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06.09.2024 à 11:05

Un peu d'été en plus, à Bamako et ici, avec Amadou et Mariam

L'Autre Quotidien

Cela fait 20 ans qu'Amadou et Mariam sont entrés dans la cour des grands avec Dimanche à Bamako, l'album produit par Manu Chao qui s'est vendu à un demi-million d'exemplaires dans le monde entier. Leur dernier album de nouvelles chansons remonte à sept ans. Mais voici une compilation de 18 titres qui prouve que le couple malien aime collaborer.
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Alors que Michel Barnier vient d’être nommé Premier ministre, envoyons un peu de son du côté des malvoyants pour faire bonne mesure. A la différence près que le couple de Bamako apporte la joie. La Vie Est Belle est le premier album Best-Of d'Amadou et Mariam, mais il va plus loin : cette collection contient trois nouveaux singles et des titres inédits. Ce que le susnommé ne peut affirmer à ce jour … 

Cela fait 20 ans qu'Amadou et Mariam sont entrés dans la cour des grands avec Dimanche à Bamako, l'album produit par Manu Chao qui s'est vendu à un demi-million d'exemplaires dans le monde entier. Leur dernier album de nouvelles chansons remonte à sept ans. Mais voici une compilation de 18 titres qui prouve que le couple malien aime collaborer.

On y trouve bien sûr leur nouveau single "Mogolu", à la fois élégant et charmant, ainsi que des rappels de leurs gloires passées et des remixes. Le set démarre avec "Sabali", produit par Damon Albarn, qui passe d'un début lancinant à un final tourbillonnant et glorieux. On retrouve également sur Welcome to Mali (2008) "Ce N'est Pas Bon", "Africa", avec l'excellent K'Naan, et "Masiteladi (feat M)". Le set comprend également le glorieux rocker à la guitare "Dougou Badia (feat Santigold)", extrait de Folila (2012). Et bien sûr, il y a un lot de vieux favoris de Dimanche à Bamako. Enjoy, la rentrée risque de se refroidir assez vite.

Jean-Pierre Simard le 9/09/2024
Amadou & Mariam - Best of - La Vie est belle - Because

05.09.2024 à 17:24

Les chemins du savoir générationnel de Stéphanie Santana

L'Autre Quotidien

S'appuyant sur différents supports pour tisser son propre langage visuel, le travail de Stephanie Santana pose la question suivante : quelles leçons pouvons-nous tirer du passé pour préparer l'avenir ? Commencé en 2022, son projet en cours, The Wayfinding Series, rend hommage aux femmes noires en tant que "montreuses de chemin, planificatrices, stratèges, sauteuses de lignes temporelles et archivistes".
Texte intégral (4592 mots)

S'appuyant sur différents supports pour tisser son propre langage visuel, le travail de Stephanie Santana pose la question suivante : quelles leçons pouvons-nous tirer du passé pour préparer l'avenir ? Commencé en 2022, son projet en cours, The Wayfinding Series, rend hommage aux femmes noires en tant que "montreuses de chemin, planificatrices, stratèges, sauteuses de lignes temporelles et archivistes".

Wavelength,” screenprint, wax pastel and hand-painted flashe on appliquéd and pieced cotton textile, machine quilting, 36 x 49.5 inches / 91.4 x 125.7 cm, unique, 2024 © Stephanie Santana

Commencé en 2022, le projet en cours de Stephanie Santana, The Wayfinding Series, rend hommage aux femmes noires en tant que "montreuses de chemin, planificatrices, stratèges, sauteuses de lignes temporelles et archivistes". Il incorpore des images photographiques, de la gravure improvisée, du quilting et de la broderie dans des imprimés et des œuvres textiles qui honorent les rôles et les expériences des femmes noires, reflétant la richesse et la complexité de leurs vies et de leurs identités.

Le processus de Santana est plus qu'un moyen de production visuelle ; l'artiste utilise des techniques tactiles et méditatives qui l'aident à se reconnecter à la sagesse ancestrale. Créant un dialogue évocateur et ouvert entre le passé, le présent et l'avenir, l'œuvre invite les spectateurs à voir les liens entre les expériences historiques et les réalités actuelles, ce qui favorise une compréhension plus profonde des récits qu'elle présente.

Dans cet entretien, Santana parle à Liz Sales des processus créatifs en tant que mode de connaissance, de l'exploration thématique et de l'évolution de son travail, ainsi que des techniques matérielles et conceptuelles qu'elle emploie pour évaluer les connaissances intergénérationnelles et encourager des compréhensions historiques plus larges.

