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Revue hebdomadaire du web par Khrys

 

Publié le 05.03.2025 à 14:50

Degooglisation de l’AMAP de Choisille

Nous poursuivons notre série de témoignages de Dégooglisation. Aujourd’hui, nous avons le plaisir de découvrir l’AMAP de Choisille dont nous avons fait l’entrevue suite à un message posté sur la Communauté Emancip’Asso.

Un très grand merci à Philippe pour le temps consacré à cette entretien.

 

Bonjour, peux-tu te présenter pour le Framablog ?

Je m’appelle Philippe. Je suis développeur informatique dans la vie professionnelle, mais je me sens avant tout citoyen du monde, intéressé par les alternatives éthiques, humanistes et écologiques au modèle de société dominant actuel. J’ai fondé avec quelques personnes sur ma commune en 2013 une AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) et depuis j’en suis un peu le chef d’orchestre.

Logo de l’AMAP de la Choisille

Peux-tu nous parler de ton association ?

Une AMAP réunit des citoyen·ne·s et des paysan·ne·s dans une relation de confiance autour d’un projet commun, celui de fournir une alimentation saine et de qualité, et de préserver l’existence et la continuité des fermes de proximité. Cet objectif s’inscrit dans un modèle économique social et solidaire d’agriculture durable, à dimension humaine et respectueux de la nature. Un citoyen qui rejoint une Amap a la volonté de favoriser une agriculture paysanne, socialement équitable et écologiquement saine. Il s’engage moralement et financièrement auprès d’un paysan partenaire de l’Amap. Moralement par un soutien déterminé (partage des risques liés aux aléas de production, aide concrète lors de chantiers participatifs, etc.). Financièrement par le paiement à l’avance de sa consommation sur une période donnée. Ce partenariat est formalisé par un contrat dans le respect de la Charte des AMAP. « L’amapien » s’implique aussi dans la vie de l’association en aidant, quand vient son tour, à la réception et à la distribution des produits. C’est ce qui rend une Amap conviviale et riche de lien social.

Flyer de l’AMAP

En termes d’organisation, combien y a-t-il de membres ?

Nous sommes une cinquantaine de membres, tous bénévoles. L’AMAP de la Choisille se trouve sur la commune de La Membrolle-sur-Choisille, en Indre-et-Loire, mais il existe plusieurs dizaines d’autres AMAP dans le département, de tailles diverses. Un Réseau régional animé par une salariée a été créé pour accompagner les AMAP et créer une dynamique en région Centre Val-de-Loire. Il existe aussi une instance nationale : le MIRAMAP.

 

Vous diriez que les membres de l’association sont à l’aise avec le numérique ou pas du tout ?

La plupart des membres me semblent plutôt à l’aise avec le numérique. Ils utilisent par exemple un logiciel en ligne (easyamap) pour commander les produits. Mais bon, il est vrai que je suis peut-être un peu seul avec mes convictions dans le domaine du numérique libre.

Quel a été le déclencheur de votre dégafamisation ?

J’ai souvenir d’une conférence à laquelle j’ai assisté aux RMLL (Rencontres Mondiales du Logiciel Libre) en 2009 à Nantes, qui soulignait des analogies entre agriculture biologique et logiciels libres. J’ai aussi lu un article qui parlait des AMAP sur les sites de Framasoft. Il y a en effet entre ces deux mondes des valeurs humaines communes fortes, de partage, d’inclusion, d’émancipation, à l’opposé de ce que proposent les GAFAM. Parler de dégafamisation pour notre petite structure est peut-être un bien grand mot. À la création de l’association en 2013, malgré mes convictions, nous avons créé une adresse de contact GMail, et une liste de diffusion googlegroups. Probablement par facilité, parce qu’il y avait plein d’autres choses à s’occuper. Par conséquent ce n’était pas le moment de « s’embêter ». Des outils proposés par Framasoft ont quand même été utilisés dès le début : Framadate pour choisir nos dates de réunions, Framacalc pour des tableaux partagés (organisation des permanences par exemple), Framaforms pour questionner nos producteurs ou faire voter nos adhérents. Un peu plus tard, j’ai proposé d’utiliser MyPads pour partager nos notes et nos compte-rendus entre membres du bureau collégial. Notre boîte mail est maintenant hébergé par OVH, tout comme notre site internet, développé sous Joomla. La liste de diffusion est maintenant hébergée par Framasoft, que nous avons soutenu financièrement à deux reprises sous forme de don. Google a la peau dure… Plusieurs années après le changement, des adhérents utilisent encore l’ancienne adresse googlegroups car celle-ci est enregistré sur leur appareil (téléphone ou ordi). Rappel est donné à chaque fois de la supprimer de l’appareil et d’utiliser l’adresse framalistes. Nous avons également un NextCloud (Framadrive), utilisé de manière basique (et un peu que par moi) pour héberger quelques fichiers ou photos, par exemple pour gérer la liste des adhérents.

