Guillaume Gontard Sénateur de l' Isère
Permanences: 3, rue Gabriel Péri – 38000 Grenoble – Tél. 04 38 86 28 74Son activité au Sénat
Publié le 18.12.2025 à 19:05
Le succès historique de la pétition contre la loi Duplomb (2,1 millions de signatures cet été) a montré la vive préoccupation des Françaises et Français face aux conséquences sanitaires et environnementales de l’usage des produits phytosanitaires en agriculture.
J’ai donc, avec mes collègues écologistes déposé une proposition de loi pour tenter d’y répondre, afin de mieux concerter, informer et protéger les riverains de parcelles agricoles exposées aux pesticides de synthèse. Notre objectif est double.
Dans son 1er article la proposition de loi vise à concerter avec l’ensemble des acteurs par le renforcement des chartes départementales des bonnes pratiques en matière d’utilisation des produits phytopharmaceutiques et de protection des riverains. L’idée est de renforcer le processus de consultation prévue par ces chartes (qui en l’état de respecte pas la Constitution) pour associer les riverains, les agriculteurs et surtout les élus locaux aujourd’hui absents. Nous voulons associer les maires directement au processus de concertation.
Nous voulons leur permettre, par concertation communale de définir les zones sensibles sur leur territoire (lieux accueillant des public fragiles, espace de biodiversité particulière, captage d’eau, etc) et de faire valoir ce zonage dans la concertation départementale.
Nous voulons instaurer un comité de suivi, sous l’autorité du préfet, de l’application des chartes qui fasse office de mécanisme de contrôle de leur bonne application.
Nous demandons que ces chartes incluent des mécanismes efficaces d’information des riverains sur les périodes et moment d’épandages comme cela existe déjà dans certaines communes viticoles.
Nous voulons rendre les chartes compatibles avec les plans régionaux de l’agriculture durable, les éventuels projets alimentaires territoriaux et les schémas de cohérence territoriaux.
Dans son second article adapte français au droit européen exigeant la transmission systématique des registres d’épandage à l’autorité administrative et leur mise à disposition du public sur demande. Il crée également le registre national demandé par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) et géré par elle qui est une indispensable mesure de santé publique tant pour faciliter les travaux de recherche que pour favoriser le traitement médical des empoisonnements aux pesticides. Il s’agit de garantir le droit d’accès à l’information relative à l’environnement et d’assurer l’accès à ces registres pendant 10 ans.
La majorité sénatoriale a malheureusement rejeté ce texte de bon sens.
Merci Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur,
Madame la Ministre,
Mes chers collègues,
Depuis plusieurs années notre modèle agricole est en crise. Une crise économique et sociale induite notamment par concurrence déloyale du libre-échange. Le traité Union européenne-Mercosur en est le dernier avatar, provoquant l’effondrement des prix, la chute des revenus des exploitants et forçant à l’agrandissement des surfaces et la disparition des fermes, à la mécanisation accrue provoquant un endettement des exploitations souvent insurmontable.
Une crise écologique produite par le réchauffement climatique entrainant la multiplication des sécheresses, des catastrophes naturelles (gel tardif, grêle, intempéries), des épizooties, une crise écologique également amplifiée par notre modèle agricole intensif entrainant un appauvrissement des sols, une dépendance aux engrais de synthèse russes, mais surtout l’effondrement de la biodiversité notamment des pollinisateurs.
Chacune et chacun sur ses bancs a le cœur noué et les larmes aux yeux devant la détresse, la souffrance et la colère des éleveurs dont les cheptels sont frappés par la dermatose nodulaire et soumis à l’abattage souvent indispensable mais un peu trop systématique de leurs troupeaux. Au nom de mon groupe, nous souhaitons leur témoigner tout notre soutien et appelons le Gouvernement au dialogue, à l’accompagnement et à la multiplication des efforts pour généraliser la vaccination et indemniser convenablement l’ensemble des pertes.
La crise des dernières semaines après celle de l’hiver 2023 – 2024 témoigne du mal-être d’une profession qui présente un risque de suicide de 46 % supérieur à celui des autres catégories socio-professionnelles. Un mal-être face auquel nous sommes tous consternés mais qui appelle de notre part des réponses différentes.
Le Gouvernement et la majorité sénatoriale ont choisi la verticalité :
- D’abord avec une loi d’orientation agricole, qui a soigneusement oublié la promesse présidentielle d’ « un prix plancher » pour les denrées agricoles et n’a fait qu’effleurer la problématique centrale de la transmission/installation.
- Ensuite avec la désormais tristement célèbre loi Duplomb, un tract politique, une fuite en avant dans un modèle qui ne fonctionne plus et qui a suscité un vif émoi dans le pays récoltant contre elle deux millions d’oppositions.
Ces deux lois n’apportent aucune réponse aux crises économiques et écologiques de l’agriculture. Pire encore elles ont renforcé l’incompréhension entre nos agriculteurs et la population.
Ces deux lois clivantes oublient aussi que la crise agricole est également une crise de sens, une crise globale, une crise de modèle. Nous ne pouvons pas nier l’impact de l’agriculture conventionnelle :
- sur le réchauffement climatique – près de 20 % de nos gaz à effet de serre,
- sur l’environnement, disparition du quart des oiseaux et de 25 à 80 % des populations d’insecte,
- sur la qualité de l’eau, 17 millions de nos compatriotes exposés à de l’eau non-conforme,
- sur l’alimentation et sur la santé humaine, lymphomes, cancer, leucémie, etc
Dire cela ce n’est pas s’opposer aux agriculteurs, au contraire, c’est admettre collectivement une réalité pour la faire évoluer.
Malgré des données insuffisantes, la multiplication des études faisant état de l’impact des pesticides sur la santé publique, ne laisse plus aucun doute. La plus récente, Pestiriv conduite par l’ANSES et Santé publique France portant sur plus de 250 zones viticoles a mesuré la présence de 56 substances dans l’urine et les cheveux de 1 946 adultes et 742 enfants, ainsi que dans l’air extérieur et intérieur.
Abandonner progressivement les pesticides est pour notre agriculture, un horizon sanitaire, écologique et économique indépassable.
La plupart des agriculteurs sont bien conscients de cette problématique font beaucoup d’efforts pour diminuer l’usage des intrants. Les conventionnels cherchent des solutions, parfois s’inspirent des bio et attendent beaucoup de la recherche notamment de l’INRAE. Ce partage d’expérience est essentiel.
