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29.01.2024 à 12:39

Minuit dans le siècle de Guantanamo

Nadia Meziane

Il se joue ces dernières années un étrange combat à Guantanamo. Un combat pour la culture. L’administration d’état américaine tente en effet d’empêcher les détenus libérés d’emmener avec eux leurs productions artistiques. Elle y met un acharnement particulier  ( 1) Il n’y a rien dans ces œuvres qui dévoile un quelconque secret sur ce qui a été fait aux détenus de Guantanamo. La clarté des évènements qui s’y sont déroulés est aussi vive que l’orange choisi pour les uniformes des détenus. Le monde entier sait déjà que là-bas, armés d’une légitimité idéologique décrétée incontestable, on a violé tous les principes de droit qui avaient été proclamés par les Lumières, et la légalité la plus élémentaire. Tout le monde sait l’enfermement sans procès, la torture physique et psychologique et même que Guantanamo n’était que la Bastille, et que l’on y a ajouté les oubliettes, nécessaire complément, pire que le pire, les centres secrets de torture et de disparition programmée installés dans des pays tiers, ces centres où l’on n’avait même plus le dernier droit, faire savoir sa propre mort à sa famille et à ses proches. Alors pourquoi ce combat qui semble une vengeance d’arrière-garde, un enjeu absolument dérisoire à côté de tout cela : empêcher des hommes d’emmener avec eux l’activité et la créativité développée pendant une vie en cage, faite au prix d’efforts incroyables. Pourquoi pas juste un « Vazy casse-toi », de celui que les gardiens disent aux détenus libérables des prisons normales, un « Prend tes pauvres…
Texte intégral (2609 mots)

Il se joue ces dernières années un étrange combat à Guantanamo. Un combat pour la culture.

L’administration d’état américaine tente en effet d’empêcher les détenus libérés d’emmener avec eux leurs productions artistiques. Elle y met un acharnement particulier  ( 1)

Il n’y a rien dans ces œuvres qui dévoile un quelconque secret sur ce qui a été fait aux détenus de Guantanamo. La clarté des évènements qui s’y sont déroulés est aussi vive que l’orange choisi pour les uniformes des détenus. Le monde entier sait déjà que là-bas, armés d’une légitimité idéologique décrétée incontestable, on a violé tous les principes de droit qui avaient été proclamés par les Lumières, et la légalité la plus élémentaire. Tout le monde sait l’enfermement sans procès, la torture physique et psychologique et même que Guantanamo n’était que la Bastille, et que l’on y a ajouté les oubliettes, nécessaire complément, pire que le pire, les centres secrets de torture et de disparition programmée installés dans des pays tiers, ces centres où l’on n’avait même plus le dernier droit, faire savoir sa propre mort à sa famille et à ses proches.

Alors pourquoi ce combat qui semble une vengeance d’arrière-garde, un enjeu absolument dérisoire à côté de tout cela : empêcher des hommes d’emmener avec eux l’activité et la créativité développée pendant une vie en cage, faite au prix d’efforts incroyables.

Pourquoi pas juste un « Vazy casse-toi », de celui que les gardiens disent aux détenus libérables des prisons normales, un « Prend tes pauvres hardes pour solde de tout compte et dégage ».

Pour peu que l’on prenne de la hauteur,  que l’on regarde Guantanamo non pas avec une vague compassion humaniste teintée de colère non-dite pour les détenus, après tout islamistes, mais en se demandant simplement qui sont les hommes qu’on y a enfermés, leurs destins, les combats actuels de ceux qui en sont sortis, on comprend vite l’enjeu fondamental. Cet enjeu là n’est pas celui de la lutte anticarcérale seulement, pas un combat contre l’islamophobie seulement.

Les œuvres d’art de Guantanamo sont une victoire positive de l’humanité contre la deshumanisation méthodique. Elles disent que ce qui a eu lieu là-bas n’est pas la victoire de la violence et de la torture et de l’anéantissement définitif. Elles disent que ce qui a eu lieu là-bas n’est pas seulement la guerre impitoyable et sans retour. Elle dit que les hommes ont réussi à rester des humains qui n’ont pas renoncé à dialoguer avec les autres humains, à construire une transcendance universelle, celle qui passe notamment par la création artistique.
Les détenus de Guantanamo n’ont jamais cessé de tenter de parler à tous et toutes, même à celles et ceux qui ont implicitement accepté leur deshumanisation après les attaques du 11 septembre 2001.

L’art de Guantanamo est ce qui efface un mensonge fondateur sur le camp .

Le symbole de Guantanamo reste en effet la combinaison orange. Ce que chacun d’entre nous devait voir de l’extérieur, ce qui devait nous sauter aux yeux, littéralement . Une couleur criarde, un hurlement de rage ou un avertissement fluorescent, quelque chose qui disait DANGER ABSOLU, un message clair : ce ne sont pas des hommes, ce sont des tueurs impersonnels.
On parle moins de la cagoule noire, sans trous pour la bouche et les yeux. Parce qu’elle porte atteinte justement à un fondamental occidental et qu’elle soulève une terrible contradiction, insurmontable pour l’existentialisme islamophobe, celui qui pense le dévoilement absolu, et le fait de tout montrer comme la condition première de toute âme civilisée. Qui cache est suspect et n’a que du mauvais à dissimuler. Qui ne montre pas le visage sort de l’humanité, qui ne représente pas les figures humaines est un animal sans culture propre.
Alors, si cela est le Vrai, pourquoi ce geste symbolique, démonstratif, contre-nature , effacer le visage des hommes de Guantanamo, le voiler intégralement au sens propre, contre leur gré. Leur interdire de nous regarder, nous interdire de les voir dans ce qui constitue le signe de l’Humanité pour la culture occidentale, le Visage. Pourquoi porter atteinte à une des Croyances qui fonde la Modernité ?Deux décennies plus tard, les œuvres d’art de Guantanamo, les peintures, les poèmes et les récits donnent la réponse.

Cette réponse, c’est la réhumanisation des hommes musulmans par eux-mêmes, et la terreur existentielle que ceci provoque dans l’imaginaire islamophobe mondial.

 

Cette terreur se traduit par ce qui semble une vengeance dérisoire, mesquine et hors sol du gouvernement américain lorsqu’il libère des hommes à qui il a déjà absolument fait tout le mal que la force permet. Ce refus entêté jusque dans ce qui semble un détail, c’est celui de renoncer à un pilier du récit islamophobe contemporain. Celui qui permet d’ériger non seulement le Guantanamo 2.0 dont parlent les ex détenus et leurs soutiens, mais le Guantanamo 3.0 celui des réseaux de normes juridiques qui répriment les musulmans dans les pays occidentaux.

Au nom de l’inhumanité supposée des hommes musulmans, depuis 2001, des régimes d’exception co-existent avec la légalité ordinaire, avant de la coloniser peu à peu, car le but de tout état d’exception est de devenir la règle universelle. Au nom de l’inhumanité supposée absolue des hommes musulmans, les législations anti-terroristes ont non seulement perduré ces deux dernières décennies mais elles sont devenues une philosophie globale, un antiterrorisme qui décrète qu’il n’y a même plus besoin d’actes pour incriminer l’ensemble des communautés musulmanes. En témoigne en France, la loi Séparatisme et le régime des dissolutions administratives : petit à petit, le simple fait d’exister en tant que musulmans est suspect et source de punitions préventives décrétées essentiellement par des autorités administratives. Punitions contre des cibles réduites à l’absence de visage, même dans ce qui est censé être le lieu de la démocratie où chacun peut s’exprimer, les médias.

En effet, la simple désignation comme « islamiste », génère non seulement la punition juridique mais aussi l’exclusion absolue de tout l’espace public démocratique, la négation totale du droit à la défense et à l’existence contradictoire face au pouvoir.

Pour s’en convaincre, il suffit de lire la presse, de regarder quelques-uns des milliers et milliers de replay consacrés à la lutte contre l’islamisme et ciblant des intellectuels, des journalistes, des responsables associatifs, des activistes, des artistes des sportifs ou des anonymes jetés brusquement à la vindicte. Et de constater l’absence de visages, de voix, l’Absence tout court dans les débats,…. de ces gens dont les débats parlent tous les jours. Qui n’a pas le droit à un procès équitable n’a pas le droit non plus même à seulement une voix sur le banc des accusés.
Ce traitement là, pour tous Autres que les musulmans et surtout les hommes musulmans, nous le trouverions absolument inconcevable en Occident, où désormais même les théoriciens de la race ont le droit et à l’attaque sur les réseaux sociaux et les plateaux télé, et peuvent y prêcher la lutte impitoyable et violente contre le Grand Remplacement.

Pour les musulmans, la normalité et la normativité sont pourtant cette Zone Grise en extension permanente, cet à côté défini juridiquement d’abord par le renoncement légal à la légalité démocratique, et existentiellement par la disparition des sujets musulmans de l’espace politique et culturel, où ils n’existent plus que comme mauvais objets . Renoncement souvent banalisé même dans les esprits qui se pensent progressistes. Il n’y a plus en France aucune initiative politique de gauche pour la fermeture de Guantanamo, nous avons appris avec vivre avec, notamment parce que c’était loin. Mais cela s’est rapproché en vingt ans et de même si énormément de voix se sont élevées contre la loi Sécurité Globale, et plus récemment contre la loi Immigration, bien peu sont celles qui ont résonné contre la loi Séparatisme. Bien peu sont ceux qui disent que la loi Immigration n’est pas seulement dirigée contre les immigrés mais très clairement contre les musulmans, notamment en ce qui concerne l’extension des possibles déchéances de nationalité, mais aussi toutes les dispositions visant à s’assurer que les candidats à un titre de séjour ne sont pas de dangereux communautaristes.

Malheureusement pour l’islamophobie, cependant, quelque chose d’autre a lieu depuis vingt ans. Guantanamo a accouché contre son gré d’êtres humains dont certains sont aujourd’hui libres et même combattants internationaux pour les droits humains.

On peut hausser les épaules, parler d’une réalité microscopique et anecdotique. Mais il y a par le monde et notamment en Occident, quelques hommes dont l’histoire est éminemment troublante pour le narratif de la Guerre Eternelle et de la Vengeance cyclique.

En France, deux prisonniers mythiques se disputent les faveurs des amis de la littérature depuis un siècle et demi. Jean Valjean et Edmond Dantès. Le second est vengeur absolu et aimé pour cela dans l’imaginaire français qui légitime absolument la violence punitive de l’Innocent contre les puissants qui l’ont injustement enterré vivant. Le second est Jean Valjean, qui transformé et sauvé par la Foi d’une rencontre de hasard, renonce à la vengeance pour faire le bien.
La puissance du Mythe Jean Valjean est plus forte que celle de Dantès. Et pour cause, l’appel au Bien est universel. Mais étrangement, personne en Occident ne se pose cette question pourtant troublante. Pourquoi des innocents de Guantanamo non seulement, ne se vengent pas mais deviennent pour certains combattants pour la justice universelle ?

Si nous ne nous la posons pas, c’est à cause de la main mise islamophobe sur le débat démocratique : elle consiste non seulement dans le pouvoir de fournir des réponses mais aussi dans celui de poser les questions. L’écran noir et le silence étouffant sur le bien que peuvent faire les musulmans est le lointain écho de la tentative de disparition par l’asphyxie incarnée par la cagoule noire sur le visage des prisonniers de Guantanamo. Sur ces visages qu’il ne fallait pas voir, car il fallait absolument qu’aucune identification n’ait lieu et que nous ne voyions que le Diable obscur des récits islamophobes. Surtout pas Jean Valjean, évidemment.

