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Bookmakers

Richard Gaitet

mis en ligne le 17.04.2024 à 07:00

Nancy Huston (3/3)

Branchée sur 100 000 virevoltes

Bookmakers #29 - L'autrice du mois : Nancy Huston
Née en 1953 à Calgary (Canada), Nancy Huston est l’autrice de plus de 70 livres depuis 1979, publiés pour la plupart aux éditions Actes Sud. Parmi son flot de romans, essais, poèmes, pièces de théâtre, scénarios, chansons et traductions, citons « Journal de la création » (1990, captivante étude de couples d’écrivain·e·s), « Instruments des ténèbres » (1996, Goncourt des lycéens et du prix du Livre Inter, vendu à 130 000 exemplaires), « Lignes de faille » (2006, prix Femina, écoulé à 400 000 exemplaires rien qu’en France et traduit en quarante-cinq langues) ou « Bad Girl » (2014, formidable « autobiographie intra-utérine » qui éclaire toute son œuvre). Depuis 1973, elle vit et travaille à Paris.

Nancy Huston (3/3)
Pendant vingt ans, Nancy Huston a écrit tous ses textes en français, sa langue d’adoption. Puis – à partir de « Cantique des plaines » (1993), l’intrépide Canadienne s’est remise à écrire directement dans sa langue maternelle, l’anglais, avant… de traduire elle-même en français le roman du moment, avec de très nombreux allers-retours entre les deux versions. Au final, seule la version française parvient à ses éditeurs et éditrices. C’est « deux fois plus de boulot », mais les problèmes rencontrés dans une langue solutionnent ceux rencontrés dans l’autre. « Être dedans-dehors, dit-elle, c'est la position idéale. Si on se confond trop avec sa culture, on ne peut pas se mettre à distance pour l'analyser. »

Une tournure d’esprit qu’elle partage avec l’Irlandais Samuel Beckett, désigné comme son « frère » et son « pied » dans un curieux livre hommage, « Limbes / Limbo ». Il sera aussi question d’un autre exilé grandiose, l’auteur de « La Promesse de l’aube », à propos duquel Nancy imagina le très précis « Tombeau de Romain Gary », qui lui montra qu’il fallait « non pas laisser derrière soi deux ou trois livres, mais toute une étagère ».

Dans ce troisième et dernier épisode, l’autrice de « La Virevolte » raconte également sa routine quotidienne. « Être seule du matin au soir, ne vivre qu’avec des personnes imaginaires, vous trouvez cela normal ? Les gens normaux vivent dans un monde à trois dimensions. Moi, j’en ai une quatrième. Avec une autre circulation des significations. Si je n’ai pas ma dose de solitude dans la journée, je deviens très malheureuse et méchante. » 

Enregistrement : mars 2024 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son : Mathilde Guermonprez - Montage : Juliette Cordemans - Réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Musiques originales : Samuel Hirsch - Clavecin : Thomas Loupias - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Emma Bouvier, Victoire Tuaillon - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch

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mis en ligne le 17.04.2024 à 06:30

Nancy Huston (2/3)

Pleine de cantiques

Bookmakers #29 - L'autrice du mois : Nancy Huston
Née en 1953 à Calgary (Canada), Nancy Huston est l’autrice de plus de 70 livres depuis 1979, publiés pour la plupart aux éditions Actes Sud. Parmi son flot de romans, essais, poèmes, pièces de théâtre, scénarios, chansons et traductions, citons « Journal de la création » (1990, captivante étude de couples d’écrivain·e·s), « Instruments des ténèbres » (1996, Goncourt des lycéens et du prix du Livre Inter, vendu à 130 000 exemplaires), « Lignes de faille » (2006, prix Femina, écoulé à 400 000 exemplaires rien qu’en France et traduit en quarante-cinq langues) ou « Bad Girl » (2014, formidable « autobiographie intra-utérine » qui éclaire toute son œuvre). Depuis 1973, elle vit et travaille à Paris.

Nancy Huston (2/3)
D’après Nancy Huston, « le roman naît de la rencontre de l’autre, qui apporte l’ironie et l’incertitude ». Pour devenir écrivain·e, elle conseille de développer les qualités suivantes : « L’écoute, l’observation, la suspension du jugement. Et puis : une alternance savamment orchestrée entre mégalomanie et modestie. » Elle se compare littérairement à un « serpent » : affamée « des souvenirs des autres », « addict aux êtres humains », cette conteuse hypersensible adore se glisser sous de nouvelles peaux pour « explorer les joies du déguisement », poussée par son « empathie désespérée ».

Ce deuxième épisode déambule dans les collines de l’impressionnant corpus hustonien. Sont évoqués son premier roman, « Les Variations Goldberg » (1981), qui permet de revenir sur sa pratique du piano et du clavecin ; la terrible « Histoire d’Omaya » (1985), sur le viol d’une jeune femme ; « Cantique des plaines » (1993), à propos des souffrances amérindiennes dans sa région natale de l’Alberta, vendu à 80 000 exemplaires ; « Une Adoration » (2003), polyphonie judiciaire autour de l’assassinat d’un comédien et dont l’écriture a survécu à un faux-départ ; ou « Francia », roman documenté d’une journée dans la vie d’une prostituée transsexuelle colombienne du bois de Boulogne, 2024). Three, two, one : let’s go to Huston. 

Enregistrement : mars 2024 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son : Mathilde Guermonprez - Montage : Juliette Cordemans - Réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Musiques originales : Samuel Hirsch - Clavecin : Thomas Loupias - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Emma Bouvier, Victoire Tuaillon - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch

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mis en ligne le 17.04.2024 à 06:00

Nancy Huston (1/3)

Failles alignées

Bookmakers #29 - L'autrice du mois : Nancy Huston.
Née en 1953 à Calgary (Canada), Nancy Huston est l’autrice de plus de 70 livres depuis 1979, publiés pour la plupart aux éditions Actes Sud. Parmi son flot de romans, essais, poèmes, pièces de théâtre, scénarios, chansons et traductions, citons « Journal de la création » (1990, captivante étude de couples d’écrivain·e·s), « Instruments des ténèbres » (1996, Goncourt des lycéens et du prix du Livre Inter, vendu à 130 000 exemplaires), « Lignes de faille » (2006, prix Femina, écoulé à 400 000 exemplaires rien qu’en France et traduit en quarante-cinq langues) ou « Bad Girl » (2014, formidable « autobiographie intra-utérine » qui éclaire toute son œuvre). Depuis 1973, elle vit et travaille à Paris.

Nancy Huston (1/3)
C’est une Calamity Jane du Canada qui s’installe presque sans un sou à Paris, à 20 ans, avec le besoin « de comprendre, de réparer, de lever l’interdit de la discrétion et de la politesse », en faisant « l’éloge de tout ce qui déstabilise ». Pour ce trentième numéro de « Bookmakers », place à Nancy Huston, cowgirl bilingue « sauvagement honnête » venue des plaines de l’Alberta, « à l’aise dans ses santiags » et pourtant allergique aux chevaux. Féministe historique, elle a « toujours vécu frénétiquement, avec son carnet à la main, des horaires de travail extrêmement stricts et un patron intérieur incroyablement sévère ».

Dans ce premier épisode, elle revient sur l’événement de son enfance qui l’a « ébréchée » au point d’écrire si souvent des histoires de familles déboussolées, meurtries, recomposées. Sur son personnage-totem : Alice au pays des merveilles. Sur les leçons du redouté Roland Barthes, sous la direction duquel elle écrivit un mémoire sur les insultes. Ou sur les revues « Sorcières » et « Histoires d’elles », dans lesquelles elle publia ses premiers textes, qui « fourmillaient de calembours ».
 

Enregistrement : mars 2024 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son : Mathilde Guermonprez - Montage : Juliette Cordemans - Réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Musiques originales : Samuel Hirsch - Clavecin : Thomas Loupias - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Emma Bouvier, Victoire Tuaillon - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch

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mis en ligne le 21.02.2024 à 09:00

Wajdi Mouawad (3/3)

Là-haut sur La Colline

Bookmakers #28 - L'auteur du mois : Wajdi Mouawad
Né en 1968 près de Beyrouth, Wajdi Mouawad est l’un des dramaturges les plus joués du théâtre francophone, avec près de vingt-cinq pièces écrites et mises en scène par ses soins depuis le début des années 90, dont l’incontournable « Incendies » (2003), adaptée au cinéma par Denis Villeneuve. Traduits en vingt langues, co-édités par Actes Sud et la maison québécoise Léméac, ses drames familiaux, riches en apparitions surnaturelles autant qu’en engueulades réparatrices, sont montés au Japon, au Brésil, en Espagne, au Maroc, aux États-Unis, en Corée du Sud, en Argentine ou en Australie.
Récompensé par les plus hautes instances au Québec ou en Allemagne, il refuse poliment un Molière en 2005 pour souligner l’indifférence des grands théâtres à l’égard de la création contemporaine, tandis que l’Académie française lui remet en 2009 un prix pour l’ensemble de son œuvre. Depuis 2016, il dirige le théâtre national de La Colline, à Paris.

