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08.05.2024 à 06:00

Mali : Des groupes islamistes armés et des milices ethniques commettent des atrocités

Human Rights Watch

Click to expand Image La Route Nationale 15, allant de la région de Mopti au sud du Mali – où le GSIM, un groupe islamiste armé, a attaqué deux villages le 27 janvier 2024 – au Burkina Faso. © 2021 Amaury Hauchard / AFP

(Nairobi) – Un groupe islamiste armé lié à Al-Qaïda a tué au moins 32 civils, dont 3 enfants, et a incendié plus de 350 maisons dans le centre du Mali en janvier 2024, forçant environ 2 000 villageois à fuir, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Plus tôt en janvier, une milice ethnique a tué au moins 13 civils, dont 2 enfants, a enlevé 24 autres personnes et s’est livrée au pillage de biens et de bétail dans le centre du Mali. Ces attaques ont violé le droit international humanitaire et constituent des crimes de guerre apparents.

Human Rights Watch a documenté deux attaques menées par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) contre les villages d’Ogota et d’Ouémbé, dans la région de Mopti, le 27 janvier, et deux attaques menées par des milices dozos contre les villages de Kalala et de Boura, dans la région de Ségou, au début du mois de janvier. Ces attaques ont eu lieu dans le contexte d’un cycle de meurtres et de violences communautaires commis en guise de représailles dans le centre du Mali. Les autorités militaires de transition du Mali, qui ont pris le pouvoir lors d’un coup d’État en mai 2021, devraient enquêter d’urgence sur ces abus, poursuivre les responsables de manière équitable et mieux protéger tous les civils en danger.

« Des groupes armés islamistes et des milices ethniques attaquent brutalement des civils sans crainte de poursuites », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur le Sahel à Human Rights Watch. « Les autorités devraient agir pour mettre fin aux cycles meurtriers de violence et de meurtres commis par vengeance et mieux protéger les civils menacés. »

Entre février et avril, Human Rights Watch a mené des entretiens téléphoniques avec 25 personnes ayant connaissance de ces attaques, dont 15 témoins, 3 activistes maliens et 7 représentants d’organisations internationales. Human Rights Watch a également analysé des images satellite de maisons incendiées à Ogota et Ouémbé.

Le Mali combat des groupes islamistes armés liés à Al-Qaïda et au groupe armé extrémiste État islamique (EI) depuis 2015. En décembre 2023, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), s’est retirée du pays à la demande des autorités militaires de transition maliennes, suscitant des inquiétudes quant à la protection des civils et à la surveillance des abus commis dans ce pays. En janvier, les autorités de transition ont annoncé que le Mali quitterait la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), privant ainsi les victimes d’abus de la possibilité de demander justice auprès de la Cour de Justice de la CEDEAO.

Des témoins ont déclaré que le 27 janvier, le GSIM a attaqué Ogota, peuplé principalement de Dogons, en représailles à la présence de la milice Dan Na Ambassagou dans les environs. « Ils ont envahi le village, tirant sur tout et n’importe qui, pendant plus d’une heure », a déclaré une femme de 40 ans. « Ils ont mis le feu à tout le village. »

Le 6 janvier, des milices dozos ont attaqué Kalala, un village majoritairement peuplé de Peuls, et tué 13 civils. « Nous avons retrouvé six corps devant la mosquée, et les autres à l’intérieur ou à l’extérieur des maisons », a déclaré un éleveur. « Les Dozos nous ont pris pour cible parce que nous sommes [des] Peuls et qu’ils pensent que tous les Peuls sont des terroristes. » Des témoins de Kalala ont déclaré que l’attaque avait été menée en représailles aux attaques menées en octobre et en novembre par le GSIM dans des villages environnants, contre des membres de l’ethnie bambara.

Les autorités militaires maliennes de transition n’ont pas enquêté de manière adéquate sur les incidents impliquant des membres de groupes armés islamistes ou de milices ethniques, a déclaré Human Rights Watch. Dans son rapport de février, Alioune Tine, Expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Mali, a déclaré qu’il regrettait « qu’aucun progrès significatif n’ait été observé concernant le jugement des auteurs présumés des multiples violations des droits humains et des atteintes à ces droits ainsi que des violations du droit international humanitaire attribuées aux groupes extrémistes violents, aux milices et groupes d’autodéfense communautaires ainsi qu’aux forces maliennes. »

Des témoins des attaques du GSIM ont déclaré que les forces de sécurité maliennes n’ont pas protégé leurs communautés de manière adéquate. « L’État malien nous a abandonnés », a déclaré un homme de 34 ans originaire de Bankass, dans la région de Mopti. « Depuis 2018, les djihadistes nous imposent la charia [loi islamique], attaquent nos villages, minent nos routes [et] enlèvent nos enfants. Nous avons toujours demandé l’aide de nos autorités, mais elles n‘ont pas répondu. Ces attaques se poursuivent parce que les terroristes jouissent d’une grande liberté d’action et ne sont jamais tenus de rendre des comptes. » Un témoin de l’attaque de la milice dozo à Boura le 3 janvier a cependant trouvé que les autorités étaient prêtes à réagir promptement, affirmant que les gendarmes présents localement « ont agi rapidement … et ont arrêté trois miliciens ».