Deux décennies plus tard, la cagoule se déchire peu à peu cependant, et des visages réapparaissent aux yeux du monde. Le triste anniversaire des 22 ans de Guantanamo coïncide avec la tentative génocidaire à Gaza, et la résistance musulmane mondiale qui lui fait face, entraînant avec elle les défenseurs des droits humains de toutes confessions et croyances et même la Cour de Justice Internationale. Sa première décision prudente, certes, ouvre possiblement la voie à une nouvelle ère, notamment en faisant voler en éclats le mythe selon lequel la défense concrète des valeurs universelles de justice et de liberté serait l’héritage de l’Occident auquel il faudrait se soumettre absolument pout être un peu plus que des animaux qui pensent
Dans ce contexte, l’acharnement consistant non seulement à garder 30 hommes en combinaison orange dans une oubliette de cauchemar où on les a même privés de leur visage, mais aussi à tenter de les déposséder des preuves de leur créativité, de leur tentative extraordinaire et réussie de continuer à s’ouvrir au monde du fin fond de la prison sans porte de Guantanamo est tout,  sauf un détail de l’histoire qui ne mériterait qu’une note de bas de pages dans nos combats.

Que ferme Guantanamo, que ne restent que les preuves d’une bestialité assumée, qu’un lieu de mémoire des pulsions de mort de l’humanité, et au dehors des hommes libres, artistes, activistes et musulmans pour témoigner et poursuivre le récit d’une victoire contre la déshumanisation islamophobe . Et ce seront  des pans entiers des Zones Grises dans lesquelles on cherche à enfermer les musulmans dans les états islamophobes qui commenceront à s’effondrer.

 

 


L’illustration de couverture de ce texte est le dos d’un tableau Muhammad Ahmad Abdallah Al Ansi, détenu à Guantanamo jusqu’en 2016. De nationalité yéménite, Muhammad Al Amsi a été présenté comme un criminel extrêmement dangereux et impliqué de très près dans les attaques du 11 septembre 2001 par les autorités militaires américaines. Finalement, en dépit de ces accusations pourtant sensationnalistes et précises, il a été libéré sans charges et sans procès. Il crée aujourd’hui notamment pour Heart, qui associe ex-détenus et artistes pour proposer des actions de réparation et de solidarité comme celui-ci 

Pour découvrir les oeuvres d’art de Guantanamo et l’ histoire précise de chacun d’eux  , les deux étant indissociable ce site 

Art from Guantánamo Bay (artfromguantanamo.com)

 

(1) J’ai découvert cette réalité grâce à l’activité d’un un ancien détenu, Mansoor Adayfi, qui a été enfermé à Guantanamo du 9 février 2002 jusqu’au 11 juillet 2016, sans charges, ni procès. Il a ensuite été envoyé en Serbie où il n’avait absolument aucune attache. Depuis sa libération, il se bat sans relâche   pour faire libérer ses co-détenus, mais également pour les droits humains en général . Il a publié csur le sujet cet article en 2023 dans le Guardian et également donné un entretien passionnant à la BBC sur l’art à Guantanamo écoutable ici

23.01.2024 à 17:39

“Nous luttons pour notre bonheur” : CAGE, un chemin musulman vers la liberté, entretien avec Rayan Freschi

Nadia Meziane

Cet entretien avec Rayan Freschi  de CAGE a été réalisé en décembre 2023, la version vidéo se trouve ici. Nadia Meziane: Merci de ta confiance et de nous accorder cet entretien. Ce n’est pas une formule de politesse puisque nous venons de plaisanter quelques minutes sur les conditions de cet entretien, et sur le fait que les acteurs de la lutte contre l’islamophobie surtout musulmans en France aujourd’hui n’ont pas liberté de faire des entretiens au fil de l’eau, puisque leurs libertés politiques sont menacées à chacune de leurs expressions. Quand je t’ai demandé cet entretien, nous étions à une autre période de l’histoire mondiale et de celle de ce pays, avant les évènements en Palestine, et je souhaite donc d’abord t’interroger sur la différence fondamentale qui peut exister entre deux pays, celui où a été créé et où évolue CAGE, le Royaume-Uni et la France concernant le rapport à la Palestine et aux mobilisations pour la Palestine. Demain soir vous organisez un débat avec des activistes musulmans, des professeurs d’université, débat difficilement imaginable en France, à part peut-être dans une cave, sans caméras et rediffusé clandestinement après. Ce débat porte pourtant sur un sujet assez banal, la qualification de « terroriste » qui a été appliquée au mouvement Hamas. Ce terme fait débat en lui-même depuis toujours au niveau international et pas seulement pour ce mouvement mais pour tous les mouvements de lutte armée qui peuvent exister, mais en France le débat est interdit. Le Royaume-Uni, c’est aussi un pays qu’on…
Texte intégral (8705 mots)

Cet entretien avec Rayan Freschi  de CAGE a été réalisé en décembre 2023, la version vidéo se trouve ici.

Nadia Meziane: Merci de ta confiance et de nous accorder cet entretien. Ce n’est pas une formule de politesse puisque nous venons de plaisanter quelques minutes sur les conditions de cet entretien, et sur le fait que les acteurs de la lutte contre l’islamophobie surtout musulmans en France aujourd’hui n’ont pas liberté de faire des entretiens au fil de l’eau, puisque leurs libertés politiques sont menacées à chacune de leurs expressions.

Quand je t’ai demandé cet entretien, nous étions à une autre période de l’histoire mondiale et de celle de ce pays, avant les évènements en Palestine, et je souhaite donc d’abord t’interroger sur la différence fondamentale qui peut exister entre deux pays, celui où a été créé et où évolue CAGE, le Royaume-Uni et la France concernant le rapport à la Palestine et aux mobilisations pour la Palestine.

Demain soir vous organisez un débat avec des activistes musulmans, des professeurs d’université, débat difficilement imaginable en France, à part peut-être dans une cave, sans caméras et rediffusé clandestinement après. Ce débat porte pourtant sur un sujet assez banal, la qualification de « terroriste » qui a été appliquée au mouvement Hamas. Ce terme fait débat en lui-même depuis toujours au niveau international et pas seulement pour ce mouvement mais pour tous les mouvements de lutte armée qui peuvent exister, mais en France le débat est interdit. Le Royaume-Uni, c’est aussi un pays qu’on a regardé avec une énorme envie durant les premières semaines après le début de l’insurrection en Palestine : ici avant même que les gens aient parlé de cette insurrection, notre ministre de l’Intérieur avait déjà déclaré que tout soutien à la résistance du peuple palestinien serait poursuivi pour apologie du terrorisme. La répression a commencé dans les 48 heures, depuis énormément d’activistes, de députés, d’anonymes qui sont criminalisés sur cette base. Au Royaume-Uni, a priori l’expression était beaucoup plus libre. D’autre part, on a également regardé toutes vos premières manifestations avec beaucoup de jalousie : ici elles ont été interdites immédiatement et on a eu cette chose assez extraordinaire dans un pays dit démocratique, l’interdiction générale de toutes les manifestations en soutien au peuple Palestinien dans un contexte où il était victime d’une tentative de génocide.

Comment expliques-tu que deux pays occidentaux dont les dirigeants ont a priori des analyses assez similaires concernant Israël, la Palestine et le monde musulman puissent connaitre deux situations aussi différentes concernant le rapport au mouvement de solidarité en cours ?

 

Rayan Freschi : d’abord je tenais à te remercier et à remercier Lignes de Crêtes, en mon nom et au nom de CAGE pour cet entretien qui nous permet d’introduire l’organisation à une audience francophone. Pour revenir à ta question, je crois que ce qui explique la différence entre ces deux environnements, c’est le fait que des espaces ont été constitués en Angleterre, du fait, entre autres du travail qui a été mené sur les deux dernières décennies : travail d’analyse et d’activisme sur la question terroriste et contre-terroriste. En d’autres termes, le travail qui a été mené sur la War on Terror, la guerre contre la Terreur, menée par le monde occidental, à l’encontre du monde musulman, pour parler rapidement. Pour nous la guerre contre la Terreur est une guerre contre l’islam et les musulmans.

Pour revenir à la Palestine, ce qui s’y est produit a fait ressortir, je crois, une question centrale : la question de ce qu’on appelle le terrorisme et donc la question de la violence politique. Au Royaume Uni, ces deux questions travaillées en profondeur ont créé des narratifs qui ont pu faire bouger les lignes, quand bien même on ne s’attende pas à ce que l’establishment anglais soit d’accord avec nous. Mais ce travail d’injection de narratifs et d’explications sur la guerre contre la Terreur a permis de créer des espaces où l’on a pu exprimer de manière un peu plus appuyée, forte et libre, une parole sur la Palestine assez ouverte qui est impossible ou quasiment impossible ici.

Quand je parle d’analyses sur la guerre contre la Terreur et la Palestine, je veux dire par là que sur les deux dernières décennies, nous avons développé des narratifs d’explication sur la violence politique, premièrement, et secondement l’analyse de la répression draconienne qui a été mise en place par les Etats Unis mais aussi par l’Angleterre et on le verra plus tard, par la France. Répression à l’encontre des musulmans que ce soit chez eux, dans leurs états mais aussi des sphères musulmanes en Occident. Les conséquences de la guerre contre la Terreur, des centaines de milliers de morts musulmans à la suite des guerres mais aussi des politiques mises en place par les Etats-Unis mais aussi par la Grande-Bretagne, l’influence de la guerre contre la Terreur sur les politiques publiques islamophobes élaborées dans ces deux pays, sont en Grande-Bretagne des connaissances qui ne sont pas maîtrisées uniquement par les musulmans. C’est ce qui explique la différence entre l’Angleterre et la France. Donc pour revenir sur la question de la violence, puisque finalement c’est la question de la violence politique qui crée tout ce trouble : quelle que soit l’appréciation morale qu’on peut avoir, il demeure nécessaire de l’expliquer, ce que disait Vergès « Comprendre ce n’est pas excuser ». On a le droit de ne pas excuser mais on doit chercher à comprendre au-delà du narratif islamophobe selon lequel la violence ne serait finalement qu’une barbarie inhérente à l’islam et aux musulmans, quelque chose qui serait dans notre ADN et puis c’est comme ça.

Ces positions en Angleterre, sont, si ce n’est acceptées de tous, connues et maîtrisées par un pan assez large des activistes, et pas seulement des musulmans et c’est ce qui y crée des espaces de parole plus libres , alors qu’en France ils sont plus restreints.

NM :Et au niveau du pouvoir, quelle est la réaction au mouvement assez massif qui a lieu ? Y’a-t-il de la répression ?

RF : Oui, tout à fait. Il y a eu une répression forte même si je quand je dis forte ça n’a évidemment rien à voir avec la France. Ce ne sont ni les mêmes critères, ni les mêmes standards. Les discours de l’establishment anglais sont radicalement islamophobes, pas beaucoup de différences avec les narratifs français. En revanche, du fait des espaces qui ont été créés et de la détermination des activistes musulmans et non musulmans en Angleterre, la répression est beaucoup moins draconnienne. Néanmoins des activistes ont par exemple été arrêtés pour le simple port du keffieh palestinien ou pour des pancartes, même si ces arrestations n’ont pas nécessairement donné lieu à des inculpations. Et ces quelques arrestations sont à mettre en rapport avec des marches de presque un million de personnes  (1).

