08.09.2025 à 07:43
Pop fascisme VS Pop gauchisme : qui va l’emporter ?
La pop culture est devenue le terrain d’une lutte intense, qui se joue à coups de memes, de vidéos Youtube, de stories d’influenceurs et de shorts de Tik-tokeuses. « bataille de civilisation » VS « lutte des classes » : à chaque camp, son écosystème, ses mots et ses codes. Retour sur ce combat pour l’hégémonie culturelle autour des travaux de Bolchegeek, Maxime Macé et Pierre Plottu. Vous l’aurez sans.. Read More
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La pop culture est devenue le terrain d’une lutte intense, qui se joue à coups de memes, de vidéos Youtube, de stories d’influenceurs et de shorts de Tik-tokeuses. « bataille de civilisation » VS « lutte des classes » : à chaque camp, son écosystème, ses mots et ses codes. Retour sur ce combat pour l’hégémonie culturelle autour des travaux de Bolchegeek, Maxime Macé et Pierre Plottu.
Vous l’aurez sans doute noté, à moins de vivre dans une grotte ou la boîte crânienne de Pascal Praud : l’extrême-droite la plus virulente a le vent en poupe, et inonde le champ culturel et médiatique. Et ce, notamment, nous disent les éditions Divergences, qui ont publié en septembre dernier « Pop-Fascisme. Comment l’extrême-droite a gagné la bataille culturelle sur internet » des journalistes Maxime Macé et Pierre Plottu, « grâce à un intense combat mené par la fachosphère et ses troufions sur Internet ». Et « cet écosystème coordonné, pensé et interconnecté a permis à ces « idées » de se répandre jusque dans les médias, avec l’appui de Bolloré et de ses sbires littéralement en croisade. Combien de vues se transforment en voix pour le Rassemblement national ? Comment en est-on arrivé là ? ».
Viande rouge, cigares et « grand-remplacement »
Au menu (littéralement) : de la viande rouge, des cigares et du sport, car homme-blanc-alpha-manger-viande, pas comme ces hommes-soja (nom donné par l’extrême-droite aux gauchistes supposés maigres et mal nourris) à cheveux bleus et de moins de 100 kilos. Plottu et Macé, sur le plateau de l’émission Au Poste, de David Dufresnes (1), donnent ainsi l’exemple du très suivi Baptiste Marchais, « influenceur culturiste qui connaît le succès avec ses ‘’repas de seigneur’’ », dîners lors desquels il peut ressortir la rhétorique d’extrême-droite la plus éculée : «l’homme blanc solide a disparu avec la bataille de Verdun, parce que ce sont eux les courageux morts au front, tandis que ne subsistent aujourd’hui que les lâches ».
Lui-même mène donc un business de coach en musculation, ce qui lui permet, en plus de son programme idéologique, de mettre un juteux beurre dans ses épinards. Car cette fachosphère est financièrement profitable, d’autant que soutenue par les milliardaires Pierre-Edouard Stérin et Bolloré, qui rachètent tout ce qu’il leur est possible de racheter, donnant ainsi une image médiatique favorable, et des canaux de diffusion massifs, à des collectifs fascistes comme les Némésis, dont Retailleau a récemment dit « partager les combats ». Avec, toujours, comme modus operandi, la construction de la « menace » gauchiste et « immigrationiste », avec une phraséologie de « l’ennemi intérieur » identique à celle de la presse antisémite des années 30 : « C’est très important de caricaturer l’ennemi. D’abord parce qu’il est beaucoup plus simple de lutter contre un adversaire caricaturé plutôt qu’un adversaire pluriel, et puis parce que ça renforce ses propres positions », dit Macé dans cette même émission, où il rapporte aussi ce bandeau observé sur la chaîne LCI, à propos de la déportation de migrants en Albanie par la mussolinienne Georgia Meloni : « La re-migration : une solution ?».
Quand The Boys massacre le trumpisme
Je retrouve Benjamin Patinaud, dit le Bolchegeek, à la terrasse d’un petit bar de Lyon. Spécialisé dans ces questions, entre autres pour Blast, le journal l’Humanité et sur sa propre chaîne Youtube, il a réalisé il y a peu une vidéo sur la série Canal « Paris Police », série historique fort gauchiste, dont la saison 2, se déroulant en 1905, a vu le très catholique Bolloré censurer, suppose-t-il, toute mention… de la loi 1905 de séparation de l’église et de l’État, un comble. De même pour un affrontement entre les ligues d’extrême-droite et la police et les anarchistes, se déroulant hors-champ. Reste, malgré le coup de pression, cette réalité d’une série grand public, populaire, de qualité, assumant fièrement son ancrage féministe, antifasciste, antiraciste… Mais le constat d’ensemble de la pop, malgré son caractère apparemment progressiste, est-il si optimiste, si positif ? C’est l’objet de notre rencontre.