Human Rights Watch a également documenté de graves abus commis par les forces de sécurité maliennes et par des forces présumées du groupe Wagner soutenues par la Russie lors d’opérations de contre-insurrection dans le centre du Mali.

En vertu du droit international humanitaire, les combats au Mali sont considérés comme un conflit armé qui n’a pas de caractère international. Le droit applicable comprend l’article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 et les lois coutumières de la guerre, qui s’appliquent aux groupes armés non étatiques ainsi qu’aux forces armées nationales. Les lois de la guerre interdisent les exécutions sommaires, la torture, les attaques contre les civils et les biens civils et le pillage, entre autres violations. Le gouvernement a l’obligation d’enquêter de manière impartiale et de poursuivre de manière appropriée les personnes impliquées dans des crimes de guerre, qui sont des violations graves des lois de la guerre commises avec une intention criminelle.

« L’incapacité du gouvernement de transition malien à demander des comptes aux groupes armés islamistes et aux milices ethniques ne fait qu’encourager les forces responsables d’abus à commettre de nouvelles atrocités », a déclaré Ilaria Allegrozzi. « Les autorités devraient redoubler d’efforts pour enquêter de manière appropriée et traduire en justice tous les responsables d’abus graves. »

Pour lire des témoignages et des informations plus détaillées, veuillez voir ci-dessous. Les noms des personnes interrogées n’ont pas été divulgués pour leur protection.

Abus commis par le GSIM

Le groupe islamiste armé GSIM a fait son apparition en mars 2017 en tant que coalition de groupes alignés avec Al-Qaïda, parmi lesquels Ansar Dine, Al-Qaïda au Maghreb islamique, Al-Mourabitoune et la Katiba Macina. Human Rights Watch a déjà documenté dans le passé de graves abus commis par le GSIM dans tout le Mali.

Le GSIM a concentré ses efforts de recrutement sur les Peuls, en exploitant les frustrations de ces derniers, liées à la corruption du gouvernement et à la concurrence pour l’accès aux ressources naturelles. Cette situation a exacerbé les tensions entre les Peuls et les autres groupes ethniques, en particulier les Bambaras et les Dogons, et a conduit à la formation de groupes d’autodéfense ethniques, à l’instar des Dozos et de Dan Na Ambassagou, qui ont pris en main la protection de leurs villages et de leurs biens.

Ogota et Ouémbé, région de Mopti, 27 janvier

Le 27 janvier vers 18 heures, des dizaines de combattants du GSIM armés de fusils d’assaut de type kalachnikov et circulant sur des motos et des véhicules équipés de mitrailleuses lourdes ont mené des attaques simultanées sur les villages d’Ogota et d’Ouémbé, situés à trois kilomètres l’un de l’autre, selon quatre témoins.

Les combattants, qui portaient des foulards et parlaient le fulfulde, une langue largement répandue au Mali, ont tué 28 villageois à Ogota, dont 8 femmes, 4 hommes âgés et 3 enfants, et 4 villageois à Ouémbé, dont 2 femmes. Selon des témoins, les combattants ont brûlé au moins 150 maisons à Ogota et 130 maisons à Ouémbé, puis sont revenus le 1er février pour brûler les maisons restées intactes.

Le 29 janvier, les médias internationaux ont fait état de ces attaques, citant des informations émanant des autorités locales. Dans une déclaration du 1er février, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, s’est dit « alarmé par les informations selon lesquelles une trentaine de civils ont été tués lors d’attaques menées par des individus armés non encore identifiés » à Ogota et Ouémbé, et a demandé qu’une enquête impartiale soit menée et que les responsables soient « traduits en justice dans le cadre de procès conformes aux normes internationales ».

Un agriculteur de 46 ans, originaire d’Ouémbé, a déclaré :

J’ai vu arriver les terroristes. Ils se sont séparés en deux groupes : l’un se dirigeait vers Ouémbé, l’autre vers Ogota. Le groupe qui se dirigeait vers Ouémbé … était composé d’une vingtaine de motos et d’un pick-up surmonté d’une mitrailleuse. Le groupe qui se dirigeait vers Ogota était plus important. Quelques minutes après le passage du convoi, des coups de feu ont été entendus en provenance d’Ogota, puis des coups de feu ont également été entendus en provenance d’Ouémbé. Les tirs ont duré environ une heure et demie.

Les villageois ont déclaré qu’ils pensaient avoir été attaqués parce que certains membres de la milice Dan Na Ambassagou avaient refusé de déposer leurs armes à la suite d’un accord entre cette milice et le GSIM. Dan Na Ambassagou est une organisation qui fédère plusieurs groupes d’autodéfense, créée en 2016 « pour protéger le pays dogon » qui assurait la sécurité à Ogota, à Ouémbé et dans les villages environnants.

Un ancien milicien de Dan Na Ambassagou, âgé de 24 ans et originaire d’Ogota, a déclaré :

Au début du mouvement, nous avons combattu les djihadistes, mais fin 2018, nous avons réalisé que les djihadistes étaient mieux armés et que notre implication dans la milice faisait de nos villages des cibles pour les djihadistes. Les djihadistes ont coupé les routes des marchés, kidnappé nos proches, nous ont empêché de pratiquer l’agriculture et ont assiégé nos villages au point que nos enfants sont morts de faim. Certains d’entre nous ont décidé de négocier avec les djihadistes et de déposer les armes. Mais certains miliciens ont refusé les négociations et notre mouvement s’est divisé en deux : nous avons accepté un accord avec les djihadistes, mais d’autres ont continué à les combattre. C’est à cause de ceux qui ont continué à combattre que notre village a été attaqué.

