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VRAAC

Le nouveau média culturel grenoblois

Publié le 12.07.2025 à 16:45

Ciné local

Mardis Pépites au Club : une programmation qui vaut son pesant d'or

/ Par Hugo Verit

À chaque cinéma grenoblois sa spécificité. Le Méliès et ses sièges ultra-confort, la Nef et son labyrinthe, le Pathé et ses blockbusters en Imax… Et puis le Club et sa minuscule salle 4 qui lui ressemble bien : le cinéma de proximité par excellence où l’on connaît même le prénom des agents de billetterie et des projectionnistes. Surtout depuis l’été dernier et la mise en place des Mardis Pépites, programmation estivale composée de longs-métrages choisis par les membres de l’équipe du Club. Chacun son mardi, chacun son film. Et place à la liberté : époque, genre, nationalité, tout est possible ! Une très belle idée qui conduit à une sélection hyper variée, rassurante ou bousculante, un brin foutraque comme on aime.

Première réjouissance de cette nouvelle édition : nous aurons l’occasion de revoir La Loi de la jungle, deuxième film magistral d’Antonin Peretjatko ! Comédie des comédies où le gag – procédé parfois désuet – prévaut sur tout le reste et se voit ainsi réhabilité dans une œuvre d’une grande inventivité formelle et scénaristique. Comme un retour aux sources du cinéma – art de l’image avant tout – où le cadre doit contenir le plus d’informations possible. On y retrouve la nervosité de Peretjatko et son sens du casting : Vincent Macaigne, Vimala Pons et même un Pascal Légitimus dépoussiéré de son héritage « Inconnu » – parfait !

Cinéma de genre

Pour les amateurs de grand spectacle, régal en perspective avec Mad Max : Fury Road. Lors de sa sortie en 2015, ce quatrième épisode fit l’unanimité chez les fans de la saga comme dans la presse. Un véritable aboutissement pour le réalisateur George Miller qui connut de nombreux écueils avant de voir enfin son projet aboutir (un peu la même histoire que Kaamelott, mais avec plus de talent).

Si vous êtes venus ici pour souffrir, vous profiterez pleinement des 99 minutes de Martyrs, film d’horreur de Pascal Laugier qu’on n’osera jamais voir (chacun son truc), mais qui jouit d’une très bonne réputation chez les spectateurs un peu maso – martyrs volontaires en quelque sorte.
Puisque l’on parle de bonne réputation (et de films qu’on n’a pas vus, désolés), citons évidemment Onoda – 10 000 nuits dans la jungle d’Arthur Harari (vous savez, le mec de Justine Triet). Un gros gros morceau (2h47) aux images magnétiques qu’il nous tarde de rattraper. Plus confidentiel, le film d’animation La Traversée nous intrigue également – d’abord pour la densité de ses images réalisées à la peinture.

La place nous manque, alors évoquons rapidement les autres films : Constantine (adaptation controversée du comics Hellblazer), Une famille de Christine Angot et Un drôle de paroissien qui pourrait bien être l’occasion pour nous d’entrer – enfin – dans la filmographie de Jean-Pierre Mocky.

Photo © Haut et court

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Publié le 12.07.2025 à 16:25

Festival

Textes en l'air : les mots de l'époque à Saint-Antoine-l'Abbaye

L’art vivant qui s’écrit et se compose aujourd’hui, tel est le (vaste) sujet du festival Textes en l’air organisé depuis plus de vingt ans fin juillet, en plein cœur d’un été culturel spectacle vivant plutôt en sommeil dans la région malgré une poignée d’autres manifestations ici et là. Avec, pour l’équipe, l’idée de faire résonner les textes de notre époque avec les vestiges patrimoniaux du passé puisque le festival se déroule dans le village médiéval de Saint-Antoine-l’Abbaye : choc garanti !

