Richard Gaitet
mis en ligne le 19.12.2025 à 06:30
.La technique le flow de malade, artistiquement elle se balade Dans son roman L’évasion (Gallimard, 2013), Dominique Manotti libère le seul personnage d’écrivain de son œuvre : Filippo Zuliani, un petit voyou rital de vingt-trois ans qui s’échappe d’une prison romaine mais qui regrettera bientôt d’avoir « marqué un point contre le désespoir » en publiant l’histoire de son compagnon de cellule, ancien membre des Brigades rouges. Le destin punira Filippo d’avoir trahi, en étant à la fois trop précis dans son roman et… trop bavard en interview. « J’ai la conviction que le roman noir sera la grande littérature du XXIe siècle, ce siècle des paradis fiscaux et de la perte de contrôle des Etats sur les masses monétaires à l’échelle mondiale. Le pouvoir change de mains. Il faut le raconter », dit celle qui fréquenta trente ans durant « un certain nombre d’amis flics, démissionnaires ou retraités ». Les ténébreuses silhouettes qui peuplent ses livres-enquêtes commencent à lui parler dans les embouteillages, ou lors de ses moments de repos. « Je respecte les faits, leur ordre de succession, je m’oblige à construire mon histoire sans les déformer. Mais les personnages, je les invente, c’est ma jubilation. Je raconte des hommes qui ne sont ni des monstres ni des anges. Pour moi, il s'agit d'humaniser mes salauds. » Pour Or noir (2015), son imagination « frémit » en situant la nouvelle enquête du commissaire Daquin à Marseille – qui lui fournit ensuite la matière terrible de son dernier roman en date : Marseille 73. Publié par Les Arènes en 2020, vendu à trente mille exemplaires, l’ouvrage restitue jour par jour le récit glacial d’une vague d’authentiques assassinats racistes perpétrés en toute impunité dans la cité phocéenne, en bande organisée. « La technique le flow de malade, artistiquement elle se balade, personne ne peut la canaliser » : si l’on se fie à cette description de Jul, Dominique Manotti, c’est Marseille mémé ! L’autrice du mois : Dominique Manotti Née en 1942 à Paris sous le nom de Marie-Noëlle Thibault, Dominique Manotti a enseigné l’histoire au lycée puis à l’université Paris-VIII Vincennes Saint-Denis. Au milieu des années 90, cette spécialiste de l’histoire économique du XIXe siècle entame avec Sombre Sentier un cycle de treize romans noirs aux éditions Rivages ou dans la Série Noire de Gallimard, marqués par ses combats syndicaux. Elle a reçu en 2002 le grand prix du festival de Cognac pour Nos fantastiques années fric (adapté au cinéma par Éric Valette, avec André Dussollier et Rachida Brakni, sous le titre Une affaire d’État) ou, en 2011, le grand prix de littérature policière pour L’honorable société (co-écrit avec DOA). Elle vit et travaille au-dessus d’un cinéma, au bord du bassin de la Villette. Remerciements : Studio Gong, Christophe Siébert Enregistrements octobre 2025 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Karen Beun, Mathilde Guermonprez Montage Mathilde Guermonprez, Étienne Bottini Lectures Chloé Assous-Plunian, Richard Gaitet Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Saxophone, piano, mellotron, violon, violoncelle et trombone Xavier Thiry Illustration Sylvain Cabot Remerciements Studio Gong, Christophe Siébert
mis en ligne le 19.12.2025 à 06:15
.Documentation solide, tempo haletant, zéro poésie : la méthode Manotti Dans ce deuxième volet de cet interrogatoire en règle chez le R. G., nous verrons comment Dominique Manotti s’est employée à signer « la chronique noire d’un échec : celle de la génération 68 », Roman après roman, rien n’échappe à son regard laser d’historienne « enragée », prête à remonter jusqu’au sommet de l’Etat : spéculation immobilière et trafic de coke dans le monde hippique (À nos chevaux, 1997), élus corrompus dans les vestiaires de Levallois (Kop, 1998), portrait armé de la diplomatie sous Mitterrand (Nos fantastiques années fric, 2001), délocalisation sans merci d’une usine des Vosges (Lorraine Connection, 2006, vendu à treize mille exemplaires) ou flics ripoux brisés par la « politique du résultat » (Bien connu des services de police, 2010, écoulé à vingt-cinq mille copies). Avec, de nouveau, le flegme savoureux du commissaire Daquin, qui passe parfois le relais à une nouvelle héroïne, Noria Ghozali, tendue comme un schlass planté dans la cuisse des prédateurs. Son œuvre s’apparente à une version papier de la série Engrenages (Canal+, 2005-2020), souvent campée comme chez Manotti dans le nord blafard de Paris. De quelle manière alors s’articulent ses engrenages fictionnels, brefs et méchants, extrêmement documentés, dénués de poésie et de figures de style, mais riches en scènes de cul comme en règlements de compte, livrés dans un style sec, « direct », toujours écrit au présent ? Pour le savoir, poursuivons la déposition. L’autrice du mois : Dominique Manotti Née en 1942 à Paris sous le nom de Marie-Noëlle Thibault, Dominique Manotti a enseigné l’histoire au lycée puis à l’université Paris-VIII Vincennes Saint-Denis. Au milieu des années 90, cette spécialiste de l’histoire économique du XIXe siècle entame avec Sombre Sentier un cycle de treize romans noirs aux éditions Rivages ou dans la Série Noire de Gallimard, marqués par ses combats syndicaux. Elle a reçu en 2002 le grand prix du festival de Cognac pour Nos fantastiques années fric (adapté au cinéma par Éric Valette, avec André Dussollier et Rachida Brakni, sous le titre Une affaire d’État) ou, en 2011, le grand prix de littérature policière pour L’honorable société (co-écrit avec DOA). Elle vit et travaille au-dessus d’un cinéma, au bord du bassin de la Villette. Remerciements : Studio Gong, Christophe Siébert Enregistrements octobre 2025 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Karen Beun, Mathilde Guermonprez Montage Mathilde Guermonprez, Étienne Bottini Lectures Chloé Assous-Plunian, Richard Gaitet Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Saxophone, piano, mellotron, violon, violoncelle et trombone Xavier Thiry Illustration Sylvain Cabot Remerciements Studio Gong, Christophe Siébert
mis en ligne le 19.12.2025 à 06:00
.Des barricades de 68 aux premiers feux fictionnels Dans cette nouvelle affaire confiée à notre agence de détectives littéraires, la principale suspecte se nomme Dominique Manotti, 83 ans, alias « la mamie rouge du roman noir ». Une multirécidiviste en activité depuis 1995, avec à son actif treize romans violents, rapides comme une balle et froids comme un flingue, salués par la critique, traduits en allemand, en anglais, en grec ou – plus louche – en russe. L’une des (trop) rares femmes du polar français des trente dernières années, qui publia son premier bouquin aux éditions du Seuil… à 52 piges ! Quels sont les secrets de cette fille de la bourgeoisie parisienne, de cette agrégée d’histoire économique aux fortes convictions marxistes anticoloniales, militante pour l’indépendance de l’Algérie ou le droit à l’avortement, cette lanceuse de pavés en mai 68 qui apprit à écrire dans « Les cahiers de mai » avant de devenir syndicaliste CFDT ? Faut-il retourner tous les tiroirs de son bureau pour comprendre comment elle s’engagea en littérature après avoir lu LA Confidential de James Ellroy ? De quelle manière a-t-elle taillé son premier diamant noir : Sombre Sentier, centré sur sa plus grande victoire syndicale dans les coulisses des ateliers textiles clandestins du centre de Paname, vendu à dix mille exemplaires et marqué par le coquin Théo Daquin, son célèbre