La carte des producteurs de l’AMAP réalisée avec Umap

Un mot de la fin, pour donner envie de migrer vers les outils libres ?

À l’AMAP, nous avons des maîtres-mots : partage, éthique, transparence, dialogue. Que diraient nos amapien·ne·s si le maraîcher ou la maraîchère bio faisait appel à Monsanto pour faire pousser nos légumes ? J’aimerais que les AMAP s’émancipent dans leurs usages numériques, comme elles savent le faire pour notre alimentation et notre agriculture !

Publié le 03.03.2025 à 07:42

Khrys’presso du lundi 3 mars 2025

Comme chaque lundi, un coup d’œil dans le rétroviseur pour découvrir les informations que vous avez peut-être ratées la semaine dernière.

Tous les liens listés ci-dessous sont a priori accessibles librement. Si ce n’est pas le cas, pensez à activer votre bloqueur de javascript favori ou à passer en “mode lecture” (Firefox) ;-)

Brave New World

Spécial IA

Spécial Palestine et Israël

Spécial femmes dans le monde

Spécial France

Spécial femmes en France

Spécial médias et pouvoir

Spécial emmerdeurs irresponsables gérant comme des pieds (et à la néolibérale)

Spécial recul des droits et libertés, violences policières, montée de l’extrême-droite…

Spécial résistances

Spécial outils de résistance

  • Vincent Tiberj : « Social, économie : la gauche doit rejouer à domicile ! » (fakirpresse.info)

    De plus en plus de gens répondent que « oui », il y aurait de plus en plus de racisme. Mais si on prend les données sur trente ou quarante ans, oui les enquêtes montrent l’inverse.[…] Sur le droit de vote des étrangers : 34 % de soutien en 1984, 58 % en 2022. Sur « les immigrés sont une source d’enrichissement culturel » : 44 % en 1992, 76 % en 2022. Sur « il y a trop d’immigrés en France » : 69 % en 1988, 53 % en 2022, 52 % en 2021, 48 % en 2024. Sur la baisse du racisme biologique : en 2002, 14,5 % des répondants considéraient encore « des races supérieures à d’autres », en 2022 ils ne sont plus que 4 %.

  • Le Guide du Routard de l’Organizing (organisez-vous.org)
  • Guide d’autodéfense RSA / France Travail (coordbrest.noblogs.org)

    Ce guide s’adresse à tout les bénéficiaires du RSA , du chômage ou inscrits à France-Travail. Il n’a pas été fait par des avocats, des assistants sociaux ou « professionnels » du social. Simplement par des allocataires qui souhaitent lutter pour leurs intérêts face aux politiques de l’état et des diverses administrations chargées de gérer nos allocations.

  • They Live 2025 (badtastegoodcause.com)

Spécial GAFAM et cie

RIP

Les autres lectures de la semaine

Les BDs/graphiques/photos de la semaine

Les vidéos/podcasts de la semaine

Les trucs chouettes de la semaine

Retrouvez les revues de web précédentes dans la catégorie Libre Veille du Framablog.

Les articles, commentaires et autres images qui composent ces « Khrys’presso » n’engagent que moi (Khrys).

Publié le 02.03.2025 à 09:00

Les mythes de l’IA

Cet article est une republication, avec l’accord de l’auteur, Hubert Guillaud. Il a été publié en premier le 02 octobre 2024 sur le site Dans Les Algorithmes sous licence CC BY-NC-SA.

 

Les discours autour de l’IA produisent des mythes qui influencent notre compréhension de ce qu’elle est, produisant une perception confuse de leur réalité… pour mieux influer les transformations légales à venir.