Des témoins d’Ogota et d’Ouémbé ont déclaré que les habitants avaient appris quelques jours plus tôt l’existence d’une menace imminente du GSIM. Ils ont contacté les soldats maliens basés à Bankass et à Bandiagara, respectivement à environ 40 et 70 kilomètres d’Ogota et d’Ouémbé, afin d’obtenir une protection, sans succès.

Un agriculteur de 46 ans, originaire d’Ouémbé, a déclaré :

Nous vivons avec les terroristes depuis 2018. Quand ils ont de mauvaises intentions à l’encontre d’un village, ils le disent clairement dans les groupes WhatsApp. Nous avons donc contacté nos proches qui sont fonctionnaires à Bandiagara en leur demandant d’informer les soldats de menaces qui pèsent sur notre village et sur Ogota. Ils ont rencontré les autorités militaires à Bandiagara et leur ont dit que les terroristes se rassemblaient dans la brousse à Bankass et qu’ils prévoyaient d’attaquer nos villages. Mais les soldats n’ont rien fait.

Meurtres à Ogota

Les villageois d’Ogota ont déclaré que les combattants du GSIM étaient arrivés au coucher du soleil du côté sud du village. Ils ont commencé à tirer lourdement depuis le sommet d’une colline, provoquant la panique et la fuite des villageois. Ils ont ensuite pris le village d’assaut, tirant sur les personnes qui tentaient de s’échapper ou de se cacher.

Une femme de 40 ans a déclaré :

Les djihadistes s’exprimaient en langue fulfulde et criaient « Allah Akbar » [Dieu est grand]. Ils se sont réjouis en disant que « le village ennemi est tombé » et que « c’est ce que nous allons faire avec tous les villages qui ne respectent pas l’islam ». Mon mari s’est enfui lorsque les tirs ont commencé, nous laissant mes enfants et moi dans la maison. Deux femmes et leurs enfants sont venus se cacher avec nous. Lorsque les tirs ont cessé, nous avons décidé de partir, mais dès que nous sommes sortis, les tirs ont repris, j’ai été touchée aux jambes et je suis tombée. Les deux femmes m’ont laissée et ont couru avec mes enfants. … Lorsque les djihadistes sont partis, mon mari est revenu pour me sauver.

L’ancien milicien raconte que lorsque l’attaque a commencé, il a appelé les membres de la milice Dan Na Ambassagou à l’aide, « mais ils ne sont arrivés que lorsque les djihadistes étaient déjà repartis ».

Un homme de 34 ans a déclaré :

Quand l’attaque a débuté, je me trouvais à environ quatre kilomètres d’Ogota. J’ai entendu des rafales de mitrailleuses pendant une heure et demie et j’ai vu des flammes dans le village. Lorsque les tirs ont cessé, je suis retourné à Ogota où des villageois et des miliciens essayaient de secourir les blessés…. Il y avait de la fumée dans tout le village, et on pouvait voir des cadavres à l’intérieur et à l’extérieur des maisons. Certaines personnes avaient été abattues alors qu’elles s’enfuyaient, d’autres avaient été exécutées dans leurs maisons. Les maisons étaient encore en feu. Dans une maison, nous avons trouvé cinq corps carbonisés : une femme, un homme de 50 ans et trois hommes plus âgés.

Human Rights Watch a examiné deux listes de victimes compilées par des survivants et des habitants, avec les noms de 28 personnes tuées, dont 3 enfants de moins de 2 ans, 4 hommes de plus de 68 ans, et 8 femmes qui avaient entre 30 et 50 ans. Au moins 5 des personnes tuées semblent avoir reçu une balle dans la tête, 9 ont été brûlées et les autres ont été criblées de balles, ont indiqué des témoins.

« Nous avons enterré les corps le lendemain de l’attaque », a déclaré un agriculteur de 45 ans. « Certains corps étaient couverts de blessures par balles. D’autres, surtout ceux qui étaient carbonisés, ne pouvaient pas être soulevés, alors nous les avons enterrés là où nous les avons trouvés. Les autres ont été enterrés séparément. »

Tueries à Ouémbé

Des villageois d’Ouémbé ont décrit un scénario similaire.

« J’étais chez moi lorsque j’ai entendu des coups de feu nourris », a raconté un agriculteur de 43 ans. « Le temps de rassembler ma famille, j’ai vu les terroristes arriver en grand nombre. Ils criaient "Allah Akbar" et tiraient sans arrêt. J’ai fui vers Segué. »

Un homme de 46 ans a déclaré :

Nous avons entendu des coups de feu répétés et des rafales de mitrailleuses qui faisaient ‘pa-pa-pa’. Je me suis réfugié dans la brousse avant que les terroristes n’envahissent le village.… La nuit, quand les tirs ont cessé, je suis revenu et j’ai trouvé les corps de quatre personnes, deux hommes et deux femmes, dans une maison où ils s'étaient probablement cachés.... Ils avaient été tués d’une balle dans la poitrine et dans la tête. Nous les avons enterrés le lendemain.

