Guillaume Gontard Sénateur de l' Isère
Permanences: 3, rue Gabriel Péri – 38000 Grenoble – Tél. 04 38 86 28 74Son activité au Sénat
Publié le 12.05.2025 à 17:33
Entre fin mars et début avril, le Sénat a examiné trois propositions de loi consacrées ou traitant de la rénovation énergétique des bâtiments. A chaque occasion j’ai tenté de proposer des amendements inspirés de mon rapport « Rénovation énergétique des logements : relever le défi de l’accélération », à chaque fois avec un succès très mitigé.
- Une timide avancée sur la rénovation du bâti ancien
La première de ces propositions de mon collègue socialiste Mickaël Weber avait pour objet d’adapter les enjeux de la rénovation énergétique aux spécificités du bâti ancien. Elle a été adoptée par le Sénat après avoir largement été vidée de son ambition. Cette proposition prévoit tout de même une définition juridique du terme « bâti ancien » plus précise que celle communément utilisée (bâti d’avant 1948) et prévoit d’adapter les paramètres du diagnostic de performance énergétique (DPE) aux spécificités du bâti ancien.
En revanche elle a été amputée de sa définition des matériaux biosourcés et géosourcés que nous avons tenté de rétablir avec mon collègue Yannick Jadot sans succès.
Plus dommageable, le texte prévoyait initialement un mécanisme d’accompagnement pour les ménages modestes que le Sénat a supprimé. Cette mesure que nous avons également tenté de réinstaurer est essentielle. Le bâti ancien est en effet sujet à de nombreuses problématiques coûteuses pour les propriétaires et les travaux de rénovation y sont généralement plus onéreux qu’ailleurs.
Ces deux dispositions faisaient partie de la proposition n°20 de mon rapport.
J’ai également interpellé la ministre sur une autre des propositions de ce rapport que je n’ai pas pu traduire en amendement dans ce texte (ni dans les suivants en raison des règles de recevabilité des amendements) : la nécessité de professionnaliser davantage la filière des diagnostiqueurs énergétiques en confiant aux Chambres de commerce et d’industrie la nécessité de valider leur formation et leur savoir-faire via la délivrance d’une carte professionnelle
Nous avons néanmoins voté en faveur de cette proposition tout en regrettant sa timidité.
- 2. Le Sénat recul sur l’interdiction de location des passoires thermiques
Le Sénat a ensuite examiné la proposition de loi visant à clarifier les obligations de rénovation énergétique des logements et à sécuriser leur application en copropriété. Si ce texte Cette PPL est avant tout un texte technique pour préciser certaines situations spécifiques dans le cadre de la relation locataire et propriétaire et apporter de la sécurité juridique.
il comportait également quelques exemptions déguisées à l’obligation de travaux permettant de contourner l’interdiction de location progressive des passoires thermiques prévue depuis 2021 par la Loi Climat et résilience. Nous nous sommes donc opposés à ce texte.
Nous avons défendu sans succès plusieurs amendements pour empêcher ce texte de s’assouplir l’interdiction des passoires.
Mon collègue Yannick Jadot a néanmoins fait adopter un amendement important visant à créer un septième poste de travaux pour permettre une rénovation énergétique intégrant le confort ou l’habitabilité d’été pour lutter contre les bouilloires thermiques. Aujourd’hui 9 logements sur 10 ne sont pas adaptés au sens de l’indicateur « confort d’été » du DPE. Cet amendement est une traduction de la proposition n°6 de mon rapport.
J’ai également porté un amendement me semblant essentiel visant à instaurer un DPE collectif pour chaque bâtiment d’une copropriété et à rendre ce DPE opposable s’agissant de l’interdiction des passoires thermiques. Ainsi, nul ne pourrait faire obstacle aux travaux de rénovation énergétique qui pour la plupart (mode de chauffage, isolation des murs, isolation des combles ou du toit) concerne l’ensemble de la copropriété et pas un seul propriétaire. Ainsi tous les copropriétaires seraient solidaires en empêchant qu’un bien proposant un DPE suffisant puisse être loué dans un immeuble faisant état d’un DPE insuffisant.