 

 

 

 

 

 

 

 

La technologie ne produit pas que des solutions, elle produit aussi beaucoup de promesses, d’imaginaires, d’idéologies et de mythes. Derrière le marketing des produits et des services, les entreprises déploient des métaphores simples et convaincantes qui réduisent la complexité des transformations à l’œuvre. « Ils pollinisent l’imagination sociale avec des métaphores qui mènent à des conclusions, et ces conclusions façonnent une compréhension collective » plus ou moins fidèle à la réalité. Les discours sur l’IA générative reposent sur de nombreux mythes et promesses, explique Eryk Salvaggio pour Tech Policy Press qui tente d’en dresser la liste. Ces promesses produisent souvent une compréhension erronée du fonctionnement de l’IA et induisent en erreur ceux qui veulent les utiliser.

Il y a d’abord les mythes du contrôle qui visent à nous faire croire que ces systèmes sont plus fiables qu’ils ne sont. Parmi les mythes du contrôle, il y a celui de la productivité, qui nous répète que ces systèmes nous font gagner du temps, nous font produire plus rapidement. « Le mythe de la productivité suggère que tout ce à quoi nous passons du temps peut être automatisé ». L’écriture se réduit à un moyen pour remplir une page plutôt qu’un processus de réflexion. Le mythe du prompt suggère que nous aurions un contrôle important sur ces systèmes, nous faisant oublier que très souvent, nos mots mêmes sont modifiés avant d’atteindre le modèle, via des filtres qui vont modifier nos invites elles-mêmes. D’où l’incessant travail à les peaufiner pour améliorer le résultat. « Le mythe de l’invite permet de masquer le contrôle que le système exerce sur l’utilisateur en suggérant que l’utilisateur contrôle le système ».

Outre le mythe du contrôle, on trouve également le mythe de l’intelligence. Le mythe de l’intelligence confond le fait que le développement des systèmes d’IA aient été inspirés par des idées sur le fonctionnement de la pensée avec la capacité à penser. On nous répète que ces systèmes pensent, raisonnent, sont intelligents… suggérant également qu’ils devraient être libres d’apprendre comme nous le sommes, pour mieux faire oublier que leur apprentissage repose sur un vol massif de données et non pas sur une liberté éducative. Parmi les mythes de l’intelligence, on trouve donc d’abord le mythe de l’apprentissage. Mais cette métaphore de l’apprentissage elle aussi nous induit en erreur. Ces modèles n’apprennent pas. Ils sont surtout le produit de l’analyse de données. Un modèle n’évolue pas par sélection naturelle : il est optimisé pour un ensemble de conditions dans lesquelles des motifs spécifiques sont renforcés. Ce n’est pas l’IA qui collecte des données pour en tirer des enseignements, mais les entreprises qui collectent des données puis optimisent des modèles pour produire des représentations de ces données à des fins lucratives. Le mythe de l’apprentissage vise à produire une équivalence entre les systèmes informatiques et la façon dont nous-mêmes apprenons, alors que les deux sont profondément différents et n’ont pas la même portée ni la même valeur sociale. Le mythe de l’apprentissage permet surtout de minimiser la valeur des données sans lesquelles ces systèmes n’existent pas.

Le mythe de la créativité fait lui aussi partie du mythe de l’intelligence. Il entretient une confusion entre le processus créatif et les résultats créatifs. Si les artistes peuvent être créatifs avec des produits d’IA, les systèmes d’IA génératifs, eux, ne sont pas créatifs : ils ne peuvent pas s’écarter des processus qui leur sont assignés, hormis collision accidentelles. Le mythe de la créativité de l’IA la redéfinit comme un processus strict qui relèverait d’une série d’étapes, une méthode de production. Il confond le processus de créativité avec le produit de la créativité. Et là encore, cette confusion permet de suggérer que le modèle devrait avoir des droits similaires à ceux des humains.

Salvaggio distingue une 3ᵉ classe de mythes : les mythes futuristes qui visent à produire un agenda d’innovation. Ils spéculent sur l’avenir pour mieux invisibiliser les défis du présent, en affirmant continûment que les problèmes seront résolus. Dans ces mythes du futur, il y a d’abord le mythe du passage à l’échelle ou de l’évolutivité : les problèmes de l’IA seront améliorés avec plus de données. Mais ce n’est pas en accumulant plus de données biaisées que nous produiront moins de résultats biaisés. L’augmentation des données permet surtout des améliorations incrémentales et limitées, bien loin de la promesse d’une quelconque intelligence générale. Aujourd’hui, les avantages semblent aller surtout vers des modèles plus petits mais reposant sur des données plus organisées et mieux préparées. Le mythe de l’évolutivité a lui aussi pour fonction d’agir sur le marché, il permet de suggérer que pour s’accomplir, l’IA ne doit pas être entravée dans sa course aux données. Il permet de mobiliser les financements comme les ressources… sans limites. Oubliant que plus les systèmes seront volumineux, plus ils seront opaques et pourront échapper aux réglementations.

