Pour des forêts vivantes, donc contre les méga usines à bois
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Dans le deuxième département le moins peuplé de France, une manifestation contre les méga usines à bois a réuni samedi 5 octobre à Guéret plus de 3 000 personnes venues dire leur révolte face à la destruction des forêts au profit d’une industrie motivée par la rentabilité financière, contre la biodiversité, l’équilibre du climat et les entreprises locales.
Guéret, 12 840 habitants, et 3 000 manifestant·es. C’est un peu comme si 500 000 personnes défilaient à Paris, 220 000 à Marseille ou 125 000 à Lyon. Le succès de cette mobilisation, malgré son report pour cause d’élections, s’est aussi traduit par le nombre d’articles et de reportages dans les médias qui ont suivi. Elle ne sera sans doute pas la dernière, vu l’engouement de la filière industrielle pour cette activité largement subventionnée, sans que les responsables publics qui l’encouragent ne semblent s’inquiéter du danger de sa concentration verticale (la coopérative Unisylva est étroitement liée à Biosyl) et de la pression exercée sur la forêt exacerbée par les besoins croissants des autres acteurs (la construction et l’isolation bois).
La manifestation a en fait commencé la veille, avec l’installation d’un camp non loin du site prévu pour le projet Biosyl, sur un terrain prêté par la mairie.
À l’entrée du camp, une banderole annonce la détermination des organisateur·ices de la manifestation.
La forêt en granulés
En 15 ans, la production de granulés en France est passée de 0 à 2 millions de tonnes. Malgré les incertitudes sur la demande (de l’aveu même de la filière, “la demande de granulé ne connaît pas la croissance attendue”), la production a augmenté de 250 000 tonnes en 2023 (trois nouvelles usines ont ouvert).
Les capacités par unité chez les plus gros fabricants suivent une courbe vertigineuse. Depuis 2012, la première usine Biosyl, située à Cosne-sur-Loire (Nièvre), réduit tous les ans 90 000 tonnes de bois en granulés. Le deuxième site, ouvert il y a deux ans à Lempdes-sur-Allagnon (Haute-Loire) a une capacité de 100 000 tonnes. Avec celui de Guéret, Biosyl monte encore en puissance : 140 000 tonnes de bois seraient englouties tous les ans. La filière vise les 3 millions de tonnes par an en 2030. Une usine comme celle de Guéret en plus tous les ans jusqu’en 2030.
Carte : Propellet (association nationale des professionnels du chauffage au granulé de bois).
Éduc pop avant la manif
La détermination à défendre la biodiversité menacée grandit à mesure qu’augmente la connaissance des écosystèmes. Parce que l’acquisition et la diffusion de cette connaissance est enrayée par l’affaiblissement des moyens public dévolus à la recherche et à l’éducation, ce sont souvent les collectifs citoyens qui se chargent de cette mission. Les conférences, formations, débats, documentaires et surtout le contact direct avec les milieux naturels sont indispensables pour élargir la prise de conscience de la population face à l’écocide en cours. À Guéret comme ailleurs, la connaissance a précédé la revendication.
Le 5 au matin, mise en jambes avec une promenade naturaliste autour du site prévu pour l’usine. Les batraciens sont devenus des emblèmes de la lutte écologiste. Du sonneur à ventre jaune, les manifestant·es ont fait un géant qui a conduit le défilé toute la journée.
Crapauds, salamandres, grenouilles, tritons menacés
Le sonneur à ventre jaune, discret habitant des petits points d’eau, est une espèce protégée. Sa présence sur le site de Biosyl n’avait pas été indiquée par la Dreal et c’est le collectif Forêt debout 23 qui l’a fait constater.
Reconnaissable à ses couleurs et à ses pupilles en forme de cœurs, le sonneur à ventre jaune n’est pas le seul amphibien qui habite cette zone particulièrement humide. On y trouve aussi des crapauds calamites, des rainettes arboricoles, des salamandres tachetées, des grenouilles vertes, des grenouilles agiles, des tritons palmés…
L’un des panneaux détaillant d’autres espèces protégées recensées par les naturalistes, dont une vingtaine d’oiseaux.
