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AOC media - Analyse Opinion Critique - 01 Mai 2022
Olivier Ertzscheid
Pourquoi Twitter ? Au regard des entreprises que dirige Elon Musk aujourd’hui, pourquoi acquérir Twitter qui est aussi loin du secteur de l’aérospatial (SpaceX), que de celui des télécommunications (Starlink), des travaux publics (Boring Compagny construit des tunnels pour résoudre le problème des embouteillages urbains), de l’automobile (Tesla) ou des interfaces neuronales (Neuralink) ?
Chercheur en sciences de l'information et de la communication, Olivier Ertzscheid tente de répondre à la question de savoir ce que Musk projette d'une éventuelle prise de contrôle de twitter pour la bagatelle de 44 milliards de dollars, et formule plusieurs hypothèses pas rassurantes du tout.
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hobo-diffusion
Note LP : On apprend que le groupe capitaliste français Bolloré, principal promoteur médiatique d'un candidat raciste ultraréactionnaire à la présidentielle, venait de racheter le groupe Hachette. Du coup, Grasset, Fayard, Stock, une trentaine de maisons d’éditions passent sous son contrôle. C’est une catastrophe pour les auteurs et pour l'édition en général.
Hobo Diffusion est une structure de diffusion de livres, DVD et revues en librairie qui regroupe quatre-vingt éditeurs. La distribution, en France et Belgique, est assurée par Makassar, en Suisse par Servidis, et au Canada par Dimedia. Hobo Diffusion promeut l’édition indépendante, engagée, libertaire, contre-culturelle, en lui permettant d’être présente en librairie. Hobo Diffusion se veut un espace de liberté dans un marché de l’édition monopolisé et dominé par les grands groupes. Tout comme ses illustres prédécesseurs, les hobos nord-américains – travailleurs itinérants propageant l’insoumission sur leur chemin –, Hobo Diffusion favorise la circulation de la pensée critique et radicale.
lesmondesdutravail.net
Mostafa Henaway
Pour s'organiser en faveur des droits des travailleurs, il faudra affronter le puissant mélange de surveillance, d'exploitation et d'avantages sociaux d'Amazon. Mai 2021, il est 23 h 30, et c'est mon premier jour en tant qu'amazombien – un travailleur de nuit chez Amazon. Je ne sais pas trop à quoi m'attendre alors que je me dirige en métro vers Laval, juste au nord de Montréal. Dans mon sac à dos se trouve une lettre de l'entreprise déclarant que je suis un travailleur essentiel qui sort après le couvre-feu. On m'a dit que je faisais partie des chanceux qui travailleront le jour de l'ouverture de leur nouvelle installation logistique...
Note de veille
I. Un monde sans contacts régulé par des algorithmes
Les cinq plus grosses capitalisations boursières mondiales sont cinq firmes géantes côtées au Nasdaq (USA) : Alphabet (Google), Apple, Meta, (Facebook, WhatsApp, Threads, etc.), Amazon et Microsoft. Alphabet et Meta prospèrent sur des services en ligne "offerts". Apple et Microsoft dominent le marché des systèmes d'exploitation propriétaires, smartphones, gadgets connectés, consoles de jeu. Amazon détient pour sa part 46% du marché mondial des services d'infrastructures cloud (chiffres 2021). Assises sur un trésor de guerre égal au PIB de la France et de l'Allemagne réunies, les cinq captent 25% du marché publicitaire mondial, en monétisant de gigantesques quantités de données personnelles. En dernier ressort, elles n'ont de comptes à rendre qu'à leurs actionnaires, tout en travaillant en bonne intelligence avec la NSA (Google, Facebook), l'armée israëlienne (Google) ou les services secrets britanniques (Amazon). Les victimes consentantes de la loi de Metcalfe (ou « effet de réseau » ) qui scrollent leurs notifications cent fois par jour n'en ont cure. La perception qu'ont d'eux-mêmes et de la société les milliards d'individus connectés à ces plateformes signe un changement civilisationnel dont la génération précédente se formait une idée naïve; si l'on se souvient par exemple de la réception du Minitel en France...