Wajdi Mouawad (3/3)
Outre ses propres textes, Wajdi Mouawad adapta sur scène, ces trente dernières années, « Macbeth » sur un parking de nuit, les épopées galactiques de la saga « Fondation » d’Isaac Asimov, les dépendances toxiques du roman « Trainspotting » d’Irvine Welsh ou l’intégrale des tragédies de Sophocle. Parallèlement, l’auteur de « Tous des oiseaux » arpenta en solitaire les territoires du roman. D’abord avec « Visage retrouvé » (2002), sur son enfance libanaise, vendu à 13 000 exemplaires. Puis avec « Anima » (2012), enquête américaine sur un meurtre raconté durant 500 pages du point de vue de dizaines d’animaux (canari, mouche, fourmi, cheval), écoulé à 82 000 exemplaires et sacré du grand prix de la Société des Gens De Lettres.

Mais quelles différences fait-il avec son écriture théâtrale ? Changer de forme, de support, est-ce la façon la plus simple de se renouveler ? Car le sujet le hante. En 2002, dans sa pièce intitulée « Rêves », le héros se faisait reprocher par le fantôme de Lautréamont de « toujours réécrire ce qu’il sait déjà écrire ». En 2005, en interview, Wajdi se demandait : « Comment ne pas être le touriste de sa propre création ? » En 2010, dans son livre « Le poisson-soi », il notait : « Je voudrais tellement ne plus avoir à dire Je. Ne plus m’occuper de rien. Que quelqu’un dise Il pour moi. Qu’on me débarrasse. » Comment renaître, artistiquement, sans se tuer ? C’est la question finale, ou presque, de ce troisième et dernier acte, dans lequel le directeur de La Colline évoque en détails la vie économique d’un auteur de théâtre, c’est-à-dire : la monnaie de ses pièces.

Enregistrement : janvier 2024 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son : Mathilde Guermonprez - Montage : Juliette Cordemans - Réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Musiques originales : Samuel Hirsch - Clarinette : Paul Laurent - Lectures : Sabine Zovighian - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Alice Zeniter, Joseph Hirsch - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch

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mis en ligne le 21.02.2024 à 08:30

Wajdi Mouawad (2/3)

Inflammation du verbe dire

Bookmakers #28 - L'auteur du mois : Wajdi Mouawad
Né en 1968 près de Beyrouth, Wajdi Mouawad est l’un des dramaturges les plus joués du théâtre francophone, avec près de vingt-cinq pièces écrites et mises en scène par ses soins depuis le début des années 90, dont l’incontournable « Incendies » (2003), adaptée au cinéma par Denis Villeneuve. Traduits en vingt langues, co-édités par Actes Sud et la maison québécoise Léméac, ses drames familiaux, riches en apparitions surnaturelles autant qu’en engueulades réparatrices, sont montés au Japon, au Brésil, en Espagne, au Maroc, aux États-Unis, en Corée du Sud, en Argentine ou en Australie.
Récompensé par les plus hautes instances au Québec ou en Allemagne, il refuse poliment un Molière en 2005 pour souligner l’indifférence des grands théâtres à l’égard de la création contemporaine, tandis que l’Académie française lui remet en 2009 un prix pour l’ensemble de son œuvre. Depuis 2016, il dirige le théâtre national de La Colline, à Paris.

Wajdi Mouawad (2/3)
Rideau sur le chagrin. Les pièces de Wajdi Mouawad démarrent souvent par la mort. Celle de sa mère, que l’auteur perdit à 19 ans, dans « Mère » (2021). Celle de la grand-mère dans « Pacamambo », troublant spectacle pour enfants (2000). Celles des victimes de l’explosion du port de Beyrouth en 2020, qui ouvrait – en vidéo – les six heures de « Racine carrée du verbe être » (2022). Ou encore celle de l’inoubliable Nawal dans « Incendies », dont l’édition papier se vendit à plus de 100 000 exemplaires et dont Wajdi Mouawad raconte, ici, le brasier originel.

Comment écrire pour la scène ? Qu’apporte la troupe aux personnages ? À quoi sert une didascalie ? À quoi correspond l’état « d’hypnose » dans lequel il se met pour accoucher de ses monologues finaux ? C’est l’enjeu de notre acte deux, en compagnie d’un graphomane à lunettes qui déclara un jour : « La mise en scène, ça me gonfle. C’est compliqué, il faut gérer une chaise qui doit sortir et une chaise qui doit rentrer. C’est lourd, pénible. Si je trouvais un metteur en scène qui pouvait entrer dans ma tête pour monter mes pièces, je ne ferais plus de mise en scène. Mais je n’ai pas trouvé encore. Alors, à défaut, je les monte moi-même, mes pièces. Ce que j’aime, c’est raconter des histoires. »

Enregistrement : janvier 2024 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son : Mathilde Guermonprez - Montage : Juliette Cordemans - Réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Musiques originales : Samuel Hirsch - Clarinette : Paul Laurent - Lectures : Sabine Zovighian - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Alice Zeniter, Joseph Hirsch - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch

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mis en ligne le 21.02.2024 à 08:00

Wajdi Mouawad (1/3)

Un obus dans le cœur

Bookmakers #28 - L'auteur du mois : Wajdi Mouawad
Né en 1968 près de Beyrouth, Wajdi Mouawad est l’un des dramaturges les plus joués du théâtre francophone, avec près de vingt-cinq pièces écrites et mises en scène par ses soins depuis le début des années 90, dont l’incontournable « Incendies » (2003), adaptée au cinéma par Denis Villeneuve. Traduits en vingt langues, co-édités par Actes Sud et la maison québécoise Léméac, ses drames familiaux, riches en apparitions surnaturelles autant qu’en engueulades réparatrices, sont montés au Japon, au Brésil, en Espagne, au Maroc, aux États-Unis, en Corée du Sud, en Argentine ou en Australie.
Récompensé par les plus hautes instances au Québec ou en Allemagne, il refuse poliment un Molière en 2005 pour souligner l’indifférence des grands théâtres à l’égard de la création contemporaine, tandis que l’Académie française lui remet en 2009 un prix pour l’ensemble de son œuvre. Depuis 2016, il dirige le théâtre national de La Colline, à Paris.

Wajdi Mouawad (1/3)
C’est un oiseau rare, au plumage marqué par l’exil. Un fougueux pour qui le théâtre demeure une « boussole », qui écrit guidé par « le désir ardent de colmater les déchirures, les peines et l’ennui profond ». Forcée de fuir le Liban en raison des bombardements de la guerre civile, la famille de Wajdi Mouawad s’installe en 1978 à Paris, puis quelques années plus tard à Montréal, où l’École nationale de théâtre sauve de la dépression le futur auteur de « Littoral » ou de « Seuls », en lui offrant à la fois « le chemin » et son seul diplôme. D’abord comédien, il se met à l’écriture pour « partager un hurlement, exorciser des peurs, commettre des attentats de façon symbolique, déposer des bombes dans la tête des gens. Que ça cogne. »

Ses cris ont été entendus. Mais comment la lecture de Kafka, adolescent, l’a-t-elle métamorphosé jusqu’à l’obsession ? Que doit-il à son grand frère, Naji ? Aux chansons de Brel ou de Renaud ? Peut-on fleurir quand on a été plusieurs fois déraciné ? Ce sont certaines des scènes du premier acte de cette conversation, qui revient sur ces années de formation où Wajdi Mouawad n’était « qu’un verre qui attendait d’être rempli ».

Enregistrement : janvier 2024 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son : Mathilde Guermonprez - Montage : Juliette Cordemans - Réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Musiques originales : Samuel Hirsch - Clarinette : Paul Laurent - Lectures : Sabine Zovighian - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Alice Zeniter, Joseph Hirsch - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch

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mis en ligne le 13.12.2023 à 15:32

André Markowicz (3/3)

Métrique et astuces

Bookmakers #27 - L'auteur du mois : André Markowicz
Né à Prague en 1960, André Markowicz a traduit « tout » Dostoïevski, c’est-à-dire les romans et nouvelles en quarante-cinq volumes de l’auteur des « Frères Karamazov » (Actes Sud). Il est aussi, avec l’aide inestimable de Françoise Morvan, le traducteur du théâtre complet d’Anton Tchekhov ou de Nicolas Gogol. Ou encore l’oreille précieuse qui mit près de vingt-cinq ans à restituer les 6500 vers d’« Eugène Onéguine » d’Alexandre Pouchkine. Tout ceci, parmi plus de 150 ouvrages depuis 1981, traduits du russe, de l’anglais, du latin ou du breton, aux éditions Mesures, Inculte ou José Corti. Il vit et travaille à Rennes.

