a été rendu possible parce que le droit suisse reconnaît la compétence universelle pour certains crimes internationaux graves, qui permet de poursuivre ces crimes quel que soit le lieu où ils ont été commis et quelle que soit la nationalité des suspects ou des victimes. Sonko est l’ancien responsable gouvernemental le plus haut placé à être condamné sur le continent en vertu du principe de compétence universelle, a déclaré Human Rights Watch.

Les autorités suisses ont arrêté Sonko à Berne le 26 janvier 2017, le lendemain du jour où TRIAL International, un groupe non gouvernemental suisse, a déposé une plainte pénale contre lui. Le ministère public de la Confédération a déposé un acte d’accusation contre Sonko le 17 avril 2023. L’accusation, les représentants des victimes qui étaient formellement parties à la procédure, connus sous le nom de plaignants privés en droit suisse, et la défense ont présenté leurs arguments au cours du procès qui s’est ouvert le 8 janvier et s’est achevé le 7 mars. Un certain nombre de témoins, ainsi que Sonko lui-même, ont témoigné pendant le procès. TRIAL International a diffusé quotidiennement des informations sur les audiences.

Au cours des deux dernières décennies, les tribunaux nationaux d’un nombre croissant de pays ont instruit des affaires de crimes de guerre, crimes contre l’humanité, génocide, torture, disparitions forcées et d’exécutions extrajudiciaires commis à l’étranger. Bien qu’ils disposent d’une législation solide pour poursuivre de telles affaires, les responsables judiciaires suisses ont été critiqués par le passé pour leur retard sur leurs homologues européens. Néanmoins, au cours des dernières années, les autorités suisses ont poursuivi un certain nombre d’affaires sur la base de la compétence universelle, concernant des crimes présumés commis au Libéria, en Algérie et en Syrie.

Les médias, les représentants de la société civile et le grand public ont pu assister au procès en personne. Cependant, l’accès à distance à la procédure n’était pas disponible, ce qui a posé certains problèmes aux victimes et aux communautés affectées en Gambie pour suivre l’affaire. Les médias ont rapporté que si le tribunal suisse avait pris en charge les frais des plaignants privés pour les jours où ceux-ci ont présenté des preuves dans la salle d’audience, il n’avait pas défrayé ces mêmes plaignants pour qu’ils puissent assister à l’ensemble du procès. Les plaignants n’ont donc pas pu assister à certaines audiences clés, y compris au prononcé du verdict. Les recherches menées par Human Rights Watch dans d’autres situations ont montré que l’insuffisance de la sensibilisation des communautés affectées peut compromettre l’impact des efforts visant à mettre en œuvre l’obligation de rendre des comptes pour les crimes internationaux graves.

Une autre préoccupation était de savoir si les Gambiens pouvaient suivre et comprendre les procédures, qui se sont déroulées en allemand. Human Rights Watch a suivi cinq séances du tribunal et a noté que l’interprétation de l’allemand vers l’anglais, une langue comprise par l’accusé et les communautés gambiennes, était incomplète. Le dernier jour du procès, Sonko s’est dit préoccupé par le fait que certaines étapes cruciales de la procédure, telles que les plaidoiries des parties, n’avaient pas été interprétées en anglais. Le tribunal a rendu les conclusions du jugement disponibles en anglais. Les autorités suisses devraient veiller à ce que les futures affaires de compétence universelle soient pleinement accessibles aux accusés et aux communautés concernées, notamment en donnant une interprétation adéquate, même si cela n’est pas exigé par la loi.

Sous le règne de Yahya Jammeh, qui a duré 22 ans, le gouvernement a mené une répression systématique à l’encontre de tout opposant réel ou supposé dans le but de conserver le pouvoir politique. Le gouvernement a notamment pris pour cible des journalistes, des défenseurs des droits humains, des leaders étudiants, des chefs religieux, des membres de l’opposition politique, des responsables judiciaires, des lesbiennes, des gays, des bisexuels et des transsexuels, ainsi que des membres des forces de sécurité. Les personnes appréhendées ont été soumises à la torture, à des exécutions extrajudiciaires, à des disparitions forcées et à des violences sexuelles. Nombre de ces violations des droits humains ont été mises en lumière pendant les audiences de la Commission vérité, réconciliation et réparations (Truth, Reconcilation and Reparations Commission – TRRC) gambienne, mise en place en 2018.

Depuis la chute du président Jammeh, le gouvernement gambien n’a engagé que deux poursuites pour des crimes commis pendant sa présidence. En décembre 2021, le rapport final de la TRRC a conclu que Yahya Jammeh et 69 de ses associés avaient commis des crimes contre l’humanité, et a demandé qu’ils soient poursuivis. En mai 2022, le gouvernement gambien a accepté la recommandation de la TRRC de mise en œuvre une obligation de rendre des comptes.

