13.09.2025 à 08:00
“La Déprise”, de Clotilde Leguil : apprendre à ne pas céder sur son désir
Dans son nouvel essai La Déprise, la philosophe et psychanalyste Clotilde Leguil offre une vision lumineuse des rapports amoureux, qui n’occulte pas le risque inhérent à toute rencontre. Un livre qui a séduit Clara Degiovanni dans notre nouveau numéro.

12.09.2025 à 18:00
“Sirāt” : marche ou rave
Que faire au fond, sinon danser ? C’est la question que s’est posée Ariane Nicolas en regardant Sirāt, d’Oliver Laxe, en ce moment à l’affiche. Car à travers la quête éprouvante d’un père pour retrouver sa fille, ce road movie zigzaguant au milieu de raves techno dans le désert marocain nous offre peut-être la métaphore du mois au cinéma…
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Ce texte est extrait de notre newsletter hebdomadaire « Par ici la sortie » : trois recommandations culturelles, éclairées au prisme de la philosophie, chaque vendredi soir. Abonnez-vous, elle est gratuite !
« Luis, un père de famille taciturne et paumé (Sergi López), s’invite dans une rave party organisée au beau milieu du désert marocain dans les années 1990. Accompagné de son fils Esteban, il y cherche sa fille Marina qui a récemment pris la poudre d’escampette. Sur le terrain ocre balayé par les vents, les enceintes empilées comme les pierres d’un temple inca crachent une techno hypnotisante. Après une évacuation forcée de l’armée – une guerre semble se préparer dans cette zone disputée avec la Mauritanie – Luis s’engage dans un road trip dantesque. Il accompagne deux antiques camions de raveurs pour rejoindre une autre fête désertique où, pensent-il, Marina se situerait. Croisement entre Mad Max, Zabriskie Point et Le Salaire de la peur, Sirāt, du réalisateur espagnol Oliver Laxe, a envoûté le public au festival de Cannes, où il a reçu le prix du jury. Non sans raison. Âpre, aventureux, sans pitié, Sirāt est autant la quête dangereuse d’un être cher qu’une métaphore sous acide de la vacuité de l’existence. Que faire, au fond, sinon danser ? Le film s’oriente dans deux directions. D’un côté, il essaie de rendre visible, palpable, le phénomène magique par lequel des ondes traversent le corps humain et l’activent lorsqu’on danse. De l’autre, il déploie un joli motif, celui de l’effritement des corps et du monde, qui n’est pas sans rappeler un autre film de vraie-fausse apocalypse, Alpha, de Julia Ducournau (sorti le 20 août dernier). À l’image de cette roche grattée par les roues des véhicules, plusieurs personnages ont des corps amputés, comme raclés par la vie. Au IVe siècle avant J.-C., Aristote a tenté de décrire le phénomène amenant tout ce qui naît à disparaître inéluctablement, et qui implique le processus d’“altération” de la matière : “Il faut nécessairement considérer la production et la destruction des choses comme une simple altération” (De la génération et de la corruption). Les personnages de Sirāt ne sont pas les seuls à être “altérés” par cette expérience éprouvante. La montagne ressort pareillement métamorphosée. On comprend alors qu’un corps inerte peut aussi être, à sa manière, bien vivant. »
Sirāt, film franco-espagnol d’Oliver Laxe (1h55). Avec Sergi López, Jade Oukid, Bruno Núñez Arjona... Sortie le 10 septembre. Voir les séances.

12.09.2025 à 12:00
Laure Gillot-Assayag : “Le compromis n’est pas aujourd’hui considéré comme une vertu politique”
Pourquoi le compromis est-il si compliqué dans une Assemblée nationale sans majorité ? Laure Gillot-Assayag, doctorante à l’École des hautes études en sciences sociales et philosophe au Cespra, nous répond en mobilisant la pensée éthique de Paul Ricœur.
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Pour quelles raisons la politique du compromis de François Bayrou a-t-elle échoué ?
Laure Gillot-Assayag : Parce qu’il s’agit justement d’une politique de compromis, et non d’une véritable éthique du compromis. Cela peut sembler jouer sur les mots, mais la distinction est essentielle. L’échec du compromis est d’abord un échec de méthode, d’écoute et de prise en compte des partenaires. Au lieu de s’engager dans une période de négociation préalable, le Premier ministre a pris le Parlement de court en déclarant le 25 août que la discussion sur les orientations budgétaires n’aura lieu qu’après un vote de confiance. À l’inverse, le compromis éthique suppose l’inclusion en amont des acteurs concernés, la mise en commun des perspectives pour permettre la co-construction de solutions, et gouverner dans un contexte politique fragilisé et divisé. Un compromis éthique n’est pas une tactique de négociation, ni une issue de secours personnelle ou politique. La défiance de l’opinion à l’égard des institutions et des responsables politiques – les partis politiques, qui se rêvent encore majoritaires – participe aussi à cet échec du compromis. Il faut noter que le mot de « compromis » souffre en France d’une mauvaise réputation. Il évoque la trahison mais également la tiédeur. Cette compréhension erronée du compromis – assimilé à une compromission avec la politique d’un gouvernement contesté ou à de simples calculs électoraux de court terme – entrave toute dynamique de coalition susceptible de dépasser les crises politiques.
