19.11.2025 à 16:21
L’IA générative, un moyen de développer l’approche par compétences
Texte intégral (1136 mots)
En aidant à personnaliser les parcours, l’intelligence artificielle enrichit la dimension interactive des dispositifs d’apprentissage, permettant à l’approche par compétences de se déployer pleinement.
Si les changements débutés dans l’enseignement avec et par le numérique constituent depuis leur émergence un phénomène intéressant à étudier, la sortie de ChatGPT 5 (GPT-5), le 7 août 2025, par OpenAI, donne à ces questions de recherche une acuité particulière. Les évolutions des pratiques éducatives se sont en effet considérablement accélérées ces derniers mois, laissant une plus large place aux outils technologiques issus notamment de l’intelligence artificielle (IA) générative.
Les enseignants, les élèves, les étudiants et les responsables de formation se sont emparés de ces nouvelles conditions de transmission d’informations, et de partages d’idées.
Cette palette d’outils peut-elle aider à développer de nouvelles manières d’envisager les apprentissages, en privilégiant une approche par compétences ?
L’approche par compétences, une démarche en pleine mutation
L’approche par compétences a pris forme avec le texte de cadrage national des formations conduisant à la délivrance des diplômes nationaux de licence, de licence professionnelle et de master, en 2014. Elle a été complétée, en 2018, par l’arrêté relatif au diplôme de licence et, en 2019, par celui relatif au diplôme de licence professionnelle.
Cette approche impulse des changements nouveaux et profonds dans les universités. Elle se définit comme un mode de conception de l’enseignement qui tente de dépasser certaines limites de la pédagogie par objectifs.
Pour les enseignants, les changements associés à l’approche par compétences se situent notamment dans les modalités de transmission des connaissances et de l’aide apportée à chacun des étudiants. Au niveau des modalités de transmission, l’approche par compétences apparaît comme un mouvement où les objectifs d’enseignement ne se définissent plus comme des contenus à transmettre mais plutôt comme des capacités d’actions qu’un apprenant doit développer afin de pouvoir accomplir ses activités dans une situation professionnelle.
Confronté à ces situations professionnelles nouvelles, l’étudiant est amené à appréhender ses propres besoins en termes de savoirs, savoir-faire et savoir-être pour ensuite mettre en place une démarche de sélection de connaissances personnelles (déjà acquises), de recherches documentaires et de questionnements auprès de professionnels.
Des exemples d’usages de l’IA générative, pour les apprenants
D’abord, dans des activités stimulant l’apprentissage par la découverte, l’apprenant peut explorer et questionner. Il peut par exemple demander à une IA générative de lui proposer des situations propres à un métier, celui qu’il envisage, afin de lui permettre d’entrevoir toute leur diversité, mais aussi de s’entraîner dans la formulation d’hypothèse de résolution pour chacune d’entre elles.
Ensuite, l’apprenant peut demander à l’IA de lui donner des exemples de métiers en lien avec ses propres compétences, qu’il aura lui-même identifiées. Attention, il ne s’agit pas d’imposer un métier en particulier mais plutôt de le renvoyer vers des métiers possibles. Restera à sa charge alors, la nécessité de vérifier les missions associées à ces métiers et les compétences qui lui sont rattachées.
Enfin, ChatGPT peut l’aider à « apprendre à apprendre » en lui permettant de planifier ses révisions (« Quelles sont tes priorités ? »), d’identifier une répartition du temps (« Quels sont tes temps de pause ? »), d’envisager une méthode de travail (« Qu’as-tu trouvé facile aujourd’hui ? », « Pourquoi ? », ou « Aurais-tu pu faire différemment ? »), de bénéficier d’un encouragement dans la formulation d’objectifs personnels (« Que veux-tu comprendre aujourd’hui ? », « Quel était ton objectif du jour ? », « Es-tu fier de toi ? »)
Des exemples d’usages de l’IA générative, pour les enseignants
D’abord, des scénarios pédagogiques peuvent être envisagés à partir de données originales, amenant les enseignants à proposer des escape games (jeux d’évasion), quiz, jeux de société ou encore des contextes immersifs, propres à un métier ciblé par la formation.