André Markowicz (3/3)
Un traducteur est un auteur. André Markowicz le prouve chaque jour depuis quarante ans, d’un pays à l’autre, d’une forme à l’autre – y compris quand il s’échine à chercher le ton juste d’un personnage… dans une simple blague juive. Parmi les cent cinquante livres que compte sa bibliographie, on lui doit 14 pièces de Shakespeare aux éditions Les Solitaires Intempestifs, 401 poèmes chinois du VIIIe siècle (dans son chantier le plus fou : « Ombres de Chine », aux éditions Inculte) ou encore une nouvelle version du chef-d’œuvre de Mikhail Boulgakov, « Le Maître et Marguerite », traduit avec Françoise Morvan, toujours aux éditions Inculte – ce qu’il décrit parfois comme « l’aboutissement de tout son travail de traducteur de la littérature russe ».

Mais ces ouvrages, composés avec la même fièvre de partage, ne doivent pas occulter les milliers de pages signées par Markowicz en solo. Ce maître en métrique est l’auteur de quatre recueils de poèmes quasi confidentiels (« Figures », « Herem »), d’un récit autobiographique en vers et sans point, à lire d’un seul souffle, sur l’appartement de sa grand-mère (« L’Appartement », Inculte). D’un sidérant journal public tenu depuis dix ans sur Facebook, à raison d’une chronique tous les deux jours, matière première des épais volumes de sa série « Partages » qui paraît maintenant chez Mesures, maison d’édition indépendante qu’il a créée avec Françoise Morvan. Ou récemment d’un tout petit essai géopolitique et littéraire, intitulé « Et si l’Ukraine libérait la Russie ? » (Le Seuil), vendu à dix mille exemplaires.

Tels sont certains des sujets évoqués dans la toundra de ce troisième et dernier épisode, en compagnie d’un homme qui s’est longtemps senti « gêné, comme empêché d’écrire ». Un créateur qui ne traduit que des morts. Et qui, étrangement, ne semble pas plus inquiet que ça face à l’invasion des intelligences artificielles. Auquel on ne peut que souhaiter, en citant sa traduction du tout dernier poème de Vladimir Maïakovski, qu’il n’ait jamais « la honte de devenir raisonnable ».

Enregistrement : octobre 2023 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son, montage : Mathilde Guermonprez - Réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Musiques originales : Samuel Hirsch - Lectures : Sabine Zovighian, Perrine Kervran, Mina Souchon - Illustration : Sylvain Cabot - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch

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mis en ligne le 13.12.2023 à 15:18

André Markowicz (2/3)

Maousse Dosto

Bookmakers #27 - L'auteur du mois : André Markowicz
Né à Prague en 1960, André Markowicz a traduit « tout » Dostoïevski, c’est-à-dire les romans et nouvelles en quarante-cinq volumes de l’auteur des « Frères Karamazov » (Actes Sud). Il est aussi, avec l’aide inestimable de Françoise Morvan, le traducteur du théâtre complet d’Anton Tchekhov ou de Nicolas Gogol. Ou encore l’oreille précieuse qui mit près de vingt-cinq ans à restituer les 6500 vers d’« Eugène Onéguine » d’Alexandre Pouchkine. Tout ceci, parmi plus de 150 ouvrages depuis 1981, traduits du russe, de l’anglais, du latin ou du breton, aux éditions Mesures, Inculte ou José Corti. Il vit et travaille à Rennes.

André Markowicz (2/3)Un jour, la mère d’André Markowicz, professeure de littérature russe, ouvre une traduction française de « L'Idiot » de Dostoïevski. Dans la scène d’anniversaire où le piètre fonctionnaire Lebedev délire à bloc en voyant de l'argent jeté au feu, elle ne reconnaît pas le texte original. Les trois autres traductions qu’elle emprunte ne respectent pas non plus, diable, les flammes initiales ; toutes s'acharnent à rendre cohérentes les invraisemblances du personnage déboussolé.

Le jeune André n’oubliera pas cette anecdote. En 1990, dans le métro, face à Hubert Nyssen, fondateur des éditions Actes Sud, pour lequel il vient de servir d’interprète, Markowicz suggère de retraduire Dostoïevski. Au motif que les précédentes traductions ont trop policé le style – bien qu’elles aient permis, reconnaît-il, à Proust ou à Gide de s’engouffrer dans la prose possédée de l’auteur des « Carnets du sous-sol ». Trêve d’élégance excessive à la française : l’oralité furieuse de Dostoïevski sera célébrée avec force répétitions et maladresses de syntaxe, n’en déplaise aux puristes. Trois ans plus tard, sur France 3, André Markowicz explique honorer ainsi une écriture qui existe « en dépit de toutes les règles, en faisant tout pour ne pas faire un roman français, ne pas écrire comme un marquis, mais avec un débordement de passion, une langue en fusion, sans aucune norme, à part celle que l’on crée, là, sur-le-champ ». Ses adversaires questionnent sa légitimité, parce qu’André n’est pas universitaire. On le voit pourtant – c’est rare, pour un traducteur – dans « Paris-Match » ; avec, sur la page d’en face, le mannequin Claudia Schiffer dans sa baignoire. Puis « L’Obs » lui consacre trois pages où se querellent anciens et modernes, en parlant de « véhémence emberlificotée » à propos de sa version de « L’Idiot ». Markowicz se confie au « Monde » : « Voilà une chose que j’ai réussie, au moins : qu’on remarque que le bouquin est traduit. »

Ce rigoureux russophone est donc de ceux qui, comme dans « Crime et châtiment », ont « le don ou le talent de dire une parole nouvelle ». Cela marche aussi au théâtre : André Markowicz a participé à plus d’une centaine de mises en scène de ses traductions cosignées avec Françoise Morvan, en France, au Québec, en Belgique ou en Suisse, remaniant souvent le texte à l’épreuve du plateau. Hubert Nyssen disait de lui : « J'ai rarement vu quelqu'un qui s'intéresse autant à la mise en bouche d'un texte. ». Dans ce deuxième épisode, laissons de nouveau sa voix nous guider.

Enregistrement : octobre 2023 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son, montage : Mathilde Guermonprez - Réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Musiques originales : Samuel Hirsch - Lectures : Sabine Zovighian, Perrine Kervran, Mina Souchon - Illustration : Sylvain Cabot - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch

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mis en ligne le 13.12.2023 à 15:08

André Markowicz (1/3)

L’oreille russe

Bookmakers #27 - L'auteur du mois : André Markowicz
Né à Prague en 1960, André Markowicz a traduit « tout » Dostoïevski, c’est-à-dire les romans et nouvelles en quarante-cinq volumes de l’auteur des « Frères Karamazov » (Actes Sud). Il est aussi, avec l’aide inestimable de Françoise Morvan, le traducteur du théâtre complet d’Anton Tchekhov ou de Nicolas Gogol. Ou encore l’oreille précieuse qui mit près de vingt-cinq ans à restituer les 6500 vers d’« Eugène Onéguine » d’Alexandre Pouchkine. Tout ceci, parmi plus de 150 ouvrages depuis 1981, traduits du russe, de l’anglais, du latin ou du breton, aux éditions Mesures, Inculte ou José Corti. Il vit et travaille à Rennes.

André Markowicz (1/3)
En France, c’est le tsar bizarre, envoûté et envoûtant, de la littérature russe. Un polyglotte professionnel qui se situe toujours « entre deux mondes », « entre la langue de départ et celle de l’arrivée », entre la langue de sa petite enfance moscovite et celle de sa vie d’adulte, entre Paris, Rennes et les villes où son goût du théâtre l’emporte. « Je commence par taper, très vite. En français, sans réfléchir. Je ne lis jamais l'œuvre auparavant – ce qui est hérétique pour beaucoup de mes collègues. Quand on lit, les yeux glissent. Or, quand on traduit, les yeux plongent. Traduire, c'est une lecture en verticale. On ne fait pas attention aux idées, mais aux mots. Petit à petit, je commence à voir des trucs bizarres, qui me choquent, qui me gênent, des expressions russes un peu étranges, qu'on ne s'attendrait pas à trouver dans le contexte. Et c'est toujours l'essentiel. Je construis l'interprétation à partir des bizarreries. »

Mais d’où vient le sens du tempo de cette bibliothèque sur pattes, qui déclare avec joie n’avoir jamais pris de vacances depuis trente ans ? Que met-il dans son samovar matinal ? Qu’a-t-il retenu de son mentor au physique de « colosse », le linguiste et dissident russe Efim Etkind, qui l’invite – à 16 ans – à rejoindre son cercle de traducteurs ? Cette école « des mots, des sons, de la construction », qui a tant marqué Markowicz. « Le geste premier du traducteur, dit-il, est celui du partage. Il aime et il a les moyens de faire aimer à d’autres. Ensuite viennent les questions techniques, les impossibles, les affres. » Les portes s’ouvrent enfin sur ce premier épisode : au coin du feu, entrons dans la datcha mentale de Monsieur.

