Think-tank citoyen et média indépendant
Publié le 18.11.2025 à 05:30
Liban, Syrie, Iran… Là où les droits humains s’effondrent
Elena Meilune
Publié le 17.11.2025 à 22:11
Retraites : le cadeau empoisonné de Gabriel Attal
Simon Verdiere
Publié le 14.11.2025 à 14:48
Train, prud’hommes et nutri-score : les 10 bonnes nouvelles de la semaine
Maureen Damman
Publié le 14.11.2025 à 14:31
Philharmonie, patronat et Perenco : les 10 actualités de la semaine
Maureen Damman
Publié le 14.11.2025 à 05:00
Top 5 des bonnes raisons d’avoir tort
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Publié le 13.11.2025 à 12:03
Sur la page du Figaro, on fête la mort de 42 personnes noyées
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Publié le 13.11.2025 à 05:00
Jean-Christophe Anna : « La révolution sera biorégionale ! »
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Publié le 12.11.2025 à 05:00
Des solutions pour sauver les forêts françaises
Mr Mondialisation
Publié le 11.11.2025 à 08:25
Mythe du « bon sens paysan » : la manipulation de l’extrême droite
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Publié le 10.11.2025 à 12:28
Le Soudan, champ de bataille des puissances étrangères
Mr Mondialisation
Publié le 18.11.2025 à 05:30
Liban, Syrie, Iran… Là où les droits humains s’effondrent
Mr Mondialisation
Alors que les projecteurs du monde se détournent, le Moyen-Orient s’asphyxie dans le silence. Derrière les discours de stabilité et de modernisation, s’étendent des crises humaines étouffées : répression politique, effondrement social, exécutions massives et guerres sans fin.
Après avoir exploré dans un précédent article les drames qui secouent Gaza, le Yémen et l’Afghanistan, trois foyers emblématiques d’un effondrement humain et politique, il est temps de braquer la lumière sur d’autres pays au cœur du Moyen-Orient, où les droits humains s’effacent dans l’indifférence des puissances qui prétendent défendre la liberté.
Ces tragédies forment un même tableau : celui d’un ordre régional fragmenté, dominé par la violence et l’impunité. Israël, puissance militaire soutenue par les États-Unis, joue un rôle central dans nombre de ces drames – de la Palestine au Liban, en passant par la Syrie – pendant que les régimes autoritaires renforcent leur emprise au nom de la « sécurité » et du « progrès ». Dans cet entrelacs d’intérêts, d’occupations et de résistances, ce sont toujours les populations civiles qui paient le prix du silence international.
Liban : naufrage d’un pays épuisé
Le Liban s’enfonce dans une crise multiforme qui conjugue effondrement économique (un des plus graves au monde depuis les années 1850), paralysie institutionnelle, tensions géopolitiques et violations graves des droits humains. Environ 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, contre 28 % avant la crise économique de 2019.
En 2023, 2,5 millions de personnes – dont 700 000 enfants – avaient déjà besoin d’une aide humanitaire. La même année, plus de 26 % des ménages déclaraient que leurs enfants n’étaient plus scolarisés. Plus de 16 % des familles envoient leurs enfants travailler. Au moins 250 000 libanais·es, principalement des jeunes diplômé·es, ont quitté le pays durant ces cinq dernières années. La crise économique a entraîné une augmentation des violences faites aux femmes.
Les infrastructures publiques sont à l’agonie : système de santé au bord du gouffre, pénuries massives de médicaments, écoles en sous-effectifs, coupures d’électricité récurrentes… L’explosion du port de Beyrouth en août 2020 reste un symbole puissant de cet effondrement ; cinq ans après, aucune justice véritable n’a été rendue selon Humans Right Watch.
La crise sociale se double d’un vide institutionnel, d’une corruption endémique et d’une érosion accélérée des libertés publiques. Les réfugié·es syrien·nes sont victimes de détentions arbitraires, de tortures et d’expulsions forcées.
L’armée israélienne, soutenue par les États-Unis, mène une escalade militaire au sud du Liban depuis 2023, saccageant des villages, occupant cinq positions sur les hauteurs frontalières et imposant un « zone tampon » qui empêche le retour de dizaines de milliers d’habitants. Des frappes israéliennes quasi-quotidiennes se sont poursuivies malgré un cessez-le-feu signé avec le Hezbollah en 2024.
« La destruction massive et délibérée par l’armée israélienne de terres agricoles et de biens civils dans le sud du Liban doit faire l’objet d’une enquête pour crimes de guerre » – Amnesty International
Le FINUL (Force intérimaire des Nations unies au Liban), déployée depuis 1978 pour stabiliser la zone, voit son mandat prolongé pour la dernière fois avant un retrait prévu fin 2027, sous la pression combinée d’Israël et des États-Unis.
Syrie : effondrement, recomposition et fractures ouvertes
Quatorze ans après le déclenchement d’une guerre civile d’une violence inouïe, la chute du régime de Bachar al-Assad en décembre 2024 a ouvert une période de transition chaotique. Environ 16,5 millions de Syrien·nes – dont 7,4 millions d’enfants – ont encore besoin d’une aide humanitaire. Il s’agit d’une des plus grandes crises de déplacement au monde avec plus de 6 millions de réfugié·es à l’étranger et au moins 7 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays. 80 % des infrastructures du pays sont détruites.
Les minorités ethniques et religieuses (notamment les communautés kurde, alaouite, druze et chrétienne) continuent d’être persécutées. En juillet 2025, Amnesty International a documenté les enlèvements d’au moins 36 femmes et filles (âgées de 3 à 40 ans) de la communauté alaouite.
Dans ce contexte, Israël a largement exploité la chute du régime Assad. Les forces israéliennes contrôlent depuis une zone tampon démilitarisée de 400 km² à l’intérieur de la Syrie. Tsahal a établi neuf postes militaires en territoire syrien et a mené des centaines de bombardements sur la Syrie depuis décembre 2024, notamment dans le sud du Damas cet automne. Israël occupe également toujours le plateau du Golan, annexé en violation du droit international après la guerre des Six Jours (1967).
Le territoire syrien est ainsi divisé : des zones sous contrôle du nouveau gouvernement officiel, des régions autonomes kurdes au nord-est, des espaces d’influence étrangère et des zones d’occupation étrangère.
Le 13 octobre 2025, les Kurdes syriens sont parvenus à trouver un « accord de principe » avec Damas pour intégrer leurs troupes au sein des forces de sécurité syriennes, dans un contexte sécuritaire toujours miné par les attaques des groupes islamistes armés. Si cet accord marque une tentative d’apaisement, il ne suffit pas à stabiliser un pays où la résurgence de Daech demeure une menace constante.
Bien que l’État islamique ait perdu son « califat » territorial, des cellules djihadistes dormantes continuent d’opérer dans plusieurs zones du nord et de l’est du pays. Les conditions de misère, l’absence d’État de droit et les tensions communautaires nourrissent ce terrain propice à la reconstitution de foyers extrémistes. Les institutions demeurent extrêmement fragiles. Selon Najat Rochdi, une des principales responsables de l’ONU sur le dossier syrien :
« La Syrie demeure au bord de l’asphyxie »
D’après elle, l’absence des femmes dans les institutions « freine la reconstruction politique », et ce malgré leurs sacrifices immenses pour maintenir la société debout. Cette marginalisation n’est pas nouvelle. L’histoire des guerres, comme celle des reconstructions, tend à effacer le rôle des femmes, réduisant à l’ombre celles qui fait tenir debout des communautés entières pendant que les bombes tombaient, puis qu’on a oubliées dès que les hommes sont revenus écrire l’histoire.
Au cœur du chaos syrien, les femmes kurdes incarnent avec force cette mémoire occultée. Elles ont été en première ligne contre les djihadistes, payant un lourd tribut dans la lutte contre l’État islamique. Leur engagement, à la fois militaire et émancipateur, a contribué à la chute du « califat », sans pour autant trouver la reconnaissance qu’il mérite. Aujourd’hui encore, leur combat rappelle une évidence trop souvent ignorée : aucune reconstruction durable ne peut se faire en effaçant la moitié du peuple.
Cisjordanie : colonisation, impunité et vie sous occupation
Occupée par Israël depuis 1967, la Cisjordanie subit une violente répression qui s’est intensifiée ces deux dernières années dans un climat d’impunité totale. Depuis le 7 octobre 2023, la violence des colons et de l’armée israélienne s’est accrue de manière spectaculaire.
Selon l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), plus de 1 000 Palestinien·nes – dont environ 200 enfants – ont été tué·es dans le territoire depuis cette date. Des dizaines de villages palestiniens ont été vidés de leurs habitants sous la menace directe des colons ou à la suite de démolitions ordonnées par l’armée.
Selon Oxfam, l’expansion des colonies israéliennes atteint aujourd’hui un niveau sans précédent : plus de 700 000 colons vivent en Cisjordanie – dans des implantations toutes illégales au regard du droit international – et se livrent quasi-quotidiennement à des exactions contre les Palestinien·nes (démolition de maisons, villages brûlés, harcèlement, violences physiques, meurtres…) avec la protection de l’armée israélienne.
Le 22 octobre 2025, le Parlement israélien a approuvé en lecture préliminaire des projets de loi d’extrême droite visant à annexer purement et simplement le territoire, où vivent 3,4 millions de Palestinien·nes privé·es de tout droit politique effectif.
Iran : répression sanglante et effondrement des droits fondamentaux
L’Iran traverse une période d’autoritarisme renforcé après les grandes mobilisations de 2022 sous le slogan Femme, Vie, Liberté, suite à la mort de Mahsa Amini. Des centaines de personnes ont été exécutées cette année-là et 15 000 arrêtées. En mars 2023, Mr Mondialisation publiait un article sur le peuple iranien en quête d’une révolution inachevée.
Et la situation n’a cessé d’empirer depuis. L’espace civique est pratiquement inexistant : la liberté d’expression, les médias, les organisations de la société civile et les mouvements de femmes sont étroitement surveillés et réprimés. Depuis début 2025, la répression contre les femmes et les filles, mais aussi les défenseur·es des droits des femmes s’est globalement intensifiée : arrestations arbitraires, violences physiques, poursuites judiciaires iniques, exécutions…
Selon Amnesty International, plus de 1 000 personnes ont été exécutées depuis le début de l’année, taux le plus élevé depuis au moins 15 ans. La peine de mort comme instrument de répression pour écraser tout potentielle contestation est devenue systématique depuis 2022. Les minorités religieuses et ethniques sont aussi lourdement ciblées, en particulier les minorités kurdes et baloutches, dans une indifférence internationale grandissante.
