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Le média des combats écologiques

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18.07.2024 à 10:32
Laura Quenneville
Texte intégral (2043 mots)

Ostraciser le sabotage n’a pas rendu service à la lutte écologiste, selon Anaël Châtaignier. L’auteur d’Écosabotage, de la théorie à l’action (Écosociété, 2024) estime que les décennies d’efforts infructueux du mouvement climat ont démontré les limites du militantisme non-violent pour faire face à l’inaction climatique d’État. En parallèle, les rares désobéissant·es se sont heurté·es à une répression immédiate et sans précédent. Pour le militant et docteur en histoire de l’art, un tour d’horizon des précédents historiques du sabotage s’avère nécessaire pour rafraîchir les mémoires collectives et renouer avec une pratique qui, pensée stratégiquement, a fait ses preuves par le passé. 


Comment caractérisez-vous la phase du militantisme écologique dans laquelle nous nous situons aujourd’hui, notamment en France ?

Nous sommes dans une phase intermédiaire de construction du mouvement écologique. J’entends par là la constitution d’un mouvement autonome, radical, et sur la durée, face à un système techno-industriel et ses relais étatiques destructeurs qui nous conduisent dans l’impasse. Un mouvement tel qu’on peut le voir sur la lutte contre l’A69 par exemple, impliquant de nombreux collectifs et sensibilités, avec une conscience de plus en plus forte et une acceptation de la diversité des formes d’action. 

Diversité des formes d’actions, mais vous défendez surtout le sabotage dans votre ouvrage… 

Mon propos n’est pas de limiter la dimension créative dans les formes d’action ou dans les manières de faire collectif. Mais on ne va pas non plus réinventer l’eau tiède. Ce que je défends dans le livre, c’est qu’il y a de toute évidence une histoire et des modes d’action qui ont été perdus suite au retour de bâton répressif et au recadrage capitaliste et modernisateur des années 1980-90. 

Les sabotages ont été stratégiquement mis de côté et déconsidérés, alors qu’ils existent depuis longtemps et ont fait leurs preuves par le passé. On observe que ces formes d’action sont finalement récurrentes dans toutes les luttes depuis le XIXe et XXe siècle, qu’elles aient été ouvrières, paysannes, décoloniales ou écologiques. L’histoire regorge de gestes porteurs, de modes d’action et de savoir-faire très concrets que l’on peut trouver dans la lutte anti-nucléaire en France, mais aussi dans toutes les luttes décoloniales. Nous recouvrons simplement la mémoire des luttes.

« Alors que la situation se dégrade d’un point de vue écologique et répressif, la conscience de la nécessité de résister, de faire sécession, devient de plus en plus forte »

Pourquoi pensez-vous qu’il soit crucial pour les couches militantes moins radicalisées du mouvement écolo de se rallier en soutien des actions radicales ?

Ce que je défends dans ce livre, c’est que le sabotage doit-être accepté, ou a minima ne pas être condamné par les collectifs militants impliqués dans une lutte. Ce genre d’action n’a de sens et de pouvoir qu’avec un large soutien populaire, à la fois logistique (pour se protéger, se cacher, trouver de l’aide…) et symbolique. Ce soutien et cette culture de la résistance n’existent pas à grande échelle en France pour l’instant, sinon sous des formes plus sectorisées et autonomes comme sur les ZAD.

Alors que la situation se dégrade d’un point de vue écologique et répressif, la conscience de la nécessité de résister, de faire sécession, devient de plus en plus forte… A l’heure actuelle, l’un des enjeux principaux est de massifier la conscience de l’ampleur du désastre à venir et de l’impasse que constitue le capitalisme d’État. Il faut miser sur le fait que beaucoup de gens en sont conscients mais ne le formulent pas ainsi ou ne sont pas libres de vivre et d’agir autrement. 

