23.10.2024 à 11:29
Frédérique Cassegrain
Comment les collectivités territoriales et intercommunalités envisagent-elles l’évolution de leurs dépenses culturelles en 2024 après plusieurs années de crises (Covid-19, crises énergétique et inflationniste, etc.) et alors que les alertes sur leurs finances se font toujours plus nombreuses ? Quelles sont leurs priorités ? Comment s’orientent leurs choix de politique culturelle ?
L’article Baromètre sur les budgets et choix culturels des collectivités territoriales : volet national 2024 est apparu en premier sur Observatoire des politiques culturelles.
[La publication complète du baromètre 2024 est disponible ici.]
Outil annuel de mesure de l’évolution de l’action publique territoriale de la culture, le baromètre s’appuie sur une enquête réalisée auprès d’un échantillon de collectivités territoriales par l’Observatoire des politiques culturelles avec le soutien du ministère de la Culture-DEPS et DG2TDC, et en partenariat avec Régions de France, Départements de France, France urbaine, Intercommunalités de France, Villes de France, FNADAC, FNCC, Culture·Co, Culture & départements.
Le volet national du baromètre2024 repose sur les données déclarées L’enquête a été menée par questionnaire (via emailing et campagne téléphonique auprès des directeurs et directrices des affaires culturelles prioritairement) d’avril à juin 2024. par un échantillon de 202 collectivités (régions, départements, collectivités à statut particulier, communes de plus de 50 000 habitants) et intercommunalités (comprenant une ville de plus de 50 000 habitants) en matière d’évolution des budgets primitifs et de positionnement culturel. Il concerne également des éléments de conjoncture.
Avec un nombre de répondants supérieur à l’enquête 2023, le baromètre 2024 offre des résultats consolidés pour les principales catégories territoriales. Le taux de réponse est de 100 % pour les régions. Il avoisine les 75 % pour les départements, les 55 % pour les communes de plus de 50 000 habitants, ainsi que pour les intercommunalités comprenant une ville de plus de 50 000 habitants (dont 85 % de taux de réponse pour les métropoles) L’échantillon est constitué de : 13 régions ; 68 départements ; 73 communes de plus de 50 000 habitants, dont 23 communes de plus de 100 000 habitants et 50 communes de 50 000 à 100 000 habitants ; 45 intercommunalités comprenant une ville de plus de 50 000 habitants, dont 19 métropoles, 3 communautés urbaines, 23 communautés d’agglomération ; 3 collectivités d’Outre-mer à statut particulier (2 collectivités d’Outre-mer et une collectivité à statut particulier située en Outre-mer)..
Ce qu’il faut retenir : les évolutions déclarées en matière budgétaire pour 2024 s’inscrivent dans la continuité des tendances observées sur la période précédente (2022-2023). Les collectivités territoriales cherchent majoritairement à maintenir leur niveau de soutien à la vie culturelle malgré des marges de manœuvre limitées, voire plus contraintes pour certaines d’entre elles https://www.banquedesterritoires.fr/finances-locales-le-bloc-communal-resilient-departements-et-regions-la-peine. Pour l’ensemble des collectivités territoriales, on constate moins d’augmentations des budgets primitifs culturels de fonctionnement (hors masse salariale) entre 2023 et 2024 qu’au cours de la période précédente, mais cette tendance générale est à relativiser au regard de certaines évolutions plus favorables déclarées par le bloc local (communes et intercommunalités) et de son poids prépondérant dans les dépenses culturelles. La situation budgétaire globalement stable qui ressort du baromètre 2024 n’enlève rien aux difficultés financières éprouvées par les milieux culturels, du fait notamment des flambées inflationnistes de ces dernières années que ne parviennent pas à compenser les évolutions des dépenses des collectivités dans ce domaine. Ajoutons que cette situation pourrait être encore impactée négativement par les efforts budgétaires importants demandés par l’État aux collectivités locales dans le projet de loi de finances 2025.