Enregistrement : octobre 2023 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son, montage : Mathilde Guermonprez - Réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Musiques originales : Samuel Hirsch - Lectures : Sabine Zovighian, Perrine Kervran, Mina Souchon - Illustration : Sylvain Cabot - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch

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mis en ligne le 11.12.2023 à 15:31

Bookmakers : la collection de livres

Tout savoir des grands noms de la littérature contemporaine

Le podcast ARTE est devenu une collection de livres. Richard Gaitet interroge les meilleures autrices et les meilleurs auteurs sur leurs secrets d'écriture. Après Nicolas Mathieu et Alice Zeniter, c'est au tour de Maria Pourchet. En janvier 2024, Hervé le Tellier complètera la collection.
Une coédition ARTE Éditions / Points.

Maria Pourchet
«Mon premier livre serait comme le dessin du cygne qui, dans la fable, fut travaillé des années avant d’être offert à un empereur japonais. Il faut que le geste soit sûr. »
Que trouve-t-on sous la plume de Maria Pourchet ? Pourquoi a-t-elle attendu d’avoir trente ans pour se mettre à écrire – alors qu’elle était sûre de sa vocation dès le CE1 ? Quel déclic doit-elle à Romain Gary ? Comment la langue est-elle devenue « un pote » ? Dans ce dialogue franc du collier, celle qui écrit « comme on gueule » raconte tout, ou presque : son enfance vosgienne « saturée » de livres, son admiration pour Pierre Michon, Achille Talon, Daniel Balavoine ou Les Valseuses, son art mordant de la punchline et, très en détails, la fabrication de ses premiers romans, d’Avancer (2012) au succès de Feu (2021).
Une conversation lucide et incandescente avec l’une des révélations de la scène littéraire contemporaine.
11,90€ - 128 pages. Toutes les infos sur le livre / sur le podcast.

Alice Zeniter
L’art littéraire d’Alice Zeniter, de A à Z. Remarquée en CE2 par une autrice confirmée, publiant son premier livre à seize ans, cette romancière, dramaturge, metteuse en scène, traductrice et scénariste s’est imposée comme l’une des voix les plus stimulantes du paysage francophone.
Aux Hébrides ou en Hongrie, au plus près des affects d’une hackeuse, d’anciens harkis ou d’une femme de ménage, les histoires d’Alice Zeniter interpellent, en sa qualité de membre honoraire de ce club d’écrivain·e·s qui refusent d’écrire toujours le même livre. Mais comment cette amoureuse éperdue des enquêtes de Sherlock Holmes travaille-t-elle au quotidien ? De quelle façon sa pratique du théâtre influence-t-elle sa prose ? Comment surmonter ses doutes quand on se trouve « écrasée par l’ampleur de ses sujets » ? Et qu’est-ce que « la stratégie de la semoule » ?
Un dialogue didactique, plein d’humour et de modestie, sur la fabrique de l’écriture.
10,90€ - 144 pages. Toutes les infos sur le livre / sur le podcast.

Nicolas Mathieu
Comment écrire sans trahir le milieu d’où l’on vient ? De sa première rédac’ au Goncourt reçu à 40 ans pour Leurs enfants après eux, en passant par ses « chocs » en
lisant Céline, Manchette ou Annie Ernaux, Nicolas Mathieu revient sur la naissance de sa vocation, sa discipline quotidienne et les « coups » que la littérature « lui permet de rendre à la vie, qui nous en met plein la gueule » le temps d’une conversation précise et généreuse. Une plongée passionnante dans la fabrique et les mondes intérieurs du petit bleu des Vosges, devenu l’une des figures montantes du roman contemporain, dont la colère contre « les mensonges, le tout falsifié » reste l’un des carburants, et qui dit avec joie avoir appris davantage en matant Les Soprano qu’en étudiant Tolstoï.
10,90€ - 144 pages. Toutes les infos sur le livre / sur le podcast.

Bookmakers écoute les écrivain.e.s détailler leurs secrets d’écriture. C’est le récit d’un récit, les coulisses de fabrication d’un livre majeur dans la carrière d’un.e auteur.e, qui dévoile sa discipline, son rythme et ses méthodes de travail. C’est quoi, le style ? Comment construit-on une intrigue, un personnage ? Où faut-il couper ?
Chaque mois, Bookmakers écoute les plus grand.e.s écrivain.e.s d’aujourd’hui raconter, hors de toute promotion, l’étincelle initiale, les recherches, la discipline, les obstacles, le découragement, les coups de collier, la solitude, la première phrase, les relectures… mais aussi le rôle de l'éditeur, de l’argent, la réception critique et publique, le regard sur le texte des années plus tard.
Animé par Richard Gaitet, écrivain et homme de radio, le podcast Bookmakers détruit le mythe d’une inspiration divine qui saisirait les auteurs au petit matin. Il rappelle que l'écriture est aussi un métier, un artisanat, un beau travail. 

Enregistrement : septembre 2023 - Ecriture : Richard Gaitet - Mixage : Samuel Hirsch - Production : ARTE Radio

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mis en ligne le 18.10.2023 à 14:42

Constance Debré (3/3)

La règle du je

Bookmakers #26 - L'autrice du mois : Constance Debré
Née en 1972 à Paris, Constance Debré se décrit parfois comme « le baron de Charlus option Sid Vicious ». C’est-à-dire : un authentique noble proustien, raffiné et ambigu, qui aurait mis les doigts dans la prise du punk des Sex Pistols, avec le désir revendiqué de « dire la violence » et « l’obscénité » de nos « vies lamentables ». « C’est jubilatoire », confie-t-elle avec un léger chuintement dans la voix, qu’elle nomme avec humour son « accent snob ». Ex-avocate pénaliste, elle est surtout l’autrice, en seulement cinq ans, de quatre livres à succès principalement autofictionnels, épurés et nerveux, en rupture avec les conventions sociales ou familiales, de « Play boy » (Stock, 2018) à « Offenses » (Flammarion, 2023).

Constance Debré (3/3)
« J'assume tout quand j'écris "je", j'écris démasquée. La vérité est la solution la plus simple. Et la plus excitante. » Publié en 2020 aux éditions Flammarion, « Love me tender » est le roman auto-fictif de l’affranchissement familial de Constance Debré, « d'une solitude assumée, fondamentale », le journal de bord d’une pré-quinquagénaire qui se confronte aux normes en vivant pleinement son coming-out. Ou encore, et surtout, les confessions cinglantes, un peu bouleversantes et sans un gramme de pathos d’une mère dépossédée de son fils, qui réinvente le lien et interroge l’amour filial. Il s’écoule quarante mille exemplaires de ces cent cinquante pages, traduites au Royaume-Uni, aux États-Unis ou dans les pays scandinaves. Sur le même principe, le livre d’après, « Nom » (2022), ausculte sa généalogie, son « origine », les malheurs et les vertus de son clan, et marche aussi très bien : trente-deux mille exemplaires vendus.

En janvier 2023, « Offenses » amène Constance Debré à sortir du couloir de nage de l’autobiographie romancée. Sujet : l’histoire vraie d’un criminel de dix-neuf ans, déjà père et sérieusement dans la dèche, qui assassina une vieille voisine de dix coups de couteau pour lui voler 450 euros. Le meurtrier s’adresse à nous, Constance aussi, pour restituer le procès et les circonstances psycho-sociales de la tragédie, érigeant le tueur en « saint » qui serait « coupable à notre place ». La démarche ne convainc guère, mais le livre se vend à près de dix mille copies. En dernière instance de cette comparution immédiate dans les studios d'Arte Radio, Constance lira la traduction des paroles d'une chanson de Leonard Cohen, qui présente de troublantes similitudes avec son œuvre désenchantée. Le podcast Bookmakers devient une collection de livres !
Nicolas Mathieu, Alice Zeniter et Maria Pourchet nous dévoilent les coulisses de la fabrication de leurs œuvres.
Comment travaillent-ils leur plume ? Ils nous détaillent leurs secrets d'écriture, de leur discipline, à leur rythme de travail.
Une coédition ARTE Éditions / Points.

Enregistrement : septembre 2023 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son, réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Montage : Mathilde Guermonprez - Musiques originales : Samuel Hirsch - Piano : Vincent Erdeven - Lectures : Samuel Hirsch, Manon Prigent - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Clarisse Le Gardien, Joseph Hirsch, Lou Marcelet, Alicia Marie - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch

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mis en ligne le 18.10.2023 à 14:35

Constance Debré (2/3)

Play plaidoirie

Bookmakers #26 - L'autrice du mois : Constance Debré
Née en 1972 à Paris, Constance Debré se décrit parfois comme « le baron de Charlus option Sid Vicious ». C’est-à-dire : un authentique noble proustien, raffiné et ambigu, qui aurait mis les doigts dans la prise du punk des Sex Pistols, avec le désir revendiqué de « dire la violence » et « l’obscénité » de nos « vies lamentables ». « C’est jubilatoire », confie-t-elle avec un léger chuintement dans la voix, qu’elle nomme avec humour son « accent snob ». Ex-avocate pénaliste, elle est surtout l’autrice, en seulement cinq ans, de quatre livres à succès principalement autofictionnels, épurés et nerveux, en rupture avec les conventions sociales ou familiales, de « Play boy » (Stock, 2018) à « Offenses » (Flammarion, 2023).