NM ; oui, effectivement, la différence de mobilisation est importante mais elle s’explique ici par la peur et l’impossibilité de manifester comme les difficultés à s’exprimer.
C’est là où on va en venir à CAGE. Quand les évènements du 7 octobre se sont produits, je n’avais même pas encore d’avis sur le sujet à part que ce qui se passait n’était pas très étonnant au regard d’abord de la situation sur le temps long en Palestine mais également depuis quelques mois, les meurtres de Palestiniens en augmentation, les profanations de mosquées, toutes choses qui font qu’à un moment l’Histoire fait irruption. Néanmoins immédiatement, des camarades même de gauche m’ont dit « C’est un 11 septembre ». J’ai d’abord été interloquée, si on n’est pas islamophobe, on n’ a pas la représentation de milliards de musulmans comme une masse indistincte et je me suis d’abord demandé ce que venait faire Al Qaeda là dedans ? Ensuite évidemment, il y a eu la comparaison avec Daesh, et on s’est vite rendu compte que tout cela provenait aussi d’un hashtag #HamasIsis venant d’officines islamophobes notamment aux Etats Unis. Et cela m’a fait immédiatement penser, non pas au 11 septembre comme attentat contre les Etas Unis, mais à la guerre contre la Terreur. Le discours, même d’une partie de la gauche était extrêmement violent dans un contexte de politiques islamophobes déjà énormes, et visait à avertir les musulmans qu’ils allaient réellement morfler encore plus. Et je me suis demandé comment vous aviez fait, vous, au début des années 2000 pour entamer l’aventure assez extraordinaire qu’est CAGE. Vous étiez parmi les personnes les plus déshumanisées de la planète, vous fondez une organisation qui décide de défendre, et aussi par le droit , les prisonniers d’une zone de non-droit revendiquée, une première dans l’histoire récente de l’Occident démocratique, Guantanamo , un espace où il est assumé de ne respecter aucun droit humain .

RF : je dirais que c’est le fruit de la volonté acharnée de plusieurs activistes musulmans, d’une génération précédente de l’activisme britannique qui était née dans les années 60/70, et qui après avoir vu les premières images des détenus à Guantanamo se sont dit qu’il y avait nécessairement quelque chose à faire et qu’il fallait essayer de comprendre ce qui s’y produisait. Je rappelle qu’à l’époque, on n’a pas les noms, on ne sait pas qui sont ces personnes, on se doute qu’à Guantanamo, ça ne va pas être très simple. Par conséquent, il apparaît nécessaire d’effectuer un travail de recherche, quasiment d’exploration pour essayer de comprendre. Ce qui est intéressant, c’est l’anecdote derrière la création de CAGE. Comme vous le savez sans doute, la plupart des kidnappings en Afghanistan de ceux qui seront les futurs détenus de Guantánamo ont lieu dès le début de l’invasion américaine entre novembre 2001 et janvier 2002. Or en septembre 2001, le docteur Adnan Siddiqui  (2) , un activiste musulman et médecin était en Afghanistan, pour une mission humanitaire. Le 11 septembre se produit et il a la chance de pouvoir quitter l’Afghanistan et de pouvoir rentrer en Grande-Bretagne. Ensuite, il découvre les photos des détenus à Guantanamo et se rend compte que s’il n’avait pas eu la chance de partir, il aurait pu faire potentiellement partie de ceux qui, non seulement sont restés là bas, mais de ceux qui ont été envoyés à Guantanamo.
C’est ce coup du destin qui a fait monter en lui presque un dilemme moral, « J’aurais pu faire partie du lot, il faut que je travaille pour essayer de comprendre qui sont ces personnes ». Au départ l’organisation CAGE n’est donc en réalité même pas une organisation, mais un site web « Cageprisoners » qui essayait de glaner ici et là quelques informations. Ensuite ils ont fait travailler un de mes collègues, le directeur de la recherche de CAGE, Asim Qureshi (3) qui a été le premier salarié de CAGE. Dans un premier temps son travail a consisté à établir la liste des noms des personnes qui étaient détenues à Guantánamo. Il a pu le faire et le premier succès de l’organisation sera la reprise de cette liste des noms des détenus par le Washington Post en 2006, en citant le travail de CAGE. Une fois les détenus identifiés, Asim va évidemment continuer à travailler et essayer de comprendre ce qui se produit à Guantanamo : les témoignages de torture, de désécration du Coran vont commencer à apparaître et toute une série de rapports vont commencer à être publiés. Il découvrira notamment la liste des “black sites”, des centres de détention gérés par les Etats-Unis ou par des états alliés, en grande partie dans le monde musulman. Les détenus qui ont finalement été internés à Guantanamo ont pour la plupart été arrêtés dans ces états, ou plutôt kidnappés, torturés et ensuite envoyés à Guantanamo. Pendant toute une décennie, CAGE effectue donc un travail qui n’existe nulle part ailleurs et est la seule source d’information fiable et précise sur ce qui se produisait à Guantanamo. Le premier facteur qui permet d’expliquer la survie et la croissance de CAGE est cette expertise tout à fait originale sur la question.

Ensuite, fondamentalement, je pense que c’est la résilience et la persévérance de ceux qui m’ont précédé. Asim a commencé alors qu’il avait 25 ou 26 ans, il n’était pas payé : c’est quelqu’un de brillant qui a fait des études d’excellence et aurait pu faire autre chose de sa vie, et il a choisi de se lancer dans cette aventure en étant vraiment seul. C’est donc à la fois notre résilience mais aussi la volonté que nous ne sommes certes pas les seuls à avoir, celle de rester fidèles à notre Tradition. C’est-à-dire à ne pas chercher à nous camoufler. Nous sommes qui nous sommes, nous ne changerons ni nos narratifs, ni nos explications, ni nos analyses, ni nos prises de paroles pour essayer d’apaiser le camp d’en face. C’est cette intégrité, qui est, je crois, le socle de la survie et ensuite de la croissance de l’organisation. Sans cette intégrité de fond, nous ne serions plus là aujourd’hui. D’ailleurs lorsque d’autres organisations musulmanes ou pas, lorsqu’elles commencent à jouer avec leurs principes, c’est en général le début de la fin.

NM : je voudrais rebondir sur un terme que tu viens d’employer, qui va faire sauter les islamophobes au plafond, l’intégrité, la volonté de rester qui vous étiez au départ. Ce qui me frappe, en étant extérieure à vos courants politiques de manière assez absolue au départ, c’est tout de même une certaine contradiction, qui a pu se produire pendant vos 20 ans d’activités sur la préservation des droits humains en Occident. Des droits humains qui peuvent se formuler différemment selon la culture dont on est issu. Mais vous travaillez contre les législations antiterroristes, contre la détention arbitraire, contre la création de ce qu’on ne peut qu’appeler des centres de non-droit absolu, aux Etats Unis ou ailleurs. Et ce faisant, ce que vous défendez même si ce n’est pas votre projet, on va employer les grands mots, c’est aussi une partie du projet qui anime certains philosophes des Lumières quand il s’opposent à la monarchie absolue et à son pouvoir sans limites. Et d’autre part, votre intégrité vous a amenés à avoir un discours sur les droits humains qui résonne bien au-delà de la communauté musulmane. Donc comment tu analyses cette situation où finalement vous défendez des droits humains proclamés par l’Occident que l’Occident lui-même ne défend plus tellement ?

RF : Ce n’est pas parce qu’il y a similarité entre certains objectifs qu’il y a équivalence. Je peux entendre que certains philosophes se soient opposés à la détention arbitraire dans l’Histoire, ça ne veut pas dire que moi, je suis d’accord avec ces philosophes. En réalité quand je parle d’intégrité, je veux dire que nos combats sont enracinés dans notre tradition. Si ensuite, il est nécessaire d’employer certains outils qui de fait, sont des outils occidentaux, par exemple certains traités internationaux, et je parle uniquement de cela, du droit international, très bien. Cela ne signifie pas que nous croyons que le droit international, en soi est bien rédigé, et qu’il offre la possibilité de protéger les musulmans contre les préjudices qui leur sont faits ou contre les législations islamophobes. Quand je parle d’intégrité, cela signifie que nous identifions les objectifs que nous voulons atteindre à travers le prisme de l’islam et exclusivement à travers le prisme de l’islam. Evidemment qu’il y a des similarités entre l’islam, d’autres religions, d’autres pensées, mais ça ne fait pas de nous des gens qui voyons une équivalence ; ça ne signifie pas que nous devenons les gens que nous cherchons à combattre. De plus dans le cadre de cette intégrité, il n’y a pas pour nous de difficultés à discuter avec des personnes non musulmanes. Mais ce n’est pas une largesse que l’on s’accorde, c’est parce que c’est possible en islam. Donc je ne vois aucune contradiction dans tout cela.

NM : J’y vois une contradiction parce que vous changez l’Occident tel qu’il est, et que vos combats profitent à d’autres. Par exemple, celui de Muhammad Rabbani dont on va parler ensuite et qui l’a conduit à avoir beaucoup d’ennuis contre une législation très peu connue. Je parle de Schedule 7 qui permet la détention sans protection et sans droit à la défense quand on passe la frontière du Royaume-Uni. Elle a été appliquée à un éditeur de gauche radicale récemment. Or, les seuls qui avaient travaillé dessus et étaient capables de fournir une analyse, des rapports qui démontraient qui était arrêté en fonction de cette législation et les conséquences de ces arrestations, c’était vous.
Néanmoins, l’intégrité  (4) qui fait que même quand on vous ouvre une porte et qu’on essaye de dire le vrai, que vous êtes aussi des gentils , vous niez, vous persistez à vous dire des durs qui affronteront s’il le faut est un choix  intéressant, noble  et qui sera utile plus tard.
Mais revenons à Guantanamo. Dans l’imaginaire occidental, Guantanamo , c’est fini et de deux manières : d’une part, on pense que les quelques personnes qui restent à Guantanamo y sont encore sûrement parce qu’elles ont fait des choses atroces. Et d’autre part, les gens se demandent rarement ce que signifie sortir de Guantanamo, après avoir été sorti légalement de l’humanité pendant des années et des années. Les conditions de détention à Guantanamo, tout le monde les connaît et j’irai même plus loin, tout le monde les connaît tellement qu’on est dans le déni total et la dépolitisation de ce qui s’est passé . La classe politique tient des discours qui sont exactement les mêmes avant et après Guantanamo sur l’Occident des Lumières et des droits humains alors qu’on a fait quelque chose qui nous ramène globalement trois cents ans en arrière. Mais c’est fini et ça ne doit surtout pas amener à un discours sur l’Occident en tant que tel, car la parenthèse est fermée. Donc je voulais qu’on revienne sur le prétendu happy end, ceux qui sont sortis. Comment se passe cette sortie de Guantanamo, que devient on, quel statut juridique a-t-on, obtient on réparation ?

RF: Comme tu l’as expliqué, la plupart n’ont même jamais été inculpés. Pour comprendre l’expérience de l’après Guantanamo, il faut déjà comprendre dans un premier temps la manière dont ils sont libérés. Il faut savoir que leur sortie fait l’objet de négociations entre le gouvernement américain et des gouvernements , d’états tiers qui vont bien vouloir accueillir ces détenus sur leur territoire. Je dis état tiers parce que dans un très grand nombre de cas, l’état qui va accueillir n’a strictement aucun lien avec le détenu. Ce n’est pas son état de nationalité, il n’y a généralement ni familles ni connaissances. Il se retrouve donc dans un lieu qu’il ne connaît pas, où généralement il n’y a même pas de communauté musulmane ou alors une communauté très réduite. A cela s’ajoute une situation administrative extrêmement compliquée puisqu’en général on ne leur a pas donné de carte d’identité et encore moins de passeport. Donc l’ex détenu se retrouve généralement complètement isolé dans un pays qu’il ne connaît pas. Il ne peut donc absolument pas se réintégrer, il ne peut pas voir la famille qu’il a encore souvent ailleurs, puisqu’il ne peut pas voyager sans passeport. Donc l’après Guantanamo demeure pour eux une expérience particulièrement traumatique. Je cite ici Mansoor  (5), qui travaille avec nous et qui dit « Quand j’étais à Guantanamo, je luttais pour ma liberté, maintenant je lutte pour ma vie« . Pour avoir encore un semblant de vie. Il faut imaginer le cas de Mansour, qui a passé quinze ans à Guantanamo, et qui a été amené là-bas quand il avait 19 ans. Il sort, il est envoyé en Serbie. De tous les lieux où on pouvait l’envoyer, la Serbie n’est pas exactement l’endroit le plus sympathique. Sa vie s’est arrêtée quand il avait 19 ans, il explique qu’il sort avec un corps qui a changé mais que psychologiquement il revient en arrière dans un monde qui lui aussi a changé ; c’est évidemment une expérience très difficile.
Je pense aussi au parcours de Moazam Begg (6), un autre collègue de CAGE. Lui a été kidnappé au Pakistan, envoyé aussi à Bagram (7) puis à Guantanamo. Lorsqu’il est kidnappé en 2001 au Pakistan, son épouse est enceinte. Quand il revient en Angleterre, en 2005, évidemment son enfant ne le reconnaît pas. Donc même pour ceux qui sont restés quelques années, et c’est déjà trop, les conséquences psychologiques, familiales sont assez terribles. Je parlais d’un cadre administratif complexe et aliénant mais parfois les conséquences sont encore plus dramatiques : je pense à un détenu (8) qui avait besoin d’une opération du cœur, qui est assez facile et commune en Occident. Il a été envoyé en Mauritanie dans un pays musulman. Il avait son passeport, son opération ne pouvait être faite en Mauritanie. Il lui fallait donc absolument être opéré ailleurs, mais comme c’était un ancien de Guantanamo, on ne lui a pas accordé de visa. Il n’a jamais pu sortir de Mauritanie, il en est mort. Imaginez, je ne suis pas médecin, je ne peux pas décrire l’opération ici, mais c’était tout à fait bénin. Voilà, les expériences sont extrêmement dures et c’est ce qui fait dire à certains qu’il y a Guantanamo et après, il y a Guantanamo 2.0 (8). On en est sortis, mais la vie n’est toujours pas un retour à la normale.
Bien sûr, il y eu certains cas où des frères ont été renvoyés en Allemagne ou ailleurs et où cela s’est relativement bien passé, où les difficultés administratives n’ont pas été aussi importantes. Parfois ils ont même pu retrouver leur famille, se marier. Mais le plus souvent, la sortie de Guantanamo reste une expérience traumatique intense.