Concernant les évolutions des budgets (budgets primitifs totaux non uniquement culture, budgets culturels de fonctionnement et d’investissement), des emplois et des subventions culturels des collectivités entre 2023 et 2024, la stabilité (comprenant les évolutions inférieures à 1 %) arrive systématiquement en tête si l’on considère l’échantillon complet. Et le cumul des réponses indiquant une hausse est supérieur à celui des déclarations de baisses. Ces tendances confirment celles constatées dans le baromètre précédent qui traitait des évolutions entre 2022 et 2023.
Plusieurs directeurs et directrices des affaires culturelles (DAC) insistent dans leurs réponses sur le contexte financier dégradé de leur collectivité, avec des perspectives pessimistes pour l’avenir [Le budget est] « stable du fait du maintien de la politique, mais avant des baisses probables au regard du contexte national des départements. » ; « L’arbitrage est de plus en plus complexe, du fait de l’augmentation des demandes et de la baisse des moyens alloués (budgets). » ; « Si les tensions budgétaires n’ont quasiment pas eu d’impact sur l’engagement de la collectivité en matière culturelle, la préparation du budget 2025 laisse entrevoir des baisses de crédits significatives, évaluées à ce stade à plus ou moins 10 %. ». Certains évoquent des adaptations nécessaires face aux contractions budgétaires, notamment à travers la reconfiguration ou l’arrêt de certains dispositifs de soutien : « La légère baisse du budget a été possible de façon assez neutre grâce à des dispositifs qui arrivaient à échéance. » ; « Un grand nombre de dispositifs ont été baissés ou suspendus. L’effet sur l’emploi n’est pas encore tangible, mais devrait se faire sentir au gré des départs (objectif annoncé de baisse de la masse salariale). » Comme le soulignent plusieurs responsables culturels, un maintien du budget revient, avec l’inflation, à faire moins d’actions et ne compense pas la hausse des charges, par exemple dans l’économie du spectacle vivant (cachets artistiques, dépenses énergétiques…).
Indication de lecture : 4 régions indiquent une baisse de 1 à 4,9 % de leur budget culturel de fonctionnement entre 2023 et 2024, etc.
L’examen des budgets primitifs culturels de fonctionnement (hors masse salariale) montre que 49 % des collectivités et intercommunalités de l’échantillon déclarent une stabilité entre 2023 et 2024, contre 43 % l’année précédente. 30 % indiquent une augmentation, en retrait de 8 points par rapport à l’enquête précédente. 21 % déclarent une baisse.
À peine 14 % des collectivités déclarent augmenter leur budget culturel de fonctionnement dans des proportions égales ou supérieures au taux d’inflation 2023 (+4,9 %). Par ailleurs, les hausses déclarées de budgets culturels de fonctionnement sont moins fréquentes que celles des budgets primitifs totaux (non uniquement culture) votés par les collectivités entre 2023 et 2024 (30 % contre 41 %) Cf. graphique p. 22 de la publication complète du baromètre 2024.. À l’inverse, les baisses des budgets culturels de fonctionnement s’annoncent plus nombreuses que celles des budgets primitifs totaux. Cette double tendance pourrait être interprétée comme le signe d’une dépriorisation politique de la culture dans les constructions budgétaires ou encore la conséquence du jeu des dépenses obligatoires, en particulier pour les départements.
La stabilité budgétaire en fonctionnement domine pour l’ensemble des grandes catégories de collectivités (ou de leurs groupements) entre 2023 et 2024. Par rapport à l’enquête précédente, la situation est plus dégradée pour les régions (plus de deux fois plus de baisses) et pour les départements. La part des départements qui baissent leurs budgets de fonctionnement a en effet doublé (de 9 % dans le baromètre 2023 à 20 % dans l’enquête 2024) et celle des départements qui les augmentent est passée de 49 % à 27 %.
