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Nous vivons actuellement des bouleversements écologiques inouïs. La revue Terrestres a l’ambition de penser ces métamorphoses.

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13.11.2025 à 14:51

Après le feu : traverser la catastrophe et réinventer un territoire qui répare et nourrit

La rédaction de Terrestres

Texte intégral (1328 mots)
Temps de lecture : 4 minutes

Avec 17 000 hectares brûlés, l’incendie du massif des Corbières de l’été 2025 a été le pire incendie depuis plus de 50 ans sur le pourtour méditerranéen et le deuxième plus grand incendie de forêt en France depuis 1949. Cet événement hors-norme pourrait être amené à devenir rapidement la norme et accéler les régressions sociales et politiques en cours. Pour déjouer ce pronostic, il est essentiel d’en comprendre les ressorts profonds afin d’en tirer des orientations pratiques et politiques. 

Feu depuis la ferme de saint mertin, août 2025. Crédits : Nicolas Mirouze.

Cette première rencontre de la revue Terrestres de la saison 2025-2026 pour cette saison réunira acteurs impactés et anthropologues pour une table-ronde qui abordera le sujet sous trois angles. 

Le premier reviendra sur le déroulé des incendies de l’Aude pour comprendre la catastrophe de l’intérieur afin d’aller au-delà de l’événement spectaculaire et désincarné. Les récits depuis le collectif du Tiers-lieu paysan Beauregard, représenté pour cette soirée par Nicolas Mirouze, un de ses initiateurs, vigneron à Beauregard dans les Corbières et sociétaire de l’Atelier Paysan, permettra de partager des expériences de ces quinze jours de feux intenses, pendant et après le désastre. Il restituera les multiples initiatives d’auto-organisation, de soin et de solidarité qui ont permis d’abord d’arracher des terres, des vies, des animaux et du matériel au désastre. Quels sont les gestes, les inventions et les réseaux qui ont permis de se coordonner et de lutter contre l’incendie ? Après la catastrophe, quelles initiatives, alliances et ressources insufflent désormais une dynamique politique d’entraide et de régénération ? Pour quels usages des sols et pour quel territoire ?

Quels sont les gestes, les inventions et les réseaux qui ont permis de se coordonner et de lutter contre l’incendie ?

Pour compléter ce premier temps de la discussion, l’anthropologue Sandrine Revet, qui travaille de longue date sur les situations de catastrophes, soulignera les dynamiques sociales que l’on retrouve généralement dans ce type de circonstances,  notamment le passage de la sidération à la solidarité.

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Le deuxième axe permettra d’élargir d’enrichir cette approche avec le travail d’enquête d’Elise Boutié sur les « mégafeux » Californiens, notamment celui de 2018 Camp Fire. L’anthropologue, qui a mené un travail ethnographique reviendra sur l’expérience des habitants au cours des incendies. Son riche travail d’enquête permettra de comprendre le moment de l’évacuation, de la conscience du désastre et de la perte, ainsi que du rapport au territoire et aux forêts désormais calcinées.

Déblayage d’un abri. Crédits : Isabelle Haelvoet/Nicolas Mirouze.

Le troisième axe invitera à repenser et réorienter un « modèle agricole » à bout de souffle et les manières d’habiter la terre. Le tiers-lieu paysan a proposé, dans une tribune publiée juste avant le grand feu de l’été, de « reprendre la terre aux grands feux ». La question posée en effet est structurelle, elle a été accélérée par les feux de l’été : quel est le contenu de cette proposition portée par plusieurs voix et collectifs du territoire ? Ils et elles défendent l’importance d’une agriculture paysanne capable de retrouver sa place dans les friches abandonnées et les terres livrées au feu. Ils plaident notamment pour la structuration d’une filière d’élevage extensif dans l’Est Audois : « Cette dynamique doit être portée massivement, auprès de l’ensemble des collectivités, des propriétaires fonciers, des syndicats viticoles, des fédérations de chasse et des pompiers. » 

Au lieu de la monoculture qui ruine les sols et les paysans, c’est à partir d’une diversité de pratiques et de productions, dont un pastoralisme extensif et maîtrisé, qu’un ensemble de chemins sont à explorer. Enclencher une autre dynamique écologique et sociale est vitale pour mieux résister aux incendies, à la sècheresse installée depuis plusieurs années, et pour revivifier un territoire brûlé et déjà meurtri par la crise viticole et paysanne.

Lire aussi | Reprendre la terre aux machines. Manifeste de la coopérative L’Atelier paysan・L’Atelier Paysan (2021)

Une récente simulation montre qu’aujourd’hui la région Grand Narbonne ne pourrait nourrir que 24% de la population par ses terres agricoles, tandis que le nombre de paysan.es-agriculteurice est en très forte baisse. Une bifurcation agro-écologique privilégierait les cultures de céréales en rotation là où c’est possible. En zones irrigables et sur des sols adaptés, c’est la culture maraîchère et l’arboriculture qui pourraient trouver leur place. L’implantation d’une filière d’élevage paysanne participerait à l’autonomie alimentaire territoriale. Pour enclencher ce renouveau, une action collective de régénération des sols mis à nu par les feux a déjà été réalisée sur 300 quelques centaines d’hectares cet automne grâce à la campagne « Refleurir les Corbières », organisée depuis le Tiers lieu de Beauregard par la coordination Corbières solidaires grands feux.

Déblayage d’une serre. Crédits : Isabelle Haelvoet/Nicolas Mirouze.

Cette rencontre organisée par la revue Terrestres et l’Académie du climat devrait permettre de mieux penser ce qui nous arrive et de dessiner des voies pour nous organiser collectivement face au capitalisme de la catastrophe et à la destruction des conditions de la subsistance.

Les récits d’expériences et les analyses depuis le domaine viticole Beauregard et le Tiers Lieu paysan, une ferme située à proximité des différents incendies de l’été 2025, le regard anthropologique et réflexif à partir de différentes expériences de catastrophes et l’éclairage depuis les méga-feux californiens offriront des antidotes au fatalisme et à l’indifférence rampante.

Le jeudi 11 décembre 2025 de 19h à 21h30, à la Salle des mariages de l’Académie du climat (2 place Baudoyer 75004 Paris).

Entrée libre, inscription souhaitée, disponible en cliquant ici.

Sur place, retrouvez un stand de la revue Terrestres.

Crédits de la photo d’ouverture : Isabelle Haelvoet.


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