Un autre mythe du futur est le mythe du comportement émergent. Mais qu’est-ce qui conduit à un comportement émergent ? « Est-ce la collecte de grandes quantités d’écrits qui conduit à une surperintelligence ? Ou est-ce plutôt la conséquence de la précipitation à intégrer divers systèmes d’IA dans des taches de prise de décision pour lesquelles ils ne sont pas adaptés ? » Les risques de l’IA ne reposent pas sur le fait qu’elles deviennent des machines pensantes, mais peut-être bien plus sur le fait qu’elles deviennent des machines agissantes, dans des chaînes de décisions défaillantes.

Salvaggio plaide pour que nous remettions en question ces mythes. « Nous devons travailler ensemble pour créer une compréhension plus rigoureuse de ce que ces technologies font (et ne font pas) plutôt que d’élaborer des déclarations de valeur (et des lois) qui adhèrent aux fictions des entreprises ».

C’est peut-être oublier un peu rapidement la valeur des mythes et des promesses technologiques. Les mythes de l’IA visent à produire non seulement une perception confuse de leur réalité, mais à influer sur les transformations légales. Les promesses et les mythes participent d’un narratif pour faire évoluer le droit en imposant un récit qui légitime le pouvoir perturbateur de la technologie. Les mythes permettent de crédibiliser les technologies, expliquait déjà le chercheur Marc Audetat dans l’excellent livre collectif Sciences et technologies émergentes : pourquoi tant de promesses ? (Hermann, 2015). Comme le disait l’ingénieur Pierre-Benoît Joly dans ces pages, « les promesses technoscientifiques ont pour fonction de créer un état de nécessité qui permet de cacher des intérêts particuliers ». Les mythes et les croyances de l’IA ont d’abord et avant tout pour fonction de produire le pouvoir de l’IA et de ceux qui la déploient.

Les mythes de l'IA :* Le mythe de contrôle : croire que les systèmes plus fiables qu'ils ne sont -> Le mythe de la productivité : croire que ce sur quoi nous passons du temps peut être automatisé -> Le mythe du prompt : croire que l'utilisateur contrôle le système * Le mythe de l'intelligence : croire que ces systèmes sont intelligents -> Le mythe de l'apprentissage : croire que ces systèmes apprennent de nous -> Le mythe de la créativité : croire que les processus créatifs et les résultats créatifs sont les mêmes choses * Le mythe futuriste : faire croire que les problèmes seront résolus -> Le mythe du passage à l'échelle : faire croire qu'il suffit de plus de données Le mythe du comportement émergeant : faire croire que les IA peuvent être des machines agissantes dans des chaînes de décisions défaillantes

Les 9 mythes de l’IA

Publié le 26.02.2025 à 14:50

Interfaces, une association de lutte contre la précarité énergétique en cours de dégafamisation

Aujourd’hui, nous publions un nouveau témoignage de dégafamisation qui vient rejoindre ceux que nous avons déjà précédemment recueillis. C’est un message posté sur la Communauté Emancip’Asso, un espace d’entraide mis à disposition des associations qui souhaitent se lancer dans une démarche de transition numérique éthique, qui nous a donné envie d’en apprendre plus sur Interface, cette association du Nord de la France qui œuvre pour l’inclusion au quotidien.

Un très grand merci à Nicolas pour le temps consacré à cette entrevue.

Bonjour, peux-tu te présenter brièvement pour le Framablog ?

Je m’appelle Nicolas Bertrand et je suis conseiller numérique au sein de l’association Interfaces depuis avril 2022. À mon arrivée, en dehors de mes missions de conseiller numérique, la direction m’a demandé de participer au développement et à la modernisation de l’infrastructure informatique de l’association. À titre personnel, je mesure ma dépendance aux GAFAM et j’essaie de m’auto-former à Linux pour me passer à court, moyen ou long terme de Windows.

Nicolas, peux-tu nous présenter ton association ?

