Le Lierre
La proposition de loi “TRACE” discuté mi-mars prochain au Sénat propose d’instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation des sols concertée avec les élus locaux. Dans la perspective des débats parlementaires, le groupe Aménagement du territoire du Lierre analyse – dans cette tribune parue dans la Gazette des communes – les enjeux du ZAN et les inconvénients apportés par cette proposition de loi qui détricote dangereusement le cap nécessaire de la sobriété foncière.
N’oublions pas les raisons d’être du ZAN : Les sols sont le support et le lieu d’habitat de la biodiversité, ils nous nourrissent, ils régulent les bioagresseurs et les maladies, préservant la santé des plantes, ils régulent le cycle de l’eau, ses flux et sa qualité, prévenant les inondations et nous donnant accès à de l’eau potable ; ils captent le carbone. L’artificialisation galopante qui détruit les sols pose un vrai risque dont nous mesurons aujourd’hui parfaitement les conséquences – sans parvenir encore à en traiter l’origine. En France, plus de 20 000 hectares de sols sont artificialisés par an1.
Le ZAN devrait être un impondérable parce qu’il permet de préserver une ressource essentielle qui ne l’était pas suffisamment jusqu’à présent : l’assouplissement prévu dans la proposition de loi sénatoriale est contre-productif, ne faisant que reporter la nécessité d’agir.
Ainsi entre autres mesures, la proposition de loi “TRACE”2 prévoit non seulement de supprimer l’objectif intermédiaire de réduction de moitié de l’artificialisation d’ici 2030, mais elle va jusqu’à modifier la définition juridique de l’artificialisation : non plus “l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol”, mais seulement “la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers”. Cette reformulation appauvrit le sens du ZAN et ignore la dimension qualitative de la fonction écologique des sols.
Plutôt que d’abroger l’objectif intermédiaire à 2030 initial, il faudrait concentrer tous les efforts sur les moyens – techniques et financiers – à trouver pour l’atteindre.
L’argument des « maires bâtisseurs »
Comme ses prédécesseurs, le Premier ministre a promis de soutenir les « maires bâtisseurs » lors de sa déclaration de politique générale le 14 janvier 2025. Mais cette vision, quelque peu désuète et décalée au regard des enjeux actuels, mérite d’être remise en question.
Le développement du territoire et la mise en œuvre de nouveaux projets ne doit plus se traduire systématiquement par la consommation d’espace et l’artificialisation des sols.
L’attractivité d’un territoire passe également par l’amélioration du cadre de vie et donc par le réusage et la rénovation du bâti et des espaces urbains existants. Il faut donner les moyens aux élus de favoriser à chaque fois des approches alternatives, comme la densification urbaine et la requalification. En prenant en compte les enjeux locaux, les besoins réels en logements et la nécessaire réindustrialisation des territoires, il faut pouvoir arbitrer et innover non pas contre, mais dans le cadre du ZAN.
Ces solutions sont souvent plus complexes et plus coûteuses, certes, mais seulement si on en a une approche à court terme. Il faut changer nos manières de faire en nous adaptant à cette nouvelle trajectoire de l’aménagement, qui peut d’ailleurs favoriser la créativité et l’émergence de nouveaux métiers et de nouvelles filières.
Il ne s’agit pas d’éluder les difficultés de mise en œuvre du ZAN bien réelles, mais ce qu’il faut savoir c’est que des solutions existent et doivent être expérimentées, y compris pour adresser la diversité des contextes territoriaux des collectivité : plusieurs associations et instituts ont déjà fait des propositions concrètes d’outils fiscaux, techniques et juridiques pour y répondre.
De fait, plusieurs territoires ont déjà fait d’immenses progrès dans le domaine de la sobriété foncière et de la préservation des sols, les retours d’expériences réussies en ce domaine ne manquent pas. On peut à ce titre mentionner les cinq régions (Bretagne, Normandie, Bourgogne Franche-Comté, Nouvelle Aquitaine, Hauts-de-France) qui ont déjà adopté la mise à jour de leurs schémas d’aménagement (SRADDET).
Malheureusement, la position de cette PPL fait l’inverse : partir de l’existant, ne rien changer, en dépit du fait manifeste que tout change autour de nous. C’est un retour en arrière. Il semble pourtant incohérent de vouloir conserver des manières de faire héritées de la France des années 1970 quand le béton coulait à flot, les matériaux étaient peu chers et le pétrole abondant. Face aux défis actuels, le gouvernement en tant que garant de l’intérêt général, doit pouvoir faire preuve de vision, d’ambition et de courage politique. Les aléas climatiques, l’extinction de la biodiversité, les conflits d’usages, ne disparaîtront pas magiquement en mettant le ZAN sous le tapis.
Améliorer, pas affaiblir
Détricoter le ZAN, c’est également balayer d’un revers de manche les efforts réalisés par les nombreux acteurs dans les régions, les communes, les métropoles, les instances déconcentrées…qui ont œuvré depuis 2021 pour le mettre en œuvre.
