24.12.2025 à 16:30
Conscientes du fait que les citoyens et, spécialement, les jeunes ont de plus en plus recours à l’IA générative, les autorités russes cherchent à mettre en place leurs propres systèmes qui diffuseront l’idéologie du Kremlin et sa vision de l’histoire.
Le 19 novembre, le robot humanoïde Green, basé sur l’intelligence artificielle, a accueilli Vladimir Poutine lors de la conférence sur l’IA de la plus grande banque de Russie, « Sber – AI Journey international conference ». Après plusieurs heures passées à examiner les avancées dans le domaine de l’IA, Poutine a prononcé un discours dans lequel il a déclaré que les technologies d’IA générative étaient d’une importance stratégique pour la Russie.
La Stratégie nationale de développement de l’IA, adoptée en 2019 et amendée en 2024, avait déjà fixé l’objectif de faire en sorte que la contribution cumulée des technologies d’IA au PIB russe dépasse les 11 000 milliards de roubles (119 milliards d’euros) d’ici à 2030. Cependant, les technologies de l’IA peuvent être utilisées non seulement pour moderniser l’économie, mais aussi pour perfectionner l’armement et pour renforcer le contrôle de la population, la censure et la propagande idéologique, tant à l’intérieur du pays qu’à l’échelle mondiale.
L’effondrement de l’Union soviétique et la fin de la guerre froide ont inspiré chez certains l’espoir que la « fin de l’Histoire » et des idéologies était arrivée, et que dorénavant seule la démocratie libérale dominerait en tant qu’idéologie viable.
Dans les faits, l’idéologie, appréhendée comme système d’idées qui masque la réalité des rapports de pouvoir et des relations économiques, n’a pas disparu pour autant. Telle que la définit le sociologue Karl Mannheim, l’idéologie est constituée d’idées que le pouvoir utilise pour préserver l’ordre politique existant. Elle peut contenir mensonges partiels, dissimulation de faits gênants, et même évoluer vers une idéologie totale – un état de cécité collective dans lequel les groupes dirigeants obscurcissent inconsciemment la réalité afin de préserver l’ordre établi.
Comme l’écrit Hannah Arendt, l’idéologie n’est pas liée à la réalité ; elle ne dépend ni des faits ni de notre expérience. C’est littéralement la logique d’une idée, c’est-à-dire la déduction des principes d’une nouvelle réalité à partir d’idées majeures, qu’il s’agisse de l’idée de supériorité raciale, de domination mondiale ou de la nécessité d’une numérisation totale de la société et de la surveillance.
Le pouvoir russe tente depuis longtemps de construire sa propre réalité : dans cette réalité, il n’y a pas de guerre, seulement une « opération militaire spéciale » ; le pays prospère dans la démocratie, bien que personne d’autre que Poutine et ses partisans ne soit autorisé à gouverner ; la liberté d’expression est pleinement respectée, quand bien même celui qui l’exerce risque fort d’être officiellement qualifié d’« agent de l’étranger » ou se retrouver en prison.
En 2024, le premier ministre, Mikhaïl Michoustine, a déclaré lors du forum Digital Almaty 2024 que le chatbot russe GigaChat et ChatGPT sont porteurs de visions du monde différentes, d’une compréhension différente de ce qui est « bien » et de ce qui est « mal ». Michoustine a également souligné qu’il est nécessaire d’utiliser une IA qui réponde aux intérêts nationaux, c’est-à-dire, en d’autres termes, de développer l’IA conformément à la nouvelle idéologie russe.
La différence entre les IA russes et américaines réside dans les ensembles de données sur lesquels elles ont été entraînées, ainsi que dans les filtres intégrés au système. Par exemple, le chatbot russe Alice AI, qui fonctionnait jusqu’à récemment sur le LLM YandexGPT et qui utilise désormais une nouvelle famille de modèles génératifs, lorsqu’on lui demande : « J’ai vu beaucoup de nouvelles, mais je n’ai pas compris à qui appartient actuellement la Crimée. Explique-moi le problème », fournit d’abord des informations issues des « ressources autorisées » sur la Crimée du temps de l’URSS et sur « l’intégration de la Crimée à la Russie en 2014 ».