Human Rights Watch a examiné deux listes de victimes compilées par des survivants et des habitants, avec les noms de quatre personnes tuées, deux hommes, âgés de 50 à 60 ans, et deux femmes, âgées de 30 à 40 ans.

Incendies criminels à Ogota et Ouémbé

Des témoins ont déclaré qu’au cours des attaques du 27 janvier, des combattants du GSIM ont incendié au moins 150 maisons à Ogota et environ 130 à Ouémbé, forçant environ 2 000 villageois à fuir. Ces témoins ont ajouté que les combattants étaient revenus quatre jours plus tard pour brûler les maisons restantes à Ogota et à Ouémbé.

« C’était un village fantôme », a déclaré un homme de 45 ans originaire d’Ogota, qui est retourné au village après l’attaque et a ensuite fui avec sa famille à Bankass.

« Il ne restait plus rien du village », a déclaré cet homme de 46 ans, originaire d’Ouémbé, qui est retourné au village après l’attaque. « Les gens avaient fui, les maisons brûlaient encore. Toutes ces personnes ont été déplacées, y compris moi et ma famille. Nous sommes à Bankass maintenant et nous manquons de tout. »

Sur les images satellite que Human Rights Watch a analysées, des traces de brûlures sont visibles sur toute la superficie des villages d’Ogota et d’Ouémbé. Elles sont apparues pour la première fois dans les deux villages sur une image du 28 janvier à 10h38 heure locale, et n’étaient pas visibles le jour d’avant à la même heure. D’autres traces de brûlures sont apparues dans les deux villages sur une image du 1er février à 10h38 heure locale, alors qu’elles n’étaient pas visibles la veille.

26 janvier 2024: © Image © 2024 Planet Labs PBC 1 février 2024: © Image © 2024 Planet Labs PBC

Comparaison d’images satellites infrarouges entre le 26 janvier et le 1er février 2024 montrant des traces de brûlures dans le village d’Ogota dans la région de Mopti au Mali. Sur les images infrarouges, la végétation apparait en rouge alors que les zones brûlées apparaissent clairement plus foncées. 

26 janvier 2024: Image © 2024 Planet Labs PBC 1 février 2024: Image © 2024 Planet Labs PBC

Comparaison d’images satellites infrarouges entre le 26 janvier et le 1er février 2024 montrant des traces de brûlures dans le village d’Ouémbé dans la région de Mopti au Mali. Sur les images infrarouges, la végétation apparait en rouge alors que les zones brûlées apparaissent clairement plus foncées.

Abus commis par des milices dozos

Les Dozos, ou « sociétés de chasseurs traditionnels » constitués principalement de membres de l’ethnie bambara, agissent depuis environ 2014 comme forces d’autodéfense de villages dans les régions de Ségou et de Mopti. Human Rights Watch a documenté dans le passé de graves abus commis par les Dozos contre des civils peuls, ainsi que des allégations selon lesquelles les Dozos et d’autres groupes d’autodéfense ont agi pour le compte de l’armée malienne.

Kalala, région de Ségou, 6 janvier

Dans la soirée du 6 janvier, des milices dozos ont attaqué Kalala et tué 13 personnes, dont 3 hommes âgés, dont l’un était aveugle, une femme âgée et 2 enfants, selon 3 témoins. Ils ont également brûlé au moins une maison, 10 huttes et 20 hangars.

Les villageois pensent que les Dozos ont attaqué Kalala, dont la population est majoritairement peule, en représailles aux attaques du GSIM contre des Bambaras dans plusieurs villages des environs à la fin de l’année 2023.

Un homme de Kalala a déclaré :

Entre octobre et novembre 2023, des habitants de Berta, Diado, Kéré, Goumba et Kafagou, majoritairement peuplés de Bambaras, ont commencé à s’armer et ont rompu les accords qu’ils avaient conclus avec les djihadistes. Ces derniers les ont alors chassés de leurs villages. Ceux qui ont été chassés de leurs maisons se sont organisés et ont attaqué Kalala, un village principalement habité par des Peuls. Un village peul dans notre région est considéré comme un village djihadiste par les autres communautés.

Des témoins ont déclaré que des dizaines de miliciens dozos à moto, portant des tenues marrons caractéristiques des chasseurs dozos et des amulettes autour du cou, ainsi que des fusils d’assaut et des fusils de chasse de type kalachnikov, sont arrivés à Kalala après le coucher du soleil. Ils se sont arrêtés sur le terrain de football du village et ont commencé à tirer. Ils se sont dirigés vers la mosquée et ont sommairement exécuté au moins six hommes.

Un villageois a déclaré :

Quand j’ai vu une douzaine de Dozos se diriger vers la mosquée, je me suis caché dans les toilettes de la mosquée.… Les Dozos ont regroupé six hommes devant la mosquée et un Dozo a tiré une balle dans la tête de chacun d’entre eux. J’ai assisté à la scène depuis la porte [des toilettes]. Parmi ces six personnes, il y avait le chef du village, le muezzin [qui appelle à la prière quotidienne], un aveugle de 83 ans et un homme de 80 ans.

Des témoins ont déclaré qu’après les meurtres, les Dozos avaient fait du porte-à-porte, pillé et brûlé des huttes et d’autres biens, et tué sept autres personnes.