➤ À lire aussi : Philosophie magazine n°187, « Faut-il faire des compromis pour avoir la paix ? »
Comment le compromis devient-il une vertu politique ?
À partir du moment où l’on ne le conçoit plus comme un défaut de radicalité. Un compromis éthique ne signifie pas la recherche d’un accord total et parfait – c’est un second-best – ni un abandon de ses valeurs, mais une solution travaillée pour être suffisamment partagée et permettre la coexistence pacifique et la poursuite du bien commun. Il faut cependant rappeler, avec Avishai Margalit, un auteur sur lequel je publie un ouvrage collectif en décembre, qu’il existe toutefois des compromis inacceptables : ceux qui instituent un système d’humiliation comme dans les régimes totalitaires. Mais la France n’en est évidemment pas là.
“L’échec du compromis de Bayrou est d’abord un échec de méthode et d’écoute”
En Allemagne, en Suède, en Belgique et même en Espagne, les partis politiques semblent davantage disposés à travailler ensemble pour dégager des compromis. Pourquoi la France fait-elle exception ?
Deux éléments me paraissent décisifs : l’histoire politique et sociale de notre pays et la structure institutionnelle française. Historiquement, la France est marquée par une culture politique dominée par le système électoral majoritaire à deux tours : ce système offre généralement une majorité à un seul parti, qui n’a pas besoin de passer des compromis avec les partis minoritaires. Institutionnellement, la Ve République repose sur un présidentialisme fort, que De Gaulle a conçu en parfaite opposition au régime du compromis de la IVe République, pour mettre fin à l’instabilité chronique des alliances. Dans un contexte de pluralisme politique, le résultat est cependant paradoxal. La concentration du pouvoir décisionnel a accru la défiance à l’égard du régime, ce qui fait monter des partis minoritaires et semble exiger un recours plus fréquent au compromis ! Par ailleurs, le poids de l’imaginaire révolutionnaire qui veut que les droits sociaux – les 35 heures par exemple – aient été « arrachés » au pouvoir plutôt que négociés, nourrit aussi une culture du conflit et l’idée que la victoire politique doit être totale, et non partagée. Contrairement à la France, en Europe, dans la plupart des régimes parlementaires ou semi-présidentiels, les coalitions sont une pratique courante. Elles peuvent être homogènes et regrouper des partis du même bord politique comme en Espagne (coalition de centre-gauche) ou en Italie (coalition des trois forces d’extrême droite et de droite), ou hétérogènes et associer des partis aux positions parfois éloignées, comme en Allemagne et en Belgique… L’expérience suédoise, elle, fait l’objet d’une observation particulière. La coalition compte l’un des partis sociaux-démocrates les plus puissants d’Europe mais aussi les partis de la droite et de l’extrême droite. Dans tous les cas, ces coalitions nécessitent toujours des compromis importants pour assurer la stabilité gouvernementale et une gouvernance efficace.
“Nos partis ont plus de mal qu’ailleurs dans le monde à travailler ensemble en raison de l’histoire politique, de la structure institutionnelle et du système électoral français”
Vous avez travaillé sur l’œuvre de Paul Ricœur. Son éthique pourrait-elle nous permettre de repenser la politique française ?