Ensuite, des pratiques d’usage d’IA génératives peuvent proposer des activités visant à développer des compétences que l’apprenant a lui-même sélectionnées, celles que cible l’enseignant, mais aussi de répondre à des questions en lien avec un concept particulier qui n’aurait pas été compris en classe.
En analysant plusieurs supports, les outils d’IA peuvent aider à identifier des besoins collectifs (sur une même classe) ou encore créer des supports de formations, des explications, des retours sous différents formats (textes, podcasts, vidéos et montages d’images), adaptés à différents apprenants ou groupes d’apprenants.
Enfin, l’enseignant peut envisager de proposer des activités visant l’esprit critique, en utilisant différentes méthodologies de création de prompts, en comparant les résultats de plusieurs IA tout en développant la capacité d’argumentation.
Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a eu lieu du 3 au 13 octobre 2025), dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition porte sur la thématique « Intelligence(s) ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.
Chrysta Pelissier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
19.11.2025 à 14:57
Comment les spectateurs des événements sportifs réagissent-ils face aux sponsors « polluants » ?
Texte intégral (1712 mots)

La présence de Coca-Cola aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 et celle de Dacia à l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB) ont cristallisé les critiques. Ce qui est en jeu pour les organisateurs d’évènements sportifs : trouver un équilibre entre critères financiers, avec l’apport de ces marques commerciales, et environnementaux.
Alors que les grands événements sportifs internationaux (GESI) affichent des objectifs environnementaux ambitieux, la cohérence entre ces engagements et le choix des sponsors deviennent cruciaux.
Comment le mesurer ? Avec Maël Besson, fondateur d’une agence en transition écologique du sport, et l’agence The Metrics Factory, nous avons étudié les perceptions en ligne, principalement sur les réseaux X et YouTube, de deux partenariats – Coca-Cola pour les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, et Dacia pour l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB).
Notre analyse souligne que les marques perçues comme « polluantes » peuvent affaiblir durablement l’image d’écoresponsabilité des événements qu’elles financent. Les critères environnementaux ne sont plus des variables secondaires ; ils déterminent l’acceptabilité et la légitimée de la tenue même de l’évènement.
Virage écologique du sponsoring sportif
Dans le cadre de notre étude, nous avons analysé 28 des principaux travaux liant responsabilité sociale et sponsoring sportif entre 2001 et 2024. Nous observons que, longtemps centré sur la visibilité et la performance, le sponsoring sportif se transforme.
Sous l’effet conjugué des attentes citoyennes, de la pression réglementaire et des impératifs climatiques, la question de l’impact environnemental s’invite au cœur des stratégies de partenariat. Une marque ne peut plus se contenter de saturer un événement avec son logo. Elle doit prouver qu’elle partage ses valeurs, notamment en matière de durabilité.
Entre discours marketing et réalité mesurable, le fossé est parfois béant. Notre recherche a révélé un paradoxe frappant. La responsabilité sociale des entreprises dans le sport est surtout abordée sous l’angle économique – intention d’achat, notoriété, image de marque –, tandis que les impacts environnementaux sont largement ignorés.
Coca-Cola et Paris 2024
À première vue, les organisateurs des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 ont multiplié les initiatives pour réduire l’impact environnemental de l’évènement : sobriété, sites réutilisés, compensation carbone, végétalisation de l’alimentation, sensibilisation des spectateurs, « interdiction » à TotalEnergies d’être partenaire, mobilités douces, 100 % des sites accessibles en transports publics, etc. Pourtant, la présence de Coca-Cola parmi les sponsors a cristallisé les critiques.
Selon notre analyse des réseaux sociaux X et YouTube, plus d’un tiers des messages associant Coca-Cola, Paris 2024 et l’environnement exprime un sentiment négatif.
Plus grave encore : Coca-Cola est mentionnée dans 56 % des publications critiques à l’égard de l’impact écologique des Jeux, représentant 63 % des impressions générées. En clair, pour beaucoup d’internautes, la présence de la marque incarne à elle seule l’incohérence entre les ambitions écologiques des Jeux et la mise en avant d’un sponsor vécu comme non écologique.