Le 22 avril 2024, dans ce qui constitue une avancée décisive en matière de justice, l’assemblée nationale gambienne a approuvé deux projets de loi visant à favoriser la création d’un bureau du procureur spécial et d’un tribunal hybride avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), dans le but de juger les crimes les plus graves.

« Les victimes des crimes commis sous l’ère Jammeh ont droit à la justice et la condamnation de Sonko est un pas de plus vers cet objectif », a déclaré Balkees Jarrah. « Le verdict souligne l’importance pour le gouvernement gambien et la CEDEAO de donner suite au plus vite à la création d’une cour hybride impartiale et indépendante afin d’élargir la portée de l’obligation de rendre des comptes dans le pays. »

 

14.05.2024 à 06:00

Gaza : Attaques israéliennes contre des travailleurs humanitaires

Human Rights Watch

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Click to expand Image L’un des trois véhicules d’un convoi humanitaire de l’association World Central Kitchen, qui a été touché par une attaque israélienne à Deir Al-Balah dans la bande de Gaza, le 1er avril 2024 ; cette attaque a tué sept travailleurs humanitaires.  © 2024 Ismael Abu Dayyah/AP Photo

(Jérusalem, 14 mai 2024) – Les forces israéliennes ont mené au moins huit frappes contre des convois humanitaires et des locaux de travailleurs humanitaires à Gaza depuis octobre 2023, bien que leurs organisations aient communiqué leur itinéraire ou emplacement aux autorités israéliennes pour assurer leur protection, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Les autorités israéliennes n’ont averti aucune des organisations humanitaires avant les frappes, qui ont tué ou blessé au moins 31 travailleurs humanitaires et autres personnes qui les accompagnaient. Plus de 250 travailleurs humanitaires ont été tués à Gaza depuis l'attaque du 7 octobre contre Israël, selon les Nations Unies.

L’une de ces attaques, menée le 18 janvier 2024, a blessé trois personnes qui résidaient dans une maison d'hôtes appartenant conjointement à deux organisations humanitaires ; elle a probablement été perpétrée avec une munition de fabrication américaine, selon l'une des organisations et un rapport rédigé par des enquêteurs de l'ONU ayant visité le site après l'attaque, et lu par Human Rights Watch. L'une des deux organisations humanitaires, Medical Aid for Palestine (MAP), a déclaré que les inspecteurs de l'ONU avaient conclu que la bombe avait été larguée par un avion F-16. Les avions F-16 (de fabrication américaine) utilisent certains composants de fabrication britannique, selon des activistes.

Les huit incidents révèlent des failles fondamentales dans le système de « déconfliction » (« deconfliction » en anglais - réduction de risques accidentels dans un conflit), censé protéger les travailleurs humanitaires et leur permettre de fournir en toute sécurité une aide humanitaire vitale à Gaza.

« La frappe israélienne qui a tué sept travailleurs humanitaires de World Central Kitchen était choquante, et n’aurait jamais dû se produire, en vertu du droit international », a déclaré Belkis Wille, directrice adjointe de la division Crises et conflits à Human Rights Watch. « Les alliés d’Israël devraient reconnaître que ces attaques qui ont tué des travailleurs humanitaires se sont produites à maintes reprises, et insister sur leur cessation. »

L'attaque israélienne du 1er avril contre le convoi de World Central Kitchen (WCK), qui a tué sept travailleurs humanitaires, loin d'être une « erreur » isolée, n’était que l’un de huit incidents de ce type, au moins, identifiés par Human Rights Watch. Dans chacun de ces cas, les organisations humanitaires et des agences des Nations Unies avaient transmis aux autorités israéliennes les coordonnées GPS du convoi humanitaire ou des locaux en question ; malgré cela, les forces israéliennes ont attaqué le convoi ou l'abri, sans aucun avertissement préalable. 

Au cours de ces huit incidents, les forces israéliennes ont tué au moins 15 personnes, dont deux enfants, et ont blessé au moins 16 autres personnes. Cinq de ces attaques ont fait l’objet d’une récente enquête du New York Times, qui s’est appuyée sur des preuves visuelles et sur des communications internes entre les organisations humanitaires et l’armée israélienne.