Dans le cortège, convergence des luttes
contre les méga projets forestiers
Les alertes répétées par la communauté scientifique sur la chute du puits de carbone forestier (selon Philippe Ciais, chercheur au laboratoire des sciences du climat et de l’environnement, il a été divisé par deux en dix ans), comme sur la chute de la biodiversité renforcent l’opposition aux investissements massifs dans une filière industrielle qui obéit à la logique productiviste et mercantile responsable de la crise écologique.
Les forêts françaises, à la fois menacées par les événements météorologiques violents qui se multiplient, les sécheresses et le déséquilibre des écosystèmes ne peuvent en plus subir la surexploitation et l’adaptation forcée à des standards industriels incompatibles avec les milieux naturels : les méga scieries, centrales à biomasse et usines à biocarburant s’appuient sur une gestion forestière qui implique coupes rases, enrésinement, plantations plutôt que couvert continu, diversité des essences et régénération naturelle.
Départ de la manifestation dans les rues de Guéret : l’enrésinement, l’un des motifs de la protestation.
SOS Forêt présente dans le cortège. Ici, la banderole de SOS Forêt Dordogne.
Les deux principaux syndicats de salariés de la forêt (le Snupfen-Solidaires et la CGT) participent à la mobilisation.
La commune de Guéret s’est déclarée opposée au projet, mais ce n’est pas le cas de la communauté d’agglomération, ni du Conseil régional, qui a voté une subvention de 650 000 €…
…alors que les installations de méga usines mettent en danger les entreprises locales de transformation du bois à taille humaine…
Photo © Jean-Luc Luyssen
…et entraînent une gestion extractiviste dont la face la plus visible est la multiplication des coupes rases.
Photo © Jean-Luc Luyssen
L’imposant édifice art déco de la mairie, construit en 1936, quand la Creuse foisonnait d’artisans lissiers et que le Front populaire accédait au pouvoir, est à la hauteur de l’évènement. Devant les marches, la mairesse, trois député·es, deux élu·es du conseil régional expliquent à une foule attentive les raisons de leur opposition à l’installation à Guéret d’une usine du fabricant de granulés bois Biosyl, à l’extension de la scierie Farges à Égletons et à tous les projets de méga usines à bois en France.
De gauche à droite : Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale, Béranger Cernon, député LFI en charge du dossier forêts pour le groupe, Catherine Couturier, ancienne députée de la Creuse et autrice de la proposition de loi transpartisane sur les forêts, Marie Toussaint députée européenne Les Écologistes, Marie-Françoise Fournier, mairesse de Guéret, Jean-Louis Pagès et Amandine Dewaele, élu·es du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine.
La prochaine étape se déroule à l’Assemblée nationale où, après les déclarations de Michel Barnier qui entend continuer à développer les carburants issus de la biomasse forestière, doit être présenté un projet de loi de finances pour 2025 à rebours des revendications des militant·es écologistes : restrictions de moyens pour le service public de la forêt et poursuite de la politique de renouvellement forestier, basée sur l’encouragement aux plantations, malgré la démonstration par Canopée qu’elles entraînent la multiplication des coupes rases.
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Pas de photovoltaïque dans les forêts, ni en Jura, ni ailleurs
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Un projet de parc photovoltaïque au sol menace la forêt jurassienne. L’ONF est contre, les habitant·es sont contre et se mobilisent depuis des mois, mais le projet suit néanmoins son chemin administratif et en est au stade de l’enquête publique. SOS Forêt y a contribué et vous invite à en faire autant. Voici pourquoi.
Tout le monde le sait. Un panneau photovoltaïque produit de l’énergie en captant la lumière du soleil. Une forêt aussi, en mieux. La photosynthèse permet de capter du carbone, dont l’augmentation dans l’atmosphère est la cause principale du réchauffement climatique et de ce carbone elle fait entre autres du bois, dont nous avons besoin. Détruire des forêts pour produire de l’énergie décarbonée est un non sens.
Les forêts sont d’abord des écosystèmes riches en biodiversité, qui préservent la ressource en eau et rafraîchissent les températures. Au moment où nous vivons la sixième extinction de masse, où l’eau manque de plus en plus souvent, où les canicules s’accumulent, détruire une forêt pour produire de l’énergie alors que nous disposons de (trop) d’espaces déjà artificialisés est une aberration.