Constance Debré (2/3)
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les juré·e·s, les faits reprochés à Constance Debré sont accablants. Prenons la phrase suivante : « Écrire est un coup d’état, l’affirmation d’une autorité sans justification ni explication et qui se fout d’être légitime. C’est comme dans l’amour, quand on se penche et qu’on prend. » De loin comme de près, Constance décontenance : elle a rompu avec le couple, l’hétérosexualité, un travail stable, la possession et le confort d’un appartement douillet, pour écrire et ne faire que ça ; sauf, bien sûr, quand elle nage à la piscine deux kilomètres de crawl par jour, et enchaîne les conquêtes féminines tel un Don Juan androgyne aux cheveux de plus en plus courts, tatouée de toutes parts – avec les mots « plutôt crever » dans la chair de son cou. Tout ceci, Debré le raconte de façon frontale, impudique, dans « Play boy » et les deux romans suivants, à peine cachée derrière l’alter-ego qui porte son prénom, via des phrases courtes et des chapitres au rasoir, qui captivent son auditoire.

Paru aux éditions Stock, « Play boy » se vendra tous formats confondus à trente mille exemplaires. Le geste impressionne, mais crispe aussi une partie de la critique, qui lui reproche la trop grande simplicité de son style ou la bourgeoisie teintée d’aristocratie de sa lignée, souvent sans savoir quelle est son histoire. « C’est important de déplaire et j’ai toujours trouvé infiniment sexy d’avoir des ennemis », dit-elle. « Il faut totalement assumer l'arrogance. »

Dans ce deuxième épisode, examinons les fondations du casier littéraire de l’ex-avocate Constance Debré, son goût pour l’oralité, le « risque » et le sens de la « responsabilité » qui lui permettent de conjurer cette sensation permanente « d'étouffer sous le brouhaha », l’influence de Guillaume Dustan et de Christine Angot, ses antécédents au service de la justice, quand elle était « l’une des petites vedettes » du barreau de Paris, et les deux points communs essentiels qu’elle continue d’observer entre une plaidoirie et l’écriture d’un roman. « Toujours le moins de mots possible. Et : les choses graves doivent être dites. » Le podcast Bookmakers devient une collection de livres !
Nicolas Mathieu, Alice Zeniter et Maria Pourchet nous dévoilent les coulisses de la fabrication de leurs œuvres.
Comment travaillent-ils leur plume ? Ils nous détaillent leurs secrets d'écriture, de leur discipline, à leur rythme de travail.
Une coédition ARTE Éditions / Points.

Enregistrement : septembre 2023 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son, réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Montage : Mathilde Guermonprez - Musiques originales : Samuel Hirsch - Piano : Vincent Erdeven - Lectures : Samuel Hirsch, Manon Prigent - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Clarisse Le Gardien, Joseph Hirsch, Lou Marcelet, Alicia Marie - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch

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mis en ligne le 18.10.2023 à 14:07

Constance Debré (1/3)

Les circonstances

Bookmakers #26 - L'autrice du mois : Constance Debré
Née en 1972 à Paris, Constance Debré se décrit parfois comme « le baron de Charlus option Sid Vicious ». C’est-à-dire : un authentique noble proustien, raffiné et ambigu, qui aurait mis les doigts dans la prise du punk des Sex Pistols, avec le désir revendiqué de « dire la violence » et « l’obscénité » de nos « vies lamentables ». « C’est jubilatoire », confie-t-elle avec un léger chuintement dans la voix, qu’elle nomme avec humour son « accent snob ». Ex-avocate pénaliste, elle est surtout l’autrice, en seulement cinq ans, de quatre livres à succès principalement autofictionnels, épurés et nerveux, en rupture avec les conventions sociales ou familiales, de « Play boy » (Stock, 2018) à « Offenses » (Flammarion, 2023).

Constance Debré (1/3)
« La plupart des livres mentent. On est donc en droit de leur en vouloir. On devrait arriver à parler des livres normalement, arrêter de croire qu’ils nous surplombent, les jeter contre un mur quand on n’est pas d’accord. Les livres sont souvent bêtes. La plupart des livres publiés valent moins, moralement, politiquement, esthétiquement, qu’un McDo. » Il faut un certain aplomb pour annuler, en cinq phrases, la quasi-totalité de la production littéraire contemporaine. Quand Constance Debré surgit en librairies en 2018 avec « Play boy », brève autofiction qu’elle présente à 46 ans comme son premier roman, cette fougueuse avocate pénaliste s’apprête à ranger au placard sa longue robe noire à rabat blanc, pour « entrer en littérature comme dans les ordres, en plus fun quand même », selon la formule de Virginie Despentes – qui adore « cette écriture désinvolte, mais dévorée d’anxiété ».

Elle apparaît à notre micro un cuir noir épais sur les épaules, chapeau mou marron posé sur son crâne rasé à blanc, pour partager, dans ce premier épisode, son enfance à la garçonne, ses lectures capitales de Blaise Pascal et Saint-Augustin ou ses premiers tafs dans les coulisses de l’Assemblée nationale et les contentieux boursiers. Elle en profite aussi pour clore le débat sur ses deux véritables premiers ouvrages parus aux éditions du Rocher, « Un peu là beaucoup ailleurs » (2004) et « Manuel pratique de l'idéal » (2007), aujourd’hui reniés… « parce qu’il manquait la volonté ». Constance Debré allait pourtant jusqu’à inscrire en ces pages sa propre épitaphe : « Ci-git (…), elle ne plaisantait pas. » Le podcast Bookmakers devient une collection de livres !
Nicolas Mathieu, Alice Zeniter et Maria Pourchet nous dévoilent les coulisses de la fabrication de leurs œuvres. Comment travaillent-ils leur plume ? Ils nous détaillent leurs secrets d'écriture, de leur discipline, à leur rythme de travail.
Une coédition ARTE Éditions / Points.

Enregistrement : septembre 2023 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son, réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Montage : Mathilde Guermonprez - Musiques originales : Samuel Hirsch - Piano : Vincent Erdeven - Lectures : Samuel Hirsch, Manon Prigent - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Clarisse Le Gardien, Joseph Hirsch, Lou Marcelet, Alicia Marie - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch

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mis en ligne le 19.07.2023 à 09:31

Laurent Chalumeau (3/3)

Kiffe la vibe avec Elmore Leonard

Bookmakers #25 - L'auteur du mois : Laurent Chalumeau
Né en 1959 à Paris, Laurent Chalumeau a démarré comme critique, reporter et intervieweur du magazine « Rock&Folk », taillant le bout de gras avec Johnny Cash, Ice-T ou Al Green. Un coup de fil d’Antoine de Caunes l’embarque dans l’aventure Canal+ où sa plume mordante fait rire chaque soir des millions de Français·es. Il a signé une douzaine de romans, dont, récemment, « VNR » et « Vice » (Grasset).
Se définissant parfois comme « un couteau suisse contrefait », Laurent Chalumeau est également scénariste (pour Alain Corneau, Éric Rochant ou la série « Le Train ») et parolier (pour Michel Sardou, Michèle Torr, Patrick Bruel, Bertrand Burgalat ou l’un des premiers boys-band de l’Hexagone, G-Squad). Il vit et travaille près de Pigalle.

Laurent Chalumeau (3/3)
Avec « Le Siffleur », Laurent Chalumeau inaugure en 2006 une série de cinq romans d’escroquerie frontalement rigolards, plantés sur la Côte d’Azur – qui pullule soudain de bras cassés infoutus de réussir le moindre braquage. « Le V8 de la Mustang 1967 grondait voluptueusement, cramant vingt litres au cent et polluant l’air marin, Maurice retrouvant des sensations oubliées, sourdement excité, s’il était honnête, par le petit voyage dans le temps qu’il était en train de s’offrir. À supposer bien sûr qu’un sermon servi aux deux trompettes avec le ton qu’il faut suffise à les calmer. Si les mecs jouaient aux durs, que l’affaire partait en burnes, Maurice savait pas trop jusqu’où il saurait suivre. Mais là, de se retrouver comme ça aux commandes d’une vraie tire, fringué au rayon hommes pour changer de d’habitude, avec la perspective de recadrer deux merglus avant d’aller se coucher, Maurice, pour un peu, aurait remercié le ciel de lui avoir prêté vie et maintenu la santé. »

Le roman sera transposé au cinéma par Philippe Lefèbvre, avec François Berléand et Virginie Efira. « Écrire bien, ça ne veut rien dire, dit Laurent Chalumeau, pas mécontent des 15 000 exemplaires écoulés du roman suivant, intitulé « Les arnaqueurs aussi ». « Mais écrire de façon efficace et adaptée à son sujet, ça signifie savoir où appuyer, à quel moment et avec quelle intensité. Comme chez l’ostéo ou chez le kiné. »