Ce sont les intercommunalités qui déclarent le plus d’augmentations entre 2023 et 2024 : 34 % de l’échantillon des communautés urbaines et d’agglomération (contre près de 20 % sur la période précédente) et 42 % des métropoles (contre 39 % sur la période antérieure).
La situation des communes de plus de 50 000 habitants, relativement dégradée sur la période précédente, est plus favorable cette année : la part des communes qui indiquent baisser leur budget primitif culturel de fonctionnement est passée de 34 % dans l’enquête 2023 à 21 % cette année. C’est une indication importante au regard de la structuration budgétaire des politiques culturelles puisque le bloc local représente environ 80 % des dépenses culturelles des collectivités territoriales, devant les départements (12 %) et les régions (9 %).
L’observation de l’évolution des budgets de fonctionnement (hors masse salariale) par domaines de politique culturelle confirme la tendance à la stabilité, pour plus de la moitié des collectivités quel que soit le domaine. Les augmentations les plus fréquentes concernent les festivals/événements, l’action culturelle/EAC, dans la lignée de ce que l’on constatait déjà dans l’enquête 2023. En revanche, les baisses se répartissent de manière plus homogène entre les domaines qu’en 2023 où le spectacle vivant apparaissait particulièrement touché.
Plus de 30 % des régions déclarent augmenter leur soutien à l’action culturelle/EAC ainsi qu’au livre et à la lecture. 38 % des communes indiquent augmenter leur soutien aux festivals/événements. 37 % des métropoles déclarent un soutien à la hausse pour le spectacle vivant et 32 % au livre et à la lecture ainsi qu’aux festivals/événements.
Au niveau des départements, les baisses impactent un peu moins souvent certaines compétences obligatoires (livre et lecture, enseignement artistique), alors qu’au niveau des communes ce sont les enseignements artistiques qui doivent le plus fréquemment composer avec des baisses budgétaires.
42 % des collectivités et intercommunalités de l’échantillon déclarent une stabilité de leur budget primitif culturel d’investissement entre 2023 et 2024 (elles étaient 48 % pour la période 2022-2023), 37 % une augmentation (contre 35 % pour la période précédente) et 22 % une baisse (contre 18 % pour la période précédente).
Les baisses impactent de façon assez homogène les différents échantillons de catégories de collectivités entre 2023 et 2024. Les fortes baisses (supérieures à 10 %) sont plus nombreuses que sur la période précédente. La situation s’est particulièrement dégradée pour les métropoles : elles sont plus nombreuses à baisser leur budget culturel d’investissement cette année et moins nombreuses à l’augmenter qu’entre 2022 et 2023.
Les régions et les communes sont les catégories qui déclarent le plus d’augmentations en investissement.
L’examen des données qualitatives de l’enquête apporte quelques compléments d’information utiles. Plusieurs projets d’équipements – notamment muséaux – y sont mentionnés afin d’expliquer certaines évolutions à la hausse des budgets culturels. Parfois, l’inscription dans une démarche de labélisation avec la candidature à un titre de « Capitale culturelle » peut favoriser un niveau d’engagement budgétaire renforcé. Enfin, plusieurs DAC indiquent également des apports de crédits en 2024 liés à l’année olympique.
Concernant l’évolution du nombre d’emplois culturels dans les collectivités et intercommunalités, la situation est assez proche de celle de la période antérieure, avec une stabilité déclarée par plus de 60 % des répondants Cf. graphiques p. 28 de la publication complète du baromètre 2024.. Le cas des communes de 50 000 à 100 000 habitants se distingue avec une situation plus éclatée que celle des autres catégories territoriales : c’est dans ces communes que l’on trouve à la fois le plus fort taux de baisses et le plus fort taux de hausses déclarées du nombre d’emplois culturels.
La stabilité domine également pour ce qui est des subventions versées aux associations culturelles entre 2023 et 2024 par les collectivités de l’échantillon (près de 60 %). Les hausses déclarées ont augmenté entre 2023 et 2024 par rapport à la période 2022-2023 : 27 % contre 21 %.
