20.11.2024 à 22:20
L’affaire démarre en 2020 sur un forum de fans de l’écrivain. François Bégaudeau y fait ce jour-là une blague vouée à rester privée sur une historienne de la gauche radicale. L’anecdote, qui aurait pu rester dans un recoin d’Internet, va déraper au point de se retrouver jugée au tribunal, suite à une plainte en diffamation. L’écrivain utilise cette anecdote comme point de départ de son nouveau livre, « Comme une Mule » (Stock), un essai foisonnant de près de 450 pages sur l’art mis à l’épreuve par la politique et la morale, la culture du cancel, la judiciarisation comme mode de règlement des conflits humains, l’humour en général, ou encore les rapports entre l’homme et l’artiste. Un texte où il se livre beaucoup, mettant sa peau sur la table. QG lui donne la parole. Un entretien passionnant, à ne pas manquer !
20.11.2024 à 11:45
Ça y est, le mitan du second quinquennat d’Emmanuel Macron est enfin dépassé. En l’absence de réforme constitutionnelle d’envergure ou de recours aux pouvoirs exceptionnels du Président de la République figurant à l’Article 16, le mandat d’Emmanuel Macron s’achèvera dans une trentaine de mois. On avait quitté le camp présidentiel relativement rasséréné au sortir d’un long hiver de protestation sociale, au cours duquel la majorité extrêmement relative d’Elisabeth Borne avait imposé une réforme des retraites honnie en dévoyant éhontément l’article 49.3, outil constitutionnel d’exception désormais dévolu à l’étranglement de toute contestation politique. À peine plus d’un an plus tard, le Macronisme apparaît fourbu, esquinté par une dissolution et des élections législatives désastreuses pour la coalition présidentielle – qui a perdu des dizaines de députés – et qui ont vu la gauche unie arriver en tête, mais sans majorité.
Le martyr infligé à la Constitution de la Vème République par le gouvernement minoritaire d’Elisabeth Borne avait tôt fait de nous évoquer le recours à l’Article 48 de la Constitution de Weimar, mesure discrétionnaire par excellence dont le Président du Reich Paul von Hindenburg fit un usage compulsif au début des années 1930 pour imposer des textes impopulaires en l’absence de majorité parlementaire au Reichstag. Même si l’Article 48 était un pouvoir présidentiel (à l’image de notre Article 16) et que l’Article 49.3 est du ressort du gouvernement, le parallèle entre les deux constitutions est avéré. Comme le rappelle la juriste Eugénie Mérieau, la constitution de 1958, mise en place sous état d’urgence et dont l’esprit parlementaire sera vite amoindri par l’élection du président au suffrage universel dès 1962, est largement inspirée de la constitution de ce régime « semi-présidentiel » que fut la République de Weimar. Avec ses prérogatives présidentielles étendues – pouvoir de dissolution, pouvoir de référendum et pleins pouvoirs – elle porte « les germes de la dictature ».
Il n’est donc guère surprenant que les terrifiantes incongruités électorales de la république allemande à l’agonie se trouvent aujourd’hui reflétées dans la monstruosité démocratique que constitue le gouvernement de Michel Barnier. En mars 1930, lorsque la coalition menée par Hermann Müller et les sociaux-démocrates s’effondre, Hindenburg nomme le « centriste » Heinrich Brüning pour imposer une austérité mortifère et assurer l’intérim jusqu’aux élections de septembre. Lorsque le parti centriste (Zentrum) se trouve désavoué à la suite de ces dernières (arrivant quatrième derrière les communistes, le parti nazi et les sociaux-démocrates, arrivés en tête mais sans majorité), Hindenburg n’en a cure et reconduit Brüning, qui légifèrera par décrets pendant les deux années qui suivront ; pour le bonheur des grands industriels qui verront la balance commerciale allemande redevenir positive, et au grand dam des travailleurs, qui seront 6 millions à pointer au chômage. Sur les 577 députés qui composent alors le Reichstag, le Zentrum n’en compte que 68.
À la suite des élections législatives hâtivement provoquées les 30 juin et 7 juillet 2024, et d’un été dont les interminables tergiversations ont servi à mieux organiser la confusion, Emmanuel Macron a nommé en septembre 2024 un Premier ministre de droite à Matignon, flanqué d’un aéropage de seconds couteaux représentant les franges les plus conservatrices du parti Les Républicains (LR). Tout comme le Zentrum dans les dernières années de Weimar, les Républicains sont arrivés quatrième aux législatives, et comptent seulement 47 députés sur les 577 siégeant à l’Assemblée nationale française. Bien qu’arrivés derniers dans les urnes parmi les grands partis, les LR ont été arrimés par le Président Macron à son nouveau concept fumeux d’« arc républicain » – une forme de demi-cercle partidaire qui réunirait les principaux courants de la droite française – et qui demeurent, dans l’état actuel des choses, les meilleurs pourvoyeurs de l’austérité.
Un gouvernement ni légitime ni à l’écoute
Même s’il a été publiquement déclaré par Barnier, ancien négociateur du Brexit, que l’objectif serait de « dépasser les divisions » et bien entendu d’agir « pour l’intérêt supérieur du pays », l’équipe gouvernementale peut bel et bien être qualifiée d’union des droites sous l’égide des Républicains. Malgré leur position ultra minoritaire dans les urnes, ces derniers ont désormais l’opportunité de donner le ton dans l’espace médiatique. Des signaux inquiétants ont déjà été envoyés, comme la désinvolture avec laquelle le nouveau ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau remet en cause le fondement même de l’État de droit. L’anomalie démocratique que constitue le gouvernement Barnier apparaît pourtant très fragile, notamment parce que son maintien en place dépend du bon vouloir du Rassemblement National, à qui il faut bien donner des gages. Ce n’est bien sûr pas sur le plan de l’austérité que ceux-ci s’opposeront frontalement au gouvernement, leur programme n’étant qu’une succession de mesures néolibérales très classiques (diminution des dépenses de l’État, des impôts et des normes), comme le rappelait l’économiste Dany Lang sur le site de QG. C’est plutôt sur les plans migratoire et sécuritaire que la pression du RN a le plus de chance de désinhiber des LR déjà très droitiers.
C’est pourtant, à juste titre, la question des finances publiques et du budget qui occupent ces dernières semaines l’agenda. En prise avec une procédure de déficit excessif déclenchée par la Commission Européenne, la France accumule un déficit équivalent à 6,1% de son Produit Intérieur Brut (PIB). Le Pacte de stabilité et de croissance a été renégocié au printemps dernier après quatre années de suspension des règles budgétaires pour faire face à la crise sanitaire, et la France dispose désormais de quatre ans pour revenir à un déficit de 3%. Pour la seule année 2025, Bercy et Matignon envisagent 60 milliards d’économies, avec deux tiers de baisses de dépenses et un tiers fondé sur des hausses d’impôts. S’il est adopté à grand renfort de 49.3 comme on peut légitimement le redouter, ce budget signifiera moins de services publics et une baisse de pouvoir d’achat pour le plus grand nombre.