Alors, pour avancer et tenter de répondre à ces incompréhensions grandissantes, à ces frictions qui déchirent parfois des voisinages, des amitiés et même des familles, la proposition de loi que vous nous soumettons aujourd’hui propose modestement de repartir de la base, de favoriser l’échange, la concertation, la conciliation, de remettre tout le monde autour de la table à l’échelon local : l’échelon de vie.
Nous aurions pu proposer une loi nationale pour élargir les zones de non-traitement, protéger les captages d’eau et les zones naturelles exceptionnelles. Nous n’avons pas fait ce choix. Nous faisons le pari de l’intelligence collective, nous voulons rapprocher les points de vue, lever les incompréhensions et les fantasmes, apaiser le débat public. Nous voulons que chacune et chacun fasse un pas vers l’autre, comprenne les contraintes et les craintes et construise des compromis. Sur ce sujet comme sur tous les autres c’est le défi que doit surmonter notre démocratie pour perdurer dans un monde instable.
Pour ce faire, nous pensons pouvoir nous appuyer sur les élus locaux, notamment communaux qui le souhaitent, comme ces 60 maires de toute tendance qui, en 2019, ont voulu réguler l’usage des pesticides sur leur territoire communal. Nous savons que les maires sont les plus à même pour identifier les zones les plus vulnérables, qu’ils s’agissent de la protection de publics fragiles, de ressources naturelles notamment l’eau ou d’une biodiversité particulière. Nous savons que les maires sont les plus-à-même de proposer des espaces de concertations et de rapprocher les points de vue. Ils font cela chaque jour du lever au coucher.
Par exemple, comment protéger nos écoles alors que 1,7 millions de d’élèves sont soumis à une forte pression pesticide comme le révèle Le Monde ce jour ? Dans la foulée de la publication de l’étude Pestiriv sur sa commune, le maire de Villenave-d’Ornon a annoncé », « organiser une rencontre avec les propriétaires viticoles (…) pour évoquer les solutions à mettre en œuvre et visant à rassurer les habitants sur les produits employés ».
C’est exactement la méthode que préconise cette proposition de loi.
En bon isérois qui se respecte, j’ai en exemple la réussite qu’avait représenté la “charte de bon voisinage” élaborée et signée en 2019 entre les professionnels de la « Noix de Grenoble » et les riverains. Partenariat, dialogue ouvert, information par SMS avant les épandages, médiation par la chambre d’agriculture, diminution notable des conflits de voisinages, cette charte fut une réussite.
Malheureusement, elle a été remplacée en 2021 par la charte d’engagement départementale sur l’utilisation des produits phytosanitaires, moins-disante et peu ou pas appliquée.
Ces chartes au statut juridique bancal, contestées en justice ont été finalement jugées en 2021 contraires à la Constitution sans que cela n’entraine, à date, de modification de la loi. Le conseil constitutionnel relève « l’absence de riverains au processus de concertation » et le conseil d’Etat estiment que « les chartes n’assurent pas une protection suffisante », un comble !
Le renforcement de ces chartes par la loi, pour en faire de véritables outils de concertation, de suivi, de protection et d’information est donc indispensable.
Ainsi, nous proposons que les maires puissent s’ils le souhaitent, engager la concertation à l’échelle de leur commune, via le conseil municipal pour ensuite apporter leurs propositions lors de la négociation départementale. Je précise qu’il s’agit d’une possibilité, voulue par de nombreux élus et en aucune façon d’une obligation. Les maires agiront alors comme des facilitateurs pour permettre à ces négociations d’aboutir.
Pour assurer la solidité juridique des chartes, nous avons intégré les préconisations du Conseil constitutionnel sur les mécanismes de participation du public prévus par le code de l’Environnement. Nous avons également inclus la nécessité pour ces chartes de s’inscrire en cohérence avec les autres documents structurants du territoire, quand ils existent, que sont :
- le plan régional de l’agriculture durable,
- les projets alimentaires territoriaux,
- et les schémas de cohérence territoriaux.
Pour veiller à la bonne application et à l’efficacité des chartes nous proposons également la constitution d’un comité de suivi sous l’autorité du préfet se réunissant au moins une fois par an et un mécanisme de mise-à-jour quinquennal des dispositions de la charte.
Enfin l’article 1er de la proposition comporte un dernier élément qui me permet de faire le pont avec l’article 2 sur une exigence renforcée d’information et de transparence. Je pense comme notre rapporteur que nos agriculteurs n’ont rien à cacher. Aussi, nous demandons que ces chartes incluent, comme le faisait la “charte de bon voisinage” de la noix de Grenoble, comme le font de nombreux viticulteurs du bordelais notamment, des mécanismes, que nos téléphones portables permettent désormais sans effort, d’informations des riverains au moment des périodes d’épandage.
Nous sommes convaincus que ces informations sont de nature à apaiser les relations de voisinage et à combattre les idées reçues. Comme le disait Arnaud Rivière, alors président du Comité interprofessionnel de la noix de Grenoble : « la charte a remis certaines vérités en place : quand un agriculteur sort son atomiseur, ce n’est pas forcément pour déverser du produit chimique ».
Nos concitoyens sont bien conscients des défis auxquels doit faire face le monde agricole, ils n’ont pas des demandes déraisonnables, mais ils veulent savoir ce qui est pulvérisé près de leur lieux de vie, quand et les conséquences sur leur santé.
C’est le sens de l’article 2, qui instaure le registre national des épandages demandé par l’ANSES. Un dispositif indispensable pour faciliter les travaux de recherche et pour favoriser le traitement médical des empoisonnements aux pesticides. Il s’agit par cette mesure de garantir le droit d’accès à l’information sur une temporalité suffisamment longue pour les besoins de la recherche.
Ce faisant, nous adaptons le droit national aux exigences du droit communautaire pour éviter de nouvelles condamnations de l’Etat après celle du 1er juillet dernier relative à la transmission des registres d’épandage de pesticides agricoles de la commune de La Sauve.
Voilà mes chers collègues le contenu d’une proposition de loi que je crois de bon sens et consensuelle afin d’avancer tous ensemble pour accompagner les agriculteurs et agricultrices dans une indispensable transition, pacifier nos campagnes et renforcer notre démocratie.