La situation s’avère néanmoins assez disparate selon les types de collectivités. Les départements sont ceux qui indiquent le plus grand nombre de baisses de leurs subventions aux associations culturelles entre 2023 et 2024 : ils sont deux fois plus nombreux cette année par rapport à la période 2022-2023 (21 % contre 10 %). À l’inverse, la situation semble s’améliorer – avec plus de hausses – au niveau du bloc local (communes et intercommunalités) ; faut-il y voir le signe d’une proximité plus marquée entre l’exécutif et les acteurs subventionnés ?
Ce qu’il faut retenir : le volet du baromètre qui traite des orientations de politique culturelle et des positionnements en matière de coopération publique montre une certaine continuité par rapport à l’année précédente.
Les registres d’offre et d’accès continuent à dominer l’agenda des exécutifs territoriaux, au côté des logiques territoriales et éducatives de l’intervention culturelle. La philosophie d’action de la démocratie culturelle et les problématiques de transitions du secteur apparaissent plus dynamiques que lors de l’enquête précédente. Du point de vue des nouvelles formes de pilotage des politiques culturelles, une majorité de collectivités applique des critères de conditionnalité à leurs aides financières dans la culture, bien que dans des proportions un peu moindres qu’en 2023.
Comment les DAC perçoivent-ils la place donnée à la politique culturelle ? 67 % considèrent qu’il n’y a pas eu de dépriorisation au cours des deux dernières années et que la politique culturelle est autant une priorité qu’avant pour leur collectivité. 23 % estiment qu’il s’agit encore plus d’une priorité qu’avant (en particulier pour une partie significative des communes de plus de 100 000 habitants) ; ils étaient 30 % à le déclarer dans le baromètre 2023. Si elle reste significative, l’importance politique accordée à la politique culturelle subit une légère érosion.
Quels sont les objectifs politiques qui orientent en priorité les choix culturels des exécutifs ? Les réponses des collectivités et intercommunalités – demandées sous forme de trois mots-clés – sont représentées sur le nuage de mots. En 2024, au niveau de l’ensemble de l’échantillon, plusieurs orientations (les occurrences les plus fréquentes) se dégagent, qui prolongent les résultats du baromètre 2023 et confortent cette priorisation globale de l’action publique culturelle : accessibilité, éducation artistique et culturelle, territoire.
Pour faciliter la lecture et atténuer les effets liés à la pluralité des termes utilisés pour qualifier un même type de positionnement culturel, une thématisation en 14 registres d’action a été élaborée à partir des objectifs politiques qui orientent en priorité les choix des exécutifs des collectivités et intercommunalités répondantes. Chaque thème inclut une série de mots-clés, dont voici les principaux exemples :
– Accès : accessibilité/accès (pour tous), culture pour tous, démocratisation, médiation, publics…
– Création artistique : création, soutien aux artistes, présence artistique…
– Démocratie culturelle : diversité, participation, droits culturels…
– Domaines culturels : patrimoine, lecture publique, arts plastiques, numérique, industries culturelles…
– Éducation-jeunesse : jeunesse, éducation, EAC, jeune public…
– Gouvernance-coopération : partenariats, coopération, mutualisation, réseaux, concertation…
– Impact social : lien social, inclusion, vivre ensemble, mixité, solidarité, cohésion, émancipation…
– Ingénierie : accompagnement, structuration, ingénierie…
– Logiques économiques : budget, modèle économique, économies budgétaires…
– Logiques territoriales : territoire, attractivité, rayonnement, équité, proximité, ancrage territorial, maillage, identité, ruralité, aménagement…
– Offre : diffusion, équipements, événementiel, qualité, exigence, lisibilité…
– Principes d’action publique : continuité, efficacité, innovation, pluridisciplinarité…
– Transitions : transition, environnement…
– Divers : cette catégorie correspond à plusieurs terminologies générales qui ne rentrent pas dans les catégories précédentes.