Ces gestes qui sauvent (un roman, un dialogue, une intrigue, un personnage), Laurent les a appris en étudiant, pendant des années, la prose « zéro pour cent de matière grasse » de l’Américain Elmore Leonard, que Quentin Tarantino adapta sur grand écran via « Jackie Brown ». En résulte un essai passionnant signé Chalumeau aux éditions Rivages en 2015, « Elmore Leonard, un maître à écrire », bourré de conseils pratiques à suivre dans ce troisième épisode. Des trucs et astuces de narration, qui lui ont permis de bâtir des bouquins comme « Un mec sympa », « Bonus » ou « Kif », ses « petits polars légers, secs et nerveux, garantis sans prêcha », conçus comme « un vin de soif, gouleyant, à boire frais ». « La seule vraie noblesse de cet artisanat, dit-il encore, c'est d'essayer de produire la moins chiante des lectures possibles. C’est DU boulot, mais jamais ça ne me fait l’effet d’être UN boulot. Mettre un mot après l'autre et voir la gueule que ça a. Joie de l’encre noire. » Le podcast Bookmakers devient une collection de livres !
Nicolas Mathieu, Alice Zeniter et Maria Pourchet nous dévoilent les coulisses de la fabrication de leurs œuvres.
Comment travaillent-ils leur plume ? Ils nous détaillent leurs secrets d'écriture, de leur discipline, à leur rythme de travail.
Une coédition ARTE Éditions / Points.

Enregistrement : mai 2023 - Mise en ligne : 19 juillet 2023 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son, montage : Mathilde Guermonprez - Réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Musiques originales : Samuel Hirsch - Lectures : Chloé Assous-Plunian, Arnaud Forest, Mathilde Guermonprez - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Clarisse Le Gardien - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch

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mis en ligne le 19.07.2023 à 09:15

Laurent Chalumeau (2/3)

Fuck fiction

Bookmakers #25 - L'auteur du mois : Laurent Chalumeau
Né en 1959 à Paris, Laurent Chalumeau a démarré comme critique, reporter et intervieweur du magazine « Rock&Folk », taillant le bout de gras avec Johnny Cash, Ice-T ou Al Green. Un coup de fil d’Antoine de Caunes l’embarque dans l’aventure Canal+ où sa plume mordante fait rire chaque soir des millions de Français·es. Il a signé une douzaine de romans, dont, récemment, « VNR » et « Vice » (Grasset).
Se définissant parfois comme « un couteau suisse contrefait », Laurent Chalumeau est également scénariste (pour Alain Corneau, Éric Rochant ou la série « Le Train ») et parolier (pour Michel Sardou, Michèle Torr, Patrick Bruel, Bertrand Burgalat ou l’un des premiers boys-band de l’Hexagone, G-Squad). Il vit et travaille près de Pigalle.

Laurent Chalumeau (2/3)
De 1990 à 1995, Laurent Chalumeau signe cinq fois par semaine l’une des séquences les plus vues de l’émission la plus branchée de l’époque : le sketch final de « Nulle Part Ailleurs » sur Canal+. Grâce à Antoine de Caunes et José Garcia, le critique rock qui se rêvait « grantécrivain » crée pour le petit écran des personnages franchouillardement mythiques, tels Didier l'Embrouille, Pine d'huître, Gérard Languedepute ou Raoul Bitembois – ce dernier patronyme résumant bien l’un des sujets principaux des blagues délivrées sur le joyeux plateau animé par Philippe Gildas. L’humour noir, la saleté et le mauvais esprit éclaboussent la téloche, et ça réveille. Au sujet de cette expérience, le comique de l’ombre dira cependant qu’elle fut à la fois « une très bonne école et une malédiction ».

Ce que Chalumeau nous explique au cours de ce deuxième épisode, avant de revenir sur ses quatre premiers romans publiés aux éditions Grasset. Son coup d’épée initial au titre provoc’, « Fuck », montre qu’il était possible en 1991 de déconstruire avec rage la culture du viol et la bêtise virile tout en étant un homme hétéro blanc cisgenre amateur de guitares braillardes ; il s’en vendra, tous formats confondus, 30 000 exemplaires.

Trois ans après, « Anne Frank 2 : le retour ! », brûlot bizarre sur les compromissions de la Mitterrandie, nous renseigne sur ses indignations. Chalumeau enchaîne avec deux romans de gare imbibés de n’importe nawak (mais pas du tout nuls, par ailleurs), « Neuilly brûle-t-il ? » suivi de « Topodoco ! », et la critique commence à le citer en disciple de Michel Audiard. Le flingueur répliquera, via l’un de ses personnages de scribouillard « au physique de radio » nommé Régis Grognon : « Audiard, Audiard, par moments, on croirait que les gens parlent de Shakespeare. Après, on s’étonne que les téléspectateurs soient ce qu’ils sont. Mais quand leur idée du beau style procède exclusivement d’Audiard, tout s’explique. J’en peux plus d’Audiard. J’en peux plus des intellos qu’aiment pas Audiard. J’en peux plus des gros cons qu’adorent Audiard. J’en peux plus de vos gueules de cons d’Audiard de merde, et je vous jure que si j’entends un mot de plus sur Audiard, j’en bute un au hasard. » Le podcast Bookmakers devient une collection de livres !
Nicolas Mathieu, Alice Zeniter et Maria Pourchet nous dévoilent les coulisses de la fabrication de leurs œuvres.
Comment travaillent-ils leur plume ? Ils nous détaillent leurs secrets d'écriture, de leur discipline, à leur rythme de travail.
Une coédition ARTE Éditions / Points.

Enregistrement : mai 2023 - Mise en ligne : 19 juillet 2023 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son, montage : Mathilde Guermonprez - Réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Musiques originales : Samuel Hirsch - Lectures : Chloé Assous-Plunian, Arnaud Forest, Mathilde Guermonprez - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Clarisse Le Gardien - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch

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mis en ligne le 19.07.2023 à 09:00

Laurent Chalumeau (1/3)

Light my fire

Bookmakers #25 - L'auteur du mois : Laurent Chalumeau
Né en 1959 à Paris, Laurent Chalumeau a démarré comme critique, reporter et intervieweur du magazine « Rock&Folk », taillant le bout de gras avec Johnny Cash, Ice-T ou Al Green. Un coup de fil d’Antoine de Caunes l’embarque dans l’aventure Canal+ où sa plume mordante fait rire chaque soir des millions de Français·es. Il a signé une douzaine de romans, dont, récemment, « VNR » et « Vice » (Grasset).
Se définissant parfois comme « un couteau suisse contrefait », Laurent Chalumeau est également scénariste (pour Alain Corneau, Éric Rochant ou la série « Le Train ») et parolier (pour Michel Sardou, Michèle Torr, Patrick Bruel, Bertrand Burgalat ou l’un des premiers boys-band de l’Hexagone, G-Squad). Il vit et travaille près de Pigalle.

Laurent Chalumeau (1/3)
Ce qui se retient d’abord de Laurent Chalumeau, c’est son style. Gouailleur en diable, généreux dans le grandguignolesque, tissé d’argot et d’anglicismes, cochon truffier de la punchline à mille dollars, doté d’un sens du rythme – & blues – résolument « médusant », comme il dirait. Sa phrase est aussi acérée qu’un éperon, mais le cœur de ses livres s’avère aussi tendre que celui d’un cactus. Marrant, mais pas que. Volontiers « NRV ». Il convenait donc de creuser pour vérifier si, dans le gisement de sa prose riche d’une douzaine de romans, de centaines d’articles, d’essais musicaux ou de posts à foison sur les réseaux, se trouvaient des pépites.

Bingo. Il faut se lever tôt pour tricoter les arnaques fendardes du « Siffleur » (2006) ou de « Kif » (2014), pour aiguiser la satire des élites ridicules de « VIP » (2017) ou pour déclarer son amour érudit à Dolly Parton dans « Jolene t’es gouine ? » (2022). Coup de pot : ce cowboy du macadam parigot, fringuant sexagénaire à barbe blanche finement taillée, partage nos vues sur l’écriture envisagée comme un artisanat. « La littérature, dit-il, c’est pas un mec ou une nana que le génie visite le soir quand la ville dort. Écrire c’est de la tambouille, du bricolage, des tours Eiffel en allumettes et une bouteille dans laquelle t’essayes de monter un bateau. De la corde à nœuds et des séries d’abdos. De la technique. Plus on maîtrise, plus on peut prendre de risques. »

Mesurons alors dans ce premier épisode le parcours de l’apprenti. En se posant les bonnes questions. Mais pourquoi ses études de lettres l’ont-elles à ce point traumatisé ? Comment ce fan d’Elvis, de Prince ou de Bowie a-t-il rejoint la rédaction de « Rock&Folk », dont il fut l’un des correspondants le temps de « pèlerinages extasiés, enthousiastes et innocents » dans les mythes de l’Amérique, entre portes du pénitencier, rodéos sur paddocks et tournois de billard, qui lui vaudront l’admiration et l’amitié de Virginie Despentes ? Quelles leçons essentielles a-t-il retenu des journalistes Philippe Manœuvre et Philippe Garnier, ou de Tom Wolfe, auteur du « Bûcher des vanités » ? Allez, au charbon. Chalumons le feu. Le podcast Bookmakers devient une collection de livres !
Nicolas Mathieu, Alice Zeniter et Maria Pourchet nous dévoilent les coulisses de la fabrication de leurs œuvres.
Comment travaillent-ils leur plume ? Ils nous détaillent leurs secrets d'écriture, de leur discipline, à leur rythme de travail.
Une coédition ARTE Éditions / Points.