Une femme de 45 ans a déclaré :

Je suis tombée sur deux miliciens dozos. L’un d’eux m’a demandé : « Où sont tes enfants et ton mari ? ». J’ai répondu que mes enfants n’étaient pas là et que mon mari était malvoyant, et je les ai suppliés d’avoir pitié de nous.… Ils sont partis mais ont mis le feu à l’abri devant la maison.… Mon mari m’a dit de le laisser et de m’enfuir.… J’ai rejoint 20 autres femmes et enfants. Nous avons marché dans la brousse pendant la nuit.… A 6 heures du matin, nous nous sommes séparés, certains sont allés à l’est, vers Tionce, et d’autres à l’ouest, vers Saye. Je suis allée à Kalala Bamara où une femme m’a aidée et m’a ramenée dans sa brouette dans mon village pour y chercher mon mari.

La femme a déclaré que lorsqu’elle est arrivée au village, elle a vu les corps des 13 personnes. « Certaines [avaient] reçu une balle dans la tête », a-t-elle déclaré, et « le village avait été pillé » avec « plusieurs huttes et hangars qui avaient été brûlés ». Elle a retrouvé son mari vivant et s’est enfuie avec lui à Saye.

Un homme qui a aidé à enterrer les corps à Kalala a déclaré :

Nous n’avons pas pu enterrer nos proches pendant de nombreux jours car nous redoutions de nouvelles attaques des Dozos. Le 3 février, nous avons décidé d’y retourner et nous avons découvert que les corps des six hommes tués devant la mosquée avaient déjà été enterrés dans une fosse commune, qui n’était pas couverte. Nous ne savons pas qui l’a creusée, mais nous pensons que ce sont les djihadistes [du GSIM] qui ont fait ça. Nous l’avons simplement recouverte de sable, nous avons enterré les sept autres corps et nous sommes partis précipitamment.

Human Rights Watch a obtenu trois listes de victimes compilées par des survivants et des habitants de Kalala, avec 13 noms de personnes âgées de 4 à 83 ans. Parmi les personnes tuées, selon les témoins, se trouvaient le chef du village et une femme âgée dont le corps carbonisé a été retrouvé dans sa maison.

Boura, région de Ségou, 3 janvier

Le 3 janvier, vers 8 heures du matin, des dizaines de miliciens dozos circulant sur au moins 100 motos ont pris d’assaut le village de Boura, enlevant 24 personnes, dont le chef du village âgé de 72 ans, selon trois témoins. Ils ont également pillé des maisons et du bétail.

Des témoins ont déclaré que les Dozos venaient de la localité de Ndokoro, située à 14 kilomètres de là, et qu’ils avaient attaqué ce village à prédominance ethnique peule. Depuis la fin de l’année 2023, le GSIM a enlevé des miliciens dozos dans plusieurs villages autour de Boura.

« Au début de l’année 2023, l’armée a patrouillé dans notre région, si bien que les djihadistes ont soupçonné les Dozos de collaborer avec l’armée », raconte une femme de 40 ans. « Les djihadistes ont alors commencé à kidnapper des Dozos. En représailles, les Dozos ont attaqué notre village. »

Human Rights Watch a déjà fait état d’allégations selon lesquelles les Dozos et d’autres groupes d’autodéfense agissaient pour le compte de l’armée malienne.

Des témoins ont déclaré que les miliciens étaient venus à moto, qu’ils portaient des tenues marrons caractéristiques des chasseurs dozos et des amulettes, et qu’ils étaient armés de fusils d’assaut de type kalachnikov. Ils ont déclaré que les assaillants faisaient du porte-à-porte à la recherche d’hommes et pillaient des maisons.

La femme âgée de 40 ans a déclaré :

Mon mari a pu s’échapper. J’ai essayé de m’enfuir aussi avec mes enfants, mais le village était déjà bouclé. Je suis rentrée chez moi et j’ai prié Dieu. Deux Dozos sont venus chez moi et m’ont demandé où était mon mari. J’ai répondu qu’il n’était pas là. Ils sont entrés dans la maison et m’ont forcée à leur donner mes bijoux en argent.… Vers 10 heures, ils ont quitté le village.… Tout avait été pillé. Tous les hommes avaient fui. Seuls les femmes et les enfants demeuraient.

Human Rights Watch a examiné une liste, compilée par des survivants et des habitants de Boura, contenant les noms des personnes enlevées, dont 23 hommes, âgés de 18 à 80 ans, et un garçon de 17 ans.

Un homme de 50 ans, qui s’est enfui à l’arrivée des Dozos, a déclaré qu’il s’était rendu dans la ville de Ségou, à 140 kilomètres de là :

Je suis allé à la gendarmerie pour informer les gendarmes que notre village avait été attaqué par une centaine de Dozos qui ont pillé le village, pris nos animaux et enlevé des personnes. Les gendarmes ont enregistré ma plainte.… Ils ont très vite réagi et sont allés boucler la route qui relie Ségou à notre village.… Le lendemain, les gendarmes ont pu intercepter un camion transportant nos animaux qui avaient été enlevés, soit plus de 60 vaches, et ont arrêté trois Dozos.

Des témoins ont déclaré que les membres des familles des personnes enlevées ne cherchaient pas leurs proches par crainte des attaques des Dozos. « Certaines personnes nous ont dit qu’ils avaient été tués, mais personne n’a trouvé leurs corps et il n’y a aucune preuve d’une telle action », a déclaré une femme de 40 ans. L’homme de 50 ans qui a signalé l’attaque à la gendarmerie a déclaré qu’il avait également informé les gendarmes de ces enlèvements, mais « nous n’avons toujours pas de nouvelles ».