Le 3 avril 2025, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a prolongé et élargi le mandat de la mission d’enquête internationale sur l’Iran pour documenter et conserver des preuves des violations des droits humains en vue de poursuites futures.
L’escalade militaire entre l’Iran et Israël a contribué à cette nouvelle phase d’instabilité. En juin 2025, des frappes israéliennes massives ont visé notamment des sites militaires et nucléaires iraniens, mais aussi des infrastructures civiles (causant 224 morts et plus de 2 500 blessés, dont 90 % de civils). L’Iran a répliqué, frappant à son tour des infrastructures civiles en Israël. Cette confrontation, l’une des plus graves entre les deux pays, a aggravé la crise humanitaire et renforcé le discours sécuritaire du régime, qui instrumentalise la guerre pour justifier la répression intérieure et resserrer son contrôle sur la population.
Irak : stabilité trompeuse, oppression persistante et marges laissées à l’effondrement
Vingt ans après l’invasion américaine de 2003, l’Irak peine encore à se relever des conséquences d’une guerre qui a désintégré ses institutions et fracturé sa société. La chute du régime de Saddam Hussein, l’occupation militaire et la politique de débasification ont plongé le pays dans un vide politique – une cause majeure de l’émergence de l’État islamique.
L’Irak affiche une apparente stabilité après la lutte contre Daech, mais les défis restent massifs : un appareil d’État affaibli, des milices omniprésentes, une justice paralysée et une crise humanitaire persistante avec plus d’un million de personnes toujours déplacées (dont près de 150 000 vivent dans des camps ouverts). Les besoins humanitaires demeurent élevés. Selon Amnesty International, l’impunité demeure la règle pour les violations commises pendant et après les opérations militaires contre l’État islamique : des milliers de disparitions forcées restent non élucidées.
La liberté d’expression et les activités de la société civile sont de plus en plus encadrées : les autorités ont multiplié les arrestations pour « contenu indécent », ont harcelé et menacé des journalistes au Kurdistan irakien et restent d’une rare lenteur dans les réparations des victimes de violences d’État.
Arabie saoudite : modernisation de façade, autoritarisme consolidé
Derrière l’image de modernisation véhiculée par le régime de Mohammed ben Salmane (MBS), l’Arabie saoudite reste l’un des États les plus autoritaires du monde. Sous couvert de réformes économiques et sociales, le pouvoir a renforcé la surveillance, la censure et la répression politique. Selon un rapport d’Amnesty International, le royaume a procédé à au moins 345 exécutions en 2024, le double par rapport à l’année précédente. Plus de cent étrangers ont aussi été exécutés depuis le début de cette année 2025. À ce propos, Agnès Callamard, Secrétaire générale d’Amnesty International, explique :
« L’Arabie saoudite fait partie des pays qui ont le plus recours à la peine de mort au monde. Ceux et celles qui osent défier les autorités se retrouvent face au châtiment le plus cruel qui soit, en particulier en Iran et en Arabie saoudite, où la peine de mort est utilisée pour faire taire les personnes assez courageuses pour s’exprimer. »
Sur le plan des libertés, le système judiciaire saoudien continue de se servir de la loi antiterroriste pour museler la dissidence, tandis que les femmes, les migrant·es et les membres de la minorité chiite sont soumis à des discriminations structurelles. L’Arabie saoudite n’a aucune loi contre les discriminations. La loi maintient au contraire les femmes sous la tutelle des hommes, et inclut des dispositions qui facilitent les violences domestiques et les abus sexuels dans le cadre du mariage.
Derrière les gratte-ciels de Riyad et les promesses de « Vision 2030 », le pays repose sur un système d’exploitation extrême des travailleurs migrant·es soumis·es à des conditions proches de l’esclavage.
– Elena Meilune
Photographie d’en-tête : Des femmes et des enfants parmi les réfugié·es syrien·nes en grève sur le quai de la gare de Budapest-Keleti, Hongrie. 4 septembre 2015 @ Wikimedia Commons
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Retraites : le cadeau empoisonné de Gabriel Attal
Mr Mondialisation
Critiqué depuis sa mise en place par la grande bourgeoisie, notre système de retraite par répartition, où chacun cotise en fonction de ses moyens et touche selon ses besoins, est à nouveau dans le viseur du camp Macroniste. L’ancien premier ministre Gabriel Attal projette ainsi de supprimer l’âge de départ à la retraite pour bifurquer vers un procédé par capitalisation.
« C’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches », écrivait Victor Hugo en 1869. Plus de 150 ans plus tard, cette citation demeure plus que jamais d’actualité, tant les libéraux semblent décidés à abolir notre appareil social. Le fonctionnement par répartition est donc plus que jamais en ligne de mire.
Le pied de la capitalisation dans la porte
Les éléments de langage libéraux, repris en chœur sur les plateaux de télévision, ne manquaient pas pour faire avaler la pilule aux Français. Notre système de retraite serait « trop compliqué », « personne n’y comprendrait rien », et évidemment, il ne serait « pas soutenable ». Il serait donc grand temps « d’introduire une dose de capitalisation ».
Dans les faits, comme pour l’assurance santé, il s’agit d’un démantèlement progressif qui d’année en année grignote le système de retraites actuel. La capitalisation mettra ainsi fin au dispositif collectif au profit d’un fonctionnement individuel où les plus fragiles d’entre nous finiront sur le carreau, ainsi que Mr Mondialisation l’expliquait dans un précédent article.
Des fonds de pension dès la naissance
Mais avec son amendement, qui reprend une proposition déjà présentée l’été dernier, Gabriel Attal entend créer un compte à chaque bébé français, et ce, dès la naissance. Chacun se verrait alors crédité d’un « cadeau » de l’État (en réalité, payé par les classes populaires) à hauteur de 1 000 €, ce qui « relancerait la natalité » selon certains médias. Une caisse que les parents et grands-parents seraient ensuite libres d’alimenter jusqu’aux 18 ans de l’enfant, avec des abattements fiscaux à la clef.
Derrière cette rhétorique paternaliste et simpliste se cache une attaque totale contre notre structure solidaire. Car ce compte, qui ne serait pas accessible avant la retraite, dépendrait, dans les faits, directement de placements financiers aléatoires et des moyens familiaux, transmis de génération en génération.
Entre les mains de la finance
Autrement dit, c’est d’une part l’aptitude économique individuelle tout au long d’une vie et, d’autre part, le monde de la finance qui déterminerait combien d’argent ce « compte retraite » contiendrait au moment du départ.
Pour une personne aisée, en mesure de placer beaucoup de liquidités durant son existence, l’issue sera probablement confortable. En revanche, pour un individu précaire, dans l’impossibilité d’épargner, la caisse resterait désespérément vide. Pire, un dérèglement boursier pourrait faire s’effondrer le capital, comme ce fut le cas pour les fonds de pension américains lors de la crise de 2008.
Gabriel Attal en rajoute une couche : la fin de l’âge de départ à la retraite. Dans ces conditions, rester en emploi jusqu’à un âge beaucoup plus avancé n’incarnera plus une option, mais une obligation. La doctrine macroniste n’a d’ailleurs jamais caché son mantra : « il faut travailler plus ». À condition que vous en soyez encore physiquement capable.
Occuper le débat public
Fort heureusement, ce type d’amendement n’a pour le moment aucune chance d’être adopté en l’état des forces de l’Assemblée nationale. Pour autant, il ne faut pas s’y méprendre, il s’agit bien entendu d’une forme de communication et de propagande destinée à élargir la fenêtre d’Overton.
Car dans le même temps, les grands médias de milliardaires passent leur temps à assurer que notre système par répartition ne serait pas soutenable et que la capitalisation serait inévitable. Il suffisait d’ailleurs de voir comment la presse s’est ruée sur la proposition de l’ex-Premier ministre, pourtant assez confidentiel.

Gloire à la finance
Ces mêmes médias n’hésitent pas non plus à s’appuyer sur des sondages aux questions orientées pour faire dire « aux Français » qu’ils seraient favorables à l’introduction de la capitalisation. Aucun d’entre eux ne précisera non plus que la soutenabilité d’un système dépend uniquement de la part des richesses qu’une nation souhaite y consacrer.
Bien sûr, ce genre d’enquête d’opinions, telle que celle d’Elabe ou celle d’Harris Interactive, n’explique pas ce qu’implique concrètement la retraite par capitalisation et ses « placements financiers ». Elle est simplement présentée comme un « complément de revenu », ce qui, somme toute, peut sembler raisonnable pour un néophyte, d’autant plus dans un contexte dans lequel on nous répète à longueur de journée que la façon de faire actuelle n’est pas viable.
Confier l’avenir des vieux jours à des multinationales privées qui exploitent les vies des travailleurs pour engranger des profits apparaît sans doute désirable aux représentants des classes bourgeoises. Et face au pouvoir de l’argent, il faudra encore une fois résister pour défendre le modèle social actuel.
– Simon Verdière
Photo de SHVETS production. Pexels.
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Train, prud’hommes et nutri-score : les 10 bonnes nouvelles de la semaine
Mr Mondialisation
Vous n’avez pas eu le temps de suivre l’actu ? Voici 10 bonnes nouvelles à ne surtout pas manquer cette semaine.
