flux Ecologie

Engagés pour la nature et l'alimentation.

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11.02.2025 à 16:13

Patrick Le Hyaric

Texte intégral (990 mots)

Comme à chaque fois qu’ils sont en difficultés, les mandataires du capitalisme orientent les regards vers le doigt alors que le sage montre la Lune. Plus précisément, les responsables des souffrances paysannes, de l’usure des corps et de la terre, détournent malignement les colères. Tantôt les « normes », tantôt l’Institut national de la recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), tantôt l’Office français de la biodiversité (OFB), tantôt l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), sont les cibles de quelques fourches dans un brouhaha d’éructations garnies de sauce trumpiste. On assiste ainsi à une négation haineuse du travail des scientifiques, de celles et ceux qui protègent la nature, la santé et le travail paysan. 

C’est Édouard Philippe, Premier ministre en octobre 2019, qui a déployé les rayons aveuglants de ce concept fumeux forgé par les agences de communication de l’agro-industrie et baptisé « agribashing »

Au lieu de traiter les questions du revenu paysan et des conditions de travail, les pouvoirs successifs n’ont eu de cesse de se défausser de leurs lourdes responsabilités. Au lieu de libérer les travailleurs-paysans de l’obligation de productivisme, qui n’est que surexploitation du travail et de la nature, ils ont poussé la dérégulation des prix agricoles à la production. Au lieu d’accompagner une bifurcation agroécologique et humaniste, ils ont modifié la politique agricole commune (PAC) européenne pour jeter les petits et moyens producteurs dans le grand bain mondial de la concurrence barbare, dans laquelle ils se noient, les uns après les autres.

L’« agribashing » sert à tenter d’unir de manière corporatiste les paysans que la vulgate capitaliste mystifie en les qualifiant d’entrepreneurs agricoles. En fait d’entrepreneurs, ils sont des fantassins enserrés dans une terrible tenaille : d’un côté, les fournisseurs de matériels et de moyens de production, qui prélèvent leur dîme à des prix de plus en plus exorbitants ; de l’autre, les oligopoles qui achètent les produits agricoles au prix le plus bas possible. Ces groupes multinationaux ne sont pas des alliés des paysans et de la nature. Ce sont leurs exploiteurs directs. Il faut y ajouter les banques qui, mois après mois, prélèvent sous forme d’intérêts, l’impôt financier sur des dettes souscrites avant même les fruits de la première récolte. Voilà les cibles vers lesquelles manifester sa colère et ses revendications. 

C’est ce système qui, fondamentalement, refuse de tenir compte des urgentes nécessités de l’heure. Combiner la juste rémunération du travail paysan à l’arrêt de la destruction des véritables alliés naturels des paysans : les insectes pollinisateurs, les vers de terre et l’humus vivant, les oiseaux, l’eau potable. Tout ce vivant détruit par les firmes agrochimiques comme Bayer Monsanto qui réalisent des milliards de profits par la destruction de la santé paysanne et celle des sols et des animaux. Voilà encore d’autres lieux où demander des comptes.

Mais au fait ! Qu’est devenu l’engagement de M. Macron, président de la République, en bras de chemise dans les allées du salon de l’agriculture, pour la mise en place de prix planchers ? 

Comme toujours, avec les intégristes du business, les belles paroles ont disparu, sans effet, ici, dans les effluves du fumier politicien et les bouses de la compétitivité. Ceux-ci n’ont que faire des dos courbés sous le poids du travail, des larmes devant la souffrance des animaux malades et les champs noyés ou si secs, à cause des conséquences des modifications climatiques, qu’on ne peut faire les semis en temps et en heure. Ceux-ci n’ont que faire de ce désespoir qui pousse tant de travailleurs-paysans, dans la solitude et l’intimité des tourments, à mettre fin à leurs jours. 

Nous partageons les révoltes. Mais il ne faut pas se tromper de colère. Il faut s’extraire des rapports ambigus avec les vérités instituées des grandes firmes agrochimiques et leur porte-parole devenu porte-mensonges.