Depuis sa création en 1997, l’association Interfaces mène des actions pour lutter contre la précarité énergétique et permet aux publics de mieux gérer leurs démarches administratives quotidiennes liées aux thématiques du logement, de l’énergie, des transports, des services bancaires, des services postaux et de la consommation. Nous développons également, afin de faire face à la dématérialisation croissante des démarches, l’accompagnement vers l’autonomisation sur les outils numériques.

 

Toutes nos interventions répondent aux piliers de la médiation sociale que sont le « aller vers » et le « faire avec ». Les valeurs de solidarité, de rigueur et de transparence animent nos équipes au quotidien. Une autre définition extraite de nos statuts : « Innover avec des entreprises pour lutter contre l’exclusion, la pauvreté et les discriminations. Pour cela, elle agit au quotidien avec des entreprises, les organismes publics, les relais, les prescripteurs et les habitants. À travers ses actions, Interfaces vise à anticiper et accompagner les situations sociales et sociétales en s’appuyant sur une posture de tiers médian, des compétences et un réseau d’acteurs. L’association crée, développe et accompagne des antennes Interfaces en tous lieux de la Région des Hauts de France et notamment dans les quartiers en difficulté ».

Logo de l’association Interfaces

L’association compte une quarantaine de salariés et des bénévoles. Nous intervenons sur 3 territoires du département du Nord : la Métropole Européenne de Lille (le siège se situe à Lille), le Valenciennois et le Douaisis.

Vous diriez que les membres de l’association sont à l’aise avec le numérique ou pas du tout ? Ou bien c’est assez disparate ?

Tous les salariés sont équipés d’un ordinateur portable et d’un téléphone professionnel. En 2023, les salariés ont été évalué sur leur niveau numérique à travers un test PIX. L’analyse des résultats a démontré que si la majorité d’entre eux étaient à l’aise, même si d’autres l’étaient un peu moins. Nous avons donc proposé un accompagnement personnalisé pour les salariés qui en exprimeraient le besoin.

Quel a été le déclencheur de votre dégafamisation ? Qu’est-ce qui vous a motivés ?

Dans le cadre de ce projet, nous avons voulu nous démarquer de ce qui pouvait se faire déjà dans d’autres espaces publics numériques en montrant un autre usage de l’informatique (plus responsable et plus éthique) via la sensibilisation du public sur l’économie circulaire et le numérique libre. Nous avons donc lié des partenariats avec un centre de reconditionnement (Bak2) et un auto-entrepreneur spécialisé dans le numérique libre (Patrice ANDREANI – Numéricatous) qui nous aident à mettre en place ce projet.

Logo de Numericatous

Quels sont les moyens humains mobilisés sur la démarche ?

J’ai monté ce projet seul en lien avec la direction de l’association.

Comment organisez-vous votre dégafamisation ?

Lorsque nous sommes à la recherche d’un nouvel outil ou logiciel répondant à nos besoins, nous essayons de nous tourner au maximum vers une solution libre ou open-source.

Est-ce que vous avez rencontré des résistances ?

Il est encore très difficile d’éveiller les consciences au passage à un numérique libre. Certains partenaires utilisent des logiciels propriétaires et nous n’avons pas d’autres possibilités que de les utiliser afin de leur rendre compte de nos missions ou activités sur le terrain. Les GAFAM font tellement partie de notre quotidien et il est encore compliqué d’inciter les personnes à ne plus les utiliser et passer à un numérique plus libre et plus éthique. Le chemin à parcourir semble encore long…

Parlons maintenant outils ! À ce jour, on en est où ? Quels outils ou services avez-vous remplacé, et par quoi, sur quels critères ?

Nous avons vécu 2 grands changements au sein de l’association :

  • Depuis octobre 2023, nous avons fait l’acquisition d’un serveur cloud (hébergé chez OVH) sur lequel nous avons installé, entre autre, les logiciels que nous utilisions au quotidien : SynerGaïa (notre système d’information) et NextCloud (notre gestion électronique des documents).
  • Depuis le 1er janvier 2024, nous avons abandonné les outils Google : nous avons remplacé Google Drive et Dropbox par NextCloud et avons migré nos anciennes adresses Gmail vers un compte Exchange hébergé chez OVH.

Est-ce qu’il reste des outils auxquels vous n’avez pas encore pu trouver une alternative libre et pourquoi ?

