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André Hébert
Genre: Récit - Editeur: Les Belles Lettres - Collection Mémoires de Guerre - Paru le 08/03/2019
Vacarme
Comme tout livre politique digne de ce nom, Le capital déteste tout le monde de Maurizio Lazzarato (Amsterdam, 184 pp., 14€) s’attèle à penser la contingence historique dans laquelle nous sommes plongé.es. D’après l’auteur, notre époque est un creuset de contradictions, qui vont du blocage des processus d’accumulation à l’émergence de nouveaux mouvements sociaux, en passant par le tournant autoritaire de l’État et la montée de forces néo-fascistes à l’échelle globale.
Alain Damasio
Marion Messina
Ma foi, qu'est-ce donc que la vie, la vie qu'on vit ? D'expérience, elle a la douceur d'un airbag en béton et la suavité d'un démaquillant à la soude, la vie ne serait-elle qu'une épaisse couche d'amertume sur le rassis d'une tartine de déception ? Pas moins, pas plus ? C'est en tout cas la démonstration que nous livre Marion Messina, l'Emmanuel Bove de ces temps, dans Faux départ, son premier roman. À ma gauche, Aurélie, à ma droite Alejandro ! Entre la Grenobloise de toute petite extraction qui crève la bulle d'ennui dans une fac facultative, souffre-douleur d'un corps en plein malaise, et le Colombien expatrié, ça s'aime un temps mais ça casse vite. D'aller de Paris en banlieue et de banlieue à Paris, d'?uvrer comme hôtesse d'accueil, de manger triste, coucher cheap et vivre en rase-motte, rencontrer Franck puis Benjamin ne change que peu de choses à l'affaire. Renouer avec Alejandro ne modifie guère la donne : l'amour fou, la vie inimitable, le frisson nouveau sont toujours à portée de corps, mais jamais atteints. Toujours en phase d'approche, jamais d'alunissage. Marion Messina décrit cette frustration au quotidien avec une rigueur d'entomologiste. Que voulez-vous, la vie fait un drôle de bruit au démarrage. Jamais on ne passe la seconde. Faux départ, telle est la règle.
editions J'ai Lu
Editions Zones - 12 Oct.2017
Elsa SORLIN
En 1685, le Code noir défendait « aux esclaves de porter aucunes armes offensives ni de gros bâtons » sous peine de fouet. Au XIXe siècle, en Algérie, l’État colonial interdisait les armes aux indigènes, tout en accordant aux colons le droit de s’armer. Aujourd’hui, certaines vies comptent si peu que l’on peut tirer dans le dos d’un adolescent Noir au prétexte qu’il était « menaçant ».
Une ligne de partage oppose historiquement les corps « dignes d’être défendus » à ceux qui, désarmés ou rendus indéfendables, sont laissés sans défense. Ce « désarmement » organisé des subalternes pose directement, pour tout élan de libération, la question du recours à la violence pour sa propre défense.
Des résistances esclaves au jiu-jitsu des suffragistes, de l’insurrection du ghetto de Varsovie aux Black Panthers ou aux patrouilles queer, Elsa Dorlin retrace une généalogie de l’autodéfense politique. Sous l’histoire officielle de la légitime défense affleurent des « éthiques martiales de soi », pratiques ensevelies où le fait de se défendre en attaquant apparaît comme la condition de possibilité de sa survie comme de son devenir politique.
Cette histoire de la violence éclaire la définition même de la subjectivité moderne, telle qu’elle est pensée dans et par les politiques de sécurité contemporaines, et implique une relecture critique de la philosophie politique, où Hobbes et Locke côtoient Frantz Fanon, Michel Foucault, Malcolm X, Audre Lorde ou Judith Butler.
FEUILLETER LE LIVRE : http://www.editions-zones.fr/spip.php?page=lyberplayer&id_article=180002
Article 11
Bon connaisseur de Georges Orwell, Bruce Bégout revient dans cette longue interview sur l' idée de "common decency" qui tiens une place centrale dans l' oeuvre de l'écrivain.
« (...) Orwell ne croit pas à la vertu salvatrice des héros ; l’espoir réside non dans la clairvoyance de quelques-uns, mais dans la décence spontanée des hommes ordinaires. »
« (...) La décence n’est pas la dignité. La dignité renvoie à un rang, et donc nécessite la comparaison avilissante. Pour que je sois digne, il faut que d’autres ne le soient pas. La dignité de la personne humaine implique eo ipso l’indignité d’autres créatures vivantes. La décence n’est pas fondée sur une telle valeur glorieuse de discrimination hiérarchique : elle est en soi égalitaire et commune à tous, à tous ceux qui en font preuve. L’humanisme d’Orwell est un humanisme de l’homme ordinaire, qui ne se gargarise pas de grandes valeurs agitées comme des oriflammes. »
« La question essentielle est de savoir comment la décence ordinaire, qui est une sorte d’attitude spontanément critique vis-à-vis de la domination et du pouvoir, peut elle-même devenir un élément politique de transformation du pouvoir. »
"De la dépendance au pétrole à la résilience locale"
Rob Hopkins
Préface de Serge Mongeau
Collection Guides Pratiques
ISBN 978-2-923165-66-0- 216 p. - 25 $ - 20 euros
En partenariat avec l'association Silence
Que seraient nos sociétés sans pétrole ? Brutalement métamorphosées… Plus d’ordinateurs, plus de nourriture des quatre coins du monde, plus de voitures ni d’avions, plus de plastique ; nous devrions rapidement réapprendre à produire un nombre incalculable de choses pour assurer notre survie. Mais serions-nous capables d’une telle autonomie ?
Ce scénario catastrophe est loin d’être paranoïaque. Il représente au contraire un avenir proche que nous devrons affronter tôt ou tard. Car allié aux changements climatiques, le pic pétrolier (la fin d’un pétrole abondant et peu cher) exige un changement draconien de nos habitudes de vie, une Transition énergétique qui mettrait fin à notre vulnérabilité collective. Comme nos gouvernements refusent de prendre les mesures qui s’imposent, il nous revient à nous, citoyenNEs, de prendre l’initiative et de nous préparer.
C’est ce que propose ce Manuel de Transition, outil révolutionnaire et inspirant, entièrement consacré aux solutions pour construire dès maintenant des sociétés écologiques et résilientes, capables de s’adapter aux catastrophes que constituent le pic pétrolier et les changements climatiques. Enfin traduit et adapté en français, ce livre accessible, clair et convaincant expose tous les outils, les détails pratiques et les étapes nécessaires pour préparer l’avenir en diminuant radicalement les besoins énergétiques à l’échelle de sa communauté.
Compte-rendu de l' essai au vitriol du sociologue Alexandre Frederich, " EasyJet" (éd. Allia, 96 p., 6 € 20)
« Le low cost est une métaphore sans pareille de nos sociétés » en ce qu’il « invente de nouvelles techniques de conditionnement du passager — comme on parle de conditionnement du poulet »
« désormais le passager est là pour l’avion. Il doit prendre la forme des portes, des tourniquets, des passerelles, des sièges », idem pour son bagage (notons le singulier) —, terminaux lointains, prix des billets fluctuant en fonction de la demande, aucun service (sinon payant) à bord, tout extra est hors de prix. Autant de contraintes qui illustrent quelques règles qui font froid dans le dos : « la seule contrainte dans le système capitaliste consiste à consommer»
«désormais le consommateur est adaptable au produit et le passager s’adapte à toutes les contraintes, voire en redemande.»
A partir de l'ouvrage de Régis Debray, "Modernes Catacombes" (Gallimard, 2013), qui pose la question de la durabilité d'une oeuvre littéraire.