commissaire gay à « belle gueule carrée », un poulet « chaud lapin » qui fait l’amour à ses indics et dont les bureaux se situent… passage du Désir ? C’est l’objet du premier volet de cette garde-à-vue sans menottes qui entend faire toute la lumière sur le dossier Manotti. L’autrice du mois : Dominique Manotti Née en 1942 à Paris sous le nom de Marie-Noëlle Thibault, Dominique Manotti a enseigné l’histoire au lycée puis à l’université Paris-VIII Vincennes Saint-Denis. Au milieu des années 90, cette spécialiste de l’histoire économique du XIXe siècle entame avec Sombre Sentier un cycle de treize romans noirs aux éditions Rivages ou dans la Série Noire de Gallimard, marqués par ses combats syndicaux. Elle a reçu en 2002 le grand prix du festival de Cognac pour Nos fantastiques années fric (adapté au cinéma par Éric Valette, avec André Dussollier et Rachida Brakni, sous le titre Une affaire d’État) ou, en 2011, le grand prix de littérature policière pour L’honorable société (co-écrit avec DOA). Elle vit et travaille au-dessus d’un cinéma, au bord du bassin de la Villette. Remerciements : Studio Gong, Christophe Siébert Enregistrements octobre 2025 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Karen Beun, Mathilde Guermonprez Montage Mathilde Guermonprez, Étienne Bottini Lectures Chloé Assous-Plunian, Richard Gaitet Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Saxophone, piano, mellotron, violon, violoncelle et trombone Xavier Thiry Illustration Sylvain Cabot Remerciements Studio Gong, Christophe Siébert
mis en ligne le 07.10.2025 à 06:00
.Enquêtrice de la fabrique des images Murielle Joudet le répète à l’envi : « Il faut prendre les actrices au sérieux, restituer avec justice et justesse leur importance dans nos vies, prendre en compte comment certaines ont su manœuvrer pour continuer d’apparaître telles qu’en elles-mêmes, y compris dans des films où le regard masculin est apparemment tout-puissant. Sans pour autant tomber dans l’illusion de leur liberté absolue car, bien sûr, l’industrie est là, souveraine. » Dans son troisième livre plein d’esprit, La seconde femme, elle dresse huit portraits de comédiennes qu’elle observe « jusqu’à plus soif » pour comprendre ce que Nicole Kidman, Meryl Streep, Brigitte Bardot ou son idole Bette Davis réussirent à imposer au système dans le deuxième acte de leur carrière – à force de travail, de bâtons de dynamite ou de simple désertion. Ces derniers temps, Murielle Joudet a aimé Monte-Cristo version Pierre Niney, Max Mad : Furiosa, Joker 2, Bridget Jones 4, France de Bruno Dumont, The Substance de Coralie Fargeat, Anora de Sean Baker ou Spring breakers d’Harmony Korine. Des coups de cœur éclectiques, qui se comptent chaque année sur les doigts d’une main. « Habituellement, confie-t-elle, on peut écrire le texte dans sa tête pendant la projo, on sait exactement ce qu’on pense du film à la sortie et la plupart des œuvres font de moi une critique snob et blasée. Mais une ou deux fois par an, un film me désarme complètement. » En conséquence, cette spectatrice exigeante préférera toujours « voir cinquante fois un chef-d’œuvre plutôt qu’une fois une œuvre plaisante », selon la formule de la cinéaste et écrivaine Catherine Breillat, femme « scandale » à laquelle Joudet consacre en 2023 un recueil d’entretiens, Je ne crois qu’en moi, sacré meilleur ouvrage français sur le cinéma par le Syndicat de la critique. Dans ce troisième et dernier épisode, Murielle Joudet réaffirme ses envies d’enquêtes sur la fabrique des images, en « calmant ses envies de style, sans chercher l’éclat à tout prix ». Tout en rappelant l’existence d’un collectif qui ne manquera pas de fédérer des vocations : « Pigistes en pyjama ». L’autrice du mois : Murielle Joudet Née en 1991 à Paris, Murielle Joudet est critique de cinéma dans la presse (Le Monde), à la radio (sur France Inter pour Le masque et la plume), en ligne (dans le podcast Sortie de secours ou via l’émission Dans le film sur le site Hors-Série) ou pour la Cinémathèque française. Elle a publié quatre ouvrages qui documentent avec rigueur des façons de défier les conventions, en tant que femme, dans l’industrie du 7e art : Isabelle Huppert – vivre ne nous regarde pas (Capricci, 2018), Gena Rowlands – on aurait dû dormir (Capricci, 2021), La seconde femme – ce que les actrices font à la vieillesse (Premier Parallèle, 2022) et un recueil d’entretiens avec la cinéaste Catherine Breillat, Je ne crois qu’en moi (Capricci, 2023). Elle vit et travaille à Paris. Enregistrement juillet 2025 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Mathilde Guermonprez Montage Étienne Bottini Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Harpe, flûte, clarinette, cor, basson, xylophone, timbales et gong Xavier Thiry Illustration Sylvain Cabot
mis en ligne le 07.10.2025 à 05:30
.Être critique, écrire sur les actrices Elle a détesté Barbie de Greta Gerwig pour son « fétichisme de la marchandise gonflé aux dimensions d’un blockbuster estival », son « auteurisme définitivement dévoré par l’hégémonie des franchises, l’ironie permanente et la postmodernité comme impasses narratives » ou « et c’est sans doute le plus pénible », écrivit-elle dans Le Monde, « la défense d’un féminisme néolibéral infantilisant devenu la façade respectable d’un capitalisme décomplexé ». Pour Murielle Joudet, un·e critique doit être « une sorte d’enfant obèse et ingrat, comme les post-humains imaginés par le studio Pixar dans Wall-E. Il ou elle ne doit rien à personne, parce qu’il ou elle n’a rien à revendiquer, rien à vendre et que personne ne l’aime. J’ai vu des critiques arrondir les angles d’une interview, couper ce qui pouvait être (un peu) choquant et ça m’a servi de leçon. J’écris des livres pour parler en mon nom, pour y aller à fond. » Après 21 pages sur Coppola en 2016 (dans un bouquin où elle était la seule femme parmi neuf auteurs), et entre les dizaines d’articles du monumental Hitchcock la totale en 2019 (co-signé avec trois complices de la Cinémathèque française), Murielle Joudet se donne enfin le premier rôle via deux ouvrages consacrés à deux actrices majuscules. D’abord Isabelle Huppert, avec Vivre ne nous regarde pas en 2018, puis Gena Rowlands en 2021, avec On aurait dû dormir, récompensé par le Centre National de la Cinématographie. Ce deuxième épisode dissèque ce remarquable diptyque contre l’ennui, pensé pour honorer des performances qui « tournent autour de la folie en s’aventurant très loin dans l’idée de se rendre incompréhensibles ». En montrant par exemple comment Gena Rowlands, égérie du cinéma de son compagnon John Cassavetes, parvient à traduire physiquement le « flux de conscience » cher à Virginia Woolf. « Son corps s’infléchit à la moindre pensée : elle ne ravale aucun état d’âme, les laisse infuser, fait du montage d’humeurs à même son corps, traversée par une violence inouïe. On peut avoir des éclats dépressifs ou des élans d’euphorie, dissimulés en général sous un masque de neutralité. Son masque glisse tout le temps. » Bas les masques, tout pour la plume. L'autrice du mois : Murielle Joudet Née en 1991 à Paris, Murielle Joudet est critique de cinéma dans la presse (Le Monde), à la radio (sur France Inter pour Le masque et la plume), en ligne (dans le podcast Sortie de secours ou via l’émission Dans le film sur le site Hors-Série) ou pour la Cinémathèque française. Elle a publié quatre ouvrages qui documentent avec rigueur des façons de défier les conventions, en tant que femme, dans l’industrie du 7e art : Isabelle Huppert – vivre ne nous regarde pas (Capricci, 2018), Gena Rowlands – on aurait dû dormir (Capricci, 2021), La seconde femme – ce que les actrices font à la vieillesse (Premier Parallèle, 2022) et un recueil d’entretiens avec la cinéaste Catherine Breillat, Je ne crois qu’en moi (Capricci, 2023). Elle vit et travaille à Paris. Enregistrement juillet 2025 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Mathilde Guermonprez Montage Étienne Bottini Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Harpe, flûte, clarinette, cor, basson, xylophone, timbales et gong Xavier Thiry Illustration Sylvain Cabot