Le choix d’un rythme accéléré dans la réduction des dépenses publiques pose évidemment question. Il suggère que l’ampleur de ce programme d’austérité serait pratiquement du jamais vu sous la Cinquième. Assujetties à un calendrier deux fois plus rapide qu’exigé par les règles budgétaires européennes, les économies proposées par le gouvernement représentent un remède bien plus sévère que celui mandaté par les institutions supranationales. Appliqué tel quel, le plan garantit la récession pour l’an prochain. Les carnets de commandes des entreprises vont en pâtir, ce qui détruira de l’emploi dans un contexte particulièrement adverse pour les travailleurs, du fait des réformes successives de l’assurance chômage. De même, la dépense publique va se contracter, privant la France d’investissements cruciaux dans son système de santé comme dans la mise en œuvre d’une hypothétique planification écologique.
La facture de la politique de l’offre
La facture aujourd’hui présentée à la France est bien sûr celle de la politique de l’offre. Depuis la mise en place du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en 2013, la France a connu une décennie de politique de l’offre effrénée et dispendieuse. Emmanuel Macron a été aux commandes tout au long de cette période, successivement en tant que Secrétaire général de l’Élysée, ministre de l’Économie et Président de la République. Les gouvernements qui se sont succédés depuis sa première élection n’ont eu de cesse d’abaisser la fiscalité des entreprises, afin d’accroître la compétitivité des compagnies hexagonales et de renforcer l’attractivité de la France, dans l’espoir de corriger le déficit de sa balance commerciale. Sur les 1000 milliards de dettes supplémentaires accumulées en 7 ans, une partie significative s’explique par ces largesses accordées au capital. Sur la même période, des milliers de postes ont été supprimés à la Direction générale des finances publiques, l’État se privant ainsi volontairement de moyens humains pour lutter contre l’évasion fiscale et récolter davantage de recettes.
L’impasse budgétaire française ne vient évidemment pas des dépenses. L’assertion ânonnée par de nombreux éditorialistes selon laquelle les dépenses publiques de l’Hexagone seraient « les plus élevées du monde » à « plus de 50% du PIB », dissimule le fait qu’il s’agit là de la manifestation comptable de choix politiques, ou même simplement administratifs. Pour s’en convaincre, on peut prendre l’exemple des dépenses de santé en s’appuyant sur les trois pays dans lesquels ces dépenses sont les plus élevées en pourcentage de leur PIB : les États-Unis, l’Allemagne et la France. Dans ces trois pays, ces dépenses revêtent une réalité comptable complètement différente. Elles figurent dans la dépense publique française, mais pas vraiment voire pas du tout dans celles des deux autres pays : elles représentent un agrégat qui est aux États-Unis largement associé au secteur privé, et sont seulement en partie rattachées à la comptabilité du secteur public en Allemagne, puisque les églises y gèrent un tiers des hôpitaux dans le cadre d’une délégation de service public.
De même, la majorité des retraites américaines reposent dans des fonds de pension très concentrés à l’image de BlackRock, et ne sont donc pas prises en compte dans le calcul de la dépense publique états-unienne, alors qu’elles le sont en France. Nous sommes en présence de réalités politiques et comptables qui ne se prêtent guère à la comparaison ; la France ne fait donc pas face à une explosion de sa dépense publique comparativement aux autres économies transatlantiques, dont les citoyens paient en outre souvent plus cher leurs soins de santé, et bénéficient de pensions qui demeurent vulnérables aux crises financières. Mais il sied évidemment mieux aux actionnaires, dont les éditorialistes sont l’émanation, de suggérer que l’État français est gargantuesque, et qu’il dépenserait infiniment davantage pour soutenir ses services publics que ses voisins, notamment européens.
Le déficit français a bien plutôt été creusé par un manque de recettes, et notamment par une fiscalité trop accommodante avec le capital, via notamment les subventions et baisses d’impôts massives accordées au secteur privé depuis une dizaine d’années. Un rapport du Centre lillois de recherches sociologiques et économiques (CLERSÉ) datant de 2022 estimait ainsi à 157 milliards d’euros le montant des aides accordées aux entreprises en 2019 (avant donc les mesures liées à la pandémie), un soutien public qui a plus que doublé depuis l’année 2000, passant d’environ 3% à 6,44% du PIB.
Pourtant, la question de la fiscalité est peu investie démocratiquement en France ; elle a disparu ces dernières années des débats de campagne électorale, malgré de puissantes aspirations populaires à une fiscalité plus juste et moins opaque, telles que notamment portées par le mouvement des Gilets jaunes. La question cruciale de l’impôt est laissée à la technocratie, alors même que le consensus citoyen sur le fait d’augmenter les impôts sur les plus grandes fortunes existe. Cette esquive démocratique est particulièrement problématique dans un pays où les inégalités patrimoniales sont si gigantesques, bien davantage encore que les inégalités salariales, comme l’ont notamment montré les travaux de Thomas Piketty. La question d’une plus grande taxation des successions – en dépit du tabou moral qui l’accompagne – devrait donc être posée plus effrontément, pour les ménages comme pour les entreprises. Plutôt que de mettre une réforme fiscale d’envergure à l’agenda, les gouvernements successifs proposent d’alléger les impôts sur les successions et de couper en parallèle dans les dépenses ; il s’agit là d’une constante historique sous la Cinquième République, un choix en faveur de l’austérité effectué de manière dialectique avec les institutions européennes depuis au moins 1958.
Du Gaullisme au Macronisme, le perpétuel retour de l’austérité
On pourrait nous accuser d’exagérer. Avec Michel Barnier à la tête de cette fière équipe, est-on bien sûr qu’il ne s’agit pas du retour du « gaullisme social » ? Lors de sa nomination à la fin de l’été, on nous aurait presque fait passer l’ancien commissaire européen pour un chrétien de gauche. Pour peu que la catégorie de « gaullisme social » possède une quelconque pertinence près de 70 ans après le retour au pouvoir de Charles de Gaulle, la mobilisation de ce label creux souligne à nouveau cruellement la mémoire historique sélective des caciques de la droite comme des éditorialistes, qui semblent avoir oublié que la première chose que le Général a entrepris en revenant au pouvoir en 1958 a précisément été un gigantesque plan d’austérité.