Enregistrement : mai 2023 - Mise en ligne : 19 juillet 2023 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son, montage : Mathilde Guermonprez - Réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Musiques originales : Samuel Hirsch - Lectures : Chloé Assous-Plunian, Arnaud Forest, Mathilde Guermonprez - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Clarisse Le Gardien - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch

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mis en ligne le 17.05.2023 à 10:03

Céline Minard (3/3)

Dans la mine d’or

Bookmakers #24 - L'autrice du mois : Céline Minard
Née à Rouen en 1969, Céline Minard a étudié la philosophie et travaillé en librairie avant d’arpenter, dès 2004, les sentiers les plus aventureux de la fiction francophone contemporaine. Cette fine lectrice du « Quichotte » est révélée par la critique avec « Le Dernier Monde », monologue métaphysique et burlesque de l’ultime habitant de la Terre (Denoël, 2007). Depuis, elle honore le crédo d’une « littérature transgenre », avec notamment « Bastard Battle », bataille médiévale teintée de manga (mention spéciale du prix Wepler, Léo Scheer, 2008), le western « Faillir être flingué » (prix du Livre Inter, vendu à 100 000 exemplaires, Rivages, 2014) ou les nouvelles S.-F. de « Plasmas » (grand prix de l’Imaginaire, Rivages, 2022). Céline Minard vit et écrit aujourd’hui dans le massif des Corbières.

Céline Minard (3/3)
« Mes romans débordent les genres, les décadrent, les dévoient, les collisionnent. Ils sont transgenres. Ce qu’il faut déboulonner, c’est le cadre. » Pour ce troisième épisode consacré à l’art de Céline Minard, ouvrons sa caisse à outils et regardons quels boulons font tenir la charpente de ses textes si spacieux. En cavalant d’abord dans les plaines de « Faillir être flingué », western naturaliste débarrassé des traditionnels oripeaux de virilité. Dans lequel un cow-boy en crise peut se promettre, « devant le premier nid qu’il avait observé depuis sa renaissance, que la connaissance des oiseaux serait la seule science à laquelle il s’adonnerait pour le reste de sa vie. Et la collecte des contes, le seul passe-temps ».

Pour ses lectures personnelles, la romancière confie chercher la sensation « d’être perdue et retrouvée, baladée comme jamais, dépaysée et accueillie sans bien connaître le protocole et sa signification. » C’est l’effet produit par « Plasmas », son recueil de nouvelles de science-fiction, bâti comme « une entreprise de désorientation ». Où des nomades nés dans l’espace après « l’extinction des feux » étudient les archives de la Terre. Où une pisteuse agile apprend à vivre au contact d’une société de grands singes, sous la menace de drones tueurs. Où l’on peut « développer une idée aérienne de la sexualité » et entretenir « des relations de plusieurs degrés de sensualité » avec des plantes.

Peu après « Plasmas », Céline Minard livra dans « Libération » sa définition du mot « imaginaire » : « Muscle psychique à l’origine de toutes les émancipations. Son contrôle ou le contrôle de son usage est un enjeu majeur pour les sociétés pyramidales. Puissance ou superpouvoir projectif, prospectif et microgravitaire, l’imaginaire est quotidiennement à l’œuvre dans le monde réel qu’il façonne, dément, fore, réforme, et avec lequel il entretient des échanges de gaz et de mucus revigorants. »
Laissons-nous revigorer par l’imaginaire de Céline Minard, par son « goût de la frontière et le passage de celle-ci, discret ou tonitruant, toujours illégal ».

Enregistrements : mars 23 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Montage : Mathilde Guermonprez - Prise de son, réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Musiques originales : Samuel Hirsch - Lectures : Emma Bouvier, Samuel Hirsch, Richard Gaitet - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Clarisse Le Gardien - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch

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mis en ligne le 17.05.2023 à 09:59

Céline Minard (2/3)

Sauce samouraï

Bookmakers #24 - L'autrice du mois : Céline Minard
Née à Rouen en 1969, Céline Minard a étudié la philosophie et travaillé en librairie avant d’arpenter, dès 2004, les sentiers les plus aventureux de la fiction francophone contemporaine. Cette fine lectrice du « Quichotte » est révélée par la critique avec « Le Dernier Monde », monologue métaphysique et burlesque de l’ultime habitant de la Terre (Denoël, 2007). Depuis, elle honore le crédo d’une « littérature transgenre », avec notamment « Bastard Battle », bataille médiévale teintée de manga (mention spéciale du prix Wepler, Léo Scheer, 2008), le western « Faillir être flingué » (prix du Livre Inter, vendu à 100 000 exemplaires, Rivages, 2014) ou les nouvelles S.-F. de « Plasmas » (grand prix de l’Imaginaire, Rivages, 2022). Céline Minard vit et écrit aujourd’hui dans le massif des Corbières.

Céline Minard (2/3)
Chaque roman est pour Céline Minard l’occasion d’inventer « une nouvelle cabane ». Celle qui la fit connaître se passe de gravité. Dans « Le Dernier monde » (Denoël, 2007), un astronaute américain découvre un peu tard, du haut de sa station orbitale, qu’il est l’ultime représentant de l’humanité. Revenu sur Terre, il entreprend d’explorer le globe à la rencontre des animaux qui, eux, ont survécu à la catastrophe – dont « cinquante-neuf mille têtes de porcs » qu’il essaie de gouverner. Sur 500 pages, cette démonstration de métaphysique postapocalyptique aux accents burlesques force le respect – et, avec le temps, finit par s’écouler à 15 000 exemplaires.

Critiques et libraires s’interrogent alors sur cette autrice parisienne planquée à Ménilmontant, qui cite parmi ses influences une internationale de francs-tireurs : Faulkner, Borges, Duras, Michaux ou Elfriede Jelinek. « Tous les grands textes, dit-elle, sont ceux qui, bien que clos et achevés, regorgent d’ambiguïtés et de contradictions qui continuent de bouger dans leur espace, de creuser des passages inédits dans la tête des lecteurs. Je veux lire des choses pas possibles qui se posent comme une évidence. »

Son premier public sera – positivement – désarçonné l’année suivante par le très court « Bastard Battle » (Léo Scheer, 2008), bataille médiévale rédigée en faux vieux français et contaminée par sa lecture compulsive de… mangas, qui lui vaut de recevoir la mention spéciale du prix Wepler. Une distinction symbolique, qui pesa sans doute dans l’obtention d’une résidence d’un an au sein d’une charmante cabane entourée de pins parasols : la Villa Médicis, à Rome. Sonnant ainsi le glas d’une précarité économique, que la romancière évoque sans détours dans ce deuxième épisode.

Enregistrements : mars 23 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Montage : Mathilde Guermonprez - Prise de son, réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Musiques originales : Samuel Hirsch - Lectures : Emma Bouvier, Samuel Hirsch, Richard Gaitet - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Clarisse Le Gardien - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch

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mis en ligne le 17.05.2023 à 09:54

Céline Minard (1/3)

Son premier monde

Bookmakers #24 - L'autrice du mois : Céline Minard
Née à Rouen en 1969, Céline Minard a étudié la philosophie et travaillé en librairie avant d’arpenter, dès 2004, les sentiers les plus aventureux de la fiction francophone contemporaine. Cette fine lectrice du « Quichotte » est révélée par la critique avec « Le Dernier Monde », monologue métaphysique et burlesque de l’ultime habitant de la Terre (Denoël, 2007). Depuis, elle honore le crédo d’une « littérature transgenre », avec notamment « Bastard Battle », bataille médiévale teintée de manga (mention spéciale du prix Wepler, Léo Scheer, 2008), le western « Faillir être flingué » (prix du Livre Inter, vendu à 100 000 exemplaires, Rivages, 2014) ou les nouvelles S.-F. de « Plasmas » (grand prix de l’Imaginaire, Rivages, 2022). Céline Minard vit et écrit aujourd’hui dans le massif des Corbières.