1. Nouvelle ligne de train de nuit
Une nouvelle ligne de train de nuit reliera, à partir d’avril 2026, la gare de Bâle, près de la frontière française, à Malmö en Suède, via plusieurs arrêts en Allemagne et au Danemark. (France 3)
2. Les prud’hommes pour Suez et Veolia !
Des travailleurs sans-papiers, employés sans contrat ni protection par le sous-traitant NTI dans des centres de tri des déchets en Île-de-France pour le compte de Veolia et Suez, saisissent aujourd’hui les prud’hommes afin de faire reconnaître leur préjudice. (Reporterre)
3. Nutri-score pour tous (les produits)
Budget de la Sécu 2026 : l’Assemblée nationale a adopté 2 amendements imposant l’affichage obligatoire du Nutri‑Score sur les emballages alimentaires sous peine d’une contribution de 5 % du chiffre d’affaires. Elle a également adopté une taxe pour les entreprises utilisant de l’hexane dans la production d’huiles végétales. (Reporterre)
4. Surfeurs et écologistes main dans la main
En Vendée, un projet de surf-park à 250 mètres de l’océan, à Talmont-Saint-Hilaire, qui plus est sur une zone classée Natura 2000, suscite l’opposition de surfeurs et d’écologistes qui ont déjà mené 2 actions et promettent de continuer. 14 espèces sont menacées. (Reporterre)
5. Une station de ski qui ferme
La station de ski Céüze 2000 dans les Hautes-Alpes démonte ses remontées mécaniques pour promouvoir un tourisme de pleine nature. Il s’agit d’un tournant pour ce territoire, qui montrera peut-être la voie. (Geo)
6. Femmes = moins de conflits
La participation des femmes dans les accords de paix réduit jusqu’à 37 % le risque de reprise d’un conflit si elle est combinée à un leadership des Nations Unies. (The Conversation)
7. Les enfants dehors !
Une étude finlandaise montre que des enfants jouant dans des bacs à sable enrichis en sol forestier et exposés à une biodiversité microbienne accrue présentent une amélioration de leur microbiote cutané, intestinal et de leurs défenses immunitaires en quelques semaines seulement. (The Guardian)
8. Fin du charbon à Lamu au Kenya
La Environment and Land Court of Kenya a confirmé la révocation de la licence d’une centrale à charbon de 1 050 MW dans l’archipel de Lamu, jugée non conforme en matière d’évaluation environnementale et de participation publique. Le projet menaçait des mangroves, des herbiers de posidonie et des récifs coralliens protégés.(Mongabay)
9. Fin de la fourrure en Pologne
Les députés polonais ont voté l’interdiction de l’élevage d’animaux à fourrure, avec une fermeture progressive des fermes d’ici à 2033, ainsi qu’une interdiction immédiate de nouvelles installations.(30 millions damis)
10. Des élections législatives pacifiées en Irak
L’Irak traverse des élections législatives marquées par un climat relativement pacifique. Le retrait de Moqtada al‑Sadr de la vie politique, la présentation indépendante de l’Organisation Badr et l’affaiblissement des milices pro-Iran ont contribué à cette nouveauté. (Les-crises)
– Mauricette Baelen
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Philharmonie, patronat et Perenco : les 10 actualités de la semaine
Mr Mondialisation
Vous n’avez pas eu le temps de lire l’actu ? Voici les 10 infos à ne pas manquer cette semaine.
1. Des militants en désharmonie
Le Collectif Palestine Action France a perturbé un concert de l’Orchestre philharmonique d’Israël à la Philharmonie de Paris. Des militants ont affirmé avoir été violemment pris à partie par des spectateurs. (Politis)
2. PLFSS 2026 : un milliard offert au patronat, la Sécu trinque
Dans le projet de loi de la Sécurité sociale pour 2026, le gouvernement prévoit un transfert de 1,6 milliard d’euros de la branche » accidents du travail/maladies professionnelles » vers la branche générale de la Sécu, un discret mais coûteux cadeau au patronat… au détriment de la population. (Politis)
3. Préjudice écologique pour le groupe pétrolier Perenco
Les ONG Sherpa et Les Amis de la Terre ont assigné le groupe pétrolier Perenco en justice en France pour des » préjudices écologiques » commis en République démocratique du Congo. Le procès pourrait avoir lieu d’ici 2026-2027. Merci la presse indépendante ! (Disclose)
4. Galeries Lafayette ne s’associera pas à Shein
Le groupe Galeries Lafayette a mis fin à son contrat d’affiliation avec Société des Grands Magasins (SGM) concernant sept magasins provinciaux, après que SGM ait annoncé l’accueil de la marque Shein, un choix jugé incompatible avec l’image de la marque par Galeries Lafayette. (LSA-conso)
5. Cop30 avec les peuples autochtones ?
À la COP30 à Belém, les peuples autochtones revendiquent une place centrale dans les négociations climatiques : leur savoir ancestral et leur lien profond avec les écosystèmes sont présentés comme essentiels pour la lutte contre le dérèglement climatique. (Futura-sciences)
6. Des logements ? Non, des bureaux !
En France, plus de 9 millions de m² de bureaux sont vacants, dont plus de la moitié en Île-de-France : cette vacance immobilière symbolise la crise de l’espace urbain liée au télétravail, à la sur-offre de tertiaire et à la transformation des usages. Rendez les logements ! (LVSL)
7. Petits aéroports : les aides publiques profitent surtout aux low-cost et aux jets privés
Les aides publiques aux petits aéroports français profitent surtout aux compagnies low-cost, aux jets privés et aux grands patrons sur des lignes désertées, alors même que l’aviation intérieure régresse. (Vert)
8. Des raids racistes menés par l’extrême droite britannique (on en a déjà assez !)
L’UKIP (parti britannique d’extrême droite) organise des raids racistes contre des exilés sur le littoral français, notamment autour de Dunkerque. Des associations dénoncent un laisser-faire des autorités. (Basta!)
9. Toujours taxer les pauvres !
Le gouvernement envisage de supprimer partiellement la prime de Noël pour les foyers sans enfants tout en durcissant l’accès aux découverts bancaires. Des mesures qualifiées d’attaques contre les plus pauvres. Seules les personnes bénéficiaires de certains minima sociaux peuvent obtenir cette prime. (Frustration)
10. Non, ce n’est pas une blague !
TotalEnergies figure officiellement dans la délégation française à la COP30, avec cinq émissaires accrédités et des badges d’accès aux zones réservées aux négociateurs. (Mediapart)
– Mauricette Baelen
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Top 5 des bonnes raisons d’avoir tort
Mr Mondialisation
Dans un monde de plus en plus autocentré où la part de l’ego est prépondérante, admettre s’être trompé apparaît comme une grande difficulté pour beaucoup de personnes. Or, ce comportement empêche d’évoluer et donc de faire bouger la société, qui a pourtant radicalement besoin de changement. On vous présente cinq points pour une transformation positive.
Savoir se remettre en question et reconnaître ses erreurs présente bien des avantages, autant d’un point de vue individuel que collectif. Que ce soit pour s’affranchir du système capitaliste, mais aussi pour lutter contres ses propres biais et contre les écueils de ses certitudes. Un cheminement indispensable pour fonder des communautés plus juste et plus saine. Mr Mondialisation vous propose cinq raisons d’accepter d’avoir tort.
1. Résister à l’idéologie dominante
Admettre s’être trompé, c’est sortir d’une logique de compétition propre au capitalisme, comme si nos croyances étaient une marchandise à défendre. Faire cet effort, c’est donc déjà organiser une rupture avec le dogme de la « réussite » imposé par le néolibéralisme. Ce qui compte alors, ce n’est plus de « gagner » la bataille de la pensée, mais plutôt de rechercher la vérité en percevant un échange comme une réelle opportunité de s’améliorer et de partager des idées.
Dans cette ligne directrice, concéder que l’on peut faire fausse route, c’est aussi un premier pas vers la lutte contre un système dominant qui semble couler de source. Le capitalisme ne reconnaît d’ailleurs non seulement jamais ses erreurs, mais il impose également son fonctionnement comme la seule possibilité. Souligner les aberrations du capitalisme, c’est déjà contester la légitimité de son pouvoir.
Par là, en s’extrayant de cette logique, on se bat contre cette idéologie. En outre, il devient plus facile de lutter contre ses biais en admettant que notre propre façon de penser a été en partie forgée par le système dans lequel nous évoluons. De ce fait, se remettre plus souvent en question permet donc de déconstruire ses idées préconçues et d’ouvrir son esprit à des alternatives concrètes.
2. Se détacher de son ego
Reconnaître ses torts, c’est aussi apprendre à se détacher de son ego et à dépasser le culte du « moi ». Cette vanité, érigée en valeur centrale dans nos sociétés individualistes, constitue un piège de la pensée. Lorsqu’on fait passer sa fierté avant la recherche de justesse ou de vérité, on s’expose inévitablement à des erreurs de jugement.
Au contraire, cultiver une forme d’humilité — non pas comme effacement de soi, mais comme ouverture à la complexité — permet d’accueillir à la fois la raison et l’émotion dans notre manière de comprendre le monde. Car les émotions ne sont pas des obstacles à la lucidité : elles signalent nos valeurs, nos blessures, nos attachements, et peuvent nourrir une réflexion plus fine et plus humaine. L’enjeu n’est donc pas de juger sans émotion, mais de reconnaître ce que nos émotions nous apprennent sans qu’elles dominent entièrement notre regard.
Ainsi, remettre en question ses certitudes ne relève pas de la faiblesse, mais du courage.
L’autocritique, enfin, ouvre à la compréhension de l’autre plutôt qu’à sa domination. Elle constitue un outil précieux, y compris pour celles et ceux qui ont raison : savoir échanger sans attaquer, écouter sans se sentir menacé·e, favorise la réciprocité et la possibilité d’une remise en question mutuelle.
3. Renforcer la confiance et la coopération
Quelqu’un qui ne reconnaît jamais ses torts peut susciter de la méfiance. À l’inverse, être capable de se remettre en question favorise la confiance, puisque cela montre une forme d’ouverture d’esprit et de culture du dialogue. Cela permet également de gagner en crédibilité et d’être plus facilement pardonné.
La coopération entre les individus encourage forcément des modes de vie plus collectifs et plus justes. Par là, on navigue donc vers des sociétés plus horizontales où « ceux qui savent » feront preuve de plus de modestie et n’iront pas humilier ou écraser le reste de la population. Se remettre en question, reconnaître ses torts et s’excuser peut apaiser les interactions et être indispensable pour une véritable démocratie et des forces collectives durables.
4. Tirer des leçons
L’autocritique s’avère être un pilier de tout mouvement de transformation de la société. Parce qu’admettre ses erreurs, c’est également tirer des leçons pour l’avenir afin de ne pas les reproduire. À l’inverse, rester cantonné sur ses positions peut induire en erreur, sans aucune perspective d’évolution.
De plus, savoir se questionner évite un endoctrinement aveugle et une soumission à une personnalité forte ou à une idéologie qui imposerait sa vision au plus grand nombre (à ce titre, l’exemple de l’URSS est riche en enseignements). Par là, apprendre des échecs des organisations passées est une démarche précieuse.
5. Trouver de nouveaux chemins
S’il existe un refus idéologique de sortir d’un système dominant, qui est pourtant un échec sur beaucoup de plans, ce n’est pas uniquement à cause de l’influence médiatique ou du manque de démocratie, c’est bien aussi parce qu’il est compliqué pour beaucoup d’admettre avoir vécu dans l’erreur pendant de nombreuses années.
Néanmoins, cette acceptation est une des clefs d’une porte vers des systèmes alternatifs, des fonctionnements différents qui ne seraient plus considérés comme de simples utopies. Un cheminement d’autant plus difficile lorsque l’on a soutenu bec et ongle un champ politique.
Toutefois, même si cette évolution peut être lente, elle apparaît malgré tout comme indispensable pour s’extraire du fatalisme distillé par le capitalisme. Derrière les discours voulant nous inculquer une certaine forme de fatalité, il existe cependant une voie vers d’autres types de sociétés : décroissance, entraide, démocratie, etc. Une route qui passera nécessairement par des changements profonds de mentalité.