Cette année, trois créations théâtrales seront données, dont la fameuse L’Art d’avoir toujours raison, une méthode simple, rapide et infaillible pour remporter une élection de Sébastien Valignat (compagnie Cassandre), déjà jouée plusieurs fois dans l’agglomération grenobloise et dont nous avions vanté les mérites dans notre premier numéro de janvier. Pour ce qui est de la musique, on retrouvera notamment le génial Sammy Decoster et le « trio de post-chanson » Pelouse. À noter qu’autour de ces événements disons plus classiques dans leur forme, quelques temps forts intangibles rendent l’association fière de son projet vingtenaire : une pérégrination poétique gratuite chaque matin, une nuit blanche de l’écriture ou encore un banquet festif de clôture seront ainsi proposés pendant les cinq jours de festival. / AM

Photo ©Raphaël Tillie

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Publié le 12.07.2025 à 16:24

Cirque

À l'Espace 600, le spectacle continue en juillet

Comme chaque été, l’Espace 600 fait exception parmi les théâtres de l’agglomération en prolongeant quelque peu le plaisir jusqu’à fin juillet. Une habitude qui prend toute sa signification dans un quartier – la Villeneuve en l’occurrence – où les habitants n’ont pas tous l’occasion de quitter longuement Grenoble et son climat désertique (dans tous les sens du terme).

L’Espace 600 proposera donc deux spectacles acrobatiques en plein air, dont l’un nous fascine tout particulièrement : Moon / Cabinet de curiosités lunaires. Soit une série de petites formes autour d’agrès inédits, permettant tous de recréer l’absence de gravité et le pas léger et chancelant caractéristique des astronautes lunaires. En un teaser vidéo, la compagnie Barks nous a déjà convaincus – nul doute que ce sera beau et captivant.

La seconde pièce programmée, Pulse de la compagnie Kiaï, semble plus prosaïque : trois trampolines noués ensemble et une demi-douzaine de circassiens sautant, dansant, voltigeant au rythme d’un beat linéaire. Volontairement brut dans sa forme, le spectacle fait appel « aux sens plutôt qu’au mental ».

À noter que ces deux compagnies assureront, en marge de leur prestation, des ateliers cirque ouverts à tous. Tout comme, d’ailleurs, le collectif l’Endroit – nouvelle équipe associée de l’Espace 600 – qui viendra à la rencontre des habitants du 27 au 29 août afin de créer un défilé de danse participatif présenté au public le 19 septembre prochain. Un événement comme une première pierre à l’édifice de Christiane Boua, directrice des lieux depuis février dernier, qui compte bien imprimer sa marque sans attendre. On a hâte de voir ça ! / HV

Photo © Jean Lambert

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Publié le 12.07.2025 à 16:23

Plus loin

Exploration souterraine en famille

/ Par Jérémy Tronc

Tout proche de Grenoble, un sommet est particulièrement convoité par les spéléologues du monde entier : la Dent de Crolles. Ses quelque 70 kilomètres de galeries, sculptées par l’eau au fil des millénaires, autorisent toutes les fantaisies souterraines : marche dans de vastes halls, traversées horizontales, verticales, ramping, longs rappels, exploration de deux heures ou de plusieurs jours… Un labyrinthe exceptionnel pour les spécialistes mais aussi pour les familles curieuses de vivre une expérience forte et originale.

Pour s’y frotter, nous avons appelé Cyrille Mathon. Guide passionné, la Dent de Crolles est son terrain de jeu privilégié. Alors quand on lui dit que l’on recherche une sortie familiale, il y a du répondant. « La Dent de Crolles propose plein d’options pour les familles, dès 6 ans, de la simple marche dans une grotte immense à des parcours plus techniques, avec ou sans corde. Par exemple, on peut aller jusqu’à la salle des Douches par le trou du Glaz. Cette exploration de 3 à 4 h propose des passages techniques mais jamais trop durs et un final spectaculaire. »

En général, les sorties débutent sous le col du Coq, avec une montée dans l’alpage des Ayes d’1 h à 1 h 30, avec tout le barda des spéléologues : casque et frontale, combinaison, baudrier et cordes selon la sortie. On comprend alors qu’on part pour une vraie immersion. Pour des explorations familiales, trois entrées principales sont identifiées : le trou du Glaz, dans la face ouest de la Dent, la grotte Annette et la grotte Chevalier à l’est.