Installation view of "Ways of Knowing," The Print Center, Philadelphia, PA. 2024. Photo: Jaime Alvarez © Stephanie Santana

Liz Sales : Votre récente exposition personnelle au Print Center de Philadelphie s'intitulait Ways of Knowing. Comment en êtes-vous venue à ce titre ?

Stephanie Santana : J'ai été profondément intéressée par la compréhension des ancêtres matriarcales réelles et imaginaires, en particulier par la façon dont elles ont navigué et survécu à des situations d'oppression ou de minorisation. En faisant ce travail, j'ai réalisé que je créais un processus qui me permettait d'accéder à la connaissance. Le titre Ways of Knowing reflète donc les diverses méthodes que j'ai explorées et découvertes pour comprendre qui nous sommes et ce que nous savons.

LS : Diriez-vous que votre processus de création est en soi une manière de savoir ?

SS : Oui. Lorsque je couds un tissu ou que je m'engage dans un processus physique, je ressens un lien avec mes ancêtres, imaginant qu'ils s'adonnaient à des activités similaires. Ce sentiment de continuité avec le passé me donne l'impression de voyager dans le temps. La fabrication incarnée me permet d'acquérir le type de connaissances qui se transmettent de génération en génération et qui sont ancrées dans la pratique elle-même.

“Until You Rest,” screenprint on pieced cotton textile, batting, thread 40 x 58 inches / 101.6 x 147.32, unique, 2024 © Stephanie Santana

LS : Cette série fait partie d'un projet plus vaste intitulé "The Wayfinding Series". Comment ce projet a-t-il vu le jour ?

SS : Avant cette série, je travaillais principalement avec des photos de famille, en me concentrant sur la commémoration de personnes ou d'événements spécifiques. En 2020, j'ai créé une œuvre textile matelassée intitulée She Sent Him Back to His Mother (Elle l'a renvoyé à sa mère), qui présente une photo d'un parent peu après son décès. Cette œuvre a été réalisée pendant une période de deuil et se voulait commémorative.

Avec The Wayfinding Series, mon travail a évolué pour intégrer davantage d'éléments narratifs, de construction de mondes et de récits. Une grande partie du travail traite des limites sociales imposées aux femmes noires et explore la manière dont nous nous libérons de ces attentes. Il nous honore en tant que personnes qui savent comment trouver un chemin vers l'avant lorsqu'il ne semble pas en exister un.

LS : Pouvez-vous me parler de votre processus de recherche ? Comment sélectionnez-vous les photographies personnelles et historiques de votre travail ?

SS : De nombreuses photographies de la série proviennent du travail de mon grand-père. Il était photographe et éducateur à Dallas, au Texas, et photographiait souvent les membres de sa famille et de sa communauté, et développait les films dans une chambre noire située à l'arrière de sa maison. J'ai également travaillé avec des photographies provenant des archives de ma grand-tante. Je sélectionne des photographies qui m'intriguent, que je pense qu'il y a quelque chose à approfondir dans le sujet de la photographie ou que je suis intéressée par la façon dont le regard du sujet rencontre ou s'éloigne de l'objectif de l'appareil photo.

Installation view “Ways of Knowing (Until You Rest, Through Shadows, Vantage Point),” The Print Center, Philadelphia, PA. 2024. Photo: Jaime Alvarez © Stephanie Santana

LS : J'apprécie la manière dont certaines images se répètent dans l'œuvre, à la fois au sein d'une même pièce et d'une pièce à l'autre. Pourriez-vous nous parler de cette répétition ?

SS : J'espère inviter les gens à s'engager dans un processus d'observation plus lent et plus intime. Je vois quelque chose de différent chaque fois que je regarde les photographies avec lesquelles je travaille. Je m'intéresse beaucoup à l'exploration de la vérité d'une image et à la manière dont elle peut être modifiée ou ouverte pour créer de multiples lignes temporelles et narratives. Chaque fois que je travaille avec une photographie, la narration change. Cela dépend souvent de la manière dont la photographie est utilisée en relation avec d'autres éléments visuels de l'œuvre, les annotations faites avec la broderie, la couleur et l'application, etc.