mis en ligne le 07.10.2025 à 05:00
.Itinéraire d'une cinéphile autodidacte Dans la catégorie critiquée et redoutée de la critique ciné, au sein de ce métier malmené par la concurrence des algorithmes publicitaires, Murielle Joudet fait figure de rempart, de meilleur espoir. Signature cinglante du journal Le Monde depuis 2017, mousquetaire sur France Inter du nouveau Masque et la plume depuis 2024, la journaliste et autrice parisienne est la jeune première qui monte, acerbe et bien renseignée, incollable (ou presque) sur l’âge d’or d’Hollywood. À 34 ans, l’ex-chroniqueuse au lance-flammes du magazine Chronicart, vue dans l’émission Le Cercle sur Canal+, semble déjà reconnue comme la « bad cop » du milieu, sa mauvaise conscience, à la recherche du « grand » cinéma. Mais comment cette stakhanoviste autodidacte a-t-elle formé son goût et ses dégoûts ? « Entre 17 et 24 ans, on attend que la vie commence et le cinéma est une sorte de teaser. Mais le décalage est toujours un peu décevant », dit cette lectrice de Sylvia Plath et de Pierre Michon, fan d’Éric Rohmer ou d’Abdellatif Kechiche, qui passa « religieusement » sept ans dans les salles obscures en marge de ses études de philo. « Les cinéphiles peuvent faire l’économie du dehors, comme si tous les films vus recouvraient la surface du monde, pour ne plus avoir à le voir – j’ai été comme ça, je le suis encore un peu. » Qu’a-t-elle retenu de son exposition aux princesses et sorcières de Walt Disney ? Ou de ses nuits à zapper pour tomber sur le cinéma queer de Paul Morrissey ou Les hommes préfèrent les blondes avec Marilyn Monroe, dont la pluie de couleurs et de diamants lui donna l’idée « de travailler sur les images » ? Comment cette blogueuse graphomane a-t-elle professionnalisée sa « vie intérieure hyper-trophiée » ? Ces questions sont à l’affiche de ce premier épisode, à écouter les yeux grands ouverts. L’autrice du mois : Murielle Joudet Née en 1991 à Paris, Murielle Joudet est critique de cinéma dans la presse (Le Monde), à la radio (sur France Inter pour Le masque et la plume), en ligne (dans le podcast Sortie de secours ou via l’émission Dans le film sur le site Hors-Série) ou pour la Cinémathèque française. Elle a publié quatre ouvrages qui documentent avec rigueur des façons de défier les conventions, en tant que femme, dans l’industrie du 7e art : Isabelle Huppert – vivre ne nous regarde pas (Capricci, 2018), Gena Rowlands – on aurait dû dormir (Capricci, 2021), La seconde femme – ce que les actrices font à la vieillesse (Premier Parallèle, 2022) et un recueil d’entretiens avec la cinéaste Catherine Breillat, Je ne crois qu’en moi (Capricci, 2023). Elle vit et travaille à Paris. Enregistrement juillet 2025 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Mathilde Guermonprez Montage Étienne Bottini Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Harpe, flûte, clarinette, cor, basson, xylophone, timbales et gong Xavier Thiry Illustration Sylvain Cabot
mis en ligne le 26.08.2025 à 06:20
.Fantaisie comique, passion digression Bertrand Belin écrit des livres comme d’autres nagent en eaux libres : il en a le souffle, la souplesse et l’endurance, au gré des marées montantes de son imagination. Dans son bonnet de bain, déjà cinq romans et un curieux recueil de « souvenirs », tous publiés ces dix dernières années aux éditions POL. Sa petite entreprise ne connaît pas la crampe et forme déjà un tout cohérent, sérieux dans sa phrase, libre dans la diversité de ses formes, irrigué par sa fantaisie comique, sa passion digression, son plaisir de la répétition, son goût gourmand du mot rare et les ombres tenaces de sa jeunesse. Dans « Requin » (2015), un homme banal retarde sa noyade par le flot de ses pensées, qui séduiront près de dix mille lecteurs et lectrices. Dans « Littoral » (2016), l’occupation d’un port par une armée rebat les cartes de l’héroïsme. Dans « Grands carnivores » (2019), fable habile sur le capitalisme carnassier centré sur deux frères que tout oppose, sa verve déploie du mordant pour croquer de bien tristes puissants adeptes de « logorrhées vipérines » et de « galimatias venimeux ». Et dans « La figure » (2025), son roman le plus long, l’alter ego de Bertrand enquête sur le « poison » de son passé. « Dans les livres », dit-il, « je peux être aventureux dans la spéculation, faire usage de mauvaise foi, fabriquer des dispositifs, des bazars rhétoriques qui ne peuvent se passer du temps long. La chanson est un canif de poche, le roman un service complet avec louche et fourchette à poisson. » Pour ce troisième et dernier épisode, ce « grand-duc » passe à table et plonge dans ses pages « le feu au cœur ». L’auteur du mois : Bertrand Belin Né en 1970 à Auray, Bertrand Belin est musicien, écrivain et acteur, toujours à la recherche « du mot juste, du beau geste ». Depuis vingt ans, du premier album remarqué qui porte son nom (2005) à « Tambour Vision » (2022), sans oublier « Hypernuit » (grand prix de l’académie Charles-Cros en 2010), ce drôle d’oiseau du Morbihan, au timbre grave et envoûtant, « survole nos villes et nos campagnes » avec, sous son aile, de mystérieuses ritournelles. « Que dit-on en chantant que l'on ne saurait dire en parlant simplement ? Pourquoi chanter une chose ? », se demandait-il en 2012 dans son premier livre, un court essai intitulé « Sorties de route ». Bertrand Belin est également l’auteur d’une poignée de brefs romans intrigants aux éditions POL. Il vit à Paris et publiera en octobre 2025 son huitième album solo, « Watt », annoncé comme « tendre, grave et gracieux, avec des divertissements ». Enregistrement avril 2025 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Mathilde Guermonprez Montage Mathilde Guermonprez, Étienne Bottini Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Vibraphone Cyprien Noble Illustration Sylvain Cabot Remerciements Loyse Dodinot-Plunian, Loo Hui Phang, Mina Souchon
mis en ligne le 26.08.2025 à 06:10