Halte aux clichés

Une sortie débute par un temps d’équipement et de consignes. Puis c’est le moment d’explorer. Et on s’aperçoit très vite que les galeries ne sont pas aussi oppressantes qu’on l’imaginait. « Il y a plein de peurs et de clichés liés à la spéléo, explique Cyrille. Mais la plupart du temps, on progresse debout, et les volumes sont bien plus grands qu’on ne l’imagine. » La grotte Chevalier, par exemple, déroule 800 mètres de progression dans une salle aux allures presque cathédralesques. C’est la plus accessible malgré son entrée plutôt étroite.

Dans le trou du Glaz ou la grotte Annette, les passages se font plus techniques : on rampe, on se contorsionne, on se glisse entre les dalles inclinées. À ce jeu, les enfants sont plus habiles et véloces que les adultes. Les étroitures, forcément redoutées, se franchissent plus sereinement avec le guide qui ouvre la voie. 

Au fil des pas et des passages aux noms insolites – puits de la Gnôle, passage de l’Escargot, salle des Douches –, on découvre un monde minéral fascinant. Les lampes dévoilent concrétions, stalactites, cascades souterraines et parois sculptées, comme dans les grottes touristiques mais avec le frisson de l’exploration. Moment fort de la sortie : l’extinction volontaire des lampes. Le noir est total, l’ouïe en alerte, l’imaginaire en roue libre, inquiétant ou apaisant selon les sensibilités.

Quand on ressort après plusieurs heures sous terre, le contraste est saisissant. On a l’impression d’avoir voyagé très loin. L’expérience physique, mentale et sensorielle réveille le goût de l’aventure chez petits et grands et donne envie de replonger.

ATTENTION : le milieu souterrain est un milieu à risque nécessitant un matériel spécifique. L’exploration des grottes, dont celles citées dans l’article, doit être entreprise accompagné par un guide spécialisé.

Photo © Cyrille Mathon

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Publié le 10.07.2025 à 18:24

Festival

Miki et Ben plg dans le jardin suspendu du Cabaret Frappé

/ Par Hugo Verit

Dernière année pour Retour de Scène, l’association en charge de la programmation du Cabaret Frappé depuis maintenant cinq ans – mission confiée par la Ville de Grenoble. Enfin, pas forcément, puisque l’asso vient de repostuler pour trois nouvelles éditions (réponse d’ici début juillet). L’occasion de souligner la qualité du travail mené par Damien Arnaud, avec des Cabaret toujours bien tissés, où l’on a chaque fois pu découvrir quelques artistes passionnants, au sein d’une prog’ axée sur l’émergence sans tête d’affiche écrasante. Et cette édition 2025 s’inscrit tout à fait dans cette veine.

Phénomènes

Commençons avec le coup de maître de ce Cabaret 2025 : la venue de la chanteuse Miki, filant comme une étoile à travers le ciel pop depuis la sortie de son clip concept hypnotisant Échec et mat, il y a seulement quelques mois. Avec un Buffalo Grill pour décor, la jeune Franco-Coréenne s’y filme en mode DIY, son tél posé sur un capot d’automobile, et débite en parlé-chanté quelques saillies réalistes sur une prod’ assez irréprochable. Un vrai chef-d’œuvre de zoomer. S’en suivirent un emballement médiatique et, surtout, un succès public fulgurant qui rappelle quelque peu le phénomène Clairo révélée soudainement, en 2017, par son clip Pretty Girl tourné devant une simple webcam. Deux tubes inattendus, deux artistes immédiatement adoubées, deux femmes aussi… Miki, comme Clairo en son temps, a dû très vite faire face à une horde de haters sortis de leur bois sombre et sauvage : Internet. Voilà qu’on l’accuse d’être une « Industry plant », un produit commercial monté de toutes pièces (avec la complicité de Buffalo Grill), une star en carton… Bref, de ne pas mériter ses honneurs. Un complotisme jaloux bien trop facile à démonter : il suffit d’écouter l’EP Graou, paru en mars dernier, pour se convaincre de sa légitimité. Inventif, avant-gardiste, intelligent, ce disque affirme une identité résolument singulière, à suivre de très près donc.