Les sept autres attaques (hormis celle contre le convoi de World Central Kitchen) sont les suivantes :

Click to expand Image Ce bâtiment utilisé par Médecins Sans Frontières (MSF) pour héberger des membres de son personnel et leurs familles à Khan Younis, dans la bande de Gaza, a été touché par une munition tirée par un char israélien le 20 février 2024, malgré la bannière identifiant clairement MSF. Cette attaque a tué deux personnes et en blessant sept autres.  © 2024 Mohammed Abed/MSF Attaque contre un convoi de Médecins Sans Frontières (MSF), 18 novembre 2023 ;Attaque contre une maison d'hôtes de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), 9 décembre 2023 ;Attaque contre un bâtiment abritant des employés de MSF, 8 janvier 2024 ;Attaque contre un site abritant des employés du Comité international de secours (International Rescue Committee, IRC) et de Medical Aid for Palestine (MAP), 18 janvier 2024 ;Attaque contre un convoi de l'UNRWA, 5 février 2024 ;Attaque contre un bâtiment abritant des employés de MSF, 20 février 2024 ;Attaque contre une maison abritant un employé de l'American Near East Refugee Aid Organization (Anera), 8 mars 2024.

Toutes les organisations dont les structures et le personnel ont été touchés ont déclaré à Human Rights Watch qu'à leur connaissance, il n'y avait aucune cible militaire dans la zone au moment de l'attaque. Si cela était confirmé, cela rendrait les attaques illégales, compte tenu de leur caractère indiscriminé et/ou de l’absence de précautions suffisantes pour garantir que la cible était militaire. En outre, même s'il y avait eu des cibles militaires à proximité de certains sites attaqués, Israël n’a averti les civils dans aucun de ces cas. Ces incidents mettent donc en évidence le manquement d'Israël à son devoir de protéger les travailleurs humanitaires et les opérations humanitaires, et de manière plus générale, sa tendance à ignorer son obligation de minimiser les dommages causés aux civils, a déclaré Human Rights Watch.

Click to expand Image Un camion faisant partie d’un convoi humanitaire géré par l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient (UNRWA), qui a été gravement endommagé par des tirs de la marine israélienne à Nuseirat, dans la bande de Gaza, le 5 février 2024. Le convoi de dix camions transportait de la nourriture devant être distribuée aux habitants de la région. © 2024 UNRWA

L’ONU a signalé que 254 travailleurs humanitaires – dont 188 membres du personnel de l'UNRWA – ont été tués à Gaza entre le 7 octobre 2023 et le 30 avril 2024. Selon l'UNRWA, 169 installations de l’agence ont été touchées par les hostilités lors de 368 incidents, et au moins 429 personnes déplacées ont été tuées dans des abris de l'UNRWA. Les forces israéliennes, selon l'ONU, ont également mené des attaques (par tirs d’armes a feu ou tirs d’artillerie) contre des personnes rassemblées pour collecter de l'aide alimentaire, tuant et blessant des centaines de personnes. Ces attaques ont un effet dissuasif sur les efforts visant à fournir une aide vitale à Gaza.

En outre, les travailleurs humanitaires n’ont pas pu quitter Gaza depuis que les forces israéliennes ont pris le contrôle et fermé le point de passage de Rafah, le 7 mai.

Click to expand Image Mousa Shawwa, employé de l’ONG American Near East Refugee Aid (Anera) qui coordonnait les questions d’approvisionnement et de la logistique à Gaza, a été tué par une attaque israélienne contre l’immeuble où il résidait à Al-Zuwaida, le 8 mars 2024.  © Privé

Lors d'un récent voyage au Caire et dans le nord du Sinaï, près de la frontière entre l'Égypte et Gaza, Human Rights Watch a rencontré des représentants de 11 organisations humanitaires et agences d'aide des Nations Unies opérant à Gaza. Ces organisations et agences ont indiqué que les attaques israéliennes contre les travailleurs humanitaires les avaient contraintes à prendre diverses mesures, comme dans certains cas la suspension provisoire de leurs activités, la réduction de leurs effectifs à l'intérieur de Gaza, ou d’importantes restrictions de leurs activités d'aide employant d'autres moyens.

« Je ne peux pas prendre le risque d’envoyer davantage de personnel à Gaza, parce que je ne peux pas compter sur le système de “déconfliction” [mécanisme censé réduire le risque d’erreurs] pour assurer leur sécurité », a déclaré à Human Rights Watch un employé de haut niveau de l’une des organisations dont la maison d’hôtes a été attaquée. Il a ajouté que ceci était un facteur clé limitant la capacité de cette organisation à fournir des services médicaux. « Vous pouvez mettre en place des quais de chargement et procéder aux expéditions, mais sans un environnement opérationnel sûr, vous vous retrouverez avec une accumulation de colis expédiés, que [vos employés] ne pourront pas déployer en toute sécurité pour aider les gens. »

Cette série d’attaques, survenues malgré le fait que les autorités israéliennes aient été notifiées de manière appropriée, soulève de sérieuses questions quant à l’engagement et la capacité d’Israël à se conformer au droit international humanitaire ; certains pays, dont le Royaume-Uni, exigent le respect de ce droit pour continuer à autoriser les exportations d’armes vers Israël.