– Simon Verdière
Photo de couverture de Kindel Media
The post Top 5 des bonnes raisons d’avoir tort first appeared on Mr Mondialisation.Publié le 13.11.2025 à 12:03
Sur la page du Figaro, on fête la mort de 42 personnes noyées
Mr Mondialisation
On en est là. Éruptions de joie et autres expressions de réjouissances. 42 personnes se sont noyées en mer suite à un naufrage au large de la Libye, très loin de la France. Mais voilà, ces personnes ne sont pas françaises, ce qui semble justifier des commentaires d’une malfaisance confondante. L’information publiée par le Figaro a ainsi généré de nombreux commentaires de joie sur le réseau social du média qui n’effectue aucune modération de ces propos tombant pourtant sous le coup de la Loi. Tour d’horizon de cette haine devenue ordinaire sur fond de complotisme, de xénophobie et de radicalisation. Bienvenue au Figaro.


Hier 12 novembre 2025, le Figaro titrait : Naufrage au large de la Libye : 42 personnes présumées mortes. On apprend dans cet article que quarante-deux personnes sont décédées en mer après le naufrage d’une embarcation transportant plusieurs dizaines de migrants au large des côtes libyennes, selon un communiqué des Nations unies. Très loin de la France, donc.
Ce type de nouvelle est tristement banal. Entre 2 000 et 3 000 personnes meurent chaque année lors d’une tentative de traversée de la Méditerranée, principalement vers l’Italie, la Grèce ou l’Espagne. De manière rituelle, Le Figaro informe son lectorat de la nouvelle. Mais ce n’est pas de l’étonnement ou de la tristesse que ceci génère, mais bien une effusion de joie. Et on ne parle pas de 2-3 messages isolés. 90% des commentaires fêtent la mort dans d’atroces souffrances d’êtres humains parfaitement anonymes. Hommes, femmes, enfants, vieillards. Une banalisation du mal qui en dit long sur l’état de cette presse autant que de la mentalité venimeuse de celles et ceux qui la lisent.


Ces commentaires révèlent aussi les composantes d’un narratif politique et médiatique fondé sur la désinformation, la haine et la déshumanisation. Quoi qu’on puisse individuellement penser des mouvements migratoires et des moyens de les gérer, rien ne justifie un tel manque d’humanité. Par ailleurs, il existe des causes et des faits qui ne peuvent être ignorés. Parmi les intox et sophismes communs distillés dans ces commentaires, on retrouve notamment : l’idée que l’arrivée de migrants sur les côtés françaises serait massive, la croyance que des associations humanitaires « subventionnées » faciliteraient l’arrivée des migrants ou encore que « la gauche » serait responsable de ces morts… Étudions ces questions pour y voir plus clair.
FAIT : Les embarcations de migrants ne visent PAS la France
Première constatation, il n’existe pas de route maritime directe vers la France. Pratiquement aucune de ces embarcations n’arrivent sur les côtés françaises, bien surveillées et plus difficiles d’accès pour des raisons géographiques. Par ailleurs, l’ouverture de ports pour les navires humanitaires est toujours bloquée par la France.
Ainsi, le rapport UNHCR / IOM « Joint Annual Overview » (2023) indique seulement 260 arrivées sur les côtes françaises sur 212 100 tentatives, soit 0,12%. La part des traversées visant directement la France est pratiquement nulle. C’est tellement insignifiant que le rapport ne s’attarde même pas sur ces cas français. C’est un fait, la France n’est pas une cible pour les passeurs tant ses côtes sont radicalement gardées et les associations jugées « de gauche » n’ont pas le pouvoir d’y changer quoi que ce soit.

FAIT : Les associations humanitaires sont rares, non-subventionnées et sans pouvoir politique
C’est une autre intox persistante : celle qui voudrait que « les ONG » soient financées par l’État ou l’Union européenne pour encourager les migrations. C’est totalement faux. En réalité, ces structures humanitaires sont quasi inexistantes en Méditerranée française, et ne reçoivent aucune subvention publique pour leurs opérations de sauvetage.
Les quelques navires humanitaires qui sillonnent encore la Méditerranée ne remplissent pas les doigts d’une main.

On retrouve principalement en mer SOS Méditerranée et Médecins Sans Frontières, deux ONG qui agissent en autonomie totale, souvent au prix de procédures administratives lourdes, d’interdictions de ports et d’une hostilité politique constante, y compris en France. Leur mission ? Sauver des vies, sans se préoccuper de la politique. Rien de plus, rien de moins. Dans le vide laissé par les États européens, ce sont ces équipages civils qui évitent chaque année des centaines morts. Ceux-ci manquent cruellement de moyens et ne peuvent que sauver une petite fraction des naufragés.
Parler de « business de l’immigration » ou d’une « industrie subventionnée du sauvetage » relève d’une désinformation pure et simple parsemée de racisme, martelée pour détourner les yeux de causes bien réelles : les guerres, la misère, les passeurs, l’exploitation des ressources, les dictatures et choix politiques sans oublier le changement climatique qui poussent des gens ordinaires à risquer leur vie pour fuir leur pays. Les morts sont si nombreux en mer que les motifs pour prendre un tel risque d’y laisser sa vie sont viscéraux, motivés par une situation humanitaire critique. L’idée que ces gens désespérés prennent le risque de mourir pour des droits sociaux fantasmés ne tient pas la route, d’autant que les aides existantes ne sont pas aussi alléchantes que le laisse entendre l’extrême-droite.

FAIT : La gauche est politiquement inexistante sur le sujet
Autre idée reçue : « la gauche » encouragerait les traversées ou bloquerait toute politique migratoire. C’est faux, et les faits le montrent.
En France, aucune formation politique majeure n’a remis en cause la fermeture des frontières ni le durcissement continu des conditions d’accueil. Même les partis qui se réclament des valeurs humanistes se contentent de quelques déclarations symboliques, souvent timides, pour ne pas perdre une partie de leur électorat. Sur le terrain, le silence domine, et les politiques menées depuis plusieurs années ne diffèrent guère de celles de la droite ou de l’extrême droite sur le fond.
Depuis plus d’une décennie, la logique sécuritaire s’est imposée comme un consensus transversal. Elle s’habille de mots techniques : “lutte contre les passeurs”, “maîtrise des flux”, “gestion des frontières” mais masque une réalité brutale : celle d’un verrouillage généralisé de l’Europe. Derrière chaque décret, chaque accord bilatéral avec la Libye, la Tunisie ou le Maroc, c’est le même principe qui prévaut : empêcher les départs, à tout prix ! Affirmer que la gauche – dont le pouvoir politique est inexistant – encouragerait l’immigration dans un tel contexte relève du mensonge et de l’aveuglement idéologique.

Le paradoxe, c’est que ces politiques censées sauver des vies en “décourageant” les traversées les rendent au contraire plus mortelles que jamais, ce qui explique l’augmentation des décès en mer. Les routes changent, se rallongent, se déplacent vers des zones plus dangereuses pour éviter les contrôles. Là où les garde-côtes européens n’interviennent plus, les naufrages se multiplient dans le silence. Et pendant ce temps, les discours politiques comme médiatiques se contentent de désigner des coupables imaginaires : les ONG, “Bruxelles” (qui a bon dos), les humanistes, sans oublier une gauche fantasmée qui n’existe plus que comme repoussoir sémantique.
Dans les faits, la gauche institutionnelle a déserté la question migratoire et n’a de toute manière concrètement aucun pouvoir politique depuis longtemps. Elle ne propose plus ni projet alternatif, ni vision solidaire, ni parole claire sur ce que devrait être une politique humaine et rationnelle des migrations. Résultat : le terrain est laissé libre à ceux qui, depuis vingt ans, façonnent le débat avec des mots de peur : invasion, submersion, identité, frontière. Et dans ce brouhaha de certitudes anxieuses, la compassion s’efface, l’analyse se tait, et la raison abdique. C’est dans ce terreau fétide fondé sur l’ignorance que naissent les commentaires que vous lisez sur Le Figaro : désigner un coupable politique dont le pouvoir n’existe pas, fermer les yeux sur des pertes humaines évitables, et enfin se réjouir de la mort d’êtres humains.
FAIT : Les causes profondes des migrations sont ignorées
On parle toujours des migrants, jamais des raisons qui les poussent à partir. Derrière chaque traversée, il y a pourtant un enchaînement de causes identifiables et singulières pour chaque individu : guerres civiles, effondrement économique, répression politique, désastre climatique, etc. Selon les données du Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR), près de 90 % des personnes qui tentent la traversée de la Méditerranée fuient des situations de crise aiguë. Ce ne sont pas des “aventuriers économiques” qui aspirent au RSA, mais des familles, des étudiants, des travailleurs, des enfants.
L’Afrique subsaharienne, par exemple, subit de plein fouet les effets conjugués du changement climatique et de l’instabilité politique : désertification, raréfaction de l’eau, conflits pour les ressources. En parallèle, les politiques commerciales et extractivistes menées par les pays riches maintiennent une dépendance structurelle. Dans ce contexte, partir devient souvent le seul horizon. Parlons aussi des thoniers géants Européens qui vident les stocks de poissons des côtes africaines, laissant des dizaines de milliers d’individus sans ressource. Et ces règles qui permettent aux causes migratoires de se perpétuer, la France et les pays européens en sont directement responsables pour des questions d’intérêts économiques supérieurs. Notre appétit capitaliste se moque bien de la souffrance locale qui pousse des individus à fuir leur pays. Et voilà comment NOS pauvres en viennent à détester d’AUTRES pauvres qui subissent les mêmes effets délétères d’un système injuste.

Ignorer ces causes par pure haine de l’autre revient à se tromper de combat. Les mêmes qui se réjouissent d’un naufrage prétendent “lutter contre l’immigration” sans jamais questionner les mécanismes qui la provoquent par pure fainéantise intellectuelle. Pas sûr même qu’ils seraient en mesure de lire et de comprendre cet article tant, ailleurs, on leur sert une soupe simplifiée en 3 mots niveau Pascal Praud : l’immigration nous menace. Les guerres alimentées par des ventes d’armes européennes, l’exploitation des terres africaines par des multinationales, le dérèglement climatique mondialisé, tant de causes sont directement liées à notre civilisation insatiable qui dicte les règles sans partage depuis trop longtemps.
Traverser les mers avec 50% d’y laisser sa peau, n’est pas un choix, c’est le symptôme d’un déséquilibre global. Oui, c’est une situation terriblement complexe qui demande des solutions tout aussi complexes. Tant qu’on refusera de regarder en face cette complexité, les morts continueront de s’accumuler, invisibles, loin des côtes françaises, mais au cœur même de notre indifférence collective. Se réjouir de la mort de gens dans la détresse, c’est le degré zéro de l’intelligence émotionnelle et une honte absolue envers ce qui fait fondamentalement de nous des humains. Et si nous ne sommes plus capables d’humanité la plus élémentaire, alors tout devient possible, surtout le pire.