Ricœur a peu écrit sur la notion de compromis, mais ses intuitions sont précieuses. Le compromis est une figure de la mise en accord en situation de profond désaccord, ce qui caractérise parfaitement la situation politique française. En situation de pluralisme, l’alternative est soit un consensus introuvable, soit un agonisme permanent, c’est-à-dire une guerre politique sans fin. Le compromis trace donc une voie médiane : il ne cherche pas à supprimer le conflit mais à frayer une solution suffisamment partagée pour permettre la coexistence pacifique et la poursuite du bien commun. Paul Ricœur y voyait une option à la fois « forte et fragile » : forte, car seule capable de viser le bien commun au-delà des factions ; fragile, car toujours menacée par le soupçon ou le retour du conflit. Cette perspective repose sur une forme de sagesse pratique. Il ne s’agit pas d’un idéalisme naïf mais de la capacité à agir dans des conditions non idéales, à établir des priorités, à définir des lignes rouges qui ne peuvent être franchies et à reconnaître que nul parti ne peut incarner à lui seul la totalité de l’intérêt général. Dans mon travail de recherche, je démontre que Ricœur pense le compromis non comme une simple concession mais sous l’angle d’une éthique politique de création commune : il consiste à inventer des intersections originales entre des valeurs et intérêts opposés. Ricœur met aussi en garde contre une réduction du politique à l’économique. L’économie est importante mais elle ne doit pas absorber les dimensions éthique et politique de notre monde. Le compromis suppose au contraire de penser l’équilibre entre ces trois sphères : économique, politique et éthique, ce qui ouvre la voie à des discussions prometteuses en termes de compromis, où les projets politiques croisent la réalité économique sans oublier la justice sociale. Il considère d’ailleurs que l’échec du compromis est lié à une « carence d’imagination ». Il existe sans doute de multiples voies pour réduire la dette, au-delà du sacrifice unilatéral qui est demandé. Faute de cette créativité, les propositions se révèlent incapables d’ouvrir de nouveaux horizons conciliateurs pour sortir de la crise économique. La voie ouverte par Ricœur – celle d’une éthique du compromis – est exigeante. Elle ne promet pas des solutions rapides, idéales, mais un travail besogneux et agile. Elle offre toutefois un horizon enthousiasmant – celui de reconnaître que la politique démocratique n’est pas l’art de vaincre mais l’art de tenir ensemble malgré nos divergences. Envisagé dans une perspective éthique, le compromis contribue même à rétablir la confiance en s’appuyant sur la reconnaissance mutuelle de soi et d’autrui, comme l’explique Ricœur dans son Parcours de la reconnaissance (Stock, 2004). Il permet à chaque partie de sauvegarder les valeurs qu’elle considère essentielles, tout en maintenant les responsabilités politiques de chacun.
“Chez Ricœur, le compromis ne doit pas concéder mais créer : inventer des intersections originales entre des valeurs et intérêts opposés. Quand on échoue, c’est qu’on manque d’imagination !”
Avez-vous des exemples de mesures qui pourraient nous faire davantage accepter le compromis en politique, et transformer l’ennemi en simple adversaire ?
Nous pouvons citer des mesures portées depuis des années, comme l’adoption d’une dose de proportionnelle dans le système électoral. Cela permettrait une représentation plus équitable de l’opinion, une visibilité des petits partis, et renforcerait la nécessité du compromis. Nous pouvons penser aux mesures allant dans le sens de la démocratie participative et délibérative pour sortir de la personnification politique et de son spectacle médiatique. Mais je suis convaincue que modifier les règles du jeu est insuffisant. Il faut également sensibiliser les acteurs à « l’esprit du compromis », selon l’expression d’Amy Gutmann et Dennis Thompson, en proposant par exemple une formation éthique des responsables politiques sous la forme d’éducation continue, un lifelong learning appliqué à la démocratie. Il s’agit par cette mesure de s’assurer que ceux qui exercent des responsabilités publiques disposent des compétences éthiques nécessaires pour représenter le peuple et apprennent à forger des compromis éthiques inventifs, inclusifs mais cohérents avec leurs engagements. Gouverner n’est pas une œuvre de cavalier seul mais un devoir collectif : celui de prendre en compte la diversité politique des citoyens et de guider l’action collective vers le bien commun. Je suis persuadée que l’absence durable de majorité absolue à l’Assemblée nationale peut offrir une occasion unique de replacer l’éthique du compromis au centre de la démocratie comme manière de gouverner.

12.09.2025 à 08:00
La vérité du corps : entretien avec Claude Romano
Auteur de vastes enquêtes philosophiques sur la notion d’expérience, d’événement ou d’identité, le philosophe Claude Romano explore d’autres manières de voir le monde. Contre les utopies transhumanistes et les penseurs sceptiques, il propose de renouer avec la réalité de notre corps, notre milieu de vie et avec l’idée même de vérité. Un entretien à retrouver dans notre nouveau numéro, disponible chez votre marchand de journaux.

11.09.2025 à 17:00
Affaire Legrand-Cohen : les liaisons dangereuses entre presse et pouvoir
La vidéo montrant deux journalistes de France Inter, Thomas Legrand et Patrick Cohen, en train d’échanger au sujet de la prochaine campagne présidentielle avec des responsables du Parti socialiste a fait scandale. Une affaire révélatrice des rapports complexes entre médias et classe politique, et qui rappelle un enjeu crucial : la responsabilité des journalistes en démocratie.
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C’est la séquence qui agite le monde médiatique depuis quelques jours : le média L’Incorrect, classé en général à l’extrême droite, a dévoilé une vidéo [voir ici l’extrait principal, isolé par Le Figaro] prise à la dérobée d’une conversation entre deux journalistes – Thomas Legrand (France Inter, Libération) et Patrick Cohen (France Inter, France 5) – et deux hommes politiques « proches d’Olivier Faure » (dixit Legrand) : Luc Broussy, président du conseil national du PS, et Pierre Jouvet, eurodéputé socialiste. On y voit les quatre hommes échangeant à bâtons rompus autour d’une table du Coucou, une brasserie du VIIe arrondissement de Paris.