J’ai écrit ce livre parce que je voulais proposer un argumentaire en défense de l’écosabotage et encourager la discussion, mais également apporter des éléments assez précis et concrets sur le volet technique. Ce livre est nourri par des expériences personnelles de terrain, des kits trouvés sur internet et rarement publiés, beaucoup de discussions, et des lectures aussi. C’est un véritable travail de salubrité militante, un outil à disposition des militants, qu’il s’agisse de militants qui doutent de la pertinence de l’écosabotage et que j’entends convaincre de se montrer solidaires, ou bien de militants qui souhaiteraient concrètement s’y mettre !

Pensez-vous que ce type d’alliance va s’intensifier ?

Je le souhaite en tout cas ! C’est une bonne stratégie qui fait suite à plusieurs années de remise en question au sein du mouvement climat. C’est le principe même de la stratégie : quand on essaye et que ça ne marche pas, on en reste pas là, on essaye autre chose, ici l’écosabotage. Le principe, c’est de rester mobile et inventif pour finalement faire avancer les luttes et arracher des victoires sur le terrain.

La période composite dans laquelle on se trouve implique beaucoup d’intersectionnalité, de dialogue, d’échange et de mises en commun. On a vu à Sainte-Soline, sur l’A69 et ailleurs une grande variété dans les profils militants : des syndicalistes, des militants écolo, des anar, des ados motivés, des paysans et la confédération paysanne, des élus… Mais il reste beaucoup à faire, comme le fait d’étendre la conviction de la nécessité de se débarrasser à moyen terme du capitalisme. Si on partage le même ennemi, qu’on a tous envie de pousser dans le même sens et qu’on reste vigilants des erreurs passées, qui sait ce qui pourrait arriver ?

C’est quoi une action de sabotage réussie ?

Une action de sabotage réussie permet, comme d’autres formes d’action directe, de priver l’ennemi de ses infrastructures de reproduction. Dans le livre, je montre que le sabotage n’a pas la fonction logistique qu’il a pu avoir pendant la Seconde Guerre mondiale et les luttes décoloniales au XXe siècle par exemple, celle de priver l’ennemi de ses moyens militaires et de renverser la tendance. Pour l’heure, l’écosabotage reste essentiellement symbolique car le rapport de force est largement asymétrique. Mais mettre des coups de cutter dans la bâche d’une mégabassine, que le plastique soit facile à changer ou pas, que d’autres mégabassines soient construites ou pas, n’est pas une action inutile pour autant. L’une des fonction de l’écosabotage, c’est aussi de créer une fissure dans le mur de la pensée unique, de donner à voir une libération du champ des possibles, et de redonner du courage aux collectifs.

« L’écosabotage n’a aucun sens s’il n’y a pas derrière un mouvement social qui est motivé pour aller chercher autre chose »

Pourquoi dites vous que l’éco-sabotage seul ne suffit pas ?

Je me garde bien de présenter le sabotage comme une sorte de solution spectaculaire ultime… Il faut toujours appréhender le sabotage en synergie avec d’autres formes d’action, violentes ou non. Le retour du sabotage implique cependant, pour les collectifs locaux, de considérer et d’estimer la pertinence effective, à la fois stratégique et logistique, à certains moments et dans certaines luttes, de ce moyen d’action. 

Par ailleurs, l’écosabotage n’a aucun sens s’il n’est pas inscrit dans une perspective de renversement, et une perspective de renversement n’a aucun sens s’il n’y a pas derrière un mouvement social qui est motivé pour aller chercher autre chose. Par exemple, la propagande par le fait, avec ses attentats anarchistes dans le monde entier à la fin du XIXe siècle, fut un échec stratégique. Sans soulèvement populaire qui suit, on reste impuissant… Nous en sommes toujours à la création des conditions d’émergence d’une vraie organisation collective autonome. Il adviendrait ensuite au mouvement de monter petit à petit d’étapes en étapes, pour arriver à la solidification de collectifs autonomes, capables de se défendre.