Les « habits neufs de l’hégémonie américaine » (1) font face au conglomérat chinois BATHX, hégémonique en Asie. Depuis 2020 en effet, la Chine a élevé officiellement les données au rang de « cinquième facteur de production » après la main-d’œuvre, la terre, le capital et la technologie...
► Pour prendre la mesure des mutations du capital à l'ère numérique, lire au minimum l'article de Christophe Masutti : « Bifurquer avant l’impact : l’impasse du capitalisme de surveillance » (Framablog - 29.08.22, 49 mn).
► Cf aussi le long essai -inégal mais documenté- de la théoricienne libérale Shoshana Zuboff, « L'âge du capitalisme de surveillance » (2) .
« L’insoutenable vérité sur la situation actuelle, c’est que les États-Unis et la plupart des autres démocraties libérales ont abandonné la propriété et l’exploitation des données numériques aux acteurs du capitalisme de surveillance, qui, mus par des intérêts politico-économiques, concurrencent désormais la démocratie sur la question des droits et des principes fondamentaux qui définiront l’ordre social de ce siècle. »
Soshana Zuboff
Les dirigeants de la Silicon Valley aiment se présenter sans rire comme des entrepreneurs "citoyens", or leurs décisions ne laissent pas d'inquiéter. Pour chevaucher la croissance exponentielle des flux, ils ont adopté les moyens et méthodes du trading à haute fréquence, basé sur des algorithmes ultrasophistiqués qui relèvent du secret défense. Les algorithmes ont pour tache de développer et maintenir le système à flot en lui évitant la congestion et l'auto-destruction. Chez Facebook, il y a encore aux commandes des "visionnaires" équipés d'un cerveau, mais çà n'est guère rassurant ...
« Facebook a permis à la Russie d'interférer dans nos élections en 2016 et d'aider Trump. »
(Déclaration de la présidente lors d'une audition de Marc Zuckerberg devant une commission du Congrès)« La direction de Facebook a cédé aux pressions d’Ankara lors de la campagne turque contre les forces kurdes syriennes en 2018. (...) C’est la directrice des opérations de Facebook elle-même qui a scellé le sort de la page officielle des forces kurdes syriennes (YPG), sur fond d’une campagne militaire turque sanglante sur le territoire syrien. » (3)
En octobre 2020, les membres démocrates de la commission anti-trust à la Chambre des Représentants votaient un rapport au vitriol prônant le démantèlement pur et simple des "Big Five"... Après la victoire de Joe Biden, qui s'attirait nettement les faveurs et le soutien des GAFAM, l'idée a vite été enterrée.
"Compte tenu du modèle économique de Facebook, fondé sur la violation de la vie privée et l'exploitation des consommateurs, Facebook n'aurait jamais dû être autorisé à acquérir WhatsApp. L'heure du démantèlement de Facebook a sonné. Il est temps d'agir. " ("The time to break up Facebook has come. The time to act is now.") pouvait-on lire dans le Guardian du 14 mai 2021.
Il faut réguler les Big Tech continuent de répéter en coeur les mieux-disants de tous bords. D'accord. Mais à la cadence sidérante de 43 milliards de publications par jour sur Facebook (estimation), de quoi parle-t-on, là ? La prétention à "réguler" quelque chose sans toucher aux clés de ce business-model forcené a-t-elle encore un sens ? (non).
Welcome to the matrix
Le 18 octobre 2021, la holding META (ex-Facebook) annonçait qu'elle prévoyait d’embaucher 10.000 ingénieur.e.s européen.ne.s qualifié.e.s au cours des cinq prochaines années pour développer le Métavers, un univers numérique décrit comme l'avenir d'internet. Cet écosystème clos, accessible au moyen d'une connexion rapide et d'un casque 3D à 350€, isole l’utilisateur dans ce monde virtuel aussi accueillant qu'une galerie marchande peuplée d'avatars moches auxquels il manque la moitié du corps (4).