La scène, récemment diffusée, date en fait du 7 juillet. Le montage vidéo a été mis en ligne après la publication d’un article « avec recontextualisation, retranscription et vérification des faits, bref, la base du journalisme », affirme la rédaction de L’Incorrect, relatant plus en détail la rencontre. En guise d’élément de contexte, L’Incorrect évoque notamment un édito de Legrand qui vient de paraître au moment de l’échange : « Pour l’emporter à la présidentielle en 2027, redessiner les frontières de la gauche ».
Fragments de discussion
La discussion est présentée, dans un second article de L’Incorrect paru en réponse à la polémique suscitée par la diffusion de la vidéo, comme un exemple accablant de collusion, de « connivence entre des journalistes du service public » – accusé à répétition par la droite et l’extrême droite de « rouler » pour la gauche – et des élus socialistes : « Les vidéos qui nous ont été transmises figurent quatre personnalités publiques toutes payées par le contribuable, discutant, de vive voix et dans un lieu ouvert, de la chose publique en enfreignant objectivement toutes les règles déontologiques qui s’imposent à elles du fait de leur statut, et qui révèlent vouloir instrumentaliser leurs médias publics, normalement pluralistes car financés par les impôts de tous et destinés au service de l’intérêt général, pour peser en un sens partisan bien précis sur le cours des prochaines élections et par là sur l’avenir du pays. »
“Les quatre hommes semblent débattre de comment faire gagner une figure de gauche modérée aux prochaines présidentielles”
Tels que présentés par le montage, les « propos tronqués et décontextualisés peuvent prêter à confusion », reconnaît Thomas Legrand dans son billet paru dans la foulée. Les quatre hommes semblent débattre de la meilleure manière de faire gagner une figure de gauche modérée, non mélenchoniste, aux prochaines présidentielles. « On sera tous derrière Glucksmann, mais il fera 10% quand même… », déplore Pierre Jouvet. Legrand propose une solution : élargir. Il y a un « champ de Ruffin à Canfin » [Pascal Canfin, ancien ministre sous François Hollande et eurodéputé passé par EELV avant de rejoindre la République en marche]. « L’intérêt de Canfin, c’est d’élargir la bordure pour que Glucksmann soit plus au milieu. » Selon Legrand, « ce champ-là, ça te crée Glucksmann » – « avec un score tout mouillé de 32%, 33% », ajoute Patrick Cohen. Dans son billet, Legrand se défend : « Loin d’un quelconque soutien, je fais simplement l’analyse qu’entre une forte incarnation à gauche de la gauche (Mélenchon) et une forte incarnation à la droite de la gauche (Hollande et Cazeneuve), il manquait, au centre de la gauche, c’est-à-dire à son point d’équilibre, un discours clair et un leader identifiable. Pour que ce trou soit comblé, il eut fallu que Raphaël Glucksmann et Olivier Faure s’entendent. Une analyse que j’avais développée dans un édito finement intitulé “La gauche Donut”, du nom de ce beignet avec un trou au milieu. »
La discussion se poursuit : si la stratégie peut permettre de passer le premier tour, Glucksmann peut-il l’emporter au second ? « Glucksmann-Le Pen, c’est pas fait », souligne Legrand. « Le problème, je ne sais pas ce que fait le centre droit. » S’ensuit un développement qui a particulièrement fait réagir : « Le marais centre droit-centre gauche, on les entend pas beaucoup, ils sont insonorisés mais ils écoutent France Inter », « en masse ». Autre enjeu abordé, plus proche dans le temps : les municipales. À propos du Rassemblement national, Legrand interroge : « Ils arrivent à créer des listes qui ne se feront pas détruire par la presse ? » Mais c’est surtout Paris, où Rachida Dati pourrait arracher la mairie à la gauche, qui est au cœur de l’extrait de discussion. « Patrick et moi, on fait ce qu’il faut pour Dati », lance Legrand, qui expliquera ainsi ces « propos à l’emporte-pièce » : « Ce qui peut choquer, c’est le fait que j’ai l’air de la cibler spécialement et de vouloir contribuer à sa défaite aux municipales à Paris. Loin de moi l’idée d’imaginer peser sur une élection. Et heureusement. J’assume néanmoins de m’employer à dire la vérité sur les mensonges et l’attitude néotrumpienne de la “ministre de la Communication” », qui avait par ailleurs vivement pris à partie Patrick Cohen sur le plateau de C à vous, sur la chaîne France 5, quelques semaines plus tôt. Plus en réserve, Cohen prend la parole pour dénoncer les mensonges du RN, et il ajoute : « Retailleau, Dati et tout ça, ils sont là-dedans aussi… Ils sont dans le faux. » Legrand surenchérit : « La Bollosphère [l’ensemble des médias appartenant à Vincent Bolloré], ils mentent. » L’article de L’Incorrect conclut : « Vous demandiez le programme France Inter ? Le voici : propulser Raphaël Glucksmann comme favori à la présidentielle de 2027, empêcher Rachida Dati de remporter la mairie de Paris en 2026. »
Éthique du journaliste