Face à la répression étatique qui va continuer de s’exercer, il faut se poser plein de questions et mettre des scénarios sur la table. Il faut aussi réfléchir sur le long terme, concrètement : et si qu’on gagne, qu’est-ce qu’on fait ? Le basculement institutionnel radical qui s’impose ne s’improvise pas ! Il faudra plus qu’une dizaine de groupes clandestins pour mettre sur pied le monde demain…

Crédits illustrations : Anaël Châtaignier


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17.07.2024 à 18:46
Philippe Vion-Dury
Texte intégral (2431 mots)

Face au blocage institutionnel dont on ne sait s’il est appelé à durer, des appels en faveur d’une VIe République ressurgissent au sein de la gauche. Entre espoir d’un système plus parlementariste et désir de renverser la table du système représentatif traditionnel, la perspective d’une Constituante ne peut être pensée sans considérer le rapport de force politique actuel.


La « clarification » voulue par Macron, qui l’espérait à son profit, n’a pas eu lieu. Du moins pas sur le plan électoral, la division en trois blocs rendant, au moins temporairement, le pays ingouvernable. Nous assistons pour l’heure à la paralysie du système présidentialiste français issu de la Ve République, et plus largement sur la logique du winner takes all, un type d’architecture électorale pensée pour offrir des majorités franches là où elles n’existent pas toujours et éviter ainsi tant les négociations et les coalitions propres aux systèmes parlementaristes que les situations de crises de gouvernementalité dont la IVe avait fait le triste exemple.

En résumé : l’émergence de trois blocs politiques plus ou moins équilibrés – bloc de gauche, bloc bourgeois et bloc réactionnaire – a mis en échec la Ve. Il n’est pas illogique d’entendre, en conséquence, monter les appels à une clarification non pas politique mais institutionnelle, cette fois. Comme le résume la constitutionnaliste Charlotte Girard, coordinatrice du programme de la France insoumise (FI) en 2017 : « On est peut-être à l’aube d’une révision constitutionnelle majeure ». 

Une intuition qui semble confirmée par la multiplication des appels en ce sens, de la gauche libérale incarnée par Raphaël Glucksmann, qui rêve d’un parlementarisme à l’allemande, jusqu’à la gauche un peu moins réformiste qui entend sortir de la cave les ambitions d’une démocratie participative, à l’instar de Clément Viktorovitch, qui a consacré une vidéo au sujet. Une intuition également confirmée par un sondage récent commandé par Politis, qui a consacré un dossier au sujet : 63% des Française et Français seraient favorables à une nouvelle constitution. 

Une aubaine pour l’écologie ?

L’écologie pourrait-elle sortir grandie d’une rupture institutionnelle ? Dans les demandes de VIe République ou de révision constitutionnelle majeure qui émergent de la gauche, certaines marquent clairement leur désir pour un régime parlementariste, comme de nombreux autres pays européens peuvent connaître. Construire une nouvelle « culture du compromis » à travers des coalitions politiques ad hoc, sur chaque loi, permettrait de faire avancer des dossiers écolos (entre autres) et répondre à l’urgence tout en évitant la « brutalisation » qui empêcherait la discussion sur des termes pacifiés.

Autant le dire immédiatement : on ne voit pas bien ce que ça changerait. Déjà parce qu’il s’agit d’épouser une vision bourgeoise de la politique comme éthique de la pondération, de la modération, valorisant la recherche d’un compromis qui nie trop souvent la dimension profondément conflictuelle et clivante de l’écologie. Ensuite parce que les systèmes parlementaristes européens n’ont en rien prouvé qu’ils étaient en mesure de répondre à l’urgence sociale et écologique, et que la France abrite une des dernières gauches réellement de gauche et écologique d’Europe. Enfin : d’un point de vue électoraliste, les différents systèmes européens n’auraient, à de rares exceptions près, pas réglé le problème de la tripartition. Notons même que le RN aurait remporté la victoire (sinon la majorité absolue) dans la plupart des autres pays européens.

L’option de la démocratie radicale

En revanche, une autre proposition colle bien davantage aux réflexions menées par une partie du camp de l’écologie : l’Assemblée tirée au sort. Par son ancrage localiste, sa culture de l’autonomie, la prise en compte du temps long et des générations futures, ses racines libertaires, ses courants d’influence anarchiste, l’écologie politique est l’espace intellectuel où le dépassement du système de la représentation nationale traditionnelle a été le plus riche ces dernières décennies.