De l'avis de Pierre-Yves Gosset, cofondateur de l'association Framasoft et militant anti-GAFAM affûté, Metavers n'est rien d'autre « qu'un projet d' extension du domaine du capitalisme de surveillance » (...) « META investi sur le réseau, la couche physique qui compose Internet. C’est aujourd’hui l’un des principaux financeurs de câbles sous-marins, par exemple ».
Des groupes géants, comme Universal Music Group, investissent dans des artistes virtuels générés par intelligence artificielle... Ne pas s'interroger sérieusement sur le développement tous azimuths de l' Intelligence Artificielle aujourd'hui c'est accepter de fait que plus aucun champ d'activité spécifiquement humain ne lui échappera demain O_O
II. Modération privée et législation publique ne sont pas conciliables
Pour modérer les contenus, Facebook flanque ses algorithmes de 15.000 modérateurs humains parlant au total 70 langues (de source officielle). On estime que Twitter emploie 2 000 modérateurs dans le monde entier. Toutes plateformes confondues, plus de 150.000 philippins modérent des contenus, pour des salaires variant entre 2 et 6 dollars de l’heure. « En gros, toute la hi-tech et les startups de la Silicon Valley fonctionne massivement grâce à de la sous-traitance humaine sous-payée des pays dits pauvres » résûme Seb Sauvage.
Pas besoin d'être polyglotte pour trier essentiellement des images. Ces forçats du clavier sont chargés d'arbitrer le revenge porn ou le cannibalisme en dix secondes chrono. Les consignes du "guide interne FB des règles de modération" de 300 pages ne sont que partiellement publiques, afin de ne pas tout dévoiler aux malfaisants qui cherchent à passer sous les radars. L' un des objectifs importants de ce document est de dégager la responsabilité juridique et morale de la firme dans le vrai monde : les autorisations de diffusion des vidéos de morts violentes sont accordées avec "pragmatisme", les photos d’agression physiques, de harcèlement, notamment des enfants, n’ont pas à être supprimées, à moins qu’elles ne révèlent "un comportement sadique", les animaux peuvent être battus, attaqués et tués en direct. La nudité sous toutes ses formes est généralement censurée, mais les « œuvres d’art » artisanales réalisées à la main montrant la nudité ou une activité sexuelle sont acceptées. A l'inverse, les contenus qui posent un problème légal ne disparaissent jamais et ne font jamais l’objet de sanction. Le harcèlement par exemple, passe totalement entre les mailles du filet.
« Le problème, c’est que les réseaux sociaux veulent faire eux-mêmes leur modération. Mais ça se passe mal, pour des raisons politiques et managériales. Ils ont trop misé sur l’IA. Facebook et YouTube rêvent de supprimer la modération faite par l’humain. Mais comme je vous le disais, l’IA est comme une boite noire. Par exemple, les Chinois ont créé des bots qui sur YouTube, suppriment tout commentaire critiquant le parti en place. Ils sont parvenus à manipuler l’algorithme de YouTube pour lui faire faire ce qu’ils voulaient. C’est de la censure algorithmique. À la Silicon Valley (j’y ai déjà travaillé un an) les algorithmes de modération automatisée font consensus : tout le monde veut revenir à une modération manuelle. Mais c’est un travail mal payé, au SMIC (parfois moins) aux États-Unis, et on a réalisé que la modération manuelle était très orientée pro-Trump… »
Olivier, Ingénieur en Intelligence Artificielle.
III. Le temps d'attention, nouvel eldorado du capitalisme de surveillance
L' exploitation des foules sentimentales tire parti d'une ressource humaine inépuisable : le vortex émotionnel. Radicalement étrangère aux notions de morale et de temps humain, la combinaison du deep learning (algorithmes d’apprentissage) et du big data (l'extraction des données) constitue la formule technique la plus performante pour s'acquiter de cette tache au meilleur coût. Génial ! C'est bel et bien une guerre de l'attention qui est menée actuellement. On en mesure encore assez mal les conséquences à long terme, mais il semble évident que le langage, le sommeil, la capacité à se concentrer et à dialoguer, à exercer une pensée critique, à lire (vraiment) en font les frais, notamment chez les plus jeunes. (7).
