The Conversation
Par Émeline Roux, Maître de conférences en biochimie alimentaire et Gaëlle Boudry, Chargée de recherche, responsable d’équipe Institut Numecan, Inrae.
Déborah Maurer Nappée (étudiante en master 2 Nutrition et sciences des aliments de l’Université de Rennes) a contribué à la rédaction de cet article.
Une alimentation variée en termes de diversité d’espèces végétales consommées est essentielle à la santé pour son apport en fibres et en nutriments. La recherche s’intéresse à cette biodiversité alimentaire qui pourrait aussi se révéler précieuse pour le bien-être mental, notamment par l’entremise du microbiote intestinal.
L’industrialisation de l’agriculture et le développement de l’industrie agroalimentaire ont favorisé les monocultures induisant une baisse drastique de la biodiversité alimentaire, depuis le XXe siècle.
Actuellement, douze espèces végétales et cinq espèces animales fournissent 75 % des cultures alimentaires mondiales, selon l’organisation non gouvernementale World Wide Fund (WWF). Et trois espèces végétales sont produites majoritairement dans le monde : le maïs, le blé et le riz, malgré une estimation de plus de 7 000 (peut-être même 30 000) espèces végétales comestibles, rappelle l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
Il est important de différencier la diversité alimentaire qui représente la consommation de grands groupes alimentaires comme les produits laitiers ou les fruits et les légumes… de la biodiversité alimentaire qui prend en compte chaque espèce biologique (animale et végétale) consommée par un individu.
Par exemple, si un individu mange des carottes, des poivrons et des artichauts, en termes de diversité alimentaire, un seul groupe – celui des légumes – sera comptabilisé, contre trois espèces en biodiversité alimentaire. Or, tous les légumes n’apportent pas les mêmes nutriments et molécules actives. La biodiversité alimentaire est donc importante pour couvrir tous nos besoins.
Une fois ingérés, les aliments impactent notre organisme, et ce, jusqu’au cerveau, notamment via le microbiote intestinal. Le microbiote intestinal représente l’ensemble des microorganismes (bactéries et autres) qui se trouvent dans le tube digestif, en particulier au niveau du côlon. Cela représente un écosystème complexe avec environ 10 000 milliards de microorganismes.
Un microbiote sain et équilibré est caractérisé par une grande diversité bactérienne et la présence de certaines espèces bactériennes. L’état de santé ou l’alimentation peuvent moduler la composition de notre microbiote en quelques jours. Par ailleurs, l’impact de l’alimentation pourrait, après plusieurs mois, se répercuter sur le bien-être mental.
Parmi les molécules de notre alimentation, qui impactent de façon bénéfique notre microbiote, se trouvent les fibres végétales. Ces longues chaînes glucidiques ne sont pas hydrolysées par les enzymes humaines, mais constituent le substrat principal de bactéries importantes du microbiote. En dégradant les fibres, des métabolites sont produits par certaines bactéries (par exemple, Bifidobacterium, Lactobacillus, des espèces du phylum des Bacillota), dont les acides gras à chaîne courte (AGCC) : acétate, propionate et butyrate.
Le butyrate, en particulier, agit sur certains paramètres biologiques et pourrait exercer des effets bénéfiques sur la santé physique et mentale. En effet, le butyrate module la réponse immunitaire par stimulation des cellules immunitaires et exerce une action anti-inflammatoire en augmentant l’expression de certains gènes. Il permet également de diminuer la perméabilité de l’épithélium intestinal et donc de limiter le passage de molécules inflammatoires ou toxiques dans la circulation sanguine.
Par ailleurs, certains neurotransmetteurs comme la sérotonine, l’acide gamma-aminobutyrique (GABA) ou la dopamine sont synthétisés à partir de précurseurs apportés par l’alimentation.
L’augmentation de la concentration des précurseurs suivants aurait un impact positif sur le cerveau :
le tryptophane (présents notamment dans le riz complet, les produits laitiers, les œufs, la viande et le poisson, les fruits à coque…) pour la sérotonine ;
le glutamate qui représente 8 à 10 % de la teneur en acides aminés dans l’alimentation humaine, les acides aminés étant les constituants de base des protéines alimentaires (on retrouve le glutamate dans les produits laitiers, graines oléagineuses, viandes et produits de la mer). Il est le précurseur du neurotransmetteur GABA (qui est également directement présent dans le riz brun germé ou les aliments fermentés) ;
la tyrosine (présente notamment dans les fromages à pâtes pressées cuites, les graines de soja ou la viande) pour la dopamine.