Autre phénomène à l’affiche du festival, le rappeur Ben plg, passé par Nouvelle École, qui a récemment remis Moby au goût du jour en reprenant son Natural Blues (à moins que ce ne soit un nouvel hommage à Vera Hall, elle-même samplée par Moby dans son morceau magnifique). Pas mal, pas mal. On est moins séduits en revanche par la dernière étoile montante de cette édition, Claude et ses épaisses binocles, qu’il nous faudrait peut-être chausser afin de mieux distinguer les contours et la direction d’une œuvre, pour le moment, un peu trop lisse…

L’enracinement

Mais ce qui ressort avant tout de ce Cabaret made in RDS, comme un fil rouge bien tendu entre toutes ces soirées d’été qui s’annoncent, c’est l’ouverture aux musiques du monde, aux origines et identités multiples, avec des artistes revendiquant un « enracinement », pour reprendre le concept de la philosophe Simone Weil : « Chaque être humain a besoin d’avoir de multiples racines », écrit-elle, et il n’y a rien de plus grave que « la maladie du déracinement ». Enraciné de multiples manières, l’Orchestra Baobab diffuse ainsi la culture sénégalaise, dans toute sa complexité, à travers une musique empruntant autant à l’héritage des colonisés (le traditionnel griot) qu’à celui des colons (la pop occidentale). Mariage similaire pour Labess, un Algérien qui, en déménageant au Québec à l’âge de 18 ans, s’installait ainsi sur une terre elle-même colonisée par ses propres colons (les Français, envahisseurs tout aussi à l’aise au cœur du blizzard nord-américain que dans le désert algérien) ! En résulte une musique protéiforme, interprétée avec beaucoup de ferveur, et dans plusieurs langues, par celui qui signait un album intitulé Identité en 2012. On voyagera également avec la pop flamenco espagnole de Queralt Lahoz, la soul méditerranéenne de Myra, la rumba congolaise de Kolinga, le sousaphone caribéen de Delgres, et surtout la pop world acid de Def Mama Def, autre enchantement de cette édition.

Le cru grenoblois

Comme d’habitude, le Cabaret accueille aussi tout plein de figures de la scène locale, avec cette année un cru particulièrement savoureux. Citons d’abord Sumac Dub qui a sorti, il y a plusieurs mois, un album électronique (bien) inspiré par les étoiles et quelques souvenirs de famille, l’excellente Lwanbe dont on a hâte de découvrir la version trio en live, et l’élégante Maria Luma qu’on a toujours vue sur de toutes petites scènes (il était temps que ça change !).

Photo ©Frankie & Nikki

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Publié le 10.07.2025 à 18:23