Une réflexion qui s’inscrit dans un débat plus large sur l’héritage de 1789 et même de la démocratie athénienne, et sur les modalités d’expression du demos. Comme le résumait Montesquieu : « Le suffrage par le sort est de la nature de la démocratie. Le suffrage par le choix est de celle de l’aristocratie ». On ne reviendra pas en détail ici sur ce débat historique, et sur le fait que ce que nous appelons démocratie est en réalité une forme d’aristocratie élective qui signe la victoire, lors de la Révolution française, du camp de la représentation sur le camp des démocrates. 

En revanche, qu’elles soient concurrentes ou complémentaires des institutions représentatives, facultatives ou obligatoires, consultatives ou contraignantes, issues de la tradition révolutionnaire ou non, les propositions institutionnelles issues de l’écologie ne manquent pas.

👉 Une chambre de citoyens tirés au sort pour éclairer ou décider pour « ceux qui ne votent pas » (les générations futures), censée intégrer le temps long et dégager un intérêt général excédent les logiques partidaires. Composée en toute ou partie par des citoyens tirés au sort, cette chambre pourrait devenir une troisième chambre ou remplacer le Sénat.

👉 Des conventions populaires « ad hoc », composées de citoyens tirés au sort et réunies localement ou nationalement pour des décisions précises (par exemple des choix énergétiques impliquant une stratégie sur plusieurs décennies, poke le nucléaire). La Convention citoyenne pour le climat (CCC), malgré son mandat relativement limité, fort peu révolutionnaire et soumise à un agenda trop serré, a pu montrer toute la capacité des citoyens à se former rapidement et formuler des propositions bien plus radicales que le camp du soi-disant compromis alors au pouvoir.

👉 Démocratie directe via un municipalisme et un confédéralisme démocratique, comme pensée sous la plume de Murray Bookchin, un des plus grands théoriciens de l’écologie politique. Voire une version davantage dans la tradition « conseilliste », la démocratie des Soviets, dont certains tentent de montrer le potentiel écologique, et qui dessine plutôt la voie vers une Assemblée des assemblées. Voie dans laquelle s’étaient engouffrés certains gilets jaunes.

Nonobstant la diversité des propositions et leur pertinence, deux questions se posent : 

  • un processus constituant est-il envisageable dans le contexte actuel ?
  • un processus constituant est-il souhaitable dans le contexte actuel ?

C’est pas ma faute à moi

Entendons-nous : ce qui suit est de la pure politique-fiction. Mais plusieurs facteurs objectifs et subjectifs laissent penser que la possibilité de voir Emmanuel Macron dégainer le processus constituant n’est pas si loufoque que ça.

Pour ce qui est des raisons objectives : rien, à date, ne garantit un retour à une relative stabilité institutionnelle. Sans coalition entre deux blocs, le gouvernement, qu’importe sa ou ses couleurs politiques, passé quelques mesures par décrets, risque de tomber, et c’est retour à la case départ. Rien ne dit non plus qu’une coalition allant de l’extrême centre à l’extrême droite soit possible (le RN n’y a pas intérêt), ou qu’une coalition allant de la droite du bloc de gauche jusqu’aux Républicains soit une perspective réellement envisagée du côté du PS et d’EELV. La seule solution serait alors de retourner aux urnes dans un an, sans que cela ne garantisse une composition différente de l’Assemblée.

Pour ce qui est des raisons subjectives : Emmanuel Macron est isolé, forcené et pyromane. Sa psychologie, largement décrite par le journaliste Marc Endeweld, nous pousse à ne pas écarter un coup d’éclat. Ni sous-estimer sa capacité à renvoyer la responsabilité à d’autres : si les Français sont incapables de trancher par les urnes, c’est qu’ils veulent changer les institutions. La « clarification » est faite. Et de là à se présenter comme le grand architecte d’une République nouvelle, il n’y a qu’un pas.