Il est recommandé de consommer de 25 grammes à 38 grammes de fibres quotidiennement, apportées via la consommation de végétaux (cf. tableau ci-après). Or la moyenne française en 2015 était inférieure à 18 grammes d’après une étude de Santé publique France.
On soulignera néanmoins que, lorsqu’on souhaite augmenter son apport en fibres, pour éviter les effets indésirables de leur fermentation dans le colon, il est conseillé de les réintroduire progressivement dans son alimentation au cours de plusieurs semaines.
Enfin, d’autres nutriments jouant un rôle important sur la santé mentale par une action directe sur le cerveau ont aussi une action indirecte en modulant le microbiote intestinal ou en étant précurseurs de métabolites bactériens ayant un effet au niveau du système nerveux central (qui inclut le cerveau).
Ainsi, un ratio équilibré oméga-3/oméga-6 (1 :4) exerce des effets bénéfiques sur le microbiote intestinal. Mais dans l’alimentation occidentale, le ratio est déséquilibré en faveur des oméga-6, ce qui engendre un état inflammatoire.
Les aliments les plus riches en oméga-3 sont issus de végétaux terrestres (l’huile de lin, de colza, etc.) et d’animaux marins (les poissons gras comme le saumon, le maquereau, le hareng, la sardine et l’anchois, etc.), explique l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). En revanche, l’huile de tournesol et de pépin de raisin sont très riches en oméga-6, participant ainsi au déséquilibre des apports.
Une alimentation riche en polyphénols (certaines épices, cacao, baies de couleur foncée, artichauts…) confère également des effets bénéfiques anti-inflammatoires via la modification du profil du microbiote intestinal.
Enfin, les vitamines ou minéraux participent aux fonctions de base de l’organisme.
Une alimentation biodiversifiée permet un apport complet de tous ces nutriments (cf. les recommandations sur le site de l’Anses et du Programme national nutrition santé [PNNS]). Des données existent sur la teneur moyenne en nutriments de ces aliments et leur saisonnalité (site Ciqual). Cependant, les aliments n’apportent pas tous les mêmes classes de nutriments.
Pour donner un exemple concret, un artichaut cuit contient assez de fibres (11 g/100 g) pour satisfaire les besoins journaliers, mais sera pauvre en vitamine C (moins de 0,5 mg/100 g), contrairement au brocoli cuit plus riche en vitamine C (90 mg/100 g), mais assez pauvre en fibre (2,4 g/100 g). Ainsi, la prise en compte de la biodiversité alimentaire est essentielle pour évaluer les apports totaux en ces différents nutriments.
Afin d’avoir un bon état de santé physique et mentale, il est recommandé de diversifier les sources alimentaires pour couvrir l’ensemble des besoins. Cependant, la disponibilité en aliments varie selon les saisons. Le tableau ci-dessous présente quelques propositions d’associations d’aliments de saison pour couvrir nos besoins quotidiens en fibres.
Exemples d’aliments de saison à consommer pour avoir un apport journalier suffisant en fibres totales (Sources : Ciqual et ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire)
A contrario, l’organisme est impacté négativement par d’autres facteurs, comme l’exposome qui représente l’ensemble des expositions environnementales au cours de la vie.
Ainsi, les xénobiotiques (par exemple, les pesticides), qui impactent la croissance et le métabolisme des bactéries du microbiote intestinal, qui, en retour, peut bioaccumuler ou modifier chimiquement ces composés. Les aliments issus de l’agriculture biologique contiennent beaucoup moins de xénobiotiques et sont donc recommandés.
Enfin, l’utilisation d’ustensiles de cuisine en plastique ou en téflon, entre autres, peut notamment engendrer la libération de perturbateurs endocriniens ou de polluants persistants (comme les substances per- et polyfluroalkylées PFAS) qui vont se bioaccumuler dans les bactéries du microbiote intestinal. De ce fait, il est recommandé de limiter leur utilisation au profit d’autres matériaux alimentaires (inox, verre).