Je vous remercie
Publié le 18.12.2025 à 12:41
Depuis juin 2025, la Dermatose Nodulaire Contagieuse (DNC) atteint les élevages bovins français, en Savoie, Haute-Savoie, Ain, Rhône, Jura, Pyrénées-Orientales, Doubs et Ariège. Dès cette période, je m’étais rendu dans un élevage touché par la maladie à Rumilly (Haute-Savoie) pour échanger avec les éleveurs. Avec les conseillers régionaux écologistes Maxime Meyer et Fabienne Grébert, j’avais ensuite interpellé la ministre de l’agriculture, en lui demandant déjà une autre politique sanitaire, notamment un abattage ciblé, plutôt que généralisé. Vous pouvez retrouver toutes les informations sur ce déplacement et nos demandes dans mon billet publié mi-juillet.
Depuis juin 2025, ce sont 109 foyers qui ont ainsi été détectés. Depuis juin 2025, l’Etat impose l’abattage total du troupeau lorsqu’un cas est détecté dans un élevage : plus de 3.000 bovins ont ainsi été abattus. Les éleveurs et éleveuses ont dû accepter ces abattages, on ne leur a tout simplement pas laissé le choix. Au nom de la solidarité sanitaire, nous avons assisté à autant de drames humains, sociaux et économiques : souffrance animale, souffrance humaine, perte de génétique acquise parfois depuis des générations, risques de perte de génétique dramatique pour les races à petit effectif, stress accru dans l’ensemble de la filière…La vaccination dans les zones affectées s’est mise en place rapidement et nous saluons le travail de tous et toutes pour la mise en œuvre de cette vaccination, services de l’État, vétérinaires et bien sûr éleveurs et éleveuses.
Et pourtant, les deux derniers cas déclarés montrent que l’abattage total comme principale stratégie de gestion sanitaire n’est pas adapté et, comme nous le demandons depuis des mois, doit être révisé.En Ariège, la maladie s’est déclarée en zone indemne, démontrant les limites d’une gestion par abattage et l’intérêt de la prévention et de la vigilance. Dans le Doubs, la maladie s’est déclarée dans un élevage vacciné. Dans ce cas, la politique d’abattage total est en contradiction avec la protection apportée par le vaccin et avec les objectifs affichés de la stratégie vaccinale. De plus, le gouvernement ajoute à la violence d’un abattage de troupeau la violence d’une intervention policière sans commune mesure avec la situation.
Face à cette situation, Les Écologistes apportent leur soutien aux éleveurs et éleveuses touché·es par la Dermatose Nodulaire Contagieuse et exhortent l’État à infléchir en urgence sa politique sanitaire et sa politique d’élevage.Nous soutenons la politique vaccinale et demandons à l’Etat de mettre les moyens nécessaires pour généraliser la vaccination des bovins. Conscient·es qu’il n’y a pas assez de vaccins pour tous les bovins, nous demandons au ministère de l’Agriculture de concentrer ses efforts sur les régions où la maladie est déjà présente et de cibler également les races locales et menacées, ou troupeaux à faible effectif.
Nous demandons la fin de l’abattage total pour les troupeaux vaccinés, au profit d’une euthanasie spécifique des animaux présentant des symptômes liés à une contamination de la souche sauvage de la maladie.Nous demandons une juste indemnité des éleveurs et éleveuses dont les animaux sont abattus, couvrant la reconstitution d’un cheptel de même niveau génétique et les pertes d’exploitation.
Nous demandons à la ministre un travail au niveau européen pour une révision de la classification de la maladie, dont le développement est aujourd’hui favorisé par le réchauffement climatique, par la multiplication des échanges internationaux et la fragilité de la résistance immunitaire des animaux poussés par des stratégies productivistes.
Nous rappelons que la DNC n’est pas transmissible à l’humain, y compris par la consommation de produits animaux.Les Écologistes rappellent qu’il n’y a qu’une seule santé (one health) humaine, animale, végétale, environnementale. Nous demandons l’évaluation et la révision des politiques de gestion des épizooties et zoonoses sur les plans sanitaire, économique, environnemental, social et humain.
Enfin, nous demandons à la ministre de l’Agriculture de co-construire une nouvelle stratégie sanitaire avec l’ensemble de la profession agricole et au plus près des territoires, et ce pour l’ensemble des crises sanitaires qui affectent les filières de l’élevage. Ce sont les outils d’une véritable démocratie qu’il s’agit de mettre en place.
Pour poursuivre l’indispensable réflexion sur les épizooties qui se multiplient et la réaction à y apporter, j’organiserai le 20 février prochain un colloque au Sénat sur ce sujet.
Crédits photo en une : Annie Spratt
Publié le 17.12.2025 à 17:09
Le 16 décembre 2025, le Sénat étudiait une résolution européenne, demandant au gouvernement de saisir la Cour de Justice de l’Union européenne sur le traité de libre-échange Union européenne-Mercosur. Etant donné l’acharnement de la Commission européenne et de certains états européens, comme l’Allemagne et l’Espagne, à faire signer cet accord dans les prochains jours, il était important de se saisir de toutes les opportunités pour bloquer cet accord dangereux pour notre agriculture. La concurrence déloyale de producteurs agricoles latino-américains exploitant d’immenses surfaces et ne respectant pas les règles de production en vigueur en France implique de stopper cet accord délétère.
Cette motion pour saisir la Cour de justice de l’UE a été adoptée extrêmement largement, à l’unanimité du Sénat moins une voix. Ce saisine reste incertaine, car elle ne peut être décidée que par le gouvernement, et nous souhaitons avant tout que la France réunisse une minorité de blocage pour mettre fin une bonne fois pour toutes à cet accord. Néanmoins, j’ai bien évidemment voté pour cette résolution et brièvement rappelé les raisons de mon opposition de longue date à cet accord.
Vous pouvez retrouver mon intervention en vidéo et sous format texte ci-dessous :
Malgré la manipulation de la Commission pour exclure les Parlements nationaux du processus de ratification, le Conseil doit se prononcer par un vote à la majorité qualifiée de 55% des États-membres, représentant au moins 65% de la population de l’UE. La France représentant plus de 15 % de la population de l’UE, son vote sera décisif.
Le Parlement est dans son bon droit pour affirmer la position du peuple qu’il représente. Il n’a rien de contraire au droit, à ce que le gouvernement, responsable devant le Parlement, entende cette position avant d’aller négocier à Bruxelles.
Je passe sur les autres arguments soit tautologiques, soit invoquant le règlement du Parlement européen, pour parler plutôt du fond de cet accord.