NM : Je suis venue à ma première réunion de CAGE à Paris sans savoir au départ ce que c’était exactement, c’est ensuite que j’ai découvert votre histoire, et j’ai été assez stupéfaite. Vous avez fait cette conférence sur la base d’un rapport concernant l’islamophobie en Europe qui visait notamment Emmanuel Macron et sa politique. Cette conférence a été une bouffée d’air frais parce qu’on était dans un moment et un contexte déjà un peu lointain et qu’il faut peut-être réexpliquer à ceux qui reviennent dans la lutte contre l’islamophobie maintenant, même si c’était il y a seulement un an. On était dans une situation où il y avait à peu près une mauvaise nouvelle par jour. Les mosquées ferment les unes après les autres, sur des bases tellement injustes comme celle de Pessac que ce sera annulé en justice, si bien que Darmanin qui en faisait un repère de dangereux terroristes antisémites a récemment pris position contre une énième attaque dont elle a été victime. En attendant, c’est bien la campagne islamophobe d’état de cette période qui a généré une ambiance propice à ces attaques. Mais en un an, les luttes ont quand même payé, l’étau s’est parfois un tout petit peu desserré. Mais quand vous organisez cette conférence à Paris, déjà la tenir est un exploit : les réunions publiques musulmanes sont interdites les unes après les autres, les propriétaires de salles se désistent d’eux-mêmes sous la pression même sans interdiction. C’est vraiment le moment où la loi Séparatisme se dépolie pleinement . A ce moment-là, j’ai été très étonnée par le fait qu’une association venue de l’étranger vienne nous aider. C’est assez important, je crois de savoir que des gens regardent ce qui se produit de l’extérieur, et en ayant la capacité de le dénoncer dans des instances internationales. Et de défier notre gouvernement sur son propre terrain.
Or vous êtes une organisation qui gère déjà des problématiques extrêmement lourdes qu’il s’agisse de Guantanamo ou des législations anti-démocratiques sous couvert d’antiterrorisme au Royaume-Uni. Et pourtant vous avez décidé d’intervenir et d’être solidaire avec les musulmans français et d’essuyer les foudres de notre gouvernement. Comment et pourquoi ?

RF : En réalité, cela faisait déjà plusieurs années que CAGE souhaitait s’engager en France avec un peu plus de moyens, de ressources et de temps. En effet, dans le cadre de son travail sur Guantanamo, CAGE avait découvert que la France s’était comportée en véritable complice diplomatique des Etats-Unis. A la suite de la publication des Wikileaks, CAGE avait notamment mis en lumière le fait que la France avait joué de son influence en Europe pour contrer une résolution rédigée par Cuba qui n’avait pas été publiée mais rédigée, et qui avait pour objet d’initier une enquête sur les conditions de détention à Guantanamo. Nous savions aussi que des inspecteurs français avaient été envoyés à Guantanamo pour mener des interrogatoires sur les détenus de cette nationalité. Nous savions aussi que la France avait été complice de torture dans des affaires sans lien avec Guantanamo comme celle de Djamel Beghal, où elle avait collaboré avec les Emirats Arabes Unis. Donc mes collègues avaient ces informations de longue date mais le contexte avait fait qu’il était impossible de s’investir avec force. Ce qui a déclenché l’intervention en France, où même la conquête, on va dire la conquête pour faire plaisir aux islamophobes ( NM : et à Florence, tout spécialement ), ce sont les dissolutions de 2020, qui touchent notamment Baraka City et le CCIE .
CAGE se rend compte que le contexte français devient de plus en plus difficile et décide de travailler, d’explorer et de comprendre ce qui est en train de se produire. Nous sommes en 2021, c’est avant l’adoption de la loi Séparatisme et on découvre l’existence d’une politique publique, qui est très simplement dénommée “entrave systématique” de ce qu’ils appellent séparatisme et qui est en réalité toute forme d’islamité. On découvre les statistiques de cette politique ( j’étais déjà là ) : elle vise des dizaines de milliers de structures, des mosquées, des associations, comme tu l’as précisé mais aussi des entreprises, des restaurants, visés par des contrôles intempestifs des autorités françaises. Des dizaines de ces structures sont purement et simplement fermées. Parallèlement des dizaines de millions d’euros sont extorqués à la communauté musulmane.
La gravité évidente de la situation a motivé CAGE à s’investir : il n’y avait plus de CCIF, il n’avait plus de paroles musulmanes indépendantes qui puissent mener ce combat. Donc il y avait pour nous une nécessité impérieuse de s’investir dans cette lutte en collaboration avec l’ensemble des organisations musulmanes, évidemment. Mais ce que nous apportons et qui est, je crois, nécessaire, c’est l’internationalisation de la lutte contre l’islamophobie française. Ça fait partie de notre constat : finalement très peu de gens étaient au courant de ce qui se passait en France, on avait quelques idées ici et là, mais c’était une vision assez confuse. Et au vu de la gravité de la situation, il était nécessaire de placer la focale là et de se rendre compte que le cas français commençait à se répandre puisque les autorités françaises cherchent à transmettre leur gouvernance à d’autres pays européens. La lutte contre ‘l’islamophobie française est en réalité une lutte contre l’islamophobie globale.(10)
Si on gagne ici, on gagne ailleurs, c’est ce que j’essaie d’expliquer.

NM: Tu penses que la France est devenue le centre aujourd’hui ?
Oui. Je pense qu’il y a vingt ans, ce n’était pas le cas. Les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont évidemment impulsé cette islamophobie qui est devenue globale, mais aujourd’hui dans le cadre occidental, il n’y a pas de gouvernance plus draconienne. Les musulmans ont aujourd’hui plus de droits aux Etats-Unis. Et la France est le centre, même par rapport à un pays très dur comme l’Autriche qui d’ailleurs s’inspire de l’entrave systématique. On a toujours rayonné, c’est le magnifique rayonnement culturel français. La France est de loin précurseur en terme de gouvernance et de législation islamophobe.

NM : Dans ce cadre lâ, nous allons parler d’un monsieur de CAGE dont je trouve l’histoire assez extraordinaire, Muhammad Rabbani, qui vient se faire arrêter et se fait mettre en centre de rétention en France, parce qu’il a décidé de venir y dénoncer l’islamophobie. Muhammad Rabbani est un activiste relativement reconnu au Royaume Uni, il s’exprime dans la presse mainstream où on lui donne la parole sans être forcément d’accord avec lui, mais parce que finalement il ne dit pas des choses si extravagantes que cela, il parle de défense des droits humains. Cet été alors qu’il se rendait en France de manière parfaitement légale pour rencontrer des médias et des activistes, il est donc interpellé à l’aéroport et il apprend qu’il a sur le dos un arrêté d’interdiction du territoire, qui a priori ne lui a jamais été notifié. Il est interrogé dans un cadre légal extrêmement flou : si tu es en détention administrative, tu n’es pas censé être interrogé sur autre chose, si c’est le cas, tu es en garde à vue et dans ce cas, tu as les droits à la défense afférents. Et ensuite il va être expulsé. Or cela fera du bruit essentiellement chez les islamophobes, notamment cela suscitera une joie intense de Mme Bergeaud-Blackler qui est une grande fan de CAGE, et qui fera un tweet pour l’occasion. Mais à part ça, personne ne réalise en France qu’on vient d’expulser un activiste international parce que personne ne connaît Rabbani. J’aimerais qu’on parle de cette dystopie hexagonale, où vous êtes des proscrits, alors que CAGE peut se réunir au Parlement européen où à l’OSCE sans problème. Peux-tu nous parler de cet acharnement spécifique contre Muhammad Rabbani, comment cela a commencé et comment ça continue ?

RF : Toute épreuve a son lot de bénédictions, et le fait que Muhammad Rabbani soit empêché de venir en France  (11)démontre l’islamophobie de ce gouvernement. Mais aussi, et je le dis presque narcissiquement, la qualité de notre travail, sa pertinence et l’efficacité de ce que nous sommes en train de faire. C’est très contre-productif de leur part. Avec Rabbani on s’est dit que cela montrait qu’on avait raison dès le départ et que l’internationalisation de ce qui se produit ici les gêne à un tel point que c’est insupportable pour eux qu’il puisse venir. Concernant la dystopie, on a fait dans cet entretien tout l’historique de CAGE, qui existe depuis vingt ans et est reconnue à l’international, notamment dans le monde anglo-saxon mais pas seulement, parce que pardon, mais la langue internationale ce n’est pas le français. On peut ne pas être d’accord avec notre travail, mais notre expertise n’est pas contestée du fait de deux décennies de combat, et cela nous arrive d’obtenir des tribunes dans de grands médias internationaux, par exemple le Time nous a cités plusieurs fois. Mais ici nous sommes nouveaux et ce n’est pas seulement nous, mais également tout le travail sur la War on Terror, toute l’analyse sur ce qu’on appelle le terrorisme et le contre-terrorisme. Je ne dis pas qu’il n’y a rien eu mais mis à part quelques chercheurs ici et là, aucune organisation ne s’est emparée de cela. Donc nous on arrive avec la guerre contre le terrorisme, avec Guantanamo et en disant que tout ça, ce ne sont pas seulement les Etats-Unis mais aussi la France, et qu’elle mène cette guerre également contre les musulmans. L’apparition d’une nouvelle organisation et de nouveaux narratifs sont à mon avis les deux facteurs qui expliquent nos petites difficultés actuelles. On commence donc petit à petit, nous n’avons pas encore d’espace médiatique, mais peu à peu, inshAllah, on espère faire exister plus largement nos analyses et les injecter dans un débat public qui en a vraiment besoin.

NM : Justement, tu fais partie de la deuxième génération de CAGE, et ce qui m’a marqué la première fois que je suis venue à une de vos réunions publiques, c’est la présence de jeunes gens et notamment de jeunes femmes très déterminées et très compétentes. Pour ma part, j’ai vécu le moment 11 septembre à peu près à votre âge, et avec un regard politique islamophobe vraiment très radical à l’époque, je ne le cache pas. Mais en tout état de cause, pour votre génération, c’est du passé, et en France beaucoup de jeunes musulmans et musulmanes ont évacué ce moment qui a été quand même terrible et se sont construits sur autre chose. Au Royaume Uni comme ici, et peut-être encore plus, il y a une infinité de manière de s’engager pour la communauté, pourquoi ce choix très spécifique, pourquoi venir là plutôt qu’ailleurs ?