Les logiques territoriales, d’accès, d’offre et d’éducation-jeunesse continuent à dominer les choix de priorisation de l’action publique culturelle. Les registres de la démocratie culturelle et des transitions apparaissent renforcés par rapport à 2023, manifestant des volontés de changement et de transformation du secteur ; les problématiques de transitions sont particulièrement investies par les politiques culturelles régionales.
On note aussi des variations dans les priorités affichées selon les niveaux de collectivités :
– régions : les registres des logiques territoriales, de l’accès, de la création artistique et des transitions arrivent en tête ;
– départements : les registres des logiques territoriales et d’accès sont prioritaires, devant les registres d’éducation-jeunesse et d’impact social ;
– communes : les registres d’accès, d’offre et d’éducation-jeunesse dominent les choix culturels des exécutifs locaux, bien que la philosophie d’action de la démocratie culturelle y soit plus affirmée que dans les autres niveaux de collectivités. Comme en 2023, il s’agit de la catégorie de collectivité où la palette des registres prioritaires de politiques culturelles investis est la plus large : autrement dit, l’échelon communal apparaît comme étant le plus généraliste et le moins focalisé sur tel ou tel registre d’action ;
– métropoles : les logiques territoriales dominent, souvent autour d’enjeux de rayonnement, avec également une place notable des orientations visant à infléchir les pratiques de gouvernance et de coopération dans le secteur culturel, ainsi que d’y promouvoir des principes généraux d’action publique (développement, intersectorialité, complémentarité…) ;
– communautés urbaines et communautés d’agglomération : les logiques territoriales sont les plus plébiscitées, devant les registres d’offre et d’éducation-jeunesse.
Le baromètre 2024 a également abordé le sujet du soutien aux pratiques artistiques en amateur au cours des deux dernières années Cf. graphiques p. 38 de la publication complète du baromètre 2024. : sur l’ensemble de l’échantillon, 57 % des collectivités et intercommunalités indiquent un maintien de leur effort dans ce domaine, 6 % un affaiblissement et 24 % un renforcement. 57 % des communes de plus de 100 000 habitants déclarent un accroissement de leur appui aux pratiques artistiques en amateur.
La manière dont les collectivités conditionnent (ou non) certaines de leurs aides financières apporte des informations complémentaires sur la conduite de l’action publique et sa (re)politisation à partir de critères exogènes. En 2024, les répondants qui indiquent une absence de critères de conditionnalité sont plus nombreux qu’en 2023 La notion est parfois complexe dans son application et certains répondants précisent ne pas parler stricto sensu de « conditionnalité » pour certaines modalités, mais plutôt d’éléments d’appréciation ou d’une attention portée à certaines dimensions : « Ces éléments font partie de nos critères d’appréciation, mais les subventions, si elles dépendent en partie de ces critères, ne sont pas à proprement parler “conditionnées”. » ; « Sur certains items, des points d’attention dans l’instruction plus que des conditionnalités pures et dures. » : 43 % cette année, contre 34 % l’an dernier. Pour les collectivités qui en déclarent, la promotion de la diversité culturelle est privilégiée (plus d’un tiers des répondants), devant l’égalité entre femmes et hommes et l’impact écologique. Ce critère écologique est étonnamment en net retrait par rapport au baromètre 2023.
Parmi les réponses « autres » figurent des critères autour de la dimension territoriale (équité ou couverture territoriale) et de la laïcité.
Par rapport au baromètre 2023, on ne constate pas de réelle modification dans la perception du système de coopération publique inhérent aux politiques culturelles. Une certaine stabilité partenariale domine : un peu plus de la moitié des DAC estiment que la coopération n’a pas évolué avec l’État et un peu moins de la moitié considèrent qu’elle n’a pas évolué avec les autres niveaux de collectivités territoriales. Et 39 % estiment qu’elle s’est même accrue dans les deux cas.