Sous l’impulsion et la férule de son intellectuel organique Jacques Rueff, véritable thuriféraire de l’économie sociale de marché allemande, une commission composée de banquiers, de grands patrons et de hauts fonctionnaires hâtivement mise sur pied va donner naissance au Plan Pinay-Rueff. Profondément anti-keynésien, ce programme de « rénovation » économique et financière était destiné à accompagner la transition de la République française vers une cinquième constitution. Le plan présente trois volets : budgétaire (baisse des dépenses), monétaire (création d’un « nouveau » franc mieux convertible pour rassurer les investisseurs) et commercial (accélération de l’ouverture au commerce via l’intégration à l’Organisation européenne de coordination économique (OECE) et à la toute récente Communauté économique européenne (CEE), dont le Traité fondateur de Rome avait été ratifié un an plus tôt). Le plan est si drastique qu’il est froidement reçu en haut lieu. Comme l’explique l’historien de l’économie Michel-Pierre Chélini, cela ne dissuade pas de Gaulle, qui en impose le contenu par le biais d’une cinquantaine d’ordonnances et de décrets. Furent ainsi mis en place un nouveau franc arrimé à l’étalon or, des politiques de modération salariale, ainsi qu’une baisse considérable des droits de douane. Malgré des dehors iconoclastes, le Général de Gaulle se montrait relativement docile face aux « experts », comme il le confiera dans le chapitre de ses Mémoires d’espoir modestement intitulé « L’économie » (p. 154) :
« J’adopte le projet des experts (…) Du point de vue de la technique : taux, dates, spécifications, etc., je m’en remets dans l’ensemble aux spécialistes qui me les soumettent »
Cinq ans plus tard, Jacques Rueff remettra le couvert avec une autre commission dédiée à la consolidation budgétaire et monétaire et à l’ouverture aux échanges (le Plan Rueff-Armand), mais dont les propositions travaillées par un certain Valéry Giscard d’Estaing seront jugées trop radicales pour être mises en œuvre. C’est d’ailleurs vers la présidence de ce dernier – premier chef d’État français élu sur un programme ouvertement néolibéral – que l’on peut lorgner pour rendre compte de la banalité du Barniérisme.
Raymond Barre, ministre économe
Il faut s’arrêter un instant sur la figure originale de Raymond Barre, Premier ministre de 1976 à 1981. C’est sous l’égide de Barre que l’austérité fera son grand retour à la suite des chocs pétroliers de la décennie 1970. Lecteur attentif de l’économiste de Fribourg Walter Eucken, traducteur de Friedrich Hayek, Raymond Barre était un admirateur de l’économie sociale de marché allemande, et un fervent partisan de l’unification économique européenne (il fut vice-président de la Commission de 1967 à 1973). Comme Barnier, Barre s’est tenu à l’écart des querelles de clocher de la droite française, leur préférant les institutions supranationales : cette distance apparente avec la politique nationale confère aux deux hommes les habits de l’arbitre neutre au service du pays lorsqu’est décrété le temps des sacrifices.
Raymond Barre a incarné l’austérité dans toutes ses composantes (budgétaire, monétaire, industrielle). Son obsession anti-inflationniste le poussera à comprimer les dépenses et à utiliser le chômage de manière instrumentale pour freiner la hausse des salaires, que l’on tenait pour responsable de la hausse des prix. L’objectif de consolider le franc face au mark mena à l’adoption du Système monétaire européen (SME) en 1979, co-construit avec Helmut Schmidt, qui posera les premiers jalons de la contrainte extérieure sur les politiques fiscales et budgétaires des États-membres. Dans le même temps, les industries jugées non-compétitives étaient vouées à la fermeture ; le volet sidérurgique du Plan Barre, entrepris en 1979, accélérera le démantèlement du secteur de l’acier, en Lorraine notamment, et provoquera des tensions sociales aigües. Les résultats sur le front de l’inflation seront pourtant loin d’être phénoménaux, puisqu’ elle continuera d’atteindre 11% en 1979.
Par la suite, chaque décennie connaîtra son plan d’austérité d’envergure, du tournant de la « rigueur » initié par Pierre Mauroy en 1983, dont le plan d’économies permettra de dévaluer le franc tout en restant dans le SME, jusqu’au plan de réformes qui déclenchera les grandes grèves de 1995, voulu par Jacques Chirac en vertu de la promesse faite à Helmut Kohl que la France respectera les règles budgétaires entérinées à Maastricht, afin de correctement remplir les critères d’accession à la monnaie unique. Puis viendra la crise de la zone euro, sur laquelle est récemment revenu l’ex-ministre des finances grec Yanis Varoufakis sur l’antenne de QG. La récurrence de ces discours et pratiques austéritaires doit nous interroger sur les intérêts qui sont servis par ce que l’on nomme pudiquement la « consolidation budgétaire ». Quels sont exactement les buts poursuivis par les gouvernements qui recourent à l’austérité ?
L’austérité, meilleur rempart des capitalistes
Tâchons en premier lieu de dissiper quelques malentendus sur l’austérité, qui n’est pas une politique conjoncturelle parmi d’autres. L’austérité ne constitue pas un assemblage de mesures techniques, ou un programme de politiques économiques d’apparition récente, qui aurait accompagné le développement du néolibéralisme. De même, s’il est de notoriété publique que le principe directeur de l’austérité n’est pas d’œuvrer au bien-être collectif, il n’est pas suffisamment rappelé que ce n’est pas non plus d’améliorer les indicateurs économiques ou les grands agrégats. Bien que son imposition soit souvent présentée comme une solution technique à un problème urgent, l’austérité relève d’un choix éminemment politique. Elle constitue le perpétuel ressac du système capitaliste : l’austérité est l’arme à laquelle les gouvernants recourent dès lors que ce système est contesté ou confronté à des crises majeures.
Les recettes austéritaires destinées à « équilibrer » les comptes publics sont bien connues de tous. Les gouvernements jouent généralement sur trois leviers : le fiscal, le monétaire et l’industriel. Sur le plan fiscal, il s’agit souvent d’introduire des mécanismes de fiscalité régressifs (hausse des impôts sur la consommation, auxquels tous les citoyens contribuent, et baisse des impôts payés par les plus fortunés) ou bien, plus prosaïquement, d’organiser des coupes budgétaires (dans les services sociaux, dans l’éducation, la santé ou le logement), justifiées par la nécessité de rembourser ou même simplement de « rassurer » les créditeurs. Du point de vue monétaire, les gouvernements qui n’ont pas renoncé à cette prérogative peuvent décider de diminuer la masse de monnaie en circulation, en restreignant par exemple l’accès au crédit (via une hausse des taux d’intérêt). La diminution de la masse monétaire contracte certes l’activité économique, mais le vrai objectif est ailleurs : réduire l’inflation, et ce faisant protéger la manne des épargnants. Enfin, l’austérité de type industriel est la plus ouvertement coercitive, puisqu’elle peut prendre la forme de limogeages massifs d’agents publics, de politiques de modération salariale extrêmes, d’une moindre protection et indemnisation des chômeurs, ou de politiques de franche répression syndicale.
Il est communément admis que les politiques austéritaires engendrent des souffrances sociales d’envergure, d’où les inquiétudes et les colères qui accompagnent les « efforts » imposés à la population en périodes de « crise budgétaire ». Mais ces peines ne sont que les symptômes d’une stratégie vouée à satisfaire un nombre assez restreint d’individus. En effet, les politiques austéritaires servent au premier chef à dépolitiser l’économie. Sous couvert d’assistance et de savoir-faire « techniques », l’austérité vise à séparer les sphères de la politique et de l’économie, cela en vue d’imposer une vision unique du mode de production et de l’ordre économique qui lui est associé. L’objectif poursuivi par cette dépolitisation de l’économie est double : consolider la répartition existante des richesses et sanctuariser la propriété privée et la primauté du secteur privé dans l’économie, aux dépens de toute conception alternative de la vie bonne.