Comment peut-on encore, au XXIème siècle, défendre un accord de libre-échange vieux d’un quart de siècle ? Chacun constate les difficultés de notre agriculture, chacun mesure l’effondrement de notre industrie, chacun sait l’extrême fragilité de notre économie mondialisée qui peut être paralysée par un virus ou le blocage du Canal de Suez.
Tant pour remplir nos objectifs climatiques, que pour reconstruire notre souveraineté alimentaire, que pour permettre à nos éleveurs et nos éleveuses de vivre de leur travail, l’heure est à la relocalisation !
Permettez-moi de conclure en ayant une pensée émue pour nos éleveurs et éleveuses qui subissent de plein fouet l’épidémie de DNCB et n’ont vraiment pas besoin de la concurrence déloyale d’outre-Atlantique. Si manger français était notre priorité, nous pourrions vacciner tout le cheptel et éviter les abattages complets de troupeaux, au lieu de vouloir exporter à tout prix.
Alors que le monde entier tourne la page de la mondialisation, la motion de notre collègue est à contre-courant de l’histoire.
Publié le 16.12.2025 à 11:41
Je suis intervenu hier au nom du groupe Ecologiste – Solidarité et Territoires lors du débat préfigurant la future Loi de programmation militaire qui va accélérer la trajectoire de hausse des dépenses militaires pour faire face à la dégradation du contexte géopolitique.
J’ai rappelé que les Écologistes partagent sans réserve le constat d’une menace russe grandissante et soutiennent l’Ukraine depuis les premiers instants du conflit.
J’ai précisé que si nous reconnaissons le besoin d’accroitre nos besoins militaires, nous exigeons que cela passe par de nouvelles recettes et davantage de justice fiscale et par un démantèlement des services publics.
D’autant que la réponse à la menace hybride russe ne peut pas être que militaire. Les européens continuent à acheter plus d’hydrocarbures à la Russie qu’elles ne donnent à l’Ukraine. Nous protéger de la Russie passe impérativement pas le renforcement de notre souveraineté énergétique alors que 15 % de notre gaz vient de Russie et que nos centrales nucléaires fonctionnent avec de l’uranium enrichi en Russie.
Face à cette absence de vision globale, comme pour la loi de programmation militaire précédente, nous nous sommes abstenus.
Merci Monsieur le Président,
Monsieur le Premier ministre,
Je tiens à rappeler en premier lieu, pour que ne subsiste aucune ambiguïté, que les écologistes partagent sans aucune réserve le constat que nous venez de formuler, constat encore précisé la semaine dernière par Mark Rutte, secrétaire général de l’OTAN.
Nous n’avons donc aucun doute que le fait que, depuis près de quatre ans, notre avenir et celui de l’Union européenne se jouent sur les rives du Donbass. Nous savons tout ce que nous devons à l’héroïsme des soldats et du peuple ukrainiens.
Nous n’avons aucun doute sur les intentions de Vladimir Poutine, prêt à sacrifier toute une classe d’âge – plus d’un million de victime russes déjà – pour repousser les frontières de la Fédération de Russie jusqu’aux anciennes limites de l’Union soviétique.
Nous n’avons aucun doute sur sa fuite en avant, lui qui a tourné la Russie tout entière vers la guerre en y consacrant 40 % de son budget et 70 % de son industrie lourde et qui l’a mise aux bans des Nations démocratiques. Poutine ne peut plus reculer et doit être vaincu.
Nous n’avons aucun doute sur le fait qu’aucune paix, objectif cardinal de notre mouvement politique depuis son origine, ne sera atteignable dans un monde régi par le rapport de force entre les empires et qu’il nous faut consentir à ce rapport de force pour préserver ce que nous sommes, nous européens.
Nous avons soutenu le Gouvernement sans réserve depuis le 1er jour s’agissant du soutien militaire à l’Ukraine et nous avons même regretté à plusieurs reprises qu’il n’aille pas assez loin ou pas assez vite. Nous ne nous sommes pas opposés à la Loi de programmation militaire et à ses déclinaisons budgétaires malgré l’austérité budgétaire que vous imposez au pays par votre dogmatisme néo-libéral d’un autre siècle, d’un autre contexte géopolitique.
Depuis un demi-siècle, persuadée, après la chute du mur, d’avoir atteint « fin de l’histoire », votre famille politique a désarmé l’État. Milton Friedman sur le volet économique et Françis Fukayama sur le volet géopolitique sont allés de pair pour nous conduire dans le mur. Vous déplorez les « dividendes de la paix », l’affaiblissement de notre appareil militaire et de notre puissance sans réaliser que la puissance de l’État est indivisible. En démocratie, quand on affaiblit l’État providence et l’État stratège, on affaiblit mécaniquement l’État régalien.
Monsieur le Premier ministre, mes chers collègues de droite, si vous tenez réellement à faire entendre à l’ensemble de nos compatriotes la réalité de la menace, si vous voulez appeler à la mobilisation générale et à l’économie de guerre, alors vous ne pouvez plus imaginer que le pays acceptera cela en amputant nos derniers services publics. Les sondages le montrent, en nette majorité, les Françaises et les Français ne veulent réduire les crédits d’AUCUNE politique publique.
Votre message ne sera pas entendu si l’effort de dépenses militaires n’induit pas, comme en 1914 avec la création de l’impôt sur le revenu, de nouvelles recettes fiscales et donc une contribution importante de nos milliardaires à l’effort de défense. Ce sera pour eux l’occasion de sortir du bois : privilégient ils la défense de la France ou l’arrivée à la tête de notre République des valets de Poutine ?
Malheureusement, Monsieur le Premier ministre, malgré le réel respect que je vous porte au-delà de nos divergences, le discours que vous venez de prononcer n’était pas un discours de chef de Gouvernement, c’était un discours de ministre des Armées.
La menace à laquelle nous faisons face est globale. Elle est protéiforme. Elle interroge, notre modèle économique, la pénétration de notre sphère médiatique par l’ennemi, en passant par la résilience de nos infrastructures.
Le néo-libéralisme a bâti un monde profondément interdépendant et dramatiquement fragile. Il a voulu nous faire croire que les intérêts économiques prévaudraient sur toutes les querelles politiques et territoriales, interdisant ainsi la guerre. Vladimir Poutine a balayé ce présupposé. Au contraire, il se permet de nous attaquer parce qu’il sait qu’il nous tient économiquement. Dès lors, dans le monde de 2025, accroitre la sécurité du pays et du continent ne peut en aucune façon relever du seul effort militaire.