Nous en venons rapidement à parler de la série The Boys, sur Amazon Prime, à laquelle il a également consacré une vidéo. Une série « très pas subtilement de gauche (rires) », où l’on suit une troupe de massacreurs badass de super-héros machistes et fascistes, dirigés par Homelander, caricature de Superman à la sauce Trump, bébé-cadum grotesque pathologiquement accro à la violence et au pouvoir. Mais il s’est tout de même trouvé des groupes masculinistes pour déclamer leur amour de ce personnages, obligeant l’acteur interprète, Anthony Starr, à prendre la parole à de nombreuses reprises, déclarant : « Ce personnage n’est absolument pas un héros… Pourtant, beaucoup le glorifient et l’adorent. C’est vraiment surréaliste. » Et poussant, donc, Bolchegeek à faire sa vidéo sur la mécompréhension de la série (2) : « Il y a plein de gens qui me demandaient Andor, tu vois, un des meilleurs trucs sur la révolution dans la pop culture. Mais j’ai voulu plutôt réagir là-dessus, car à un moment il faut arrêter les conneries : présenter The Boys comme « anti-woke » alors que ça dit tout le contraire, c’est juste n’importe quoi, il faut redescendre ».
Car c’est l’une des particularités de cette série. Présenter, à traits épais, une sorte de « fascisme 2.0 », un dystopique néo-nazisme « inclusif » drivé par une armée de marketeux ayant pour but d’instrumentaliser les thématiques antiracistes, LGBTQIA+ et féministes pour servir leur plan idéologique ultra-conservateur. « Et ça, c’est totalement un move de gauche, en fait ! Il y a des gens d’extrême-droite, ils se disent, ah, ça critique l’hypocrisie homo, etc. Ils se rendent pas compte qu’en fait, dans les milieux LGBT, le pink-washing, c’est l’ennemi, quoi ». Même s’il se veut optimiste sur le fait que « la majorité du public de The Boys, c’est des gens qui sont quand même sensibles aux idées progressistes », et « qu’on surestime aussi le nombre de gens qui comprennent pas », il montre cependant la puissance de déni et de toxicité culturelle de la fachosphère, capable d’essayer de tirer vers soi la couverture d’une série qui lui crache très ouvertement à la gueule.
La pop a-t-elle une réelle influence ?
Je demande à Benjamin si, à ses yeux, ce genre de productions culturelles a un réel pouvoir d’influence sur les imaginaires. Il réfléchit. De mon côté, lui dis-je, « je pense qu’il y a une incidence positive. Je ne peux pas m’imaginer qu’un gamin qui mate The Boys et qui trouve les personnages super cool, et où les nazis sont présentés comme étant des grosses merdes, ne va pas être influencé ». Il est, lui, plus nuancé : « C’est une question qu’on me pose souvent, et je trouve que ça serait cool d’avoir une discussion collective un peu là-dessus, parce que j’ai pas trop d’idées arrêtées. En fait, mon intérêt, ça serait de dire que la bataille culturelle, c’est important, que c’est là que tout se joue, et de la surestimer. Mais je n’ai pas envie de faire ça. Et vu l’état du monde, il faut bien croire que ça n’a pas non plus une incidence si forte que ça. Pour l’instant, je me dis que c’est forcément mieux d’avoir des séries, des films » allant dans notre sens, comme le carton du film Sinners, de Ryan Coogler, hommage à la Blaxploitation se concluant par un massacre de blancs du KKK, ou la série Watchmen, « qui imagine une uchronie où en fait, il y aurait eu un tournant progressiste. Comme il y a eu un tournant Reagan, tu vois. Sauf que là, c’est pas Reagan, c’est Robert Redford, le président (rires). Mais évidemment la morale, même si ça critique certains aspects de la gauche, c’est que c’est toujours mieux d’être de notre côté que de celui des fascistes ».