– Mr Mondialisation
Sources
– Naufrage au large de la Libye : 42 personnes « présumées mortes » ; Le Figaro 12/11/25
-Migrants and Refugee Movements through the Central Mediterranean Sea in 2023 ; rapport de l’UNHCR, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés
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Publié le 13.11.2025 à 05:00
Jean-Christophe Anna : « La révolution sera biorégionale ! »
Mr Mondialisation
De consultant urbain à cofondateur d’un écovillage en Bretagne, Jean-Christophe Anna a tout quitté pour bâtir un autre modèle de société. À travers L’Archipel du Vivant et son MOOC sur la biorégion, il propose une alternative radicale à la transition écologique : reconstruire le monde à partir du vivant.
Changer le monde à l’échelle planétaire ? Une illusion, selon Jean-Christophe Anna. Pour lui, la véritable révolution se joue localement, où les humains et non-humains réapprennent à cohabiter, voire à réhabiter. Entre utopie concrète et philosophie politique, il défend la biorégion comme réponse crédible à l’effondrement écologique et social en cours.
Jean Christophe Anna. Avec toutes autorisations.
Mr Mondialisation : Pour commencer, pouvez-vous nous raconter votre parcours en quelques mots ?
Jean-Christophe Anna : « Je me définis comme un rebelle amoureux du vivant et un utopiste biorégionaliste. Avant, j’étais un maillon du système, tout en étant conscient que nous vivions dans une société complètement folle et profondément inégalitaire.
En 2017, j’ai opéré une bascule aussi profonde que radicale. J’ai d’abord adopté tous les petits gestes : bannir le plastique, privilégier le local, bio et de saison, renoncer à l’avion… Après avoir été végétarien pendant un an, je suis devenu végan et antispéciste à l’automne 2018.
Cela n’a pas été sans conséquence sur mes proches. Aujourd’hui, je passe chaque semaine d’un univers à l’autre. Je vis entre deux mondes que tout oppose : une semaine ancrée dans le vivant, où j’habite dans une tiny house sans eau ni électricité, au sein d’un écovillage que j’ai cofondé en centre Bretagne ; et une semaine à Strasbourg, métropole urbaine avec sa pollution, ses injonctions à la consommation et ses rondes de policiers, gendarmes et militaires, où j’ai la garde alternée de mon fils de 14 ans. D’un côté, le monde de demain en train d’émerger ; de l’autre, celui d’aujourd’hui, en cours d’effondrement. »
Mr Mondialisation : Qu’est-ce qui vous a amené à créer L’Archipel du Vivant ?
Jean-Christophe Anna : « L’Archipel du Vivant est l’aboutissement d’une intense réflexion de trois ans, ponctuée d’expériences diverses et variées et de belles rencontres.
Dès ma bascule, j’ai rapidement compris que nous nous trompions de combat : le climat n’est qu’un symptôme et un facteur aggravant de la catastrophe écologique. Mais c’est le vivant qui est exterminé par la quasi-totalité des activités humaines. Le climat ne disparaîtra pas, il se dérègle. Le vivant quant à lui est en danger de mort.
Il faut alors tout repenser pour instaurer un système politique véritablement démocratique fondé sur de petites unités locales (les communes) plutôt que sur l’État-nation et sa démocratie représentative qui ni représentative, ni démocratique.
Mr Mondialisation : Concrètement, que faites-vous à travers L’Archipel du Vivant ?
Jean-Christophe Anna : « L’Archipel du Vivant est une ONG dont la raison d’être est de créer une société au service du vivant en contribuant à l’émergence de biorégions.
Nous poursuivons deux missions. D’un côté, notre site internet vise à informer pour permettre une meilleure appréhension de la catastrophe écologique et la découverte du monde alternatif.
De l’autre, notre Mooc « Biorégion – Comment habiter autrement la Terre » qui est une formation en ligne de 7 semaines et notre aventure immersive « Biotopie – l’utopie biorégionale » de 5 jours en présentiel à l’école des Vivants, fondée par Alain Damasio, ont pour objectif d’impulser une dynamique biorégionale dans les territoires.
Carte réalisée à la Zeste (École des vivants) lors de la formation immersive – avec toutes autorisations – Jean Christophe Anna
Une multitude de ces initiatives existent dans les ruralités, en marge du système dominant — écovillages, écolieux, recycleries, cafés associatifs, repair cafés, épiceries solidaires, monnaies locales, ZAD… Cependant, ces initiatives restent éparpillées, encore trop isolées les unes des autres.
Bien entendu, elles peuvent s’unir pour organiser une fête de village ou un événement culturel. Mais elles ne font pas système dans une perspective de résilience pour affronter l’effondrement et encore moins dans un objectif politique d’autonomie, d’autodétermination, d’affranchissement des institutions et de l’État-nation. Notre objectif est donc de mettre en lien ces initiatives, de les « archipéliser » pour les amener à s’organiser politiquement.
Éco-anarchiste, l’utopie biorégionale puise ses racines chez Élisée Reclus et Pierre Kropotkine. Elle a justement pour vocation finale de faire sécession avec l’État-nation. »
Mr Mondialisation : Quelles sont les origines du biorégionalisme ?
Jean-Christophe Anna : « La biorégion originelle est nord-américaine. Elle est née au milieu des années 1970. En France, ce concept est porté par quelques personnes et quelques organisations : Guillaume Faburel (Société écologique du post-urbain), Mathias Rollot, le collectif Hydromondes, et enfin Agnès Sinaï, Yves Cochet et Benoît Thévard (Institut Momentum). Nous ne sommes encore qu’une poignée à travailler dessus.
La première définition de la biorégion est l’œuvre d’Allen Van Newkirk en 1975, l’année de ma naissance. Nous avons donc, la biorégion et moi, fêté nos 50 ans cette année ! Ce mouvement a abouti à la rédaction d’un texte véritablement fondateur du biorégionalisme, coécrit par Peter Berg et Raymond Dasmann : Reinhabiting California publié en 1977.
Anticapitaliste, anti-étatique, anti-nationaliste et anti-raciste, le biorégionalisme entretient une très grande proximité avec d’autres courants écologistes : l’antispécisme et l’écologie décoloniale, le municipalisme libertaire et le décroissantisme, l’écologie profonde et l’écoféminisme. Comme le pense Doug Aberley, le biorégionalisme incarne une véritable démarche de résistance susceptible d’agréger l’ensemble des luttes écologiques, sociales et culturelles. »
Mr Mondialisation : Qu’est-ce que la biorégion ?
Jean-Christophe Anna : « Une biorégion, c’est une région de vie, un territoire caractérisé par le vivant qu’il héberge, par les formes de vie qui y habitent et son harmonie écosystémique, hydrographique, géographique, topographique et climatique. La biorégion s’affranchit donc des frontières artificielles, administratives humaines pour épouser les contours du vivant.
« La biorégion est aussi une utopie, un projet politique d’autodétermination : une manière de repenser comment les humains habitent et réhabitent un territoire en respectant le vivant. »
La biorégion se caractérise par la souveraineté et l’autonomie de la plus petite unité politique pour tout sujet qui relève de son périmètre. Seules les questions qui concernent toute la biorégion ou la confédération de biorégions, celles relatives par exemple à la santé, l’éducation ou la justice, sont traitées au niveau de chaque biorégion ou au niveau de la confédération.
Dans une logique de démocratie directe, chaque unité politique locale est systématiquement sondée avant la prise de toute décision. Plusieurs allers-retours entre l’assemblée globale et l’unité locale vont alors se succéder avant que la décision soit adoptée.
Au Chiapas zapatiste dont l’organisation politique est proche de la philosophie biorégionale, les mandats sont courts, impératifs, révocables, non reconductibles et non rétribués. Ils sont exercés par des personnes qui ne sont en aucun cas des professionnels de la politique. »

Mr Mondialisation : La biorégion ne peut-elle pas, malgré elle, recouvrir une dimension d’exclusion ?
Jean-Christophe Anna : « Contrairement à l’État-nation dont les frontières sont censées le mettre à l’abri de toute menace étrangère ou aux idées de repli sur soi véhiculées par l’extrême droite, la biorégion n’est pas un territoire fermé.
Elle n’a pas vocation à se protéger de l’extérieur, mais à accueillir l’altérité, notamment les personnes migrantes, et pas uniquement les réfugié·es climatiques, mais aussi les personnes qui quitteront les villes lorsque ces dernières seront devenues inhabitables. La biorégion constituera alors un espace refuge.
En outre, la biorégion a également pour ambition de créer une société libérée de tout rapport de pouvoir et de domination, aussi bien entre humains et non humains que dans les rapports inter-humains. »
Mr Mondialisation : Vous avez récemment lancé un MOOC, racontez-nous ?
Jean-Christophe Anna : « Après de nombreux échanges avec Guillaume Faburel – avec qui j’ai travaillé au sein de la Société écologique du post-urbain, nous avons, en 2022, co-organisé deux séminaires dédiés spécifiquement à la biorégion, avec plusieurs associations dont le Réseau RELIER, l’Institut Momentum, HALEM ou encore le Mouvement Colibris.
Il en est sorti l’appel « Concevoir une biorégion depuis son espace écologique de vie.«
Nous avons défini plusieurs repères adaptés à la configuration géographique européenne et à la descente énergétique et matérielle liée à l’effondrement de notre civilisation : un diamètre de 20 à 30 km (selon la topographie), 20 000 à 40 000 habitants, environ 4 300 m² par personne pour garantir l’autonomie (alimentation, chauffage, habitat). Tout le monde ne va pas nécessairement mettre les mains dans la terre pour la cultiver, mais cette surface individuelle est viable, à condition bien sûr que l’artificialisation cesse un jour.
Nous avons alors eu l’idée de concevoir un Mooc afin de toucher un maximum de monde avec une formule en ligne plus souple qu’une formation classique physique. La première session a débuté en janvier 2024 et nous venons d’achever la quatrième session. »
Mr Mondialisation : Comment se déroule le MOOC ?
Jean-Christophe Anna : « MOOC signifie Massive Open Oline Course, donc en français « une formation en ligne, ouverte à toutes et tous. » Avec ce MOOC, nous proposons une découverte théorique de l’utopie biorégionale.
Il s’articule autour de cinq grands enjeux : L’extermination du vivant, notre manière d’habiter la Terre (ville, métropole…), l’effondrement et les risques systémiques, les dominations et les oppressions systémiques et pour finir le déni démocratique. Chaque semaine, les participant·es explorent des modules et sous-modules multimédias, à savoir trois sous-modules par module, un défi à relever, et une rubrique « pour aller plus loin ».