Human Rights Watch a par ailleurs constaté que les autorités israéliennes utilisent la famine comme méthode de guerre à Gaza. Conformément à une politique définie par les responsables israéliens et mise en œuvre par les forces israéliennes, les autorités israéliennes bloquent délibérément l'approvisionnement en eau, en nourriture et en carburant, entravant délibérément l'aide humanitaire ; des zones agricoles ont apparemment été rasées, privant la population civile de biens indispensables à sa survie. À Gaza, des enfants sont décédés en raison de complications sanitaires liées à la famine.

Le 1er mai, Human Rights Watch a transmis aux autorités israéliennes une lettre sollicitant des informations spécifiques sur les attaques contre les travailleurs humanitaires documentées dans ce rapport, mais n’a pas reçu de réponse a ce jour.

Les lois de la guerre interdisent les attaques ciblant des civils et des biens de caractère civil, ou qui ne font pas de distinction entre civils et combattants ; ces lois interdisent aussi les attaques qui sont susceptibles de causer aux civils ou aux biens de caractère civil des dommages disproportionnés par rapport à tout avantage militaire attendu. Parmi les attaques indiscriminées figurent celles qui ne sont pas dirigées contre une cible militaire spécifique, ou qui n'utilisent pas une méthode ou des moyens de combat dont les effets ne peuvent être limités, comme requis.

Les parties belligérantes doivent prendre toutes les précautions possibles pour minimiser les dommages causés aux civils, notamment en fournissant des avertissements préalables efficaces en cas d'attaque, sauf si les circonstances ne le permettent pas, et en épargnant les civils sous leur contrôle des effets des attaques. Les violations graves des lois de la guerre commises par des individus avec une intention criminelle – c’est-à-dire délibérément ou par imprudence – constituent des crimes de guerre.

Israël devrait rendre publics les résultats des enquêtes sur les attaques qui ont tué ou blessé des travailleurs humanitaires, ainsi que sur toutes les autres attaques ayant causé des victimes civiles. Toutefois, depuis plusieurs années l’armée israélienne tend à ne pas enquêter de manière crédible sur les crimes de guerre présumés, ce qui met en évidence l’importance de l’enquête de la Cour pénale internationale (CPI) sur les crimes graves commis par toutes les parties au conflit.

Les responsables israéliens et palestiniens devraient coopérer avec la CPI lors de son travail, a déclaré Human Rights Watch. Israël devrait également permettre à la Commission d'enquête internationale indépendante sur le Territoire palestinien occupé et en Israël d'accéder à Gaza, pour mener ses enquêtes.

Compte tenu de la série d’attaques contre des groupes humanitaires qui ont fourni aux autorités israéliennes des informations appropriées sur leurs emplacements, un groupe d’experts internationaux reconnus devrait mener un examen indépendant du processus de « déconfliction » humanitaire. Israël devrait accorcer à ces experts un accès total à ses processus, y compris à la coordination et aux communications qui ont lieu avant, pendant et après de telles attaques, ainsi qu'aux informations concernant toute cible militaire présumée à proximité et à toutes les mesures de précautions prises pour atténuer les dommages.

Les alliés d'Israël, y compris les États-Unis et le Royaume-Uni – les deux États ayant fourni a Israël des armes ou pièces d'armes apparemment utilisées dans au moins une des attaques documentées – devraient suspendre leur assistance militaire et leurs ventes d'armes à Israël, tant que ses forces commettent de manière systématique et généralisée des violations des lois de la guerre contre des civils palestiniens, en toute impunité. Les gouvernements qui continuent de fournir des armes au gouvernement israélien risquent de se rendre complices de crimes de guerre.

Les autres gouvernements devraient également user de leur influence, notamment par le biais de sanctions ciblées, pour faire pression sur les autorités israéliennes afin qu'elles cessent de commettre de graves abus et permettent la fourniture d'une aide humanitaire et de services essentiels à Gaza, conformément aux obligations d'Israël en vertu du droit international et de l’ordonnance émise par la Cour internationale de Justice (CIJ) dans le cadre de l'affaire intentée par l'Afrique du Sud concernant des violations présumées de la Convention sur le génocide.

« D’un côté, Israël bloque l’accès aux provisions humanitaires vitales à Gaza, et de l’autre, ses forces attaquent les convois qui tentent de livrer une partie de la petite quantité autorisée », a déclaré Belkis Wille. « Les forces israéliennes devraient immédiatement mettre fin à leurs attaques contre les organisations humanitaires, et il devrait y avoir une obligation de rendre des comptes pour ces crimes. »

Suite en anglais, comprenant des informations détaillées sur les attaques.

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