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Benjamin aux côté de Benjamine Weill et de la revue Audimat aux rencontres Pop Molotov, organisée par Mouais et les éditions Terres de feu
Il donne aussi l’exemple de Beyond the spider-verse, film d’animation de Sonny Marvel où l’on retrouve le personnage de Spider-Punk, un anarchiste « qui est juste génial. Le gamin d’un pote, qui doit avoir six ans, quand, dans le film, il enlève son masque, et qu’en plus, c’est un Noir, avec des dreads, et qu’on voit que c’est le personnage le plus stylé de l’univers, il fallait voir sa gueule… il va s’en souvenir toute sa vie ». Il conclut : « Et il y a plein de petits trucs comme ça, je pense qu’on ne se rend pas compte de l’impact sur les nouvelles générations » ; « Une génération qui aura vécu avec des Spider-Punks, c’est pas la même génération qui aura vécu avec des héros reaganiens ». Car les productions culturelles estampillées de droite, il en a regardé, notamment pour le podcast Dis-Cor-Dia : « c‘est tout le temps des merdes. La dernière fois, ils m’ont fait faire la trilogie adaptée de La Grève de Ayn Rand. L’idée du bouquin est trop conne : tous les entrepreneurs se disent qu’ils en ont marre des collectivistes et donc ils se cassent. C’est fait par une espèce de boîte de prod’ de droite, mais nulle, avec de moins en moins de budget à chaque film. Personne ne regarde ça. C’est des trucs nazes de Bac DVD… »
Une offensive réactionnaire réelle -et efficace ?
Si quelqu’un comme Louis Sarkozy, fils de, nouvelle coqueluche des réac’ du pays, n’a vendu que 2000 exemplaires de son bouquin malgré son passage sur tous les plateaux télé, le livre de Jordan Bardella, ou la revue fasciste Furia, de Papacito et Obertone, diffusés dans tous les points de vente Bolloré, sont de véritables succès -même si, tempère Benjamin, « Salomé Saqué a vendu autant si ce n’est plus, avec une exposition médiatique moindre ». Et, selon lui, citant les travaux de Vincent Tiberj critiquant la prétendue « droitisation de la société », « la pop culture est quand même massivement progressiste. Les artistes ont tendance à être au moins un peu plus progressistes que la moyenne, quoi. Et sans artistes, tu ne produis rien ». « Faire des bons films, des bons livres, ils galèrent. La culture meme, internet, tiktok, ils y arrivent très bien. Mais c’est vrai que faire une culture, ils n’y arrivent pas ».
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Ces contenus immédiats, qui touchent principalement les jeunes ados, adeptes de trucs courts basés sur « la déconne », arriveront-ils à asseoir en eux une véritable idéologie ? Difficile de le savoir. Mais « ce qui est observé par contre c’est qu’il y a un retour, notamment chez les jeunes mecs, du masculinisme, notamment via les influenceurs. C’est terrifiant. J‘espère qu’ils en reviendront. Et s’ils n’en reviennent pas tout de suite, ça fait quand même des dégâts. S‘ils grandissent avec ça, il y a du chemin à faire pour eux…. »
A la fin de leur essai, Maxime Macé et Pierre Plottu rappellent que lorsque le Rassemblement National, après la dissolution, a manqué d’arriver en tête du second tour des législatives, Squeezie, suivi par 19 millions de personnes, a pris clairement position contre l’extrême-droite, de même que Lena Mahfouf, dite Lena Situation -11 millions d’abonnés. Cependant, précisent les auteurs, « passée la joie, les influenceurs ayant pris la parole contre le RN se sont inquiétés pour la suite. « Je considère que ce n’est qu’un sursis et non une victoire », a ainsi estimé le vidéaste MisterMV, près de 500 000 abonnés sur Youtube, pour qui la gauche doit désormais « reconstruire et trouver une solution pour parler aux circonscriptions tombées sous le joug du RN » […] Reste à savoir si cet élan perdurera au-delà de l’urgence d’un scrutin. Car, en parallèle, la fachosphère continue à fourbir ses armes ». A la gauche de faire de même, sur le vaste terrain de lutte de la pop.
Par Macko Dràgàn
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(1) https://www.auposte.fr/pop-fascisme-trump-aux-usa-influenceurs-en-france-auposte-x-mediapart/
(2) Bolchegeek, Pourquoi personne ne comprend THE BOYS, vidéo Youtube
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29.08.2025 à 14:26
Aidez notre journal à passer en diffusion nationale en kiosque !
Dans quelques mois, pour janvier 2026, notre journal, Mouais, seul média papier indépendant basé en Côte d’Azur, a un grand projet : passer en diffusion nationale en kiosques. Nous lançons donc une campagne de financement, pour que vive la presse libre. Cela fait maintenant 30 ans que l’industrie de la presse connaît une évolution oligarchique catastrophique à l’échelle mondiale. On observe une concentration croissante des médias entre les mains d’un.. Read More
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Dans quelques mois, pour janvier 2026, notre journal, Mouais, seul média papier indépendant basé en Côte d’Azur, a un grand projet : passer en diffusion nationale en kiosques. Nous lançons donc une campagne de financement, pour que vive la presse libre.