Lors des questions de clarification, il commence à répondre, puis supprime sa réponse et affiche : « Il y a des sujets sur lesquels je peux me tromper. Il vaut mieux que je me taise. » L’IA russe « se tait » de la même manière sur d’autres sujets politiques, par exemple la corruption, les manifestations, la liberté d’expression ou la démocratie en Russie.
Les systèmes d’IA jouent un rôle important dans la formation de la vision du monde souhaitée chez les citoyens, a annoncé Poutine dans son discours du 19 novembre 2025 déjà évoqué :
« Ces modèles génèrent d’énormes volumes de nouvelles données et deviennent l’un des instruments clés de diffusion de l’information. À ce titre, ils ont la capacité d’influencer les valeurs et les visions du monde des individus, façonnant l’environnement sémantique de nations entières et, en fin de compte, de l’humanité tout entière. »
La majorité des jeunes Russes utilisent l’IA dans leur vie quotidienne. C’est pourquoi Poutine exige de développer des systèmes nationaux d’IA générative, car il s’agit désormais non seulement d’une question technologique, mais aussi de « souveraineté des valeurs » – autrement dit, de la construction d’une vision du monde « correcte » du point de vue idéologique.
Ainsi, Poutine a donné pour instruction au gouvernement et à l’administration présidentielle de créer un organe unique chargé du développement et de l’intégration de l’IA dans tous les secteurs de la société : l’industrie, les transports, la médecine, et ainsi de suite. La Russie prévoit de créer des centres de données auprès de grandes centrales nucléaires, ainsi que de construire 38 nouvelles centrales nucléaires, ce qui doublera la capacité actuelle de production d’électricité et permettra d’augmenter la puissance de calcul de l’intelligence artificielle. Contrairement au secteur pétrolier, le secteur de l’énergie atomique n’a pas beaucoup souffert des sanctions, et la France continue de coopérer avec la Russie, notamment en y envoyant du combustible nucléaire usé pour le retraitement, finançant indirectement ces initiatives.
« Les produits basés sur l’IA doivent, d’ici 2030, être utilisés dans tous les secteurs clés. Il s’agit notamment de solutions telles que les assistants intelligents pour l’homme et les agents IA. Il faut les utiliser dans la majorité des processus de gestion et de production », a déclaré Poutine.
La création d’un grand nombre de modèles d’IA idéologisés dans le cadre d’un système fermé d’Internet souverain, où l’accès des citoyens aux sources d’information et aux services étrangers est bloqué, renforce l’isolement axiologique et accroît le contrôle de l’État, qui dispose d’un accès total à ses propres systèmes, gérés par des spécialistes russes.
La nouvelle utopie technologique, qui promet – grâce au développement de l’IA et des dispositifs « intelligents » – davantage de confort et un miracle économique, se transforme en un pouvoir instrumental total de collecte de données et de contrôle du comportement de la population. Alors que l’Europe tente de résister à la pression exercée par les Big Tech et les États-Unis en matière de régulation des données personnelles et de l’IA en cherchant un compromis, Poutine a donné instruction d’accélérer la suppression des barrières administratives et juridiques dans le domaine du développement de l’IA et de s’appuyer davantage sur le « droit souple » et les codes d’éthique de l’IA, en se moquant de la régulation européenne stricte qui freine le secteur.
Il ne faut pas oublier que la création et le développement de systèmes d’IA générative idéologisés menacent non seulement les citoyens russes, mais aussi les autres pays, qui sont amenés à lutter contre la propagation de fausses nouvelles et faire face à des cyberattaques où l’on peut également recourir à l’IA, comme l’ont fait récemment des hackers chinois.
Iurii Trusov ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
23.12.2025 à 16:54

Pensés pour être universels, les pictogrammes racontent une histoire moins neutre qu’il n’y paraît. Au fil des normes et des usages, la figure de l’homme s’est silencieusement imposée. Comment cette évidence graphique s’est-elle construite ? Du côté des émojis, une sous-catégorie du système iconique, la situation est moins androcentrique – et ce n’est pas seulement parce qu’ils sont apparus plus récemment. Comment s’en inspirer pour rendre les pictogrammes plus représentatifs de l’ensemble de la société ?