Le texte introduit dans le droit cette notion de DPE collectif mais dans un sens opposé pour dédouaner un propriétaire de passoire thermique de réaliser les travaux si le DPE du bâtiment est suffisant…
- 3. Mieux lutter contre la fraude à la rénovation
Le Sénat examinait enfin le 3 avril dernier la proposition de loi renforçant la lutte contre les fraudes aux aides publiques dont la plupart des mesures concernait la fraude aux dispositifs de soutien financier aux travaux de rénovation thermique.
Malgré des mesures bienvenues nous nous sommes également opposés à cette proposition qui dans sa version finale contenait des mesures liberticides pour lutter contre la fraude sociale et conférait des pouvoirs de contrôle invraisemblables à l’administration pour contrôler et sanctionner les associations subventionnées en contournant la justice et le principe du contradictoire.
Lors de l’examen de ce texte, j’ai néanmoins fait adopter deux amendements reprenant des propositions de mon rapport.
Le premier, reprenant la proposition n°10 du rapport rendant obligatoire pour les sites internet et les publicités proposant des travaux de rénovation d’inclure un lien de redirection vers la plateforme France Renov’. Il est en effet primordial que les particuliers se lançant dans des travaux de rénovation puisse bénéficier d’informations neutres et s’il le désire d’un accompagnement désintéressé. Précisons que cet amendement a été adopté suite à son amélioration par le Gouvernement.
Le second vise à rétablir un délai de carence minimum d’un an après la suspension du label ou signe de qualité (notamment le label RGE) délivré à une entreprise et auquel est conditionné l’octroi d’aides financières pour les travaux afin de renforcer la lutte contre la fraude aux aides publiques.
Nous avons enfin et surtout imaginé en lien avec les représentants des organisations professionnelles (notamment la CAPEB 38 et la CAPEB nationale) un dispositif que nous jugeons pertinent, qui conditionne le versement de toute aide publique ou avantage fiscal à la réalisation d’un contrôle sur site obligatoire de type CONSUEL (responsable de la certification des installations électriques) pour attester de la bonne exécution des travaux.
Toutes les entreprises seraient ainsi éligibles aux travaux subventionnés et se verraient délivrer un certificat de conformité à l’issue du contrôle en cas de bonne exécution des travaux. L’obtention de trois certificats de conformité par une entreprise permettrait en outre la délivrance automatique du label RGE. Nous pensons cette mesure tout à la fois capable de lutter contre la fraude, d’accompagner de la filière de la rénovation et de simplifier la vie des entreprises.
Cet amendement est directement inspiré de la proposition n°9 du rapport et se veut donc tout à la fois une mesure de lutte contre la fraude, une mesure d’accompagnement de la filière de la rénovation et une mesure de simplification administrative pour les entreprises de cette filière.
Il n’a malheureusement pas été adopté mais je continuerai à le défendre avec force comme toutes les propositions législatives du rapport qui n’ont pas encore pu être inscrites dans la loi.
Publié le 30.04.2025 à 23:08
A la suite du meurtre d’Aboubakar Cissé dans une mosquée du Gard, certaines réactions officielles, notamment celle du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, n’ont clairement pas été à la hauteur de la gravité des faits. L’islamophobie, motivation de ce crime abject, doit être nommée et combattue par le gouvernement, et non ignorée. J’ai donc interpellé le Premier ministre sur ce sujet, afin que les musulmans ne soient pas des cibles et que le principe fondamental de la laïcité ne soit pas instrumentalisé contre l’islam.
Vous pouvez retrouver ma question ci-dessous :
Publié le 29.04.2025 à 23:02
Le 29 avril, j’ai pris la parole au nom du groupe écologiste lors d’un débat sur les défaillances d’entreprises qui se multiplient ces derniers temps. Si le contexte international explique en partie la fragilité de notre industrie, la rapacité des actionnaires en est la cause principale. Face à la catastrophe pour nos emplois et notre souveraineté, l’Etat est totalement absent. Pourtant, il peut agir en nationalisant les entreprises stratégiques menacées, comme il l’a fait avec succès pour les Chantiers de l’Atlantique et les câbles sous-marins d’Alcatel. J’ai donc demandé une action beaucoup plus forte de l’Etat pour stopper la vague de liquidation de notre industrie.