Le responsable du prix trop bas du lait n’est ni l’Inrae ni l’OFB, mais Lactalis qui détruit ici la production, les fermes et les territoires et pousse à l’approbation du traité avec le Mercosur, afin d’importer, sans droits de douane, le lait qu’il produira au Brésil grâce à cet accord scélérat. Les cours à la baisse des céréales ne sont pas décidés par la mutualité sociale agricole (MSA), mais par des marchés financiers qui spéculent à la bourse de Chicago. Voilà les responsables. Ils ont des noms et des adresses.

Par contre, ce sont bien des normes décidées avec les paysans qui protégeront la santé des travailleurs-paysans, des citoyens et de la nature. Quand ces normes auront disparu, nous n’aurons plus d’arguments pour rejeter ces traités de libre-échange favorables aux seules grandes firmes.

Où sont les responsables ? Dans les coulisses de l’exploitation capitaliste. C’est là qu’on manigance le refus fait au paysan de vivre de son travail et le droit à l’alimentation pour toutes et tous. Heureusement, un mouvement, loin des projecteurs des médias autorisés, agit pour changer les modes de production et de consommation et pour tourner le dos aux impasses des logiques dominantes actuelles. Un mouvement qui cherche à solidariser travailleurs et habitants des villes et des campagnes. Cette voie de l’unité est celle de l’efficacité.

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29.01.2025 à 20:50

La Terre

Texte intégral (1171 mots)

Par Raphaël YVEN, président, Le Lierre ; Émilie AGNOUX, co-fondatrice, Le Sens du service public ; Christine MORO, vice-présidente, Une Fonction publique pour la transition écologique ; Mylène JACQUOT, secrétaire générale, CFDT Fonction Publique ; Marie PLA, co-porte-parole, Collectif Nos services Publics ; Benoit TESTE, secrétaire général, FSU ; Luc FARRÉ, secrétaire général UNSA Fonction Publique.

ADEME, OFB, Agence Bio : depuis plusieurs semaines, ces trois structures sont ciblées de façon très marquée par une partie de la classe politique. Celle-ci, invoquant notamment le contexte budgétaire, demande la diminution des prérogatives de ces opérateurs et, pour l’Agence Bio, sa disparition, matérialisée par un vote au Sénat. 

Nous, agents publics impliqués dans la transition écologique de nos modèles agricoles et alimentaires, pointons les risques de ces propositions, qui menacent la dynamique fragile de transition agro-écologique et l’accompagnement de nos agriculteurs face aux défis environnementaux, sans répondre pour autant aux enjeux budgétaires et d’efficience de l’action publique.

Nos systèmes agricoles sont intrinsèquement dépendants d’un climat stable et d’écosystèmes en bonne santé. Face aux conséquences déjà visibles des crises environnementales, une transition massive vers des solutions agroécologiques prometteuses, couplée à une évolution de notre alimentation, sont nécessaires. Elles seules garantiront notre santé et notre sécurité alimentaire, la protection de nos écosystèmes et la pérennité économique de notre agriculture. Dans un contexte troublé pour la transition agroécologique (restrictions budgétaires, normes agro-environnementales contestées, difficultés économiques des exploitations freinant leurs investissements verts…), protéger les acteurs et agents publics qui accompagnent le monde agricole face à l’urgence environnementale doit être une priorité absolue pour pérenniser les dynamiques balbutiantes de transition. 