Précisons que la constitution de la Ve République ne prévoit de procédure que dans le cadre d’une révision, pas d’une Constituante. En l’absence de procédure précise, et dans l’optique de donner une légitimité au processus comme au texte de la nouvelle constitution, Emmanuel Macron devrait certainement avoir recours au référendum (article 11) pour demander son avis sur la tenue d’un processus constituant, puis, après une année de travail, un second référendum pour voter le nouveau texte.

Rapport de force défavorable…

À trop souhaiter la VIe République, on en oublierait presque de se demander quel contexte présiderait à sa naissance. À commencer par qui va décider de sa composition. Notre constitution actuelle est ainsi le fruit du travail d’un comité d’experts et d’un comité interministériel, rédigée dans un contexte de guerre civile. Rien n’indique que l’Assemblée constituante sera le fruit d’un travail réellement populaire, qu’elle comportera des citoyens tirés au sort, etc. Il va sans dire que la composition peut largement infléchir le résultat final et la capacité d’une nouvelle constitution à rompre avec la précédente, à faire preuve d’inventivité ou de détermination à redonner davantage de pouvoirs au peuple.

Le contexte politique et social, et la capacité du bloc de gauche à influencer ce processus, est aussi douteux. C’est bien d’ailleurs la clef de la stratégie de VIe République avancée par la France insoumise : prendre le pouvoir, redorer le blason de la gauche par des mesures fortes, puis instituer une Constituante qui peut aller dans le sens populaire et progressiste souhaité, avant de se représenter devant les électeurs avec la main haute.

Troisième élément du rapport de force : le pouvoir de nuisance du camp d’en face et particulièrement de la « deuxième peau du système », le camp médiatique. On peut être certain que le scénario d’une Constituante à la composition réellement populaire susciterait l’hostilité d’un système médiatique qui baigne dans une vision élitiste et conservatrice de la politique – Rancière dirait « la haine de la démocratie » et/ou dans la défense des intérêts de leurs propriétaires. L’exemple chilien est riche de mises en garde : suite à un processus constituant inédit, la population a fini par rejeter un texte issu du mouvement social de 2019, qui devait acter la sortie d’une constitution néolibérale taillée par et pour Pinochet. Entre autres causes, mais certainement pas des moindres : une puissante campagne d’intimidation et de contre-feu des médias majoritairement conservateurs.

… ou kairos politique ?

Faut-il désespérer ? Pas nécessairement. Quand bien même la main de départ n’est pas bonne, et quand bien même le modèle parlementariste traditionnel conserve une grande puissance dans le camp de la gauche, un processus constituant resterait une opportunité inédite de rappeler que nous sommes le camp de la radicalisation de la démocratie, loin des subterfuges démocratiques de l’extrême droite, se résumant généralement au référendum, qui cachent en réalité un césarisme qui conduit plus certainement au fascisme.

Ce serait alors une bataille considérable qui attendrait la gauche, contrainte de trouver des relais dans des mouvements sociaux de l’ampleur des Gilets jaunes, qui ont d’ailleurs laissé en héritage des cahiers de doléances dont on saurait quoi faire. Il suffit d’une braise.

Crédits illustration : La plantation d’un arbre de la liberté, Jean-Baptiste Lesueur, 1790, Paris, musée Carnavalet.

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15.07.2024 à 11:04
Fracas Media
Texte intégral (2333 mots)

Tribune collective

Alors que l’Arcom étudie ce lundi 15 juillet la réattribution des fréquences TNT pour la chaîne CNEWS, une centaine d’organisations syndicales, antiracistes, féministes et écologistes lancent  une campagne d’action contre le groupe Bolloré. Si l’on peut se réjouir provisoirement que le Rassemblement National n’ait finalement pas réussi à l’emporter lors de ces élections, celui-ci compte bien poursuivre sa conquête des territoires et des imaginaires. Nous devons, sans attendre de prochaines échéances électorales, unir nos forces contre les vecteurs de fascisation de la société.

Nous appelons en ce sens à mener partout bataille contre Bolloré : parce que c’est un acteur du ravage écologique, de l’exploitation néo-coloniale mais aussi parce qu’il est devenu en quelques années un levier majeur de la conquête du pouvoir par l’extrême droite.