Vous trouverez mon intervention en vidéo et sous format texte ci-dessous :
Madame la Ministre,
Vencorex, ArcelorMittal, Michelin, les Fonderies de Bretagne, General Electric, Photowatt… Dans toute la France, les sites industriels ferment, avec leur lot de licenciements, de perte de savoir-faire et de territoires meurtris. Pendant que vous parlez de réindustrialisation, des activités aussi stratégiques que l’acier, la chimie, les pneus, les éoliennes et les panneaux solaires sont liquidées les unes après les autres. A chaque entreprise qui ferme, c’est toute une filière qui se retrouve en difficulté via des effets dominos.
Certes, la compétition asiatique, la guerre commerciale américaine et les prix élevés de l’énergie expliquent en partie les difficultés actuelles. Mais la plupart de ces entreprises sont rentables ! Leur choix ont pour seul objectif de gaver encore plus les actionnaires, qu’il s’agisse de M. Mittal, déjà riche de 18 milliards de dollars, ou de fonds d’investissements comme Blackrock, à la manœuvre chez Michelin et General Electric.
Face à cette rapacité qui détruit notre souveraineté industrielle, que fait l’Etat ? Quand il faut subventionner des nouvelles usines, la recherche ou la décarbonation, il est au rendez-vous, souvent sans aucun contrôle sur l’usage des aides. En revanche, quand il faut sauver ces entreprises, il devient tout à coup impuissant, comme si les délocalisations et les licenciements étaient des fatalités divines !
L’Etat peut pourtant agir en nationalisant les activités stratégiques. Nous avons su le faire avec succès pour les Chantiers de l’Atlantique et les câbles sous-marins d’Alcatel, pourquoi pas pour d’autres ? Lorsque des projets de reprise en coopérative, par des salariés qui maîtrisent et aiment leur travail, existent, pourquoi ne sont-ils jamais retenus ?
Madame la ministre, la “destruction créatrice” que vous encouragez détruit toute notre industrie et l’intelligence artificielle ne remplacera jamais les savoir-faire humains perdus au passage. Qu’attendez-vous pour réagir ?
Publié le 11.04.2025 à 18:42
Je suis intervenu au nom du groupe Écologiste Solidarités et Territoires lors du débat sur la régulation des plateformes numériques que nous avions demandé.
J’y ai rappelé que le rôle central que jouait les plateformes dans le débat public nécessitait un encadrement beaucoup plus fort car la propagation des fausses vérités, principalement par l’extrême droite menaçait la démocratie en son cœur.
J’ai invité la France et l’Europe a ne pas faiblir face au GAFAM et à renforcer leur arsenal de régulation en appliquant les sanctions prévus. J’ai appelé de mes vœux à la création de réseaux sociaux européen décentralisé et en open source que l’Europe pourrait favoriser.
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes chers collègues,
Notre groupe et la plupart de ses membres ont choisi de quitter ou de mettre en sommeil leur activité sur X, considérant que ce réseau social ne permettait plus la tenue d’un débat public proposant le minimum d’exigence démocratique requis. Ce faisant, nous nous sommes privés d’un vecteur de communication important et patiemment construit au cours des années pour porter nos messages.
Mais le pouvions nous encore ? La récente campagne législative allemande a montré toute l’utilisation qu’Elon Musk, soutien affiché des néo-nazis allemands, pouvait faire de sa plateforme pour diffuser ses opinions d’extrême droite et ses préférences électorales. Que cela soit l’utilisation de son propre compte et de sa propre notoriété, la manipulation des algorithmes de la plateforme qu’a parfaitement expliqué mon collègue Thomas Dossus ou encore la multiplication des bots, les comptes robots qui inondent le réseau de contenus pro-AFD. Ceci en total violation de la régulation européenne DSA, qui si elle était appliquée strictement, aurait pu permettre de suspendre X en Allemagne le temps de la campagne.
Alors qu’aujourd’hui les réseaux sociaux jouent, dans le débat public et électoral, un rôle aussi central (si ce n’est plus) que les médias traditionnels cela pose un problème évident d’équité démocratique et de sincérité du débat.
