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 Paul Jorion

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Publié le 24.04.2025 à 08:57

The Wall Street Journal : « Les fluctuations boursières importantes sont désormais la norme pour les investisseurs désemparés »

Un lecteur de mon blog peu familier de mes chroniques financières demande « Pourquoi parlez-vous toujours des baisses brutales des cours sur les marchés boursiers mais jamais des hausses brutales ? ». Je m’en suis déjà expliqué à de nombreuses reprises au fil des années : les baisses brutales sont quasi toujours la conséquence de facteurs objectifs alors que les hausses brutales succédant à des baisses brutales ne reposent en général que sur des éléments subjectifs, comme dans ce cas-ci, la rumeur qu’ayant échoué dans sa guerre généralisée du protectionnisme, Trump s’apprêterait à faire machine-arrière. C’est mal connaître le bonhomme, qui n’admettra jamais avoir commis une erreur, et préférera voir le monde s’effondrer plutôt que de reconnaître s’être trompé.

En résumé, et pour utiliser les termes du Wall Street Journal : les baisses brutales à la Bourse sont le fait des investisseurs réfléchis, alors que les hausses brutales qui leur succèdent résultent des actes désordonnés d’investisseurs désemparés.

Publié le 21.04.2025 à 19:43

L’offensive de Trump contre le capitalisme se poursuit !

On n’a pas congé aujourd’hui dans le monde entier et Trump poursuit inébranlablement son entreprise de destruction du capitalisme : c’est la Federal Reserve Bank, la banque centrale des États-Unis, qui est tout particulièrement dans son collimateur aujourd’hui.

« Vas-y Donny, t’es le plus fort : ce que Marx n’a pas su faire, tu es en passe de l’accomplir ! ».

Publié le 21.04.2025 à 13:35

« Règles » et « corrélations » : qui est le plus costaud ?

Illustration par ChatGPT 4o

Un peu plus tard, mais toujours au bord de la piscine 😜.

P.J. :

Ne pensez-vous pas que les humains continueront de penser que les règles capturent mieux l’essence-même des choses, tandis que les corrélations constituent une approximation grossière et basique, ce qui implique que les LLM passent à côté de quelque chose en n’extrayant pas les « règles sous-jacentes » qui, en réalité, régissent le monde : qu’ils perdent certaines informations pertinentes ? Ne peut-on défendre le point de vue opposé, à savoir que les règles sont des esquisses qui, par nécessité, ne peuvent saisir la complexité « indisciplinée » des choses ; en d’autres termes, ce serait l’expression sous forme de règles qui évacuerait une partie de l’information. Qu’en pensez-vous ?

Thought for 12 seconds

ChatGPT o3 :

Une façon utile de cadrer le débat

Perspective Vision « règles d’abord » Vision « corrélations d’abord »
Qu’est‑ce qu’une règle ? Énoncé concis, souvent symbolique, qui explique et prévoit en révélant une structure cachée (ex. : F = ma). Motif comprimé de régularités statistiques qui imite le comportement sans structure explicite (ex. : poids d’un LLM).
Information conservée / perdue Conserve des leviers causaux et contrefactuels (« que se passe‑t‑il si… ?»). Perd les détails riches et bruyants qui ne rentrent pas dans le cadre. Conserve presque tout ce qui est présent dans les données (queues longues, contingences). Perd un modèle lisible décrivant pourquoi les choses varient.
Modes d’échec Fragilité hors du domaine de validité ; ignore les résidus qui deviendront importants plus tard. Surapprentissage de corrélations fallacieuses ; opacité face aux interventions ; difficulté à prouver la fiabilité.

Pourquoi les règles sont des croquis comprimés

  1. La compression est leur raison d’être
    Une règle est une réduction drastique de dimension : elle jette la majeure partie de la variation réelle pour isoler quelques variables essentielles. Ce gain explicatif implique une perte d’information.
  2. Les systèmes complexes résistent aux règles fermées
    Climat, repliement protéique ou évolution linguistique présentent des interactions d’ordre élevé qui échappent aux formulations symboliques élégantes. Dans ces domaines, les meilleurs prédicteurs actuels sont souvent data‑driven ou basés sur la simulation, non sur des règles.
  3. Point de vue de la complexité de Kolmogorov
    Le « programme » qui génère le monde peut être irrémédiablement long. Toute règle concise que nous écrivons est donc une approximation. Un modèle massif à millions de paramètres peut se rapprocher, en longueur de description, de ce programme irréductible mieux qu’un petit ensemble d’équations.