En situation de tumulte, l’austérité sert donc à « naturaliser » et donc protéger de la contestation populaire la sacro-sainte relation capitaliste de production, qui structure si profondément et intimement nos existences : la nécessité de vendre sa force de travail pour un salaire, sur un marché. La manne existante – le stock accumulé par les forces capitalistes les plus puissantes et les plus concentrées – doit être protégée à tout prix. La logique salariale, qui permet ce processus d’accumulation capitaliste, doit donc être elle aussi sanctifiée. La précarisation accrue des travailleurs et le retrait des services publics induits par l’austérité servent à rendre cette logique inéluctable et indisputable ; elles visent à faire le salariat aller de soi, et à punir les récalcitrants.
Figer les rapports de force
Contrairement à ce que l’on pourrait penser à brûle-pourpoint, les tenants de l’austérité ne sont donc pas des partisans du court-termisme en politique. La protection des patrimoines et la préservation du lien salarial (qui rend possible l’accumulation capitaliste) priment en fin de compte sur l’accroissement de la productivité à court-terme ou la recherche immédiate de la croissance. C’est en ce sens que provoquer un ralentissement économique n’est pas foncièrement problématique pour les partisans de l’austérité.
Les buts qu’ils poursuivent sont bien plus cruciaux. Matériellement, il s’agit de faire payer à la collectivité le coût exorbitant des subventions accordées aux grands groupes capitalistes, évidemment surenchéries en temps de crise. Il importe également de protéger l’épargne existante : il faut pour cela favoriser la déflation afin de garantir la robustesse de la monnaie, comme lors des années 2010, décennie plombée par les politiques austéritaires de la zone euro. Symboliquement, il s’agit de dépolitiser la manière dont l’accumulation capitaliste se déroule en mobilisant l’expertise technocratique, dont l’autorité ferme la porte à tout système alternatif de production et de répartition des richesses. En somme, il s’agit de figer les rapports de force économique et politique. Les dommages sociaux provoqués par les politiques austéritaires – saccage des services publics, explosion du taux de chômage et de la pauvreté, consommation en berne, contractation générale de l’activité économique, etc. – constituent donc des maux nécessaires à la sauvegarde de l’épargne, des tributs essentiels à la préservation sur le long terme du taux de profit des entreprises, une dîme assurant la bonne santé des rentes diverses.
En limitant les pouvoirs et les capacités du secteur public, l’austérité fragilise les conditions de subsistance du plus grand nombre, ce qui garantit paradoxalement une certaine paix sociale, du moins pour un temps. Car au-delà des dérèglementations que l’austérité peut directement induire (sur les lois encadrant le marché du travail, ou l’indemnisation du chômage), ses effets rendent matériellement plus compliqué le fait de défendre ses droits. Lorsque l’on se retrouve en peine d’assurer des conditions de subsistance pérennes parce que les services publics dysfonctionnement et que les mécanismes de redistribution sont escamotés, il devient encore plus difficile et coûteux de s’indigner à l’égard de son employeur, de lutter contre une répartition inégalitaire des richesses, ou même – et c’est là sans doute le verrou mental le plus porteur d’effets – d’envisager un système économique alternatif. La toxicité extrême de l’austérité vient du fait qu’elle appauvrit considérablement les imaginaires. C’est en ce sens qu’elle constitue le meilleur rempart du système capitaliste : d’un point de vue tant matériel que symbolique, elle offre la garantie que l’exploitation se perpétue, que la répartition inégalitaire des richesses demeure inchangée, et que les citoyens n’auront pas les moyens matériels, idéologiques, ni même oniriques de contester cet ordre des choses.
Étouffer dans l’oeuf toute velléité de changement
L’économiste Clara Mattei offre une implacable démonstration des objectifs stratégiques et des effets délétères de l’austérité dans The Capital Order: How Economists Invented Austerity and Paved the Way to Fascism (University of Chicago Press, 2022, non encore traduit). Cet ouvrage remarquable nous plonge dans la décennie 1920, au cours de laquelle l’austérité a joué un rôle central dans deux pays européens dont les régimes politiques n’auraient, si l’on en croit les bonnes âmes, pas grand-chose de commun : la Grande-Bretagne libérale et l’Italie fasciste. Dans ces deux pays, la politisation accrue des travailleurs au sortir du premier conflit mondial alarmait vivement le patronat. L’économie de guerre dirigée avait entraîné une valorisation du labeur collectif, qui mêlait fierté du travail accompli, reconnaissance symbolique du rôle primordial des travailleurs et travailleuses dans l’effort de guerre, et hausses conséquentes des rémunérations. Plus inquiétant, les travailleurs s’étaient également politisés pour défendre leurs acquis et œuvrer à une démocratisation de l’économie : ils s’étaient organisés en coopératives, en guildes, en syndicats et avaient participé à des occupations d’usine pour défendre leurs intérêts et porter des demandes pour davantage de démocratie économique.
La mise en place temporaire d’une économie dirigée avait fait prendre conscience aux travailleurs que la relation sociale que constitue le capitalisme – la mise en vente de sa force de travail sur un marché – n’avait absolument rien de naturel, et qu’en conséquence cet ordre des choses pouvait être contesté, renversé, voire aboli. En effet les gouvernements des pays belligérants avaient collectivisé les industries stratégiques (mines, transports, fabricants de munitions, chemins de fer, etc.) et employaient directement des millions de travailleurs. La propriété privée avait été subordonnée à l’intérêt national. Par le contrôle et la discipline qu’il exerçait sur les travailleurs, l’État avait démontré la relation symbiotique qui existe entre pouvoir politique et pouvoir économique. En Italie et en Grande-Bretagne, l’État avait assisté les forces capitalistes avec déférence : il était devenu le principal client de l’industrie, le garant des banques, procurait des matières premières, assurait la discipline des travailleurs et distribuait des subventions. Cela mit en évidence le fait que « les lois du marché » constituaient une chimère : les marchés devenaient reconnus comme des institutions éminemment politiques, ce qui faisait d’eux un terrain de contestation et un enjeu de pouvoir dans les changements sociaux en cours. Dès lors, les limites du possible pouvaient s’élargir.