Cela est déjà extrêmement grave en soi mais la situation est encore pire. Le tropisme d’extrême-droite de X est un danger pour la vérité même des faits, vérité des faits que Meta (Instagram et Facebook) ne veut plus contrôler. Une étude colossale de la presse néerlandaise portant sur 32 millions de tweets émanant de plus de 8000 parlementaires issus de 26 pays a débouché sur une conclusion sans appel : « le populisme de droite radicale est le principal facteur de diffusion de la désinformation ». L’équation est simple : extrême droite = Fake news. La France n’est pas épargnée puisque notre ministre de l’Intérieur, pris en flagrant délit de falsification de chiffres sur la fusillade de Poitiers en novembre et a refusé tout démenti assumant que « (son) combat n’est pas un combat statistique »
Comme l’explique si justement Maria Ressa, prix Nobel de Paix : « Si on laisse les mensonges se propager plus vite que les faits, notre réalité sera divisée, la réalité partagée sera brisée et le journalisme et la démocratie deviendront impossible. »
Madame la ministre, voilà ni plus ni moins le défi existentiel auquel font face la France et l’Union européenne. Le règlement européen DSA, cela a été dit, est une première pierre essentielle pour protéger notre sphère publique. Il empêche ainsi Meta de renoncer au contrôle des contenus en Europe comme il le fait aux États-Unis. Mais la dynamique actuelle, notamment la démission fracassante de Thierry Breton, son architecte, nous inquiète. Malgré le contexte économique et commercial dystopique que nous connaissons face aux États-Unis, il faut continuer à être intransigeant avec les géants de la tech et même renforcer la réglementation.
Mais c’est l’identité même de l’Union européenne que de casser l’oligopole de fait des GAFAM. Oligopole qui tue la concurrence, oligopole qui tue l’innovation de nos TPE/PME, oligopole qui phagocyte les revenus publicitaires au détriment des médias traditionnels, oligopole qui menace même la neutralité du net.
Que cela soit pour défendre la démocratie, pour défendre la libre concurrence ou pour défendre nos entreprises innovantes européennes, nous devrions pouvoir trouver un accord pour renforcer encore la régulation. Nous devons notamment exiger une modération humaine et journalistique des contenus, davantage de transparence sur les algorithmes et l’encadrement strict de l’utilisation des bots.
La régulation des plateformes existantes doit être la première jambe de notre action collective. La seconde doit être de favoriser la création de nouvelles plateformes numériques européennes.
Celles-ci devront êtres décentralisées, c’est-à-dire hébergées sur des serveurs différents et pouvant utiliser leur propres règles de fonctionnement et leur propres algorithmes, tout en pouvant communiquer avec les utilisateurs d’autres plateformes. C’est comme cela que fonctionne par exemple les hébergeurs de boites mails.
Elles devront être en open source, c’est-à-dire transparente sur leurs codes, leur langages de programmation permettant ainsi le contrôle de l’autorité de régulation comme le contrôle citoyen. Ce mode de fonctionnement est notamment celui de Wikipédia.
Et idéalement non lucrative pour éviter la collecte sauvage de nos données et la priorité donnée aux algorithmes pour pousser en premier lieu la publicité.
L’union européenne peut et doit être la colonne vertébrale, notamment financière, de telles plateformes pour accélérer leur développement.
En attendant, des plateformes répondant à certaines de ces exigences existent et je vous invite, Madame la Ministre, comme j’invite l’ensemble Gouvernement et des institutions publiques à investir ces plateformes comme celle du papillon bleu. A minima en plus de X et idéalement en lieu et place de X.
Crédits photo en une : Panos Sakalakis
Publié le 11.04.2025 à 17:57
Je suis intervenu au nom du groupe écologiste lors du débat sur le Livre Blanc de la Défense européenne.
J’y ai salué les évolutions positives comme la possibilité de réaliser un emprunt collectif européen et des achats regroupés. J’ai regretté que l’effort proposé par la commission repose les efforts individuels des Etats membres.
J’ai enfin rappelé que pour réaliser l’effort considérable qu’exige notre sécurité collective, nos compatriotes les aisés devront nécessairement être mis à contribution
Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la commission
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Après le plan « réarmer l’Europe » présenté début mars, la Commission européenne a présenté le 19 mars dernier sa déclinaison plus opérationnelle : le Livre blanc de la Défense européenne. Alors que le recours à l’article 122 du Traité de l’Union exclut le Parlement européen de tout droit de regard – ce que nous déplorons -, il est important et bienvenu de pouvoir tenir ici un débat démocratique.