Pour que les capitaux continuent d'affluer vers l'I.A (8) il y a un impératif : étendre toujours plus la possibilité de croiser les données des individus, des entreprises et des services publics. Les Big Five doivent donc à la fois renouveler/rajeunir en permanence le stock des entrants, et retenir les centaines de millions d'utilisateurs qui sont déjà dedans. Un bon gros tiers de l' humanité est dans la boîte, il reste de la marge. Automatiser à fond la machine à cash, virtualiser la vie à outrance en entraînant avec eux l'humanité dans la course à l'abîme, c'est leur dope.
La promotion massive de réseaux sociaux décentralisés s'appuyant sur l'interopérabilité et sur des standards de messagerie ouverts tel que XMPP ou ActivityPub constituerait un contre-poids au décervelage et à la privatisation-disciplinarisation-flicage de l'internet (9). Pour l'heure, aucune instance internationale, pas un seul gouvernement ni la moindre commission officielle n'en soutiennent l'idée.
En marge des réseaux mainstream, des initiés, des réfractaires, les groupes complotistes et les mafias, s'efforcent non sans succès de passer inaperçus au moyen du cryptage et de chaînes de serveurs décentralisés (10) avec par définition, zéro impact sur les habitus grand public. Le darknet est un bac à sable. Et le populo gavé de Netflix peut continuer d'échanger des photos de chatons et s'endormir sur ses deux oreilles. Parfait.
Le refus individuel et les appels à la désertion pure et simple apparaîssent dès lors comme la seule option pratique pour s'exfiltrer (partiellement) de l'emprise du capitalisme de surveillance. Mais pour la plupart des pionniers désabusés du Net, "rien ne dit que ce sera efficace" (Laurent Schemla) (11) tant l'usage est massif, intergénérationnel, et addictif. À un journaliste qui s'entretenait avec lui et qui hésitait à fermer son compte Twitter, Jaron Lanier répondit : « Vous ne pouvez pas lutter face à l’algorithme de Twitter qui est construit pour exciter vos émotions négatives et vous transformer en trou du cul. C’est le meilleur moyen de vous rendre dépendant, ce sont les mêmes ressorts comportementaux que les machines à sous dans les casinos » (Jaron Lanier, Wikipedia) La marginalisation des voix critiques, éliminées - Aaron Swartz, E. Snowden, J. Assange...- ou noyées dans la masse, est assurée. RIP Aaron Swarz.
LePartisan.info - première mise en ligne le 10.04.21 - dernière révision le 02.05.2023
Notes
(1) Expression due à Serge Sur, dans la revue Questions Internationales, dossier "GAFAM, une histoire américaine", cf bibliographie.
(2) « L’âge du capitalisme de surveillance » de Shoshana Zubof, Editions Zulma, 864 p, 26,50 €. On trouvera une minutieuse recension critique de cet ouvrage ici (=> lien) : L’âge du capitalisme de surveillance : vers un capitalisme et une surveillance sans limites ? - Hubert Guillaud, internetactu.net, 20.01.2021.
(3) « Facebook a censuré les Kurdes syriens pour protéger son business en Turquie » Adrian Branco, 01.net
(4) Le 28 octobre 2021 Facebook est devenu META, la nouvelle entité regroupe toutes les activités de la firme, des réseaux sociaux, applications de messagerie sociale et plate-formes de jeu en ligne (Facebook, Instagram, WhatsApp, Twitch) aux activités émergentes liées au port de lunettes connectées et d'un casque de « réalité virtuelle » (Oculus Quest). Début 2022, Facebook a reconnu avoir perdu un million d'utilisateurs quotidiens pour la première fois de son histoire, ce qui a entraîné une perte de près de 240 milliards de dollars, soit le quart de la valeur de l'entreprise. Sa base d'utilisateurs vieillit. Les jeunes se tournent désormais vers d'autres plateformes de partage. Pour renouer avec ce marché, Zuckerberg investit dans le « METAVERSE » qui pourrait avoir à terme un impact financier et social énorme. -
(5) Google a remplacé les cookies par un traceur intégré à son navigateur "Chrome" - les 3/4 du marché des navigateurs- totalement invisible pour l'utilisateur.