De façon complémentaire, la majorité des collectivités indiquent ne pas être à la recherche d’une plus grande autonomie dans la conduite de leur politique culturelle par rapport à celle de l’État (57 %) et à celle des autres niveaux de collectivités territoriales (65 %). Ces résultats peuvent être lus comme le souhait, dans un contexte budgétaire contraint, de maintenir les partenariats à l’œuvre et les logiques de mutualisation budgétaire, et comme le signe d’une forte imbrication des politiques culturelles des collectivités territoriales avec les dispositifs de l’État.
Plus des deux tiers des régions déclarent toutefois rechercher une plus grande autonomie (fonctionnelle et/ou politique) dans la conduite de leur intervention culturelle vis-à-vis de l’État : cette tendance s’est nettement accentuée depuis 2023. Faut-il y voir une volonté de leur part de jouer un rôle différent dans la gouvernance des politiques culturelles territoriales, ou un souhait d’une délégation accrue de compétences de l’État ? Par ailleurs, cette tendance est aussi plus prononcée en 2024 pour les communes de plus de 100 000 habitants, dont le poids important dans les financements croisés se double d’une volonté de mobiliser les activités culturelles dans leurs propres logiques politiques et de développement territorial.
La volonté de bénéficier de davantage d’autonomie vis-à-vis des autres niveaux de collectivités territoriales est plus prononcéequ’en 2023 pour les communes et les intercommunalités. Elle est cependant en reflux pour les départements. Seuls 4 % d’entre eux déclarent rechercher une plus grande autonomie dans la conduite de leur politique culturelle par rapport aux autres niveaux de collectivités territoriales. De nombreux départements ont en effet développé un rôle de facilitateur au sein des systèmes territoriaux de coopération publique et se positionnent aujourd’hui comme des partenaires privilégiés des EPCI pour les accompagner dans le déploiement de leurs politiques culturelles (ingénierie, dispositifs territorialisés, projets culturels de territoire, etc.).
Ces évolutions augurent-elles l’émergence de nouveaux équilibres et de nouvelles configurations de coopération entre collectivités dans la culture ? Notons que le nombre de répondants qui indiquent ne pas être en mesure de renseigner l’information sur une éventuelle recherche d’autonomie a augmenté par rapport à l’enquête 2023, renforçant ainsi le sentiment d’une plus grande incertitude quant aux positionnements politiques en matière de partenariat public.
Ce qu’il faut retenir :l’édition 2024 du baromètre a permis d’approfondir les problématiques de transition écologique dans le secteur public de la culture et d’aborder de nouvelles questions conjoncturelles autour des formes de pressions qui impactent la liberté de création/diffusion artistique ainsi que des atteintes matérielles aux biens culturels.
Les DAC ont d’abord été interrogés sur l’importance accordée à la transition écologique dans la politique culturelle de leur collectivité, sur une échelle de 0 (inexistante) à 5 (très importante). Sa place est jugée plus prépondérante pour les communes de plus de 100 000 habitants (note de 3,8) devant les régions (3,2), les métropoles (3), les communes de moins de 100 000 habitants (2,6), les communautés urbaines et d’agglomération (2,4) et les départements (2,1) Cf. graphique p. 48 de la publication complète du baromètre 2024..
Il a également été demandé aux responsables culturels quelles démarches ont été mises en place par leur service en faveur de la transition écologique. 18 % indiquent ne pas avoir mis en place d’action spécifique. Pour les collectivités et intercommunalités qui en déclarent, les mesures de sobriété énergétique (équipements culturels, adaptation du patrimoine…) sont les plus citées (plus de la moitié des 202 répondants ; deux tiers des communes et des métropoles), devant les démarches de concertation avec les acteurs culturels du territoire (notamment citées par 85 % des régions) et les actions de formation des agents.
Quelques responsables culturels évoquent par ailleurs la mise en œuvre d’un plan d’action global au niveau de la direction générale et/ou culturelle de la collectivité.