Dans les grandes lignes, nous approuvons l’effort engagé par l’Union européenne et ses membres pour démultiplier notre soutien à l’Ukraine et construire les conditions d’une réelle autonomie stratégique continentale.
Dans le détail, nous formulerons commentaires, réserves et propositions.
Avec 650 milliards d’euros de dépenses à la seule charge des Etats membres, le plan « réarmer Europe » laissait à penser nous allions vers davantage de défense de l’Europe certes, mais pas vers davantage d’Europe de la défense.
Si le Livre blanc ne bouscule pas ces équilibres, la faute notamment à une trajectoire budgétaire européenne trop rigide jusqu’en 2027, il apporte néanmoins quelques éléments intéressants.
Ainsi, le programme SAFE prévoit 150 milliards d’euros levés par l’Union européenne sous forme d’emprunt mutualisé et ne pourront être décaissés que pour effectuer des achats groupés entre plusieurs pays e auprès de notre industrie européenne de Défense puisque que 65 % des crédits devront être consommés sur des produits ou des composants européens.
Monsieur le Ministre, nous voyons toute l’influence de la France dans la fixation de cette ambition. Me référant à notre débat lors de l’examen du budget, je me satisfais de cette jauge ambitieuse sans être trop rigide vu l’urgence du contexte et l’ampleur du progrès à accomplir.
Nous saluons également l’ouverture de ce mécanisme à l’Ukraine, qu’il s’agisse pour l’Ukraine de faire des achats mutualisés avec des pays de l’Union comme de la possibilité de comptabiliser la BITD ukrainienne avec celle de l’union. Compte tenu de la montée en puissance de cette dernière depuis une décennie, c’est tout à fait bienvenu.
Nous croyons cette disposition à même de faire évoluer dans le bon sens des habitudes nationales très ancrées et d’avancer collectivement vers un réflexe essentiel : acheter européen quand une solution européenne existe.
Nous notons la tentative de définir des besoins capacitaires et des priorités d’investissements européens. C’est un premier pas qu’il faudra articuler avec la définition, trop souvent autocentrée, des besoins nationaux. En ce sens, je n’ai pas le sentiment que le travail de réactualisation de notre Revue nationale stratégique intègre suffisamment cette dimension des besoins collectifs de l’Union. J’espère une inflexion en ce sens dans la mouture finale que le Gouvernement présentera avant l’été.
Un mot également de l’intelligence artificielle et des drones autonomes mentionnés par le Livre blanc. Certaines tournures de phrase nous inquiètent. Nous tenons à rappeler ici notre opposition totale à toute évolution de la législation européenne en matière de drone, qui interdit l’utilisation de toute arme autonome capable de tuer un être humain sans décision explicite d’un autre être humain. Dans la même logique, nous appelons l’Union à se doter d’une législation relative à l’utilisation de l’IA, incluant particulièrement ses utilisations militaires.
S’agissant des mécanismes de financement de cet effort considérable, nous restons sur notre faim quand nous ne sommes pas inquiets. En attendant des financements directs à partir de 2027 dans le prochain cadre budgétaire pluriannuel, nous sommes pour le moment contraints de recourir à l’emprunt et donc à la dette.
Dette collective et dette de chaque Etat permise grâce à un assouplissement temporaire du Pacte de stabilité. Cet assouplissement pour les seules dépenses de défense est insuffisant. Il faut réformer intégralement le Pacte de stabilité et y inclure les dépenses essentielles des Etats : la Défense, la transition écologique, la justice sociale, les investissements d’avenir. Nous demandons également des investissements européens dans tous ces domaines stratégiques.
Nous le répèterons à chaque fois, les dépenses militaires ne doivent pas entrer en concurrence avec nos autres dépenses essentielles. L’autonomie stratégique européenne n’existera pas sans transition et sobriété énergétique pour stopper notre dépendance aux fossiles et à l’uranium russe. Elle n’existera pas non plus si des populations paupérisées par l’affaiblissement de nos filets de protection sociale mettent l’extrême droite alliée de Poutine au pouvoir.