(6) Communiqué du Syndicat Professionnel de l’Information Indépendante en ligne, le 8 février 2021. Un accord entre Google et l’Alliance de la presse d’information générale (Apig) qui regroupe notamment les titres de presse des milliardaires français, ouvre la voie à leur rémunération par Google au titre du «droit voisin» .
- Communiqué commun APIG/Google du 21 janvier 2022.
- Facebook va rémunérer une partie de la presse française au titre des « droits voisins » - Le Monde du 21 Octobre 2021.
(7) La Guerre de l’attention, comment ne pas la perdre, de Florent Souillot et Yves Marry, éditions l’Échappée, 2022, Collection « Pour en finir avec », 256 pages, 18 euros.
(8) Les projections font état d’une multiplication par 56 des revenus mondiaux générés par les produits et services d’intelligence artificielle, passant de 644 millions de dollars en 2016 à 36 milliards en 2025. L'Union européenne a récemment estimé la valeur des données des citoyens européens jusqu'ici récoltées par Facebook à 7 000 milliards de dollars.
(9) L'interopérabilité dans un réseau ouvert et décentralisé est défendue aussi par des avocats de la régulation par la concurrence libre et non faussée, en effet quoiqu'elle ne modifie en rien ce modèle économique, c'est " la seule solution réaliste pour limiter le pouvoir de nuisance de ces géants, et pour rétablir un peu de concurrence et de décentralisation dans un réseau qui, sinon, n’a plus d’autre raison d’être autre chose qu’un simple moyen d’accéder à ces nouveaux silos (qu’ils devraient donc financer, eux, plutôt que les factures de nos FAI)" (Laurent Chemla)
(10) Tor, I2P, Freenet, ZeroNet...
(11) Laurent Chemla est un pionnier de l'internet, fondateur de Gandi, et premier français inculpé pour piratage en 1986 à partir d'un... minitel !
Bibliographie
- Essais critiques
Internet et libertés, 15 ans de combat de la Quadrature du Net de Mathieu Labonde, Lou Malhuret, Benoît Piédallu et Axel Simon, Éditions Vuibert, 270 pages, 2022, 19,90 €
La fin des choses. Bouleversements du monde de la vie, de Byung-Chul Han, traduit de l’allemand par Olivier Mannoni, Actes Sud, 144 p., 16 €
Affaires privées, Aux sources du capitalisme de surveillance de Christophe Masutti, C& F éditions, Collection Société numérique, mars 2020, 475p, 29€
- Synthèses
Économie des plateformes, de Maya Bacache-Beauvallet et Marc Bourreau, La Découverte, Coll. Repères, 2022, 128p.
Questions internationales - N° 109, 14 sept. 2021. Les GAFAM : une histoire américaine (7 à 9 €)
La puissance des GAFAM : réalités, apports et dangers par Jacques Fontanel et Natalia Sushcheva, Annuaire français de relations internationales, Paris : La Documentation française, 2019, XX. hal-02196915. (gratuit)
- Alternatives
L’interopérabilité contre la haine - La Quadrature du Net, 12 juin 2019
- Articles en ligne
GAFAM Nation. La toile d’influence des géants du web en France Observatoire des multinationales - 13.12.2022
Réseaux sociaux, les temps modèrent Fr.Culture 18.05.2022
La Quadrature du Net : « En France, la surveillance de la population est extrêmement développée » Ballast, 02 Mars 2022.
Les médias sous la domination de Google et Facebook - Laurent Mauduit, Mediapart,5 jan.2022
Qui contrôle Facebook ? par Romain BADOUARD, AOC, 08 juin 2021
Déconstruire les dénis de l’I.A par Hubert GUILLAUD, internetactu.net, 15 Avril 2021
Facebook m'a banni par P.O.L - Blog Mediapart, 01.01.2021
Libre à Lire > GAFAM > Articles liés - Voir notamment : « GAFAM, Faut-il en finir ? » Jérôme Keinborg, 22.12.2020
Facebook-sans-boussole-morale par Tristan NITOT, mis à jour:19.02.2018
Stop aux réseaux sociaux - 10 bonnes raisons de s'en méfier et de s'en libérer de Jaron LANIER, 2018 ( titre original plus direct : "Ten Arguments for Deleting Your Social Media Accounts Right Now")
Le désir mimétique de Mark Zuckerberg par Pierre TERRAZ - Philomag (payant)
Critique de facebook Wikipedia
Comment se protéger des GAFAM ? le Wiki d'Herminien
Contre le business des réseaux sociaux et leurs nuisances par LePartisan, 2 sept.2017.