.Le chanteur vif-argent et son usine intime Énigmatique de sa personne, dans ses effets fort économe, l’homme (comme son verbe) désarçonne. Pour Bertrand Belin, « les chansons sont faites d’une substance instable, comme de la nitroglycérine, à transporter en essayant de ne pas trop en renverser ». L’auteur rapide de « Lentement » et de « Glissé-redressé » négocie donc « avec la plasticité des mots », apprécie « les syntaxes un peu dégradées, les contraires, les accidents de grammaire », dynamite les interprétations en s’estimant « contenu dans une nécessaire discrétion ». Dans ses chansons, il « parle en fou » ou affronte, « résigné, devant le mal », un colosse parental. Et ajoute : « J’aime l’opacité. Beaucoup. L’incompréhensible et le merveilleux que cela comprend. Pour faire jaillir des possibilités de sens qui ne sont pas le fruit de la raison. » En conséquence, ses vers « bêchent la terre gelée » de sentiments complexes ou dessinent « des silhouettes » : celles de clochards sur des bancs « mal gaulés » ou celle d’une femme « moitié folle, qui donne des ordres au soleil ». Son minimalisme, qui flirte parfois avec l’hermétisme, lui permet ainsi de diminuer « le risque du compromis ». Car « trop en dire » le « déçoit toujours ». Sûr de sa force « bertran-quille » portée par son flegme vocal désormais légendaire, le chanteur vif-argent nous ouvre ici les portes de son usine intime, le moulin de Belin, lui qui affirme que ses textes… « ne sont pas écrits, passant directement de l’esprit à l’enregistrement ». Dans ce deuxième épisode, nous essaierons de le croire sur parole(s). L’auteur du mois : Bertrand Belin Né en 1970 à Auray, Bertrand Belin est musicien, écrivain et acteur, toujours à la recherche « du mot juste, du beau geste ». Depuis vingt ans, du premier album remarqué qui porte son nom (2005) à « Tambour Vision » (2022), sans oublier « Hypernuit » (grand prix de l’académie Charles-Cros en 2010), ce drôle d’oiseau du Morbihan, au timbre grave et envoûtant, « survole nos villes et nos campagnes » avec, sous son aile, de mystérieuses ritournelles. « Que dit-on en chantant que l'on ne saurait dire en parlant simplement ? Pourquoi chanter une chose ? », se demandait-il en 2012 dans son premier livre, un court essai intitulé « Sorties de route ». Bertrand Belin est également l’auteur d’une poignée de brefs romans intrigants aux éditions POL. Il vit à Paris et publiera en octobre 2025 son huitième album solo, « Watt », annoncé comme « tendre, grave et gracieux, avec des divertissements ». Enregistrement avril 2025 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Mathilde Guermonprez Montage Mathilde Guermonprez, Étienne Bottini Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Vibraphone Cyprien Noble Illustration Sylvain Cabot Remerciements Loyse Dodinot-Plunian, Loo Hui Phang, Mina Souchon
mis en ligne le 26.08.2025 à 06:00
.Aux origines de Belin Dans cet épisode 1 aux origines de Belin, le crooner breton revient sur le « tissage sauvage des fils de son destin », son enfance atlantique dans une baie au parfum de varech parcourue à BMX, sa lignée de pêcheurs, ses disques de Thiéfaine ou son jeu de guitare qui, à 15 ans, déchaînait les passions dans les rades de Quiberon avec un groupe nommé Les Démons. Le sel de son « hypernuit ». Mais comment l’écriture est-elle venue aux yeux et à la bouche de ce transfuge de classe alors que l’appartement familial ne comptait pour tout livre qu’une série d’encyclopédies ? Qu’a-t-il de commun avec le héros du roman « Martin Eden » de Jack London ? Comment ce titulaire d’un BEP-CAP électricien est-il passé d’un quotidien de musicien de studio – pour Bénabar ou Régine – à sa place convoitée de fils fantasmé de Bashung et de Brigitte Fontaine, chouchou de la critique, auquel il ne manque aujourd’hui qu’un succès populaire ? Pour le savoir, prenons le temps, Bertrand. L’auteur du mois : Bertrand Belin Né en 1970 à Auray, Bertrand Belin est musicien, écrivain et acteur, toujours à la recherche « du mot juste, du beau geste ». Depuis vingt ans, du premier album remarqué qui porte son nom (2005) à « Tambour Vision » (2022), sans oublier « Hypernuit » (grand prix de l’académie Charles-Cros en 2010), ce drôle d’oiseau du Morbihan, au timbre grave et envoûtant, « survole nos villes et nos campagnes » avec, sous son aile, de mystérieuses ritournelles. « Que dit-on en chantant que l'on ne saurait dire en parlant simplement ? Pourquoi chanter une chose ? », se demandait-il en 2012 dans son premier livre, un court essai intitulé « Sorties de route ». Bertrand Belin est également l’auteur d’une poignée de brefs romans intrigants aux éditions POL. Il vit à Paris et publiera en octobre 2025 son huitième album solo, « Watt », annoncé comme « tendre, grave et gracieux, avec des divertissements ». Enregistrement avril 2025 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Mathilde Guermonprez Montage Mathilde Guermonprez, Étienne Bottini Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Vibraphone Cyprien Noble Illustration Sylvain Cabot Remerciements Loyse Dodinot-Plunian, Loo Hui Phang, Mina Souchon
mis en ligne le 05.06.2025 à 07:20
.À ses débuts, Nathacha Appanah croyait que « l’écriture est une île ». Elle prendra vite conscience des « bourrasques extérieures » d’une existence dédiée à « travailler sur la langue, sans étouffer sa géopolitique ». Pour elle, « l'inspiration, c’est comme l'amour, ça se nourrit, ça s'assèche, ça prend des tournures auxquelles on ne s’attendait pas. » Or, après quatre premiers romans publiés entre 2003 à 2007, l’autrice d’« En attendant demain » traverse huit ans de doutes, sans ajouter une ligne à sa bibliographie. Nathacha, hôtesse de son art, s’est formée seule, en interrogeant parfois consœurs et confrères, pour comprendre comment « construire un texte qui serait visible de loin : de la complexité à l’envers, de la simplicité à l’endroit ». Sa simplicité subtile s’exprime pleinement dans « Rien ne t’appartient » (Gallimard, 2021), plongée dans l’enfer moral d’une pension pour « filles gâchées », qu’elle mit seize ans à écrire, après des frissons dans la jungle d’un reportage au Sri Lanka. Focalisées sur la trajectoire d’une jeune femme à qui la société veut interdire de danser, de rire ou d’aimer à gorge déployée, ces 173 pages, écoulées à 30 000 exemplaires, ont de quoi faire pousser des frangipaniers dans l’œil des autorités religieuses de toute obédience. Avec cette certitude : les mots « ont le pouvoir du pied de biche ou du marteau : celui d’ouvrir les narrations closes ». Dans ce troisième et dernier épisode, Nathacha Appanah lève aussi une part du voile sur ce mystérieux conclave de Saint-Germain-des-Prés : le comité de lecture de Gallimard. L’autrice du mois : Nathacha Appanah Née en 1973 à Mahébourg (île Maurice), Nathacha Appanah est une romancière, journaliste et traductrice dont l’œuvre reflète depuis 2003 « la vie des non-puissants, des outsiders, la vie qui passe parfois comme un ruban gris, sans aspérités, sans saveur ». Traduite en dix-sept langues, récompensée par vingt-trois prix littéraires dont treize pour « Tropique de la violence » (Gallimard, 2016), cette grande admiratrice de Virginia Woolf et d’Annie Ernaux a confié, à propos de son art de l’incarnation : « J’aspire à déployer une trame aussi délicate et complexe qu’une toile d’araignée, où je serais un vieux, un ado en taule, une mère célibataire, une meurtrière ou une taiseuse et que ce soit tellement bien écrit que l’on m’oublie, moi. » Elle vit à Paris et publiera fin août « La nuit au cœur », un roman sur trois femmes « qui courent, qui luttent », victimes de la violence de leur compagnon. Enregistrement avril 2025 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son, montage Mathilde Guermonprez Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Voix, percussions Charles-Baptiste Illustration Sylvain Cabot Remerciements Céline Develay-Mazurelle, Vanadis Feuille, Mina Souchon
mis en ligne le 05.06.2025 à 07:10