Le reproche principal, toujours selon notre étude, est la production massive de bouteilles en plastique à usage unique, perçue comme incompatible avec un discours de sobriété environnementale. Cette dissonance nourrit un sentiment de greenwashing, où l’écologie devient un simple vernis pour des pratiques peu vertueuses.
UTMB et Dacia : un impact durable sur l’image
Du côté de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc, l’impact du partenariat avec Dacia, constructeur automobile, a été durablement négatif. Un an et demi après une polémique très médiatisée, le partenariat – contrat de naming de l’évènement – n’a pas été renouvelé. Notre étude montre qu’un tiers des messages environnementaux sur l’UTMB restent critiques, et que plus de 80 % de ces critiques portent toujours sur le sponsoring par Dacia.
À lire aussi : Sport, nature et empreinte carbone : les leçons du trail pour l’organisation des compétitions sportives
Malgré le temps passé et les nombreuses actions en faveur de la préservation de l’environnement mis en place par l’organisateur selon leur plan d’engagement, la perception négative demeure. Elle démontre que certains partenariats peuvent laisser une trace durable dans la mémoire collective, bien au-delà de la période de l’événement lui-même.
Loi Evin climat
L’un des enseignements majeurs de notre étude : la cohérence perçue devient une nouvelle norme de légitimité. L’impact négatif d’un partenariat ne se mesure plus uniquement à des données d’émissions, mais à sa capacité à convaincre les parties prenantes – citoyens, élus, ONG, médias – de sa sincérité.
Le sport reproduit une dynamique déjà connue dans le domaine de la santé publique dans les années 1980. Comme pour le tabac ou l’alcool, l’acceptabilité sociale de certains sponsors diminue. Faut-il, dès lors, envisager une « loi Evin pour le climat » interdisant la présence de marques à forte empreinte carbone dans les stades et les événements ?
Montée des exigences des parties prenantes
Au-delà des réactions du grand public analysées dans ces deux études de cas, les exigences environnementales montent chez tous les acteurs du sport.
Chez les sponsors eux-mêmes
Selon l’association Sporsora qui regroupe 280 acteurs du monde du sport, le groupe Accor s’assure que ses nouveaux partenariats soient en cohérence avec ses propres engagements climatiques. Onet exclut catégoriquement toute pratique sportive trop polluante.
Dans le champ des médias
France Télévisions a cessé de diffuser le rallye Dakar (au bénéfice de l’Équipe), invoquant entre autres l’incompatibilité entre l’image de l’évènement et les attentes exigeantes des téléspectateurs.
Pour les collectivités locales
Nous pouvons citer le rejet du sponsor TotalEnergies un temps envisagé pour les JOP 2024 par la Ville de Paris.
Face à la pression sociale croissante, le modèle du sponsoring sportif est à un tournant. Ignorer les enjeux écologiques, ou s’y attaquer de façon purement cosmétique, expose les marques et les organisateurs à des risques réputationnels majeurs, à un rejet du public et à des contraintes institutionnelles nouvelles.
Il est primordial que les partenariats sportifs s’alignent sincèrement avec les limites planétaires.
Cet article a été co-rédigé avec Maël Besson, expert en transition écologique du sport, fondateur de l’agence SPORT 1.5.
Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.
19.11.2025 à 12:14
Grands travaux et démesure : Trump réinvente la Maison Blanche
Texte intégral (2101 mots)
Donald Trump n’est pas le premier président des États-Unis à lancer de grands travaux à la Maison Blanche. Mais il existe une différence fondamentale entre les rénovations précédentes, dont les finalités étaient essentiellement fonctionnelles, et son projet d’immense salle de bal, reflet d’une vision très personnelle du décorum lié à la fonction présidentielle…
À l’orée de son second mandat présidentiel, Donald Trump a exprimé le souhait de doter la Maison Blanche d’un espace architectural inédit : une salle de bal destinée à accueillir des réceptions officielles, des dîners d’État et des événements diplomatiques de haute tenue.
