LePartisan
En temps d'amnésie pré-électorale et de promesses en carton recyclé, on guette l'irruption de PMO dans le débat local avec une certaine gourmandise...
Pendant cette campagne pour les Ă©lections municipales l' honnĂȘte Grenopolitain.e a baignĂ©, comme des millions de ses compatriotes, dans un clapotis d'Ă©lĂ©ments de langage que ne troublaient guĂšre les vaguelettes polĂ©miques entre les candidat.es et les dĂ©clarations d'amour surjouĂ©es. PMO intervient dans ce dĂ©bat par le truchement d'une brochure rondelette intitulĂ©e "Retour Ă Grenopolis".
Des Allobroges vaillants aux "Rugiens" connectés
Grand vainqueur en 2014 du (dernier des ?) barons socialistes JérÎme Safar, le vert caméléon Eric Piolle se re-présente avec à son actif un bilan que l'on s'abstiendra de détailler ici à l'aune de ce qu'étaient ses priorités proclamées (l'écologie, le social, et la participation citoyenne). Car au fond ce n'est pas çà véritablement leur sujet. Leur sujet déborde largement ces derniÚres 6 années. Il s'agit de mettre en évidence la profonde continuité politique qui va en gros, des bùtisseurs du CEA d'aprÚs-guerre jusqu'à l'actuelle majorité écolocitoyenne :
"Ce qui nous intĂ©resse lors de ces Ă©lections municipales de 2020, ce dont personne ne parle, c'est l'accĂ©lĂ©ration brutale, l'extension et l'intensification de la machinerie urbaine, sous couvert de "transition Ă©cologique et numĂ©rique", de "technologies vertes" et de de "rationalisation administrative et Ă©conomique". La transformation de Grenoble, de la MĂ©tro, du Pays voironnais, du GrĂ©sivaudan et jusqu'Ă l'Oisans, presque, en Grenopolis : un seul et mĂȘme pĂŽle urbain, créé et structurĂ© par ses rĂ©seaux de transport et d'Ă©nergie"
What else en 2020 ? Ah oui... le come-back provisoire de l'ancien maire corrompu A.Carignon (1) alléché par l'odeur de décomposition de sa famille politique, nous renvoie à la chronique judiciaire d'il y a 30 ans... autant dire à la préhistoire.
Tant qu'Ă remonter le temps, autant y aller Ă fond. Du coup, c'est la dĂ©faite des Allobroges, Ă©crasĂ©s par les troupes romaines en -121 avant notre Ăšre au confluent du RhĂŽne et de lâIsĂšre qui marque le point de dĂ©part de cet ambitieux survol politico-historique.
On ne s'attendait pas à une promenade touristique... En hors d'oeuvre, un tapis de bombe se déverse sur la bourgeoisie intellectuelle dans l'acception trÚs large qu'en a PMO. Et le plat de résistance déroule le procÚs des avatars du gauchisme post-68, de la révolution bolchevick et du communisme d'avant-guerre.
En deux mots, l'ennemi c'est le productivisme, quel que soit la couleur du drapeau. Le ver était dans le fruit dÚs le début, et ceux qui se réclament du communisme et du socialisme aujourd'hui sont leurs pires ennemis. La thÚse n'est pas nouvelle, et ne fluidifie pas la lecture.
"Combattre la catastrophe Ă©cologique par la « ville intelligente », câest Ă©teindre un incendie en lâarrosant dâessence"
AprĂšs ce pilonnage en rĂšgle (13 pages, quand mĂȘme) PMO s'intĂ©resse aux tribulations de la filiĂšre d'excellence, locomotive de la mĂ©tropolisation Ă la sauce dauphinoise, et aux technos hight-tech qui font tellement kiffer le techno-gratinâą. Sont dĂ©noncĂ©s entre autres le soutien actif au dĂ©ploiement du compteur Linky (l'agglo accueille une chaine d'assemblage), le puçage de nos poubelles, le co-dĂ©veloppement de la 5G, testĂ©e par des ingĂ©nieurs grenoblois sur la presqu'ile scientifique (cf extraits ci-dessous) et l'on en passe. Fort bien.