Voilà pour les faits partiels – tels que présentés par L’Incorrect. La méthode – l’enregistrement d’une conversation privée et sa diffusion publique à l’insu des individus concernés, dont certains sont des « confrères » – a fait vivement réagir et a été largement mise en cause comme un manquement à la déontologie journalistique. Adèle Van Reeth, patronne de Radio France, a dénoncé des pratiques « illégales et déloyales ». Le mystérieux auteur de la captation vidéo – un simple « lecteur », affirme Juliette Briens, de L’Incorrect – était-il là par hasard, ou bien était-il là sciemment pour enregistrer la scène ? « Il n’y a pas eu de traque ni d’espionnage », affirme Briens. Quant au respect de la vie privée, le code pénal est clair : « Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait, au moyen d’un procédé quelconque, de volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui […] en captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel. » Mais L’Incorrect se défend : « Avant la publication, nous nous sommes posé cette question : sur ce sujet bien précis, le droit à l’information prime-t-il sur le droit au respect de la vie privée ? Cette affaire est un véritable scandale sur un sujet d’intérêt général, donc nous avons décidé de publier ces informations. […] Les scandales et affaires révélées par la presse sur la base d’un enregistrement ou d’une vidéo obtenue à l’insu des protagonistes sont légion. » Aucun texte ne tranche légalement l’articulation entre ces deux droits – respect de la vie privée et droit à l’information – mais la jurisprudence (de la Cour de cassation et de la Cour européenne des droits de l’homme en particulier) considère que des éléments relevant de la vie privée peuvent être divulgués si leur diffusion répond à un intérêt public légitime.
“La frontière entre relation de travail et copinage est parfois ambiguë”
La séquence est-elle vraiment d’intérêt général ? Constitue-t-elle, comme le considèrent les journalistes de L’Incorrect, un scandale ? Difficile à dire. Le fait de rencontrer des hommes politiques de tous bords, de déjeuner ou de prendre un café avec eux, est très courant – du moins dans la tradition du journalisme français. La frontière entre relation de travail et copinage, comme le souligne Olivier Ubertalli dans Le Point, est parfois ambiguë : « La relation entre un journaliste et une source, base du métier, est par essence compliquée. On travaille parfois dans une zone grise, qui consiste à essayer de soutirer un maximum d’informations à notre source. Il peut parfois exister une forme de fausse connivence afin de mettre l’autre en position de se confier. » Le fait d’échanger avec des responsables publics, de nouer des relations avec eux, n’en reste pas moins un élément essentiel du travail du journaliste politique : c’est l’une des manières les plus efficaces d’obtenir des informations sur les évolutions, les dynamiques, les tensions larvées de la vie politique. Legrand le rappelle dans son billet : « Je fréquente professionnellement depuis longtemps quelques personnalités politiques, de tous bords. Il m’est même arrivé, c’est normal et utile, de parler à bâtons rompus avec des chefs à plume du FN, puis du RN, pour mieux comprendre les enjeux de pouvoir au sein de leur mouvement. […] Quand on est journaliste politique, toutes les situations, de proximité et de distance, tant qu’elles sont honnêtement négociées, sont envisageables. Sauf, bien sûr, des relations trop personnelles. » Patrick Cohen insiste d’ailleurs sur le fait que la rencontre incriminée n’était « pas un café entre amis ». Quant à Legrand, il a précisé dans le même sens qu’il « faisai[t] connaissance à cette occasion ».
En l’espèce, est-ce vraiment le sentiment de copinage qui a suscité une vive réaction dans l’opinion publique ? Pas uniquement : c’est surtout le sentiment d’un alignement politique, d’une convergence idéologique, qui suscite un trouble. La présence non pas d’un mais de deux journalistes influents accentue l’impression d’une instrumentalisation des organes de presse à des fins électorales. Legrand, dans son billet, se défend d’apporter sa pierre à l’élaboration d’une stratégie pour faire gagner la gauche modérée : il livre une « analyse », pas un conseil de stratégie politique pour faire gagner une orientation politique qu’il défendrait lui-même. Reste que, si l’analyse consiste à dire que dans telle section de l’électorat, il y a un vide ne réclamant qu’une incarnation fédératrice de gauche pour l’emporter, la frontière entre l’analyse et le conseil se brouille facilement… Le journaliste aurait-il prodigué une analyse comparable sur les conditions de possibilité d’une victoire de la France insoumise à Jean-Luc Mélenchon, par exemple ? Le lexique employé suggère discrètement une forme d’engagement : le second tour de la présidentielle, par exemple, est un « problème »… mais pour les socialistes, ou également pour Thomas Legrand ? Le journaliste se contente-t-il d’adopter le point de vue de ses interlocuteurs socialistes, de se mettre à leur place, ou s’y identifie-t-il un peu ?
