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La Disparition - La newsletter - 8 juillet 2021
Aujourd’hui le palmier qui croît sur le rocher
Sent sa feuille jaunir et sa tige sécher
À cet air qui brûle et qui pèse.
Ces villes ne sont plus ; et, miroir du passé,
Sur leurs débris éteints s’étend un lac glacé,
Qui fume comme une fournaise !
Tel fut le châtiment de Sodome et Gomorrhe décrit par Victor Hugo dans Le feu du ciel. Un récit biblique qui revêt aujourd’hui des habits prophétiques. Comme les deux villes mythologiques, l’humanité, coupable d’avoir martyrisé sa terre, va-t-elle périr et disparaître sous le « souffre et le feu » ?
En 2018, l’incendie de Camp fire (Californie, États-Unis) rayait déjà de la carte une petite ville au nom désormais presque ironique : Paradise. Entraînant au passage la mort de dizaines d’habitants. Il y a quelques jours, c’est un village de l’Ouest canadien qui a disparu sous les flammes : Lytton. Quelques heures avant le drame, on venait d’y enregistrer une température de… 49,6°C. « Des mesures de près de 30 degrés supérieures aux moyennes saisonnières. […] Un record absolu pour une localité située à plus de 50° de latitude nord », apprend-on dans Le Monde.
« Une tempête de feu »
En Colombie-Britannique, Lytton est loin d’être un cas isolé puisque des centaines d’incendies se sont déclarés dans cette zone du Canada recouverte par « un dôme de chaleur », expression née du réchauffement climatique qui semble promise à un grand avenir.
Dans ce dôme se forment des « pyrocumulonimbus ». Ou devrait-on dire des « tempêtes de feu ». Ici, pas besoin d’allumettes pyromanes, des nuages incendiaires font pleuvoir leurs « éclairs secs » sur des terres surchauffées allumant ainsi d’incessants brasiers.
Pour le Canada, le tribut à payer au réchauffement climatique s’annonce toujours plus lourd. Dans Le Devoir, un quotidien québécois, on apprend que la surchauffe planétaire « sera deux fois plus rapide au Canada qu’ailleurs dans le monde ». De quoi déclencher une prise de conscience politique ?
Pas vraiment. Le pays reste un des plus grands émetteurs de gaz à effet de serre de la planète, devant les États-Unis. Il s’était pourtant engagé à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Un objectif impossible à tenir peut-on lire dans Reporterre, tant le poids des industries pétrolières et gazières y est important. Que voulez-vous, business is business.
Chaud devant !
Mais la maison ne brûle pas qu’au Canada. La planète entière a chaud, trop chaud, beaucoup trop chaud. À Chypre, c’est le massif forestier du Troodos, poumon vert de l’île, qui est parti en fumée. Avant la catastrophe, les températures dépassaient les 45°C, nous dit Libération. Dans ces lignes, on peut lire que Rimbaud et Durrell aimaient le « décor champêtre » offert par ce « petit paradis montagneux de 2 000 km2 ». « Désormais c’est l’ère du feu qui menace d’effacer le passé, et d’hypothéquer l’avenir. »
Et que dire de cette vision apocalyptique, de cet « œil de feu » au milieu du golfe du Mexique causé par la rupture d’un gazoduc sous-marin exploité par l’une des compagnies les plus polluantes et prédatrices du monde, Pemex ? Comment ne pas être pétrifié devant cette prouesse humaine, incendier l’océan ? Et ces bateaux qui tentent d’éteindre les flammes durant des heures, arrosant la surface de l’eau avec de l’eau… Absurdité d’un monde.
De l’eau qui manque pourtant à l’Inde, confrontée à une chaleur étouffante, à des températures de 7°C supérieures aux normales saisonnières et à une mousson qui ne vient pas.
On continue ?
En Sibérie, il a fait 48°C. Oui, en Sibérie. En cause, selon les chercheurs ? Le réchauffement climatique. Au sud de Madagascar, les enfants crèvent de faim à cause d’une sècheresse interminable. Face à la famine, la population a recours à « des mesures de survie désespérées telles que la consommation de criquets, de fruits de cactus rouges crus ou de feuilles sauvages ».
Et en France ?
Loin des yeux, loin du cœur ? Un dôme de chaleur frappe actuellement le Maghreb et l’Espagne avec des températures qui frôlent les 50°C peut-on lire dans Ouest-France. Dans The Conversation, on apprend qu'en France « 35,2 % de tous les décès liés à la chaleur peuvent être attribués au changement climatique d’origine humaine ».
Pourtant, face à la chaleur, le gouvernement reste froid. Sur France Info, on signale que le ministère de la transition écologique voit ses effectifs diminuer fortement et régulièrement. 9 000 emplois auraient ainsi été supprimés au sein du ministère entre 2013 et 2019. Et cela pourrait bien s’aggraver en juillet avec l’examen au Sénat de la loi 4D, visant à « simplifier l’action publique locale ». Ambition quand tu nous tiens.
Le 30 juin dernier, le rapport annuel du Haut conseil pour le climat nous avertissait pourtant : « Les deux-tiers de la population française sont déjà fortement ou très fortement exposés au risque climatique. » Ce que l’on risque ? Mégafeux comme au Canada ou en Californie, montée des eaux et vagues de chaleur… Ce que l’on fait ? Très peu selon l’instance indépendante puisque les efforts actuels de réduction des émissions de CO2 devraient doubler si nous voulions tenir nos engagements.
Pendant que Lytton disparaissait, à l’Assemblée Nationale on parlait des drapeaux étrangers brandis lors de mariages en mairie qui menaceraient fortement l’ordre public. Il était également question du voile. Évidemment.
Alors que le monde est en feu, à l’Elysée, pas de réaction du chef de l’État. Le 29 juin, on déroulait plutôt le tapis rouge à JP Morgan, la banque qui, depuis l’accord de Paris sur le climat, a accordé 317 milliards de dollars aux industries du charbon, du gaz et du pétrole, peut-on lire dans Mediapart. Mardi 6 juillet, conclusion de la séquence, l’exécutif renonçait à inscrire la « préservation de l’environnement » dans la constitution…
« La voyez-vous passer, la nuée au flanc noir ? », questionnait Hugo. Apparemment non.