En effet, à quoi bon renforcer notre effort de défense en sabrant nos politiques de souveraineté énergétique ? En 2024, l’Europe a ENCORE acheté plus d’hydrocarbures à Moscou (22 milliards) qu’elle n’a donné à Kyiv (19 milliards). Comment voulez-vous gagner cette guerre en finançant ainsi l’ennemi ?
A quand une programmation pluriannuelle de l’énergie consacrant un mix énergétique souverain et sûr alors que nos centrales nucléaires continuent de fonctionner depuis quatre ans avec de l’uranium enrichi en Russie et que le bouclier de Tchernobyl, perforé par un drone, n’est plus étanche ?
A quand une politique de rénovation énergétique digne de ce nom pour réduire notre consommation d’énergie notamment fossile ?
Quatre après le début de la guerre, l’Europe a enfin un horizon pour fermer le robinet de gaz russe : fin 2027… C’est mieux que si c’était pire…
A quand une politique de transition agricole digne de ce nom alors que nos importations d’engrais azotés russes ont augmenté de 86 % depuis le début du conflit ?
On ne reconstruira pas notre souveraineté, notamment énergétique et alimentaire, sans transition écologique. Ce n’est pas une opinion, c’est un fait. Nos reculs des dernières années sont aussi absurdes que criminels pour notre sécurité comme pour l’habitabilité de la planète.
Même constat sur notre action extérieure. Nous sabrons les budgets de notre diplomatie et de notre aide publique ; notre influence s’effondre dans tout le sud global et notre réponse est de nous retrancher derrière notre ligne Maginot…
Même constat pour notre sécurité civile, qui peine à faire front alors que les catastrophes naturelles se multiplient et que l’ennemi peut nous frapper à distance par des cyber attaques capables de paralyser nos infrastructures.
Même constat pour nos hôpitaux pour lesquels nous avons dû arracher un compromis sur le PLFSS au bout de la nuit pour les maintenir à flot, très en deçà des besoins.
Tous ces aspects pourraient d’ailleurs s’inscrire dans le cadre global des engagements pris dans le cadre otanien, mais vous n’en dites rien. Nous sommes engagés à porter nos dépenses de défense et de sécurité à 5 % du PIB. On parle donc de la somme colossale de 130 milliards par an, plus du tiers du budget de l’État à date. Sur ce total 3,5 % soit près de 90 milliards doivent être, affectés aux dépenses militaires. Quelles dépenses envisagez-vous inclure dans ces autres 40 milliards de dépenses de sécurité ?
Plus largement comment nous demander de nous prononcer sur un budget de la Défense porté à de tels montants sans avoir la moindre idée de l’évolution des recettes de l’État et des sacrifices auxquels il faudra consentir ?
Nous sommes également dans le flou sur le cadre otanien et européen dans lequel cet effort s’inscrit. Vous avez évoqué « une volonté partagée sur l’ensemble de ses bancs de ne compter que sur nous même, de ne jamais compter sur les autres. » Ce n’est pas juste. Les écologistes ne peuvent acquiescer à ce propos. Vous invoquez De Gaulle, permettez nous de lui préférer Jean Monnet : « Nos pays sont devenus trop petits pour le monde actuel, à l’échelle des moyens techniques modernes, à la mesure de l’Amérique et de la Russie d’aujourd’hui, de la Chine et de l’Inde demain. ».
Un propos visionnaire, d’une lucidité encore parfaitement actuelle.
Cette vision nous sembler manquer à votre propos qui évoque peu ou pas :
– l’Europe de la Défense,
– la perspective d’un commandant européen de l’OTAN
– ou encore défi de la dissuasion nucléaire du continent sans parapluie américain.
Ceci nous importe tant du point de vue politique, financier qu’industriel car nous sommes convaincus que la France, sans ses partenaires européens, n’a pas les moyens de l’ambition dont vous faite état : à savoir conjuguer une armée complète, une dissuasion nucléaire renouvelée et les défis futurs (cyber, espace, fonds marins, intelligence artificielle, etc).
Monsieur le Premier ministre, faute de vision suffisamment large et suffisamment précise de votre part pour répondre à cette menace hydride, le groupe Ecologiste, Solidarité et Territoires s’abstiendra.
Je vous remercie
Publié le 11.12.2025 à 17:45
Le 11 décembre, j’ai pris la parole au nom du groupe écologiste du Sénat sur le budget de la défense, le seul qui est en hausse, encore plus que prévu par la loi de programmation militaire. Si les menaces géopolitiques sont bien réelles et nécessitent des moyens pour renforcer notre défense, nous ne pouvons accepter que les plus riches ne contribuent pas à cet effort. Le renforcement de nos armées à un coût raisonnable passera aussi par le renforcement de programmes européens d’armement, permettant de répartir les coûts et de proposer une alternative aux armes américaines, alors que Trump s’éloigne toujours plus de l’Europe.
Je suis également intervenu sur le budget dédié aux anciens combattants et à la mémoire. Si celui dédié aux anciens combattants et victimes de guerre est logiquement en baisse, comme chaque année, faire des économies sur la mémoire nous semble une mauvaise idée. En effet, alors que les discours haineux et belliqueux, promus par l’extrême-droite, reviennent en force, cette transmission est plus importante que jamais.
Vous pouvez retrouver mes deux interventions en vidéo et sous format texte ci-dessous :
DG Mission Défense du PLF
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Rapporteurs,
Madame la Ministre,
Contrairement à vos collègues, loin de gérer la pénurie, vous nous présentez un budget en hausse de 13 % porté à plus de 57 milliards d’euros. En y adjoignant les pensions, c’est même une enveloppe de 66 milliards d’euros. Le budget des Armées est désormais supérieur au budget de l’Education nationale. Le symbole est d’autant plus lourd que le président le plus jeune de l’histoire de la République a, comme aucun autre, abandonné notre jeunesse.
Du tri infâme de Parcoursup, à l’abandon dans la dépression d’une classe d’âge pendant le confinement, en passant par la destruction méthodique du service civique, rien n’a été fait pour accompagner notre jeunesse, première victime de l’explosion des inégalités, première inquiète du monde bientôt invivable que nous lui laissons. Rien, et pire encore, le seul avenir que dessine le président de la République pour toute une génération, c’est l’injonction à la procréation pour produire de soldats, c’est la guerre, l’uniforme et la soumission à l’autorité. Cette vision réactionnaire s’est traduite par un service national universel dont personne ne voulait qui deviendra service national volontaire dont nous voyons encore mal l’utilité et l’articulation avec la réserve opérationnelle. Là-dessus, le chef d’Etat major est venu jeter le trouble au sein de toute la Nation évoquant « la perte de nos enfants », dans un discours qu’un gradé de la Grande Muette ne devrait pas tenir en République. Que de maladresses !