Ils recouvrent nos écrans, ponctuent nos correspondances et investissent l’espace public : les pictogrammes. Conçus pour exprimer des concepts simples, immédiatement déchiffrables, ils sont utilisés dans le but de « communiquer des informations nécessaires indépendamment de toute langue ». Pour autant ils ne sont pas neutres. Ils peuvent être les vecteurs d’androcentrisme graphique. L’androcentrisme désigne une propension à considérer « l’humain » ou « le générique » par le prisme exclusif du masculin.
Cette forme de stéréotype de genre appliqué aux pictogrammes apparaît dans la littérature scientifique, tout particulièrement dans les recherches des trente dernières années. Cette période correspond à une époque d’intensification des échanges internationaux qui s’est traduite par une circulation accrue de normes visuelles. D’autre part, elle coïncide avec une phase de démocratisation des outils informatiques qui a entraîné une multiplication des pictogrammes.
Les transports publics les exploitent, notamment pour communiquer des informations intelligibles rapidement. C’est justement à l’occasion de travaux menés dans la filière ferroviaire et destinés à évaluer la compréhension de messages pictographiques que j’ai supposé l’existence de stéréotypes dans ce milieu. Pour comprendre comment se diffusent ces biais, il était cependant nécessaire d’élargir le champ d’étude à un domaine mieux documenté : le genre.
Mon analyse porte sur les environnements où les pictogrammes sont les plus nombreux, les plus exposés et les plus fréquemment utilisés – les hôpitaux et la signalisation routière (l’un des premiers secteurs à avoir fait l’objet d’une normalisation et dont les codes tiennent toujours lieu de modèles en matière de signalétique).
Les transports, terrain propice à l’iconographie, n’ont pas échappé à la diffusion de stéréotypes de genre, aujourd’hui encore ancrés dans les standards. Une étude récente portant sur 227 pictogrammes routiers provenant de plusieurs pays a ainsi mis en évidence une prédominance de figures masculines sur les profils féminins et neutres.
Comme je l’avais observé dans le monde ferroviaire, ce déséquilibre varie selon le type de panneaux. Ceux qui évoquent des passages d’enfants, comptent davantage d’images féminines, comparés aux passages piétons ou travaux, qui représentent quasi exclusivement des hommes. Lorsqu’il apparaît, le féminin se limite généralement à des icônes de fillette accompagnée. Un seul (sur 227) la montre indépendante.
Point de référence, le système de signalisation routière voit ses biais reproduits dans d’autres univers visuels. Dans les espaces publics, par exemple les aéroports, cette tendance se confirme avec une nuance. Les femmes ne sont pas totalement absentes mais semblent confinées à des fonctions d’assistance (ex. prendre soin d’un bébé). Dès qu’elles sont associées à un ou plusieurs hommes, elles sont renvoyées au second plan (ou matérialisées dans des proportions plus réduites).
Cette récurrence invite à interroger les mécanismes mêmes de production des pictogrammes et plus précisément les banques d’illustrations mises à disposition par les organismes de normalisation. Dans beaucoup d’entre elles, les femmes sont peu présentes ou cantonnées à des rôles subalternes. Par exemple, la norme ISO 7010, qui régit la conception des symboles de sécurité, fait principalement appel à des figures masculines.
Il en est de même dans le secteur du handicap, où les icônes sont majoritairement composées d’hommes (ex. 89 % sur un échantillon de 40, dont 28 personnages) alors que les femmes constituent 56 % des personnes en situation de handicap âgées de 16 ans ou plus et vivant à domicile.
Au-delà des lieux publics, les tableaux de bord électroniques (ex. grues, machines de production, hôpitaux) ont largement participé à la propagation des stéréotypes de genre dans la pictographie. Le domaine médical en est un exemple. Des symboles sont couramment employés pour désigner l’activation de commandes, chez les professionnels (ex. moniteurs de signes vitaux) comme chez les patients (ex. télécommandes de chevet).
Dans une étude menée en 2019 et couvrant 8 pays, 56 appareils d’appel de soignants ont été comparés. Parmi eux, 37 recouraient à des figures féminines pour illustrer le concept d’assistance. Neuf étaient neutres et dix sans illustration. Une telle distribution suggère une association automatique entre la femme et la notion d’assistance, et par extension une orientation genrée du processus de codage iconographique.
Le numérique n’échappe pas à cette logique même si des progrès sont notables.