Nous essayons de trouver une alternative à l’utilisation de Microsoft Outlook en testant prochainement Mozilla Thunderbird. Nous réfléchissons à intégrer sur notre serveur d’autres outils libres/open-source courant 2025,  comme par exemple GLPI et nous aimerions passer sous Linux et LibreOffice les ordinateurs présents dans notre Espace Public Numérique. Nous allons continuer à exploiter NextCloud en testant notamment certaines applications proposées et poursuivre la recherche d’autres solutions libres comme RocketChat pour mieux communiquer en interne.

Quels étaient vos moyens humains et financiers pour effectuer cette transition vers un numérique éthique ?

Au lancement de ce projet, j’ai essayé de faire en sorte qu’il soit le moins onéreux possible mais cela n’a pas forcément été évident ;-)

Avez-vous organisé un accompagnement de vos utilisateur⋅ices ? Si oui, de quelle manière ?

De manière générale, lorsqu’un salarié rencontre un problème sur l’un des logiciels que nous utilisons, nous fonctionnons par mail et nous pouvons également intervenir à distance si le salarié est sur le terrain. Nous avons également rédigé de nombreuses procédures/fiches process et celles-ci sont mises à disposition et accessibles à tout moment en cas de besoin sur NextCloud.

De plus, nous organisons des temps forts au sein de l’association (comme les réunions d’équipe et/ou de salariés) pour accompagner et former le personnel dans la prise en main de nouveaux outils. Nous essayons également d’évoluer le plus possible vers des solutions libres afin de sécuriser au mieux les informations de nos usagers et celles liées à nos missions et activités.

Est-ce que votre dégafamisation a un impact direct sur votre public ou utilisez-vous des services libres uniquement en interne ?

Nous profitons actuellement de notre campagne « Questionnaires de satisfaction 2024 » pour tester l’application « Formulaires » disponible dans NextCloud. Les envois se font en ce moment, il est donc encore trop tôt pour analyser les retours de nos usagers, salariés ou partenaires. À travers ce test, nous démontrons à nos partenaires qu’il est possible de faire sans les GAFAM et de recueillir des informations de manière sécurisée.

En ce qui concerne notre Espace Public Numérique, nous sensibilisons notre public sur le numérique libre et éthique et l’économie circulaire en utilisant par exemple du matériel reconditionné et en explicitant que le fait de passer sous Linux peut prolonger la durée de vie d’un ordinateur jugé comme dépassé.

Les différentes missions des accompagnements numériques d’Interface.

Quels conseils donneriez-vous à des structures comparables à la vôtre qui voudraient se dégafamiser elles aussi ?

Il est essentiel de trouver un contact qui peut nous conseiller sur des solutions libres afin de se passer le plus possible des solutions GAFAM dans l’intérêt de la sécurisation des données.

Un mot de la fin, pour donner envie de migrer vers les outils libres ?

Migrer vers les outils libres c’est s’ouvrir à un nouveau numérique où règne la sécurité :-)

Publié le 24.02.2025 à 08:55

Prestidigitateur ou sorcier ?

Aujourd’hui, Gee, qui fête actuellement les 10 ans de son blog Grise Bouille avec un livre best of et un site anniversaire, vous propose une petite BD de fiction (sans aucun rapport avec le monde réel, bien sûr), adaptée de sa dernière chronique radio, dont le podcast sera bientôt disponible.

Prestidigitateur ou sorcier ?

Notre histoire se passe dans un étrange pays lointain. Un pays qui, depuis de nombreuses années, est cerné par un gigantesque incendie.

Une femme regarde au loin avec des jumelles et dit : « Il approche. » Un type à côté hausse les épaules : « Boarf… et alors ? On mettra des combinaisons ignifugées. Pi on s'habituera à l'odeur de fumée. Pi la science trouvera une solution. Pas de quoi paniquer. » Une flèche indique sur la femme « Elle, c'est Cassandre. » et sur l'homme : « Lui, c'est un incendio-sceptique. »

Cassandre, ce genre de réflexion, ça l’agace, parce que la science, elle connaît ! Et la science, elle a déjà trouvé la solution à cet incendie :

Cassandre s'énerve sur le type : « ARRÊTEZ DE LANCER DES FEUX D'ARTIFICE VERS LA FORÊT ! » Le type, en train d'allumer une fusée : « Vous voulez couler l'industrie du feu d'artifice ? Irresponsable ! Vous voulez pas plutôt inventer le feu qui ne brûle pas ? L'innovation, voilà ce qui va nous sauver ! »

C’est dans cet étrange pays que débarque, un jour, un étrange magicien…

Un monsieur en costume montre le magicien et dit : « Sous vos yeux ébahis, le plus grand magicien de tous les temps ! Le grrrrrrrrrrrrand… GIPITI ! Charles Gipiti, de son prénom. Son talent va vous estomaquer ! » Le magicien est étincellant.