Cela fait maintenant 30 ans que l’industrie de la presse connaît une évolution oligarchique catastrophique à l’échelle mondiale. On observe une concentration croissante des médias entre les mains d’un nombre restreint de grands groupes industriels et financiers, souvent dirigés par des milliardaires. En France, par exemple, fin 2023, onze milliardaires contrôlaient 80 % des ventes de la presse quotidienne généraliste et 57 % des audiences télévisuelles.
Cette situation est exacerbée par les difficultés économiques de la presse écrite traditionnelle, qui a vu de nombreux points de vente fermer -où être rachetés par Bolloré, dont on connaît la passion sans limite pour le pluralisme et l’indépendance- et des journaux historiques faire face à des problèmes de trésorerie récurrents. Cette oligarchisation fait courir des risques majeurs à la démocratie. C’est pourquoi il est vital de soutenir ce contre-pouvoir essentiel, à échelle locale comme nationale et international, que sont les médias libres.
C’est pourquoi, après 5 années de radicalité jamais soumise, nous continuerons à déverser notre arme de prédilection, l’encre sur nos pages. Tant pis si elle n’est que la peinture rupestre de notre époque : elle fixe une pensée radicale et complexe que les générations futures, lasses du grand effacement numérique, pourront redécouvrir pour comprendre nos luttes. Mouais, c’est l’information du futur. L’écho de nos grognements critiques résonnera bien après que leurs datacenters, leurs clouds et le big data auront grillé.
Et non seulement nous continuons, mais nous passons à la vitesse supérieure. A l’heure d’élections municipales -chez nous, à Nice, où nous nous obstinons à faire entendre une parole libre, l’ultra-droitier Eric Ciotti, adepte de Trump et allié au RN, s’est déclaré candidat- faisant peser à nouveau le risque d’une vague fasciste et tandis que l’étau se resserre sur la presse libre, plutôt que de nous laisser intimider, les anarchistes que nous somment appuient sur le champignon. Au menu : un passage l’impression rotative, donc à 10 000 exemplaires et plus, et une diffusion dans tous les kiosques du pays.
Mais ceci a un prix : pour assurer le financement de cette aventure, il nous faut un minimum de 4000 euros, dont nous ne disposons pas actuellement. C’est pourquoi nous faisons appel à vous.
L’argent sera intégralement consacré aux frais d’impression et au paiement de l’entreprise chargée de la diffusion en kiosque. Le lien est ici : https://www.helloasso.com/associations/association-pour-la-reconnaissance-des-medias-alternatifs-arma/collectes/aidez-notre-journal-a-passer-en-diffusion-nationale-en-kiosque
Vive la presse libre et libertaire, et si vous voulez mettre un bâton dans les roues d’Estrosi, Ciotti et leur monde, une seule solution : financer le canard au chat noir qui leur tient tête !
Toute la rédaction vous remercie du fond du cœur.
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17.08.2025 à 11:35
« Militant LGBT, je retire ma plainte contre le policier qui m’a éborgné »
Le 1er février 2024, à Marseille, un militant LGBTQIA+ a perdu un œil après un coup de poing d’un homme qui venait de proférer des insultes homophobes et de bousculer un élu. L’agresseur s’était avéré être un policier en civil. Plus d’un an plus tard, irrémédiablement aveugle de son œil droit, la victime, Alexandre Georges, a décidé de retirer sa plainte, par un courrier qu’il nous a transmis. Marseille, le.. Read More
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Texte intégral (1243 mots)
Le 1er février 2024, à Marseille, un militant LGBTQIA+ a perdu un œil après un coup de poing d’un homme qui venait de proférer des insultes homophobes et de bousculer un élu. L’agresseur s’était avéré être un policier en civil. Plus d’un an plus tard, irrémédiablement aveugle de son œil droit, la victime, Alexandre Georges, a décidé de retirer sa plainte, par un courrier qu’il nous a transmis.
Marseille, le 1er Juillet 2025
Madame la Procureure,
Le 1er Février 2024, j’étais violemment frappé au visage par un policier en civil au cours d’une manifestation LGBT, après que ce même individu ait agressé un adjoint au maire de Marseille que j’ai tenté de défendre en utilisant un spray au poivre. Fracturés par ce coup de poing, les os ne retenaient plus correctement mon œil droit, qui a tenté de sortir de son orbite le lendemain, endommageant irrémédiablement le nerf optique. J’en perdais ainsi l’usage le 2 Février, à l’âge de 26 ans. Comme le montrent clairement les vidéos de la scène, ni ce danger public ni ses deux collègues n’avaient de brassard. Ils étaient venus perturber le cortège, tenant des propos qui ne nous faisaient pas douter de ce qu’ils pensaient de nous, avant de faire illégalement usage de la force.
