Publié le 09.12.2025 à 18:58
Luc Renaud
« Macron demande aujourd’hui à la Chine d’autoriser des transferts de technologies vers l’Europe », s’amusait un intervenant. Anecdote qui dit assez l’ampleur des bouleversements qu’entraîne l’irruption technologique de la Chine sur la scène internationale. Aussi la rencontre avec Marianne Dunlop, l’une des autrices du livre Quand la France s’éveillera à la Chine – la longue marche vers un monde multipolaire, fut-elle riche d’informations autant que d’interrogations.
Le constat, tout d’abord. En quelques décennies, la Chine a réussi à sortir de l’extrême pauvreté 800 millions de personnes. C’est aujourd’hui un pays moderne, qui rivalise avec les économies industrielles les plus développées dans l’électronique, les énergies renouvelables, l’automobile à moteurs électriques, le ferroviaire ou la téléphonie.
Comment ces transformations massives ont-elles pu s’opérer ? Marianne Dunlop connaît bien cet immense pays pour y avoir vécu et entretenu des relations familiales. Pour elle, il convient tout d’abord d’éviter une erreur d’interprétation : « la Chine ne n’est pas développée avec une transformation du système présentée comme l’instauration du capitalisme et l’abandon d’un système socialiste », dit-elle. Elle fait référence aux années qui ont suivi ce que « les Chinois nomment la libération », en 1949, après l’arrivée du Parti communiste chinois à la direction du pays.
Plus de cinquante personnes ont participé à cette rencontre débat.Des décennies au cours desquelles il a fallu reconstruire un pays laissé exsangue par l’invasion japonaise qui a précédé la Seconde Guerre mondiale — « entre 1931 et 1945, 35 millions de Chinois sont morts sous l’occupation japonaise d’une partie du territoire ». Invasion qui faisait suite aux guerres de l’opium du XIXe siècle, conduites par la Grande-Bretagne et la France, qui ont imposé la colonisation d’une partie du pays. En 1949, « la Chine était un pays plus pauvre que Haïti ou que n’importe quel État africain », dit-elle. Et, « de 1950 à 1965, la production industrielle a été multipliée par treize, et le niveau de vie a triplé, compte tenu de l’augmentation de la population ».
Ce que montre l’ouvrage co-écrit par Marianne Dunlop, c’est un pays où « le capitaliste est libre comme l’oiseau en cage », selon une formule chinoise utilisée dans une langue férue de métaphores. Marianne Dunlop insiste sur l’importance de la planification de l’économie. « Ce ne sont pas les grandes entreprises qui décident des choix de développement, mais le plan quinquennal élaboré après de multiples débats, qui définit les grands domaines dans lesquels un effort continu devra être porté ».
L’universitaire fait également litière de l’image d’un dumping social qui permettrait à l’économie chinoise d’exporter à bas coûts. « Dans mon université, nous avons un jumelage avec l’université de Nankin ; en 1995, lorsqu’un enseignant chinois venait travailler chez nous, il gagnait en pouvoir d’achat ; en 2005, les chinois avaient toujours plaisir à venir pour un séjour en France, mais ils y perdaient financièrement. » Une image qui, si elle ne dit pas tout de la réalité du pays, n’en va pas moins à l’encontre des idées reçues.
Des témoignages, des faits, une histoire qui n’écartent pas les questions et interrogations comme l’illustrait le débat qui a suivi dans la salle la présentation de Marianne Dunlop.
Le débat s’est largement poursuivi dans la salle.Échanges sur le le Tibet et les Ouïghours de la région autonome du Xinjiang, les organisations syndicales chinoises, mais aussi la situation internationale et les rapports entre la désindustrialisation que connaît la France et le dynamisme de l’industrie chinoise.
Sur les droits de l’homme, Marianne Dunlop réfute le discours dominant qui martèle un asservissement des peuples de l’Ouest chinois. « Je vous invite à lire les ouvrages d’Élisabeth Martens, autrice belge, qui décrit ce qu’elle a vu au Tibet », propose-t-elle. Un pays qui a été partie intégrante de l’histoire chinoise dès le XIIIe siècle. Marianne Dunlop raconte également ce qu’elle a vu au Xinjiang, de culture turcophone et majoritairement musulmane, « où j’ai vu les préparatifs de la fête de l’Aïd, et les manuels scolaires ouïghours, ce qui contredit la vision d’une culture combattue par le pouvoir centrale chinois ».
Le long cheminement qui a conduit la Chine à son développement actuel fait aussi l’objet d’analyses. Marianne Dunlop évoque sa culture millénaire construite sur un brassage de populations et note que cette obligation créée par l’histoire du vivre ensemble n’a pas été sans effets sur l’émergence du contrat social chinois. Tout en notant que cela ne s’est pas fait sans affrontements, graves erreurs et tâtonnements, du Grand bond en avant à la Révolution culturelle, mais aussi aux errements de la période de privatisation des années 1990 – « traverser le gué en tâtant les pierres », imagent les Chinois en évoquant cette période.
La place de la Chine sur la scène internationale suscite également des interrogations. Le constat, c’est celui d’une position grandissante dans le commerce international qu’illustre le projet planétaire des Routes de la soie. La Chine, c’est aussi l’un des pays majeurs du groupe d’États nommés BRICS, qui, dans toute son hétérogénéité, se présente aujourd’hui comme une alternative aux dominations occidentales, dans le domaine de la monnaie par exemple.