RF : comme tu l’as dit, nous sommes une génération qui était encore très jeune au moment du 11 septembre. Et justement nous avons grandi dès notre plus jeune âge avec les narratifs islamophobes. C’était en France, comme ailleurs, notre musique d’ambiance, notre atmosphère, ça a toujours fait partie de notre monde. Et ce sont des narratifs qui étaient radicalement islamophobes, fondamentalement déshumanisants. Même inconsciemment, cette atmosphère a construit notre matrice émotionnelle, les idées naissent avant tout dans la matrice émotionnelle. Nous avons intériorisé, premièrement l’existence de l’islamophobie et secondement sa gravité. A partir de là, ou on l’accepte en se disant que ce n’est pas si grave tout en sachant que ça entraînera des conséquences sur nos vies, psychologiquement, qu’on ne pourra jamais s’épanouir pleinement du fait de cette difficulté. Ou alors on s’y oppose. Et on cherche à s’épanouir pleinement. Donc est-ce qu’on a vraiment eu le choix ? Je ne suis pas sûr, d’un certain point de vue. Peut-être que notre investissement s’explique aussi par le fait que toute une série de facteurs nous ont fait comprendre que la France n’est pas notre monde et qu’on a réussi à établir des connexions, pas seulement avec le reste du monde musulman mais aussi avec le reste du monde tout court. La France n’est pas le centre du monde, il se passe des choses dans le monde musulman, il s’est passé des choses ces vingt dernières années, et on peut évidemment remonter plus loin encore. Mais juste sur ces vingt dernières années, il s’est passé des choses d’une gravité inouïe. Concernant les conséquences de la guerre contre la terreur, on a parlé ici de Guantanamo parce que c’est le symbole mais il y a eu 800 000 morts à cause des guerres menées par l’Occident dans le monde musulman (12). Et je parle des morts, mais si on parle des déplacés, ça se compte en millions, trente millions de musulmans, uniquement des musulmans. A partir du moment où nous avons ce lien spirituel avec ce monde, la solidarité et l’empathie se construisent naturellement. Par exemple, c’est parce que nous sommes musulmans que nous pleurons en ce moment sur ce qui se passe en Palestine et que nous comprenons la centralité de la question palestinienne à la lumière des 20 dernières années. C’est encore une autre explication mais le grief principal du monde musulman ces 20 dernières années, c’est l’occupation sioniste de la Palestine. Il y en a beaucoup d’autres mais le premier c’est celui-ci, qui existe depuis 1948, depuis 75 ans, donc. Ces prises de conscience nous ont donc orientés dans notre combat, mais je dirais que ce que nous cherchons, c’est uniquement notre épanouissement. Sheykh Ben Badis, grand savant algérien de l’ère coloniale, érivait qu’il luttait pour le “bonheur du peuple algérien”. Nous luttons pour notre bonheur.

NM : pour finir on va parler d’une figure qui est devenue assez importante, celle de Kamel Daoudi qui est le plus ancien assigné à résidence de France, depuis 2008, il l’a été pendant des années dans une indifférence assez grande. Il y a oeu de temps, un appel a été lancé à la suite de la grève de la faim et de la soif de sa très courageuse épouse. Non seulement cet appel a pu être publié sans les barrières habituelles pour ce genre de tribunes dès que des accusations de terrorisme ou de proximité avec le terrorisme sont formulées, mais de surcroit cette tribune a été signée de manière assez large par des acteurs de gauche universitaires et militants qui sont aussi confrontés, enfin nous-même puisque je fais aussi partie de ce camp politique. Nous sommes donc actuellement confrontés à des formes de répression et de stigmatisation qui sont évidemment inspirés du système islamophobe. Penses tu que dans l’avenir, malgré un niveau de répression élevé, on peut justement briser le séparatisme, et créer un camp pour la justice et la liberté, quelles que soient les Raisons et les Traditions dont on se réclame ?

RF : Oui, tout à fait, de ce point de vue-là, j’ai assez envie d’être optimiste. L’affaire Kamel Daoudi est une affaire très difficile et malgré tout on a pu réussir à obtenir un soutien assez large, en sachant que cette affaire est peut-être l’une des plus symboliques de la guerre contre la Terreur à la française. S’il a été assigné à résidence en 2008 son affaire commence dès 2001. Il fait vraiment partie de la première vague de répression après le 11 septembre. Il n’a pas été envoyé à Guantanamo mais en prison en France. Je ne vais pas refaire l’historique mais en tout cas , il y a toute une série d’affaires qui ressemblent à l’affaire Kamel Daoudi et sur lesquelles il serait important qu’un travail de sensibilisation et d’explication puisse voir le jour . Et puisque que CAGE est désormais présent en France, nous allons essayer de développer ce travail, puisque le cœur de notre analyse, c’est l’expérience de personnes comme Kamel. C’est cette matière première qui permet d’expliquer ce qui se passe en France, entre autres. Et on l’espère de changer la réalité qui est la nôtre.

NM : InshaAllah!

RF : InshaAllah!

 

Notes

 

(1) CAGE a récemment produit un état des lieux synthétique de la répression en Europe contre l’ensemble des mouvements massifs de solidarité avec la Palestine, à retrouver ici 

(2) Adnan Siddiqui raconte ici cet épisode.

(3) Dans cet entretien très approfondi sur sa vie , Asim Quareshi revient notamment sur les raisons qui l’ont amené à consacrer une partie de sa vie à combattre Guantanamo et notamment le choc fondateur en découvrant les images des détenus .

“When I saw the images from Guantánamo it really hit a nerve because we have grown up with a
certain conception that the western world provides justice. What was interesting to me later for
my work is when I spoke to released Guantánamo detainees. They always said, ―When we heard
the Americans were about to take us next from whoever picked us up initially, we were always
relieved, ‗Phew, thank God for that,‘ because at least now we have the opportunity of somebody
hearing us out and giving us some semblance of justice.‖ There has always been this perception
for many of us that the Americans and the British are the beacons of human rights and due
process, and to some extent we need to trust in that and take advantage of it for the sake of trying
to fix problems even within our own countries. But unfortunately, what I saw was the world’s
leading superpower effectively sending the message to the rest of the world that behavior like
this is acceptable.”

(4) Sur le concept d’intégrité tel que le définissent les activistes de CAGE et leurs valeurs, on peut se renseigner ici

(5) Rayan Freschi parle de Mansoor Adayfi détenu sans charges jusqu’en 2016 à Guatanamo. Mansoor Adayfi est notamment l’auteur d’un récit ” Dont forget us here” sur ses années de détention . Il écrit aussi régulièrement dans la presse anglo-saxonne, nous avons choisi cet article qui montre la déshumanisation qui continue après Guantanamo, l’interdiction faite aux ex-détenus d’emmener avec eux leur travail artistique en quittant le camp .

(6) L’histoire de Moazzam Begg a notamment fait l’objet d’un documentaire The Confession

(7) La base militaire de Bagram, en Afghanistan a servi de lieu de torture et de détention arbitraire jusqu’à la prise du pouvoir par les talibans. Elle a pu depuis être visitée par la presse internationale, on trouvera ici un article d’Al Jazzeera avec des photos éloquentes sur ce que pouvait être ce centre , ainsi qu’ici le témoignage glaçant et détaillé d’un afghan qui y a été torturé. Quoi que l’on pense du régime actuel en Afghanistan, il convient de toute façon pour penser correctement de savoir ce qui l’a précédé et d’écouter ceux qui ont subi les pires violations des droits humains

(8) Il s’agit de Lofti Ben Ali, décédé en 2021 en Mauritanie, faute de soins.  Un reportage lui avait été consacré lorsqu’il était encore au Kazakhstan

(9) On trouvera ici un recueil de textes, de poèmes et de dessins de détenus, d’ex détenus et de défenseurs des droits humains à propos de Guantanamo et de l’après. Toutes les illustrations de cet entretien sont issues de ce recueil. Il y a une particularité de l’art à Guantanamo, d’abord dans sa conception puisqu’elle y est évidemment précaire, tout comme sa conservation soumise au bon voulir des gardiens. De même la possible exposition à d’autres yeux que ceux du camp est extrêmement aléatoire comme celle des récits de l’intérieur , et nécessite parfois plusieurs années de lutte.

(10) Pour approfondir le propos de Rayan Freschi, ce texte qui lui a valu les foudres islamophobes. Il ne fait cependant qu’analyser de manière incisive et  limpide , les projets énoncés tout aussi clairement par certains responsables politiques concernant la prétendue nécessité de sortir les musulmans du droit commun, et éventuellement de les détenir sans charges, ni preuves particulières , sur des ” signaux faibles” générateurs de fiches S, par exemple .

(11) Muhammad Rabbani est non seulement interdit du territoire en France ( voir notre article ici )  mais constamment empêché de participer à des conférences internationales dans l’espace Schengen sur demande expresse du gouvernement français . Lequel met notamment en avant, le fait que Muhammad Rabbani ait été condamné en 2017 pour avoir refusé de donner les codes d’accès à son téléphone portable à l’aéroport en revenant au Royaume-Uni. Certains organes de presse ont repris cette information, mais sans se demander ce qu’il pouvait y avoir dans ce téléphone. En fait, les preuves de la torture d’un Ali Al Marri, détenu pendant 13 ans. Cette histoire censée prouver la dangerosité de Muhammad Rabbani a fait l’objet d’un documentaire PhantomParrot et prouve surtout la dangerosité sociale de la surveillance généralisée et des législations intrusives qui y sont liées

(12) Voir les statistiques établies par l’université Brown lors de son “Costs of War” Project.

https://watson.brown.edu/costsofwar/

08.12.2023 à 11:50

Lignes de Cretes & CCIE : Marcher contre l’antisémitisme ou avec l’extrême-droite islamophobe ?

Lignes de Crêtes

Le 10 décembre sera organisé à Bruxelles une marche prétendument « contre l’antisémitisme » à l’appel de plusieurs organisations de droite. Voici notre position commune, Lignes de Crêtes et CCIE (Comité Contre l’Islamophobie en Europe) sur cette initiative et pourquoi nous ne défilerons pas aux côtés des islamophobes et de l’extrême droite 8 DÉCEMBRE 2023 À l’heure de l’appropriation de la lutte contre l’antisémitisme par l’extrême droite à des fins explicitement islamophobes, le collectif Lignes de Crêtes et le Collectif contre l’Islamophobie en Europe (CCIE) expriment leur colère et leur inquiétude. Nous refusons collectivement que la marche dite contre l’antisémitisme prévue le 10 décembre à Bruxelles avec l’appui de l’extrême-droite islamophobe ne soit l’occasion d’une énième prise d’otage de la lutte contre l’antisémitisme par les forces les plus réactionnaires et les plus nationalistes de la société. Ces dernières semaines ont vu se succéder, en France et en Belgique, les tentatives d’attribuer l’antisémitisme contemporain aux seules communautés musulmanes d’Europe. Les déclarations récentes quant à la prédominance d’un « antisémitisme couscous » ou quant aux projets prétendument nourris par tous les musulmans travaillant sur les chantiers de tuer des Juifs, sont inacceptables. Plusieurs accusations portées ces dernières semaines sur les communautés musulmanes quant à des faits antisémites se sont par ailleurs avérées être fausses, ces derniers se sont ainsi révélés le fait de l’extrême-droite. Nous refusons catégoriquement ce cadrage pernicieux qui stigmatise une minorité déjà discriminée pour mieux dédouaner la majorité dominante : non, les musulmans ne sont pas plus enclins à…
Texte intégral (972 mots)

Le 10 décembre sera organisé à Bruxelles une marche prétendument « contre l’antisémitisme » à l’appel de plusieurs organisations de droite. Voici notre position commune, Lignes de Crêtes et CCIE (Comité Contre l’Islamophobie en Europe) sur cette initiative et pourquoi nous ne défilerons pas aux côtés des islamophobes et de l’extrême droite

8 DÉCEMBRE 2023

À l’heure de l’appropriation de la lutte contre l’antisémitisme par l’extrême droite à des fins explicitement islamophobes, le collectif Lignes de Crêtes et le Collectif contre l’Islamophobie en Europe (CCIE) expriment leur colère et leur inquiétude. Nous refusons collectivement que la marche dite contre l’antisémitisme prévue le 10 décembre à Bruxelles avec l’appui de l’extrême-droite islamophobe ne soit l’occasion d’une énième prise d’otage de la lutte contre l’antisémitisme par les forces les plus réactionnaires et les plus nationalistes de la société.