A l’échelle européenne comme à l’échelle nationale, pour financer notre effort militaire, il faut des ressources complémentaires et de la justice. Ainsi, il est inenvisageable que ces milliards d’argent public enrichissent éhontément les actionnaires des industries de défense, il faut encadrer leurs futurs dividendes. Enfin, et nous vous le proposerons lors de notre espace réservé en juin, il faut mettre nos compatriotes les plus aisés à contribution, par exemple en instaurant la taxe sur les hauts patrimoines proposée par Gabriel Zucman.
Je vous remercie
Publié le 10.04.2025 à 17:13
Le 10 avril, le Sénat discutait d’une proposition de résolution pour un soutien à une opération sous le contrôle de l’ONU à Haïti. La situation catastrophique de ce pays et la déliquescence de son régime politique implique une réaction forte de la communauté internationale pour faire cesser le règne des gangs et acheminer l’aide humanitaire. Cependant, notre histoire avec Haïti, marquée par la colonisation, l’esclavage, l’imposition d’une dette illégitime et le soutien à la dictature des Duvalier, nous invite à être en retrait dans ce processus. J’ai donc soutenu la résolution, qui délègue ce rôle au Kenya, sous la supervision de l’ONU.
Vous retrouverez cette intervention ci-dessous en format vidéo et en format texte :
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
La situation d’Haïti est catastrophique sur tous les plans. En matière socio-économique d’abord, Haïti est le pays le plus pauvre des Amériques depuis des décennies et 36% de la population survit avec moins de deux dollars par jour. Le pays est régulièrement frappé par des catastrophes naturelles, avec de très forts séismes en 2010 et en 2021, des ouragans et des inondations. A chaque catastrophe, les morts se comptent par milliers et les services publics se retrouvent en lambeaux. La santé des Haïtiens s’en trouve très impactée : la mortalité infantile et maternelle reste élevée, la faim est omniprésente et le choléra fait des ravages.
Face à une telle crise humanitaire, la vie politique haïtienne est dans un chaos total. Depuis 2020, le pouvoir législatif a cessé de fonctionner avec la fin du mandat de l’ensemble des députés, puis des sénateurs. L’année suivante, le Président haïtien Jovenel Moïse a été assassiné dans un contexte de guerre des gangs, de trafic de drogues et de corruption généralisés. Plusieurs millions de dollars étaient ainsi cachés dans la chambre du Président Moïse. Depuis deux ans, il n’y a plus aucun élu en fonction à Haïti. La légitimité du Premier ministre par intérim, Ariel Henry, nommé 48 heures avant ce meurtre, est extrêmement faible.
L’Etat haïtien est donc en déliquescence totale. Mais la nature a horreur du vide. Sans État, ce sont les mafias qui prennent le relais, assurant une sécurité toute relative en contrepartie d’un racket de la population. De nombreux groupes armés se disputent le territoire et s’affrontent pour le contrôle du trafic de drogue vers les Etats-Unis. La violence est endémique : l’an dernier, plus de 5600 personnes ont été tuées, plus de 2200 blessées et près de 1500 kidnappées. Port-au-Prince, la capitale, détient ainsi le macabre record de la ville la plus violente au monde. 1 million d’Haïtiens ont dû fuir leur logement face à ce climat de terreur.
Soyons clairs : cette situation ne peut plus durer. Le règne des gangs et le dénuement des Haïtiens mérite toute l’attention de la communauté internationale. La délibération du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies du 2 octobre 2023, qui a donné naissance à la Mission multinationale d’appui à la sécurité, la MMAS, est un premier pas positif.
Comme souvent dans l’histoire d’Haïti, la France et les Etats-Unis ont été les plus actifs dans ce processus. Les Etats-Unis apportent notamment un soutien financier, logistique, de renseignement, de personnel et de matériel militaire. Mais l’histoire des relations d’Haïti avec la France et les Etats-Unis est si tragique que ces deux nations ont perdu toute légitimité pour prétendre résoudre les problèmes de l’ancienne Saint-Domingue.
Longtemps sous domination française, la perle des Antilles s’est libérée du joug de l’esclavage à partir de 1791, puis est devenue indépendante en 1804. Cette libération portée par Toussaint Louverture et les Jacobins noirs a envoyé un message d’espoir au reste du monde colonisé et nous a rappelé que la Révolution française n’est pas complète si elle ne s’applique pas aussi aux esclaves et aux colonisés.
