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20.10.2024 à 10:30
Walk or run in the rain? A physics-based approached to staying dry (or at least getting less wet)
Jacques Treiner, Physicien théoricien, Université Paris Cité
Texte intégral (1009 mots)
We’ve all been there – caught outside without an umbrella as the sky opens up. Whether it’s a light drizzle or a heavy downpour, instinct tells us that running will minimise how wet we get. But is that really true? Let’s take a scientific look at this common dilemma.
You’re out and about, and it starts to rain – and naturally you’ve forgotten your umbrella. Instinctively, you lean forward and quicken your pace. We all tend to believe that moving faster means we’ll spend less time getting wet, even if it means getting hit with more rain as we move forward.
But is this instinct actually correct? Can we build a simple model to find out if speeding up really reduces how wet we’ll get? More specifically, does the amount of water that hits you depend on your speed? And is there an ideal speed that minimises the total water you encounter on your way from point A to point B?
Let’s break it down while keeping the scenario simple. Imagine rain falling evenly and vertically. We can divide your body into two surfaces: those that are vertical (your front and back) and those that are horizontal (your head and shoulders).
When moving forward in the rain, vertical surfaces such as a person’s body will be hit by more raindrops as speed increases. From the walker’s perspective, the drops appear to fall at an angle, with a horizontal velocity equal to their own walking speed.
While walking faster means encountering more drops per second, it also reduces the time spent in the rain. As a result, the two effects balance each other out: more drops per unit of time, but less time in the rain overall.
When the walker is stationary, rain only falls on horizontal surfaces – the top of the head and shoulders. As the walker begins to move, she or he receives raindrops that would have fallen in front, while missing the drops that now fall behind. This creates a balance, and ultimately, the amount of rain received on horizontal surfaces remains unchanged, regardless of the walking speed.
However, since walking faster reduces the total time spent in the rain, the overall amount of water collected on horizontal surfaces will be less.
All in all, it’s a good idea to pick up the pace when walking in the rain
For those who enjoy a mathematical approach, here’s a breakdown:
Let ρ represent the number of drops per unit volume, and let a denote their vertical velocity. We’ll denote Sh as the horizontal surface area of the individual (e.g., the head and shoulders) and Sv as the vertical surface area (e.g., the body).
When you’re standing still, the rain only falls on the horizontal surface, Sh. This is the amount of water you’ll receive on these areas.
Even if the rain falls vertically, from the perspective of a walker moving at speed v, it appears to fall obliquely, with the angle of the drops’ trajectory depending on your speed.
During a time period T, a raindrop travels a distance of aT. Therefore, all raindrops within a shorter distance will reach the surface: these are the drops inside a cylinder with a base of Sh and a height of aT, which gives:
ρ.Sh.a.T.
As we have seen, as we move forward, the drops appear to be animated by an oblique velocity that results from the composition of velocity a and velocity v. The number of drops reaching Sh remains unchanged, since velocity v is horizontal and therefore parallel to Sh. However, the number of drops reaching surface Sv – which was previously zero when the walker was stationary – has now increased. This is equal to the number of drops contained within a horizontal cylinder with a base area of Sv and a length of v.T. This length represents the horizontal distance the drops travel during this time interval.
In total, the walker receives a number of drops given by the expression:
ρ.(Sh.a + Sv.v). T
Now we need to take into account the time interval during which the walker is exposed to the rain. If you’re covering a distance d at constant speed v, the time you spend walking is d/v. Plugging this into the equation, the total amount of water you encounter is:
ρ.(Sh.a + Sv.v). d/v = ρ.(Sh.a/v + Sv). d
This equation gives us two key insights:
The faster you move, the less water hits our head and shoulders.
The water hitting the vertical part of your body stays the same regardless of speed, because the shorter time spent in the rain is offset by encountering more raindrops per second.
To sum it all up: it’s a good idea to lean forward and move quickly when you’re caught in the rain. But careful: leaning forward increases Sh. To really stay drier, you’ll need to increase your speed enough to compensate for this.
Jacques Treiner ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
17.10.2024 à 15:21
Des accélérateurs de particules au cœur des orages
Sébastien CELESTIN, Professeur des Universités en Physique, Université d’Orléans
Texte intégral (2607 mots)
Les nuages d’orage restent très mystérieux. Les éclairs en sont une manifestation visible, mais ils émettent aussi des rayons X très énergétiques, que l’œil humain ne décèle pas. Deux nouvelles publications remuent la communauté scientifique : ces phénomènes sont plus fréquents et plus variés qu’on le pensait, et ils sont peut-être liés au déclenchement des éclairs.