La Chine est-elle aujourd’hui le centre d’un nouvel impérialisme ? Là encore, Marianne Dunlop prend le contrepied des analyses en vogue. « La Chine n’a aucun intérêt à l’appauvrissement de ses partenaires du Sud global ; elle contribue au contraire au développement de ces pays parce qu’elle en bénéficiera, grâce à la croissance des échanges et des coopérations Sud-Sud. »
Débat également sur le poids des grands groupes industriel chinois en Europe. Avec une question. Est-ce la Chine qui est responsable de la vente à la découpe de Rhône-Poulenc – méthodes de dépeçage aujourd’hui à l’œuvre chez Atos comme elles l’ont été chez Alstom ? Éclatement qui se traduit, in fine, par la liquidation de Vencorex par un groupe thaïlandais avant qu’une entreprise chinoise ne reprennent qu’une petite minorité de l’activité, sur décision du tribunal de commerce qui l’a préféré à la proposition de reprise des salariés. On pourra noter encore la décision d’EDF d’équiper le site de Creys-Malville de panneaux photovoltaïques chinois, à quelques kilomètres de Photowatt, qui en fabriquait à Bourgoin-Jailleu. « La Chine, c’est un bouc émissaire facile ; ce ne sont pas les Chinois qui ont délocalisé l’industrie européenne qui a, au passage, exporté sa pollution. »
Débat encore sur le poids de la religion en Chine, avec des temples bouddhistes très fréquentés, des temples entièrement reconstruits à neuf ces dernières décennies. Ou encore sur les inégalités sociales contemporaines, sur la société de consommation qui s’affiche dans les centres des grandes villes…
Une soirée pour tenter d’approcher le fonctionnement d’un pays en pleine mutation ; un pays majeur dans les bouleversements géopolitiques de notre planète commune.
Cet article Grenoble. S’éveiller à la Chine, la proposition de Marianne Dunlop est apparu en premier sur Travailleur alpin.
Publié le 09.12.2025 à 18:24
Edouard Schoene
Le groupe CREEFI est propriétaire de quatre lycées privés, non confessionnels, ayant convention avec l’Éducation nationale, dont Le Bréda (situés à Grenoble, Allevard et Coublevie). Ce groupe annonce être en difficulté et devoir fermer le lycée professionnel d’Allevard. Le Bréda, ce sont, en 2025, cent soixante-deux élèves, vingt-trois enseignants et neuf formateurs, huit salariés.
Mobilisation dans la cour du lycée mardi 9 décembre.Après l’annonce, fin novembre, de la fermeture prochaine, élèves, enseignants, parents d’élèves, personnels du lycée ont défilé le 4 décembre dans les rues d’Allevard avec en tête du cortège, la maire Christel Mégret et deux élues. Une pétition intitulée « Sauvons le lycée des métiers Le Bréda à Allevard : Non à la fermeture ! » avait par ailleurs déjà recueilli, en date du 9 décembre, plus de 4 000 signatures.
Les lycéen-nes ont mis la main à la pâte. Ce mardi 9 décembre toujours, le lycée était ouvert à celles et ceux qui souhaitaient venir soutenir l’action de défense de l’établissement. Dès 9 heures, c’était ainsi l’effervescence dans la cour avec accueil de jeunes lycéens·es, tables pour signer la pétition, café, croissants… Mais aussi des espaces de discussion, de dessin ou d’écriture.
Parmi les présents, Justin Jay Allemand, chef de file d’une liste (issue du collectif « les Allevardins ») aux municipales, à Allevard : « Je suis évidemment inquiet et en colère de voir cette fermeture s’annoncer, motivée par la rentabilité propre au fonctionnement privé. C’est pourtant un lycée qui fonctionne bien, qui est un rouage important en matière de justice territoriale, étant le seul lycée professionnel entre Grenoble et Chambéry, notamment pour la filière des ‘3e prépa métier’, c’est un outil d’égalité des chances. »
Justin Jay-Allemand, tête de liste pour le collectif citoyen Les Allevardins aux municipales 2026.Selon le candidat, « si ce lycée disparaissait, ce ne serait pas seulement un établissement qui fermerait, mais une porte que l’on claquerait au visage de dizaines de jeunes auxquels on avait enfin permis de croire que tout était à nouveau possible dans leur parcours scolaire ».
Une rencontre s’est ensuite tenue, vers 10 heures, autour de Ludovic Lerussi, enseignant et délégué syndical CGT des établissements du groupe CREEFI. Ne nous y trompons pas, dit la CGT, « c’est bien aujourd’hui l’ensemble de l’association CREEFI qui est en situation d’alerte économique ! Les trois établissements sont concernés et sont solidaires les uns des autres dans la comptabilité. À ce jour, aucune étude économique n’a été réalisée pour évaluer le coût et les gains potentiels d’un tel projet. Personne ne peut affirmer si les économies réalisées suffiront à sauver le CREEFI et les autres établissements. »
Ludovic Lerussi, enseignant et délégué syndical CGT des établissements du groupe CREEFI.De même, à ce stade, « aucune étude n’a été réalisée pour envisager d’autres scénarios. Reprise par l’État du Lycée, par un repreneur ? Maintien des activités et vente du bâtiment pour location ? Autres reprises ? », égrène le syndicat. La CGT a en tout cas réaffirmé son engagement total pour la défense des emplois, la protection des élèves et la sauvegarde de l’offre éducative sur le territoire. Ludovic Lérussi a en outre lu une lettre adressée par l’avocat conseil de la CGT à la direction du CREEFI pour entrave à la loi. Laquelle exige en effet la consultation des salariés avant l’annonce de fermeture d’un établissement.