Différentes molécules et facteurs impactant le microbiote intestinal et susceptibles d’agir sur le bien-être mental
Adopter une alimentation variée est donc essentiel pour couvrir les besoins nutritionnels à l’échelle moléculaire, et cela impacte de manière bénéfique la santé physique mais aussi mentale, notamment via le microbiote.
Toutefois, il est important de prendre soin de son alimentation sans tomber dans une anxiété excessive, qui pourrait engendrer des troubles alimentaires et nuire finalement au bien-être global, la notion de plaisir restant essentielle dans l’alimentation.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
La Terre
Par Nathalie Calmé
Face à la dégradation des services publics dans l’Allier, l’Union Départementale CGT a entrepris une démarche de reconquête. Après un an et demi de travail, elle publie un livret « Des services pour le développement de l’Allier », dans lequel elle dresse un état des lieux sans concession des services du département. Cette cartographie repose sur une démarche minutieuse : « Nous avons croisé les données de l’INSEE avec les retours des syndicats des différentes professions, des agents et des usagers, explique Laurent Indrusiak, secrétaire général de l’UD CGT. Chaque secteur a été passé en revue : effectifs, besoins de la population, évolution des dotations.
Le constat est sévère : « Tous les services n’ont cessé de subir des coups de rabot ! » tranche le syndicaliste, mais certains illustrent bien la situation : « Il y a encore dix ou quinze ans, le département comptait une trentaine de points d’accueil des finances publiques. Aujourd’hui, il n’en reste plus que trois : Montluçon, Moulins et Vichy », déplore-t-il. « Des habitants parcourent des dizaines de kilomètres, parfois des centaines, pour un simple renseignement cadastral ou pour payer leurs impôts ». Il en va de même pour la santé : « Nos trois grands hôpitaux connaissent des difficultés financières majeures. Des services entiers ont disparu, obligeant des patients à se rendre jusqu’à Clermont-Ferrand ou Vichy pour se faire soigner. » Pour la mobilité, autre secteur en tension, le bassin de Montluçon paie lourdement les réductions de l’offre ferroviaire. « Relier Montluçon à Paris prend aujourd’hui plus de temps qu’il y a quarante ans, et encore, quand il y a un train ! », ironise-t-il. Quant à la Poste, « des dizaines de bureaux ont fermé et ont été remplacés par des agences postales installées dans des commerces. Le service n’est pas du tout le même ».
Pour la CGT, ces fragilisations ne doivent rien au hasard. « C’est très clairement le résultat de choix politiques libérales, depuis le tournant de la rigueur en 1983, qui ont mis en concurrence les territoires, imposé la rentabilité aux hôpitaux, privilégié les grandes lignes ferroviaires au détriment des dessertes locales », dénonce-t-il. Et de poursuivre : « On nous répète que les services publics coûtent trop cher. C’est faux ! Notre rôle est d’expliquer, de déconstruire cette idée reçue. Lorsqu’on montre aux Bourbonnais – parfois victimes de désinformation à travers les grands médias – ce que coûte une privatisation ou ce que signifie une fermeture de service dans leur commune, ils comprennent et adhèrent à cette démonstration ».
Face à cette crise, le syndicat avance des solutions claires : « La première mesure, c’est le recrutement massif d’agents. La deuxième, c’est de redonner de vrais moyens financiers aux services publics, en renforçant le rôle des collectivités et des échelons locaux. Cela permettrait de ramener de la proximité dans les décisions et dans l’action. La troisième, c’est d’assumer une politique à rebours de ce qui a été mené depuis des décennies : réinvestir le territoire, rouvrir des services publics (la Poste, les hôpitaux, les gares…) dans les villes moyennes, les quartiers populaires, les campagnes, là où vivent les gens ».
Laurent Indrusiak considère que les élus sont des acteurs à part entière : « Eux-aussi subissent dans leurs communes les conséquences de la disparition des services publics. Certains se retrouvent face à leurs contradictions : ils ont parfois soutenu, via leur famille politique, les politiques libérales qui ont fragilisé les services, et constatent ensuite leur disparition sur leur propre territoire. Leur présence à nos réunions permet qu’ils entendent ce que vivent la population et les agents ».