Enfin, le baromètre 2024 a porté un regard sur les problématiques d’entraves à la liberté de création/diffusion artistique et d’atteintes matérielles contre des œuvres ou des équipements culturels pris pour cible, alors que nombre de débats, tribunes et articles de presse ont relaté des événements de ce type ou se sont emparés du sujet au cours de l’année écoulée.
Une grande majorité de responsables culturels (environ 8 sur 10) indiquent ne pas constater ces phénomènes en 2023-2024 sur leur territoire. Pour plus ou moins 10 % des collectivités et intercommunalités répondantes, ils sont jugés en augmentation.
Les précisions apportées par les responsables culturels montrent qu’une petite moitié des entraves à la liberté de création/diffusion artistique s’apparente à des intimidations et des pressions citoyennes et associatives, liées pour certaines à des convictions religieuses.
Concernant les atteintes matérielles, il s’agit pour moitié de dégradations et d’incendies d’équipements liés aux émeutes de l’été 2023. Et près de 40 % correspondent à des dégradations ou vols d’œuvres et des actes de vandalisme dans l’espace public, dont des tags.
L’ensemble des traitements, notamment par catégories territoriales, est disponible dans la publication complète du baromètre 2024 (à télécharger ci-dessous).
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18.10.2024 à 09:49
Lisa Pignot
C’est avec une profonde tristesse que nous avons appris le décès de Geneviève Gentil, personnalité active et radieuse de notre Assemblée générale pendant de longues années, qui a tant apporté à l’OPC par son esprit vif et son regard bienveillant. Au-delà des moments partagés, reste l'impressionnante collection d’ouvrages sur les politiques culturelles qu’elle a pilotée au sein du Comité d’histoire du ministère de la Culture. Philippe Poirrier lui rend ici hommage.
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La disparition brutale de Geneviève Gentil (1930-2024) a suscité une large émotion chez ceux qui, du Service des études et recherches (SER) devenu Département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation (DEPS) au Comité d’histoire du ministère de la Culture, ont croisé son chemin et ont bénéficié de ses conseils et de son aide.
J’ai rencontré Geneviève au milieu des années 1990. Le petit groupe de chercheurs auquel j’appartenais, issu du séminaire d’histoire culturelle que dirigeaient Jean-Pierre Rioux et Jean-François Sirinelli à l’Institut d’histoire du temps présent du CNRS, avait organisé à l’Institut d’études politiques de Paris, en février 1994, une journée d’études sur l’histoire des politiques culturelles des collectivités locales. À l’issue de cette journée, à laquelle elle avait assisté avec Augustin Girard, Geneviève nous proposa de publier les actes dans la toute jeune collection du Comité d’histoire du ministère de la Culture (CHMC). Une étroite collaboration de plus de vingt ans s’ensuivit. En 1996, Geneviève quittait le DEPS où elle était entrée en 1967 : une fausse « retraite » car elle allait s’engager jusqu’en 2011 dans le fonctionnement du Comité d’histoire, avec Augustin Girard (1993-2007) puis avec Maryvonne de Saint-Pulgent. Ensuite, elle resta officiellement « conseillère » de cette dernière et aidera ses successeurs au secrétariat général du CHMC.
Pendant toutes ces années, Geneviève sera la grande organisatrice des multiples actions entreprises par le CHMC. Celui-ci s’imposa comme un des lieux où se construisait et s’écrivait l’histoire des politiques et institutions culturelles. Séminaires, journées d’études et colloques, campagnes d’histoire orale, actions commémoratives, opérations de sensibilisation destinées aux agents du ministère rythmaient un calendrier d’une grande densité. Je souhaite surtout insister sur l’aide essentielle qu’elle apporta aux (jeunes) chercheurs. Geneviève permettait un luxe comme nulle part ailleurs : travailler sans se soucier des questions matérielles et financières. Sa connaissance des arcanes de l’administration centrale du ministère de la Culture et ses relations personnelles avec ceux et celles qui, depuis les années Malraux, avaient porté cette politique permettaient d’ouvrir bien des portes, d’accéder à des archives, de nouer des relations fructueuses pour la recherche. Surtout, Geneviève accordait une place essentielle à la publication des travaux ; le plus souvent publiés sous la forme de livres diffusés par La Documentation française. L’expérience du DEPS lui avait appris qu’il ne reste pas grand-chose d’un séminaire ou d’un colloque si les actes ne sont pas publiés. Ensuite, elle savait que le livre vivrait sa propre vie, circulerait au sein du ministère, serait approprié par les chercheurs et pourrait toucher un plus large public, celui des acteurs des mondes de la culture, et quelquefois bien au-delà. Deux ou trois générations de chercheurs lui doivent beaucoup.