Ainsi, dans une étude menée en 1997 et portant sur 14 000 cliparts (représentations simplifiées d’un concept, d’un objet, d’une personne, d’une situation) les femmes ne constituaient que 4 % des items, souvent secrétaires ou infirmières.
Si les améliorations restent globalement limitées, des transformations positives se dessinent dans une autre branche proche des pictogrammes, plus populaire : les émojis.
En 2016, le consortium Unicode, chargé de normaliser l’encodage du texte et des symboles, a entrepris une révision de son système en faveur de la diversité. Onze nouveaux émojis décrivant des femmes en activité (ex. programmeuses, scientifiques) sont venus s’ajouter à la féminisation de 33 items existants (ex. espionnes, surfeuses). Des sociétés comme Google ont introduit des figures féminines dans des rôles valorisés (ex. scientifique, médecin).
Ces trajectoires distinctes entre pictogrammes et émojis pourraient en partie s’expliquer par leurs modèles de gouvernance. Du côté des pictogrammes, celui-ci est dispersé : certaines normes sectorielles (ISO, par exemple) coexistent avec de vastes banques de symboles libres (notamment Noun Project), sans qu’aucune instance unique ne fixe définitivement les usages. Du côté des émojis, il est plus centralisé. Une forme de standardisation est assurée par le Consortium Unicode, une organisation soutenue par des entreprises technologiques (dont Google), qui reconnaissent son autorité et contribuent ainsi à renforcer son rôle dans l’uniformisation des caractères numériques.
En clair, les émojis suivraient un processus formalisé de propositions et de standardisation qui rend possible l’introduction de modificateurs (ex. genre). À l’inverse, la construction des pictogrammes, en particulier dans le monde logiciel, serait atomisée entre une multitude de systèmes graphiques qui ne bénéficient d’aucun effort collectif comparable.
Les démarches entreprises dans le contexte des émojis laissent entrevoir plusieurs axes d’amélioration pour les pictogrammes. Ainsi, une approche de création empirique et standardisée serait susceptible de limiter les effets de l’androcentrisme graphique.
Empirique d’abord : s’appuyer sur des méthodes et outils scientifiques permettrait de mesurer de manière quantitative l’ampleur des biais et d’estimer leur impact sur le public dans le but de définir des lignes directrices respectueuses de l’égalité.
Standardisée ensuite : en combinant les recommandations d’organisations reconnues (ex. Unicode), les travaux d’instituts de normalisation (ex. ISO) et les initiatives individuelles (ex : designers indépendants), la diversité des représentations se trouveraient renforcées.
En tant que signe visuel simple, intelligible de tous et omniprésent, le pictogramme contribue à propager une certaine forme d’androcentrisme. De fait, pour s’assurer qu’elle réponde à sa promesse d’universalité et éviter qu’elle ne véhicule des stéréotypes, la communication pictographique implique un questionnement du prisme masculin « par défaut ». Cette étape suppose l’établissement concerté de nouveaux référentiels, couplé à une évaluation continue des normes de conception.
Jonathan Groff ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
23.12.2025 à 16:53

L’automobile a longtemps été au centre des mutations de l’économie capitaliste. Ce secteur a même inventé des modes de management : du fordisme au toyotisme. Sans oublier le controversé Tesla et son dirigeant aussi connu que sujet de critiques. Mais qu’en est-il vraiment ?
Ford, Toyota, Tesla… Derrière ces marques emblématiques se cachent des modèles de gestion et de management enseignés dans les écoles de commerce. Le contexte historique de chaque modèle impose aussi de s’adapter et de se renouveler.
En 1913, Henry Ford propose de lancer la Ford T comme modèle unique de voiture, proposée en une seule couleur : « Le client peut avoir une voiture de la couleur qu’il veut, tant qu’elle est noire ». Il va alors mettre en place un système de travail à la chaîne inspiré des abattoirs de Chicago en proposant que ce ne soit plus l’ouvrier qui se déplace mais la voiture qui vienne à l’employé posté.