.« La littérature ressemble à un labyrinthe rempli des bruits que font les histoires qui n’ont pas été racontées », clame Nathacha Appanah dont le premier roman, « Les rochers de Poudre d’Or », sort l’année de ses 30 ans (Gallimard, 2003). Un premier tour de piste qui résonne comme un tour de force, pour évoquer les malheurs méconnus de centaines de milliers d’Indiens et d’Indiennes venu(e)s chercher fortune dans les Antilles ou sur l’île Maurice, et n’y récoltant qu’un travail forcé dans les champs des colons. L’ouvrage reçoit le prix RFO et se vendra, au fil des années, à vingt mille exemplaires. Prolifique et, dit-elle, « sentimentale », celle dont les ouvrages dépassent rarement deux cents pages veut « prendre des risques de livre en livre », dans le fond comme dans la forme. Ce deuxième épisode aborde la tragédie passionnelle de « Blue Bay Palace » (2004), l’amitié initiatique du « Dernier frère » (2007, L’Olivier) ou le brutal récit choral de « Tropique de la violence », sur l’extrême précarité des mineurs isolés de Mayotte, 101e département français où l’autrice vécut deux ans. Vendu à 130 000 exemplaires, adapté au cinéma, au théâtre et en bande dessinée, ce roman reste la référence littéraire pour comprendre ce territoire malmené de notre République. « J’ai toujours peur que les mots m’échappent », dit pourtant celle dont le patronyme contient trois h, comme autant de haches aptes à trancher les clichés. L’autrice du mois : Nathacha Appanah Née en 1973 à Mahébourg (île Maurice), Nathacha Appanah est une romancière, journaliste et traductrice dont l’œuvre reflète depuis 2003 « la vie des non-puissants, des outsiders, la vie qui passe parfois comme un ruban gris, sans aspérités, sans saveur ». Traduite en dix-sept langues, récompensée par vingt-trois prix littéraires dont treize pour « Tropique de la violence » (Gallimard, 2016), cette grande admiratrice de Virginia Woolf et d’Annie Ernaux a confié, à propos de son art de l’incarnation : « J’aspire à déployer une trame aussi délicate et complexe qu’une toile d’araignée, où je serais un vieux, un ado en taule, une mère célibataire, une meurtrière ou une taiseuse et que ce soit tellement bien écrit que l’on m’oublie, moi. » Elle vit à Paris et publiera fin août « La nuit au cœur », un roman sur trois femmes « qui courent, qui luttent », victimes de la violence de leur compagnon. Enregistrement avril 2025 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son, montage Mathilde Guermonprez Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Voix, percussions Charles-Baptiste Illustration Sylvain Cabot Remerciements Céline Develay-Mazurelle, Vanadis Feuille, Mina Souchon
mis en ligne le 05.06.2025 à 07:00
.« Au détour d’une route », Nathacha Appanah a fait surgir de « l’horizon flou » de son pays natal des fleurs couleur de feu et des personnages décidés à faire mentir leur destin. D’abord journaliste, elle quitte Maurice pour Grenoble en 1998 et dira à la revue XXI : « Dans les rédactions, j’étais la seule à être née à l’étranger. Certains de mes responsables s’étonnaient de la qualité de mon travail, de ma maîtrise du français. Il n’était pas rare que je sois assimilée à une figure de carte postale, à une "fille des îles" – avenante, bonne cuisinière mais pas très maligne (…) Je croisais les personnes à la peau foncée tôt le matin, dans le métro, dans le bus, je les entrevoyais dans les cuisines des restaurants, dans les cages d’escalier. J’avais du mal à me défaire de cette impression que nous étions cantonnés aux marges de la société. » C’est pourtant la marge qui fait tenir les pages, comme disait Godard. Dans ce premier épisode, Nathacha Appanah raconte sa passion « de groupie » pour Albert Camus ou sa pratique assidue, adolescente, de la course à pied… comparable à l’écriture en termes d’endurance, de souffle et de virages à négocier. « J’ai toujours aimé courir, confia-t-elle à L’Express. Démarrer plus vite que son ombre, sprinter de bout en bout, ne rien lâcher, finir par terre s’il le faut. Peu de choses, à la télé, m’émeuvent autant qu’un relais 4×100 mètres. Avant le départ, j’ai le cœur qui s’emballe, les mains moites, je plisse les yeux, j’oublie de respirer. Comment maintenir le feu dans les jambes, la précision de l’esprit ? » C’est toute la question de cette interview-marathon. Trois, deux, un, restez ! L’autrice du mois : Nathacha Appanah Née en 1973 à Mahébourg (île Maurice), Nathacha Appanah est une romancière, journaliste et traductrice dont l’œuvre reflète depuis 2003 « la vie des non-puissants, des outsiders, la vie qui passe parfois comme un ruban gris, sans aspérités, sans saveur ». Traduite en dix-sept langues, récompensée par vingt-trois prix littéraires dont treize pour « Tropique de la violence » (Gallimard, 2016), cette grande admiratrice de Virginia Woolf et d’Annie Ernaux a confié, à propos de son art de l’incarnation : « J’aspire à déployer une trame aussi délicate et complexe qu’une toile d’araignée, où je serais un vieux, un ado en taule, une mère célibataire, une meurtrière ou une taiseuse et que ce soit tellement bien écrit que l’on m’oublie, moi. » Elle vit à Paris et publiera fin août « La nuit au cœur », un roman sur trois femmes « qui courent, qui luttent », victimes de la violence de leur compagnon. Enregistrement avril 2025 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son, montage Mathilde Guermonprez Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Voix, percussions Charles-Baptiste Illustration Sylvain Cabot Remerciements Céline Develay-Mazurelle, Vanadis Feuille, Mina Souchon
mis en ligne le 26.03.2025 à 12:10
.Vercors à corps Pennac, on l’a vu dans le Vercors. En train de tirer à l’arc ou de s’enfermer pour écrire dans sa cabane de moyenne montagne. « Seul avec moi-même dans le travail, à l’intérieur de la langue, c’est une bataille. Quand ça ne sort pas, c’est désespérant, de l’ordre de la constipation mentale. » Ce troisième et dernier épisode montre comment, après plus de cinquante livres, la flèche qui pointe au bout de ses « doutes proliférants » – les couacs de Pennac – finit toujours par atteindre le centre de la cible. En s’attardant sur « Journal d’un corps », publié en 2012 et vendu à 340 000 exemplaires, roman inouï dans lequel un homme toute sa vie « cultive l’art de regarder » les évolutions de sa chair, de sa santé, de ses tripes. En se faufilant dans le trou de souris du scénario d’« Ernest & Célestine », ce film d’animation sublime réalisé la même année par Benjamin Renner, Stéphane Aubier et Vincent Patar d’après les albums illustrés de Gabrielle Vincent, récompensé à Cannes et aux Césars, qui enchanta 800 000 spectateurs en salles. Ou en parcourant ce drôle d’objet sorti en octobre 2024, « Mon assassin », sur l’origine de ses personnages, qui a déjà séduit soixante mille fans. Sans peine et sans trac ! L'auteur du mois : Daniel Pennac Né à Casablanca en 1944, Daniel Pennac a choisi le roman « pour ne pas avoir à trop se fréquenter ». Il est l’auteur adoré de la saga « Malaussène », comédies policières cosmopolites sur une famille tapageuse de Belleville, vendue à 6,7 millions d’exemplaires rien qu’en France (huit tomes, 1985-2022, Gallimard). On lui doit également des romans pour enfants drôlement chouettes (« Cabot-Caboche », « L’œil du loup », 1982-1984), un bref essai sur la lecture intitulé « Comme un roman » (1,1 million d’exemplaires, 1992) ou des scénarios de bande dessinée pour Tardi, Florence Cestac ou la série Lucky Luke. Sacré par l’Académie Française en 2023 pour l’ensemble de son œuvre lumineuse, il vit et travaille à Paris, ainsi que dans son Vercors chéri. Remerciements Blandine Rinkel, Vincent Schneegans, Maxime Su Ribera. Enregistrements janvier 2025 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Mathilde Guermonprez Montage Gary Salin & Mathilde Guermonprez Lecture Samuel Hirsch Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Piano Maison Pierō Illustration Sylvain Cabot