L’Observatoire des politiques culturelles (OPC) et le Comité d’histoire du ministère de la Culture partageaient certaines valeurs et convictions : que tout ne se passe pas à Paris ; un intérêt non démenti pour la décentralisation et la déconcentration culturelle ; le dialogue entre chercheurs et acteurs des politiques culturelles ; l’écho lointain, mais toujours présent, de l’éducation populaire ; la volonté de transmettre et de partager les connaissances et les expériences. L’Observatoire, revue de l’OPC, accorda toujours une large place aux publications du Comité d’histoire. Geneviève jouait un rôle d’intermédiaire. Elle avait conservé de solides amitiés chez les « Grenoblois » : René Rizzardo bien sûr ; mais aussi Jean-Pierre Saez et Guy Saez. En 2004, René Rizzardo, membre du Comité d’histoire, ancien élu grenoblois et ancien directeur de l’Observatoire des politiques culturelles, suggéra de poursuivre les travaux afin de mieux comprendre la construction historique de la coopération entre l’État et les collectivités locales. En novembre 2005, un premier séminaire se déroula sur trois demi-journées à La Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon. Cette première manifestation a été suivie par des séminaires, des journées d’étude et une campagne de recueils de témoignages oraux. La restitution de ces travaux a fait l’objet de l’ouvrage publié en 2009 (Une ambition partagée ? La coopération entre le ministère de la Culture et les collectivités territoriales, 1959-2009) et d’une journée d’études au Sénat.
Par-delà l’ampleur du travail accompli, c’est la personnalité de Geneviève qui a frappé tous ceux qui ont eu la chance de collaborer avec elle. Une forme d’autorité naturelle était tempérée par une bienveillance de tous les instants ; une écoute et une générosité ; la volonté de vous aider pour que vos projets aboutissent. Geneviève a incarné une haute idée du service public de la culture ; ne ménageant ni son énergie, ni son temps ; avec humilité et modestie. Elle croyait au rôle émancipateur de la culture. Elle nous manque.
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17.10.2024 à 13:31
Aurélie Doulmet
Mai 68 a-t-il eu un impact sur les politiques culturelles ? « Il faut beaucoup d’églises autour des cathédrales. » Par ces mots, Jacques Duhamel, ministre de 1971 à 1973, résume la philosophie des centres de développements culturels qu’il crée dans un esprit plus modeste, et en plus grand nombre que les maisons de la culture. Une idée qui […]
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Mai 68 a-t-il eu un impact sur les politiques culturelles ? « Il faut beaucoup d’églises autour des cathédrales. » Par ces mots, Jacques Duhamel, ministre de 1971 à 1973, résume la philosophie des centres de développements culturels qu’il crée dans un esprit plus modeste, et en plus grand nombre que les maisons de la culture. Une idée qui répond alors aux aspirations de Mai 68.
Dans ce 8e épisode, Guy Saez dépeint des années marquées par une valse de ministres et une atonie, à l’exception de l’empreinte laissée par Jacques Dumahel. Une violente conflictualité éclate au sein des milieux culturels, déchirés entre vision militante de l’action culturelle et aspiration à donner les pleins pouvoirs aux artistes.
Un podcast imaginé par l’OPC et le Comité d’histoire du ministère de la Culture.
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