La CGT entend également avancer avec les autres organisations syndicales. Des échanges réguliers existent déjà, notamment dans l’Éducation nationale ou sur les finances publiques avec Solidaires. « L’idée, c’est de bâtir des initiatives unitaires, d’élaborer des cahiers revendicatifs communs, interpeller ensemble les élus locaux ou les représentants de l’État »
Un autre point central du rapport concerne les collectivités locales. « Elles ont vu leurs dotations baisser en moyenne de 40 % ces dernières années. Alors que la décentralisation devait renforcer la proximité, elle a en réalité abouti à une recentralisation dans les grandes villes. Ce que nous demandons, c’est un vrai redéploiement des moyens là où on les a supprimés » Effectivement la question des financements revient sans cesse. Mais, pour la CGT, ce n’est pas un problème d’argent mais « de politique et de société » . « On nous explique que la France serait au bord de la faillite. Ce n’est pas vrai : notre pays reste la sixième ou septième puissance économique mondiale, souligne-t-il. Chaque année, près de 211 milliards d’euros d’aides publiques sont versés aux entreprises – certains parlent même de 270 milliards. Une partie de ces sommes pourrait être réorientée vers le financement des services publics ».
Le livret a été remis au préfet de l’Allier. Il doit servir à faire vivre le débat démocratique, sensibiliser la population et interpeller les décideurs. Ainsi, après deux premières étapes à Bourbon-l’Archambault et Commentry, la CGT va lancer un « village public » itinérant dans les grands bassins de vie du département et dans plusieurs petites commune ; l’objectif étant d’aboutir à l’organisation d’États généraux des services publics dans l’Allier.
Le syndicat refuse que l’Allier soit un territoire sacrifié. « Nous ne pouvons pas nous contenter d’être les spectateurs en désarroi d’un département en perte de vitesse, considéré comme un territoire de relégation des métropoles riches et attractives ». Le syndicaliste met en garde contre les dérives politiques que peut engendrer ce sentiment d’abandon. « La désespérance de ces territoires nourrit le terreau du vote d’extrême droite. Nous disons aux habitants : ne vous laissez pas emporter par de fausses solutions qui ne feront qu’accentuer le repli et la diminution de moyens pour le monde du travail ! ».
Télécharger le Livret « Des services pour le développement de l’Allier »
Patrick Le Hyaric
Grand spécialiste du double langage, souvent, le président varie. À Belém, jeudi 6 novembre, il considérait « très positif » la possibilité d’aboutir à un accord sur le traité du MERCOSUR. Moins de huit jours plus tard, à Toulouse, devant une délégation de syndicalistes agricoles, il proclame que ce traité, « tel qu’il existe aujourd’hui, recueillera un non-ferme de la France ». Quand faut-il le croire, alors que, déjà, lors de la dernière réunion du Conseil européen, il avait expliqué que « tout allait dans le bon sens » sans préciser lequel ni pour qui !
Il n’est en fait qu’une froide et vulgaire girouette, servile à la violence du vent que souffle un capitalisme mutant mondialisé. Car le traité MERCOSUR est l’une des pierres philosophales du capitalisme chimiquement pur. Il n’est pas un traité de coopération, mais le déploiement d’une première colonne de chars contre nos terroirs et territoires, contre la santé humaine, celle des animaux et des terres, contre le climat et la biodiversité.
On ne peut sous-estimer ni les mensonges qui l’entourent pour mieux brouiller les pistes, ni l’ampleur du projet qu’il ordonne.
Non seulement ce texte se prépare dans le dos des peuples, mais voici qu’est déployée une charretée d’artifices pour le mettre en œuvre sans l’aval des parlements nationaux. En effet, le projet d’accord a été artificiellement scindé en deux, avec un volet commerce et un volet coopération. Et seul ce second volet doit être soumis aux parlements de chacun des pays de l’Union européenne. Autrement dit, les grandes transnationales qui dominent le commerce mondial ne se verront opposées aucune barrière pour imposer le traité qu’elles réclament à cor et à cri. Quelle est belle la démocratie libérale européenne !