De son côté, Christel Mégret, maire d’Allevard, a elle aussi répondu au Travailleur alpin. « Je suis extrêmement déçue de cette situation. Très inquiète car je connais un certain nombre d’élèves et de professeurs. Je suis choquée », avoue l’édile. Et de promettre : « On fera tout jusqu’au dernier moment pour que ce beau lycée reste ouvert. C’est un maillage territorial précieux. Rien d’autre n’a été imaginé que la fermeture ! Je connais beaucoup de jeunes, de conditions modestes, pour qui c’était une deuxième chance, qui n’iront pas à Grenoble. »
La maire d’Allevard Christel Mégret assure de sa détermination à sauver le lycée Le Bréda.À 11 heures, enseignants, parents d’élèves et lycéens tenaient conférence de presse. Vincent, enseignant, explique que le personnel a été informé le 26 novembre d’un projet de fermeture du lycée Le Bréda. Avec, en guise d’explications, quelques chiffres peu fiables (bilans annuels au rouge, trésorerie au rouge) et l’annonce d’un audit d’experts comptables en cours.
Enseignants, parents d’élèves et lycéens se sont exprimés devant la presse.Pour information, l’établissement est le seul lycée professionnel entre Grenoble et Chambéry. À ce jour, lycée privé non confessionnel, Le Bréda n’a ni le soutien des établissements d’enseignement catholique ni celui du rectorat. Le tour de table fait apparaître une forte inquiétudes des parents d’élèves et lycéens qui n’imaginent pas vivre une future scolarité ailleurs du fait notamment des difficultés de transport.
Un autre élément marquant des témoignages est celui du statut de l’établissement qui se caractérise « pour un tiers des lycéens comme l’établissement de la seconde chance ». « Ma fille a été en échec scolaire, cet établissement a été une chance, affirme ainsi un parent. Ma fille est contente d’aller en cours. »
Aloïs, lycéen, évoque quant à lui « un virage de vie complexe : dépression, décrochage, déscolarisation. J’ai trouvé ici une étincelle à la suite d’une opération porte ouverte. Je réussis ici », se félicite-t-il. Même témoignage d’Anaïs : « J’ai retrouvé confiance ici. J’ai été bien accueillie par professeurs et élèves, assure-t-elle. Dès que j’ai une note en dessous de 15, je suis dégoutée. » La lycéenne cite également son voyage de classe en Pologne : « On a visité Auschwitz. Ce voyage a été magique ! »
Aloïs et Anaïs, lycéen-nes au Bréda, expliquent en quoi l’établissement leur a redonné confiance.Les parents d’élèves précisent que les conditions sont particulièrement bonnes dans cet établissement avec 18 élèves par classe, des équipes très attentives au parcours de chaque lycéen. En fin de rencontre, il est fait état de la construction en cours de deux hôtels à Allevard, lesquels sont un atout supplémentaires pour les lycéens qui y trouveront des stages. Les soutiens du lycée Le Bréda, nombreux, ont d’ores et déjà fixé leur prochain rendez-vous : ce sera le mardi 16 décembre, date de réunion du conseil d’administration du CREEFI.
Cet article Allevard. Mobilisation contre la brutale annonce de fermeture du lycée Le Bréda est apparu en premier sur Travailleur alpin.
Publié le 09.12.2025 à 14:37
Maryvonne Mathéoud
Après un rappel de l’organisateur Mazdak Kafai sur le succès de la manifestation nationale pour la Palestine — qui a réuni plus de 50 000 personnes à Paris, le 29 novembre -, sa camarade Marianne, militante également du NPA-l’Anticapitaliste, a introduit la conférence en présentant Gilbert Achcar. Intellectuel et militant libanais, professeur émérite à la School of Oriental and African Studies (École des études orientales et africaines — SOAS) de l’Université de Londres, il écrit régulièrement dans différentes publications, dont Le Monde diplomatique. Son dernier ouvrage, Gaza, génocide annoncé : un tournant dans l’histoire mondiale, est paru en mai 2025, aux éditions La Dispute.
Le public avait répondu présent à la Maison du tourisme, à l’invitation du NPA-l’Anticapitaliste et de plusieurs autres organisations. © Michel Szempruch« Nous observons que le cessez-le-feu n’est pas respecté mais au-delà de ça, c’est la guerre d’Israël qui n’est pas terminée. » C’est par cette phrase qu’a débuté la conférence de Gilbert Achcar. « Pour Benyamin Netanyahou, le plan de paix de Trump n’est qu’une trêve pour que les otages soient libérés et pour donner un répit à son armée avant de se relancer dans la bataille, comme il l’avait fait quelques semaines après un cessez-le-feu. Son objectif est de prendre toute la bande de Gaza », a‑t-il affirmé.