S’appuyant sur du contenu théorique, notre Mooc Biorégion a également une forte dimension interactive avec des visios hebdomadaires et une communauté en ligne sur Mattermost. Les participant·es peuvent ainsi interagir directement. D’autant plus que toutes les personnes inscrites aux différentes sessions du Mooc sont localisées sur une carte GogoCarto. Plusieurs d’entre elles se sont déjà rencontrées sur leur territoire.
Le tout représente environ 20 heures d’autoformation pour la formule basique, et jusqu’à 40 heures pour la formule enrichie. Les contenus restent accessibles pendant plusieurs mois jusqu’à la session suivante. Les visios sont animées par des facilitatrices et des facilitateurs formé·es par Fertiles. Cette année, nous avons ajouté une approche émotionnelle en abordant chacun des cinq grands enjeux, avec des questions comme « Comment vivez-vous l’extermination du vivant ? »
Les retours sont très positifs : nous adaptons le contenu au fil des sessions. À ce jour, 340 à 350 personnes ont participé au MOOC. »
Mr Mondialisation : Combien coûte votre Mooc ?
Jean-Christophe Anna : « Il fonctionne sur le principe d’une participation libre et consciente. Lors de chaque session, nous comptons entre 60 et 80 personnes inscrites. Parmi elles, environ 25 à 40 personnes s’engagent vraiment dans le Mooc jusqu’au bout. Ce sont elles qui contribuent financièrement. »
Mr Mondialisation : Vous proposez également une aventure immersive. De quoi s’agit-il ?
Jean-Christophe Anna : « Afin de compléter cette première approche biorégionale théorique en ligne, nous invitons les participantes et participants à prolonger l’expérience dans une aventure immersive opérationnelle qui se déroule en présentiel sur 5 jours.
« La prochaine édition de cette aventure « Biotopie » aura lieu du 23 au 29 novembre en Centre-Bretagne, à Mellionnec. »
Ce sera une immersion complète, avec un escape game pour trouver des réponses concrètes aux immenses défis à relever, un jeu de l’entraide, proposé par notre partenaire Adaptation Radicale, simulant un effondrement, une réflexion collective sur les habitudes, les besoins, les atouts et faiblesses, les leviers et les freins, la co-construction d’une stratégie biorégionale, une cartographie créative du territoire biorégional, l’écriture d’un récit utopique et sa mise en scène théâtrale avec notre partenaire futurs proches, une reconnexion au vivant en forêt avec notre partenaire Identi’Terre, la découverte d’initiatives alternatives locales et des soirées conviviales et artistiques, notamment avec notre partenaire Frissons Sauvages. »
Mr Mondialisation : Quelle est votre ambition avec ces formations ?
Jean-Christophe Anna : « Notre ambition est de donner aux participantes et participants une boîte à outils afin d’impulser une dynamique biorégionale dans leurs territoires respectifs.
Dans l’idéal, il faudrait que plusieurs biorégions déclarent leur indépendance de manière simultanée ou rapprochée dans le temps au moment-même où l’effondrement atteindra son stade ultime. Ou du moins qu’elles déstabilisent l’État.
Car si une biorégion devait avoir des velléités sécessionnistes de manière trop isolée, elle serait immédiatement écrasée par les forces de l’ordre en subissant la folie répressive totalement décomplexée du gouvernement français. »
Mr Mondialisation : Et votre livre alors ?
Jean-Christophe Anna : « Après deux premiers livres pour y partager mon constat Le climat n’est pas le bon combat, et un autre Écrivons ensemble un nouveau récit pour sauver la vie, je travaille actuellement sur un récit utopique d’anticipation.
L’action principale de ce roman se déroule en 2047. L’ère biorégionale a succédé à l’ancienne ère, celle du système dominant actuel qui s’est effondré et des États-nations qui ont disparu. On y découvre les différentes facettes d’une confédération de trois biorégions, 12 ans après leur déclaration d’indépendance. C’est à nous désormais d’écrire un nouveau récit collectif, d’inventer nos propres règles pour nous mettre au service du vivant ! »
– Propos recueillis par Maureen Damman
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Des solutions pour sauver les forêts françaises
Mr Mondialisation
80 %. C’est le pourcentage d’espèces « vivantes » qu’abritent forêts et sols français, mais aussi celui de l’augmentation de la mortalité des arbres en 10 ans, d’après l’inventaire forestier national. Deuxième puits mondial de carbone après l’océan, la forêt séquestre 1,5 fois plus de carbone que ce que les États-Unis émettent annuellement. Beaucoup d’essences sont concernées : incendies, faible résistance à la chaleur, vulnérabilité aux maladies ou aux parasites. Mais comment sauver nos forêts ?
L’inventaire forestier national est sans appel : les conséquences du changement climatique se traduisent par une très forte augmentation de la mortalité des arbres, passant de 7,4 millions de mètres cube par an (Mm3/an) entre 2005 et 2013 à 13,1 Mm3/an entre 2013 et 2021. Leur croissance est aussi impactée, avec une baisse significative de 4 % : « la surface forestière touchée actuellement par le dépérissement est équivalente au cumul des surfaces touchées par les incendies de ces 35 dernières années », conclut sinistrement l’inventaire.
Des essences particulièrement touchées
Sur le podium des espèces les plus touchées par la mortalité se retrouve d’abord l’épicéa, devant le châtaignier et le frêne. Sur la période 2018-2022, la production de bois d’épicéa est inférieure aux coupes et à la mortalité, très fortement liées à un petit coléoptère, le scolyte, qui profite du prolongement des saisons chaudes et des hivers doux pour proliférer, se loger et se nourrir dans les épicéas communs.
Roulement de tambours : comment lutte-t-on à l’heure actuelle contre les scolytes ? En faisant des coupes d’épicéa. Un cercle vicieux donc, comme on en compte beaucoup dans les problématiques du changement climatique.
Photo de Ties Rademacher sur Unsplash
De la même manière, le frêne souffre de la chalarose, causée par le champignon Hymenoscyphus fraxineus, qui apprécie la compagnie d’un autre coléoptère : l’agrite du frêne. Aucune mesure de traitement n’existe en dehors de coupes et d’abattage pour éviter la propagation de ce duo meurtrier.
Certains frênes montrent heureusement une résistance naturelle à la maladie, un espoir pour la sélection et la plantation de souches plus résistantes, et pour le phénomène de « résistance croisée » – la résistance à l’un aide à résister à l’autre – selon le chercheur Michael Eisenring.
Enfin, le châtaignier dispute la troisième place avec le pin, le chêne, le sapin, et bien d’autres, tous victimes de parasites, sécheresses et feu de forêts.
Le déclin des puits de carbone
Les forêts françaises ne font pas exception et les mêmes constats sont dressés partout dans le monde. Sans parler de la déforestation qui a augmenté, en Amazonie, de 33 % par rapport à 2023 selon les données de l’Institut National de Recherche Spatiales (INPE), l’Afrique n’est pas en reste, avec, sur la période 2010-2020, une disparition nette de 3,94 millions d’hectares de forêts, un chiffre en hausse par rapport aux décennies précédentes et très supérieur à celui de l’Amérique du Sud (2,60 millions d’hectares), selon la fondation FARM.
Photo de Gustav Gullstrand sur Unsplash
Il fut un temps où, basé sur les « performances » des puits de carbone des dernières décennies, on crut à l’augmentation infinie de leur capacité à le séquestrer. Malheureusement, ces capacités ont chuté en 2023, entre autres, à cause des sécheresses et incendies. (De quoi nous rappeler certains scenarii sur la croissance infinie). Les premières hypothèses avancèrent que 2023 était l’année la plus chaude jamais enregistrée, avec une très forte concentration de CO2 dans l’atmosphère – près de 86 % par rapport à 2022 – jusqu’à ce que l’été 2024 dépasse celui de 2023.
L’inventaire forestier national de l’IGN confirme ces données sur la dernière décennie étudiée : « le puits [ndlr les forêts] s’est établi à 40 millions de tonnes de CO2 par an en moyenne sur la période 2013-2021, diminuant d’un tiers en une décennie ». Pire, certaines forêts pourraient émettre plus de CO2 qu’elles n’en capturent, ce qui, d’après Philippe Ciais, du Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement, pourrait se produire d’ici 2026, si les tendances observées depuis quinze ans se poursuivent.
Et si on arrêtait le massacre ?
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L’idée est simple comme bonjour : planter des arbres adaptés aux nouvelles conditions climatiques d’un lieu donné. Par exemple, dans la moitié nord de la France, qui subit aussi des sécheresses de plus en plus fréquentes, les chênes verts ou tauzins qui consomment peu d’eau, pourraient assister leurs cousins locaux. Une équipe de scientifiques a créé les jardins partagés, espaces de cohabitation entre des espèces d’ici et d’ailleurs.
Alexis Ducousso, généticien à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, raconte :
« Nous y avons planté 107 populations d’arbres venant de toute l’Europe, avec l’objectif d’évaluer ce “mélange” sur trente ans. Nos résultats montrent notamment que le chêne sessile est particulièrement adaptable : il s’épanouit sans broncher de l’Écosse à la Turquie. De même, le sudiste chêne pubescent peut migrer vers les Hauts-de-France sans trop de problème. »
Malheureusement, la migration montre ses limites : un arbre qui a besoin de moins d’eau pour vivre en bonne santé humidifie moins la forêt. Pour les autres essences ou pour les animaux, aussi ceux que nous sommes, ce type d’arbres serait moins efficace pour contrer les canicules, et pourrait même accélérer les sécheresses. Idem, si l’on donne plus de place aux pins et aux eucalyptus, très inflammables, ne pourrait-on pas augmenter les feux de forêts ?
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La mangrove, superstar et super stock (de carbone)
La mangrove – écosystème côtier tropical typiquement caractérisé par des arbres et des arbustes adaptés à des conditions de variations de salinité et de niveaux d’eau – stocke jusqu’à 4 fois plus de carbone que les forêts.
En plus de stocker du carbone, les mangroves protègent les littoraux des tempêtes, freinent l’érosion des côtes, filtrent les pollutions et sont de véritables nurseries pour la biodiversité marine. Pourtant, on ne cesse de les détruire partout dans le monde, pour l’élevage intensif de crevette en Asie ou pour le charbon de bois en Afrique, si ce n’est pour les constructions littorales déjà fragilisées par l’érosion.
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La liberté des forêts !
Restaurer les écosystèmes forestiers à leur état sauvage permet de créer des forêts diversifiées. Ces forêts sont naturellement caractérisées par une multitude de processus écologiques complexes qui leur confèrent une grande résilience face aux perturbations.