Les pays du MERCOSUR pourraient donc exporter demain vers l’Union européenne du bœuf aux hormones et des poulets aux antibiotiques au détriment de la santé. Il est plus que curieux qu’une disposition inscrite dans le traité UE-Nouvelle Zélande interdisant aux industriels néo-zélandais d’exporter de la viande bovine produite dans des centres d’engraissement industriels (feedlots) ne soit pas reprise dans le MERCOSUR. En effet, il n’y a quasiment pas de tels centres d’engraissement en Nouvelle-Zélande, alors que l’élevage brésilien est basé sur ce modèle de milliers d’animaux qui ne voient jamais ni champs, ni brin d’herbe.
Le président de la République veut faire croire qu’il aurait obtenu des mécanismes dits de « sauvegarde » – une clause de sauvegarde qui permet de bloquer les importations en cas de déséquilibres « des marchés » – Il s’agit d’une grosse tromperie ! Il n’a rien obtenu. Ce mécanisme existe déjà dans le texte depuis 2019. Ajoutons que le déclenchement de « la clause de sauvegarde » est si long et si compliquée, qu’elle n’a aucune efficacité.
Le ralliement net de l’Élysée au MERCOSUR a une autre raison. S’inscrivant dans le militarisme européen décidé au dernier sommet de l’OTAN, les autorités allemandes ont promis aux dirigeants Français d’acheter les armes produites dans les usines françaises. L’Allemagne se trouve, en effet, prise en tenailles entre d’une part les sanctions contre la Russie qui la privent d’une énergie bon marché et la rendent dépendante à l’achat de pétrole et de gaz américains pour faire fonctionner ses usines, alors que Trump veut, dans un premier temps, de moins en moins de voitures allemandes aux États-Unis, avant de pouvoir liquider les fleurons d’Outre-Rhin. Pour soutenir ses firmes, l’Allemagne veut donc vendre ses voitures aux pays d’Amérique du Sud afin de se donner un peu d’oxygène face à l’offensive des groupes capitalistes nord-américains. Cette dépendance est aussi militaire puisque l’Allemagne achète le matériel américain au détriment des équipements européens, particulièrement français.
La transaction porte donc sur l’approbation plus ou moins tacite du traité MERCOSUR par la France, en échanges de la promesse allemande d’achats d’armes supplémentaires produites sur notre territoire national. Sur cette base et à la demande des firmes capitalistes européennes, M. Macron s’engage dans ce processus en maquillant la vérité. Il perdra sur tous les tableaux. Car le gouvernement allemand et bien d’autres continuent et continueront de s’approvisionner en matériel militaire américain. Ce commerce et ces marchandages peu ragoûtants se font contre la santé de toutes et de tous et contre le climat.
Car l’autre grand gagnant de ce funeste projet est l’industrie des pesticides, particulièrement la firme Bayer-Monsanto. Le projet d’accord prévoit l’abaissement des droits de douane sur les exportations de produits chimiques depuis l’Union européenne vers l’Amérique Latine, y compris pour les insecticides et pesticides interdits d’utilisation au sein de l’Union européenne. Déjà, le Brésil est le premier utilisateur mondial de pesticides et la seconde destination des produits phytosanitaires interdits dans l’Union européenne.
Pire encore. Pour ficeler l’ensemble, le traité comprend un mécanisme juridique dit « de rééquilibrage ». Que signifie juridiquement ce mot ? Cet ajout permet à l’une des parties signataires ou plutôt à leurs multinationales de demander des compensations à l’autre partie si « une mesure prise par l’autre partie affecte défavorablement le commerce ». En vertu de cet article, l’Union européenne ne pourrait pas voter des règles empêchant les importations de produits traités avec tel ou tel pesticide interdit sur nos territoires, sans compenser financièrement les sociétés (y compris européennes) installées au sein du MERCOSUR. En résumé, pouvoir est donné aux multinationales qui exportent à partir de l’Amérique du Sud de combattre nos propres lois à l’aune de leur seul intérêt commercial ou de leurs profits. C’est la légalisation de la perte de souveraineté des États au profit du grand capital.
