Des idées pour nourrir l'esprit et remettre radicalement en question l'état de notre monde.
10.04.2018 à 11:28
Gaël Giraud : le portrait du monde qui vient
Alexia Soyeux
Texte intégral (661 mots)
Gaël Giraud est chef économiste de l'Agence Française du Développement (AFD), et prêtre jésuite. Un homme singulier, inclassable, au parcours pour le moins atypique, qui oscille entre des univers que tout oppose a priori. Diplômé de l'Ecole Normale Supérieure de la rue d'Ulm et de l'Ecole Nationale de la Statistique et de l'Administration Economique, il est également docteur en mathématiques appliquées de l'Ecole polytechnique, spécialiste de la théorie des jeux, et directeur de recherches au CNRS. Gaël Giraud a travaillé pour les marchés financiers à New York, avant de devenir membre de la compagnie de Jésus en 2004, puis prêtre en 2013. Il a fondé le centre d'accueil d'enfants de la rue à Balimba, au Tchad, où il a passé deux années qui l'ont éveillé aux problématiques du climat et de l'énergie. Sa parole juste et lucide tranche avec le discours ambiant, et explore une véritable éthique de l’économie. Nous avons parlé de l'influence de ses différentes casquettes, entre spiritualité et rationalité, finance et voeu de pauvreté ; d'un épisode très méconnu de l'Histoire en 1890, durant lequel 50 millions de personnes sont mortes en moins de deux ans ; de ce que signifie concrètement une planète à +3 degrés ; des facteurs explicatifs de l'inaction et du déni : la prime au vice engendrée par l'absence de vraie législation et la mythologie de la concurrence entre entreprises, ainsi que le cynisme, la bunkerisation et le syndrome du Titanic d'une partie des élites économiques et sociales. Nous avons discuté de l'évolution de la démographie, du rôle des femmes dans la transition écologique et dans la conversion de notre relation à la nature, pour passer d'un rapport de domination à une forme de coexistence et de partage. Nous avons également parlé de l'urgence de créer de nouveaux modèles économiques qui prennent en compte les ressources naturelles, et du besoin de revaloriser la dépense publique. > Entretien enregistré le 6 avril 2018 EXTRAITS "Ce que je crains moi, c'est que nous rééditions ce type d'exploit morbide. C'est à dire que les élites du Nord arrivent à se protéger des menaces environnementales qui sont devant nous, provoquent des catastrophes et des espèces de génocides analogues à celui de 1890, et ne tiennent même pas compte de la réalité de ceci." "C'est ça le portrait de la planète à la fin du siècle à +3 ou +4 degrés. Ca veut dire aussi très certainement une planète qui est largement hostile à la présence humaine sur des pans entiers des continents sur lesquels nous vivons aujourd'hui." "Il y a là quelque chose de désespérant du coté des scientifiques quand on voit l'inaction de la classe politique, et d'une certaine manière on pourrait parler d'obscurantisme de la part d'une partie des médias qui ne relaie pas la réalité catastrophique de ce que nous savons par ailleurs." "Une bonne partie d'entre nous n'arrive pas à croire ce que nous savons, ce qui renvoie à une question d'acte de foi dans la manière dont nous comprenons l'avenir qui est devant nous." "Tant qu'on continue de régir les relations entre entreprises par de la concurrence, il y aura une prime au vice, une prime à l'industrie brune." "On a absolument besoin de revaloriser la dépense publique, une dépense publique intelligente, on a besoin de "mieux d'état", non pas de moins d'état." "La vérité, c'est qu'on a absolument besoin d'investissements publics massifs dans le train, parce que le train c'est la mobilité verte de demain." *** Abonnez-vous sur iTunes : apple.co/2IgEClh Inscrivez-vous à la newsletter : bit.ly/2p2so7n Facebook : www.facebook.com/presages.podcast/ Approfondissez les sujets et découvrez des ressources sur www.presages.fr *** Présages est un podcast indépendant. La musique est un extrait du morceau L’eau de Sabrina Bellaouel, mixé par Paloma Colombe.