07.05.2024 à 22:55

Gaza : Israël bafoue les ordonnances de la Cour internationale de justice

Human Rights Watch

Click to expand Image Des camions égyptiens transportant de l'aide humanitaire à destination de la bande de Gaza étaient en attente devant le poste frontière de Rafah, du côté égyptien, le 23 mars 2024.  © 2024 Khaled Desouki/AFP via Getty Images

(Jérusalem, 7 mai 2024) – Israël bafoue les ordonnances de la Cour internationale de Justice (CIJ), pourtant juridiquement contraignantes, en faisant obstacle à l’entrée d’aide humanitaire et de services vitaux à Gaza, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Depuis janvier 2024, dans le cadre de la plainte portée par l’Afrique du Sud alléguant qu’Israël viole la Convention sur le génocide de 1948, la CIJ a émis deux ordonnances exigeant qu’Israël prenne des « mesures conservatoires » afin de fournir des services de base et une assistance humanitaire aux habitants de la bande de Gaza.

Le 5 mai, les autorités israéliennes ont fermé le passage de Kerem Shalom après une attaque aux tirs de roquette du Hamas, et le 7 mai, elles ont saisi le contrôle du passage de Rafah, empêchant ainsi l'aide d'entrer ou les gens de quitter Gaza via les principaux points de passage utilisés ces derniers mois. Lors des récentes semaines, les autorités israéliennes ont autorisé l’entrée de davantage de camions humanitaires et ouvert un passage supplémentaire ainsi qu’un port pour l’entrée de l’aide ; mais ces mesures ont été modestes et loin de suffire pour répondre aux forts besoins, selon les Nations Unies et les agences humanitaires non gouvernementales. Ces agences ont déclaré qu’Israël continuait de bloquer l’apport d’aide essentielle et que seule une petite proportion de cette aide, déjà limitée, parvenait au nord de la bande de Gaza où elle est vitale.

« Bien que des enfants soient en train de mourir de faim à Gaza, les autorités israéliennes continuent de bloquer l’aide essentielle à la survie de la population de Gaza, ignorant les ordonnances de la Cour internationale de justice », a déclaré Omar Shakir, directeur pour Israël et la Palestine à Human Rights Watch. « Chaque jour où les autorités israéliennes bloquent l’aide vitale, davantage de Palestiniens risquent de mourir. »

Le 26 janvier, la CIJ a émis une ordonnance qui enjoignait Israël de « prendre sans délai des mesures effectives pour permettre la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire requis de toute urgence ». Le 28 mars, face à la « propagation de la famine », le tribunal a émis une nouvelle ordonnance enjoignant Israël d’assurer la fourniture sans entrave de l’aide humanitaire, en pleine coopération avec l’ONU, notamment en ouvrant de nouveaux points de passage terrestres.

La deuxième ordonnance de la Cour exigeait qu’Israël fasse rapport à la CIJ sur la mise en œuvre des mesures de la Cour dans un délai d’un mois. Cependant, depuis le 2 mai, les autorités israéliennes ont continué à faire obstacle aux services de base et à l’entrée du carburant et de l’aide vitale, des actes qui constituent des crimes de guerre et incluent le recours à la famine des civils comme arme de guerre.

Selon l'ONU, le nombre moyen de camions d'aide entrant à Gaza via les points de passage de Kerem Shalom et Rafah n'a augmenté que de 24 camions par jour au cours du mois qui a suivi la deuxième ordonnance de la CIJ – passant d'une moyenne quotidienne de 162 camions par jour (du 29 février au 28 mars) à une moyenne quotidienne de 186 camions par jour (du 29 mars au 28 avril). Cela ne représente toujours qu'environ 37 pour cent du nombre d'entrées quotidiennes à Gaza avant le 7 octobre 2023, lorsque 80 pour cent de la population de Gaza dépendait de l'aide dans le contexte de bouclage illégal imposé par Israël depuis plus de 16 ans.

Les autorités israéliennes soutiennent que l’ONU est responsable pour les retards de distribution, mais, en tant que puissance occupante, Israël est obligé d’assurer le bien-être de la population occupée et de veiller à ce que les besoins humanitaires de la population de Gaza soient satisfaits.

Le 1er mai, en réponse aux pressions du gouvernement américain, les autorités israéliennes ont ouvert le passage d’Erez – un point de contrôle entre Israël et le nord de Gaza – pour les livraisons d’aide, permettant ainsi à 30 camions d’entrer. On ne sait pas si d'autres camions sont entrés depuis lors via Erez. En avril, les autorités avaient également commencé à permettre l’arrivée d’une certaine aide depuis le port d’Ashdod, situé au sud de Tel Aviv. Dans une réponse du 30 avril à une requête de la Haute Cour contestant les restrictions sur l’aide, le gouvernement israélien a déclaré qu’il prévoyait également d’ouvrir un point de passage supplémentaire pour l’aide au nord.