C’est au regard de cet article qu’il faut juger la fausseté de la promesse des fameuses « clauses miroirs », c’est-à-dire le conditionnement de l’accès au « marché » européen au respect des normes sanitaires et de durabilité en vigueur en Europe. Il n’est pas possible d’avoir des « clauses miroirs » quand nos pays doivent accepter des mesures compensatoires au nom du « libre commerce » et de « la libre concurrence ».
Ainsi le règlement européen sur « la déforestation importée » (RDUE) qui visait à ralentir la destruction de la forêt amazonienne serait directement menacé par le « mécanisme de rééquilibrage ». Favoriser les importations de soja ou de viande bovine, accéléra encore la déforestation en Amérique Latine et la désertification rurale en Europe. C’est ce que montre une expertise d’INRAE menée par le chercheur Stefan Ambec** à la demande du gouvernement français. Selon ce rapport, le traité entraînera une augmentation du volume annuel de production de viande de 2 % à 4 % impulsant une déforestation de 700 000 ha. Sur cette base, l’expertise évalue que les rejets carbonés induits par cette déforestation passeraient de 121 millions à 471 millions de tonnes de gaz carbonique la progression des rejets carbonés. Le traité MERCOSUR va à l’encontre des orientations des conférences pour le climat.
Il est évident que la signature d’un tel accord dont nous venons de voir la gravité des orientations poussera en Europe à un productivisme agricole capitaliste encore renforcé au détriment des paysans-travailleurs rendus esclave des secteurs industriels d’amont et d’aval de la production, ainsi que des banques. Placé au cœur de la guerre économique intra-capitaliste source des grandes tensions géopolitique et militariste mondiale, les travailleurs et les peuples européens et latino-américains ont intérêt à rechercher des voies d’unité pour défendre et améliorer leurs conquis sociaux et des harmonisations sociales et sanitaires positives, pour la préservation du climat, pour le droit à une alimentation de qualité pour toutes et tous. Bref, de grands combats communs doivent être imaginé pour gagner une sécurité humaine globale contre la sécurisation des profits et du capital qui s’accumulent entre quelques mains dans le monde.
La mobilisation contre ce texte doit encore gagner en ampleur et en force. Les groupes parlementaires européens le défèrent devant la cour de justice européenne pour tenter de le bloquer. Des actions de sensibilisation et de déconstruction des mensonges qui se répandent sont indispensables. Nous sommes toutes et tous concernés.
Patrick Le Hyaric
14 Novembre 2025.
* Selon les organisations Public Eye et Unearthed,
** Rapport Ambec de la commission d’évaluation du projet d’accord UE-Mercosur remis le 18 septembre 2020 au Premier ministre M Jean Castex.
Fabrice Savel
Docteure en géographie économique, Jocelyne Hacquemand secrétaire de la Fédération nationale agroalimentaire et forestière Cgt, cosigne avec les économistes Alan Pirrottina et Tibor Sarcey, l’ouvrage « Se nourrir, enjeu national et international ». Entretien
Dès son titre votre livre se revendique internationaliste. Est-ce à dire que l’accès à l’alimentation, à notre époque, est à la fois un problème très concret du quotidien et à la fois un enjeu mondial ?
Jocelyne Hacquemand : Oui. Au niveau mondial, la malnutrition touche près de 3 milliards de personnes. Les quelques progrès proviennent des politiques mises en œuvre par la Chine. L’arme alimentaire est toujours utilisée, comme à Gaza par le gouvernement fasciste israélien. Il est souvent dit que l’humanité ne pouvait pas subvenir à ses besoins alimentaires. C’est un discours idéologique factuellement faux qui vise à intégrer les populations aux politiques impérialistes. Selon l’OMC, la production alimentaire a progressé de 33 % entre 2000 et 2015, contre seulement 19 % pour la population mondiale. Sous le coup de la libéralisation des échanges, les exportations de denrées agricoles et alimentaires ont cru de 215 % sur la même période. Il apparaît donc clairement que les capacités productives ne sont pas en cause, mais que c’est un problème politique d’accès inégal aux ressources agricoles en volume et en prix. Dans les pays capitalistes développés, le problème se pose également. En France par exemple, la précarité alimentaire augmente au point que 21 % de la population a eu recours à l’aide alimentaire en 2023.