« À ce jour, 53 % du territoire de Gaza est sous occupation israélienne. Le plan de paix de Trump n’ira pas loin, il est déjà bloqué », a poursuivi le chercheur libanais. Avant de détailler : « La résolution du conseil de sécurité de l’ONU vient d’analyser ce plan et ne fait que reprendre les termes du plan de Trump. Ce plan ne prévoit même pas le retrait total de Gaza de l’envahisseur. Ce texte est en violation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Il fait fi du droit à l’auto-détermination du peuple palestinien de choisir ses représentants. Ce droit est signifié, dans le plan, comme une hypothèse au cas où l’Autorité palestinienne serait réformée selon les desiderata d’Israël. C’est une nouvelle version des mandats coloniaux de l’entre-deux-guerres. »
Gilbert Achcar est revenu sur l’histoire de la région et sur les origines du conflit, à savoir la Nakba. En 1948, 80 % des Palestiniens ont fui mais n’ont jamais pu revenir chez eux. Et quatre cents villages ont été détruits. Il s’agit bien d’une « guerre coloniale », a souligné l’intellectuel marxiste libanais. Et de pointer les discours tenus au sein du gouvernement israélien, avec « d’un côté, les civilisés et de l’autre, les barbares ». « Nous combattons des animaux humains », a d’ailleurs déclaré le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant.

Selon Gilbert Achcar, le 7 octobre était un mauvais calcul du Hamas, qui a permis la catastrophe que l’on connait aujourd’hui. Mais l’action d’Israel n’a plus rien à voir avec de l’auto-défense.
Le 7 octobre est ainsi devenu un prétexte pour poursuivre l’objectif de la droite israélienne dont la finalité est une opération ethnique, c’est-à-dire chasser les Palestiniens de Gaza mais aussi de Cisjordanie.
Dans la lutte anti-coloniale que mènent les Palestiniens depuis des décennies, il y a eu des « bourdes », a reconnu l’universitaire de 74 ans, à propos de l’attaque du 7 octobre 2023. Néanmoins, dans la guerre que mène Israël au peuple palestinien, il est évident que la supériorité miliaire est immense. Israël est mille fois plus armé que les Palestiniens. C’est la condition de la proportionnalité qui indique quand vous sortez du cadre du droit. Il s’agit alors d’un génocide, c’est une destruction massive.
« Les peuples colonisés se libèrent (…) par les mobilisations de masse des peuples eux-mêmes et par la solidarité des peuples d’autres pays. »
Gilbert AchcarPoursuivant son exposé à la tribune, le militant libanais a évoqué plusieurs épisodes importants. La première intifada, en 1987, résistance et vraie lutte populaire. L’OLP s’en est saisie et a proclamé l’indépendance de l’État palestinien un an plus tard. Un long processus qui a abouti sur les accords d’Oslo, en 1993. Puis la seconde intifada, lutte armée qui a conduit, en 2001, à l’arrivée au poste de Premier ministre d’Ariel Sharon. Lequel avait allumé l’incendie par sa visite sur l’esplanade des Mosquées, en tant que chef de l’opposition israélienne.
Pour Gilbert Achcar, « les peuples colonisés ne se libèrent pas par les luttes armées qui sont souvent faibles par rapport à l’occupant mais par les mobilisations de masse des peuples eux-mêmes et par la solidarité des peuples d’autres pays ». Il a également commenté la création du Hamas, mouvement issu des Frères musulmans, favorisé alors par Israël qui s’en sert comme d’un repoussoir — et qui y voyait, à l’époque, un contrepoids aux organisations composant l’OLP (Fatah, FPLP, FDLP…).
Dans la salle, avant le coup d’envoi de la conférence-débat. © Michel SzempruchLe chercheur a en outre apporté un éclairage sur le soutien américain à Israël ainsi que sur les intérêts commerciaux des États-Unis et — plus personnellement — de Donald Trump avec les monarchies pétrolières du Golfe. Revenant sur les chiffres du génocide de Gaza, il a enfin insisté sur un élément lourdement incriminant pour le gouvernement israélien : sur les 70 000 victimes directes, 70 % sont des femmes et des enfants. Et parmi les 30 % restants, une petite partie seulement représente des combattants — lesquels sont pour la plupart dans des galeries souterraines.
Cet article Grenoble. Gilbert Achcar esquisse l’avenir incertain du peuple palestinien est apparu en premier sur Travailleur alpin.
Publié le 08.12.2025 à 16:39
Pierre-Jean Crespeau
Cette soirée du 4 décembre, organisée dans la salle Cascade, à Crolles, est l’aboutissement d’un processus de co-construction initié par les élus du mandat actuel et des précédents, auxquels se joignent des personnes prêtes à s’engager et des compagnons de route. Depuis 2020, les élus de l’opposition n’ont cessé de s’investir dans la vie de la commune, de porter leurs propositions et d’exprimer leurs points de vue. Chaque personne a ainsi apporté sa pierre à une dynamique qui prend forme et qui, peut-être, gagnera en mars prochain.
Edwige Infanti, du Grenoble Alpes collectif (GAC), et Nicolas Bourdeaud, de Fréquence commune, coopérative soutenant les listes et communes participatives, étaient invités à s’exprimer devant les militants crollois.Pour le déroulé de la présentation, le collectif Crolles 2026 a invité Nicolas Bourdeaud, de Fréquence commune, une coopérative qui accompagne les listes et mairies participatives depuis 2019, aux côtés d’Edwige Infanti, militante du Grenoble Alpes collectif (GAC). L’annonce est enfin faite, Adelin Javet est désigné tête de liste par le collectif !