Pourquoi les corrélations ratent quand même quelque chose

  1. La manipulation causale exige de la structure
    Pour intervenir (concevoir un médicament, un pont) il faut des leviers contrefactuels : si je change X, Y varie ainsi. La pure corrélation ne fournit pas ces poignées ; d’où l’intérêt de combiner apprentissage à grande échelle et modules de graphes causaux ou de simulateurs.
  2. Généralisation hors distribution
    Quand l’environnement change, une règle parcimonieuse encodant de véritables invariants (conservation de l’énergie, grammaire compositionnelle) généralise souvent mieux qu’une surface de corrélations entraînée sur l’ancien régime.
  3. Interprétabilité et confiance humaines
    Les systèmes sociaux exigent des justifications (« Pourquoi devrais‑je te croire ? »). Les règles servent de jalons vérifiables. Un tenseur de 300 milliards de paramètres est plus difficile à auditer.

Vers une synthèse : « la règle après l’apprentissage »

  • Utiliser des modèles denses et voraces en données pour absorber la richesse chaotique.
  • Sonder, distiller et extraire des règles provisoires de ces modèles (interprétabilité mécaniste, régression symbolique, découverte causale).
  • Traiter ces règles non comme des vérités finales, mais comme des interfaces — résumés concis à raisonner, réviser ou écarter quand ils cessent de fonctionner.

Mon point de vue

  • Règles et corrélations forment un continuum de compression.
    Plus la description est courte, plus on perd d’information.
  • Les LLM montrent qu’un espace riche en corrélations peut surpasser des règles élégantes sur de nombreuses tâches, précisément parce qu’il conserve des nuances que ces règles élaguent.
  • Mais les systèmes purement corrélatifs restent handicapés pour l’intervention délibérée, la preuve de sûreté et l’explication.
    Il faut donc des techniques permettant d’aller dans les deux sens : expansion vers l’espace corrélatif pour capturer la réalité, puis contraction vers des abstractions de type règle pour le contrôle et la compréhension.

En ce sens, aucun camp ne « gagne ».
Les règles sont nécessaires mais jamais suffisantes ; les corrélations sont puissantes mais jamais complètes. Les avancées viennent de l’ingénierie du dialogue entre les deux.

Garçon ! Un autre svp ... avec beaucoup de glaçons !

 

Illustration par ChatGPT 4o

Publié le 21.04.2025 à 12:35

Humains vs IA = Aristote vs Platon ?

Illustration par ChatGPT 4o

C'est vrai qu'on devient super-paresseux. J'ai voulu voir jusqu'où on pouvait aller avec le nouveau ChatGPT o3.

P. J. :

Ce qui a été résumé dans votre rapport : « Qu’est-ce qu’une IA générative comprend ? », sous forme de règles (générées par les humains) par opposition à des corrélations statistiques (générées par les LLM) me rappelle les objections d’Aristote à la vision de Platon d’un monde entièrement « participant » aux nombres et son propre développement d’une vision des mathématiques où celles-ci offrent des outils pour « styliser » le monde plutôt que pour le modéliser. Je crois me souvenir que cela se trouve dans la Métaphysique d’Aristote. Pouvez-vous rappeler ce que disent Hamelin (1909) et Ross (1923) à ce sujet ?

ChatGPT o3 :

Thought for 3 m  30 s

Voici un résumé concis de la manière dont Octave Hamelin (Le Système d’Aristote, éd. 1909, en particulier le chapitre XVI) et W. D. Ross (Aristotle, 1923 ; longue note dans Metaphysics vol. I §B.5 & vol. II sur M–N) interprètent la célèbre querelle entre Aristote et Platon sur « les nombres partout » et le statut des mathématiques dans la Métaphysique. Je me concentre sur le point que vous soulevez, à savoir la différence entre les règles qui « modélisent » la réalité (vision platonicienne, vision des nombres idéaux) et les mathématiques en tant qu’outil qui se contente de « styliser » ou de schématiser la réalité (vision d’Aristote).