------- [ Annexes ] -------
A. Politiques de protection des données personnelles et de régulation des services numériques dans l' Union européenne.
✓ Le Règlement Général sur la Protection des Données (2018)
"relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données".
Cette ceinture de contention juridique qu'il suffirait de boucler en cliquant sur le bouton "accepter" ou "refuser" a largement raté sa cible. Les négociations et les mises à l'amende n'affectent pas le coeur de métier des Gafam, le profilage des utilisateurs (5). Elle ne les contraignent pas non plus à réviser en profondeur leurs «conditions générales d'utilisation »(CGU). Pourquoi ? En dernière analyse, parce que leur développement est étroitement et exclusivement lié à l'industrie de l'extraction et du traitement des données (IA + big data), et qu'au final tout le monde aimerait un peu en croquer. Hors de la juridiction européenne, les utilisateurs repentis continueront encore quelque temps de réclamer en vain le droit à l'oubli, et la garantie que les données liées aux comptes "fermés" sont effectivement effacées.
En multipliant les propositions d'assouplissement de la législation sur les services et les marchés numériques, l' UE ne s'oppose pas, elle s'adapte. En France, au terme de trois ans de procédure kafkaïenne auprès de la CNIL (Commission Nationale Informatique et Libertés, l'autorité de "régulation") l'association La Quadrature du Net tire de ses démarches une conclusion sans appel : Cette commission officielle ne fait pas son travail pour simplement faire appliquer le RGPD. Bien au contraire, les GAFAM échappent au RGPD avec sa complicité active !
Les grands groupes de presse européens, pénalisés par l'évaporation de leurs revenus publicitaires et le pillage de leurs publications tirent leur épingle du jeu au prix d' un resserrement de leurs alliances avec les grandes plateformes américaines, et en conséquence, "d'une mainmise encore plus forte de celles-ci dans la chaîne de valeur de l’information numérique" (6). En clair, la pieuvre resserre le noeud. Un service comme "Subscribe with Google" par exemple, installé directement sur sa plateforme, permettra au journal Le Monde de monnayer une partie de sa base d'abonnés...
« Google s’est engagé au titre des droits voisins à verser au groupe Le Monde, pour Le Monde, Télérama, Huffington Post, Courrier international, Le Monde diplomatique et La Vie, la somme de 1 502 468 euros par an à partir du 1er janvier 2022. Et pour la période qui va du 24 octobre 2019 (date d’entrée en vigueur de la loi) au 31 décembre 2021, le même groupe a empoché rétroactivement 2 944 277 euros.» (Mediapart, " Comment l'Etat et les GAFAM financent les milliardaires " , 22.06.22)
✓ Le Règlement sur les Services Numériques (Digital Services Act - 2022)
"All online intermediaries offering their services in the single market, whether they are established in the EU or outside, will have to comply with the new rules."
Cette refonte de la directive européenne sur le commerce en ligne de 2000, totalement dépassée « modifie notamment le régime de responsabilité des intermédiaires numériques et leurs obligations en termes de modération des contenus » (Clément Perarnaud, "Pour automatiser la censure cliquez ici", le Monde Diplomatique, Juillet 2022)
C 'est un projet ambitieux (au moins sur le papier) qui vise à encadrer juridiquement rien moins que l'ensemble des contenus échangés en ligne (!). Son esprit tiens dans la formule : « Tout ce qui est illégal hors ligne doit également être illégal en ligne ».