Bolloré, directeur de la propagande

Bolloré met un ensemble toujours plus grand de médias de masse à disposition d’une politique ouvertement raciste. Sur des chaînes, les Éric Zemmour, Pascal Praud et autres commentateurs radicalisés disent qu’ils œuvrent pour une mission « civilisationnelle ». Leur projet est clair : nourrir le fantasme d’une nation pure en organisant la grande re-migration.

Ce projet glaçant suit un plan précis dont Bolloré est devenu l’aiguille et le fil à coudre. Qui Éric Ciotti va-t-il voir avant d’appeler à l’alliance du RN et de LR ? Qui met CNEWS, Europe 1 et Hanouna au service de cette « union des droites » ? Vincent Bolloré. C’est une question d’habitude pour le milliardaire déjà mis en cause pour la manipulation de plusieurs scrutins présidentiels en Afrique. Au-delà du déluge xénophobe, la bollosphère fait chaque jour la promotion de discours sexistes et homophobes légitimant les violences contre les femmes et les personnes LGBTQI+. Elle alimente la négation de la crise climatique et oeuvre sans relâche à ce qu’il ne soit pas fait obstacle à ceux qui tirent profit de la dévastation écologique. Bolloré est en guerre pour l’hégémonie culturelle, la conquête des imaginaires et la fabrique du consentement au pire. Si le RN est passé tout prêt de gagner les élections et prendre le pouvoir, c’est en partie son œuvre. Il est la cheville ouvrière de l’union des droites, de l’alliance objective entre le bloc libéral et le bloc néo-fasciste. Cette alliance colle parfaitement à ses intérêts de classe et à ses convictions politiques.

Bolloré, un empire industriel climaticide, néo-colonial et sécuritaire

Pour tirer les ficelles, il faut s’en donner les moyens. Avant de se révéler propagandiste en chef, Bolloré est bien un capitaine d’industrie. Il dirige un groupe international aux multiples filières dont les activités se divisent en plusieurs branches.

  • La plus connue est la branche « communication » avec Vivendi et Universal. En 20 ans, Bolloré a patiemment construit sa machine à communiquer et façonné les esprits. Journaux gratuits, instituts de sondage, groupes publicitaires, puis chaînes de télévisions, radios, magazines et maisons d’édition. Avec la brutale prise de contrôle de Canal + et Europe 1, les licenciements massifs à I-Télé et la montée de CNEWS, ce puissant appareil s’est mis de plus en plus ouvertement au service des idées les plus réactionnaires. Les sanctions financières de l’Arcom, (instance de régulation de l’espace audiovisuel), suite aux multiples appels à la haine, visées monopolistiques, et à la partialité des médias du groupe, n’ont fait jusqu’alors ni chaud ni froid à Bolloré (voir ici et ). Il possédera bientôt l’édition de la moitié des livres de poche et plus de 70% des livres scolaires du pays. L’impact possible sur ce secteur en cas de ministre de l’éducation d’extrême droite est tout simplement alarmant.
  • La branche historique est la branche industrielle, qui se concentre autours de Bolloré Energy, qui détient plusieurs dépôts pétroliers, vend du fuel domestique, et de Blue, qui rassemble des activités liées aux flux de déplacements et de données. Il est sans surprise un acteur majeur de diverses entreprises qui ont pour point commun le développement et l’automatisation des moyens de surveillance en tous genres : automatisation du contrôle d’accès et de la gestion des flux (Automatic Systems), sécurisation de l’espace public (Indestat), puces RFID et tracking (Track & Trace), conseil en numérique au service de la ville connectée (Polyconseil)…
  • Sa branche logistique en a fait un des poids lourd du fret aérien, maritime et routier mondial, organisant le transport de marchandises aux dépends des productions locales, des conditions de travail comme du climat. La vente récente de ce pôle à CMA CGM, patrons pour leur part de BFM-TV et RMC, a offert à Bolloré les moyens d’influencer considérablement la politique française.
  • Enfin, une grande partie des profits de Bolloré se fait depuis sa branche « agricole ». Il a bâti sa fortune sur la culture et la vente de tabac en Afrique. Outre ses domaines viticoles de prestige en France, il est le second actionnaire de la holding luxembourgeoise Socfin qui contrôle environ 390 000 ha de concessions de palmiers à huile et d’hévéa en Afrique et en Asie. Déforestation, spoliation des terres, mauvais traitement des populations riveraines, conditions de travail inhumaines, etc. Malgré la procédure judiciaire en cours pour ces violations répétées des droits humains sur ses plantations, malgré la reconnaissance formelle de ces violations par diverses institutions financières, malgré des missions d’évaluation commanditées par Socfin auprès de la Earthworm Foundation pour « réfuter ces accusations » mais qui n’ont pu que constater et prendre acte de la réalité des violations, Socfin n’en continue pas moins de prospérer en toute impunité.