Ce projet s’inscrit dans une longue tradition de réaménagements présidentiels, mais en déplace sensiblement la finalité. Le dispositif envisagé consisterait en l’édification, à la place de l’East Wing (l’aile orientale du complexe de la Maison Blanche), en cours de destruction, d’un espace d’environ 8 500 mètres carrés, conçu dans un style néoclassique afin de ne pas rompre avec l’esthétique originelle du bâtiment pensé par James Hoban à la fin du XVIIIᵉ siècle.
Trump n’est pas le premier président des États-Unis à ordonner un aménagement d’envergure du célèbre bâtiment. Depuis son achèvement en 1800, la Maison Blanche n’a cessé d’être transformée pour répondre aux exigences politiques, technologiques ou symboliques du moment. Thomas Jefferson (1801-1809) fit construire les premières terrasses et agrandir le bâtiment, Ulysses S. Grant (1869-1877) introduisit des commodités modernes, Theodore Roosevelt (1901-1909) décida de séparer espaces domestiques et professionnels en créant la West Wing en 1902, Harry S. Truman (1945-1953) entreprit une rénovation structurelle majeure entre 1948 et 1952.
Les modifications successives ont toujours été envisagées comme des réponses à des nécessités fonctionnelles ou institutionnelles. Le projet de Trump se distingue donc des précédents, dans la mesure où il semble poursuivre une finalité de prestige plus qu’une finalité pratique ou structurelle. De fait, il s’inscrit avant tout dans une logique de monumentalisation personnelle.
Les coûts historiques des grandes rénovations présidentielles
Les transformations de la Maison Blanche ont toujours reflété, au-delà des nécessités matérielles, la conception que chaque président se fait de la fonction et du prestige de sa fonction.
La rénovation la plus célèbre reste celle conduite sous Harry S. Truman de 1948 à 1952. Après des décennies d’affaissement structurel, le bâtiment principal dut être intégralement vidé, ne conservant que les façades extérieures. Cette reconstruction, menée par l’architecte Lorenzo Winslow (1892-1976), coûta environ 5,7 millions de dollars à l’époque – soit près de 70 millions à 85 millions de dollars actuels (de 60,4 millions à 73,3 millions d’euros).
L’enjeu était avant tout sécuritaire et fonctionnel : il s’agissait de sauver le bâtiment, non d’en rehausser le prestige décoratif. Truman lui-même s’était installé à Blair House (la résidence des invités officiels du président des États-Unis lors de leur séjour à Washington) pendant les quatre années de travaux – une décision qui soulignait la dimension institutionnelle plutôt que personnelle du chantier.
Une décennie plus tard, Jacqueline Kennedy mena une autre forme de rénovation : esthétique, patrimoniale et culturelle. Dès son arrivée en 1961, la First Lady déplorait l’aspect hétéroclite et moderne du mobilier et entreprit une vaste campagne de restauration historique. Elle fit appel à des experts en art, des conservateurs et des mécènes privés pour redonner à la Maison Blanche le caractère d’un musée vivant de l’histoire nationale. Le budget total de cette opération fut d’environ 2 millions de dollars de l’époque (soit 21,5 millions de dollars actuels, ou près de 19 millions d’euros), dont une large part provenait de dons privés via la White House Historical Association, qu’elle fonda pour l’occasion. L’objectif était autant de préserver un patrimoine que de renforcer la sacralité culturelle du lieu.
Sous Barack Obama, plusieurs projets de modernisation furent également entrepris, notamment en matière de durabilité énergétique, de systèmes de communication et d’accessibilité. Ces travaux, moins visibles et donc moins médiatisés, ont coûté environ 4,5 millions de dollars (3,8 millions d’euros) par an entre 2010 et 2016.