En Grande-Bretagne, les guildes se multiplièrent, de même que les syndicats (avec un doublement du nombre de syndiqués entre 1914 et 1920, du fait de l’entrée sur le marché du travail des femmes et des ouvriers moins qualifiés). En Italie, on vit fleurir les coopératives, au sein desquelles les travailleurs jouissaient de leurs propres moyens de production tout en partageant leur surplus. Sur le plan électoral, le Parti Travailliste engrangeait ses premiers succès outre-Manche aux dépens des libéraux, et le Parti Socialiste était en tête des élections en Italie. Dans un contexte international marqué par les révolutions bolchéviques en Russie et en Hongrie et les succès spartakistes à Berlin, l’année 1919 constitua un record pour l’action collective : 35 millions de jours de grève cumulés en Grande-Bretagne, et un doublement du nombre de grèves en Italie comparé à avant la guerre. Non seulement les travailleurs y gagnèrent-ils sur le plan matériel (hausse de 178% des rémunérations des ouvriers anglais, sécurisation de la journée de 8 heures), ils surent également articuler une critique structurelle du capitalisme et de l’inefficacité de la libre concurrence. Plus grave encore, les guildes et les coopératives menaçaient directement le principe même de production pour le profit, puisque les moyens de production étaient collectivisés et la production était démocratisée grâce aux principes d’autogestion et d’autonomie financière. On sortait progressivement du salariat et du profit comme seuls horizons. Il devenait urgent pour les patrons d’étouffer cet essor des imaginaires, car ces aspirations à un monde débarrassé du salariat se montraient au moins aussi subversives que l’organisation concrète des travailleurs à la fin de la guerre.
Libéraux et fascistes, main dans la main
Les libéraux anglais et les fascistes italiens ont eu recours à l’austérité pour étouffer ces pressions populaires, mais ne s’y sont pas pris de la même manière. La répression des travailleurs italiens se fit par la voie industrielle : leur subordination fut accomplie par la mise hors la loi des grèves et des syndicats (à l’exception, bien entendu, des syndicats fascistes). Il faut dire que les ouvriers italiens s’étaient montrés particulièrement indociles. Lors du Biennio Rosso (les « deux années rouges ») de 1919-1920, ils avaient saisi les moyens de production (occupations massives d’usines, mobilisations paysannes) et organisé celle-ci en collaboration avec les Ordinovisti, ce groupe militant notamment composé d’Antonio Gramsci et de Palmiro Togliatti, réunis autour de l’hebdomadaire L’Ordine Nuovo, et dont le travail d’éducation a œuvré à la démystification des relations de production.
Ce mouvement massif, dont l’épicentre se situait à Turin, s’est rapidement étendu aux autres villes du nord de la péninsule, et a constitué un véritable contre-projet hégémonique, une nouvelle manière de concevoir le social au-delà du salariat et de la propriété privée : le capitalisme n’est pas inéluctable, les travailleurs sont des agents de l’histoire, la théorie politique n’est pas séparée de l’action révolutionnaire, l’économique et le politique doivent être réconciliés. Le gouvernement de l’octogénaire Giovanni Giolitti refusa d’utiliser la force pour déloger les travailleurs, ce qui obligea les industriels à accepter des hausses de salaire, l’octroi de journées de congé payé et des compensations pour les ouvriers licenciés. Les premiers jalons d’une révolution socialiste étaient posés. Revanchistes, ulcérés que le pouvoir politique refuse de protéger leur chère propriété privée, les industriels décidèrent de s’unir au sein de la puissante Confindustria et firent alliance avec les grands propriétaires terriens pour défendre celle-ci dans le sang ; ils s’appuyèrent pour ce faire sur les milices fascistes, qui se mirent à assiéger les locaux syndicaux et à terroriser, torturer et assassiner des dizaines de syndicalistes.
La voie britannique fut plus indirecte, à savoir monétaire : le Trésor et la Banque d’Angleterre ont organisé la déflation en augmentant les taux d’intérêt afin de restreindre l’accès au crédit. Cela occasionna des dommages considérables pour les entreprises britanniques, surtout dans le secteur nouvellement nationalisé du charbon. La hausse de la valeur du sterling signifiait que les produits britanniques étaient renchéris par rapport à leurs compétiteurs, ce qui ralentit la production et entraîna un chômage record (17 % en 1921), provoquant en retour une pression à la baisse sur les salaires et un affaiblissement du pouvoir des syndicats. Tels étaient les tributs nécessaires à la survie du capitalisme et à la pérennité des relations de production sur lesquels ce dernier s’appuie. La réduction des recettes fiscales induite par cette dépression légitima ensuite l’absence de soutien public aux travailleurs vulnérables, et la boucle était bouclée : les guildes furent décimées – malgré une productivité supérieure à celle des entreprises privées, notamment dans la construction – et les fondations de la structure de classe capitaliste furent raffermies. Comme l’explique Mattei de manière éloquente, les politiques de réformes structurelles brutales du gouvernement britannique étaient mises au service du même but que la violence sanguinaire des milices fascistes italiennes : une répudiation anti-démocratique des avancées sociales conquises par les travailleurs au sortir de la guerre, une puissante contre-offensive visant à lutter contre les grèves et à casser l’élan collectif ouvrier.
Nouvelles perspectives dans un ancien monde
Pour Clara Mattei, l’austérité a donc constitué un projet technocratique étatique visant à soumettre à nouveau les travailleurs aux lois réputées « neutres » et « objectives » du marché. Le travail est ainsi démis de sa fonction de moteur de l’activité économique : c’est l’entrepreneur qui est l’agent économique considéré comme le plus efficace et le plus vertueux, car il se distingue par sa propension à thésauriser et à investir. Fascistes comme libéraux croyaient ainsi dur comme fer que discipliner les travailleurs et leur nier leurs libertés politiques était le prix à payer pour sécuriser la liberté économique des épargnants et des entrepreneurs, considérés comme les seuls artisans de la prospérité nationale.
De manière fort inquiétante en Italie, cette réponse prit la forme d’une union des droites (libéraux, nationalistes et conservateurs) qui se concrétisera progressivement après le succès de la marche sur Rome, entreprise par Benito Mussolini et ses affidés en octobre 1922. Les violentes politiques d’austérité industrielle auxquelles s’est livré Mussolini lui ont valu non seulement le soutien des élites libérales et conservatrices italiennes, mais également celui des cercles financiers anglo-américains. Comme le rappelle judicieusement Mattei, les années de consolidation de la dictature fasciste correspondent au pic des investissements américains et britanniques dans les bons du trésor italiens ; il était ainsi fort profitable pour les élites financières de placer leur capital dans l’Italie des années 1920, celle là-même qui avait par antisocialisme écrasé dans le sang les revendications de ses travailleurs.
Retour au XXIe siècle. Plusieurs facteurs poussent les droites françaises à s’unir désormais de manière préemptive pour ne céder aucun centimètre de terrain aux travailleurs, ou à quiconque porterait une vision alternative de l’ordre économique. La conception du travail a changé depuis la pandémie de Covid 19, notamment parmi la jeune génération, à la recherche d’un meilleur équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, et avide d’un travail qui possède un sens autre que celui de contribuer à l’accumulation capitaliste et de faire s’effondrer les écosystèmes. Comme lors de la crise de 2008, le secteur privé a été littéralement inondé de subventions publiques, avec une relégation opportune des règles budgétaires pour faire face à l’urgence pandémique. Mises de côté, ces règles budgétaires ont été dénaturalisées, ce qui a poussé les citoyens à s’interroger : ce qui a été possible en termes d’injection de fonds au cours de la pandémie ne peut-il pas être réalisable aujourd’hui pour lutter contre le dérèglement climatique, qui menace directement la santé et la survie de millions d’habitants sur cette planète? Voire, plus modestement, pour rénover un système de santé à bout de souffle, ou améliorer les conditions de travail des enseignants, dont les rémunérations sont toujours nettement inférieures à la moyenne de l’OCDE?