Parmi les défenseurs les plus remarquables de cette cause se trouve le botaniste Francis Hallé. Particulièrement connu pour son engagement en faveur du retour des forêts primaires en Europe, Hallé souligne que les forêts primaires, qui n’ont jamais été touchées par les activités humaines, sont essentielles non seulement pour la biodiversité, mais aussi pour la santé écologique globale de la planète. Elles agissent comme des réservoirs de biodiversité, des puits de carbone et des protecteurs naturels contre l’érosion des sols et les catastrophes naturelles.
Forêt de Białowieski. Source : Commons Wikimedia
En Europe, l’une des dernières forêts considérées véritablement primaires celle de Bialowieza, à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie, n’a subi aucune transformation anthropique depuis au moins huit cents ans. Sa protection est donc cruciale, non seulement pour la conservation de ses centaines d’espèces de faune et de flore, mais aussi comme symbole et modèle de ce que pourraient être d’autres forêts si elles étaient laissées à leur propre dynamique.
La forêt, une zone de droits et de capital ?
Pourtant, certains défendent l’idée de donner un prix, et donc une valeur aux forêts, pour les faire « exister » dans le système capitaliste actuel. Dans un podcast de France Culture, intitulé faut-il donner un prix à la nature pour la protéger ?, Catherine Aubertin, économiste de l’environnement explique le concept de service écosystémique de la manière suivante : « Les écologues ont introduit la notion de service écosystémique afin de défendre la nature. Cette notion englobe l’ensemble des services que la nature peut fournir aux populations, comme par exemple la production alimentaire. Le concept a été créé pour capter l’attention des décideurs politiques. Aujourd’hui, on assiste à l’émergence du principe du pollué-payeur… » L’une des approches consiste à attribuer un prix ou une valeur monétaire à la nature, de façon similaire à ce qui a été envisagé pour la problématique climatique.
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Parce qu’aujourd’hui, dans de nombreux pays, les entreprises sont des personnes, alors que ni les animaux, ni les végétaux ne le sont, l’avocat sud-africain Cormac Cullinan, fondateur du mouvement des droits du vivant, cherche à donner une personnalité juridique à la forêt.
De nombreuses initiatives vont déjà dans ce sens : la Nouvelle-Zélande accorde au fleuve Whanganui le statut d’entité vivant en 2017, l’Ouganda reconnaît des droits à la nature en 2019, la lagune espagnole Mar Menor obtient le statut de personnalité juridique en 2022. De quoi inspirer les Français, qui ont demandé une déclaration des droits de la Loire en 2024.
– Maureen Damman
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Mythe du « bon sens paysan » : la manipulation de l’extrême droite
Mr Mondialisation
L’extrême droite promeut l’idée que les « élites intellectuelles » seraient déconnectées du reste de la population et qu’il serait plus sain de bâtir une société fondée sur le « bon sens paysan ». Une rhétorique qui a pour but de construire une réalité parallèle en marge des faits étudiés.
Ce rejet des choses de l’esprit et même du savoir, qui est d’ailleurs l’une des caractéristiques majeures de l’extrême droite, selon l’historien Michel Winock, permet de se baser, non plus sur des phénomènes tangibles et des recherches de spécialistes, mais sur un « bon sens », qui n’est qu’un simple ressenti pas forcément en adéquation avec la vérité. L’efficacité de ce procédé doit néanmoins interroger sur les sentiments éprouvés par ceux qui adhèrent à ce genre de discours et sur le comportement des intellectuels envers le reste de la population.
Un instrument politique au service du conservatisme
Évoquer le « bon sens » en politique fait figure d’expression quasi magique, puisqu’elle renvoie à quelque chose que chacun d’entre nous pourrait apprécier. Ce qui apparaît évident relève du « bon sens ». Et pour autant, il n’en s’agit pas moins d’opinions.
Toutefois, en plaçant son message de ce côté, une personne peut réussir à donner l’illusion que ses démarches, son discours et ses orientations politiques seraient tout simplement incontestables. Cet argument, qui n’en est pas un, est particulièrement prisé à droite, il a d’ailleurs été employé d’Emmanuel Macron à Gérald Darmanin en passant par Donald Trump. Ce dernier avait même été jusqu’à promettre une « révolution du bon sens ».
Cette méthode s’inscrit, en outre, dans la droite lignée du « there is no alternative » de Margaret Thatcher. Dans les deux cas, on affirme qu’une idéologie politique est vraie, non pas parce qu’elle se fonde sur quelque chose de tangible, mais simplement parce que toutes les autres idées seraient irréalistes, déconnectées, utopistes, wokistes, extrémistes, etc. Tout bonnement à l’encontre du « bon sens ».
Valorisation de la ruralité face à « l’élite »
La référence au « bon sens paysan » permet quant à elle d’évoquer une activité que l’on imagine pragmatique et appuyée sur l’expérience, loin des grandes théories de la ville et des intellectuelles. Et ce, même s’il existe pourtant des tonnes de savoirs agricoles et de connaissances scientifiques applicables à ce domaine.
Dans les faits, que ce soit les politiciens libéraux et d’extrême droite, ou les partisans de l’exploitation industrielle, tous cachent derrière le « bon sens paysan » des doctrines précises basées sur une idéologie dominante. Ce « pragmatisme » est d’ailleurs employé aussi bien pour taper sur les normes écologiques agricoles, selon eux « déconnectées », que sur les droits des travailleurs.
En fin de compte, la figure du paysan n’est là que pour renforcer une image de proximité avec les classes populaires et avec un métier perçu comme simple, loin des grands discours intellectuels.
Exploiter le sentiment d’abandon
Dans un monde de plus en plus complexe où il devient difficile d’appréhender pleinement une spécialité, si l’on n’en est pas un expert, de nombreuses personnes ont pu développer une sensation d’incompréhension et d’isolement. Observer des individus évoquer des sujets auxquels on ne parvient plus à saisir grand-chose entraîne un sentiment de rupture entre ceux qui détiennent le savoir et les autres.
Si à cela, on ajoute un abandon total sur le plan économique avec des services publics en berne et des dirigeants issus des classes les plus riches, il apparaît facile pour certains populistes d’exploiter ce sentiment à des fins politiques.
Revenir au « bon sens paysan » ce serait alors retourner au réel, au concret, à des choses que tout le monde côtoie. Et il est bien plus aisé de capter l’attention avec ce discours qu’avec de longues explications scientifiques, sociologiques ou philosophiques.
Une nuée d’exemples
Nier le réel à des fins conservatrices, c’est le credo de l’extrême droite pour poursuivre son agenda réactionnaire. En premier lieu face au dérèglement climatique auquel sont opposés des arguments, soient disant, de « bon sens » : « il fait froid aujourd’hui, où est le réchauffement ? » ou « on va bien s’adapter ». Mais il existe le même type d’exemples sur l’immigration qui « coûterait de l’argent » ou qui « engendrerait de la délinquance », alors que les études prouvent le contraire.
De façon identique, la sociologie est également ignorée et méprisée au profit de « l’expérience personnelle » qui ferait plus foi que des recherches poussées. C’est ainsi qu’au nom du « bon sens », il faudrait « travailler plus », « baisser les impôts » « faire comme nos voisins européens », ou encore dénoncer les chômeurs et les « assistés » qui profiteraient de la société.
Peu importe qu’il existe des données chiffrées et des études pour contester ce genre d’affirmation. Ceux qui oseraient les remettre en cause seraient dénués de « bon sens », « déconnectés » ou « irréalistes ». Et l’argument semble se suffire à lui-même.
Comment en est-on arrivé là ?
Si cette technique fonctionne si bien, c’est d’abord parce qu’il est beaucoup plus facile de tout simplifier que de décrypter et analyser une situation complexe. Selon la loi de Brandolini : démentir une intox prend 10 fois plus d’énergie que de la diffuser. Non pas parce que les gens seraient trop stupides pour comprendre, mais parce que la société capitaliste est organisée de telle façon que l’activité professionnelle et l’intendance avalent tout et que le temps pour réfléchir en profondeur n’est tout bonnement plus disponible.
Pire, de nombreux journaux, médias et émissions se mettent même au service de la bêtise en érigeant l’argument du « bon sens » en alpha et oméga de la pensée. Des programmes type « café du commerce », comme celles de Pascal Praud, ou bien « les grandes gueules » en sont des fers de lance. Dans un monde complexe où il est difficile de comprendre les choses, il est bien plus facile de se raccrocher à ce type de contenu qu’aller lire une étude du GIEC de 4 000 pages.
S’appuyer sur le sentiment d’abandon
Que l’on parle des zones rurales, des quartiers défavorisés ou des Français en général, délaissés par les pouvoirs publics dans de nombreux secteurs, nombre de personnes peuvent éprouver un sentiment d’abandon et de colère envers les individus perçus comme « l’élite », qu’elle soit intellectuelle ou financière.
Pour l’extrême droite, il n’est pas compliqué de créer un amalgame entre les intellectuels, les chercheurs, les « têtes pensantes » et les politiciens responsables de cette situation. Apparaît alors un antagonisme entre le « bon sens des petites gens » et la déconnexion totale des « élites intellectuelles ». Un procédé, du reste, déjà usé dans les années 50 par le poujadisme, doctrine du nom de son instigateur, Pierre Poujade.
Et le mépris d’une fraction des plus aisés à l’encontre des plus pauvres n’a rien de fictif, Emmanuel Macron s’en est d’ailleurs lui-même fait une spécialité. En réaction, une défiance grandissante qui s’illustre, par exemple, à travers le mouvement antivax. Autrement dit, une partie des dirigeants sont eux-même responsable du dédain qu’ils suscitent après avoir maltraité ou pris de haut une partie de la population.
La rupture démocratique et le manque d’honnêteté journalistique ne sont d’ailleurs pas non plus étrangers au phénomène. Pour retrouver un écho au sein de la population, il apparaît donc nécessaire d’endiguer ces fléaux.
Dépolitisation et règne de l’opinion
Dans ce contexte, la dépolitisation ne peut que proliférer à travers le pays (et c’est, au demeurant, le souhait de nombreux politiciens) ; les ressentis remplacent donc les faits et un fossé se creuse entre les « experts » et les Français.
Avec l’explosion de l’individualisme et du culte de la « liberté absolue », n’importe qui devient légitime pour donner une opinion sur tout, y compris s’il n’a aucune connaissance dans la matière. Un sondage a d’ailleurs aujourd’hui presque plus de valeur qu’une recherche scientifique.