Deux articles scientifiques publiés dans la revue Nature le 2 octobre 2024 rapportent la détection d’intenses flux de photons de haute énergie (rayons X et au-delà) au-dessus d’orages tropicaux.
À bord d’un avion ER-2 de la NASA (dérivé de l’avion-espion U-2 conçu pendant la guerre froide), volant à 20 kilomètres d’altitude au-dessus des cœurs convectifs de systèmes orageux, de très nombreux événements de haute énergie ont été détectés par la mission ALOFT coordonnée par l’Université de Bergen en Norvège.
La découverte de la production de rayonnement de haute énergie par les nuages d’orage dans les années 1980 et 1990 a révolutionné notre compréhension des orages et de leurs interactions avec l’environnement spatial proche. Jusqu’à présent, seuls deux types de phénomènes étaient observés. Non seulement les nouvelles études détaillent un nouveau type de flashs de haute énergie, elles montrent aussi que ces phénomènes sont beaucoup plus fréquents que nous le pensions jusqu’à présent.
Ces mesures sont enthousiasmantes pour la communauté scientifique, notamment parce qu’elles donnent de nouveaux indices sur ce qui déclenche les éclairs lors des orages – une question qui résiste aux chercheurs depuis des décennies !
Mais il s’agit aussi d’évaluer le risque radiatif des passagers à bord d’avions traversant des nuages d’orages. L’exposition aux rayonnements ionisants peut en effet augmenter les risques de cancer.
D’où viennent les phénomènes de haute énergie lors des orages ?
Il existe plusieurs types de rayonnements de haute énergie provoqués par les orages.
Les « lueurs gamma » sont des augmentations du flux de photons énergétiques relativement longues (de quelques secondes à plusieurs minutes) et étendues (de l’ordre de quelques kilomètres). Dans de nombreux cas, ces lueurs gamma s’éteignent soudainement en corrélation avec le déclenchement d’éclairs. Lorsqu’ils se déclenchent, les éclairs neutralisent en effet les charges responsables des champs forts soutenant l’accélération des particules chargées.
Les premières détections ont été effectuées par avion dans les années 80, puis par des ballons-sondes traversant les orages verticalement dans les années 90. En 2015, des mesures in situ – au sein même des nuages d’orage – sont réalisées à l’aide d’un jet Gulfstream V. On a aussi détecté ces lueurs gamma depuis le sol, depuis des stations de haute altitude ou depuis le niveau de la mer au Japon, où les orages d’hiver ont des altitudes extrêmement basses (quelques centaines de mètres au-dessus du sol).
À la différence des lueurs gamma, les flashs gamma terrestres (TGF) durent moins d’une milliseconde et leurs énergies montrent qu’ils sont produits par d’intenses accélérations d’électrons.
Les TGF peuvent être produits par des orages de toutes tailles, allant de petits orages isolés aux systèmes convectifs de méso-échelle (taille supérieure à 100 km). Les TGF sont associés à la phase initiale de propagation des éclairs intra-nuage positifs (transportant de la charge négative vers le haut) – même si la chronologie exacte entre décharges précurseurs, éclairs, sous-événements radio, et production de TGF est complexe et encore mal comprise. Les sources des TGF sont généralement situées entre 10 et 15 kilomètres d’altitude.
Ils sont généralement observés depuis l’espace par des instruments conçus pour l’astrophysique des hautes énergies, tels que les sursauts gamma. Ces flashs gamma sont couramment observés par des satellites en orbite basse et à bord de la Station Spatiale Internationale.
Les orages sont des accélérateurs de particules encore plus efficaces que ce que l’on croyait
La nouvelle campagne ALOFT bouleverse nos connaissances sur ces événements. En effet, alors que seules quelques « lueurs gamma » et quelques rares TGF étaient attendus par les scientifiques, les équipes d’ALOFT rapportent l’observation de plus de 500 lueurs gamma et plus de 90 TGFs.
Concernant les TGF, on comprend maintenant que les estimations obtenues à partir des mesures satellites étaient faussées car ces derniers n’observent que la « partie émergée de l’iceberg », puisque pour la grande majorité, les TGF observés par ALOFT sont trop peu brillants pour être détectables depuis l’espace.