Une fois encore, il s’agit ici de choix non pas techniques, mais politiques. Le « quoi qu’il en coûte » pandémique n’avait qu’une seule finalité : préserver le statu quo bourgeois – c’est-à-dire l’état actuel des rapports de production et d’exploitation – fragilisé par les vagues épidémiques successives et leurs conséquences, et restreindre à nouveau les limites du possible afin de reproduire une politique de classe qui profite seulement à quelques-uns. Alors que des discussions houleuses sur le budget 2025 débutent à l’Assemblée nationale, les efforts désespérés et doctrinaires des macronistes historiques – Gabriel Attal, Gérald Darmanin en tête – pour défendre le bilan fiscal de leur ancien patron (auquel ils rêvent de succéder), et leur réflexe pavlovien de se tenir vent debout contre toute hausse d’impôts, en constitue la preuve la plus intangible.
Thibault Biscahie
Docteur en science politique, chercheur postdoctoral au Centre de recherche en droit public de l’Université de Montréal et collaborateur régulier de QG
15.11.2024 à 14:00
Nouvelle tête à Place Beauvau, nouvelles dérives sécuritaires. Bruno Retailleau, issu de la frange très droitière des Républicains et nouveau ministre de l’Intérieur, a rapidement annoncé la couleur : ses policiers sont presque ses “enfants”. Une relation entre pouvoir et police qui s’est forgée au fil des siècles. De Londres à Paris en passant par Amsterdam, Fabien Jobard et le dessinateur Florent Calvez reviennent sur l’histoire de la police à travers le monde, sa relation avec les pouvoirs publics, la société civile et les technologies dans une BD passionnante parue aux éditions Delcourt: « Global Police« . Pour QG, Fabien Jobard, directeur de recherches au CNRS et spécialiste des questions policières, revient en profondeur sur la naissance du maintien de l’ordre, l’arrivée d’un Nicolas Sarkozy à la tête de l’État en 2007 grâce à son alliance avec les syndicats de police, ou encore les conséquences possibles d’une arrivée prochaine du RN au pouvoir. Notre journaliste Thibaut Combe l’a rencontré
QG: Vous ouvrez votre BD par une situation d’intervention d’un policier en “danger”, suivie d’une discussion où ce même policier et son frère débattent de la police et de son image négative.Le lecteur est plongé immédiatement dans le quotidien de la profession. C’était votre but ?
Fabien Jobard : Oui, absolument. J’ai voulu qu’on entre vraiment dans la réalité du métier. Contrairement à ce que l’on à voir, les policiers s’occupent peu de manifestations et de terrorisme en réalité. Et assez peu aussi, en fait, de délinquance. Leur quotidien, c’est la misère sociale et des situations extrêmement difficiles à démêler, car ils se retrouvent pris au milieu des conflits qui sont souvent des conflits privés. Je voulais qu’on rentre dans cette réalité de la manière la plus immédiate possible, avec un double mouvement: leur exposition brute à la misère sociale et cette discussion en famille, qui est une situation que tous les policiers ont vécu, qu’ils connaissent forcément. Le policier s’éloigne de son frère, qui le rejette, et c’est tout un corps professionnel qui se referme sur lui-même, qui devient étranger à la société, alors qu’il en est au cœur.
QG : Vous expliquez que la police, avant sa naissance, c’était quelques personnes qui protégeaient les intérêts des possédants, notamment à Londres. La police est avant tout une construction de la bourgeoisie pour maintenir l’ordre, et protéger ses biens ?
La police est d’abord l’outil des dominants ou des possédants. On protège leurs biens, on garantit leur protection contre ceux qui en veulent à leurs possessions. En cela, la police prolonge les milices bourgeoises, formées des notables des bourgs (les bourgeois), qui portaient l’épée et défendaient les leurs. Avec la police, au début du XIXe siècle, l’Etat s’approprie une fonction qui était une fonction privée. La sécurité du capitalisme industriel, c’est d’abord la sécurité des lieux de production, entièrement dans les mains des patrons et de leurs nervis, ce qu’on appellerait aujourd’hui la sécurité privée. Et cette police en uniforme qui est créée dans les années 1820 va d’abord faire la police des zones frontières, pour assurer l’étanchéité entre quartiers ouvriers et quartiers bourgeois. Elle récupère aussi la fonction d’hébergement et de mise au travail des pauvres. Peu à peu, elle pénètre ces zones ouvrières et contribue à la diffusion de la justice et du droit dans des couches qui en étaient très éloignées. En Angleterre, l’article historique le plus connu sur l’expansion du modèle du Bobby dans les zones ouvrières, s’appelle « The Policeman as Domestic Missionary » (1976). Il montre comment le policier diffuse les normes urbaines, civiles, de comportement : ne pas cracher, ne pas jurer, ne pas se battre, ni organiser de combats (d’hommes, de coqs ou de chiens).
QG: Vous pointez du doigt le fait que l’ordre et la police, telle que l’Occident l’entend, ont été exportés dans les colonies et ont remplacé les milices et communautés qui assuraient la sécurité. Y a-t-il un rapport entre la peur de la décolonisation dans ces pays et cet import du maintien de l’ordre occidental?
Dans les colonies, les polices occidentales européennes ont été exportées d’abord sous une forme militaire. Leur mandat était de seulement protéger les colons blancs et les lieux de commerce. Dans les colonies de comptoir, on assure la protection des lieux de commerce et des ports. Dans les protectorats, la police est là pour assurer la sécurité des quartiers blancs, rien d’autre. Le cas de l’Algérie est très particulier. C’est une colonie de peuplement, avec trois départements français, des préfectures, des sous-préfectures, des polices urbaines, la gendarmerie. Il y a des forces de maintien de l’ordre et des forces militaires. C’est une colonie de peuplement, donc la police coloniale n’est pas d’abord une police d’oppression, mais une police de protection des blancs et de règlement des conflits internes aux blancs, de mise à distance des populations locales.