Dessin

Loustal au Couvent Sainte-Cécile : illustration sous contrainte

/ Par Benjamin Bardinet

Auteur de bande dessinée repéré à l’aube des années 1980 dans les pages des mythiques revues Métal Hurlant et (À Suivre), Loustal est également un illustrateur hors pair qui aime jouer des contraintes d’un commanditaire – on lui doit de nombreuses illustrations pour l’édition ainsi que quelques magnifiques affiches de festivals. C’est d’ailleurs très probablement ce goût pour la contrainte qui l’a amené à collaborer avec l’APRR (Autoroutes Paris-Rhin-Rhône) en vue de la réalisation des illustrations de panneaux d’autoroute des départements de l’Isère, de la Drôme et de la Savoie. Ces panneaux, qui ont pour vocation de renvoyer aux grands sites touristiques et culturels, imposent en effet de nombreuses contraintes liées à la situation particulière de leur implantation. Nécessairement vertical, le format n’est a priori pas franchement idéal pour des images qui vantent souvent la beauté des paysages (que la tradition picturale occidentale a plutôt l’habitude de traiter à l’horizontal…). Un écueil dont Loustal se départ avec brio, aidé par la présence prépondérante des montagnes dans les alentours. La seconde contrainte majeure est celle du spectre chromatique qui exclut les couleurs primaires (bleu, jaune, rouge) au profit de variations ocre-caramel dont Loustal joue à merveille des subtilités. Enfin, ultime obligation, et pas des moindres : ces panneaux doivent être lisibles à 120 km/h sans pour autant détourner l’attention des conducteurs. Et pour cela, le style de Loustal, qui s’inscrit dans la tradition de la ligne claire, remplit son rôle à merveille : le trait souple et épais de son dessin suit le contour de ses sujets avec délicatesse et les rend immédiatement lisibles.

Le bain et les fusains

L’exposition dévoile de nombreux croquis préparatoires qui permettent d’évaluer les modifications, entre les esquisses et la réalisation finale. On s’amusera à constater que les bains d’Allevard donnent lieu à trois esquisses très différentes figurant une baigneuse… un sujet féminin qui l’a visiblement inspiré… À l’inverse, pour certains panneaux, la commande était parfois si stricte que la marge de manœuvre de Loustal était quasi inexistante. C’est le cas du panneau relatif au lac de Paladru dans lequel figurent en ordre d’apparition dans le plan : la barque pièce maîtresse du musée, les vestiges des habitats sur pilotis et une embarcation à voile censée faire la promotion des activités nautiques. Amusant d’ailleurs de comparer ce panneau avec le dessin issu de la série de fusains que Loustal a librement réalisée en s’inspirant des paysages de la région. Celui relatif au lac de Paladru évacue toute locomotion nautique pour se focaliser sur les pilotis qui surgissent de manière fantomatique dans la brume du lac. Loustal retrouve alors une totale liberté et réalise une composition teintée de mystère largement évocatrice.

Photo © Loustal

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Publié le 10.07.2025 à 01:45

Electro

Pour ses 10 ans, l'asso ADN s'offre un festival

ADN, c’est un peu l’association qui fait briller la musique psychédélique et ce depuis 10 ans. Et on ne pourra pas leur reprocher de ne pas voir les choses en grand pour leur anniversaire : afin de célébrer ces douces bougies, ADN a décidé d’organiser son premier festival à plus de 550 mètres d’altitude pour 350 mètres carrés de bonheur. C’est à Pipay, dans notre tendre station des 7 Laux, que l’association a choisi de planter son drapeau pour le pur plaisir des montagnards. Du 11 au 13 juillet, le festival promet 48 heures de musique non-stop, deux scènes, plus de 50 artistes avec une proposition aussi multiple qu’alléchante. Entre les confirmés et les étoiles montantes, la scène locale et nationale, le festival fait la part belle à la psytrance, la techno brute, la dub ou encore la bass music. Mention spéciale à nos coups de cœur Hugo Kant (trip hop) et notre diamant brut grenoblois Chichiga qui va nous faire aimer la latincore. Une hybridation des styles musicaux : bref, il y en aura pour tous les goûts. / AB

Photo ©Jim Prunier

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Publié le 10.07.2025 à 01:44