« La solidarité, l’écologie et la participation citoyenne sont les trois piliers de notre projet. Ils ne sont pas négociables car ils sont interdépendants. »
Adelin Javet, tête de liste de Crolles 2026Crolles 2026, explique le candidat, s’inscrit dans la ligne directe du collectif précédent, Crolles 2020, qui avait présenté une liste citoyenne et participative lors des dernière élections municipales. En tête au premier tour, celle-ci s’était inclinée de 135 voix. Adelin Javet rappelle d’ailleurs qu’au second tour, le Parti socialiste avait retiré l’investiture du maire sortant, Philippe Lorimier, à la suite de la fusion de sa liste avec celle de droite.
Adelin Javet, conseiller municipal d’opposition de Crolles 2020, mènera la liste Crolles 2026 en mars prochain.« La solidarité, l’écologie et la participation citoyenne sont les trois piliers de notre projet, souligne la tête de liste. Ils ne sont pas négociables car ils sont interdépendants. Nous ne pourrons pas avoir un Crolles plus vert sans l’intelligence collective de ses habitants, ni une ville plus solidaire sans une gestion sobre et responsable de nos ressources. »
Et Adelin Javet de poursuivre : « Notre liste propose un changement de méthode et de cap pour que Crolles devienne un modèle de démocratie locale, écologique et humaine. Rejoindre et voter pour notre liste, c’est choisir un Crolles où personne n’est laissé pour compte, une ville où l’expérience des uns fait la force et l’avenir des autres. Les meilleures idées sont chez vous. Nous ne décidons plus pour vous, nous décidons avec vous », assène-t-il.
Un travail collectif a été effectué jusqu’à la présentation des résultats du questionnaire, initiée par Stéphane Giret qui nous dresse le portrait des répondants. Ensuite, un état des lieux de Pierre-Jean Crespeau et Claire Quinette-Mourat exposant à la fois les atouts de Crolles — une ville agréable à vivre — mais aussi les motifs de critiques.
Le public a pu découvrir les différentes propositions soumises et portées par Crolles 2026.Françoise Lejeune a quant à elle développé les priorités qui sont ressorties du questionnaire concernant l’adaptation au climat et la végétalisation. Les thèmes de la mobilité et de la sécurité ont, eux, été pris en main par Adrien Edouardo Pedone, conscient des préoccupations des Crollois. Enfin, Solenn Gouasdoué a expliqué la démarche participative du collectif, alimentée elle-même par le questionnaire. C’est une autre manière de faire que propose et applique déjà Crolles 2026.
Avant de profiter du pot convivial, la trentaine de personnes présentes ont participé à la priorisation des propositions réparties au travers des trois axes de campagne : vivre ensemble, prendre soin, préparer l’avenir. Le principe ? C’est David Roux qui le détaille : chaque personne reçoit onze gommettes à coller devant les propositions qu’elle souhaite mettre en avant, dans la limite de trois par proposition.
Les participants étaient conviés à sélectionner leurs propositions favorites au moyen de gommettes de couleur.Certes, la période est moins propice à la participation qu’en 2020, et le collectif cherche encore des volontaires — en particulier des femmes. Néanmoins, quand on porte fièrement des valeurs de gauche, celles-ci ne se bradent pas au profit d’une alliance opportuniste avec la droite ou l’extrême droite. À bon entendeur…
Cet article Municipales. Crolles 2026 : l’opposition de gauche lance sa campagne est apparu en premier sur Travailleur alpin.
Publié le 06.12.2025 à 19:36
Travailleur Alpin
Michel Barrionuevo se pince, pour y croire. Puis il raconte. « Mardi 2 décembre 2025, j’ai vécu une humiliation comme si j’avais été un criminel ».
Michel Barrionuevo est candidat à la prochaine élection municipale de Sassenage. Il est donc en campagne. Pour réaliser les documents qui seront remis aux électeurs, il a besoin de photos de la commune. « Je suis allé […] prendre quelques photos de bâtiments publics de la ville de Sassenage : château des Blondes, façade de la police municipale » et du groupe scolaire Vercors, le bâtiment de l’école primaire,la cour de l’école maternelleainsi que celle de l’école primaire étant toutes deux désertes à cette heure-là.
C’est là que ça devient… curieux. « Le chef de la police municipale de Sassenage m’a interpelé pour me demander si j’avais pris des photos, je lui ai répondu par l’affirmative. Et là alors que j’avançais vers lui, quelle ne fut ma surprise d’entendre cet agent municipal, mettant la main sur la crosse de son arme, me dire : ‘n’avancez pas, restez où vous êtes !’»
Michel Barrionuevo se fait connaître, pensant calmer le jeu.Il explique qu’il photographie des murs, visibles de la voie publique, pour illustrer des documents de campagne électorale. La suite est carrément ubuesque. « Il est interdit de prendre des images des bâtiments publics, donnez-moi votre pièce d’identité », assène sans rire le gradé de la police municipale – ignorant par ailleurs les règles en vigueur sur la durée de validité des cartes d’identité.
La photo « interdite », selon un agent municipal semble-t-il très mal informé.Chacun sait que la loi précise le droit à l’image des personnes. Et non des immeubles. Des personnes et plus particulièrement des enfants. Des enfants, en l’occurrence, il n’y en avait pas.