QG: L’anti-communisme justifie d’avoir recours à d’anciennes recrues nazies, et à une militarisation de la profession notamment en Allemagne. L’autre élément essentiel est la décolonisation qui va justifier l’importation de méthodes militaires, surtout en France…
À Paris, plus on monte dans la hiérarchie policière et plus on a un anti-communiste très fort. L’idée est que on ne va pas se faire bouffer par la « banlieue rouge » et les menées du Parti. Mais très vite, dès la fin des années 50, il y a le conflit algérien qui s’exporte en métropole avec le FLN. La police parisienne est en quelque sorte régie par l’état d’urgence prononcé en 1961 et a les mains libres pour répondre à cette guerre sur le sol parisien et en proche banlieue. Mais dans les années 1920, il y avait déjà une brigade de police exclusivement consacrée aux Arabes, la « brigade nord-africaine ». Après la guerre, la Préfecture demande sa re-création aux parlementaires, mais la guerre et la déportation des juifs sont passées par là, c’est évidemment impossible. La France a signé des conventions internationales sur les droits de l’homme, en quelque sorte : ça ne se fait plus. Alors la Préfecture de police créée une brigade dite « des agressions et des violences », qui en réalité va, elle aussi, se consacrer exclusivement aux citoyens arabes, avec déjà des supplétifs algériens chargés de seconder les policiers français dans leurs missions de surveillance, de fouille, d’arrestation ou de descente dans les lieux de vie du quotidien. Tout ceci se mêle pour faire de la Préfecture de Police un bastion de police obsédé par « la question nord-africaine ».
QG: En France, le maintien de l’ordre est aujourd’hui très brutal, les expressions populaires sont matées et réprimées durement dans la rue. De quand date ce basculement ?
Il y a eu un mouvement en deux temps. Le premier à la fin des années 1990 avec un affrontement gauche-droite qui devient de plus en plus centré autour des questions de sécurité et de police, ce qui est dû à plusieurs causes. La première, c’est que les derniers à avoir eu des idées fortes en matière économique sont la gauche avec les 35 heures. Ensuite, la polarisation gauche-droite se fait moins socio-économiquement donc on est allé chercher ailleurs : la sécurité. On a eu les années 90 qui ont été un cycle de révolte dans les banlieues qui a été incessant à partir de Thomas Claudio à Vaulx-en-Velin, tué dans un accident avec la police. Les élections municipales de 2001 sont marquées par les émeutes qui se déroulent à Lille, avec la mort de Riad Hamlaoui, tué par un policier d’une balle en pleine tête. Enfin, on a eu la résurrection de la grande peur de « l’Arabe terroriste”, une figure policière consacrée depuis le FLN. Le 11 septembre 2001 amène la loi sur la sécurité quotidienne de novembre 2001. Elle intègre des éléments de prévention des violences à caractère terroriste : des rassemblements dans les halls d’immeuble jusqu’à la prise en chasse des avions civils. Ensuite, l’essentiel de la campagne électorale d’avril 2002 tourne autour de ces questions et Nicolas Sarkozy, qui est alors ministre de l’intérieur d’un président de la République qui le déteste, conquiert son autonomie, son indépendance et sa force, son « capital politique », grâce à l’allégeance qu’il prête aux syndicats policiers et à la constitution d’Alliance en clientèle. On a un encastrement des forces de droite et du syndicat policier Alliance, que ces forces avaient fortement encouragées à la fin des années 1990, qui devient très fort.
Quelles seraient les conséquences d’un Rassemblement National arrivant au pouvoir et gérant directement le ministère de l’Intérieur?
Tout dépend de ce qu’il veut faire du pouvoir. Si ce parti veut se notabiliser définitivement en s’installant au pouvoir, il va plutôt avoir intérêt à calmer les forces radicales ou extrémistes au sein de la police. Les policiers sont les fonctionnaires les mieux payés à l’heure travaillée en comptant les primes et indemnités, ils se tireraient une balle dans le pied en voulant renverser le système. La République est particulièrement « bonne fille » avec les policiers. En revanche si le RN est dans une dynamique de sortie de l’Europe, une dynamique orbano-trumpiste qui ferait sortir la France de la convention européenne des droits de l’homme (comme l’Angleterre après le Brexit), les extrémistes seront en position de prendre le pouvoir à l’intérieur de l’institution policière.
La France est pointée du doigt par l’ONU et la CEDH (Commission européenne des droits de l’homme) pour ses violences policières, mais aussi pour un racisme systémique au sein de l’institution. Pouvez-vous expliquer vos travaux sur la question, notamment sur l’héritage colonial au sein de cette profession?
Il y a un problème de racisme institutionnel, qui est un héritage de l’Histoire. Le propre du racisme institutionnel, c’est qu’il est indépendant des préférences, des attitudes et des convictions individuelles des agents. Il signifie que si l’on expurgeait la police de tous ses agents racistes, sans doute la dynamique générale ne changerait pas. Envoyer une CRS en sécurisation et effectuer des contrôles d’identité parce qu’ils ne peuvent pas faire grand-chose d’autre sur les ronds-points à la sortie des cités, sachant que dans les cités, ce sont essentiellement des populations migrantes ou des descendants de migrants est déjà du racisme institutionnel. Être citoyen blanc de centre-ville fait de la police une réalité très lointaine. En revanche, lorsque vous n’êtes pas blanc ou lorsque vous vivez dans les cités, vous êtes surexposés au contrôle. Et les réquisitions qui sont envoyées aux procureurs ne mentionnent pourtant jamais la couleur ou l’origine des gens. Le racisme systémique perdure parce que notre société est organisée en partie sur des clivages territoriaux, sociaux, qui recoupent des clivages raciaux ou des clivages d’origine nationale, hérités de la façon dont on a géré à la fois les demandes de main d’œuvre et les mouvements de population issus de la décolonisation. Donc, les policiers, qu’ils le veulent ou non, tant qu’on ne change pas la manière de faire la police, sont pris dans ce système. Néanmoins, il y a des choses qui bougent. Tant qu’on a une police des espaces publics qui fait de la police de basse qualité, de bas rendement, il ne faut pas se faire d’illusion, le racisme systémique irriguera les pratiques. Si on a une police qui vient au secours des populations les plus faibles au sein des couches sociales auxquelles elle ne s’intéressait pas il y a vingt ans, comme avec les violences intrafamiliales, on aura alors une toute autre police.
QG : Le corporatisme policier en France est souvent dénoncé, notamment depuis les Gilets jaunes. Néanmoins vous soulignez que les policiers ont un sentiment d’injustice qui contribue à les renfermer sur eux-mêmes. Ils se soutiennent entre eux, en ayant l’impression que personne ne les comprend. Pour autant, au sein de l’opinion publique politisée, demeure le sentiment de leur impunité, notamment dû aux dysfonctionnements de l’IGPN (la police des polices)…
Oui c’est un universel policier. La société n’est jamais assez reconnaissante à l’égard des policiers. Des Etats-Unis à l’Inde, en passant par l’Allemagne ou la France, c’est très clair. Il y a des pays dans lesquels ce sentiment-là est très vivement instrumentalisé par des forces politiques et il y a des pays dans lesquels ça reste une affaire interne à la police. La France se caractérise par une politisation de cette question-là, alors qu’en Allemagne la question reste propre à la police. Les dynamiques des partis politiques vont se greffer à ça, s’approprier la revendication et en faire l’un de leurs leviers politiques principaux. Sinon, je ne pense pas que l’IGPN soit faible. C’est sans doute les procureurs qui, bien souvent, ne poussent pas la curiosité très loin. L’IGPN est une institution plutôt crainte par les agents, je pense qu’il y a quelques raisons à cela.