Qu’on ne nous méprenne néanmoins pas. Nous partageons sans réserve le constat alarmant dressé par le pouvoir exécutif et le commandement militaire. Depuis 2022, les écologistes, portant le pacifisme au cœur de leur histoire, n’ont pourtant eu de cesse d’affirmer qu’aucune paix ne sera atteignable dans un monde régi par les rapports de force entre les empires. Nous consentons à ce rapport de force pour préserver notre sécurité, nos valeurs, nos idéaux. Et ce « nous » est naturellement un « nous » européen.
Notre soutien à l’Ukraine est et demeurera sans faille. Nous ne nous sommes pas opposés à la loi de programmation militaire, ni à aucune de ces itérations budgétaires. Et si ne nous ne pouvons pas la soutenir plus fermement c’est de votre fait. L’ambition du Gouvernement pour notre armée nous semble déraisonnable au regard de nos moyens et son articulation européenne insuffisante. Surtout, nous sommes de plus en plus consternés par votre facilité à décaisser les milliards pour notre armée en les retirant partout ailleurs. Votre facilité à appeler à la mobilisation nationale, voire à invoquer l’économie de guerre tout en refusant avec un dogmatisme virant à l’absurde de faire contribuer les plus aisés de nos compatriotes. Ceci est d’autant plus incompréhensible que nos milliardaires sont de plus en plus en nombreux à aller se pavaner à la Maison blanche – qui n’est plus une alliée – ou à laisser libre cours au confusionnisme pro-russe sur les antennes et les ondes en leur possession. Cet élan patriotique auquel vous appelez le pays, ne peut pas, ne doit pas, ignorer nos milliardaires. Il doivent y consentir ou tomber les masques. Contribuent-ils à la défense nationale ou préparent-ils l’arrivée aux pouvoir des marionnettes de Poutine du Rassemblement faussement national ?
Madame la Ministre, sans cela vous ne pourrez pas convaincre toutes les Françaises et tous les Français de l’urgence. Vous ne pouvez pas demander au peuple de choisir entre la défense de nos derniers services publics et la réponse à une menace, qui aussi réelle soit-elle à nos yeux, est encore endiguée à 3000 km d’ici sur les rives du Donbass par l’héroïsme ukrainien. C’est une faute devant l’Histoire. En 1914, l’Union sacré a eu un prix : la création de l’impôt sur le revenu. Personne ne comprendrait que face à une menace de même ampleur, notre réponse ne soit pas aussi ambitieuse.
Pour finir d’un mot car le temps me manque et que j’y reviendrai lundi lors du débat avec le Premier ministre.
Dans le contexte de menace hybride à laquelle l’Europe doit faire face, le fonctionnement ensiloté de notre cadre budgétaire et de nos politiques publiques est particulièrement handicapant. Comme l’imageait le psychologue Abraham Maslow : « il est tentant, si le seul outil dont vous disposeez est un marteau, de tout considérer comme un clou. »
Cependant, en aucune façon notre réponse ne peut être que militaire. Notre dépendance aux hydrocarbures, à l’uranium, aux engrais azotés de l’ennemi risque de nous tuer aussi certainement que la seringue d’héroïne tuera le corps dans lequel elle est logée. Renforcer notre défense en sabrant les budgets de la transition énergétique et agricole et en restant inactif face au démantèlement de notre appareil industriel est totalement vain.
Voilà quatre ans que nous vous interpellons inlassablement à ce sujet et une nouvelle fois encore, faute de la moindre réponse de votre part, nous sommes obligés de nous abstenir sur les crédits de la mission Défense que nous pouvons considérer indépendamment du reste du budget.
Mission Anciens combattants :
Monsieur le Président,
Madame la Ministre déléguée auprès de la ministre des Armées et des Anciens combattants,
Monsieur le rapporteur,
Mes chers collègues,
La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » voit ses crédits diminuer, comme chaque année. Pour 2026, la baisse est de 6,46 %. Cette diminution s’explique par la disparition d’anciens combattants, de bénéficiaires des pensions militaires d’invalidité ou de victimes de spoliation ou de barbarie durant la Seconde guerre mondiale, en raison de leur âge avancé.
Cette disparition des anciens combattants et résistants, mais aussi des victimes des guerres et de leurs contemporains, qui ont toutes et tous été impactés de près ou de loin, pose l’évidente question de la transmission de la mémoire.
Comme beaucoup d’entre vous, mes chers collègues, j’ai eu l’honneur de pouvoir échanger avec des résistants et des anciens combattants lors de cérémonies officielles ou dans le cadre scolaire. Ces échanges sont toujours marquants, car ils nous rappellent le prix douloureux de la liberté. Malheureusement, ces occasions se font désormais rares.
En parallèle, nous assistons au grand retour des discours belliqueux, promus par l’extrême-droite. A travers ses accointances avec certains régimes autoritaires et ses politiques bellicistes, elle prépare les guerres de demain. Par ailleurs, la cohésion sociale de notre société se réduit de manière préoccupante avec la prolifération de propos et actes racistes, antisémites ou négationnistes.
Dans ce contexte très inquiétant, le devoir de mémoire est plus important que jamais. Je regrette donc vivement le choix du gouvernement de réduire de plus de 23% le budget de la sous-action 09.01 “Mémoire et patrimoine mémoriel”, qui remplit justement cette fonction. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement visant à accorder trois millions d’euros supplémentaires à cette branche du budget, que je vous invite vivement à voter.
En cette année du 80ème anniversaire de la fin de la Seconde guerre mondiale, la tentative de suppression du jour férié commémorant cette victoire contre l’occuppant nazi par le Premier ministre François Bayrou était déjà un affront total à cette mémoire ! Si je me réjouis que cette folie n’ait pas abouti, diminuer le budget de la mémoire d’une telle ampleur serait également un très mauvais signal.
Permettez-moi également de regretter la transmission parfois très partiale de cette mémoire. Ainsi, alors que 57% des Français estimaient en 1945 que l’URSS était la nation qui a le plus contribué à la défaite du IIIème Reich, contre 20% pour les États-Unis et 12% pour la Grande-Bretagne, ces proportions se sont inversées depuis. Si la contribution évidente des Etats-Unis, notamment par le débarquement de Normandie, est largement transmise, c’est beaucoup moins le cas de celle de l’URSS, qui a pourtant perdu 20 millions de personnes durant la Seconde guerre mondiale.