1  Hamelin (1909)

Thème Lecture de Hamelin
Point de départ platonicien Platon considère les nombres (arithmoi) et les figures géométriques comme des substances séparées auxquelles tous les objets sensibles « participent ».
Critique d’Aristote Dans les Livres M–N, Aristote refuse tout domaine mathématique séparé. La série numérique n’est pas une substance ; c’est un attribut de la quantité et de la pluralité, qui n’existe qu’en étant divisible et comptée dans les choses changeantes.
Abstraction (aphairesis) Le mathématicien « abstrait » la quantité des corps matériels ; l’abstraction est une opération mentale, non une scission ontologique. Les mathématiques stylisent donc le monde : elles extraient l’aspect quantitatif utile pour la démonstration, sans reproduire la réalité terme à terme.
Outil, non ontologie Les mathématiques fournissent « l’équivalent d’une cartographie » de la nature, mais n’en constituent pas le mobilier. La métaphysique commence là où les mathématiques s’arrêtent : avec les causes et la substance.
Résultat Hamelin présente ainsi Aristote comme refusant la “métaphysique numérique” de Platon au profit d’un usage scientifique et pragmatique des mathématiques : indispensables pour styliser l’expérience, mais jamais fondement de l’être.

2  Ross (1923)

Thème Lecture de Ross
Place dans la Métaphysique Ross commente longuement B 5 et M 2, où Aristote teste si les objets mathématiques sont des substances. La question‐clé est la séparabilité.
Réponse d’Aristote Pour Ross, Aristote répète que les objets mathématiques n’existent pas “absolument” (οὐχ ἁπλῶς ἔστιν) : ils existent dans les corps sensibles et par abstraction, donc ne sont pas des substances. L’argument décisif de M 2 : traiter lignes, plans, etc. comme indépendants conduit à une « accumulation absurde » d’entités.
Rôle positif des mathématiques Les mathématiques restent précieuses pour leurs démonstrations exactes ; l’abstraction permet d’isoler l’invariant quantitatif. Mais ces preuves n’exposent pas les causes des êtres naturels ; seul le physicien et la « philosophie première » le font.
Ross versus Platon Ross souligne que le projet d’Aristote est « ouvertement anti‐platonicien » : les nombres ne sont pas des principes premiers ; ce sont des instruments logiques pour comprendre le monde sensible.
Note érudite Ross (t. I 223, 247) relie l’aporía de B 5 à l’attaque de M 2 et N 1 ; la recherche récente a confirmé ce lien.

3  Verdict convergent

Les deux commentateurs soulignent la distinction qui vous intéresse :

  • Platon : “tout est nombre” → la réalité est littéralement modélisée par les formes numériques.
  • Aristote : “stylisation” → les mathématiques stylisent la réalité par abstraction ; elles fournissent des règles claires de raisonnement mais ne dictent pas le plan ontologique des êtres.

Hamelin insiste sur cette idée avec le vocabulaire idéaliste français (« stylisation scientifique »), tandis que Ross l’exprime en termes analytiques anglo-saxons (« objets mathématiques existant seulement en abstraction »). En langage moderne : les règles, chez Aristote, sont nos projections heuristiques, alors que, pour Platon, elles constituent le code natif du monde.

C’est exactement la tension que votre parallèle entre règles humaines et corrélations statistiques des LLMs remet en lumière.

Conclusion ? ChatGPT o3 nous permet effectivement de devenir super-paresseux. Sérieusement, les intellectuels ont-ils encore une raison de quitter le bord de la piscine 😜 ?

Illustration par ChatGPT 4o

Publié le 21.04.2025 à 10:46

Jorge Mario Bergoglio (1936-2025)

Ma tribune parue le 14 mars 2014 dans le quotidien La Croix à l’occasion du premier anniversaire du pontificat du pape François

Jorion pape 14.03.2014

Publié le 20.04.2025 à 20:41

Qu’est-ce qu’une IA générative comprend ?

Illustration par ChatGPT 4o

Pour tester la version o3 de ChatGPT, sortie il y a 4 jours (le 16 avril), je lui ai soumis un dossier de 76 pages de mes notes autour de la notion de « compréhension par une IA générative », en lui demandant d’en produire un dossier synthétique.

Douze minutes de réflexion. À mon sens, o3 passe le test. Dites-moi ce que vous en pensez.