Bolloré est de tous les ravages. C’est un groupe fondé sur un système colonial qui perpétue sciemment des pratiques esclavagistes. C’est un industriel qui fait son profit des logiques extractivistes les plus dévastatrices. C’est un expropriateur de terres. Un patron menant pour ses employé·es de violentes politiques de casse sociale et de terreur managériale. Son empire est tentaculaire. Mais pour celleux qui estiment qu’il est temps d’y mettre fin, cela signifie une chose. Il est possible de nous rassembler en un large front à la fois syndical, social, écologiste, féministe, décolonial, antifasciste et international.

Désarmer le groupe Bolloré

Ces dernières années, sur le terrain des luttes écologiques, des campagnes d’actions internationales contre des industriels comme Lafarge-Hocim ou Total ont vu le jour. Des collectifs antifascistes, présents dans de nombreuses villes, quartiers populaires et territoires ruraux, ont mené une résistance de terrain. Les derniers mouvements sociaux ont démontré qu’un syndicalisme combatif existe toujours. De larges mobilisations féministes et LGBTQI+ prennent les rues. Des mouvements dévalidistes nous appellent à substituer une culture du soin au culte de la force. De mouvements antiracistes et décoloniaux luttent au quotidien dans les quartiers populaires. Des réseaux de solidarité œuvrent à maintenir des territoires d’accueil pour les personnes exilées. Bolloré est une menace pour nous toustes. Mais ensemble, nous sommes fort.es d’une immense expérience de lutte. Nous appelons donc à une campagne commune – dans les prochaines, semaines, mois et années – pour démanteler l’empire Bolloré.

Alors qu’il bâillonne la critique de ses activités dans ses propres médias, nous appelons à enquêter minutieusement sur son empire, à regrouper des témoignages, à ce que des infos fuitent en son sein et à les regrouper, à afficher partout ses crimes, dans les rues, sur les réseaux et dans ses entreprises.

Son agenda politique s’attaque aux vies de millions de personnes. Nous y répondrons dorénavant par des mobilisations, de masse ou décentralisées, qui pointent le groupe et l’impactent concrètement.

Bolloré ne s’incruste pas seulement dans nos cerveaux, il est souvent présent matériellement – avec ses bureaux et entrepôts – à côté de chez nous. De multiples actions sont possibles si nous les menons ensemble. Bloquons ses plateaux télés, occupons ses dépôts pétroliers, soutenons les luttes syndicales à l’intérieur de ses entreprises et médias, vendangeons ses vignes, redistribuons son fuel domestique à celleux qui galèrent à se chauffer, traquons le traceur, tissons des alliances internationales, organisons des boycotts, virons ses chaînes de la TNT et soutenons la création et l’assise de contre-pouvoirs médiatiques puissants !

L’extrême droite croit sous perfusion de Bolloré, ensemble coupons-lui les vivres !