Fait et opinion : le journaliste peut-il avoir des convictions ?
À la fin de son billet, Legrand écrit : « Je ne revendique qu’une chose : le droit d’exercer ma fonction d’éditorialiste, une branche du métier de journaliste. Je suis éditorialiste, libre des opinions que j’affiche dans mes billets, mais aligné sur rien ni personne. Sans attache ni intérêts autres que celui de faire vivre le pluralisme au sein de mon journal. » Dans un contexte où les journalistes, tout particulièrement ceux de France Inter, sont accusés par la droite de promouvoir certaines convictions de gauche en les camouflant hypocritement sous les apparences de la neutralité, Legrand reconnaît le fait que le journaliste écrit toujours en fonction d’un certain point de vue. Mais c’est balayer d’un même geste la possibilité que ces opinions flottant dans le ciel des valeurs, « aligné[es] sur rien ni personne », puissent entrer effectivement en résonance intéressée avec des projets politiques, des programmes, des parties (et des partis), des mouvements sociaux. Assumer des convictions est une chose ; reconnaître le risque inhérent d’un glissement de la conviction au soutien actif à un camp au sein des rapports de forces politiques concrets en est une autre.
“Il est normal qu’un journaliste ait des convictions. Mais il est investi de la responsabilité de rendre compte de la pluralité des opinions”
La frontière entre les deux est souvent floue. Le simple fait de porter certaines valeurs et convictions ne peut manquer, même involontairement, de profiter à un camp ou à un autre. Il n’en demeure pas moins admis, bon an mal an, qu’il est normal que les journalistes aient des convictions et que, parfois, ils les expriment. Ni la Charte de Munich, ni la Charte d’éthique mondiale des journalistes ne parlent de neutralité. C’est, souligne Hannah Arendt, le propre des faits que d’être la matrice des opinions qui s’échangent dans l’espace public ; c’est sur l’échange d’opinions que se fonde la vie politique. Si le journaliste rapporte les faits objectifs, il peut difficilement, en tant que membre de la communauté politique, ne pas aussi livrer ses opinions sur le sujet dont il parle. Sans doute doit-il le faire davantage que d’autres avec parcimonie et précaution : demeure néanmoins toujours un risque qu’investi des exigences de dire la vérité factuelle, il soit tenté de présenter son opinion comme un fait, instillant une confusion entre les deux ordres. Le journaliste est encore investi, au-delà des faits, de la responsabilité de rendre compte de la pluralité des opinions qui animent le débat public. Et là encore, il peut être tenté, à l’aune de ses convictions, de passer sous silence certaines franges de l’opinion. Pour autant, ces risques n’invalident pas le droit du journaliste à avoir des opinions et à les exprimer, donc – et moins encore le fait qu’il en a et, qu’il le veuille ou non, qu’il l’assume ou non, les exprime dans le choix des faits qu’il aborde et la manière dont il en parle. On peut être fidèle à la vérité factuelle – c’est là le cœur du travail journalistique – comme au pluralisme des opinions tout en défendant certaines valeurs. D’ailleurs, mieux vaut peut-être un journaliste honnête qui, prenant conscience des valeurs qui l’orientent, ne fasse pas mine de se situer au-dessus de la mêlée sociale et qui assume explicitement des convictions plutôt que de les dissimuler sous un discours de pseudo-objectivité. Comme le rappelait Pierre Jacquemain dans Politis à la suite de la diffusion de la vidéo pointée, « le journalisme objectif, au sens absolu, n’existe pas ». De nombreux médias affirment de fait une ligne éditoriale, sans que cette ligne ne discrédite le sérieux de leur production journalistique.