Or, dans beaucoup de secteurs, il faut des années d’études et d’expérience pour comprendre un tant soit peu le sujet. Une réalité d’autant plus frappante que les champs de compétences sont de plus en plus fragmentés au sein de domaines très vastes.
Malgré la complexité du phénomène et les dangers liés au détournement du « bon sens », il existe une lueur d’espoir : en mettant l’accent sur l’esprit critique, l’éducation et l’accès à l’information, il est possible de rapprocher le savoir du quotidien de chacun. Le véritable « bon sens » pourrait alors redevenir celui qui s’appuie sur la réalité, la réflexion et le dialogue, et non sur des ressentis ou des idéologies simplistes.
– Simon Verdière
Photo de couverture de The Walters Art Museum sur Unsplash
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Le Soudan, champ de bataille des puissances étrangères
Mr Mondialisation
Alors que la guerre au Soudan s’enlise dans le silence médiatique, les souffrances civiles atteignent des niveaux inédits. L’association Justice & Paix revient sur les racines historiques, politiques et géopolitiques de cette guerre d’ingérences.
Avez-vous déjà entendu parler de la guerre au Soudan ? Pas du conflit au Darfour au début des années 2000, ni de la séparation du Sud-Soudan en 2011, mais bien de la guerre qui a éclaté depuis le 15 avril 2023. La réponse est probablement non. Cela n’est pas étonnant : ce conflit est largement marginalisé, tant sur les plans médiatique, politique qu’humanitaire.
Pourtant, le conflit au Soudan est aujourd’hui considéré comme « le théâtre de la crise humanitaire la plus importante et la plus dévastatrice au monde », selon la présidente de l’UNICEF. Dès lors, pourquoi la Belgique ne s’est-elle pas impliquée dans la conférence internationale sur le Soudan coorganisée par l’Union africaine, l’Union européenne, la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne à Londres le 15 avril 2025 ?
Une guerre aux conséquences humanitaires dévastatrices
Après deux ans de conflit, les agences des Nations Unies dressent un bilan funeste de la situation humanitaire. La guerre au Soudan détient également le triste record de la plus grande crise de déplacement au monde et de famine aujourd’hui officiellement reconnue.
Depuis la fin octobre 2025, la situation s’est encore aggravée avec la prise de la ville d’El Fasher, capitale du Nord-Darfour, par les Forces de soutien rapide (FSR). Selon plusieurs organisations et témoins, les combats ont fait des milliers de mort·es civil·es. Des groupes médicaux locaux affirment que des milliers de personnes sont toujours piégées dans la ville, privées d’eau, de nourriture et de soins.
Des journalistes sur place décrivent un processus systématique et intentionnel de nettoyage ethnique visant les communautés non arabes, notamment les Fur, Zaghawa et Barti, marqué par des exécutions sommaires et des déplacements forcés.
Les survivant·es évoquent des scènes de massacre rappelant celles du Darfour au début des années 2000. Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits humains a fait état de « violations graves et systématiques », sans toutefois employer pour l’instant le terme de génocide. Ce mot, rappelons-le, a une définition juridique stricte : il suppose l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux. Mais son utilisation n’est pas nouvelle au Soudan : le Congrès américain l’avait déjà employé en 1999 et 2004, et le secrétaire d’État, Colin Powell l’avait officiellement reconnu en 2004 pour qualifier les crimes commis au Darfour.
Cette reconnaissance avait conduit le Conseil de sécurité de l’ONU à saisir la Cour pénale internationale, qui a finalement retenu la qualification de génocide dans le second mandat d’arrêt émis contre Omar el-Béchir en 2010.
Aux racines d’un conflit complexe et enraciné dans l’histoire
Pour comprendre la catastrophe actuelle, il faut remonter aux dynamiques historiques et politiques profondes, héritées de la période coloniale.
Des fractures héritées de la colonisation
Dès le XIXe siècle, le territoire soudanais est dominé par une double emprise ottomane et égyptienne, puis colonisé par les Britanniques à la fin du siècle. Le condominium anglo-égyptien met en place une politique de « diviser pour mieux régner », connue sous le nom de Southern policy, qui sépare le sud chrétien et animiste du nord musulman et arabophone.
À l’indépendance, en 1956, ces fractures resurgissent et plongent le pays dans deux longues guerres civiles entre le nord islamique et les populations noires africaines chrétiennes du sud, conflits qui mèneront à la sécession du Sud-Soudan en 2011. Mais la marginalisation ne s’arrête pas là. D’autres régions, telles que le Kordofan, le Nil Bleu ou encore le Darfour, sont laissées pour compte sur les plans politique et économique.
Le Darfour, un précédent annonciateur
C’est de cette marginalisation qu’éclate en 2003, la rébellion au Darfour. Le président Omar el-Béchir fait appel aux milices Janjawid, responsables d’atrocités massives contre les civils : viols, massacres, déportations et politique de la « terre brûlée ».
La Cour pénale internationale ouvre alors une enquête pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité, émettant un mandat d’arrêt contre el-Béchir. Les Janjawid, intégrés en 2013 dans les forces de sécurité sous le nom de Forces de soutien rapide (FSR), forment aujourd’hui le cœur du conflit actuel. Leur chef, Hemetti, ancien chef de guerre au Darfour, est devenu l’un des principaux opposants du général al-Burhan.
Une transition avortée et une lutte de pouvoir
La révolution populaire de 2019 met fin à 30 ans de dictature et fait naître l’espoir d’une transition démocratique. Mais ce rêve s’effondre en 2021 lorsqu’un coup d’État, mené conjointement par les FAS et les FSR, interrompt le processus.
Les deux généraux se partagent alors le pouvoir, avant que leurs rivalités n’éclatent au grand jour autour du contrôle des ressources naturelles : or, pétrole, gomme arabique, et de l’appareil d’État. Le 15 avril 2023, les affrontements se propagent de Khartoum à l’ensemble du pays, mettant fin à tout espoir de démocratie.
Des ingérences étrangères qui alimentent la guerre
Le conflit ne se limite pas aux frontières soudanaises. Les Émirats arabes unis sont accusés de soutenir les FSR, tandis que les FAS reçoivent l’appui de l’Égypte, de l’Iran, du Qatar, de la Turquie et de l’Arabie saoudite selon des intérêts géopolitiques et économiques divergents. Cette multiplicité d’ingérences transforme le Soudan en terrain d’affrontement régional, prolongeant le conflit et complexifiant toute perspective de paix.
Allié des Forces de soutien rapide, Abou Dhabi (capitale des Émirats arabes unis) apporte une aide logistique essentielle aux paramilitaires, notamment en leur fournissant du carburant, des véhicules et du matériel militaire acheminés via le Tchad. Face à ces complicités, il est essentiel de bien qualifier le conflit soudanais : il ne s’agit pas d’une simple « guerre civile ». La guerre au Soudan est avant tout une guerre par procuration, alimentée par des acteurs extérieurs tels que les Émirats arabes unis, l’Égypte, la Russie ou encore certains pays occidentaux, dont les intérêts géopolitiques et économiques perpétuent le conflit. Le Soudan n’est pas en guerre contre lui-même : le pays est pris en otage par des forces étrangères, tandis que la population civile paie le prix fort de cette instrumentalisation internationale.Une faible mobilisation politique, humanitaire et médiatique
Malgré l’ampleur du drame, la réponse internationale reste timide et fragmentée. Les initiatives diplomatiques peinent à aboutir. La conférence internationale sur le Soudan organisée à Londres en avril 2025 visait à mobiliser 6 milliards de dollars d’aide humanitaire, mais seulement 960 millions ont été annoncés. Aucune mesure concrète n’a suivi, les belligérants refusant de cesser les hostilités.
La situation soudanaise illustre le désintérêt international face aux crises sans retombées géopolitiques majeures. L’absence de la Belgique à cette conférence en dit long sur le désengagement européen. Pourtant, face à une telle urgence humaine, cette indifférence est intenable.
Rompre le silence : agir pour le Soudan
Alors que la guerre s’enlise, il est urgent de rompre le silence assourdissant. Derrière les chiffres, il y a des vies : des familles déplacées, des enfants affamé·es, des femmes violentées. Ces souffrances sont le résultat de décennies de fractures historiques, d’une lutte de pouvoir impitoyable et d’une impunité internationale.
La Belgique ne peut plus se contenter d’observer. En tant qu’État membre de l’Union européenne, siège d’institutions internationales et partenaire privilégié des pays du Golfe, elle a une responsabilité morale et politique dans la recherche d’une issue au conflit. Bruxelles doit plaider activement pour l’ouverture de couloirs humanitaires sécurisés, soutenir les cessez-le-feu sous l’égide de l’Union africaine, et exiger la transparence sur les flux d’armes et de financement impliquant ses alliés régionaux, notamment les Émirats arabes unis.
Elle doit également accroître sa contribution à l’aide humanitaire, aujourd’hui dramatiquement sous-financée. Enfin, la diplomatie belge peut jouer un rôle moteur au sein de l’Union européenne pour porter la question soudanaise devant le Conseil de sécurité de l’ONU et défendre la mise en place de sanctions ciblées contre les responsables de crimes de guerre.
Mais au-delà des gouvernements, les citoyen·nes peuvent aussi avoir un rôle à jouer. Soutenir les campagnes du HCR, du Programme alimentaire mondial ou de Médecins Sans Frontières, relayer les informations, interpeller leurs élus et leurs médias : autant d’actes concrets pour briser l’indifférence.
En Belgique, plusieurs organisations agissent directement ou en appui aux acteurs sur le terrain : Caritas International, Handicap International, Oxfam Belgique, l’Opération 11.11.11, Médecins du Monde Belgique ou encore CNCD–11.11.11, qui appellent toutes à renforcer l’aide humanitaire et la pression diplomatique. Ces structures belges jouent un rôle clé dans la sensibilisation, la collecte de fonds et le plaidoyer auprès des autorités nationales et européennes.
Pour mieux comprendre, plusieurs ressources permettent aussi de saisir la profondeur du drame soudanais : « Sudan’s Forgotten War » (BBC, 2024), sur le quotidien à Khartoum assiégée ; « Darfour : les cicatrices de la guerre » (France 24), retraçant les origines du conflit ; « Blood Gold » (Al Jazeera, 2025), sur les enjeux économiques de la guerre. Parmi les lectures récentes à découvrir : « Soudan : anatomie d’un effondrement » de Magdi El Gizouli et « La guerre des généraux » de Clément Deshayes.
Parce que le silence tue autant que les armes, le Soudan fait partie de ces crises oubliées qui méritent toute notre attention et notre solidarité.
– Gabrielle Caillet / Justice & Paix
Photographie d’en-tête : Écolières de l’école primaire Nurul Islam pour filles (2016) – GPE/Kelley Lynch/Flickr.
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