L'opuscule examine minutieusement deux questions stratĂ©giques centrales, la politique fonciĂšre et la question cruciale des transports, sans doute les passages les plus originaux et intĂ©ressants. Mais sans reprendre Ă son compte toutefois -c'est une dĂ©ception- l'exigence grandissante de la gratuitĂ© des transports publics, qui est dĂ©jĂ une rĂ©alitĂ© au Luxembourg et dans un certain nombre de villes europĂ©ennes. Sur ce sujet, PMO ne trouve bizarrement rien Ă dire. Silence total. Serait-ce dĂ©jĂ un combat d'arriĂšre-garde ? đ€
Une charge technophobe indiscriminée
Pour les tenants du dĂ©mantĂšlement pur et simple de la civilisation industrielle, la rĂ©ponse est assĂ»rĂ©ment oui. La conclusion est dĂ©nuĂ©e d'ambiguĂŻtĂ© : " (...) Nul ne peut se dire Ă©cologiste - « radical » qui plus est - sâil ne sâoppose dâabord et toujours Ă la sociĂ©tĂ© industrielle. Que la propriĂ©tĂ© soit privĂ©e ou publique. Capitaliste ou communiste."
Les pourfendeurs impitoyables du techno-gratin⹠grenoblois ne manquent pas d'arguments, mais ils nous avaient habitués à davantage de subtilité, pour ne pas dire de nuance, dans la technophobie. A celleux qui iront jusqu'au bout, "Retour à Gratianopolis" fera l'effet d'une triple dose d'huile de ricin administrée à la louche par un infirmier luddite vénÚre. Les autres se seront depuis longtemps débiné pour éviter cette potion amÚre...
LePartisan -12.03.20
Lien direct vers le document (64 pages)
(1) Alain Carignon, alors membre du RPR (d'origine gaulliste), fut maire de Grenoble de 1983 à 1995. Condamné en 1996 à 5 ans de prison pour corruption et abus de biens sociaux, il tente désespérément de revenir sur le devant de la scÚne depuis sa sortie de prison.
Bonnes feuilles
"La ville-machine fonctionne parce que ses composants dâorigine humaine dĂ©sirent en ĂȘtre les rouages imbriquĂ©s, tournant sur des axes et au rythme dĂ©terminĂ©s par la calculatrice centrale.
MĂšre-Machine sâoccupe de tout, il suffit de suivre la voix sucrĂ©e du GPS, les conseils - ou plutĂŽt les consignes - dâachats dâAmazon, et les horaires du train en direct sur lâappli SNCF. Les mĂ©tropolitains perdent lâhabitude de dĂ©cider par eux-mĂȘmes Ă mesure que croĂźt lâemprise technologique. Dans la smart city comme dans les voitures autonomes, nous ne sommes que les passagers de nos vies. A quoi bon vivre, les machines le font mieux que nous.
Seule notre soumission Ă MĂšre-Machine peut prolonger notre existence sur une planĂšte dĂ©vastĂ©e par cette mĂȘme machine. Il faut rationner/rationaliser lâusage des ressources ; qui mieux que les ingĂ©nieurs Verts pour nous guider vers lâĂ©cocitoyennetĂ© dirigĂ©e par ordinateur ? " (p.50)
"Une raison pour faire de Grenoble lâune des villes-tests de la 5G. Le Commissariat Ă lâĂ©nergie atomique, fidĂšle Ă sa vocation techno-rĂ©volutionnaire, a obtenu dĂšs 2016 lâautorisation de lâArcep dâexpĂ©rimenter la 5G Ă Minatec â autorisation renouvelĂ©e jusquâen 2019. Les ingĂ©nieurs grenoblois, ces progressistes ouverts, tolĂ©rants et avant-gardistes qui ont portĂ© la municipalitĂ© Verte-Rouge dâEric Piolle au pouvoir en 2014, poursuivent leur Ćuvre de dĂ©shumanisation avec obstination et rĂ©ussite. Ils ont amĂ©liorĂ© les technologies 5G lors des Jeux olympiques de 2018 en CorĂ©e du sud (projet « 5G Champions »). Avec leurs collĂšgues et voisins de Radiall, ils mettent au point les antennes radiofrĂ©quences du nouveau rĂ©seau 161 . Cette expertise permet Ă Grenopolis dâaccueillir en 2018 le centre R&D du Chinois Huawei, champion numĂ©rique et aspirateur Ă donnĂ©es. Christophe Ferrari exulte de cette prise qui prouve « une fois encore l'attractivitĂ© du territoire mĂ©tropolitain grenoblois aux yeux des investisseurs Ă©trangers . » (p.52/53)