mis en ligne le 26.03.2025 à 12:05
.Le grand marchand de prose C’est l’histoire pétaradante d’une famille de Belleville aux parents absents, d’une tribu débraillée de sapajous qui crèche dans une ancienne quincaillerie riche en dingueries rue de la Folie-Regnault. Au cœur battant de ce bazar : Benjamin Malaussène, qui veille sur six frères et sœurs (Louna, Thérèse, Clara, Jérémy, Verdun et « Le Petit », né·e·s d’une mère voyageuse et d’un père inconnu à chaque fois différent), sur le chien Julius à l’odeur insupportable, sur son neveu et sa nièce (Maracuja et « C’est Un Ange »), avant d’être père lui-même – grâce à la jolie Julie – d’un bambin tout simplement baptisé « Monsieur Malaussène ». Malicieuse et sans gêne mais jamais malsaine, la bienheureuse smala Malaussène, née du cerveau-hamac de Daniel Pennac, fête cette année ses 40 piges, depuis la sortie en 1985 d’un premier tome affamé, « Au bonheur des ogres », dans la légendaire Série Noire de Gallimard, qu’il quittera pour la collection « Blanche » suite au succès de « La petite marchande de prose », sacré du prix du Livre Inter 1990. Dans ce deuxième épisode, « Bookmakers » vous ouvre les coulisses d’une commedia dell’arte authentiquement populaire de deux mille pages, « vraisemblablement » terminée en 2022 avec « Terminus Malaussène », pour savoir ce que ce grand marchand de prose avait « dans le cigare » au moment d’enfanter de tels zouaves. En scène, les Malaussène ! L’auteur du mois : Daniel Pennac Né à Casablanca en 1944, Daniel Pennac a choisi le roman « pour ne pas avoir à trop se fréquenter ». Il est l’auteur adoré de la saga « Malaussène », comédies policières cosmopolites sur une famille tapageuse de Belleville, vendue à 6,7 millions d’exemplaires rien qu’en France (huit tomes, 1985-2022, Gallimard). On lui doit également des romans pour enfants drôlement chouettes (« Cabot-Caboche », « L’œil du loup », 1982-1984), un bref essai sur la lecture intitulé « Comme un roman » (1,1 million d’exemplaires, 1992) ou des scénarios de bande dessinée pour Tardi, Florence Cestac ou la série Lucky Luke. Sacré par l’Académie Française en 2023 pour l’ensemble de son œuvre lumineuse, il vit et travaille à Paris, ainsi que dans son Vercors chéri. Remerciements Blandine Rinkel, Vincent Schneegans, Maxime Su Ribera. Enregistrements janvier 2025 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Mathilde Guermonprez Montage Gary Salin & Mathilde Guermonprez Lecture Samuel Hirsch Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Piano Maison Pierō Illustration Sylvain Cabot
mis en ligne le 26.03.2025 à 12:00
.Passé carabiné Élève Pennac, au tableau ! Montez sur l’estrade et récitez-nous la leçon de votre vie : celle du cancre absolu à la mémoire de gruyère, du dernier de la classe nul en calcul comme en orthographe, qui fut « sauvé » par une poignée de professeurs autant que par son talent pour « l’affabulation », le mythe du petit menteur provençal qui devint – vingt-cinq ans durant – un prof de français à l’écoute des « ados en péril » doublé d’un écrivain prolifique parmi les plus lus de son pays. Contez-nous en vrac, comme à la fin de votre essai « Chagrin d’école » (prix Renaudot 2007, vendu à 1,2 million d’exemplaires), comment « une hirondelle assommée est une hirondelle à ranimer ». Dans ce premier épisode, l’auteur de « La fée carabine » revient sur le « salopard » qui lui inspira l’enseignant si sévère des aventures collégiennes de « Kamo » (1991-1992), sur le braquage d’un coffre-fort qui l’envoya en pension, sur le livre qui lui fut providentiellement « commandé » en classe de troisième, sur son premier ouvrage publié à 29 ans, en 1973 (une attaque contre le « virilisme débile » du service militaire) ou sur ses deux romans jamais réédités de « politique burlesque » imaginés avec le Roumain Tudor Eliad. Sortez les cahiers : place à la masterclass du jeune octogénaire aux « lunettes de Geppetto », à l’heure de ChatGPT. L’auteur du mois : Daniel Pennac Né à Casablanca en 1944, Daniel Pennac a choisi le roman « pour ne pas avoir à trop se fréquenter ». Il est l’auteur adoré de la saga « Malaussène », comédies policières cosmopolites sur une famille tapageuse de Belleville, vendue à 6,7 millions d’exemplaires rien qu’en France (huit tomes, 1985-2022, Gallimard). On lui doit également des romans pour enfants drôlement chouettes (« Cabot-Caboche », « L’œil du loup », 1982-1984), un bref essai sur la lecture intitulé « Comme un roman » (1,1 million d’exemplaires, 1992) ou des scénarios de bande dessinée pour Tardi, Florence Cestac ou la série Lucky Luke. Sacré par l’Académie Française en 2023 pour l’ensemble de son œuvre lumineuse, il vit et travaille à Paris, ainsi que dans son Vercors chéri. Remerciements Blandine Rinkel, Vincent Schneegans, Maxime Su Ribera. Enregistrements janvier 2025 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Mathilde Guermonprez Montage Gary Salin & Mathilde Guermonprez Lecture Samuel Hirsch Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Piano Maison Pierō Illustration Sylvain Cabot
mis en ligne le 29.01.2025 à 02:23
.Viser juste Sa parole est tranchante et son regard, lucide. À la sortie en 2018 aux éditions du Seuil du « Syndrome du varan », son premier livre de littérature « générale », Justine Niogret disait : « C'est que dalle de tuer un dragon avec une épée. Ça l'est beaucoup moins d'essayer d'être heureuse. Tuer un berserker, ces guerriers fauves et surpuissants que l’on trouve dans les grands manuscrits de la mythologie nordique, ce n'est souvent que la première épreuve ; la véritable histoire commence après. Tuer une partie de soi pour avancer, c'est bien pire. Je les ai tués, mes dragons. » Dans cet inoubliable roman « post-traumatique » de 180 pages, l’autrice raconte le cauchemar quotidien d’une fille qui subit, de la part de ses parents et jusqu’à ses 17 ans, négligences et maltraitances, famine et humiliations, violences physiques, sexuelles et psychologiques. « L’angoisse et la méfiance » deviennent alors ses « états naturels » ; « J’ai fait ma guerre, et elle a été longue. » En résulte cette pierre de colère froide, semblable aux grands lézards indonésiens, à propos de laquelle l’écrivaine Chloé Delaume affirma : « Récit d’une enfance saccagée, où la puissance de l’écriture fait acte de résilience. » Justine Niogret pense presque toujours que les mots, quand ils sont dits, sont « lourds et maladroits – comme des dindons, face aux rapaces et aux aigrettes que sont les mots écrits. Ce silence de réflexion, elle le trouve « totalement dénué d’agressivité, d’ego, de masques et de preuves à apporter » ; tout ce qu’elle reproche à l’oral. Quand elle était petite, elle voulait être « exploratrice » mais à l’époque, elle a eu « un immense chagrin en comprenant que tout était déjà cartographié ». Dans ce troisième et dernier épisode, nous sentirons pourtant combien ses mondes semblent infinis. En parcourant les mangroves de « Bayuk », ce roman d’aventures pour ados publié en 2022 aux éditions 404, en traversant l’éprouvante banquise de « Quand on eut mangé le dernier chien », sorti en 2023 aux éditions Au Diable Vauvert et vendu à 4000 exemplaires, ou en attendant sa version de l’histoire de Calamity Jane, focalisée sur la femme oubliée derrière la légende héroïque. De jour comme de nuit, Justine vise juste. L’autrice du mois : Justine Niogret Née à Paris en 1979, Justine Niogret « trouve les adultes assez fragiles : il suffit d'avoir des chaussettes dépareillées pour leur faire peur ». Depuis le coup d’estoc de son roman médiéval « Chien du heaume », Grand Prix 2010 de l’Imaginaire au festival des Étonnants voyageurs de Saint-Malo, elle enchaîne les aventures comme autant de conquêtes sur les littératures de genre : fiction postapocalyptique (« Gueule de truie »), dystopie robotique (« Cœurs de rouille »), péripéties vaudous (« Bayuk ») ou tragédie polaire (« Quant on eut mangé le dernier chien »), dans le sillage de Tolkien, Lovecraft ou Margaret Atwood. Elle vit et travaille à Quimper. Enregistrement novembre 2024 Mise en ligne 29 janvier 2025 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Mathilde Guermonprez Montage Gary Salin Lectures Isild Le Besco Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Flûte, vielle à roue, tambours Grégoire Terrier Illustration Sylvain Cabot