Devant une foule hypnotisée, Gipiti fait sortir un lapin de son chapeau : « Eeet… hop ! » La foule : « WAAAHOOOOUUU ! Je n'ai jamais vu quelqu'un faire apparaître un lapin comme ça ! Ça pourrait résoudre la faim dans le monde ! Quel incroyable magicien ! Il est si prompt ! C'est fou cette magie ! Vive la magie ! »

Cassandre, devant cet engouement général, est sceptique :

Elle a l'air méfiante et demande : « Attendez… quand vous dites “magicien”… vous parlez de prestidigitateur ou de sorcier ? » La foule, blase : « Kesseldi, elle ?  Dekoi jmemèle ? » Gipiti dit : « Je vous prie de m'excuser, je n'ai pas compris votre question. »

Cassandre précise : « Un sorcier, c'est un _vrai_ magicien, quelqu'un qui maîtrise la magie, qui peut faire des choses surnaturelles, inexplicables… Alors qu'un prestidigitateur ne fait qu'imiter la magie, il met en scène des choses qui paraissent surnaturelles mais sont en fait parfaitement explicables… À base d'illusions, de trucages… ». On voit la distinction entre les deux dans ses pensées.

Comme d’habitude, Cassandre a du mal à convaincre les gens de la différence de taille entre les deux…

Un type dans la foule : « On s'en fout non ? Si ça ressemble à de la magie, c'est comme si c'en était, non ? » Cassandre est furieuse : « Mais pas du tout !  Si on confond prestidigitateur et sorcier, on entretient une confusion dangereuse ! C'est un tapis rouge pour se faire manipuler et abuser ! » Le type : « En plus c'est chiant à dire, “prestidigatruc”…  magicien, c'est plus simple. Les scientos, vous nous emmerdez toujours avec des détails… »

Décidée à démasquer cet imposteur de Gipiti, Cassandre mène son enquête… et la réalité est encore pire qu’elle ne l’imaginait.

Un couple d'éleveurs en pleurs : « Ça c'est sûr qu'il peut en faire apparaître des lapins… il nous a volé quasiment tout notre élevage! Et en plus, impossible de vendre ceux qui nous restent : les gens préfèrent ceux qui sortent d'un chapeau, avec les paillettes, tout ça… On va se retrouver sur la paille. Des années de travail foutues en l'air… » Cassandre est stupéfaite.

Cassandre demande à la foule du début : « Alors ? C'est beau, ça, comme magie ? » Un type : « Ouais d'accord, il a volé des lapins, m'enfin vu ce qu'il arrive à faire avec, ça va, on va pas non plus l'attaquer en justice…  en plus les élevages n'auront qu'à s'adapter, c'est le progrès, c'est tout. » Cassandre : « J'hallucine ! »

Plus Cassandre fouille, plus elle met au jour les turpitudes de Charles Gipiti…

Un ouvrier avec une casquette « TGCM » tient un tuyau en direction de la forêt et y propulse un liquide. Cassandre : « C'est quoi, c'que vous balancez vers la forêt ? » L'ouvrier : « Du kérosène. C'est les machines que Gipiti utilise pour faire apparaître ses lapins… ça marche en propulsant du kérosènepar hectolitres. J'sais pas pourquoi. C'est la magie, c'est tout, c'est comme ça. » Cassandre : « MAIS ÇA VA PAS LA TÊTE ?! »

Elle se retourne vers le type du début : « ET ÇA ?! On était déjà mal barrés avec l'incendie AVANT, mais là c'est le pompon ! » La foule : « Mais Cassandre, si on finance la magie de Charles Gipiti, si on laisse ce magicien s'améliorer, alors c'est sûr, il va trouver une solution pour éteindre l'incendie ! Certes, son activité aggrave temporairement les choses, mais pour mieux les améliorer ensuite ! »

Cette fois, Cassandre n’en peut plus et explose :