La question se pose de manière assurément plus complexe dans le cas des journalistes du service public, astreints explicitement à une neutralité beaucoup plus stricte en tant qu’ils travaillent pour des médias financés par la collectivité. La conflagration entre la réalité (le fait que tous les journalistes, inscrits dans le champ social comme n’importe quel citoyen, ont toujours des opinions sur les faits qu’ils rapportent) et l’exigence officielle de neutralité de la structure crée un flottement. D’une manière ou d’une autre, le journaliste exprime certaines convictions dans son travail, mais le vernis de neutralité ne permet pas de les identifier clairement comme telles, ce qui provoque un brouillage. Pour Pierre Jacquemain, c’est le cœur du problème : « Être journaliste, c’est peut-être justement refuser de dissimuler ses convictions sous la cape usée de la fausse objectivité. » Le problème, c’est que « ceux qui assument leur position sont accusés de trahir la déontologie, tandis que ceux qui masquent leur parti pris se parent des vertus de l’équilibre ». L’enjeu, c’est une « presse qui ne dissimule pas sa vision du monde derrière un vernis de pseudo-neutralité ». Pour beaucoup de figures de droite, c’est précisément l’inverse que fait France Inter, considéré comme un repaire de gauchistes qui trompe le spectateur. Les émissions sont dénigrées comme un simulacre d’impartialité, biaisé par des convictions inassumées. Les journalistes de la radio sont accusés de laisser de côté certains faits et d’en mettre d’autres en avant ; d’organiser, comme le dit Bourdieu dans son essai Sur la télévision (1996), des « vrais faux débats » (où tous les invités sont en fait alignés sur les mêmes positions) ou des « débats faussement vrais » (où la parole contradictoire est décrédibilisée, diluée dans le cadre du débat). Bref : le service public est accusé de se donner l’allure d’un média pluraliste et impartial pour mieux promouvoir certaines positions qui favorisent certaines franges de l’échiquier politique.
Entre conviction et engagement
Est-ce vraiment ce qui est en jeu, dans les vives réactions suscitées par la vidéo de L’Incorrect ? Beaucoup de journalistes, y compris dans le service public, assument d’avoir des convictions – et Legrand lui-même s’affirme, on l’a rappelé, « libre des opinions [qu’il] affiche ». Il reconnaît à sa manière le caractère irréaliste de l’exigence de neutralité absolue. En revanche, il dénie le fait d’être affilié au service d’un camp politique. Or c’est bien sur ce point que la vidéo de L’Incorrect suscite des réactions. Le problème tient moins à la légitime de l’expression (assumée ou insidieuse) des convictions des journalistes qu’à l’intrication complexe de ces convictions avec la réalité des rapports de force entre les formations qui s’affrontent dans l’arène politique. Porter des convictions, défendre un camp : la frontière est, on l’a dit, poreuse. L’expression d’opinion a toujours, d’une manière ou d’une autre, un impact sur la situation politique. Mais la scène diffusée par L’Incorrect – quelle que soit la nature réelle de la rencontre – semble pousser le curseur d’un cran : l’impression qui s’en dégage est celle d’une mise à disposition active de la machine médiatique et de l’expertise journalistique au service d’un camp politique. C’est moins le sentiment d’une dissimulation des convictions qui choque que celui de la dissimulation d’un engagement proprement politique, lequel ne peut s’afficher ostensiblement tant il contrevient à l’éthique journalistique la plus élémentaire. C’est ce que reproche Patrick Cohen au média de Vincent Bolloré : « La Bollosphère, ils mentent » – pour faire grimper le Marine Le Pen, Jordan Bardella ou Éric Zemmour. Les médias Bolloré ont un objectif et tous les moyens sont bons pour l’atteindre. Ce n’est pas la conviction qui est contraire à la déontologie, c’est l’engagement politique actif qui conduit à l’abandon des faits, à leur déformation. C’est ce reproche-là qui se retourne, en un sens, contre les deux journalistes incriminés, accusés de dissimuler, sous couvert d’une objectivité dont on peut certes admettre qu’elle laisse une place à l’expression des convictions, non pas de simples opinions personnelles mais une stratégie politique articulée, coordonnée avec certaines formations politiques. C’est bien cette idée-là qui choque : la mobilisation de l’expertise journalistique au service d’intérêts politiques, la conversion du journaliste en conseiller officieux et l’instrumentalisation des médias dans un horizon stratégique. Dans ses Illusions perdues (1837-43), Balzac, au XIXe siècle déjà, s’inquiétait de ce risque de porosité par la bouche d’un de ses personnages : « Le Journal au lieu d’être un sacerdoce est devenu un moyen pour les partis. »