De même, la transmission des guerres coloniales, notamment d’Indochine et d’Algérie, reste encore trop faible. Alors que des représentations caricaturales de cette mémoire inondent le débat public et que l’enjeu mémoriel reste central dans nos relations avec l’Algérie, la réalité de ces guerres doit être enseignée à tous les Français.
Le sang versé par de nombreux colonisés, comme les tirailleurs sénégalais, ou par les francs-tireurs et partisans main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI) n’a pas moins de valeur que celui des autres résistants ou soldats français. Leur contribution à la libération de la France doit être connue du plus grand nombre. Inscrire cette mémoire dans le roman national est d’autant plus important que cela permettrait de développer un plus fort sentiment d’appartenance à la nation chez des milliers de jeunes Français héritiers de cette mémoire.
Pour conclure, Madame la Ministre, notre groupe ne votera donc les crédits de la mission Anciens combattants que si la politique mémorielle n’est pas sacrifiée sur l’autel de l’austérité.
Publié le 08.12.2025 à 14:46
Dans le cadre de la loi de 2024 sur le « bien-vieillir » et l’autonomie, une fusion est en cours entre les services d’aides à domicile en milieu rural et ceux de soins infirmiers à domicile. Cette réforme pour une plus grande lisibilité de l’offre part d’une bonne intention. Néanmoins, son application soulève plusieurs enjeux, sur lesquels j’ai interrogé la ministre de la santé, à travers une question écrite, que vous trouverez ci-dessous :
M. Guillaume Gontard attire l’attention de Mme la ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées sur les difficultés relatives à l’application de la loi n° 2024-317 du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l’autonomie dans plusieurs structures d’aides et de soins à domicile de son territoire.
Si les objectifs de cette réforme, et notamment celui d’offrir une meilleure visibilité de l’offre d’aide et du soin à domicile, sont louables, son application suscite de nombreuses inquiétudes dans les territoires, notamment ruraux, où l’offre de soins est déjà restreinte.
La rationalisation des moyens humains et financiers engendrée par l’obligation de fusion des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) et des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) prévue par la loi est à l’origine de nombreuses inquiétudes chez les professionnels et les bénéficiaires d’aide et de soins à domicile.
Dans un contexte de pénurie de personnel, et alors que la filière du soin est en perte d’attractivité, cette réduction des moyens alloués à ces structures viendra accentuer les difficultés de recrutement déjà existantes, notamment dans les territoires ruraux où les contraintes de déplacement sont les plus fortes. Cette centralisation de l’aide et des soins à domicile risque d’augmenter la difficulté d’accès aux soins dans des zones rurales déjà sous-dotées et mal desservies.
Également, certaines structures déplorent le déséquilibre financier entre les SSIAD (le plus souvent à l’équilibre) et les SAAD (majoritairement déficitaires) et s’interrogent sur la conciliation qui devra être faite au quotidien par leurs équipes entre patientèle et clientèle.
Enfin, plusieurs structures de soins à domicile font part de leurs inquiétudes concernant les conséquences d’un passage d’une gouvernance associative spécifique à une gouvernance uniformisée absorbée par une entité juridique unique, qui laisserait de côté les spécificités locales et ferait fit des valeurs associatives prônées par les structures et auxquelles les patients, les patientes et les professionnels et professionnelles sont très attachées.
Il l’interroge donc sur les conséquences de l’application de cette loi sur l’attractivité et le fonctionnement des nouveaux service d’autonomie à domicile (SAD) et lui demande si des dérogations peuvent être envisagées dans les territoires dont le schéma de soins à domicile serait impacté négativement par cette réforme.
Crédits photos en une : Jomarc Nicolai Cala
Publié le 02.12.2025 à 18:15
Le 2 décembre, j’ai interpellé le gouvernement sur l’abandon programmé de l’objectif de réemploi de 10% des cartons. D’importants investissements ont déjà été menés et cette matière peut facilement se réutiliser plutôt que de la recycler en consommant de l’eau, des produits chimiques et de l’énergie au passage, ou de les brûler. La réponse de la ministre a malheureusement été extrêmement évasive, entérinant un recul absurde.
Vous trouverez ci-dessous ma question en vidéo et sous format texte :
Madame la Ministre,
La loi Anti Gaspillage Économie Circulaire (AGEC) a fixé un cap de 10 % d’emballages réemployés d’ici 2027, applicable à tous les emballages, tous les matériaux et tous les secteurs d’activité. Cet engagement a structuré depuis 2020 de nombreux investissements publics et privés. De nombreuses solutions de réemploi sont déjà matures ou en cours de déploiement, en France et en Europe.
Pour le carton, qui représente la majorité des emballages professionnels de transport, le réemploi fait tout à fait sens. Même s’il est très largement recyclé aujourd’hui, cette opération implique d’ajouter de la matière neuve, ce qui a donc un impact sur nos forêts. Le recyclage suppose l’usage de produits chimiques, d’eau et d’énergie, alors que beaucoup de cartons sont encore en bon état et peuvent servir à nouveau. Réemployer 10% de ces emballages est donc tout à fait atteignable.
Malgré cette évidence environnementale et économique, et le volontarisme de la filière, le décret de la nouvelle filière à responsabilité élargie des producteurs des emballages professionnels et l’arrêté Cahier des Charges vont renoncer à l’objectif de réemploi de 10 % des emballages en carton.
Cette décision va totalement à l’encontre de la loi ! Ce changement de position est incompréhensible !
Le règlement européen PPWR prévoyant cette exemption, sur lequel la France veut s’aligner, ne sera applicable qu’en août 2026 et ne crée, d’ici là, aucune obligation. Surtout, les négociations avec la Commission européenne ne sont pas terminées et la France a défendu le maintien des ambitions nationales et a minima une flexibilité pour les États.
Au lieu de s’aligner sur un règlement pas encore applicable, la France doit envoyer un signal de continuité, préserver les acquis, consolider les transformations déjà engagées. Un recul serait très mal perçu par les entreprises qui ont investi dans des solutions de réemploi.
Madame la Ministre, y-a-t-il vraiment une volonté politique pour sauver les objectifs réemploi de la France ? Pourquoi ne pas maintenir la pression dans les négociations ?