mis en ligne le 29.01.2025 à 02:22
.Chien de la castagne C’est une mercenaire redoutable de 24 ans, incorruptible et loyale, « au museau aussi noir que celui des bêtes », qui pour ses faits d’armes « se fait payer en lits d’auberge, en nourriture, en contes aussi ». La première héroïne inoubliable de Justine Niogret se fait appeler « Chien du heaume » et donne son titre à son premier roman publié, sorti aux éditions Mnémos en 2009. Une mercenaire en quête d’identité, dont la hache de guerre est logée dans le creux de ses reins, qui loue son bras au plus offrant et choisit ses missions au gré de routes dans un XIIe siècle français de boue, de sang et de pluie drue. Dans un monde idéal, ce bouquin lyrique et brutal aurait déjà été adapté en série télévisée pour devenir notre « Game of Thrones » hexagonal, cependant dénué de magie. Comme son alter-go, Niogret confesse avoir « une grande rage intérieure – et beaucoup d'espoir aussi ». Elle ne croit pas « aux dragons, aux boules de feu et aux méchants sorciers. Plutôt : « au désir, à la foi, aux morts au combat qui retrouveront leur famille au paradis. » Cette fable initiatique moyenâgeuse se vendit tous formats confondus à 13 000 exemplaires et eut une suite en 2011, intitulée « Mordre le bouclier ». Un troisième roman de fer et de fracas, « Mordred », sur l’assassin du roi Arthur, publié en 2013 et vendu à 2500 exemplaires, boucla la boucle de sa ceinture de cuir. Dans ce deuxième épisode consacré à l’art « cru » de Justine Niogret, il sera aussi question de son écriture « de premier jet, sans plan, jamais relue », d’un ignoble cheval-araignée tiré de son roman « Gueule de truie » (Critic, 2013), de la joie des jeux de rôle qu’elle fut l’une des rares femmes en France à pratiquer dès les années 90, de sa pratique de la forge, de sa cotte de mailles ou d’un insupportable casque de gladiateur romain. Avé Justine ! L’autrice du mois : Justine Niogret Née à Paris en 1979, Justine Niogret « trouve les adultes assez fragiles : il suffit d'avoir des chaussettes dépareillées pour leur faire peur ». Depuis le coup d’estoc de son roman médiéval « Chien du heaume », Grand Prix 2010 de l’Imaginaire au festival des Étonnants voyageurs de Saint-Malo, elle enchaîne les aventures comme autant de conquêtes sur les littératures de genre : fiction postapocalyptique (« Gueule de truie »), dystopie robotique (« Cœurs de rouille »), péripéties vaudous (« Bayuk ») ou tragédie polaire (« Quant on eut mangé le dernier chien »), dans le sillage de Tolkien, Lovecraft ou Margaret Atwood. Elle vit et travaille à Quimper. Enregistrement novembre 2024 Mise en ligne 29 janvier 2025 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Mathilde Guermonprez Montage Gary Salin Lectures Isild Le Besco Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Flûte, vielle à roue, tambours Grégoire Terrier Illustration Sylvain Cabot
mis en ligne le 29.01.2025 à 02:21
.Fuir les loups sous l’orage Frappez tambours et sonnez trompettes, damoiselles et damoiseaux ! En l’an de grâce 2025, il n’est point trop tôt pour ériger, de son vivant, dans quelque forêt de Bretagne, une statue à l’effigie de Justine Niogret. Dans le castelet de ses 45 ans, déjà neuf romans, une cinquantaine de nouvelles, des scénarios de jeux de rôles, des traductions de jeux de plateau ou une biographie de son fantastique maître horrifique Stephen King. « J’écris beaucoup de choses hostiles, souvent champêtres, avec des menaces, de l’effort et des personnages fiers de leurs cicatrices », dit celle qui se décrit parfois comme « une horrible geek de la plus belle eau ». Mais comment cette grande myope obsédée par les Vikings façonne-t-elle ses univers de cauchemar ? Dans ce premier épisode consacré aux origines du « petit ogre » du Finistère, arpentons les couloirs hantés de sa tour sombre, où errent à grand bruit les cavaliers du « Seigneur des Anneaux », où bave un saint-bernard enragé, où résonnent ses sonnets enfantins sur les guerres napoléoniennes ou les déboires sentimentaux de la série « Madame est servie » qui lui inspira une pièce de théâtre. Comment naquirent les inquiétantes nouvelles d’« Et toujours le bruit de l’orage » (2008), rééditées sous le titre « Vers le pays rouge » (éditions Rivière Blanche) ? Gagner sa vie dans sa jeunesse à coudre des vêtements du Moyen-Âge est-il un atout pour, ensuite, tricoter des récits de chevalerie ? Place au paladin Justine Niogret, revigorant archer verbal que nul·le, désormais, ne saurait ignorer. L’autrice du mois : Justine Niogret Née à Paris en 1979, Justine Niogret « trouve les adultes assez fragiles : il suffit d'avoir des chaussettes dépareillées pour leur faire peur ». Depuis le coup d’estoc de son roman médiéval « Chien du heaume », Grand Prix 2010 de l’Imaginaire au festival des Étonnants voyageurs de Saint-Malo, elle enchaîne les aventures comme autant de conquêtes sur les littératures de genre : fiction postapocalyptique (« Gueule de truie »), dystopie robotique (« Cœurs de rouille »), péripéties vaudous (« Bayuk ») ou tragédie polaire (« Quant on eut mangé le dernier chien »), dans le sillage de Tolkien, Lovecraft ou Margaret Atwood. Elle vit et travaille à Quimper. Enregistrement novembre 2024 Mise en ligne 29 janvier 2025 Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Mathilde Guermonprez Montage Gary Salin Lectures Isild Le Besco Réalisation, mixage Charlie Marcelet Musiques originales Samuel Hirsch Flûte, vielle à roue, tambours Grégoire Terrier Illustration Sylvain Cabot
mis en ligne le 27.11.2024 à 08:03