Vous dressez un constat accablant de la gestion capitaliste de l’alimentation. En quoi ce système, largement dominant, a failli ?
Ce système échoue et en quantité et en qualité, parce que ce n’est pas son objectif. Son objectif est de faire du profit, de gaver les actionnaires en dividendes. Objectif qui rentre en contradiction avec la satisfaction des besoins de la population. La forte hausse des prix alimentaires en 2022-2023 a permis une augmentation du taux de marge des industriels de l’alimentation de 48 %, son plus haut niveau jamais atteint. Gouvernement et patronat ont justifié cette inflation par la guerre en Ukraine et l’augmentation du prix des matières premières agricoles et de l’énergie. L’inflation alimentaire s’explique surtout par la stratégie des groupes, notamment nord-américains, pour nourrir le capital.
J’ai évoqué la qualité des produits. Là encore, pour tenter de contrecarrer la baisse du taux de profit, le patronat économise sur les matières premières, sur le temps de nettoyage des machines qui traitent du vivant, engendrant des problèmes sanitaires graves. Ce qui pose la question de sortir l’alimentation des griffes du capital.
Au-delà de ce constat quelles pistes de réflexions et de propositions mettez-vous en débat pour arracher des mains des spéculateurs et des groupes financiers la production et la distribution alimentaire ?
Nous avançons des propositions alternatives permettant d’ouvrir d’autres perspectives de développement et d’émancipation que celles d’un capitalisme mortifère pour les peuples. L’alimentation doit être extraite du carcan de la rentabilité financière. Elle doit devenir un bien public, parce que son accès en quantité et en qualité à des prix socialement acceptables est un des fondements de la santé publique et sociale de l’humanité. Cela exige de rompre avec la logique de marché que nous impose le capitalisme. Cette rupture nécessite notamment une planification démocratique agricole et alimentaire, le contrôle des prix et la socialisation des grands groupes alimentaires.
La mondialisation exige un nouvel ordre économique mondial. L’approche renouvelée de la construction de coopérations internationales que sont en train de construire les Brics, nous semble émancipatrice économiquement. La France, en contribuant à leur développement, pourrait jouer un rôle essentiel afin de rompre avec les logiques de domination impérialiste.
Pour y parvenir, il y a un rapport des forces inégal à inverser. La pétition contre la loi Duplomb a montré que la question de la santé et de l’alimentation préoccupe et mobilise de plus en plus de mangeurs. En quoi ce mouvement pour le droit à une alimentation saine est porteur d’espoir ?
Ce mouvement démontre ce que Marx écrivait « (…) l’humanité ne se pose jamais que des problèmes qu’elle peut résoudre (…) » Cette revendication du droit à une alimentation saine pose des questions fondamentales, notamment celle de la remise en cause du mode production intensif et spécialisé concomitant à l’insertion de l’agriculture au système alimentaire mondialisé et à son assujettissement aux lois du capitalisme prônés par ceux qui monopolisent tous les pouvoirs en agriculture. On ne la résoudra pas en revenant en arrière avec par exemple un million de paysans. Ce n’est pas parce que le patronat agricole et la société, sous la pression de la pensée dominante, invisibilisent le plus d’un million d’ouvrières et ouvriers agricoles qu’ils n’existent pas pour autant. Elles et ils participent pour près de 40 % à la production agricole. Les formes sociétaires représentent 42 % des exploitations, mais cultivent près des deux tiers de la surface agricole utilisée. Les aides publiques (aides de la Pac et allègements de charges fiscales et de cotisations sociales) s’élèvent à plus de 15 milliards d’euros en 2023. Et on a un système de plus en plus néfaste économiquement, socialement et environnementalement. La contradiction entre la production sociale et l’appropriation individuelle capitaliste des richesses créées bloque l’évolution de l’humanité. Le processus objectif de socialisation des activités productives agricoles (une agriculture tributaire de l’industrie agroalimentaire et de la grande distribution, la part croissante du travail salarié, la terre bien public comme facteur de production, l’importance des subventions publiques…) crée les conditions d’un nouveau stade d’organisation de la société, celui d’une socialisation des moyens de production qui relève d’actions politiques.
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