Michel Barrionuevo s’est adressé au maire de Sassenage pour s’inquiéter du comportement de certains de ses policiers municipaux. Lequel lui a répondu qu’il ferait le point avec ces agents.
« Suite à ce que j’appelle un grave incident, mon témoignage sur les réseaux sociaux a délié les langues et de très nombreuses personnes dénoncent ces attitudes de cow-boy. J’ai reçu un peu plus d’une centaine de messages de soutien, je dois dire que ça fait du bien », conclut Michel Barrionuevo.
La relation de cet incident par sa victime figure sur le site sassenage.net.
Cet article Sassenage. De l’intérêt de la formation continue pour certains policiers municipaux est apparu en premier sur Travailleur alpin.
Publié le 06.12.2025 à 16:56
Max Blanchard
Disons le, une fois de plus les lève-tard arrivés seulement en fin de matinée se sont trouvés fort dépités de ne pouvoir acquérir leur portion de boudin, tant la demande a été forte. Dès 9 h, ce fut une queue quasi ininterrompue pour satisfaire cet appétit d’achat culinaire.
Pourtant, expérience oblige, un fort supplément de réservations avait été enregistré cette année. Signe évident d’une demande de plus en plus prisée.
En cuisine, pour le régal de tous.Car chaque année, l’implantation et l’organisation se renforcent. Outre le boudin renommé, clou de l’initiative, un millier de diots avaient été préparés, ainsi que 130 saucisses à cuire et 230 caillettes, tous produits épuisés en cette matinée du samedi. Sans compter ce qui aura pu être goûté et apprécié sur place autour des tables de dégustation, verre de l’amitié à la main.
Au fil des années, l’initiative s’élargit et se renforce, avec la présence de producteurs indépendants qui viennent proposer l’accompagnement du boudin, soit sous forme de pommes de terre, soit sous celle des pommes bio en provenance des Hautes-Alpes, mais aussi les noix de Savoie et les séchons de l’Isère.
Difficile pour les retardataires de trouver barquette à leur pied.Une initiative gastronomique donc, mais aussi une tradition source de rencontres et de convivialité, appréciée comme telle, qui voit affluer des centaines de visiteurs, dont bon nombre repartent avec l’Humanité ou le Travailleur alpin sous le bras.
Une belle initiative que l’on doit à la Société des lectrices et lecteurs de l’Humanité en partenariat avec la section communiste d’Est agglo dont les bénéfices seront reversés à la souscription de l’Humanité.
Alors, à l’année prochaine pour une nouvelle édition !
Treize numéros du Travailleur alpin ont été vendus, un abonnement longue durée réalisé.
Des producteurs locaux avaient été invité à participer à ce rendez-vous annuel.Cet article Saint-Martin d’Hères. Le boudin était de retour est apparu en premier sur Travailleur alpin.
Publié le 06.12.2025 à 11:02
Manuel Pavard
Renzo Sulli se présentera à deux reprises, à un an d’intervalle, à la barre du tribunal correctionnel. La conséquence d’un signalement — suivi d’un rapport — de la chambre régionale des comptes (CRC) Auvergne-Rhône-Alpes au parquet de Grenoble, en 2023, concernant la gestion de la ville d’Échirolles. Ce qui vaut aujourd’hui à l’ex-maire de la commune (de 1999 à 2023) d’être renvoyé devant le tribunal mardi 9 décembre 2025 pour la première affaire et le 8 décembre 2026 pour la seconde.
Dans le premier dossier, Renzo Sulli devra justifier l’embauche de son ancien adjoint, Emmanuel Chumiatcher, pour un poste de chargé de mission, entre mai 2021 et 2022. Un recrutement jugé illégal par le parquet, qui conteste également le niveau de rémunération. Selon nos informations, la divergence porterait sur un point technique et administratif. En clair, fallait-il ou non une délibération du conseil municipal pour entériner ce recrutement pour surcroît d’activité ? Le tout, sachant que « la réalité du travail de l’employé concerné a été abondamment démontrée », affirme un bon connaisseur du dossier.
Plus politique, en revanche, est la seconde affaire, qui verra l’ancien édile communiste comparaître, aux côtés du directeur général des services (DGS), Serge Biessy, pour un supposé délit de favoritisme. En cause, l’attribution des activités périscolaires à l’association Évade (Échirolles vacances animation développement éducatif), via une délégation de service public (DSP) signée en janvier 2020. Contrat d’une durée de six ans, qui expire donc en cette fin d’année 2025 ; la nouvelle délégation, examinée prochainement en conseil municipal, devant être effective à partir du 1er janvier 2026.
Ici, la justice soupçonne la municipalité d’Échirolles d’avoir « conçu un marché sur mesure pour qu’il soit attribué à l’association Évade », rapporte Le Dauphiné libéré. Une accusation contestée par la ville qui avait répondu à la CRC, réfutant tout avantage conféré à Évade. Il appartient désormais aux juges de se prononcer. Ce qui n’empêche pas de s’interroger sur ce que sous-tend cette mise en cause du fonctionnement d’un service public, le périscolaire en l’occurrence.