De plus en plus de voix s’élèvent contre ces projets, y compris les autorités indépendantes, comme le Conseil national de la protection de la nature, dans son avis du 17 septembre (lire notre article).
50 hectares de forêts sacrifiés ?
Dans le Jura, le projet de parc photovoltaïque au sol de 49 MWc proposé sur les communes de Loulle et Mont-sur-Monnet par Cévennes Energy, dont le maître d’ouvrage est la SAS Énergie du plateau de Balerne, prévoit une emprise au sol de la partie clôturée de 49 ha, scindée en plusieurs îlots. Le défrichement porte sur une superficie d’environ 51 hectares.
La destruction d’un milieu naturel remarquable
Si ce projet voit le jour il sera responsable de la fragmentation d’espaces naturels au détriment d’espèces protégées (lynx, grand duc d’Europe, gélinotte des bois, chauve souris, etc.), de la poursuite de l’érosion de la biodiversité et de la dégradation d’un milieu géologique karstique exceptionnel.
Le choix de ces forêts a été fait en les qualifiant d”improductives”. Ce qualificatif est strictement financier, qui ne considère absolument pas les enjeux écologiques et d’usages des habitant·es du territoire.
Un manque de concertation évident
« 82 % des habitant·es sont contre le projet parc photovoltaïque », selon un sondage réalisé par le Collectif citoyen résistant en juin 2022. Au vu des impacts sur la vie des habitant·es particulièrement ceux de Loulle et Mont-sur-Monnet (destruction des paysages, d’une biodiversité remarquable, risque d’élévation des températures au sol et donc risque d’incendie, impact des travaux…), la légitimité d’un tel projet ne passe-t-elle pas par un référendum ? C’est la question qu’une habitante du village a posé à la sénatrice Vermeillet lors des vœux de Mont-sur-Monnet le 7 janvier (depuis, Cévennes Energy a tenté d’empêcher l’organisation de soirées d’informations sur le sujet via un de ses avocats).
Des panneaux photovoltaïques oui, mais sur nos toits et parkings !
Nous avons conscience de la nécessité de sortir des énergies fossiles et nucléaires, et donc de la mise en place d’énergies renouvelables sur l’ensemble du territoire. Cependant les forêts et zones humides sont indispensables dans la réduction du réchauffement climatique par leur captation du carbone, leur influence sur le climat et l’hydrologie locale.
Nous ne pouvons donc plus nous permettre de sacrifier 50 hectares sous couvert d’une production énergétique soit-disant “verte” et des installations qui augmentent le risque de feux de forêts : il fait 85° au dessus des panneaux !
À quand l’installation massive de panneaux photovoltaïques sur nos parkings, toitures de grandes surfaces, ou le long des autoroutes ? À quand la volonté d’une réelle politique de sobriété énergétique ?
La contribution de SOS Forêt à l’enquête publique
Comment aider ?
- En contribuant vous-même à l’enquête publique. Il suffit d’envoyer un mail à pref-enquetespubliques@jura.gouv.fr en précisant l’objet : “enquête publique Loulle Mont sur Monnet”.
Attention ! Vous avez jusqu’au lundi 7 octobre 2024 à 18h !
Voici le lien pour prendre connaissance du dossier sur le site de la préfecture du Jura. Vous y trouverez les pièces administratives, les documents remis par le promoteur, ainsi que les avis citoyens déjà enregistrés. - En signant la pétition du Collectif citoyen résistant vous ferez entendre les voix de la forêt pour demander, haut et fort, à la préfecture et au département du Jura d’abandonner ce projet contre nature ; à l’État d’encadrer ces projets pour qu’ils ne puissent plus voir le jour dans les milieux naturels.
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Revue de presse forestière [15-30/09/2024]
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Plusieurs milliers de personnes attendues en Creuse pour protester contre les méga-usines à bois
Plusieurs milliers de personnes sont attendues à Guéret, ce samedi 5 octobre, pour protester contre de grands projets promus par l’industrie du bois, à l’image de l’usine à pellets portée par la société Biosyl en Creuse. Un article à lire dans La Montagne et le programme de la mobilisation ici.