27.03.2018 à 11:01
Hélène Le Teno : transition écologique et détermination
Alexia Soyeux
Texte intégral (662 mots)
Hélène Le Teno est ingénieure des Ponts et Chaussées, spécialiste des questions de transitions écologiques. Son parcours est riche et passionnant : elle a commencé sa carrière en Chine, a travaillé au sein d’un groupe pétrolier, dans la finance, puis durant six ans au sein du cabinet Carbone 4 auprès d’Alain Grandjean et Jean-Marc Jancovici. Aujourd’hui, elle dirige le pôle Transition écologique du Groupe SOS, la première entreprise sociale européenne, avec 16 000 salariés, et elle est responsable du comité scientifique de l’association Fermes d’avenir, qui fait partie du groupe depuis mars 2016. Elle co dirige également le cabinet Auxilia, qui conseille les entreprises pour les accompagner dans la transition. C’est une femme engagée et déterminée, avec qui nous avons parlé d’agriculture, de transition, de l’urgence de repenser les modèles et les indicateurs de réussite et de richesse, du rapport au monde politique, de l’aveuglement collectif et des nouveaux imaginaires à diffuser. > Entretien enregistré le 19 mars 2018 EXTRAITS "Aujourd'hui il y a 60 % des sols en france qui sont morts ou quasi morts ; ça veut dire tassés, érodés, minéralisés, incapables de produire sans apports d'engrais chimiques et de forte mécanisation." (3 min 36) "On est assis sur une agriculture extractive, chimique, de prédation des ressources et on est en train de détruire notre capital naturel." (4 min 50) "Je pense qu'il va y avoir dans les années qui s'annoncent beaucoup de ruptures et de crises dans beaucoup d'endroits de la planète. Il y en a toujours eu ; la question c'est la vitesse de transition : c'est le nombre de crises et les impacts qu'elles vont avoir. Toute action qu'on peut faire à échelle individuelle est non seulement utile mais indispensable. Si on souhaite se tourner vers l'avenir, c'est accepter de remettre en question cet héritage historique, ces organisations en place, et c'est accepter de dire qu'on peut jouer un rôle pour l'avenir." (7 min 10) "C'est quoi notre capital ? C'est quoi le capital ? C'est avant tout le capital naturel." (9 min 50) "Si on dit qu'on créé de la valeur, de la richesse, en créant du PIB tout en détruisant le stock de ressources naturelles, on se trompe." (11 min 56) "Chacun dans son parcours de vie, comment est-ce qu'on fait pour manger à la fin du mois ? C'est la première des questions à laquelle on doit répondre. Ce qu'on fait dans les métiers agricoles c'est ça : c'est rendre le métier de paysan désirable, attractif, viable économiquement, inspirant." (16 min 50) "Je ne crois pas à une crise de lucidité, je pense que malheureusement on va devoir aller jusqu'au bout de cette société technicienne. (...) On ne pose plus la question de l'homme, on ne pose plus la question du sens, on pose encore moins celle du partage. On va devoir aller jusqu'à l'écueil, à l'impasse physique et biologique de ces choix technologiques pour réinventer quelque chose de nouveau." (19 min 05) "Cette méconnaissance de la vie c'est ce qui nous amène dans la situation qu'on connait aujourd'hui. Donc le progrès pour moi ce serait ça, c'est que dès l'école on enseigne le fonctionnement du vivant, et que dans nos métiers, on travaille à se former pour avoir des entreprises qui fonctionnent avec le vivant, qui prennent soin de la terre et des hommes, plutôt que de les détruire." (21 min 49) "Le fait d'avoir fait le constat que l'humanité marche sur la tête est un bon début. Mieux vaut un peu de lucidité que beaucoup d'ignorance." (22 min 44) >>> Abonnez-vous sur iTunes : apple.co/2IgEClh Inscrivez-vous à la newsletter : bit.ly/2p2so7n Facebook : www.facebook.com/presages.podcast/ Approfondissez les sujets et découvrez des ressources sur www.presages.fr *** Présages est un podcast indépendant. La musique est un extrait du morceau L’eau de Sabrina Bellaouel, mixé par Paloma Colombe.
14.03.2018 à 01:00
Isabelle Delannoy : économie symbiotique et collapsologie
Alexia Soyeux
Lire plus (391 mots)
Isabelle Delannoy est l'invitée de Présages. Isabelle Delannoy est ingénieure agronome de formation et spécialiste du sujet de l’environnement depuis plus de 20 ans. Elle a longtemps travaillé au sein de l’agence de Yann Arthus-Bertrand, et a été coscénariste du film Home, sorti en 2009. Elle est fondatrice de l’agence DoGreen, qui promeut le modèle d'économie symbiotique auprès des entreprises, des organisations, et des territoires. Isabelle a passé de nombreuses années à étudier et observer les modèles économiques émergents, les innovations sociales, environnementales, les nouveaux modèles de coopération et de travail : biomimétisme, économie circulaire, agroécologie, monnaies complémentaires, open source … De cette analyse est née la conceptualisation de « l’économie symbiotique », qu’elle présente au public dans son ouvrage paru fin 2017. Une économie symbiotique régénératrice des écosystèmes, indispensable pour ralentir la crise écologique et permettre d’éviter un effondrement massif, dont les initiatives émergent pour la plupart de citoyens, d’entreprises ou de collectivités. Ambassadrice d’une vision écologique et soutenable de l’économie, Isabelle est donc en même temps extrêmement lucide sur les risques d’effondrement que la planète encoure, et se dit elle-même "collapsologue". Durant 45 minutes, nous avons parlé de cette double lucidité sur l’état du monde et sur l’émergence de nouveaux modèles, de l’urgente nécessité de faire basculer le paradigme économique mondial vers une économie symbiotique d’ici le tournant de la décennie. « Si on n’arrive pas à faire ça, on prendra de plein fouet non seulement les effondrements, mais le manque de sens qu’il y a localement dans nos sociétés. » Nous avons parlé des objectifs de l’économie symbiotique, de la concentration des richesses et des pouvoirs, de la mise en action à l’échelle locale, de la morale de l’écocitoyenneté, de la colère, des politiques, et du rôle du féminin. Entretien enregistré le 7 mars 2018 Abonnez-vous sur iTunes : apple.co/2IgEClh Inscrivez-vous à la newsletter : bit.ly/2p2so7n Facebook : www.facebook.com/presages.podcast/ Approfondissez les sujets et découvrez des ressources sur www.presages.fr *** Présages est un podcast indépendant. La musique est un extrait du morceau L’eau de Sabrina Bellaouel, mixé par Paloma Colombe.