.Une workaholic plus très anonyme Cheffe d’édition au « Monde Diplomatique » de 2007 à 2022, Mona Chollet se décrit – avec euphémisme – comme « plutôt consciencieuse ». Interrogée par « Femme Actuelle », la journaliste explique : « L’aspect robotique du salariat me convenait très bien. Tout comme cette logique rassurante de l’effort récompensé : je me savais le droit de profiter de mes week-ends. » Or, quand le succès de ses livres lui permet de se libérer de cet emploi quotidien, c’est la panique à bord, sur laquelle s’ouvre son dernier essai, « Résister à la culpabilisation » (La Découverte, 2024). Ce « bulldozer » cérébral ajoute : « J’avais oublié l’autonomie. Je m’étais habituée à ce qu’on me dise tous les matins où aller, quoi faire et jusqu’à quelle heure. Organiser soi-même ses journées provoque un grand désarroi. Je me forçais à travailler huit heures par jour et le week-end, pour ne pas me laisser aller (…) Se tuer au travail, faire totalement abstraction de son bien-être, se révèle bien vu. » Bien vu, son propos l’est aussi. Avec un premier tirage de 70 000 exemplaires, « le nouveau Mona Chollet », pour lequel elle refuse les invitations à parler en public, figure déjà parmi les dix meilleures ventes de l’automne. Son livre n’aborde pas seulement la question du sacrifice en entreprise ; parmi ce qu’elle recense comme des « empêchements d’exister », Chollet dissèque les discours misogynes, la mise en accusation des victimes de violences sexuelles, les injonctions éducatives, ou encore « le flicage des mots et des pensées » au sein des sphères militantes. Suivie par 92 000 abonné·e·s sur X, Mona Chollet définit parfois son rapport à l’écriture comme « une drogue en soi, une porte dérobée dans l’horreur de l’époque ». Pour ce troisième et dernier épisode, ouvrons celle du petit bureau – monastique – de la Mona, qui continue de rêver d’une pièce plus grande « dont la fenêtre resterait éclairée jusqu’à une heure avancée de la nuit, pour y faire naître des livres ». L’autrice du mois : Mona Chollet Née à Genève en 1973, « obsédée par le fait de lire, de s’informer et de changer le monde », la journaliste suisse Mona Chollet est devenue pour toute une génération de féministes un modèle d’intelligence, de sensibilité et de précision. Depuis le début des années 2000, via une dizaine d’essais érudits (« Beauté fatale », « Sorcières », « Réinventer l’amour »), elle analyse remarquablement les mécanismes de domination (masculine, capitaliste, professionnelle – ou les trois à la fois), en partageant son admiration pour la poésie de Mahmoud Darwich ou la prose engagée de Susan Sontag, pour les séries « Mad Men » ou « La Fabuleuse Madame Maisel », le tout entremêlé de confidences personnelles ou tirées de son cercle d’amies. Elle vit et travaille à Paris. Enregistrements septembre 2024 Réalisation Charlie Marcelet Mixage Charlie Marcelet Illustration Sylvain Cabot Chant, beatmaking Élodie Milo Musiques originales Samuel Hirsch Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Mathilde Guermonprez Montage Gary Salin Lectures Delphine Saltel Production ARTE Radio
mis en ligne le 27.11.2024 à 08:02
.Notre sorcière bien-aimée En 2017, dans le secret nocturne de son laboratoire, Mona Chollet jette dans son chaudron mental les ingrédients de la réhabilitation d’une figure populaire : la sorcière. Publié l’année suivante aux éditions La Découverte, son ouvrage « Sorcières : la puissance invaincue des femmes » se souvient de ces dizaines de milliers de féminicides perpétrés du XVe au XVIIe siècle, en Europe, qui visèrent principalement les célibataires sans enfant. Chollet interroge en profondeur ce « coup porté à toutes les velléités d’indépendance féminine », la « haine » des cheveux blancs, la criminalisation de la contraception et de l’avortement, en s’appuyant autant sur les romans de Toni Morrison que sur le film « Liaison fatale ». Elle y affine son geste : « J’écris pour faire émerger des sujets qui n’étaient parfois même pas identifiés, en affirmant leur pertinence, leur dignité. Je suis une aimable bourgeoise bien élevée et cela m’embarrasse de me faire remarquer. Je sors du rang quand je ne peux pas faire autrement, quand mes convictions et aspirations m’y obligent. J’écris pour me donner du courage. » Abracadabra ! Le livre devient un grimoire de référence traduit en quinze langues et vendu à 380 000 exemplaires. Son nom se mue en incantation. D’où la nécessité d’interroger ses sortilèges, la structure de ses best-sellers qu’elle situe « entre le développement personnel et la politique », son usage des citations ou sa réticence au « terrain », en naviguant des podiums de « Beauté fatale » (sur les clichés véhiculés par l’industrie de la mode et la presse féminine, sorti en 2012 et vendu à 120 000 exemplaires) jusqu’à « Réinventer l’amour » (sur les impasses et les violences des relations hétérosexuelles, sorti en 2021 et vendu à 200 000 exemplaires), en passant par son petit préféré, « Chez soi » (sur « la sagesse des casaniers », sorti en 2015 et vendu à 65 000 exemplaires). Turlututu, chapeau pointu, n’attendons plus : envolons-nous sur le balai de cette sorcière bien-aimée, qui nettoie de nombreuses pensées poussiéreuses ! L’autrice du mois : Mona Chollet Née à Genève en 1973, « obsédée par le fait de lire, de s’informer et de changer le monde », la journaliste suisse Mona Chollet est devenue pour toute une génération de féministes un modèle d’intelligence, de sensibilité et de précision. Depuis le début des années 2000, via une dizaine d’essais érudits (« Beauté fatale », « Sorcières », « Réinventer l’amour »), elle analyse remarquablement les mécanismes de domination (masculine, capitaliste, professionnelle – ou les trois à la fois), en partageant son admiration pour la poésie de Mahmoud Darwich ou la prose engagée de Susan Sontag, pour les séries « Mad Men » ou « La Fabuleuse Madame Maisel », le tout entremêlé de confidences personnelles ou tirées de son cercle d’amies. Elle vit et travaille à Paris. Enregistrements septembre 2024 Réalisation Charlie Marcelet Mixage Charlie Marcelet Illustration Sylvain Cabot Chant, beatmaking Élodie Milo Musiques originales Samuel Hirsch Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Mathilde Guermonprez Montage Gary Salin Lectures Delphine Saltel Production ARTE Radio
mis en ligne le 27.11.2024 à 08:01
.Le sourire de Mona, lisant « J’écris pour y voir plus clair. Et, en fonction, changer mes comportements, ma perception, ma vie. » D’où proviennent les intuitions de Mona Chollet ? Comment « décantent » ses idées, comment « vagabonde » son imagination ? Quelle est sa dette envers l’écrivaine canadienne Nancy Huston ou l’essayiste française Annie Le Brun ? De quelle façon cette grande timide a-t-elle été « sauvée par internet » ? Dans ce premier épisode du premier numéro de « Bookmakers » consacré aux essais, remontons aux origines de la prodige genevoise : son premier journal autoproduit, sa passion inattendue pour « Star Wars », son ennui à l’école du journalisme de Lille, son année à « Charlie Hebdo », la création décisive du site « Périphéries » ou son arrivée au « Monde Diplo ». Avant d’évoquer ses deux premiers ouvrages : « Marchands et citoyens », sur « les usages créatifs et désintéressés » du web (L’Atalante, 2001), et « La tyrannie de la réalité », sur notre besoin physiologique de rêve (Calmann-Lévy, 2004). Des essais qui restaient à transformer, déjà ornés du sourire de Mona, lisant. L’autrice du mois : Mona Chollet Née à Genève en 1973, « obsédée par le fait de lire, de s’informer et de changer le monde », la journaliste suisse Mona Chollet est devenue pour toute une génération de féministes un modèle d’intelligence, de sensibilité et de précision. Depuis le début des années 2000, via une dizaine d’essais érudits (« Beauté fatale », « Sorcières », « Réinventer l’amour »), elle analyse remarquablement les mécanismes de domination (masculine, capitaliste, professionnelle – ou les trois à la fois), en partageant son admiration pour la poésie de Mahmoud Darwich ou la prose engagée de Susan Sontag, pour les séries « Mad Men » ou « La Fabuleuse Madame Maisel », le tout entremêlé de confidences personnelles ou tirées de son cercle d’amies. Elle vit et travaille à Paris. Enregistrements septembre 2024 Réalisation Charlie Marcelet Mixage Charlie Marcelet Illustration Sylvain Cabot Chant, beatmaking Élodie Milo Musiques originales Samuel Hirsch Entretien, découpage Richard Gaitet Prise de son Mathilde Guermonprez Montage Gary Salin Lectures Delphine Saltel Production ARTE Radio