Ce sont en effet deux visions qui s’opposent dans cette affaire. D’un côté, la CRC et le parquet reprochent à la mairie de l’époque de ne pas avoir respecté les règles de mise en concurrence. De l’autre, des élus qui assument une politique, à l’image de Jacqueline Madrennes, adjointe à l’éducation, à la culture, au travail de mémoire. Celle-ci n’a pas l’intention de commenter une procédure judiciaire en cours. Mais l’élue tient toutefois à mettre en avant « la différence entre un marché public — qui renvoie à la marchandisation, avec une connotation financière — et une délégation de service public liée, comme son nom l’indique, à un service public ».
On touche là au nœud du problème, à savoir la marge de manœuvre des collectivités dans la ligne de mire gouvernementale, en particulier de celles gérées par la gauche. À l’origine, les habitants votent pour des élus sur la base d’un programme. Mais du fait de la marchandisation de pans entiers de secteurs relevant du service public, les municipalités sont sous la pression de groupes privés : elles sont sommées de revoir les critères d’attribution des délégations et donc de revoir leurs ambitions politiques à la baisse. Ceci, car le privé n’a pas les moyens de répondre à des cahiers des charges ambitieux — sa raison d’être étant de dégager des profits. Cette « ouverture à la concurrence » — comme disent les experts ultra-libéraux — est pourtant la condition sine qua non pour s’attirer les bonnes grâces de la CRC.
Le cas du périscolaire à Échirolles est à cet égard édifiant. Portée après-guerre par les villes progressistes, l’éducation populaire est en effet depuis une « marque de fabrique » de la commune, un véritable « marqueur de l’identité échirolloise », souligne Jacqueline Madrennes. « La ville a très vite adopté le créneau de l’éducation nouvelle. Et aujourd’hui encore, je porte ce projet éducatif », se félicite-t-elle, précisant que l’éducation constitue « le premier budget municipal ».
Jacqueline Madrennes, adjointe à l’éducation, à la culture, au travail de mémoire.L’objectif, explique l’élue à l’éducation, c’est que « les enfants puissent avoir des espaces d’expression, de rencontre, de découverte, en dehors de l’école ». Et de vanter « la coopération éducative avec l’Éducation nationale » (sur les référentiels, la formation des personnels…) ainsi que « les alliances fortes entre les attendus de l’école et ce que l’enfant peut capitaliser hors de l’institution ». Cette « complémentarité » entre l’éducation populaire et l’école républicaine permet ainsi, selon elle, aux enfants pris en charge sur ces temps extra- et périscolaires de pouvoir « s’outiller, sur les plans de la culture, du sport, de la sensibilité à l’environnement ».
Jacqueline Madrennes insiste sur le « niveau d’exigence très élevé » de la ville d’Échirolles envers son délégataire. Sur l’éducation populaire, « la barre est haute », ajoute-t-elle. Cela tombe bien, des élus aux parents d’élèves en passant bien sûr par les responsables de l’association, le constat est quasi unanime : Évade possède une « vraie expertise ».
Créée en 1961 à Échirolles, Évade œuvre pour l’éducation populaire, menant des actions de loisirs éducatifs à destination des enfants, à la fois sur le temps périscolaire, dans le cadre de la DSP, et sur le temps extrascolaire, que ce soit le mercredi après-midi ou lors des vacances (dans ses cinq accueils de loisirs, au centre de vacances de La Grande-Motte, dans les classes de découvertes…).
« L’association gère le périscolaire le midi et le soir pour les enfants des écoles élémentaires », indique Camille, enseignante et membre du conseil d’administration d’Évade depuis cinq ans. « Le soir, ils ont le choix entre l’accueil classique, encadré par le service éducation de la mairie, et les ateliers découvertes proposés par l’association, avec quatre activités différentes tous les soirs. »
« Chaque trimestre, il y a différentes thématiques », abonde Romain, parent d’élève, dont la fille de 7 ans, élève à l’école Jean-Jaurès, bénéficie des activités périscolaires (sportives ou culturelles) d’Évade entre 16h et 17h30. « L’an dernier, elle faisait du taekwondo et comme ça lui plaisait moyennement, elle a tenté le karaté cette année et elle adore ! Et elle essaye aussi le foot, l’éveil des cinq sens, la danse, l’éveil musical… »
La continuité du service du périscolaire proposé par Évade. © ÉvadeRomain ne tarit pas d’éloges sur Évade, qui encadre sa fille depuis la maternelle. Il salue notamment « la continuité de service incroyable » le mercredi, très appréciable quand les parents travaillent. « L’école de ma fille est en réseau d’éducation prioritaire (REP) et elle a école le mercredi matin, raconte-t-il. Eh bien, les animateurs d’Évade viennent la récupérer à l’école avec un minibus, en fin de matinée, et l’emmènent directement au centre de loisirs Pablo-Picasso ! »
Autres points forts, « le maillage territorial des centres de loisirs » et « le panel d’activités fantastique ». Théâtre, piscine, sorties en montagne, confection de gâteaux, sports divers… Le menu proposé à sa fille est riche et varié. « Et les enfants apprennent aussi la vie en collectivité, le vivre ensemble. On est en plein dans l’éducation populaire », relève Romain.
« Les retours des parents sont très positifs dans l’ensemble », assure de son côté Camille, qui loue la « qualité » des services proposés par l’association, citant notamment « les Jeux M’Évade, temps fort de l’année : des jeux gratuits et ouverts à tous, organisés toute la journée un samedi au printemps, dans deux centres de loisirs ». Un évènement qui a rassemblé plus de 600 parents et enfants en avril 2025, pour la dernière édition.