Cassandre : « MAIS C'EST DÉBILE ! Ce que vous dites, c'est que si un prestidigitateur travaille suffisamment, il peut finir par devenir sorcier et faire de la vraie magie ? Comme ça, de Gérard Majax à Harry Potter ?! Ça n'a aucun sens ! » Le type dans la foule hausse les épaules : « Bah pourquoi pas ? J'y connais rien, moi, à la magie. On sait jamais. »

Cassandre, de plus en plus agacée : « En plus on sait très bien quelle est la solution pour éteindre l'incendie ! Ce que vous voulez, c'est continuer à vivre comme avant, tirer des feux d'artifice partout, en tablant sur le fait qu'un énergumène qui fait apparaître des lapins volés finisse par sortir de son chapeau le feu qui ne brûle pas ?! Vous êtes cinglés, ma parole ! »

Cassandre, très énervée : « Et si jamais, PAR LE PLUS GRAND DES HASARDS, Môssieur Gipiti ne trouve pas de solution magique une fois l'incendie aux portes du pays ? On fait quoi ? Hein ? On fait QUOI ? »

Un ange passe. La foule reste silencieuse.

Même image, mais on entend quelqu'un dire, hors-champ : « Approchez !  Approchez ! Sous vos yeux ébahis, un magicien encore plus impressionnant ! Et moins cher ! »

On voit un autre magicien, avec un présentateur à côté qui dit : « Le trrrrès grrrraaand… MAÎTRE SIQUE ! Œudipe Sique ! » À côté, Gipiti : « Grrrr… c'est lui qui m'a volé tous mes lapins… » Cassandre : « Ah bah dans le genre arroseur arrosé, vous vous posez là, vous… »

Rien à faire… les magiciens se multiplient, soulèvent des financements délirants, on en met partout : dans les écoles, les transports, les bureaux… qu’on en veuille ou pas, impossible d’y échapper.

Un roi dit : « En tant que roi de ce pays, j'ai décidé d'investir 110 milliards pour le Crédit Impôts Magiciens ! » Cassandre : « De KOUWA ?! Mais et les millions de pauvres qui bouffent par à leur faim ?! Et les hôpitaux saturés ? Et les services publics en ruine ? Et les… Et les… » Le roi : « Non mais tout ça, ça coûte un pognon de dingue… »

Le temps passe. Cassandre ne convainc personne. Les magiciens continuent à détrousser l’intégralité de la société aussi longtemps que possible, avec des illusions toujours plus réussies. Jusqu’à ce jour où…

Cassandre, résignée, regarde le feu : « Cette fois, l'incendie est là. C'est trop tard. Tout le pays va feu. » La foule : « Gipiti ! Sique ! Les autres ! Faites quelque chose ! »

La réalité saute alors crument aux yeux de toutes et tous : aucune solution n’a été trouvée par la « magie »… parce qu’aucune solution n’était compatible avec la poursuite des activités des prestidigitateurs.

Gipiti, Sique et les autres sont dans des montgolfières et s'envolent : « Allez, tchao les nazes ! Pratique cet air chaud ! » La foule : « Noooooooon, revenez ! Vous deviez nous sauver ! »

FIN.

Le smiley : « Ah ouais. C'est violent comme fin. »

Oui, c’est violent comme fin.

C’est ce que les anglophones appellent un cautionary tale, un récit de mise en garde.

Parce que si d’aventure, des prestidigitateurs de pacotille venaient se prendre pour des sorciers chez nous, en pillant des élevages pour faire apparaître leurs lapins, et en alimentant un gigantesque incendie en faisant mine de lutter contre…

Ce serait peut-être plutôt eux qu’il faudrait foutre au feu, avant qu’il ne soit trop tard.

Note : BD sous licence CC BY SA (grisebouille.net), dessinée le 20 février 2025 par Gee.

Crédit : Gee (Creative Commons By-Sa)

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Publié le 24.02.2025 à 07:42

Khrys’presso du lundi 24 février 2025

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    It’s been said over and over : a central feature of fascism is its incoherence. […] if fascism demands a lack of productive self-reflection in order to perpetuate its toxic stasis of unresolved contradiction, then the only way out is to force the issue. By the way, this is precisely why “punching nazis” is the correct action both in practice and in theory […] The texts we choose for our Markov generators should not be random. They should be chosen for their impact on the ‘stochastic parrots’ that will be trained to speak using our poisonous output. They should strengthen the AI’s word-associations between conflicting narratives, where the resolution of that conflict undercuts the system’s power.

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