Ces éléments n’ont malheureusement aujourd’hui que peu de poids face aux arguments budgétaires. Or, si un débat sur l’agenciarisation de l’État, ses coûts, et le contrôle de ses opérateurs, mérite d’être posé au vu de l’état de notre démocratie et de nos finances publiques, cibler ces trois agences semble peu compréhensible au vu de leurs performances récentes. Affaiblir ou supprimer ces opérateurs ne se soldera ni par une augmentation de l’efficience de l’action publique, devant guider les choix budgétaires actuels, ni par de réelles économies budgétaires de court terme, ni par des gains à long terme. Cela risque même d’augmenter les coûts de l’inaction environnementale qui grèvent toujours plus les budgets de l’État (coûts de dépollution de l’eau, de santé, de soutien des agriculteurs face aux aléas climatiques…). Fragiliser ces opérateurs fait aussi planer le risque d’une dégradation du service rendu à nos agriculteurs en pleine crise. Les expertises techniques et de gouvernance partenariale de ces structures au service du monde agricole ne seront pas intégralement reprises, si elles sont diluées dans les actions déjà gérées par FranceAgriMer ou le ministère de l’Agriculture. 

Supprimer l’Agence Bio pourrait fragiliser durablement le rôle de force d’entraînement de la filière bio pour nos filières agricoles dans les transitions agroécologique et alimentaire, et l’écosystème partenarial bio construit depuis la création du logo AB en 1985 par le Ministère de l’Agriculture. Cela risque de détruire l’efficience de l’action publique sur le bio, fondée sur une expérience de l’Agence consciencieusement acquise depuis plus de 20 ans et un accompagnement sur-mesure de la filière que ses agents mettent en œuvre : son efficacité et celle du travail de ses salariés ont justement été soulignées par la Cour des comptes en 2022. Le licenciement de ses employés sera brutal, et occasionnera une perte majeure de compétences pour l’Etat qui mettront des années à être reconstruites. Comme l’attestent les réactions unanimes du monde agricole et de l’agroalimentaire ces derniers jours, l’hypothèse d’une disparition de cette agence fait aussi craindre un éloignement et une standardisation de l’accompagnement de l’Etat au secteur, alors que la filière bio est en cours de rémission d’une crise très violente. 

Ces arguments sont aussi valables pour l’ADEME, qui portait à elle seule en 2022 deux-tiers des aides de l’Etat aux entreprises sur la transition écologique. L’inspection générale des finances invitait d’ailleurs en 2023, à faire de l’ADEME “le maître d’ouvrage privilégié des aides à la transition écologique des entreprises” en soulignant son expertise reconnue en matière environnementale, permise par le travail et l’engagement professionnel de ses agents. L’affaiblissement de l’ADEME menace d’entraîner une perte de compétences unique de l’État sur les enjeux environnementaux, dont ceux de transition agro-écologique (agrivoltaïsme, valorisation des haies, diagnostics climatiques de fermes…). Veut-on vraiment priver le monde agricole, percuté par les crises environnementales, de l’expertise cruciale de cette agence ? 

Quant à l’OFB, vouloir son affaiblissement indique une méconnaissance de l’histoire et du rôle majeur de cet opérateur. Cette structure, issue d’une fusion récente (2020) de deux opérateurs, a déjà permis de diminuer le nombre d’opérateurs publics. Son action est décisive sur le plan environnemental, la Cour des comptes reconnaissant en 2024 que l’objectif lui ayant été assigné à sa création était atteint, malgré la complexité de la tâche. Affaiblir l’OFB mettrait en péril l’exercice de ses missions, dont la préservation de la qualité de l’eau et des écosystèmes essentielle à une agriculture saine, à notre sécurité alimentaire, à notre santé, et surtout à celle des agriculteurs très exposés aux pollutions en milieu rural. 

Dans un triple contexte de crise environnementale, agricole et budgétaire, nous exprimons et apportons tout notre soutien à nos collègues et au travail fait par ces trois acteurs reconnus pour l’impact et l’efficience de leurs actions, au contact quotidien du monde agricole et essentiels pour la transition agroécologique, notre sécurité alimentaire et notre santé collective. Nous appelons à ce que les arbitrages sur le devenir de ces structures continuent de porter ces priorités collectives de transition écologique et de santé. 


Image by Chil Vera from Pixabay.

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