Les chiffres témoignent d’ailleurs de ce succès. Selon le rapport d’activité du délégataire 2024, le nombre d’ateliers découvertes mis en place par Évade sur le temps périscolaire du soir dépassait, cette année-là, tous les trimestres, les 90 ateliers par semaine contractualisés dans la DSP. Et sur quelque 2230 enfants scolarisés dans les écoles élémentaires échirolloises, un peu plus de 1000 étaient accueillis en moyenne chaque jour pendant la pause méridienne, et entre 900 et 1000 étaient présents chaque soir en ateliers découvertes et à l’accueil.
Évade accompagne en outre les enfants tout au long de l’année, y compris durant les vacances estivales. Camille évoque ainsi un total de « 750 enfants accueillis pendant l’été 2025 ». Ou encore « 165 enfants qui ont participé aux colonies de vacances, à La Grande-Motte », durant ce même été 2025 — contre 130 sur la même période, en 2024.
Pour assurer un tel niveau de prestations, il faut naturellement une structure assez importante, avec une cinquantaine de salariés. Parmi eux, « on a des personnes qui sont capables de suivre les comptes, qui sont rigoureuses sur les dépenses », confie la membre du CA. Le budget de l’association est ainsi quasiment à l’équilibre, le total des recettes et celui des dépenses avoisinant tous deux les 3,4 millions d’euros pour l’année 2024 par exemple.
Un principe, aucun enfant ne reste « sur le carreau ». © ÉvadeLa subvention de la municipalité (en fonctionnement) est quant à elle d’environ 1,4 million d’euros. « Depuis le Covid, on reverse chaque année nos excédents à la ville d’Échirolles », précise Camille. En tant qu’enseignante, elle « apprécie beaucoup l’accompagnement fourni par l’association pour les classes de mer ». Surtout, aucun enfant ne reste sur le carreau : « Même les familles qui payent peu [le prix des inscriptions est calculé sur la base du quotient familial, NDLR] peuvent avoir des difficultés. Mais l’aspect financier ne doit jamais être une raison de ne pas partir. On trouve toujours une solution avec Évade. »
Si sa fille et la mère de celle-ci résident à Échirolles, Romain habite, lui, à Fontaine. Il est ainsi d’autant mieux placé pour comparer la qualité des services rendus entre les deux communes, aujourd’hui aux antipodes politiquement. À Fontaine, la MJC Nelson-Mandela a été sommée de plier bagages fin 2021, un an après l’arrivée de la droite aux manettes… Avant que Viltaïs, choisie par la nouvelle majorité de Franck Longo pour la remplacer, ne soit finalement mise sur la touche. Désormais, à Fontaine, « on a même des centres de loisirs qui sont fermés pendant les vacances », déplore Romain. Ce qui « n’arriverait jamais à Échirolles ».
Sorties nature. © ÉvadeLe signalement de la CRC, puis le rapport publié par la suite ont-ils influé sur les décisions prises par l’association et par la ville d’Échirolles ? Chez Évade, pas vraiment, selon Camille. Du côté de la municipalité, on ne cède pas à une quelconque pression mais les services concernés sont bien sûr vigilants dans ce contexte de renouvellement de la DSP. Sur le respect du cahier des charges, des critères d’attribution de la délégation, « on est très attentifs », assure Jacqueline Madrennes. Laquelle promet que la ville se montrera de nouveau « très exigeante » dans le choix du délégataire, procédure évidemment « ouverte à tout le monde ».
Tous ont par ailleurs conscience que les demandes des magistrats financiers ne coïncident pas toujours avec l’intérêt général. On l’a ainsi constaté avec le rapport public annuel 2018 de la Cour des comptes, qui a passé au crible une centaine de piscines et centres aquatiques publics (dix en Auvergne-Rhône-Alpes dont une en Isère, à Fontaine). Un « rapport à charge contre les communes », fustigeait alors l’Association des maires de France (AMF). Des communes qui, selon la Cour, dépenseraient trop d’argent dans les piscines et ne seraient « parfois plus l’échelon local pertinent de gestion de ces équipements ».
Loin d’une logique de service public pourtant mise en avant par les élus, « la Cour semble raisonner, dans ce domaine, uniquement en termes de rentabilité financière des installations », regrettait l’AMF, insistant au contraire sur les « missions d’accueil de tous les publics, notamment des scolaires ». Les conséquences, même indirectes, peuvent être dramatiques, l’augmentation récente du nombre de noyades n’étant sans doute pas étrangère au déficit d’infrastructures aquatiques. Ainsi, un tiers des élèves entrant en sixième ne savent pas nager, d’après l’enquête 2023 de la Direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco).
Pour les piscines comme pour le périscolaire, le constat est sans appel : le public pâtit toujours des logiques privilégiant le seul intérêt financier, au détriment du reste. Un parent d’élèves et militant échirollois conclut ainsi par une image éloquente : « Veut-on laisser des ‘Orpea du périscolaire’ s’occuper de nos enfants ? »
Cet article Échirolles. Renzo Sulli devant la justice : a‑t-on droit à un service public de proximité ? est apparu en premier sur Travailleur alpin.