Pour l'heure, avant toute mise en oeuvre effective, les appréciations sur le RSN/DSA divergent totalement :
- Pour O.Ertzscheid ce projet représente l'antithèse exacte de la philosophie et du projet libertarien porté par Elon Musk (~~ acquéreur de Twitter pour 44 milliards de dollars début 2022~~)...
- Selon Patrice Epelboin à l'inverse, « la décentralisation promise par Musk et sa vision régionalisée de la liberté d’expression correspondent exactement à ce qu’instaure le DSA » (!) .
- À croire Thierry Breton, principal rapporteur du projet, qui s’est déplacé pour rencontrer E.Musk, le super-commissaire européen et l'homme d'affaire américain seraient « *sur la même ligne et en parfait accord.» (!!) »
-> Références en ligne :
- What are the key goals of the Digital Services Act ? (En)
- Paquet législatif relatif aux services numériques (Fr)
- « La panique morale créée autour du possible rachat de Twitter par Elon Musk n’a pas lieu d’être » par Fabrice Epelboin in Quartier Général, 19.05.2022
[ ... à développer... ]
Citations & Déclarations
« L’apparition de métavers porte un coup fatal à ce qu’il nous restait de liberté imaginaire. Le capital y est parvenu à nous vendre un ersatz de notre imaginaire, ou plus exactement un imaginaire qui n’en est pas un. Car il s’agit d’une duplication du monde par la fiction. »
Annie Lebrun, propos recueillis par Cédric Enjalbert, PhiloMag, 21 Août 2022
" Facebook, avec WhatsApp et Instagram, est devenu le premier média en Afrique, celui par lequel l'opinion publique s'informe " .
Jean Bruno in Le Monde du 19.05.2022 , Article : « Au Sahel, Paris échoue à contrer la propagande russe » par Cyril BENSIMON et Christophe CHATELOT
B. Le pire est déjà là...
I. Dans les démocraties policières "à l'occidentale", une palanquée de poissons-pilotes tous plus nuisibles les uns que les autres -influenceurs, lobbyistes, chasseurs de têtes, startups débiles, communiquants et escrocs en tous genre- s'affaire dans le sillage des géants de la Tech. C'est dire que les problèmes posés par leur emprise ahurissante sur nos vies débordent largement la censure des contenus, et ne se réduisent pas à la fraude fiscale scandaleuse qu'ils pratiquent à grande échelle.
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Cambridge Analytica n'a pas abusé de Facebook, ils ont utilisé les services que FB avait mis en place, et commercialisés auprès des malfrats politiques pour diffuser de la désinformation. C'est le système qui a fonctionné comme prévu. (Cory Doctorow, trad. automatique deepl.com)
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Israël est le premier fournisseur du monde occidental en matériel de contrôle de masse tous systèmes confondus : drones, téléphone etc. Dans un premier temps ce matériel a servi pour contrôler les Palestiniens, ensuite leurs produits ont été vendus à toutes les “démocraties” comme aux dictatures.
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Frontex (les garde-frontières de U.E) a passé des marchés de surveillance avec Israël en Méditerranée, afin de mieux barrer le passage aux migrants qui tentent la traversée embarqués sur des rafiots sordides.
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Aux États-Unis, Amazon licencie les livreurs de sa filiale (Prime) qui refusent d’être filmés toute la journée dans leur camion, parce qu'une clause d'acceptation est stipulée dans le contrat qu'ils ont dû signer pour être embauchés.
II. Dans les régimes totalitaires, de Moscou à Pékin, les réseaux et la hight-tech sous contrôle d'Etat surclassent les pires imprécations d'Orwell. Loin devant tous les autres, la Chine de Xi-Jinping mixe plusieurs moyens de contrôle : notation sociale, surveillance numérique, désinformation et propagande, dans une forme de concurrence à peine voilée avec le modèle ultralibéral-individualiste Etasunien.