Malheureusement, la France monarchiste de Charles X obligea ensuite les esclaves à rembourser leurs anciens maîtres en menaçant Port-au-Prince avec la flotte royale. Cet épisode honteux de l’histoire française, dont nous commémorerons dans quelques jours le bicentenaire, est totalement oublié chez nous. Il ne l’est pas à Haïti, qui a consacré 80% de son budget au remboursement de cette dette illégitime pendant 122 ans.
Depuis, le soutien de la France et des Etats-Unis à la dynastie des Duvalier, de sanguinaires dictateurs qui ont ruiné le pays pour s’enrichir, a achevé de plomber notre réputation en Haïti. La France a également hébergé “Baby Doc”, le fils Duvalier, durant 25 ans, alors même qu’il était recherché pour crimes contre l’humanité. Avec un tel passif, autant dire que la population haïtienne n’attend pas grand chose de la France.
Ainsi, il est positif que la MMAS, chargée de rétablir la sécurité à Haïti, ait été placée sous le commandement du Kenya. A travers cette résolution, nous affirmons donc notre soutien à cette initiative, nécessaire pour mettre un terme au règne des gangs et permettre la bonne distribution de l’aide humanitaire. Néanmoins, comme nous l’ont rappelé les précédentes missions onusiennes déployées sur place, nous devrons rester vigilants à ce que les forces kényanes ne commettent pas d’exécutions sommaires, comme le craignent les observateurs.
Notre histoire avec Haïti nous invite donc à l’humilité et à apporter une aide utile. C’est justement ce que permet cette résolution, pour laquelle je tiens à remercier ma collègue Hélène Conway-Mouret. Elle nous permet d’envoyer un message de soutien fort au peuple haïtien, qui en a cruellement besoin. C’est donc dans cet esprit que nous avons cosigné cette résolution et que nous la voterons.
Je vous remercie.
Publié le 03.04.2025 à 15:39
C’est un débat vieux de 10 ans qui vient de prendre fin avec l’adoption définitive au Sénat, ce jeudi 3 avril 2025, de la fin du transfert obligatoire de la compétence « eau et assainissement » des communes vers les intercommunalités. Je précise également que la loi n’est pas rétroactive, et que tout retour en arrière pour les communes qui n’ont pas procédé à ce transfert ne sera pas possible. Si je salue cette décision, et ai bien sûr voté pour, ce débat illustre malheureusement un stop and go règlementaire regrettable qui a bloqué de nombreux investissements nécessaires pour nos réseaux d’eau et d’égouts.
Adopté en 2017, le caractère obligatoire du transfert de la compétence « eau et assainissement » des communes vers les intercommunalités a toujours fortement inquiété les maires. A l’époque, nouvellement élu sénateur de l’Isère, j’avais alerté le gouvernement sur les nombreuses implications de cette décision, en l’invitant à changer de méthode pour parvenir à une loi plus adaptée aux réalités des territoires, tenant notamment compte des communes isolées. Mais l’exécutif, alors dirigé par Edouard Philippe, avait préféré passer en force ce transfert lourd de conséquences, sans prendre le temps de la concertation, en fixant une échéance à 2026.
Depuis le Sénat, chambre des territoires, a plusieurs fois fait remonter ce sujet en alertant sur le fait que de nombreuses communes ne parviendraient pas à tenir ce délai. Finalement, une proposition de loi mettant fin à cette obligation, tout en rendant impossible le retour en arrière pour les communes ayant déjà effectué ce transfert, a été adoptée par le Sénat à l’automne 2024. J’ai évidemment voté pour, même si je considère que le transfert vers un EPCI présente aussi des avantages. Plutôt que d’attendre la navette parlementaire et l’examen de ce texte à l’Assemblée nationale, cette disposition a finalement été ajoutée à la loi d’orientation agricole débattue en ce début février 2025 à la chambre haute. Souhaitant régler ce problème au plus vite, le gouvernement Bayrou a finalement inscrit le texte initial à l’Assemblée nationale, puis en seconde lecture au Sénat, rapidement, afin de clore ce sujet avant l’application en 2026.