Pourquoi abandonner le réemploi du carton, évident tant pour l’écologie que sur le plan financier, alors que ce matériau représente 40% des déchets ? Quelles garanties allez-vous donner aux entreprises qui ont déjà investi pour le réemploi ?
Crédit photo en une : Jon Moore
Publié le 25.11.2025 à 17:45
Alerte : le futur régime d’autorisation pour nos barrages hydroélectriques, prévu par les négociations entre le gouvernement et la Commission européenne, représente une menace de privatisation déguisée. Un « ARENH hydro » est également prévu, au seul service des spéculateurs. Dans une tribune publiée sur Mediapart que j’ai initié, co-signée par de nombreux parlementaires écologistes, nous proposons une alternative garantissant la propriété publique de nos barrages : le régime de la quasi-régie.
Depuis l’absurde décision européenne d’ouvrir les concessions hydroélectriques à la concurrence, l’avenir de nos barrages est incertain. Produisant 14% de notre électricité et essentiels à la gestion de l’eau et à la transition écologique (notamment grâce aux capacités de stockage qu’ils permettent), les barrages sont jusqu’à présent propriété de l’Etat et exploités principalement par EDF (75% du parc) et par la Compagnie nationale du Rhône (CNR) et la Société Hydro-Électrique du Midi (SHEM), propriétés d’ENGIE. Avec deux contentieux contre la France, la Commission européenne a empêché le renouvellement habituel de ces concessions, ce qui bloque tout investissement pour augmenter la production des barrages depuis des années. Un comble, alors que la France dispose d’un vaste potentiel en améliorant les installations existantes.
Ce statu quo n’a que trop duré, même s’ il permettait temporairement d’empêcher la privatisation de nos barrages, bien plus dangereuse. En effet, la privatisation auraitconduit à une gestion strictement financière, avec un entretien minimal et une production d’électricité lorsque les prix sont au plus haut, plutôt que de prendre en compte tous les usages de l’eau (agriculture, industrie, usage domestique, refroidissement des centrales nucléaires, tourisme, préservation de la biodiversité…). Pour les énergéticiens privés, les barrages français sont une poule aux œufs d’or : amortis depuis longtemps, ils procurent une rente sans effort. Nous nous sommes donc toujours fermement opposés à toute mise en concurrence et à toute privatisation de nos barrages, trop stratégiques pour les confier à des financiers.
Fin août, le gouvernement Bayrou a annoncé avoir trouvé un accord avec la Commission européenne pour sortir du blocage. Aussitôt présenté comme une victoire, cet accord, qui suit les recommandations du rapport parlementaire conduit par les députés Marie-Noëlle Battistel (PS) et Philippe Bolo (MODEM), n’est pas public. Ce manque de transparence et les propos contradictoires qui sont tenus à chaque fois que ce deal est évoqué trahissent sa véritable nature : il ne s’agit pas d’une victoire contre la privatisation des barrages, mais d’une capitulation devant les exigences absurdes de la Commission européenne, que d’autres pays européens, comme l’Allemagne, ont simplement choisi d’ignorer.
Que prévoit cet accord ? D’abord, le passage en régime d’autorisation, c’est-à-dire le transfert de la propriété des grands barrages de l’Etat vers diverses entreprises (la question de la propriété foncière étant incertaine à ce stade). EDF, déjà fortement endettée, devra-t-il racheter les barrages qu’elle exploite déjà ? Y aura-t-il des ventes aux enchères permettant à d’autres acteurs d’acquérir des barrages, ce qui équivaudrait donc à une privatisation ? La possibilité d’une propriété privée des barrages est en tout cas évoquée sans détour pour les nouveaux ouvrages dans le rapport Battistel-Bolo, tandis que le flou persiste pour ceux déjà existants. Même si les barrages actuels étaient repris par EDF, une future privatisation sera toujours possible, par exemple à l’occasion de co-investissements pour développer les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) auxquels participeraient des multinationales ou des fonds de pension.
Le flou entretenu autour de l’accord avec la Commission européenne nous fait donc craindre qu’il ne cache une privatisation déguisée. Par ailleurs, cette option n’apporte aucune sécurité juridique, les concurrents d’EDF pouvant multiplier les recours si l’exploitant historique obtient la plupart des ouvrages.
C’est pour répondre à cet “abus de position dominante” d’EDF que cet accord prévoit un dispositif de compensation. Concrètement, EDF devrait revendre 6GW d’électricité, soit un tiers de sa production hydroélectrique, à ses concurrents, à un prix qui n’est pas encore défini. Si celui-ci est inférieur aux coûts de production, cela signifiera une perte nette pour EDF. Dans le cas contraire, rien n’empêchera les acheteurs de revendre cette électricité virtuelle bien plus chère, empochant une belle marge au passage. Ainsi, EDF devrait partager sa rente avec ses concurrents, qui n’ont jamais dépensé un centime dans la construction d’un barrage ou exploité un seul ouvrage en France ! Cette usine à gaz rappelle le scandale de l’ARENH, qui a ruiné EDF et alourdi les factures des Français au seul bénéfice de spéculateurs qui n’ont jamais produit la moindre électricité !
Au vu des enjeux de souveraineté, de transition écologique et de gestion de la ressource en eau que présentent nos barrages, nous ne pouvons laisser passer un tel accord. Si nous exigeons en priorité d’en connaître les détails, nous rejetterons tout texte qui aboutirait à une privatisation, fusse-t-elle déguisée, et établirait un mécanisme financier byzantin au service des spéculateurs. Nous utiliserons tous les moyens à notre disposition pour garantir le monopole public de nos barrages.
Surtout, nous rappelons qu’une alternative existe : l’instauration d’une quasi-régie. Celle-ci répond à tous les enjeux liés à nos barrages : elle garantit leur propriété publique et donc notre souveraineté, permet un tarif réglementé basé sur les coûts réels de l’hydroélectricité – bas et stable pour les consommateurs et suffisant pour EDF pour financer les investissements nécessaires -, simplifie la coordination entre les barrages et les centrales nucléaires en évitant la multiplication des exploitants, apporte la sécurité juridique nécessaire pour mener les investissements et est compatible avec le maintien du statut des salariés. Déjà proposée au Sénat en 2021, cette option a été reconnue comme possible par la Commission européenne, mais a été écartée sans raison par la mission parlementaire Battistel-Bolo et le gouvernement. Nous exigeons donc un vrai débat de fond prenant en compte l’option de la quasi-régie, qui nous apparaît comme la plus simple et la plus complète à ce jour.
Credit photo en une : versgui (Wikimedia Commons)