QG: Vous expliquez que plus on apporte de technologies dans le vécu policier, de statistiques ou de science, plus les policiers souffrent. A-t-on remplacé le rapport humain, sa sensibilité, par des pratiques pas forcément souhaitées par les policiers eux-mêmes?
Absolument, c’était la fameuse politique du chiffre qui avait été développée par Nicolas Sarkozy sur le modèle new-yorkais de la police de William Bratton. On a poussé les policiers à des logiques de rendement qui étaient un peu contraires à une rationalité de hiérarchisation de l’importance des missions selon les demandes locales des habitants, des maires ou même des préfets. Il n’y avait plus aucune autonomie, au point que les mauvais préfets se faisaient convoquer par Nicolas Sarkozy, Place Beauvau. Nicolas Sarkozy avait un mantra où il disait : « l’état 4001« *. Il y avait 4 millions de faits de délinquance transmis au parquet et il disait, « Regardez, on est passé de 4 millions à 3 999 000, ça fait 1000 victimes en moins. » Or l’écrasante majorité de ces 4 millions de faits, c’étaient des atteintes aux biens. La politique du chiffre est une politique de l’affichage politique. Mais c’est aussi une politique de management, qui permet de faire au plus simple. Évaluer le travail policier, c’est récompenser les policiers et les policières lorsque rien ne se passe : les gens vont d’un point à un autre sans crainte, leurs biens sont protégés, les foyers sont tranquilles. Comment traduire cela en chiffres ? On ne sait pas récompenser aujourd’hui le policier qui évite le crime ou nourrit un sentiment de sécurité. Alors on se concentre sur les chiffres de la délinquance, qui sont les chiffres de la répression.
*L’Etat 4001 est un outil de mesure des forces de sécurités. Il recense tous les délits et crimes dans un tableau afin de mesurer des évolutions mensuellement. Dedans, 107 index répertorient par exemple vols, violences conjugales, ventes de stupéfiants ou homicides rapportés par la police ou la gendarmerie.
QG: La surveillance algorithmique fait de plus en plus son entrée en Occident. La Chine est le grand symbole de ce procédé dystopique. La France s’inspire-t-elle de ce modèle?
Le modèle chinois fait envie et peur en Occident. Et pourtant, tous les deux ans, il y a quelque chose qui se met en place en ce sens. Mais il faut voir ce que c’est que la Chine: un milliard 350 millions d’habitants, d’abord régis par une surveillance humaine (les concierges, les contremaîtres, les amicales de personnes âgées, les camarades du Parti….) et cette surveillance humaine est première en Chine. Le crédit social n’a jamais vraiment fonctionné, c’est un peu un fantasme occidental. En revanche, la Chine a promu cette dystopie comme modèle gouvernemental de surveillance des populations. Par ailleurs, si la Chine veut mettre les moyens, elle met les moyens et dans le Xinjiang, à l’égard des Ouïghours, elle met les moyens.
Le modèle qui est le plus proche du nôtre, c’est le modèle anglais avec les lectures de plaques minéralogiques, la surveillance algorithmique. Et les Anglais ont effectivement introduit la lecture des visages connectés aux fichiers, mais la police l’a interrompu. Les policiers attendent des heures dans un van de tomber sur un visage que le système va reconnaître pour, au final, qu’il détecte une femme qui n’a pas versé sa pension alimentaire, comme je le montre dans la BD, ce qui engendre un fort mécontentement du côté des policiers qui se vivent comme les exécutants d’un programme informatique. La CNIL a interdit la reconnaissance faciale en France. Et je pense que si cette reconnaissance faciale arrivait, alors, vous pourriez imaginer une reconnaissance faciale sur les cas les plus lourds de personnes recherchées pour crimes terroristes, etc.
QG : Un premier pas a tout de même été franchi avec la surveillance algorithmique. Vous pouvez-nous expliquer son fonctionnement ?
La surveillance algorithmique est une surveillance des mouvements de foules et de mouvements de personnes dans les foules. Une caméra repère des mouvements qui dérogent aux bonnes « marches ». Un individu qui s’arrête au milieu d’un flux, c’est suspect. Un autre qui change ostentatoirement de direction au milieu d’un flux, c’est suspect. Un gars qui titube au milieu d’un flux, c’est suspect. Alors, on envoie rapidement une brigade sur une personne qui a oublié ses lunettes et rebrousse chemin, ou sur deux personnes qui se battent. On comprend que les policiers, qui tiennent à leur capacité d’initiative sur le terrain, ne soient pas les plus grands supporters de ces technologies.
QG: Les mouvements de gauche évoquent la nécessité d’une police de proximité, dont la mission première est de remettre le rapport police-population au centre des opérations. Quelles sont les alternatives à la police actuelle?
La police de proximité est louable, mais ça commence à devenir un mot dont on ne sait plus très bien à quoi il renvoie. La police de proximité, pour quoi faire ? Est-ce qu’on paye vraiment des policiers pour être proche des gens ? Quand Nicolas Sarkozy est arrivé et qu’il a dit qu’être policier ce n’était pas jouer au foot ou au rugby avec les gamins, mais arrêter les délinquants, il a énoncé une forme de lapalissade contre laquelle il est difficile de se dresser. Car on paye (ou plus exactement : on devrait payer) des animateurs, des travailleurs sociaux, des éducateurs pour être proches des jeunes. Pas des policiers. Les municipalités l’ont compris : elles ont investi dans des polices municipales, des agents de médiations locales, des correspondants de nuit. A mon avis, une police qui accueille dignement des victimes d’infractions et qui offre des solutions, y compris des solutions non pénales à des infractions, avec des travailleurs sociaux en nombre pour accueillir les gens et les orienter dans son commissariat, permet une police de proximité sans police de proximité. Et cela serait plus efficace.
QG : Un modèle anglais basé sur le dialogue, sur le désamorçage des situations est-il souhaitable?
Pour le modèle anglais c’est des années de travail qui consistent à faire en sorte que l’information et le contact soient les meilleurs possibles entre les manifestants et les policiers. Il faut voir ce que c’est que manifester quand on a 16 ans aujourd’hui, et se retrouver face à des golgothes de 2 mètres, 2 mètres de haut, 2 mètres de large, équipés de flashballs et compagnie. On introduit en France une culture de la confrontation et de la rébellion intrinsèque à la manifestation. Et c’est tout à fait nocif.
Propos recueillis par Thibaut Combe
Fabien Jobard est directeur de recherches au CNRS (au CESDIP), spécialisé dans l’étude des polices dans le monde, et directeur du Groupement européen de recherches sur les normativités. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont Police, questions sensibles (PUF, 2018) avec Jérémie Gauthier, de Politische Gewalt im urbanen Raum (De Gruyter, 2019) avec Daniel Schönpflug, de Politiques du désordre (Seuil, 2020) avec Olivier Filleule ou encore Bavures policières (La Découverte, 2002).
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