Théâtre

Hommage à Anne Sylvestre au festival de L'Arpenteur

/ Par Aurélien Martinez

« Elle ouvrait parfois sa porte à ceux qu’elle choisissait / La serrure n’est pas forte, maison, tu n’as pas de clé / Mais avec sa confiance jamais elle ne pensa / Qu’on pût user de violence pour pénétrer sous son toit. » En 1978, Anne Sylvestre chantait, dans Douce maison, l’horreur du viol en filant subtilement la métaphore. Une chanson qui, presque 50 ans après sa sortie, est malheureusement toujours d’actualité – « Si j’ai raconté l’histoire de la maison violentée / C’est pas pour qu’on puisse croire qu’il suffit de s’indigner / Il faut que cela s’arrête, on doit pouvoir vivre en paix / Même en ouvrant sa fenêtre, même en n’ayant pas de clé. »

Avec La vie en vrai (avec Anne Sylvestre), la metteuse en scène, autrice et comédienne Marie Fortuit et la musicienne et compositrice Lucie Sansen ont imaginé un écrin théâtral et musical pour l’œuvre d’Anne Sylvestre ; pour son répertoire d’une richesse et d’une modernité incroyables loin, pourtant, d’être reconnu à sa juste valeur. Car même s’il y a eu le magnifique succès Les Gens qui doutent (1977) et les fameuses Fabulettes qui ont bercé pas mal d’enfants, la culture populaire n’a pas accordé à l’autrice-compositrice-interprète la place qu’elle mérite dans le panthéon de la chanson française. Et cela chagrine Marie Fortuit et Lucie Sansen, elles qui se retrouvent pleinement dans les textes de leur illustre aînée morte en 2020 à 86 ans.

Leur reine

Sur scène, accompagnées de quelques instruments (dont un piano et une guitare), elles alternent récits personnels et morceaux d’Anne Sylvestre (une douzaine) afin d’illustrer « la façon dont l’héritage poétique et politique d’Anne Sylvestre résonne avec le parcours de deux artistes trentenaires dans les années 2020 ». Et comment des chefs-d’œuvre comme Frangines, Une sorcière comme les autres, Maryvonne ou, donc, Douce maison, s’inscrivent dans une histoire plus large que celle de la seule musique. « Anne Sylvestre écrit ses chansons, parfois non sans humour, après une colère, une indignation féroce et novatrice, une inscription ferme dans le féminisme et la militance, par la poétique et la vivacité du verbe, toujours », analysent-elles dans leur note d’intention.

En héritières informelles de la pionnière que fut Anne Sylvestre, elles s’amusent alors avec les possibilités offertes par leur riche matériau et s’écartent vite du simple tour de chant. À l’image de cette scène dans laquelle elles s’interviewent l’une l’autre en usant des nombreux clichés rétrogrades qui collaient à la peau des artistes femmes comme Anne Sylvestre il y a des décennies et sont quelquefois encore présents. Avec ces pas de côté, leur spectacle chanté devient, au fil de la représentation, autant un hommage finement élaboré (jusqu’aux arrangements) qu’un portrait en creux de deux artistes féministes d’aujourd’hui.


Là-haut sur la montagne

Sous-titré « théâtre pentu et parole avalancheuse », le festival de L’Arpenteur, piloté par l’association Scènes obliques-Espace culturel international de la montagne, fait de son environnement montagnard un atout afin de décaler le regard tout en conservant les bases d’un événement culturel exigeant. Et invite, pour cette édition anniversaire, des artistes dont l’univers rencontre ses préoccupations : le performeur Abraham Poincheval, le dessinateur Edmond Baudoin, la danseuse Claire Ducreux… Côté spectacles, certains nous intriguent fortement, comme Ma République et moi d’Issam Rachyq-Ahrad (« Issam adulte convoque les souvenirs de sa vie quotidienne auprès de sa mère pour sortir de son incompréhension et de son propre préjugé contre ce bout de tissu qu’elle porte »), la conférence astromusicale Les Quatre saisons de l’Univers, le concert marionnettique L’Art d’accommoder les restes ou encore la proposition entre musique et poésie de l’Iranienne Shadi Fathi.

Photo ©Esmeralda da Costa

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