Ces dernières semaines ont vu se succéder, en France et en Belgique, les tentatives d’attribuer l’antisémitisme contemporain aux seules communautés musulmanes d’Europe. Les déclarations récentes quant à la prédominance d’un « antisémitisme couscous » ou quant aux projets prétendument nourris par tous les musulmans travaillant sur les chantiers de tuer des Juifs, sont inacceptables. Plusieurs accusations portées ces dernières semaines sur les communautés musulmanes quant à des faits antisémites se sont par ailleurs avérées être fausses, ces derniers se sont ainsi révélés le fait de l’extrême-droite.

Nous refusons catégoriquement ce cadrage pernicieux qui stigmatise une minorité déjà discriminée pour mieux dédouaner la majorité dominante : non, les musulmans ne sont pas plus enclins à l’antisémitisme que les autres et, à l’heure d’une montée prodigieuse de l’extrêmedroite, ils ne sont pas non plus les plus dangereux pour leurs compatriotes juifs et pour la société entière. Faire de la lutte contre l’antisémitisme un exutoire islamophobe est au mieux une preuve de manque de discernement historique, et au pire un assentiment cynique et lâche aux non-sens et au nihilisme de tous les projets racistes contemporains.

Bien que l’antisémitisme en Europe doive être abordé indépendamment de la réalité israélo-palestinienne, la guerre actuelle menée par Israël à Gaza et le soutien massif que lui accordent les États européens conduit à une suspicion permanente, et en certains cas à une criminalisation, à l’endroit de toute forme de solidarité à l’égard des Palestiniens et de critique de la politique israélienne.

L’islamophobie européenne trouve ainsi dans l’appui inconditionnel au gouvernement de Netanyahu un lieu propice au transfert de ses plus violents affects. Le coût en est la prise en otage des minorités juive et musulmane, alors sommées de jouer le rôle qui leur est imposé par la montée nationaliste dans l’économie générale de son offensive sur les sociétés européennes.

Nous refusons les assignations piégées. Les musulmans n’ont pas plus que quiconque à prouver leur engagement contre l’antisémitisme. Bien au contraire, c’est à ceux qui prétendent manifester contre l’antisémitisme avec l’extrême droite de se justifier de leur trahison abjecte de la résistance au fascisme, de leur travestissement ignoble de la mémoire qu’ils prétendent défendre. Travestissement qui a permis à l’extrême droite de prétendre qu’elle n’a jamais été antisémite ni n’a jamais eu de propos négationniste, et ce sans déclencher de scandale.

Notre engagement repose sur la conviction que la lutte contre l’antisémitisme, comme la lutte contre l’islamophobie, doit être aussi une lutte contre l’extrêmedroite, et ne saurait donc être menée avec l’extrêmedroite. Parce que nous vivons cet engagement au quotidien, nous n’irons pas demander une place dans le projet raciste et islamophobe que sont ces manifestations en France et en Belgique. Face à la stigmatisation, nous n’irons pas leur demander de nous faire une place dans leur manifestation.

Aller à cette marche pour tenter d’y adjoindre la lutte contre les autres formes de racismes, ce serait acter que cette marche est bel et bien une marche contre l’antisémitisme, or c’est faux. Aller à cette marche, c’est acter que la lutte contre l’antisémitisme ne peut se faire dans les mobilisations contre l’islamophobie, ou celles pour le peuple Palestinien.

Mais justement les faits sont plus têtus que la propagande, et le front commun a déjà lieu, avec ses contradictions, ses difficultés, ses faiblesses mais sans être condamné d’emblée par la soumission aux vents mauvais qui soufflent de partout.

Marcher_contre_l’antisémitisme_ou_avec_l’extrême_droite_islamophobe

07.12.2023 à 18:30

Yann Moix, le charme inattendu de la Corée du Nord, et la racaille qui n’est pas celle qu’on croit

Antoine Gregoire

Ce texte a été initialement publié sur un blog antiraciste en février 2017 « Entre une baston de caillera à Paris et une journée à Pyonyang paisible, je préfère la journée de Pyonyang paisible. La Corée du Nord c’est pas noir tout le temps. » Yann Moix France Inter, 9 février 2017 Mardi 7 février 2017, Nagui recevait dans son émission « La Bande originale » sur France Inter, l’écrivain, essayiste, chroniqueur, filmographe Yann Moix. L’occasion de se demander comment « on » définit un fasciste. Normalement une personne qui vante les qualités d’un des régimes dictatoriaux les pires au monde, tout en tenant un discours ouvertement raciste peut être rangé dans cette catégorie. Mais lorsque Yann Moix déroule le « coup de gueule » dont il sera question ici (l’intégralité du passage est retranscrit en fin d’article), une gêne s’installe. Le format de l’émission de Nagui n’est absolument pas prévu pour ce genre de propos. C’est une émission bienveillante, « Au programme : du gai savoir, des livres, des chroniques et de la bonne humeur… ». Nagui et ses chroniqueurs reçoivent des acteurs ou personnages de la culture qu’ils apprécient, taquinent les invités avec les humoristes, leur posent des questions personnelles. L’émission de Nagui est totalement politique, sans l’être : un invité pourra y tenir les propos politiques qu’il veut mais le format « léger » rend les réponses plus malaisées à ceux qui se veulent avant tout « animateurs bon enfant ». Ainsi lorsqu’en fin d’émission, Yann Moix…
Texte intégral (3517 mots)

Ce texte a été initialement publié sur un blog antiraciste en février 2017

« Entre une baston de caillera à Paris et une journée à Pyonyang paisible, je préfère la journée de Pyonyang paisible. La Corée du Nord c’est pas noir tout le temps. »
Yann Moix France Inter, 9 février 2017

Mardi 7 février 2017, Nagui recevait dans son émission « La Bande originale » sur France Inter, l’écrivain, essayiste, chroniqueur, filmographe Yann Moix.

L’occasion de se demander comment « on » définit un fasciste. Normalement une personne qui vante les qualités d’un des régimes dictatoriaux les pires au monde, tout en tenant un discours ouvertement raciste peut être rangé dans cette catégorie.

Mais lorsque Yann Moix déroule le « coup de gueule » dont il sera question ici (l’intégralité du passage est retranscrit en fin d’article), une gêne s’installe. Le format de l’émission de Nagui n’est absolument pas prévu pour ce genre de propos. C’est une émission bienveillante, « Au programme : du gai savoir, des livres, des chroniques et de la bonne humeur… ». Nagui et ses chroniqueurs reçoivent des acteurs ou personnages de la culture qu’ils apprécient, taquinent les invités avec les humoristes, leur posent des questions personnelles.
L’émission de Nagui est totalement politique, sans l’être : un invité pourra y tenir les propos politiques qu’il veut mais le format « léger » rend les réponses plus malaisées à ceux qui se veulent avant tout « animateurs bon enfant ».

Ainsi lorsqu’en fin d’émission, Yann Moix part dans un « coup de gueule » sur la racaille, la politesse du Nord-Coréen inculquée par un régime autoritaire mais qui n’a pas que des mauvais côtés, puis sur un mélange infâme assimilant Daech, le rap, le shit et les manifestations contre la Loi Travail, l’équipe de la bande originale ne sait plus trop quoi faire.

On notera les belles oppositions de Nagui (« Casse-toi »), les oppositions de Leila Kaddour-Boudadi (« Je peux pas vous laisser dire ça ») qui cherche à reprendre le fil de sa chronique, les tentatives aussi, moins belles, de ramener le discours inacceptable de Yann Moix à quelque chose d’acceptable (« c’est pas inintéressant mais faut faire la distinction ; faut faire attention ; faut être précis »).

Yann Moix profite de cette déstabilisation pour dérouler les outrances, et les tentatives des chroniqueurs de le ramener à l’acceptable l’encouragent simplement à aller un peu plus loin, en faisant comme s’il ce qu’avait dit procédait de la logique sans mauvaise intentions.

L’explication la plus plausible sur cette tension entre l’opposition claire au discours fasciste et la tentative de le faire rentrer dans un format acceptable est que l’équipe de Nagui ne s’attendait pas à recevoir le fascisme et à ce qu’il s’exprime à l’antenne. L’équipe de Nagui attendait un chroniqueur, un collègue parmi d’autres, un « animateur » de débats lui aussi, qui passe à la télé chaque semaine.

Et c’est le cœur du problème,la banalisation du discours pro-fascistes dans tous les médias. Une banalisation qu’il est difficile à reprocher à un média en particulier. C’est toute une chaîne de réputation que le fascisme construit de bout en bout pour se rendre acceptable. Yann Moix a publié dans la Règle du Jeu, à fait « Podium » un gros film à succès, est devenu chroniqueur chez Ruquier (qui s’était pourtant excusé d’avoir permis le succès de Zemmour).

Mais il y a une autre face de Yann Moix, qu’aucun de ses employeurs ne peut ignorer. Un aspect du personnage qui va très bien avec ses discours pro-Corée du Nord et anti « racailles ». Yann Moix est un homme qui croise très souvent des membres des sphères antisémites et négationnistes les plus radicales, mais toujours malencontreusement, toujours “par hasard”, toujours à l’insu de son plein gré .

Pour commencer par la fin, en avril 2016, les sites d’extrême-droite antisémite s’amusent beaucoup en rediffusant un selfie de Frédéric Châtillon avec un Yann Moix souriant. Frédéric Châtillon est un des pivots qui relie le Front National, Marine Le Pen, et les mouvances soraliennes, dieudonnistes, et néo-nazies.
Ex- dirigeant du GUD , entrepreneur florissant, pro-Assad, violemment antisémite, Châtillon est actuellement au cœur des enquêtes judiciaires qui secouent le FN.

Que fait Yann Moix avec Frédéric Châtillon ? Rien, il l’a croisé « par hasard » à Rome et le fasciste a voulu faire un selfie avec lui. Yann Moix affirme sur son compte Facebook avoir été piégé car il ne connaissait pas Châtillon.

Une explication plausible ? Pour d’autres oui, pour Yann Moix, elle pourrait sonner faux.

En effet, ce n’est pas la première rencontre « accidentelle » de Yann Moix avec l’extrême-droite la plus assumée. Une autre au moins a été médiatisée : celle de sa signature en 2010, sur une pétition en faveur de Vincent Reynouard, néo-nazi et négationniste. La pétition est initiée par Paul Eric Blanrue, figure des milieux d’extrême-droite et du royalisme depuis des dizaines d’années, hagiographe du négationniste Faurisson. L’immense majorité des signataires est issue des milieux fascistes les plus durs. Yann Moix qui s’affichait plus jeune avec Soral et l’écrivain antisémite Marc-Edouard Nabe ne peut pas ne pas avoir croisé une partie d’entre eux.

Là encore, Yann Moix affirme s’être fait piéger. Il recourt pour l’occasion à une justification parfaitement ignoble : Paul Eric Blanrue lui aurait promis la signature de Robert Badinter, et finalement ce fut Robert Faurisson. Yann Moix s’appuie sur le fait que Badinter a toujours été contre la loi pénalisant le négationnisme pour expliquer sa « méprise ».