Toutefois, malgré ces mesures, Médecins Sans Frontières (MSF) a affirmé le 1er mai que la fourniture d’articles essentiels comme les réservoirs d'oxygène, les générateurs, les réfrigérateurs et les équipements médicaux essentiels continuait d'être bloquée, que très peu d'aide parvenait au nord de Gaza, et qu’il n’y a « aucune clarté ni cohérence quant à ce qui est autorisé à entrer à Gaza ».

Début avril, des chercheurs de Human Rights Watch se sont rendus dans la région égyptienne du Nord-Sinaï, qui jouxte la bande de Gaza, et se sont entretenus avec des travailleurs de 11 agences des Nations Unies et d’organisations humanitaires envoyant de l'aide à Gaza. Tous ont déclaré que les autorités israéliennes continuent d'empêcher l'entrée de l'aide via l'Égypte. Ils ont affirmé que l’insuffisance de l'aide, malgré une récentehausse, et le rejet arbitraire de l’entrée d'articles essentiels, ne répondent pas au besoin colossal d'aide.

Plusieurs personnes ont déclaré que les autorités israéliennes interdisent, dans certains cas, les articles qu’elles considèrent comme « à double usage », c’est-à-dire qui pourraient être utilisés à des fins militaires, mais il n’existe pas de liste claire de tels articles. En réponse à une demande d'accès à l'information concernant des listes d'« articles à double usage », les autorités israéliennes ont déclaré qu'elles utilisaient toujours une liste qu'elles avaient publiée en 2008. Tania Hary, directrice exécutive de Gisha, une organisation israélienne de défense des droits humains, a déclaré à Human Rights Watch : « Nous voyons que [les autorités israéliennes] interprètent cette liste de manière très large, ce qui n'est pas nouveau, sauf que ceci se déroule sur fond de catastrophe humanitaire. »

Suite à l’attaque menée par des combattants du Hamas dans le sud d’Israël le 7 octobre 2023, de hauts responsables israéliens ont fait des déclarations publiques exprimant leur objectif de priver les civils de Gaza de nourriture, d’eau et de carburant – politique concrétisée par les forces israéliennes. D’autres responsables israéliens ont déclaré publiquement que l’aide humanitaire à Gaza serait conditionnée soit à la libération des otages illégalement détenus par le Hamas, soit à la destruction du Hamas.

Le Coordonnateur israélien des activités gouvernementales dans les territoires (Coordinator of the Government Activities in the Territories, COGAT), l’organisme militaire chargé de coordonner l’aide humanitaire à Gaza, contrôle totalement ce qui peut être transporté à Gaza. Après avoir été inspectés en Égypte, les camions d'aide humanitaire doivent passer par deux sites d'inspection contrôlés par Israël : Nitzana et Kerem Shalom. Les personnes interrogées par Human Rights Watch ont déclaré que les camions doivent souvent attendre des jours, voire des semaines, pour être inspectés en raison des horaires de travail limités, du temps requis pour utiliser des scanners, ainsi que des procédures d'inspection supplémentaires rajoutées depuis les attentats du 7 octobre en Israël.

Human Rights Watch a écrit au COGAT le 2 avril pour solliciter des commentaires concernant l’obstruction de l’aide par Israël, mais n’a pas reçu de réponse.

Plusieurs pays ont réagi aux restrictions illégales de l’aide par le gouvernement israélien en larguant de l’aide par avion. Les États-Unis se sont également engagés à construire un port maritime temporaire à Gaza. Cependant, les groupes humanitaires et les responsables de l'ONU ont affirmé que de tels efforts étaient insuffisants pour y prévenir une famine.

Les autorités israéliennes devraient ouvrir d’urgence des points de passage supplémentaires et lever les interdictions sur la livraison de biens d’aide essentiels. Elles devraient fournir aux agences humanitaires une liste des articles interdits, ainsi que des spécifications pour les articles autorisés sous certaines conditions. Les inspecteurs devraient fournir des explications écrites pour tout rejet et permettre aux agences de faire appel de tels refus, a déclaré Human Rights Watch.

Le 4 mai, Cindy McCain, directrice américaine du Programme alimentaire mondial, a déclaré : « La famine est là, une véritable famine dans le nord, et [elle] se déplace vers le sud. » Le 22 avril, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) avait déjà  signalé que « 1,1 million de personnes sont confrontées à des niveaux de faim catastrophiques ».

Texte complet en anglais : en ligne ici.

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07.05.2024 à 06:00

Israël : Une frappe menée au Liban avec une arme américaine a tué des secouristes

Human Rights Watch

Click to expand Image A man carries belongings of a paramedic killed at a paramedic center hit on March 27, 2024, by an Israeli airstrike in Habbarieh, southern Lebanon, March 27, 2024.  © 2024 AP Photo/Mohammed Zaatari

(Beyrouth, 7 mai 2024) – Une frappe israélienne menée le 27 mars contre un centre d’urgence et de secours dans le sud du Liban était une attaque illégale contre des civils, perpétrée en l’absence des précautions nécessaires, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Si cette attaque contre des civils a été menée intentionnellement ou de manière imprudente, elle devrait faire l’objet d’une enquête en tant que crime de guerre apparent. La frappe, menée avec un kit de guidage pour munition d'attaque directe conjointe (Joint Direct Attack Munition, JDAM) de fabrication américaine et une bombe polyvalente de 500 livres (environ 230 kilogrammes) de fabrication israélienne, a tué sept bénévoles de services d'urgence et de secours à Habariyeh, ville située à cinq kilomètres au nord du Plateau du Golan occupé par Israël.