Cette décennie de stop and go réglementaire est regrettable au vu des enjeux considérables. La question de l’eau, de son usage, de sa qualité et de sa disponibilité, est aujourd’hui centrale : au-delà des besoins pour la consommation humaine (pour boire, se laver, cuisiner…), elle est indispensable à notre industrie, à notre agriculture et à la production électrique, par le biais de l’hydroélectricité. Alors que la demande augmente et que la ressource tend à baisser du fait du changement climatique, les tensions entre les différents usages ne vont faire que croître.
Pour répondre à ces défis, la mutualisation avec les communes alentour présente certains avantages : dans un contexte de raréfaction de l’eau et au vu des montants très importants pour étendre, réparer et améliorer nos réseaux d’eau et d’assainissement, la mise en commun de moyens financiers et d’ingénierie est souvent bienvenue. Par ailleurs, cette mutualisation permet aussi de réfléchir à une harmonisation des tarifs entre communes, et d’envisager une tarification progressive, plus juste et plus écologique, qui rend les premiers mètres cubes d’eau gratuits ou presque et renchérit les consommations excessives pour des usages non-indispensables.
Néanmoins, la carte administrative des intercommunalités n’est pas toujours celle des bassins versants et des infrastructures d’eau potable et d’eaux usées. Dans certains cas, ce transfert de compétence a donc plus de sens vers d’autres échelles que l’intercommunalité. Il était donc primordial de laisser une certaine souplesse aux communes pour coopérer ensemble sur cette compétence cruciale.
L’assouplissement de la loi est donc positif, mais il démontre surtout l’échec d’une méthode, celle du passage en force sans écouter ou consulter qui que ce soit. En ne comprenant pas la spécificité des territoires et en ne prenant pas le temps de la concertation, le gouvernement nous a fait perdre beaucoup de temps, de nombreuses communes ayant préféré reporter des investissements pourtant essentiels au vu de l’incertitude et de la complexité du dossier.
Je reste persuadé que plus de souplesse dans le dispositif aurait permis à chaque territoire, avec sa spécificité d’inventer des partenariats innovants. Des collectivités ont déjà engagés des études et engagé des frais important pour réfléchir à cette prise de compétence. Je les invites à poursuivre leur réflexion et à analyser la meilleur solution en tenant compte des investissements nécessaires sur le temps long au regard de l’impérieuse nécessité à préserver une ressource commune et vitale.
Crédits photo en une : Ivan Bandura
Publié le 03.04.2025 à 15:02
J’étais présent aujourd’hui au tribunal judiciaire de Vienne pour assister à l’audience civile demandée par la famille Grataloup contre Monsanto, racheté depuis par le groupe allemand Bayer. Suite à l’exposition de Sabine Grataloup au glyphosate lorsqu’elle était enceinte, son fils Théo Grataloup est né avec de très graves malformations. Il a du subir de nombreuses opérations depuis sa naissance et souffrira toute sa vie des conséquences de ces malformations. Depuis plus de 15 ans, la famille Grataloup se bat pour faire reconnaître la responsabilité du glyphosate dans la survenance de ces malformations.
« On veut que Théo obtienne justice parce qu’il a beaucoup souffert et qu’il continue à souffrir. Mais on le fait aussi pour tous les autres enfants touchés en Amérique du Sud et pour les générations futures » rappelle Thomas Grataloup, le père de Théo. » Ils ont tout mon soutien dans ce combat, car il est dans l’intérêt général.
L’empoisonnement avec des molécules nocives doit cesser : le chlordécone dans les plantations de bananes des Antilles, le glyphosate dans nos champs ou encore les PFAS à proximité des usines chimiques sont autant d’exemples de cette pollution dramatique qui laisse derrière elle des zones naturelles dévastées et des hommes et des femmes malades, parfois pendant des générations.
Soutenir ces victimes est d’autant plus important qu’elles font face à des groupes internationaux gigantesques, qui ont les moyens de se payer d’excellents avocats, de commander des études scientifiques faussées (car fondées sur des critères trop éloignés de la réalité des usages), de mettre à l’abri des amendes et répercussions légales, voire de faire changer la loi en leur faveur. Malgré ce combat de David contre Goliath, nous ne baissons pas les bras et restons déterminés à obtenir justice pour les victimes et l’arrêt de l’usage de ces produits nocifs. Le délibéré est attendu le 31 juillet prochain.