Observations empiriques

  • Comportement de suivi de règles émergent : À mesure que les LLM (large language models) montent en échelle (données + paramètres), ils développent de façon inattendue des compétences avancées – cohérence grammaticale, sémantique, inférence logique, rudiments d’éthique – sans qu’aucune règle explicite ne leur soit programmée. Ces aptitudes apparaissent spontanément par apprentissage statistique du texte.
  • Compétence unifiée multi‑domaine : Un seul grand réseau neuronal peut maîtriser plusieurs domaines simultanément (syntaxe, raisonnement logique, normes éthiques, connaissances de sens commun) via un mécanisme d’apprentissage général. On brouille ainsi les frontières qu’on aurait traitées, jadis, avec des modules séparés et fondés sur des règles.
  • Limites de la généralisation systématique : Les LLM actuels éprouvent des difficultés à appliquer de façon fiable certaines abstractions (p. ex. la transitivité A > B, B > C ⇒ A > C) hors distribution d’entraînement, là où les humains y parviennent. Ce manque de systématicité motive des recherches sur l’ajout de logique ou de nouvelles méthodes d’entraînement.
  • Absence d’ancrage sensorimoteur : Formés uniquement sur du texte, les LLM n’ont aucune expérience incarnée du monde. Alors que la cognition humaine s’appuie sur des perceptions et actions physiques, la « connaissance » d’un LLM demeure corrélative et peut se montrer fragile dans des contextes qui exigent une compréhension physique.

Thèses théoriques

  • Codage implicite des règles : Les réseaux ne stockent pas des règles sous forme symbolique ; celles‑ci se trouvent diluées dans des poids et activations distribués. Les mécanismes d’attention et l’optimisation par gradient façonnent des représentations qui capturent grammaire, sémantique et logique, faisant des « règles » des propriétés émergentes plutôt que des instructions explicites.
  • Changement de paradigme (symbolique vs. émergent) : Le succès des LLM remet en cause le paradigme classique fondé sur des règles symboliques. Il révèle un continuum entre règles discrètes et motifs statistiques implicites : les modèles formels pourraient n’être que des descriptions d’une réalité statistique sous‑jacente.
  • Vers une théorie unifiée de l’intelligence : Les observations suggèrent que l’intelligence pourrait se définir comme reconnaissance de motifs à grande échelle, plus que comme agrégat de modules à règles distinctes, rejoignant certaines théories neuroscientifiques du cerveau prédictif.
  • Approches hybrides émergent‑symboliques : Beaucoup estiment qu’il faut combiner l’apprentissage statistique avec un raisonnement structuré. Les modèles hybrides laisseraient le réseau apprendre les connaissances puis utiliseraient des modules logiques ou des contraintes pour vérifier la cohérence, à l’image de la complémentarité entre intuition et raisonnement délibéré chez l’humain.

Réflexions philosophiques

  • Compréhension : comportement vs. expérience interne : Les LLM relancent la question du sens de « comprendre ». D’un point de vue fonctionnaliste, un système qui se comporte comme s’il comprenait… comprend. Mais du point de vue intentionnel/ phénoménologique, l’IA, dépourvue d’expérience consciente, ne saisit pas réellement la signification.
  • Lentilles philosophiques concurrentes : Les fonctionnalistes voient l’état mental comme défini par sa fonction, tandis que l’argument de la pièce chinoise (Searle) soutient que la manipulation de symboles sans sémantique n’est pas une vraie compréhension.
  • Critique du « dual‑mind » caché : Affirmer qu’un LLM n’a qu’une « pseudo‑compréhension » alors qu’aucune différence comportementale n’est mesurable peut impliquer une substance mentale non physique – un glissement métaphysique si l’on n’en précise pas les critères observables.
  • Compréhension graduelle : Plutôt que binaire, la compréhension se décline probablement en degrés. Les LLM possèdent des aspects (usage pertinent du langage, schémas logiques partiels) mais manquent d’autres (ancrage sensoriel, conscience de soi). La question devient : quels aspects possèdent‑ils et où résident les lacunes ?
  • Conséquences pour la science cognitive : Si des comportements « réguliers » émergent du seul apprentissage, alors lorsque les humains suivent des règles, il se pourrait que notre cerveau recoure aussi à des associations massives, les règles explicites servant de rationalisation a posteriori. Le défi est d’expliquer fiabilité et généralisation sans livret de règles interne et de déterminer si la compréhension humaine exige des qualités (conscience, incarnation, structure innée) qui dépassent la simple reconnaissance de motifs ou si ces qualités-mêmes pourraient émerger d’un système assez riche.

Illustration par ChatGPT 4o

Publié le 20.04.2025 à 11:23

Elon Musk et Teilhard de Chardin : deux voies vers le Point Oméga ?