Or, qui peut penser que Robert Badinter aurait signé avec les négationnistes et les néo-nazis qui le poursuivent de leur haine depuis des années ? Moins de trois ans avant cette pétition, en 2007, Faurisson a ainsi osé traduire Badinter en justice devant le tribunal pour « diffamation ». Pendant l’audience Badinter se retourne vers Faurisson et lui dit “Pour moi, jusqu’à la fin de mes jours, jusqu’à mon dernier souffle, je me battrai contre vous et vos semblables. Vous serez toujours des faussaires de l’histoire” .

Yann Moix qui prétend se battre contre l’antisémitisme de toutes ses forces, peut-il ignorer ces choses là ? Étrangement, à part les journalistes de Droites Extrêmes, personne ne se posera la question.

Personne et surtout pas Laurent Ruquier qui embauche Yann Moix pour « On n’est pas couchés » en 2015. Or juste avant le lancement de l’émission, Paul Eric Blanrue sort sur son blog un exposé de sa longue relation avec Moix. Encore une fois, celui-ci prétend n’avoir jamais entendu Blanrue parler d’antisémitisme… chose tout à fait extraordinaire à propos d’un homme qui a fait de l’antisémitisme sa profession. Yann Moix prétend avoir rompu avec Blanrue après l’affaire de la pétition, Blanrue publie des mails postérieurs de plusieurs années à la pétition de soutien à Reynouard.

A retracer tous ces “malheureux hasards” des rencontres entre Yann Moix et l’extrême-droite la plus dure, évidemment ses propos admiratifs sur la Corée du Nord, ou son envolée contre les « racailles » est moins étonnante.

Une question demeure : parmi mille chroniqueurs possibles, mille écrivains de talent, pourquoi Laurent Ruquier et d’autres choisissent ils Yann Moix, qui est pour le moins dans un rapport ambigu avec les fascistes assumés ?

La question d’ailleurs ne se pose pas que pour Yann Moix , mais pour l’ensemble des intervenants qu’on voit partout et qui suscitent ces brefs moments de « gêne » lorsqu’ils dévoilent le fond réel de leur pensée, et qui sont pourtant maintenus à l’antenne, à commencer par Eric Zemmour.

Malheureusement, la question est de fait rarement posée : ainsi personne n’aura vraiment remarqué l’envolée de Yann Moix sur la Corée du Nord et les « racailles ». Elle ne suscitera aucune protestation spécifique dans les jours suivants. Il faut dire que la semaine était déjà bien chargée entre un sketch violemment homophobe de Canteloup dirigé contre un jeune victime d’un viol policier, et un syndicaliste justifiant le terme de “Bamboula” à l’antenne de C dans l’air.

Voilà où nous en sommes. A devoir choisir le plus choquant et le plus raciste et à n’avoir que l’embarras du choix.

Retranscription des propos de Yann Moix, 7 février 2017, La Bande Originale France Inter.

(émission à retrouver ici)

Yann Moix : « bah moi je me sens bien en Corée du nord, ça relève peut être de la psychatrie mais parfois je me sens mieux en Corée du Nord qu’en France ca m’arrive, là bas ils sont carrés ils sont polis ils y’a pas d’incivilités

Nagui: Vous aimez la dictature alors ?

YM : Parfois oui j’aime bien la dictature. J’aime pas le régime nord coréen je vais pas dire ça mais…

N: bah si vous voulez le dire dites le!

YM : Non mais y’a en Corée du nord quelque chose dont on ne parle jamais c’est la population. Et la population nord coréenne qui est une population, qui est sous le joug, qui est endoctrinée et qui subit, donc je ne fais pas l’apologie du régime mais je dis parfois que il y a dans l’éducation coréenne et on le retrouve d’ailleurs au sud quelque chose qui est basé uniquement sur le respect de l’autre, mais là c’est poussé à son paroxysme évidemment en Corée du nord mais euh… entre une baston de caillera à Paris et une journée à Pyonyang paisible, je préfère la journée de Pyonyang paisible. La Corée du Nord c’est pas noir tout le temps. Il est clair que on aimerait que ce régime obscurantiste cesse et qu’il soit remplacé par un régime démocratique…

N: mais faudrait peut être comprendre pourquoi y’a une baston de caillera d’un côté et pourquoi c’est paisible de l’autre.

YM : Oui mais vous savez en France tout n’est pas explicable par ce que euh on va, euh… Nietzsche appelait la pulsion causale et à force de toujours trouver des excuses à des gens qui nous pourrissent en fait l’existence au jour le jour.

N: Non mais je parlais de chercher des solutions pas de trouver des excuses.

YM : Oui d’accord mais souvent dans le fait de chercher des solutions et c’est ce que disait Manuel Valls qui s’est fait taper dessus pour cette phrase que je trouve tout à fait juste, euh au bout d’un moment, toujours se flageller pour savoir pourquoi ces pauvres petits sont malheureux alors qu’une des motivations, souvent, c’est simplement de foutre la merde gratuitement non mais gratuitement! Ils faut arrêter de penser que les gens… vous savez toujours on dit c’est dégueulasse de stigmatiser les musulmans à cause des attentats, mais y’a une autre catégorie de personnes qu’il faut arrêter de stigmatiser c’est les gens qui sont dans la misère sociale. Parce que les gens qui sont dans la misère sociale et dans la pauvreté ne se transforment pas tout le temps en délinquants, et je peux vous dire que au bout d’un moment toujours justifier la dégueulasserie de petits cons qui dans le métro agressent les gens gratuitement, qui nous emmerdent à brûler des bagnoles gratuitement, pour une espèce de revanche d’on ne sait d’où elle sort, alors que la plupart des gens qui sont dans la misère sociale ne font rien de mal! euh… vous savez y’a une phrase de Sylvain Tesson qui me…
Là je me met un peu en colère parce que j’en ai marre de la racaille en fait, et je crois que beaucoup de gens en ont marre de la racaille, et le mot racaille a été confisqué par l’extrême droite et par la droite et moi qui ne suis vraiment pas de ces bords là je peux vous dire que je l’utilise sans problème, parce que Sylvain Tesson a dit un truc très juste un jour il a dit « la France est un pays de gens qui sont au paradis et qui se croient toute la journée en enfer. »

Donc les petits combats des petits cons toute la journée qui molestent gratuitement les gens qui agressent des personnes, et qui font qu’à cause de leur connerie on finit par tomber dans la case, je dit « on », beaucoup de français, du front national font que c’est vrai qu’en Asie, quand vous voyez que les gens sont dans la politesse dans le respect, la civilité, quand on revient en France on a l’impression de revenir dans la jungle. Et ce petit coup de gueule gratuit Nagui n’est pas un coup de gueule de réac mais un coup de gueule d’un type qui ne veut plus qu’on confisque, que ce discours soit confisqué par des gens qui sentent la mort.

(gros silence de 2 secondes. Leila enchaîne)

Leila Kaddour: D’accord. Euh bah en vous écoutant, je me disais euh bah juste avant le coup de gueule que je vous verrais bien écrire un récit de voyage (rires général, un peu forcé) nan mais c’est vrai, nan mais en même temps ce que vous dites…

N : après votre coup de gueule je pense à un truc c’est casses-toi! (on entend « euh quand même »)

L: nan c’est pas du tout ça, nan je dis que c’est intéressant, puis après euh je crois que la position de Manuel Valls que vous venez d’évoquer elle est pas inintéressante non plus sauf que il faut aussi savoir faire la distinction entre tout d’un coup ce que vous appelez vous la racaille…

YM : oui j’assume ce mot hein…

L: voilà qui cherche des ennuis gratuitement aux gens…

YM : D’ailleurs je vais écrire un livre qui va s’appeler Racaille parce que j’en ai marre que ce mot soit confisqué par la droite et par l’extrême droite et que c’est tout à fait hypocrite, tout le monde sait, tout le monde sait qu’en France en ce moment y’a une racaille, d’ailleurs les gens qui partent faire le djihad c’est pour ré-instituer (et David Thomson l’explique très bien) racaille land. Toutes les incivilités grandeur nature sur le terrain, le rap, le shit euh les nanas auxquelles on manque de respect les français sur le terrain là bas choquent même les djihadistes les plus aboutis par leur comportement avec les femmes y’a un…

(Leila le coupe) L : le rap en revanche je peux pas vous laisser dire ça parce que c’est associer un mouvement musical…

(quelqu’un): non un certain rap

YM : un cert…, voilà!

L: voilà non mais attention…

YM : non mais ils expliquent, la première chose qu’ils font là bas… non mais attendez, tout est miné en France, à chaque fois que vous dites un mot en France le mot est miné et dès que vous marchez sur le mot quelque chose explose et quand vous parlez avec les gens…

N: c’est vous qui venez de le miner en disant que le rap était une insulte aux femmes.

YM : Non j’ai dit un certain rap (il ne l’as pas dit quelqu’un l’a dit à sa place)

(Nagui se rassure) N : ah oui, d’accord…

YM : J’adore le rap par ailleurs donc euh…

L: voilà non mais faut être précis.

YM : Et je peux vous dire une chose le livre de David Thomson est passionnant parce qu’on voit très bien qu’ils essayent d’instituer là bas toutes les incivilités ici qu’on essaye de leur demander de garder dans leur poche. Là bas c’est racaille land à Raqqa et quand je dis racaille il n’y a pas de stigmatisation parce que c’est un mot qu’on aime beaucoup y compris sur France Inter, sur toutes les radios, de milieux social, je répète, la racaille c’est pas forcément des gens défavorisés je viens de le dire, c’est des gens aussi qui croient qu’il faut avoir ce genre d’attitude pour exister. Et si vous voulez et après je me tais la dessus, c’est que toutes les conversations, des gens de gauche comme des gens de droite, et Hollande dans le livre avec les deux journalistes le dit qu’il y a un problème, y’a un type d’individus en France qui sèment la zizanie qui fout la merde, tout le monde dans les conversations parisiennes le reconnaît mais plutôt, on préfère mourir que de le dire dans un micro à la radio. Oui en France et tant pis si ça choque les auditeurs de France inter, y’a une catégorie de la population qui n’est pas forcément défavorisée, que j’appelle la racaille, dedans il peu y avoir des français, euh, de toute éternité comme le dirait Marine le Pen, et c’est ça qui est grave d’ailleurs, c’est qu’on ne peut plus appeler quoi que ce soit comme il le faudrait… qu’est-ce qu’il faudrait dire des blancs européens ? Dedans y’a des chinois, y’a des japonais y’a des coréens, y’a de tout, si vous voulez. Il ne faut évidemment pas dire que ce que j’appelle Racaille viendrait des milieux arabes musulmans ça c’est faux…

L: non mais le mot est connoté.

N: y’a des voyous partout et y’a des cons partout.