Céline Minard (1/3)
Dans « So long, Luise » (Rivages, 2011), Céline Minard rédige le testament d’une écrivaine qui ne jure que par « la marche, la marche, le mouvement ». Son héroïne s’étonne que des journalistes « de plus en plus savants et retors » viennent tenter de lui tirer les vers du nez à propos de sa prose, sa ponctuation, et tout ce qu’elle nomme « ses ustensiles de cuisine ». Elle note pour la postérité les trois questions les plus paresseuses de n’importe quelle interview littéraire : « 1°) Vous vous documentez beaucoup ? 2°) C’est autobiographique ? 3°) Vous avez mis longtemps à l’écrire ? »

Nous avons donc redoublé de souplesse à l’heure d’avancer en terrain Minard. « J’adore l’exigence de la narration, la solidité qu’elle requiert. C’est le monde des possibles, la permission absolue. Une expérience de liberté, une vie de plus, dérobée. On est tous des menteurs, des imposteurs, des gosses ébahis avec des yeux comme des soucoupes ! », dit avec entrain celle dont l’œuvre – née d’un accident de rollers – démarre avec le très confidentiel « R. » (Comp’Act, 2004), journal des rêveries d’un promeneur pas tout à fait solitaire, qui traverse les Alpes dans les pas de Jean-Jacques Rousseau.

Suivra une douzaine d’ouvrages souvent exigeants, oui, mais drôles, et rigoureusement stimulants sur le plan conceptuel. Un univers hétéroclite, peuplé de braqueuses excentriques, de papesse vengeresse, ou de chevaux génétiquement modifiés. Mais comment tout a commencé pour cette disciple en audace de François Villon ou de l’Allemand Arno Schmidt ? Comment s'inspire-t-elle de « la rue, la lumière sur une feuille ou dans un bol de thé, et les trente-six mille formes du vivant » ? Pour le savoir, tous et toutes en rando derrière Céline Minard !

Enregistrements : mars 23 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Montage : Mathilde Guermonprez - Prise de son, réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Musiques originales : Samuel Hirsch - Lectures : Emma Bouvier, Samuel Hirsch, Richard Gaitet - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Clarisse Le Gardien - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch

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mis en ligne le 15.03.2023 à 11:09

Frédéric Martin (3/3)

Road-Tripode ou la vraie vie d'un éditeur

Bookmakers #23 - L'invité du mois : Frédéric Martin
Fils d’un marin et d’une ouvrière, enfant des quartiers nord de Marseille et des paysages tahitiens, Frédéric Martin, 48 ans, a fondé en 2012 les éditions Le Tripode. Cette petite maison indépendante basée à Paris (quatre salarié·e·s) compte parmi les plus respectées du milieu pour l’originalité de son catalogue, sa rigueur textuelle et la beauté graphique de ses ouvrages. « Je publie, dit-il, des auteurs très libres, presque anars, pas mondains. Très peu de Parisiens. Des chats sauvages. » Parmi près de 250 titres et environ 20 nouveautés par an, citons l’Estonien Andrus Kivirähk et son « Homme qui parlait la langue des serpents » (75 000 exemplaires vendus en France depuis 2013, Grand Prix de l’Imaginaire), Valérie Manteau (prix Renaudot 2018 pour « Le Sillon », 72 000 exemplaires vendus), Bérengère Cournut (prix du roman Fnac 2019 pour « De pierre et d’os », 150 000 exemplaires écoulés), et Mathieu Bélézi, lauréat 2022 du prix du journal Le Monde avec « Attaquer la terre et le soleil ». Ou encore : des peintures rares d’Hugo Pratt, les vers « luisants » de Brigitte Fontaine et les contes macabres d’Edward Gorey. Il se demande souvent : pourquoi publier quelque chose qui existe déjà ?

Frédéric Martin (3/3)
Au risque de briser le mystère, révélons que Frédéric Martin lit tous les manuscrits qu’il reçoit, au lit, dans sa maison bretonne, en fumant la pipe. Tel Bilbo le Hobbit, il attend la rencontre. Quand le flash a lieu, et parce l’éditeur doit, selon lui, « être plusieurs à la fois », ce n’est que le début d’une longue série d’étapes – textuelles, visuelles, économiques – à chaque fois personnalisées, que nous allons parcourir lors de ce troisième et dernier épisode.
Il sera question, en vrac, des « échafaudages » que l’auteur·e doit apprendre à retirer pour découvrir qu’un roman tient debout sans eux. D’une coupe essentielle en révisant « Ouest » de François Vallejo. De la diplomatie (ou non) en période de corrections. Du travail de la phrase « par sédimentation » chez Marc Graciano. D’écrivains trop beaux parleurs en période de promo. D’une prime aux auteur·e·s de la maison quand l’un·e remporte un prix littéraire important. Ou de risques financiers savamment calculés en publiant, pour la première fois au monde, les 781 gouaches et tous les textes du monumental « Vie ? ou Théâtre ? » de la peintre allemande Charlotte Salomon. Un labeur quotidien, sept jours sur sept, qui finit par le « broyer », mais que Frédéric Martin aborde avec « le calme des vieilles troupes ». Et, dans sa sacoche, cette phrase-talisman de Charlotte Salomon : « J’appris à suivre tous les chemins et j’en devins un moi-même. »

Nota bene : cette conversation aurait dû avoir lieu en public, en décembre dernier, lors des 20 ans d’ARTE Radio au Palais de Tokyo, à Paris. Une grève SNCF en a décidé autrement. Certaines personnes présentes ce soir-là ont pourtant souhaité poser des questions au Tripodeur en chef. Elles émaillent le dialogue qui va suivre.

Enregistrements : janvier 23 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son : Samuel Hirsch - Montage, réalisation, mixage : Thomas Loupias - Musiques originales : Thomas Loupias, Samuel Hirsch - Lectures : Emma Bouvier, Elena Zenone - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Nina Stavisky et le public du Palais de Tokyo - Production : ARTE Radio - Thomas Loupias, Samuel Hirsch

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mis en ligne le 15.03.2023 à 10:53

Frédéric Martin (2/3)

La joie ardue de « L’Art de la joie »

Bookmakers #23 - L'invité du mois : Frédéric Martin
Fils d’un marin et d’une ouvrière, enfant des quartiers nord de Marseille et des paysages tahitiens, Frédéric Martin, 48 ans, a fondé en 2012 les éditions Le Tripode. Cette petite maison indépendante basée à Paris (quatre salarié·e·s) compte parmi les plus respectées du milieu pour l’originalité de son catalogue, sa rigueur textuelle et la beauté graphique de ses ouvrages. « Je publie, dit-il, des auteurs très libres, presque anars, pas mondains. Très peu de Parisiens. Des chats sauvages. » Parmi près de 250 titres et environ 20 nouveautés par an, citons l’Estonien Andrus Kivirähk et son « Homme qui parlait la langue des serpents » (75 000 exemplaires vendus en France depuis 2013, Grand Prix de l’Imaginaire), Valérie Manteau (prix Renaudot 2018 pour « Le Sillon », 72 000 exemplaires vendus), Bérengère Cournut (prix du roman Fnac 2019 pour « De pierre et d’os », 150 000 exemplaires écoulés), et Mathieu Bélézi, lauréat 2022 du prix du journal Le Monde avec « Attaquer la terre et le soleil ». Ou encore : des peintures rares d’Hugo Pratt, les vers « luisants » de Brigitte Fontaine et les contes macabres d’Edward Gorey. Il se demande souvent : pourquoi publier quelque chose qui existe déjà ?

Frédéric Martin (2/3)
C’est un chef-d’œuvre envoûtant de la littérature italienne, qui fut d’abord refusé par tous les éditeurs de son pays puis sauvé de l’oubli par une poignée d’amoureux transis, dont Frédéric Martin. En 2005, grâce à son acharnement au cœur des éditions Viviane Hamy, la résurrection française de « L’Art de la joie » de Goliarda Sapienza, traduit par Nathalie Castagné, devient un événement en librairies. En deux ans, il se vend 100 000 exemplaires et quinze traductions de ce merveilleux roman d’émancipation de 600 pages, écrit en 1967 et 1976 par une Sicilienne qui mourut dans la misère sans l’avoir vu publié. Réédité par le Tripode, il s’en écoulera de nouveau 115 000 copies rien que dans l’Hexagone et lancera la traduction de l’œuvre intégrale, qui se poursuit d’année en année.
Dans ce deuxième épisode, Frédéric Martin raconte les coulisses de ce best-seller, son départ de chez Viviane Hamy avec l’arrogance d’un « enfant gâté », puis sa rencontre avec Benoît Virot et la naissance des éditions Attila. De 2009 à 2013, ce fabuleux tandem de bêtes de travail expérimente une idée du métier où l’éditeur « fait tout » (corrections, graphisme, attaché de presse, jusqu’au choix de la teinte et du grammage du papier), au service d’œuvres inclassables ressorties des limbes, signées Edgar Hilsenrath ou Jacques Abeille. Comme une sorte de prélude à l’aventure du Tripode.

Enregistrements : janvier 23 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son : Samuel Hirsch - Montage, réalisation, mixage : Thomas Loupias - Musiques originales : Thomas Loupias, Samuel Hirsch - Lectures : Emma Bouvier, Elena Zenone - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Nina Stavisky, et le public du Palais de Tokyo - Production : ARTE Radio - Thomas Loupias, Samuel Hirsch

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