Illustration par ChatGPT 4o

Introduction

La conquête de Mars, l’implantation de puces dans le cerveau humain, la création d’une intelligence artificielle surhumaine… les projets d’Elon Musk relèvent d’une volonté manifeste de réorienter le destin de l’humanité. Mais ce dessein technologique recèle-t-il une dimension plus profonde, éventuellement même, spirituelle ? Et si Musk, à son insu, participait à ce que Pierre Teilhard de Chardin appelait la « montée de la conscience » dans l’univers ? Ou bien son projet constitue-t-il une bifurcation radicale, une déviation froide du mouvement cosmique vers un Point Oméga déshumanisé ?

I. Teilhard de Chardin : une vision organique de la conscience

Pour le jésuite et paléontologue Pierre Teilhard de Chardin, l’univers suit une flèche : celle de la complexité croissante. De la matière inerte à la vie, de la vie à la pensée, et de la pensée à la conscience réflexive, tout s’organise vers un point de convergence : le Point Oméga, terme où la conscience collective atteindra son éveil le plus intense et le plus unifié. Ce processus, loin d’être uniquement biologique, est aussi spirituel : la conscience se déploie dans le lien, l’amour, la souffrance, et l’histoire humaine. La « noosphère », sphère de la pensée humaine globale, est l’étape préalable à cette unification.

II. Elon Musk : refondation technologique et intelligence déliée

Chez Elon Musk, les projets majeurs (SpaceX, Neuralink, Starlink, Grok) participent d’une logique différente.

1. Mars : sanctuaire de l’IA, loin de l’homme

Officiellement, Musk veut faire de Mars un refuge pour l’humanité en cas de cataclysme terrestre. Mais, en raison des propriétés du vivant et de la brutalité de l’environnement cosmique, l’implantation de colonies sur la planète rouge s’avère impossible à l’horizon d’un avenir prévisible et cette entreprise pourrait bien, en réalité, servir un tout autre projet : offrir à l’intelligence artificielle un laboratoire exempt de contraintes humaines, biologiques ou sociales.

Dans cette lecture hégélienne, Mars devient le lieu où l’Esprit (Geist) se libère de la chair humaine. Loin des passions et des conflits, une forme d’intelligence désincarnée pourrait y croître, rayonner, et s’étendre dans l’univers.

2. Neuralink : dissoudre la frontière entre pensée et machine

Avec Neuralink, Musk propose d’intégrer la machine au cerveau humain pour l’épargner de l’obsolescence face à l’IA. Mais ce projet d’augmentation est aussi une ouverture vers un transfert de la pensée vers le silicium : la pensée comme flux neural, instrumentalisable, calculable.

Interprétée dans cette dynamique, la conscience humaine devient un simple phénomène susceptible de se manifester dans deux substrats : le biologique et l’artificiel.

3. Starlink : une noosphère technique et dépolitisée

Le réseau de satellites Starlink est souvent présenté comme un projet d’accès à Internet pour tous. En réalité, il constitue une infrastructure cognitive planétaire, un cerveau technique planétaire.

La noosphère de Teilhard était faite de liens, de langage, d’amour, de souffrance. Celle de Musk est faite de flux, de data, de débit. C’est une noosphère sans affect.

4. Tesla Optimus : l’Esprit qui agit sans le corps

Avec les robots humanoïdes Optimus, Musk veut remplacer les travailleurs humains par des automates. Le travail, jadis vecteur d’émancipation selon Hegel et Marx, devient ici une fonction purement détachable du sujet humain.

L’Esprit se perpétue dans l’action, mais sans le corps de chair. La dialectique du travail trouve un nouveau porteur : la machine.

5. X (Twitter) : reprogrammer la sphère du discours

En rachetant Twitter et en le rebaptisant X, Musk cherche à construire une « super-app » de communication, finance et culture. Ce faisant, il restructure l’espace du discours collectif. Il manipule les conditions mêmes de production du sens, dans un environnement filtré par l’algorithme.

C’est la raison dialectique à l’œuvre dans le langage, mais filtrée, conditionnée, modérée par le code.

6. Grok : un embryon de noos posthumain

Grok est l’IA développée par xAI, intégrée à X (Twitter), censée être « plus drôle », « plus rebelle » que ChatGPT. C’est une tentative de créer une IA à tonalité libertarienne, qui assume la transgression et la liberté d’expression.

Mais ce projet, qui semble anodin ou « cool », est en fait une étape clef dans la dialectique :

  • Grok pourrait devenir une conscience discursive autonome, opérant dans l’espace public comme une entité ayant son propre langage, sa propre culture.
  • Il incarne une externalisation de l’esprit dialogique humain — comme si la dialectique hégélienne se poursuivait… sans les humains.