La forêt guyanaise touchée par une mortalité inédite : 10 000 hectares atteints
“Des signes de mortalité massive” ont été constatés par l’ONF dans différents massifs forestiers de l’Ouest guyanais tels que la réserve biologique intégrale de Lucifer Dékou-Dékou, la Réserve naturelle nationale de la Trinité, ainsi que les forêts domaniales de Paul Isnard et de Montagne de Fer. “Les récentes observations montrent des pertes importantes de feuillage dans ces zones forestières, menaçant les écosystèmes locaux et les espèces patrimoniales”. Un article à lire sur France Guyane
Saignée à l’ONF : la Cour des comptes demande d’arrêter l’hémorragie
La Cour des comptes a rendu jeudi 19 septembre un rapport sur l’Office national des forêts (ONF) où elle pointe la nécessité de mettre fin à la baisse des effectifs qui frappe l’établissement public depuis plus de vingt ans, d’augmenter les financements et de soigner la biodiversité.. Un article à lire sur Reporterre
Mine de lithium dans l’Allier : deux associations saisissent le Conseil d’État
Préservons la forêt des Colettes et StopMines03 ont saisi le Conseil d’État pour demander l’annulation du décret consacrant le projet de mine de lithium de l’Allier, porté par le groupe Imerys, dans la liste des “projets d’intérêt national majeur”, publié alors que le débat public sur le projet, clos le 31 juillet, n’était pas terminé.
Cette qualification vise selon elles à faciliter la mise en œuvre du projet de mine à Échassières en accélérant les procédures, en réduisant les consultations du public, en permettant à l’entreprise de déroger à la sauvegarde des espèces protégées, et à l’État de modifier des documents d’urbanisme dont la compétence relève habituellement des communes et des intercommunalités, sans aucune concertation. Un article à lire dans La Montagne.
Des arbres fossiles de 390 millions d’années découverts en Angleterre
C’est la plus ancienne forêt connue sur Terre. Des fossiles datant de 390 millions d’années, découverts dans le Somerset et le Devon, au sud-ouest de l’Angleterre dépassent en ancienneté ceux de la forêt fossile de Gilboa, dans l’État de New York, qui datait de 386 millions d’années. Cette découverte apporte des éléments nouveaux pour compréhension des écosystèmes forestiers primitifs, puisque les fossiles sont des cladoxylopsidés, prédécesseurs des lignophytes (les ancêtres des arbres modernes qui possèdent du bois). Un article à lire sur SciencePost et l’article sur l’étude à lire sur le Journal of the Geological Society.
Une étude participative sur les feuilles des arbres forestiers et le réchauffement climatique
Chercheurs et bénévoles du collectif Ensemble, sauvons la forêt de Chantillyont ont disposé des contenants à différents endroits du site naturel afin de recueillir les feuilles des arbres qui vont tomber cet automne. L’objectif de cette étude, menée depuis 2020, est de les observer de plus près pour mieux comprendre les effets du changement climatique sur la forêt. Un article à lire dans Le Parisien.
Annie Genevard, une nomination à l’Agriculture qui inquiète les défenseurs de la nature
Une chronique de Ugo Clément à réécouter sur France Inter
Vol de bois en forêt : des dizaines de chênes abattus dans la Meuse
https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/meuse/vol-de-bois-en-foret-des-dizaines-de-chenes-abattus-dans-la-meuse-en-une-nuit-tout-est-parti-3037340.htmlDepuis plusieurs mois, la Meuse subit des vols de chênes dans des parcelles de forêts privées. Des opérations éclairs et des malfaiteurs suspectés de fonctionner en réseau. Au moins une quinzaine de propriétaires ont été touchés, dans cinq communes du sud du département. Un article à lire sur France 3 Grand Est
Un projet de création de réserve biologique intégrale en Ille-et-Vilaine
L’exploitation du bois dans 560 des 630 hetares de la forêt de la Corbière, qui appartient au conseil départemental d’Ille-et-Vilaine depuis 2002, serait à terme arrêtée. Un article à lire dans Ouest-France
Alliance bois forêt s’implante en Vendée
La méga-coopérative forestière, dont l’association Canopée a dénoncé les pratiques (gestion industrielle, coupes rases, monocultures de résineux, ne finit pas de s’étendre. Elle a ouvert une antenne à Aizenay pour gérer des forêts et des bois privés en Vendée et en Loire-Atlantique. Un article à lire dans Ouest-France
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