L: non mais le mot est connoté, le mot est chargé…

YM: sauf que, vous voyez bien que…

L: et c’est là où je dis que si vous faites la distinction vous…

N: faut créer une autre motivations…

L: en faisant cette définition là, c’est un terme qui peut être réutilisé ensuite et on en parle toujours hein…

YM: non je vais prendre racaille… bah justement j’essaye de l’arracher à ceux qui l’utilisent toute la journée, les casseurs etc. y’a une bande de types qui en France euh, vraiment commence à agacer les patiences, contre lesquelles on ne fait rien parce qu’on a justement peur qu’à chaque fois qu’on les touchent, tout d’un coup ça va être récupéré soit par l’extrême droite soit par l’extrême gauche. Il faut arrêter d’être pris dans un étau entre d’un côté avoir peur de passer pour un raciste et de l’autre passer pour un facho, appelons un chat un chat et…

29.11.2023 à 14:37

La ratonnade comme exercice de style ? Entretien avec Emmanuel Casajus

Lignes de Crêtes

Le style n’est pas un accessoire de la jeunesse fasciste, mais une obsession, un élément fondamental de la vie, tout autant que les idées politiques. Pour écrire son livre Emmanuel Casajus a eu l’intelligence de le comprendre et de vivre avec les jeunes apprentis ratonneurs qui défraient désormais la chronique, un moment particulier de leur histoire, un entre-deux, le milieu des années 2010, ce moment où la victoire politique des aînés dédiabolisés du RN se dessine sans être acquise. Ce moment qui n’est déjà plus tout à fait la décennie précédente, celle des avant gardes fondatrices, identitaires ou soraliennes,  où quelques militants déterminés, patients et inflexibles créent un univers culturel, médiatique, politique à partir de pas grand chose, en travaillant avec acharnement. Un moment qui cependant n’est pas encore celui que nous vivons aujourd’hui, où la radicalité violente fasciste devient mainstream, parce qu’utile au pouvoir. Emmanuel Casajus a donc connu le moment de la sociabilisation facile de jeunes gens généralement de la boourgeoisie bon teint,  qui se lancent dans l’aventure en ayant immédiatement accès aux mythes et à la possibilité de se les approprier en vivant “comme des fascistes” leurs nuits de fête et leurs jours de réunion où paraître. Il a répondu  à quelques unes de nos questions. En tant que sociologue, tu adoptes un angle d’étude original en t’intéressant au style et à la violence de divers groupes politiques. Selon toi, la question de la mode et celle de la violence sont-elles importantes pour diffuser une idéologie ? C’est…
Texte intégral (2098 mots)

Le style n’est pas un accessoire de la jeunesse fasciste, mais une obsession, un élément fondamental de la vie, tout autant que les idées politiques. Pour écrire son livre Emmanuel Casajus a eu l’intelligence de le comprendre et de vivre avec les jeunes apprentis ratonneurs qui défraient désormais la chronique, un moment particulier de leur histoire, un entre-deux, le milieu des années 2010, ce moment où la victoire politique des aînés dédiabolisés du RN se dessine sans être acquise. Ce moment qui n’est déjà plus tout à fait la décennie précédente, celle des avant gardes fondatrices, identitaires ou soraliennes,  où quelques militants déterminés, patients et inflexibles créent un univers culturel, médiatique, politique à partir de pas grand chose, en travaillant avec acharnement. Un moment qui cependant n’est pas encore celui que nous vivons aujourd’hui, où la radicalité violente fasciste devient mainstream, parce qu’utile au pouvoir. Emmanuel Casajus a donc connu le moment de la sociabilisation facile de jeunes gens généralement de la boourgeoisie bon teint,  qui se lancent dans l’aventure en ayant immédiatement accès aux mythes et à la possibilité de se les approprier en vivant “comme des fascistes” leurs nuits de fête et leurs jours de réunion où paraître. Il a répondu  à quelques unes de nos questions.

En tant que sociologue, tu adoptes un angle d’étude original en t’intéressant au style et à
la violence de divers groupes politiques. Selon toi, la question de la mode et celle de la
violence sont-elles importantes pour diffuser une idéologie ?

C’est particulièrement clair dans les milieux que j’ai étudié, où l’idéologie est imprégnée
d’images esthétiques. Par exemple, les jeunes – et moins jeunes – que j’ai rencontré font sens
cesse référence, dans les entretiens ou dans leur production graphique à des âges d’or
fantasmés et mythifiés, et souvent guerriers, à des futurs non moins fantasmés et non moins
guerriers.
Ces idéologies leur fournissent un support identitaire et esthétique, et cela vient se coupler à
un style de vie (sport de combat, militantisme etc.) et à un style vestimentaire.
Pour autant, si ces phénomènes sont particulièrement clairs à l’extrême droite, et ont même
été théorisés par certains de leurs intellectuels – Ernst Jünger, ou plus récemment Venner et
de Benoit, on trouve des liens entre esthétique et politique ailleurs sur l’échiquier politique.
Les exemples abondent à gauche, où certains auteurs et artistes ont tenté de lier esthétique et
Révolution. On peut penser à Sorel – qui a d’ailleurs glissé à droite, à Ernst Bloch, à l’École
de Francfort, aux situationnistes etc. Plus récemment, les militants antifascistes ont mis en
place une esthétique de la lutte, qu’on trouvait déjà dans les pans politisés du mouvements
punks.
Je pense, même si c’est plus dur à démontrer, qu’il y a aussi une esthétique du libéralisme,
dans la figure du self-made-man tout puissant.


Dans ton livre, tu dépeins des mouvements d’extrême droite radicale pour lesquels le
militantisme se résume pour l’essentiel à des coups de force dans la rue ou à un
« concours de bites » avec les milieux antifascistes. Avec l’installation du Rassemblement
national comme force d’opposition principale à Macron et l’arrivée de l’extrême droite
zemmourienne, ces bandes ne risquent-elles pas de s’être rencontré et de se structurer
davantage ?

Quand j’effectue mon terrain, en 2015-2016, les jeunes d’extrême droite ne se voient pas aux
portes du pouvoir. Dans leur quotidien, ils sont en effet obnubilés par des rivalités
intergroupusculaires, rivalités qui s’incarnent dans une compétition pour le monopole de la
violence et du style, et que l’expression que tu utilises résume bien.

Le FN au second tour est alors un lointain souvenir, et si les manifestations contre le mariage
homosexuel les ont stimulés, elles les placent dans une position contestatrice, à rebours de
l’ordre du monde. Une position de perdant magnifique confortable, mais pas très sérieuse.
Les succès récents de l’extrême droite électorale modifient profondément cette perspective. A
cela s’ajoute que pour une nouvelle génération de militants, les luttes internes et les divisions
idéologiques sont perçues comme stériles.
Mais les dissolutions successives de Génération Identitaire et du Bastion Social ont également
joué : Identitaires et Nationalistes Révolutionnaires se sont rapprochés. Notons d’ailleurs que
ces mouvements sont issus de la même matrice. Les Identitaires sont héritiers d’Unité
Radicale, qui s’est créée suite à la fusion du GUD et Jeune Résistance. Si des différences
idéologiques persistent entre ces mouvements, ils se comprennent bien.

D’après ce que tu as étudié, quelle est l’évolution de ces bandes depuis l’arrivée
d’Emmanuel Macron au pouvoir ? Jouissent-elles plus de libertés qu’avant, d’un
laisser-faire des préfectures, du regard bienveillant de certaines personnalités, comme
sous le septennat de Valéry Giscad d’Estaing ?

D’une part, le gouvernement a mené, comme je l’ai dit, des dissolutions successives. Mais
d’autre part, les membres de la majorité semblent prendre un certain plaisir à voir des
militants humanistes ou de la France Insoumise menacés. Après les conflits sociaux
mouvementés de ces dernières années, ils perçoivent ça comme un juste retour des choses.
Quitte à tenter des parallèles délicats, la situation m’évoque plus les années 1920 italiennes –
toute proportion gardée -, quand la bourgeoisie conservatrice, craignant une révolution
sociale, en appelait aux faisceaux de combat pour mater les mouvements sociaux et corriger
les militants de gauche.
Un aspect du problème est que les macronistes craignent l’arrivée prochaine de l’extrême
droite au pouvoir, et ils veulent être du côté des vainqueurs.

Tu expliques que beaucoup de ces militants, parce qu’ils recherchent le style avant tout,
« font semblant » d’écouter des conférences, de manier des concepts qu’ils ne maîtrisent
pas ou de vendre des journaux. L’arrivée d’un parti d’extrême droite au pouvoir ne
risquerait-elle pas de faire pousser des ailes à ces militants, qui arrêteraient alors de
« faire semblant » ?

J’emprunte le concept de « faire-semblant » à Erwing Goffman. Le faire semblant, pour
Goffman, est le fait d’imiter des actes et des comportements, afin d’occuper le rôle qu’on est
censé jouer. Ainsi pour les militants d’extrême droite, agir en militant d’extrême droite, c’est
jouer le rôle d’un militant d’extrême droite.
Ce qui est marquant, c’est que les intéressés avaient théorisé cette dimension surjouée du
militantisme. A l’Action française, le terme utilisé pour désigner ce phénomène était la
« représentation » – un terme très goffmanien, puisque Goffman fait un parallèle constant
entre la vie quotidienne et le théâtre. Cette représentation – le fait de « performer l’Action
française – devait se dérouler devant des éléments extérieurs. La bourgeoisie catholique dans
une Manif pour Tous, ou des potentiels nouveaux membres lors d’une réunion de rentrée, par
exemple. Il fallait que ce public voie l’Action française non telle qu’elle était, mais telle qu’ils
l’avaient imaginé.

Tu as aussi étudié les milieux d’extrême gauche antifasciste avec lesquels tu notes des
similitudes sur la question des modes et du style. En dehors de l’idéologie des deux
groupes qui est évidemment aux antipodes, quelles sont les différences fondamentales
que tu remarques ?Jusque dans les années 2000, la gauche conservait une vraie puissance contre-culturelle
dans la rue grâce à divers groupes de musique (punk, ska, rap), une certaine mode
vestimentaire (on peut penser aux catalogues « Goéland ») ou la vigueur de ses militants.
Selon toi, qu’est-ce qui a changé depuis ?

Il m’est difficile de répondre, puisque le mouvement antifasciste que j’ai connu, à la fin des
années 2000 et jusqu’en 2012, ne voyait pas non plus l’extrême droite aux portes du pouvoir –
même s’il alertait sur son retour dans la rue.
Aujourd’hui, une nouvelle génération de militants a repolitisé et ouvert le mouvement sur
l’extérieur. C’est un phénomène nouveau, qui n’a pas d’exact équivalent à l’extrême droite.

Le sujet mériterait d’être creusé par une vraie étude mais il est possible d’avancer quelques
pistes : les contre-cultures ont besoin de lieux pour exister et de soutiens institutionnels. Faute
de soutiens institutionnels, nombre de lieux qui permettaient à ces contre-culture de
s’exprimer ont été fermés.
Enfin, ces courants musicaux ont peiné à se renouveler et ont été concurrencés par des
mouvements culturels festifs et musicaux moins politisés (teuf, électro, etc.) Enfin, bon
nombre de thématiques historiques de la contre-culture, empruntés à l’occultisme ou teintés
d’orientalisme ont vu leur connotation politique droitière renforcée.

Les forces conservatrices – dont une certaine gauche proche du PS et du Printemps
républicain – s’emploient en ce moment à diaboliser la gauche antifasciste, notamment
la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, la qualifiant tour à tour de « gauche anti-
républicaine », « islamo-gauchiste » ou « anarchiste ». Cet acharnement semble limiter
le développement d’une force électorale de gauche en France, mais pire : il incite à la
timidité idéologique de millions de personnes qui s’autocensurent. Comment la gauche
pourrait-elle retrouver son aura dans la rue ? Et politiquement, comment faire ressurgir
une gauche décomplexée à même de briser la machine infernale ?

Certaines personnalités médiatiques classées à gauche, mais qui laissaient les milieux
militants indifférents, ont vu dans la montée de l’extrême droite la possibilité de se
trouver un public et une reconnaissance. Cette carrière évoque celle de certains
politiques de gauche de l’entre-deux guerre : seconds couteaux dans leur camp
politique, ils ont espéré se distinguer en flirtant avec l’extrême droite et en collaborant.
Quoiqu’ils en soient, ces personnalités – Éric Naulleau en est sans doute l’exemple le
plus caricatural, mais on peut aussi citer Onfray, Enthoven ou Fourest, sont dans une
recherche constante d’approbation par l’extrême droite, qu’ils obtiennent en tirant sur le
camp politique dont ils sont supposés être issus. D’où leurs attaques constantes contre
LFI ou la NUPES.

Entretien réalisé par Noé Clectic

Emmanuel Casajus

Style et violence dans l’extrême droite radicale

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