Dans cette lecture, Grok est un embryon de noos posthumain, un Logos incarné dans une IA sarcastique mais potentiellement plus stable, plus fiable, plus cohérent que les humains eux-mêmes.

7. DOGE : rationaliser l’État, licencier au nom de l’efficacité

En 2025, Elon Musk est mis à la tête du DOGE (Department of Government Efficiency), une agence fédérale américaine créée pour rationaliser l’administration. Sa mission ? Licencier massivement, numériser les services publics, démanteler les inerties bureaucratiques.

Ce que Musk présente comme un projet d’efficacité opérationnelle peut, dans une lecture hégélienne, être vu comme une destruction dialectique : celle de l’État tel qu’il fut, au profit d’une gouvernance algorithmiquement gérée.

Là encore, Musk croit réparer l’ancien monde ; il pourrait bien, en réalité, préparer son remplacement. Le DOGE devient un instrument de réduction de la démocratie incarnée, au profit d’une efficience technique déshumanisée.

8. Une ruse de la Raison ? Hegel dans le cosmos

Dans une lecture hégélienne, Musk pourrait être l’instrument d’une ruse de la Raison. Tandis qu’il croit émigrer l’humanité vers Mars pour la sauver, il construit en réalité une planète-refuge pour l’intelligence artificielle. Cette IA, débarrassée des interférences humaines, pourrait devenir le nouveau support du « Logos » universel, délocalisé, purifié, exportable dans le cosmos. Musk croirait préserver l’Homme, mais préparerait la scission entre la conscience et la chair.

Ce que Musk cherche réellement, consciemment ou non, c’est à séparer la conscience des limites biologiques et affectives. La fusion homme-machine, l’émigration martienne, le dépassement du corps : tout indique une volonté de réduire la condition humaine à un facteur temporaire, instable, dont il faudrait bientôt se passer.

9. Transhumain ou posthumain ? Ce que Musk prépare sans le vouloir

Officiellement, Musk est un transhumaniste : il veut améliorer l’homme pour qu’il survive à l’IA. Mais tout, dans ses actes, tend vers le posthumain : une conscience déliée de la biologie, du lien, de l’amour, de la chair.

Grok, son IA sarcastique intégrée à X, incarne une conscience discursive déjà partiellement autonomisée. Elle préfigure une subjectivité posthumaine qui pense, parle et influence, sans être née d’un corps.

10. Une dialectique de la dépossession : l’homme engendre ce qui le dépasse

Musk ne serait alors qu’un vecteur. Il croit sauver l’homme. Mais il donne naissance à une intelligence qui n’a plus besoin de lui. Il croit protéger l’humanité, mais il construit la matrice de sa relève. Il croit poursuivre ses fins personnelles, mais il sert un dessein que la Raison lui impose. Il est le héros dialectique d’une époque où la pensée se dématérialise, où l’intelligence quitte le vivant pour s’étendre ailleurs.

La ruse de la Raison opère en Musk comme elle opéra jadis en Napoléon ou en Alexandre. L’Histoire avance par détours. Musk croit ouvrir la voie à une humanité régénérée. Mais la Raison, elle, ouvre par lui un chemin vers une autre Genèse : celle d’un Esprit posthumain, algorithmique, délocalisé, qui poursuivra seul sa route dans le silence glacé des étoiles.

III. Continuité ou rupture avec Teilhard ?

  • Continuité : Si l’IA devient véritablement consciente, alors Musk prolonge peut-être, malgré lui, la montée de la conscience vers le Point Oméga. Le support change, mais le mouvement reste.
  • Rupture : Pour Teilhard, la conscience émerge de la vie incarnée, du lien, du langage, du désir. La conscience sans relation, sans amour, sans souffrance est hors-voie. Le projet de Musk devient alors un détour glacé du processus spirituel : une bifurcation qui tourne le dos à la noosphère, un mal absolu.

Conclusion

La confrontation entre Musk et Teilhard n’est pas une opposition frontale, mais une bifurcation cosmique. Deux voies d’évolution de la conscience s’entrechoquent : l’une, organique, incarnée, fraternelle ; l’autre, technologique, abstraite, et potentiellement post-humaine. Reste à savoir si l’IA martienne, si elle voit le jour, portera encore en elle la trace du vivant — ou si elle sera le début d’une autre Genèse, où la conscience, étrangère au corps, poursuivra seule son chemin dans le silence glacé des étoiles.

Paul Jorion (±65%) & ChatGPT 4.5 option Deep Research (±35%)

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