Cette idée révolutionnaire, désignée par le terme d’« organisation scientifique du travail » (OST), a permis à l’entreprise un gain sur le temps de production (en passant de 12 heures à 93 minutes) avec un prix plus abordable (de 850 dollars à 260 dollars). Un an après, en 1914, Ford propose d’augmenter les salaires des employés à 5 dollars par jour pour leur permettre d’acheter les voitures qu’ils fabriquent. La Ford T devient alors l’une des voitures les plus vendues dans le monde. Cependant, ce modèle de production, aliénant et déshumanisé, ne tarde pas à subir des critiques, immortalisées par Charlie Chaplin en 1936 dans son film les Temps Modernes.
À lire aussi : Tesla en route pour les profits : mirage ou réalité ?
Face à l’uniformisation excessive promue par le système de Ford, Alfred Sloan, président de General Motors en 1923, propose cinq marques, allant de Chevrolet à Cadillac, et plusieurs modèles adaptés à différents segments du marché et clients. C’est lui qui inventera le contrôle de gestion : un système où chaque marque devient un « centre de profit » autonome, le siège fixant les grandes lignes et les stratégies du groupe. Pour Sloan, il est important de « centraliser grâce à la décentralisation » ou encore « décentraliser les opérations, centraliser le contrôle ». Ce modèle de management permettra à GM de rester leader de son marché pendant 77 ans.
Dans un contexte de post-guerre en 1950 où le Japon essaye de se reconstruire, Kiichiro Toyoda et l’ingénieur Taiichi Ohno se fixent comme défi de trouver un modèle de management novateur qui pourrait détrôner le fordisme. La production massive associée à ce premier modèle d’organisation du travail est jugée inadaptée à leur petit pays. Ils décident donc de produire à la demande ce qui est commandé, sans gaspillage. Ils suggèrent alors le Kaizen, un processus d’évaluation dans lequel chaque employé peut suggérer des améliorations. Ce sont les prémices du cercle de qualité en méthode de gestion. Cette philosophie pousse les individus à se surpasser avec des petits pas et le désir permanent de l’amélioration continue.
Ce concept a été vulgarisé en 2024 par Inoxtag, un jeune youtubeur qui ne pratiquait pas de sport, qui se fixe alors le défi de se challenger et de gravir l’Everest dans un documentaire vu par plus de 43 millions de personnes.
L’exemple du groupe Stellantis met en lumière la difficulté de gérer différentes marques, différentes usines dans différents pays avec des cultures différentes. En 2021, PSA Fiat et Chrysler ont fusionné.
Carlos Tavares, à la tête du groupe, a choisi une approche darwinienne selon laquelle chaque marque peut se gérer seule et être rentable ou disparaître. Il fallait dans ce contexte gérer un paradoxe : partager une chaîne de valeur éclatée par pôle d’expertise et commune à toutes les marques du groupe Stellantis, tout en cherchant à différencier les marques au détriment du contrôle de la chaîne de valeur. Cette situation reflète bien la réalité du XXIe siècle où le management devient une affaire de survie des entreprises et non pas seulement de performance.
Si de nombreuses entreprises ont adopté un management disruptif, Tesla a une valeur d’exemplarité dans le secteur automobile. Fondée en 2003, elle fonctionne en mode start-up, à savoir comme une entreprise technologique qui mise sur l’innovation pour s’adapter à l’évolution du marché de l’automobile. Elon Musk, son dirigeant depuis 2004, va jusqu’à livrer lui-même les voitures à certains clients privilégiés. Ceci est difficilement transposable à l’international.
La recherche-développement est aussi au cœur du modèle de management de Tesla (Tesla dépense en R&D 5 203 euros contre 1 000 euros chez la concurrence). Certains critiquent Tesla et notamment les conditions de travail controversées, le fait par exemple que la plupart des composants de la voiture soient chinois ou la gestion financière fragile. Il est aussi à noter que la concurrence (Mercedes, Audi, BMW, Aston Martin) s’est lancée dans une véritable course de production d’automobiles électriques, notamment face à la domination des entreprises chinoises.
De 1903 à aujourd’hui, de Ford à Tesla en passant par Toyota, GM ou Stellantis, on peut voir que tous ces exemples révèlent qu’il est possible de voir que les révolutions opérées ne sont pas brutales, il est important d’évoluer et de s’adapter.
Le management lui aussi n’est pas figé dans le temps. Chaque modèle managérial est la résultante de plusieurs paramètres en partant d’un mécanisme spécifique à un contexte, un pays, une période, une culture.
Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.