C’est le rôle de l’État et du service public que d’avoir une vision ambitieuse des efforts à fournir tout en donnant de réels moyens aux collectivités pour la mettre en œuvre. Des élus locaux se sont exprimés en ce sens dans une tribune récente, demandant à ce qu’il n’y ait pas de retour en arrière.3
Le mérite du débat actuel autour du ZAN est qu’il met en lumière une interrogation plus profonde : à quand la fin du pointillisme politique et de la multiplication des plans et programmes sans cohérence les uns avec les autres ?
Quand serons-nous capables de construire avec les collectivités territoriales une stratégie d’aménagement du territoire suffisamment ambitieuse pour faire face aux enjeux actuels, économiques, démographiques et écologiques ?
Il est temps que l’État affirme, au côté des collectivités territoriales, un rôle plus fort en faveur de la régulation et de la préservation des espaces naturels, en adressant les contradictions manifestes. Cela nécessite une vision claire, qui ne cède pas face aux pressions ou aux résistances, mais qui place l’intérêt général au cœur de ses décisions.
Une tribune du Groupe de Travail Aménagement et Territoire du Lierre
à retrouver sur le site de La Gazette
Le Lierre
Comment faire évoluer les compétences et métiers des agents publics à l’aune des transitions écologiques et sociales ? Comment intégrer la transition écologique dans le dialogue social ? Peut-on améliorer l’attractivité de l’emploi public, en valorisant l’engagement écologique des agents ?
Mardi 18 mars a eu lieu une conférence de lancement de notre guide « RH & Transition Écologique », co-rédigé par le groupe de travail RH du Lierre et FPTE.
Retrouvez ci-dessous le compte-rendu écrit de l’événement de lancement ainsi que le replay
Découvrez et téléchargez ici le guide 👇
☘️ La transition écologique ne peut pas se faire contre, ou sans les agents ; elle doit au contraire se faire avec eux.
Responsables de la gestion des agents, les DRH ont un rôle-pivot permettant ou facilitant l’engagement écologique de toute la structure administrative pour laquelle elles travaillent.
Le guide pratique « les DRH au service de la transition écologique » interroge, avec de nombreux exemples et suggestions à l’appui, chacune des fonctions de gestion des ressources humaines sous l’angle de la transition écologique.
1️⃣ Dans une première partie, il propose en 6 chapitres une planification RH de la transition écologique :
1. comment repenser l’organisation à l’aune de la transition écologique,
2. comment identifier les compétences et faire évoluer les métiers,
3. comment recruter les personnels dotés des compétences nécessaires et les fidéliser,
4. comment orienter la masse salariale vers la transition écologique,
5. quelles adaptations du temps de travail adopter,
6. et comment intégrer la transition écologique dans le dialogue social.
2️⃣ La deuxième partie se penche, en 5 chapitres, sur l’accompagnement des agents pour la transition écologique :
7. le développement des parcours individuels et collectifs (plan de formation) de formation pour la transition écologique,
8. la valorisation de l’engagement écologique des agents,
9. le développement de la Qualité de Vie et des Conditions de Travail grâce à la transition écologique,
10. la prise en compte de l’impact des crises écologiques dans la prévention des risques physiques et psychosociaux,
et 11. la mise en place d’une action sociale écologique.
Le chapitre conclusif revient sur les interconnexions entre la DRH et les autres directions, et le rôle-pivot de la première pour la mise en œuvre de la transition écologique dans la structure administrative concernée.
Les mesures évoquées dans ce guide pratique sont possibles à droit constant.
Cependant, les auteurs suggèrent aussi quelques évolutions normatives qui faciliteraient la mise en ouvre RH de la transition écologique.
Retrouvez ci-dessous le compte-rendu écrit de l’événement de lancement ainsi que le replay 👇
🎦Replay de l’événement :
👉 Compte-rendu complet de l’événement de lancement :
Ce guide a fait l’objet de plusieurs mentions dans la Presse : sur Acteurs publics le 19 février, dans la Gazette des communes le 21 février, sur la plateforme Weka.fr, ainsi que sur le site de l’INSP (ex-ENA).
Les rédacteurs ont également pu présenter ce guide à l’occasion de 2 événements de la communauté RH de la fonction publique :
Le Lierre
« ADEME, OFB, Agence Bio : depuis plusieurs semaines, ces trois structures sont ciblées de façon très marquée par une partie de la classe politique. Celle-ci, invoquant notamment le contexte budgétaire, demande la diminution des prérogatives de ces opérateurs et, pour l’Agence Bio, sa disparition, matérialisée par un vote au Sénat.
Nous, agents publics impliqués dans la transition écologique de nos modèles agricoles et alimentaires, pointons les risques de ces propositions, qui menacent la dynamique fragile de transition agro-écologique et l’accompagnement de nos agriculteurs face aux défis environnementaux, sans répondre pour autant aux enjeux budgétaires et d’efficience de l’action publique.
Nos systèmes agricoles sont intrinsèquement dépendants d’un climat stable et d’écosystèmes en bonne santé.