On peut balayer le soupçon d’un revers de la main, dans les limbes du complotisme. Mais on peut aussi entendre, dans la multiplication de discours sur la connivence entre journalistes et politiques, une inquiétude démocratique. Certains observateurs ont déploré que l’on s’attarde davantage sur les propos vaguement équivoques des journalistes plutôt que sur les accusations qui pèsent sur la ministre Rachida Dati, au cœur d’une partie de la conversation (recel d’abus de pouvoir et d’abus de confiance, corruption et trafic d’influence passifs). En regard, un café entre journalistes et hommes politiques semble de bien peu d’importance. Toutefois, l’enjeu n’est pas le même. On peut étendre ce que dit Arendt du mensonge : on peut le déplorer, mais la corruption a toujours existé en politique, et elle existera vraisemblablement toujours dès lors que le régime politique investit certains individus de pouvoirs dont ils peuvent abuser. On peut s’efforcer de limiter la corruption mais on ne peut certainement pas l’éliminer. Rachida Dati, si elle est condamnée, ne serait que la dernière représentante d’une série de corrompus de toutes époques et de tous bords. C’est autre chose qui suscite l’émotion dans cette vidéo. Comme le souligne Roger Berkowitz dans notre hors-série consacré à Arendt, « la politique dépend d’institutions non politiques qui puissent établir des vérités fondant et encadrant le débat politique ». Parmi ces institutions extrapolitiques, et qui doivent le rester, la presse joue un rôle décisif. La presse parle évidemment de politique, elle est le théâtre des affrontements d’opinions en même temps qu’elle lui fournit son soubassement de réalité. Or pour Berkowitz, « ces institutions ont été emportées depuis quelques décennies dans une grande vague de politisation. […] Elles ont perdu une partie de l’autorité qui leur permettaient d’être tenues pour des institutions non politiques. […] Il faut prendre parti. […] Nous n’avons pas mesuré les conséquences potentiellement désastreuses que cela pouvait avoir sur le statut de la vérité. »
De vérité, il est assez peu question dans l’extrait de la discussion diffusée par L’Incorrect, sinon pour dire que d’autres « mentent ». La discussion se concentre à ce moment sur la question de l’éolienne. Au Figaro, « il y a des gens tout à fait combattants sur l’énergie, mais ils ont beaucoup de mal à faire des papiers qui soient pro-renouvelables ». Des avantages et défauts factuels de l’éolien, des progrès technologiques dans le domaine, il n’est pas question. On n’en déduira évidemment pas que les journalistes présents ne s’intéressent pas par ailleurs sérieusement à la question. Mais là encore, la vidéo est habilement montée pour susciter une impression troublante : ce ne sont pas les enjeux réels, techniques, énergétiques, paysagers, qui intéressent, mais le fait de savoir dans quelle mesure c’est un sujet porteur ou clivant politiquement, un sujet capable de rapporter des voix ou bien risquant de provoquer des crispations. « Dans les exécutifs locaux, l’énergie est un sujet que la droite a saisi depuis longtemps. […] Chez moi, la droite est anti-éolienne depuis dix ans ! », note Pierre Jouvet. Patrick Cohen réagit : « Il y a eu un sondage Ipsos très intéressant qui disait qu’une majorité de Français pensent que la bonne solution, c’est le mix énergétique, et la sympathie pour l’éolien et pour le solaire dépasse les deux-tiers. » Les journalistes semblent participer, de bon gré, à la « tambouille politicienne » : à l’arithmétique électorale qui, depuis une position de surplomb, loin des « vraies gens », de leur réalité et de leurs préoccupations concrètes, réduit les citoyens à des pions positionnés dans un champ au sein duquel il s’agit d’ouvrir une fenêtre d’opportunité dans une optique carriériste, et à l’évaluation des éléments programmatiques susceptibles de mobiliser.
“La liberté de la presse est infiniment plus précieuse chez les nations démocratiques que chez toutes les autres”
Quant à la nature réelle de l’échange entre Thomas Legrand, Patrick Cohen, Luc Broussy, et Pierre Jouvet, il est évidemment impossible de trancher. La scène est vraisemblablement beaucoup plus anodine que la manière dont elle a été montée en épingle. La décision de Legrand d’abandonner son émission sur France Inter pour calmer la polémique peut sembler disproportionnée. On peut regretter le triomphe de l’indignation diffuse – la victoire de la pression sur l’évaluation raisonnable de la gravité de la situation incriminée. Cela n’empêche pas d’entendre, dans le concert des voix scandalisées, qui ont trouvé, dans une vidéo dont on ne peut conclure au fond ce qu’elle montre, la confirmation d’une hantise – celle de la politisation d’un pilier de la démocratie : la presse. La stricte séparation de la presse et de la classe politique était une nécessité absolue pour Simone Weil, qui écrivait : « Quand des collaborateurs à une revue se présentent aux élections, il devrait leur être interdit de se réclamer de la revue. Il devrait être interdit à la revue de leur donner une investiture, ou d’aider directement ou indirectement leur candidature, ou même d’en faire mention. » Cette séparation, ajoute Tocqueville, est nécessaire, car la presse est le dernier recours quand le politique devient puissance de domination : « [la] servitude ne saurait être complète si la presse est libre […] La presse est, par excellence, l’instrument démocratique de la liberté », écrivait l’auteur de De la démocratie en Amérique (1835). Il analyse aussi que « la liberté de la presse est infiniment plus précieuse chez les nations démocratiques que chez toutes les autres ».
On peut voir l’empressement de l’opinion publique à pourfendre les deux journalistes comme un symptôme de la haine à l’égard de la profession – l’une des plus détestées de France. On peut y voir, en même temps, le signe d’une exigence tout particulièrement vive à l’égard de la presse.