Le projet de Donald Trump : un chantier somptuaire et symbolique
Dans ce contexte historique, le projet de salle de bal lancé par Donald Trump apparaît d’une nature tout à fait différente. En effet, le coût estimé pour cette nouvelle aile colossale s’élève à 200 millions de dollars (plus de 172 millions d’euros) initialement, puis 250 millions (215,8 millions d’euros), avant d’être réévalué à 300 millions de dollars (259 millions d’euros). En proportion, cette somme est entre trois et six fois supérieure à la reconstruction intégrale de Truman, et représente quatorze fois le coût du projet Kennedy.
Même si la justification officielle invoque un besoin d’espace et de représentation, la nature du projet révèle une approche profondément marquée par la culture du spectacle. À travers ce chantier, Trump semble poursuivre la logique esthétique et narrative qui caractérise son image publique : magnifier la puissance présidentielle par la monumentalité et le luxe, quitte à brouiller les frontières entre espace civique et personnel.
Ce projet a suscité des réactions contrastées au sein même de la sphère Trump, à commencer par son épouse. Melania Trump a en effet exprimé des réserves quant à la pertinence et au calendrier d’un tel chantier, estimant que celui-ci risquait d’alimenter une perception publique centrée sur le faste plutôt que sur la gouvernance.
Les opposants politiques de Donald Trump ont, pour leur part, dénoncé l’inutilité et le caractère narcissique d’un tel aménagement. Hillary Clinton a évoqué un projet « révélateur d’un président davantage occupé à mettre en scène son héritage qu’à gouverner le pays », position qui a rapidement été relayée par plusieurs figures du parti démocrate.
La portée symbolique des travaux
Au-delà des réactions immédiates, la portée symbolique d’un tel projet mérite une analyse approfondie, tant il touche à la fonction quasi rituelle de la Maison Blanche dans l’imaginaire politique états-unien. La construction d’une salle de bal conférerait à la résidence présidentielle une dimension plus monarchique que républicaine, en renforçant une théâtralisation du pouvoir que plusieurs chercheurs identifient comme un trait marquant de la présidence contemporaine. Cette scénographie du politique permettrait à Trump de faire de la Maison Blanche non seulement un lieu de décision, mais aussi un espace spectaculaire conçu pour magnifier la figure du président en tant qu’incarnation de la nation.
La salle de bal, pensée comme un espace d’apparat, fonctionnerait comme un décor destiné à mettre en scène la puissance et la grandeur, à la manière des salles d’apparat européennes, telles que Versailles ou Buckingham. Cette analogie souligne le déplacement symbolique qu’impliquerait une telle construction, en rapprochant la présidence états-unienne d’une forme de souveraineté cérémonielle.
D’ailleurs, dès le début de son second mandat, Donald Trump avait décidé de faire quelques travaux de rénovation. En janvier 2025, il s’attaque au Bureau ovale et commande des dorures massives (moulures, plafonds, cadres) et de nombreux objets dorés pour refléter son goût pour le luxe. Il impose une esthétique bling-bling dans un espace traditionnellement marqué par la sobriété.
En outre, la salle de bal constituerait un espace de sociabilité élitaire, réservé à une audience sélectionnée de dignitaires, de mécènes et d’alliés politiques, ce qui renforcerait la dimension exclusive de l’exercice du pouvoir. La portée symbolique d’un tel édifice dépasserait ainsi la seule question architecturale pour investir le champ du politique, du culturel et du mémoriel, en projetant dans l’espace bâti une conception du pouvoir centrée sur la magnificence, la visibilité permanente et la sacralisation de la figure présidentielle.
Trump et la postérité
Chaque président contribue, à sa manière, à l’inscription matérielle de la fonction dans le temps. Toutefois, la tentation d’assimiler Trump aux « bâtisseurs » de la présidence semble relever d’une construction narrative plus que d’une réalité fonctionnelle.
Là où Roosevelt, Truman ou même Kennedy cherchaient à adapter la résidence aux exigences de l’État moderne, Trump semble viser une empreinte mémorielle, visible et spectaculaire, dont la salle de bal serait le symbole. Une telle initiative interroge sur la conception trumpienne de la postérité, fondée non sur l’action politique durable, mais sur l’établissement d’un signe architectural destiné à survivre à son mandat.
Frédérique Sandretto ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.