Face aux conséquences déjà visibles des crises environnementales, une transition massive vers des solutions agroécologiques prometteuses, couplée à une évolution de notre alimentation, sont nécessaires. Elles seules garantiront notre santé et notre sécurité alimentaire, la protection de nos écosystèmes et la pérennité économique de notre agriculture. Dans un contexte troublé pour la transition agroécologique (restrictions budgétaires, normes agro-environnementales contestées, difficultés économiques des exploitations freinant leurs investissements verts…), protéger les acteurs et agents publics qui accompagnent le monde agricole face à l’urgence environnementale doit être une priorité absolue pour pérenniser les dynamiques balbutiantes de transition.
Ces éléments n’ont malheureusement aujourd’hui que peu de poids face aux arguments budgétaires. Or, si un débat sur l’agenciarisation de l’État, ses coûts, et le contrôle de ses opérateurs, mérite d’être posé au vu de l’état de notre démocratie et de nos finances publiques, cibler ces trois agences semble peu compréhensible au vu de leurs performances récentes. Affaiblir ou supprimer ces opérateurs ne se soldera ni par une augmentation de l’efficience de l’action publique, devant guider les choix budgétaires actuels, ni par de réelles économies budgétaires de court terme, ni par des gains à long terme. Cela risque même d’augmenter les coûts de l’inaction environnementale qui grèvent toujours plus les budgets de l’État (coûts de dépollution de l’eau, de santé, de soutien des agriculteurs face aux aléas climatiques…).
Fragiliser ces opérateurs fait aussi planer le risque d’une dégradation du service rendu à nos agriculteurs en pleine crise. Les expertises techniques et de gouvernance partenariale de ces structures au service du monde agricole ne seront pas intégralement reprises, si elles sont diluées dans les actions déjà gérées par FranceAgriMer ou le ministère de l’Agriculture.
Supprimer l’Agence Bio pourrait fragiliser durablement le rôle de force d’entraînement de la filière bio pour nos filières agricoles dans les transitions agroécologique et alimentaire, et l’écosystème partenarial bio construit depuis la création du logo AB en 1985 par le Ministère de l’Agriculture. Cela risque de détruire l’efficience de l’action publique sur le bio, fondée sur une expérience de l’Agence consciencieusement acquise depuis plus de 20 ans et un accompagnement sur-mesure de la filière que ses agents mettent en œuvre : son efficacité et celle du travail de ses salariés ont justement été soulignées par la Cour des comptes en 2022. Le licenciement de ses employés sera brutal, et occasionnera une perte majeure de compétences pour l’Etat qui mettront des années à être reconstruites. Comme l’attestent les réactions unanimes du monde agricole et de l’agroalimentaire ces derniers jours, l’hypothèse d’une disparition de cette agence fait aussi craindre un éloignement et une standardisation de l’accompagnement de l’État au secteur, alors que la filière bio est en cours de rémission d’une crise très violente.
Ces arguments sont aussi valables pour l’ADEME, qui portait à elle seule en 2022 deux-tiers des aides de l’État aux entreprises sur la transition écologique. L’inspection générale des finances invitait d’ailleurs en 2023, à faire de l’ADEME “le maître d’ouvrage privilégié des aides à la transition écologique des entreprises” en soulignant son expertise reconnue en matière environnementale, permise par le travail et l’engagement professionnel de ses agents.
L’affaiblissement de l’ADEME menace d’entraîner une perte de compétences unique de l’État sur les enjeux environnementaux, dont ceux de transition agro-écologique (agrivoltaïsme, valorisation des haies, diagnostics climatiques de fermes…). Veut-on vraiment priver le monde agricole, percuté par les crises environnementales, de l’expertise cruciale de cette agence ?
Quant à l’OFB, vouloir son affaiblissement indique une méconnaissance de l’histoire et du rôle majeur de cet opérateur. Cette structure, issue d’une fusion récente (2020) de deux opérateurs, a déjà permis de diminuer le nombre d’opérateurs publics. Son action est décisive sur le plan environnemental, la Cour des comptes reconnaissant en 2024 que l’objectif lui ayant été assigné à sa création était atteint, malgré la complexité de la tâche.
Affaiblir l’OFB mettrait en péril l’exercice de ses missions, dont la préservation de la qualité de l’eau et des écosystèmes essentielle à une agriculture saine, à notre sécurité alimentaire, à notre santé, et surtout à celle des agriculteurs très exposés aux pollutions en milieu rural.
Dans un triple contexte de crise environnementale, agricole et budgétaire, nous exprimons et apportons tout notre soutien à nos collègues et au travail fait par ces trois acteurs reconnus pour l’impact et l’efficience de leurs actions, au contact quotidien du monde agricole et essentiels pour la transition agroécologique, notre sécurité alimentaire et notre santé collective.
Nous appelons à ce que les arbitrages sur le devenir de ces structures continuent de porter ces priorités collectives de transition écologique et de santé ».
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Signatures :
Le Lierre
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