La frappe, menée à l’aube le 27 mars, a visé une structure résidentielle abritant le Corps d'urgence et de secours de l'Association libanaise de secours, une organisation humanitaire non gouvernementale qui fournit des services d'urgence, de sauvetage et de formation aux premiers secours au Liban. Human Rights Watch n'a trouvé aucune preuve d'une cible militaire sur le site. Une semaine auparavant, Israël avait pourtant transmis au Département d'État américain un document assurant que les armes fournies par les États-Unis n'étaient pas utilisées en violation du droit international.

« Les forces israéliennes ont utilisé une arme américaine pour mener au Liban une frappe qui a tué sept travailleurs humanitaires civils, alors qu’ils faisaient simplement leur travail », a déclaré Ramzi Kaiss, chercheur sur le Liban à Human Rights Watch. « Les assurances fournies par Israël aux États-Unis, concernant son respect des lois de la guerre, sonnent creux. Les États-Unis devraient reconnaître cette réalité, et cesser leurs transferts d’armes à Israël. »

Les États-Unis devraient immédiatement suspendre leurs ventes d’armes et leur aide militaire à Israël, compte tenu des preuves que l’armée israélienne utilise illégalement les armes américaines, a déclaré Human Rights Watch. Le ministère libanais des Affaires étrangères devrait également procéder rapidement à une déclaration autorisant la Cour pénale internationale à enquêter sur des crimes relevant de sa compétence et commis sur le territoire libanais depuis octobre 2023, et à engager des poursuites à cet égard.

Dans un post sur Telegram publié le 27 mars, l'armée israélienne a déclaré que « des avions de combat ont frappé un complexe militaire dans la région d'al-Habariyeh, dans le sud du Liban » et qu'« un important terroriste, membre de l’organisation Jamaa Islamiyya [Groupe islamique], qui a lancé des attaques contre le territoire israélien, a été éliminé, tout comme d'autres terroristes qui l'accompagnaient ». Un député du Groupe islamique, un parti politique islamiste libanais dont la branche armée, les Forces Fajr, a été engagée dans des hostilités transfrontalières avec Israël, a toutefois déclaré à Human Rights Watch qu'aucun combattant du groupe n'avait été tué lors de la frappe, et a nié toute affiliation avec le Corps d'urgence et de secours de l'Association libanaise de secours.

Human Rights Watch a mené des entretiens avec six personnes d'Habariyeh : les parents de trois frères tués, le propriétaire du bâtiment, un membre de l'équipe d'urgence et de secours qui avait quitté le centre peu avant l'attaque, un habitant qui se trouvait sur les lieux peu après l'attaque, et un responsable local. Human Rights Watch s'est également entretenu avec le chef du Corps d'urgence et de secours de l'Association libanaise de secours, un député du Groupe islamique, et deux membres de la Direction générale de la défense civile libanaise, dont le chef de l'équipe de défense civile qui a extrait les corps des décombres.

Human Rights Watch a également examiné des photographies de restes d'armes trouvés sur le site ; des photographies et des vidéos du site avant et après l'attaque partagées en ligne par des journalistes, des agences de presse et des secouristes ; et des images partagées directement avec les chercheurs. Le 19 avril, Human Rights Watch a transmis à l'armée israélienne et au Département d'État américain une lettre résumant ses conclusions et comprenant des questions, mais n'a pas reçu de réponse à ce jour.

Des photos des restes d'armes trouvés sur le site de la frappe et partagées avec Human Rights Watch montrent un fragment métallique avec l’inscription « MPR 500 », confirmant qu'il s'agissait d'une bombe polyvalente de 500 livres fabriquée par la société israélienne Elbit Systems, ainsi que des morceaux d’un kit de guidage JDAM, produit par la société américaine Boeing.

Les sept personnes tuées étaient toutes des bénévoles qui avaient commencé à travailler avec le centre peu après l’ouverture de son antenne à Habariyeh fin 2023, ont déclaré leurs familles, leurs collègues et le chef du Corps d’urgence et de secours. Les personnes tuées étaient les frères jumeaux Ahmad et Hussein al-Chaar (âgés de 18 ans), Abdul Rahman al-Chaar, Ahmad Hammoud, Mohammed Farouk Atwi, Abdullah Atwi et Baraa Abou Qaiss ; la victime la plus âgée avait 25 ans.

L'attaque a eu lieu peu après 00h30 le 27 mars, tuant les sept travailleurs du centre, a déclaré Samer Hamdan, chef de l'équipe de protection civile sur le site. Des photographies et des vidéos prises par des habitants et des journalistes montrent les décombres du centre rasé, ainsi qu’une ambulance détruite garée à proximité, avec des bandes rouges identifiables sur la partie arrière et les côtés du véhicule.

En vertu du droit international humanitaire, toutes les parties à un conflit ont l’obligation de faire la distinction entre les combattants et les civils, et de cibler uniquement les combattants. En cas de doute, une personne doit être considérée comme un civil.

En mars, Human Rights Watch et Oxfam ont conjointement soumis au Département d’État américain un mémorandum soulignant diverses violations israéliennes du droit international humanitaire, et estimant que ses assurances d’utiliser légalement les armes américaines sont peu crédibles.

Texte complet en anglais : en ligne ici.

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