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L’élément le plus important de la surveillance des Ouïghours par le Parti Communiste chinois est la Plateforme d’opérations interarmées intégrées (IJOP). Ce système est piloté par l’IA et recueille des données de sources multiples, y compris les millions de caméras de vidéosurveillance installées dans tout le Xinjiang, les adresses MAC des périphériques, les numéros d’immatriculation des voitures et les pièces d’identité des citoyens enregistrés aux points de contrôle de sécurité, et ainsi de suite. (InfoAsie - Comment la Chine utilise l’intelligence artificielle pour réprimer les Ouïghours)
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Dans l'ensemble de la population chinoise, les individus les moins bien notés peuvent se voir refuser le droit d’acheter des billets d’avion.
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La plate-forme chinoise TikTok se donne le droit de faire ce qu'elle veut des vidéos publiées : les utiliser, les modifier, les reproduire sans que les utilisateurs n'aient leur mot à dire. (UFC-Que Choisir)
« La déviation est ciblée comme la faute sociale, grâce aux outils de connaissance de la population notamment numériques (tout fait trace) et à l’IA (chacun est prévisible). Les techniques pour décider ce qui atteindra le cerveau (largement héritées des technologies occidentales) plus la propagande classique, les techniques pour remplir le cerveau, le tout ouvertement. » François-Bernard Huyghe,1984 : quand la Chine réécrit les textes sacrés
« D'autres régimes totalitaires sont tombés, mais le PCC est toujours là. Il continue de nier la liberté de penser et de réécrire l'histoire, tout en embrassant avec de plus en plus de ferveur le capitalisme que Mao s'acharnait à éliminer. » Ma Jian, écrivain en exil.
C. Twitter, Twich, Facebook, l'abjection en Live
- Le 14 mai 2022, la tuerie raciste de Buffalo (USA) a été diffusée en direct sur Twitch, puis massivement partagée sur Twitter et Facebook.
- Souvenons-nous. En France, le compte du tueur de Samuel Paty, typique d'un salafisme radical, n’a pas été suivi ni fermé malgré plusieurs signalements, dont un signalement Pharos le 30 juillet 2020, deux mois et demi avant son passage à l'acte (depuis juin 2020) . La revendication du crime sur le compte immédiatement après les faits jeta l'effroi (et entraîna l'arrestation de l'assassin 15 minutes plus tard).
D. De l'ingérence des GAFAM dans les mouvements sociaux : un exemple français
A l'hiver 2018-2019 on a pu observer les effets pervers, directs ou indirects, de l'utilisation ultra-majoritaire de FB dans le mouvement des Gilets Jaunes en France. FB y tint le double rôle d'indicateur de police et de grand «organisateur» : pugilat virtuel permanent, main-mise des "admins", exclusions, éclatement en listes concurrentes, diffusion de fakes à vitesse intersidérale, manipulations diverses. Tout ceci contrebalançant largement l'effet "mobilisation": le mouvement s'est pour ainsi dire auto-intoxiqué, malgré les avertissements et diverses tentatives de démocratie directe (Assemblée des Assemblées) qui résultaient d'une exigence tout-à-fait légitime, mais étaient loin d'être représentatives.
E. Ma bagnole m'a envoyé un texto...
Qu' arrivera-t-il dans le monde réel, quand une part substantielle du trafic routier sera aux mains d'Alphabet, Tesla, Lexus, Mercedes-Benz ?
De relatives, la dépendance aux injonctions des instruments de géolocalisation et la sujétion aux assistants automatiques embarqués deviendront totales. Sur les autoroutes françaises privatisées on y est presque, en fait. Dans cette logique on peut tout-à-fait envisager l'apparition de voies de ciculation "optimisées", c'est-à-dire réservées en fait à leurs bagnoles "intelligentes", comme il existe des zones aéroportuaires réservées aux jets privés...
La BBC et The Guardian rapportent qu'une panne de serveur a déjà empêché certains conducteurs d' accéder à leur véhicule. Chez Tesla, les étiqueteurs de données " ont accès à des milliers de vidéos ou d'images enregistrées par les caméras embarquées des voitures de la marque, et ils identifient les objets. " (Reuters) Il est impossible d'oublier de régler la prime d’assurance avant de prendre le volant d'une Tesla neuve, car la bagnole se charge de vous le rappeler par des messages visuels et auditifs. Au troisième avertissement vous vous exposez au blocage du véhicule à distance. C'est ballot.