Une telle explication semble naturelle dans le cadre de certaines théories actuelles de production de TGF par les éclairs. Avec des collègues, nous avons en effet construit un modèle montrant que les éclairs pouvaient produire des TGF avec des flux dépendant de leurs potentiels électriques. Pour le prouver, il faudrait également envisager la possibilité que les faisceaux d’électrons produisant les TGF ne soient pas tous orientés vers le haut, ce que les équipes d’ALOFT n’ont malheureusement pas pu faire pour l’instant.
Le nombre inattendu de lueurs gamma semble quant à lui être une spécificité des orages tropicaux pour lesquels aucune observation de haute altitude n’avait encore été réalisée. Cette interprétation devra être confirmée avec de nouvelles mesures aux latitudes moyennes et dans la région intertropicale.
Scintillations gamma : un nouveau phénomène de haute énergie dans les orages
Une des deux nouvelles publications présente également un nouveau type d’événement gamma, que les auteurs nomment flickering gamma-ray flashes ou FGF, qu’on pourrait traduire par « scintillations gamma ». D’après ces auteurs, ces événements représentent un chaînon manquant entre lueurs gamma et TGF. Ils sont en effet moins brillants et de durées plus longues que les TGF, mais plus brillants et plus courts que les lueurs gamma.
Il est intéressant de noter que des événements avec la même dynamique ont été détectés par la mission spatiale Compton Gamma Ray Observatory (NASA) et référencés comme de simples TGF de formes atypiques. Ces scintillations gamma sont encore assez mystérieuses car, contrairement aux TGF, elles ne semblent être accompagnées d’aucun signal optique ou électromagnétique, ce qui suggère l’absence d’éclairs ou plus généralement de décharges atmosphériques sous-jacentes. Il est ainsi possible que ces événements soient produits par des mécanismes d’amplification de particules relativistes déjà théorisées pour les TGF.
En outre, des décharges précurseurs d’éclairs sont détectées peu après certains événements de scintillations gamma, ce qui tend à montrer que ces derniers ont un rôle dans le déclenchement des éclairs, une question qui reste ouverte malgré les nombreux efforts de recherche sur le sujet.
Risques d’expositions à de fortes doses radiatives
Les TGF sont extrêmement intenses. Le grand nombre d’électrons à la source nécessaire pour produire de tels flux, combiné à l’altitude des sources, qui est proche de celle des altitudes de vols commerciaux, a amené un groupe de chercheurs à évaluer la dose efficace reçue par des passagers à bord d’avions en cas d’irradiation dans la source du TGF. Avec l’aide de collègues de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) et d’Air France, nous avons effectivement estimé que les doses reçues peuvent excéder 1 Sv, laquelle dose présente un danger immédiat pour la santé et un risque de fatalité.
Cependant, en cartographiant la probabilité d’occurrence des TGF observés par le satellite Fermi, nous avons aussi montré qu’il est probable qu’aucun vol commercial n’ait été touché par un TGF dans toute l’histoire du trafic aérien mondial.
Néanmoins, ces résultats sont remis en question par les nouvelles publications du projet ALOFT.
Prochaines générations de détecteurs
À la suite de ce succès, il est probable que de nouvelles campagnes ALOFT voient le jour.
Des campagnes de mesures par ballons stratosphériques dont j’ai la responsabilité scientifique sont aussi en cours de préparation dans le cadre de projets soutenus par l’agence spatiale française (CNES) afin de réaliser des mesures in situ (projet OREO) ainsi que dans le cadre du projet de développement instrumental STRATELEC (coordonné par Eric Defer, LAERO) pour la mission Stratéole-2 (resp. scientifique : Albert Hertzog, LMD) avec des ballons super-pressurisés volant à 20 kilomètres d’altitude pendant plusieurs mois dans la zone intertropicale (prochaine campagne prévue fin 2026).
Des détecteurs de particules dédiés ont été développés et les résultats récents d’ALOFT sont très utiles pour le bon dimensionnement des instruments. Ces mesures ballon, qui permettent une observation de la dynamique intrinsèque des événements depuis une position relativement statique, viendront encore enrichir nos connaissances sur ces accélérateurs de particules naturels qui existent au sein des systèmes orageux.
Les travaux de recherche de Sébastien CELESTIN ont reçu des financements du CNES et de l'Institut Universitaire de France (IUF).