On aurait pu s’attendre à ce que ce voyou soit inquiété, mais non. Suite à ces événements, le policier a porté plainte et ses collègues ont voulu me placer en garde à vue, ce que mon état de santé et les contraintes médicales qu’il impliquait ont rendu impossible. J’ai bien entendu déposé plainte, mais l’enquête a été confiée une IGPN qui a investigué contre moi, cherchant tantôt à prouver que ce ne serait pas le coup de poing qui m’aurait rendu infirme, tantôt à démontrer que je l’aurais mérité.
Après tout, ce que j’ai fait est « grave », non ?
Mais rendre cette enquête inutile ne suffit pas, il faut aussi qu’elle soit pénible. Votre police est tout de même allée jusqu’à convoquer mon petit ami pour, entre autres questions déplacées, lui demander si ça le dérangeait de ne pas savoir où et avec qui je dormais certaines nuits. A ces questions intrusives, se sont ajoutées des auditions de témoins clairement orientées et des méthodes d’enquête agressives sur le corps médical. L’IGPN est tout de même allée chercher mon médecin traitant dans son propre cabinet !Apprenant cela, mon avocate et même l’adjoint au maire agressé ont du intervenir auprès de vous et de la préfecture de police pour réclamer que cessent ces méthodes déloyales.
Il n’en fut rien. Vous avez opposé à nos demandes la saisie par la puissance publique de l’intégralité demes dossiers médicaux chez mon médecin etdans les hôpitaux, alors que vous aviez déjà tout. Autrement dit, l’enquête n’a pas plus avancé. J’ai même du me rendre à Montpellier, à votre demande, pour qu’une nouvelle expertise soit réalisée, par un autre ophtalmologiste. Apparemment, les éléments saisis directement auprès du corps médical ne vous convenaient pas. Il fallait encore que j’aille dans une autre ville comme si, d’un médecin à l’autre, un mal-voyant pouvait redevenir valide.
Et, Montpellier n’étant pas Lourdes, le diagnostic n’a pas été différent de ceux déjà réalisés : Je suis aveugle de l’œil droit. Le nerf optique ne se régénère pas, ce que l’on se trouve à Marseille ou ailleurs.
Mais voilà que je prends connaissance par mon avocate de cette nouvelle approche : Certes, je ne vois plus d’un œil, mais cette cécité est-t-elle réellement due au coup du policier ? Faisons de nouveaux examens pour être bien certains qu’elle n’est pas étrangère à la sortie de mon œil de son orbite, au lendemain du coup qui m’a fracassé le crâne.Après tout, on ne sait jamais, peut-être qu’à l’IRM on détectera que c’est un petit lutin logé derrière mon œil qui s’amuse à débrancher les câbles. Tout ce cirque plutôt que l’admission d’un fait simple : La police peut être violente. Croyez moi, on peut l’entendre sans s’étouffer.
Alors soit! Puisqu’il faut démontrer que je n’étais pas déjà borgne avant d’être éborgné, je mets fins à cette procédure ridicule, en vous transmettant des examens ophtalmologiques antérieurs à l’agression. Ce ne sera pas très difficile à prouver : J’avais la même myopie à chaque œil, avant qu’un chien de Pétain ne me permette de faire des économies en lentilles correctrices. Vous avez déjà, me semble-t-il, obtenu les PEV, dont les signaux électriques avaient clairement démontré l’atteinte du nerf optique.Vous allez, par votre désintéressement à ce dossier, devoir classer l’affaire d’un acte homophobe dirigé contre notre communauté par l’autorité publique.
Compte tenu des dysfonctionnements excessifs des institutions policières et judiciaires dans ce dossier, je ne m’attends pas à gagner le moindre procès, même s’il avait lieu. Je n’ai de toute façon jamais eu une telle certitude. Aucun éborgné par la police n’a obtenu Justice à ce jour et rien ne laisse présager que j’aurai droit à un traitement différent du leur. De plus, je ne souhaite pas continuer de faire comme si ce pays allait bien.
Non, la police n’est pas l’alliée des personnes LGBT et, non, la Justice ne peut rien lorsqu’un flic a décidé de « casser du pédé ». Ici, comme en Hongrie ou ailleurs, nous devrons nous battre en connaissance de ce fait.
Refusant de persévérer dans l’illusion d’une procédure utile et équitable, je retire ma plainte.
Très cordialement,
Alexandre Georges.
Relecture par Mačko Dràgàn
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