Signataires de l’appel
 
Nationaux :
Action Justice Climat
Action Non-Violente COP21 (ANV-COP21)
Alternatiba
Anti-Tech Resistance
Association Handi-Social
Attac France
Avis de Tempête
BLOOM
Collectif Vietnam Dioxine
Contre-attaque
Decolonial Film Festival
Extinction Rebellion France
Fédération SUD-Rail
Front de la jeunesse en lutte
Ingénieurs Sans Frontières France
Le Printemps du CARE
Les Soulèvements de la terre
Makery.info
Palestine Action France
PEPS (pour une écologie populaire et sociale)
ReAct Transnational
Riposte Alimentaire
Scientifiques en rébellion
SNJ Cgt
SNJ-CGT
Survie
Terres de luttes
Union Syndicale Solidaires
Vous N’êtes Pas Seuls (VNPS)

Locaux :
Action Antifasciste Deux Sevres
Action Antifasciste La Roche-Banlieue et Bastyon de Résistance
Action antifasciste Paris – banlieue
Action Antifasciste Tolosa
Alerte Pesticides Haute Gironde
Assemblée Populaire d’Auxerre
Association L’Offensive
ATTAC 17 (Association locale de Charente Maritime )
Attac 33
Attac 85 et GP2ï (Grands Projets Irresponsables et Imposés)
Bibliothèque Fahrenheit 451
CNT 34 ESS
CNT-STAF29
CNT66
CNT ETPICS66
Collectif Alsace des luttes paysannes et citoyennes
Collectif Bassines Non Merci 79
Collectif transitions périgord noir
Cristal
Émancipation 17
Groupe la sociale fédération anarchiste de rennes
Je dis en scène !
L’Antivol
La Carmagnole (Montpellier)
La Gang de La Boisselière
Mort aux rats !
Nous Toutes 35 Rennes
Sainté Debout
Section Antifasciste Montreuil Bagnolet & Alentours (SAMBA 93)
Stop Fessenheim
SUD Education 17
UNION LOCALE CGT NANTES
UNION syndicale Solidaires 44
Université Populaire Pour La Terre Tours
Vie Pays Environnement

Comités locaux des Soulèvements de la terre :
Comité SDT (08-51)
Comité SDT Yonne (89)
Comité SDT Alpes-Maritimes
Comité SDT Alsacien
Comité SDT An Oriant
Comité SDT Annecy (74)
Comité SDT Bouches-du-Rhône
Comité SDT Bruxelles
Comité SDT Chalon sur Saône + (71)
Comité SDT Corrèze
Comité SDT Creuse (23)
Comité SDT de l’Allier (03) – l’Allier se soulève
Comité SDT Doué-Montreuil Bellay
Comité SDT du Layon
Comité SDT du Pays de Redon
Comité SDT Eure
Comité SDT Forez
Comité SDT Gers
Comité SDT Grenoblois
Comité SDT IDF
Comité SDT Indre (44)
Comité SDT Irwazh
Comité SDT Kerne Quimper
Comité SDT Lille
Comité SDT Limoges
Comité SDT Local alsacien
Comité SDT Loire 49
Comité SDT Mayenne
Comité SDT Montpellier
Comité SDT Nantes
Comité SDT Nevers (58)
Comité SDT Paris Sud
Comité SDT Pontarlier
Comité SDT Quimperlé-Concarneau
Comité SDT Renne
Comité SDT Rochelais
Comité SDT Romans
Comité SDT Saint Nazaire, Estuaire
Comité SDT Saumur
Comité SDT St Cere
Comité SDT Sud (77)
Comité SDT Sud Vilaine
Comité SDT Sud-Grésivaudan-Royans-Vercors
Comité SDT Tours

Groupes locaux d’Extinction Rebellion :
Extinction Rebellion Angers
Extinction Rebellion Aude
Extinction Rebellion Auxerre
Extinction Rebellion Chambery
Extinction Rebellion Grenoble
Extinction Rebellion Mont Blanc
Extinction Rebellion Montagne Noire
Extinction Rebellion Quimper
Extinction Rebellion Strasbourg
Exctinction Rebellion Poitiers
Extinction Rebellion Foix et alentours

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  Bon Pote
Actu-Environnement
Amis de la Terre
Aspas
Biodiversité-sous-nos-pieds

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Canopée
Décroissance (la)
Deep Green Resistance
Déroute des routes
Faîte et Racines
Fracas
France Nature Environnement AR-A
Greenpeace Fr
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La Terre
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Motus & Langue pendue
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