Dans une pièce, Vantage Point, je fais référence au travail domestique, un thème récurrent dans mon travail. En tant que mère et artiste travaillant constamment avec mes mains, j'ai souvent l'impression d'être dans un état continu de travail physique. Cette œuvre montre une petite fille qui regarde au-delà du cadre, loin des images de femmes qui représentent les attentes sociétales placées sur elle pour effectuer un travail ou se présenter d'une manière jugée "respectable". Dans une autre pièce sur laquelle je travaille, la même image de la petite fille est présentée, mais une plus grande partie de l'arrière-plan est visible, ce qui donne au spectateur plus d'informations sur un lieu et un moment particuliers de l'histoire. C'est une façon de travailler en multiples en tant que graveur, mais en explorant les possibilités du médium d'une manière qui vise davantage à voir une image ou une idée d'un œil nouveau à chaque fois, plutôt qu'à créer une reproduction.

“Communion,” screenprint and hand-painted flashe on appliquéd cotton textile, machine quilting, 30 x 52 inches / 76.2 x 132 cm, unique, 2024 © Stephanie Santana

LS : Pourriez-vous détailler votre approche de l'utilisation de la couleur ?

SS : Dans une partie de l'œuvre textile Safe Passage, on voit une figure maternelle qui se tient dans une position protectrice avec deux enfants. L'image d'elle et des enfants est répétée et se transforme en une sorte de "bleu nuit" lorsqu'ils traversent un portail ou un passage. J'ai choisi cette couleur bleue en hommage à son utilisation historique dans le sud des États-Unis par les personnes d'origine africaine pour éloigner les mauvais esprits, en imitant la couleur du ciel ou de l'eau. Mon utilisation de la couleur renvoie souvent à des significations historiques et/ou symboliques, ou sert d'annotation.

LS : Y a-t-il d'autres points de contact qui nous aident à comprendre votre pratique ?

SS : Une grande partie de mon travail est influencée par nos sommités culturelles et littéraires, telles que bell hooks, Toni Morrison, Christina Sharpe et Tina Campt. Le concept de "regard oppositionnel" est au cœur de mon travail : il s'agit d'une idée et d'un terme inventés par bell hooks pour décrire le regard comme un acte de rébellion et un lieu de résistance ; un moyen pour les Noirs de rejeter les structures de domination et de maintenir leur pouvoir. Certaines images de mon travail montrent des sujets qui regardent de côté, traduisant un manque d'intérêt pour la perception du spectateur, tandis que d'autres présentent un regard direct, invitant à l'interaction. J'espère toujours encourager les gens à s'engager dans mon travail, afin qu'ils puissent y trouver un élément qui résonne avec leurs expériences ou qui remette en question leurs perceptions.

Vantage Point,” screenprint, monotype on appliquéd and pieced textiles, hand embroidery, 33.75 x 34.5 inches / 85.7 x 87.6 cm, unique, 2022 © Stephanie Santana

LS : Pourriez-vous nous parler de votre processus concernant vos matériaux et techniques, y compris la gravure, la couture et la broderie ?

SS : Je sérigraphie souvent un certain nombre d'images à la main et j'attends de les utiliser jusqu'à ce que quelque chose me parle. J'ai tendance à travailler avec un ensemble d'images à la fois, et les pièces s'assemblent en discutant les unes avec les autres. La peinture à la main, la broderie et l'appliqué sont des moyens d'ajouter des couches de temps et de mémoire. Toutes les pièces matelassées que je réalise sont des œuvres uniques construites avec des techniques à la main et à la machine, et je commence généralement avec du coton de matelassier de couleur unie pour laisser de la place à l'ajout de motifs et de textures qui semblent spécifiques à une pièce particulière.

LS : Quel impact espérez-vous avoir sur la compréhension par votre public des thèmes que vous explorez dans votre travail ?

SS : Je souhaite inviter à un processus plus lent, en encourageant les spectateurs à prendre leur temps plutôt que de passer rapidement à autre chose. Je reviendrai sur Safe Passage, qui fait référence à la fuite ou à la recherche d'un itinéraire sûr, et évoque des moments historiques comme le passage par le chemin de fer clandestin, ou la situation actuelle en Palestine, où des personnes ont été attaquées sans relâche alors qu'elles tentaient d'échapper à un génocide en empruntant des routes désignées comme étant "sûres". Je pense beaucoup à notre moi fugitif et à la manière dont nous nous éloignons des structures de domination et trouvons des espaces de récupération. Il s'agit d'une préoccupation constante qui s'étend à de nombreuses générations et à de nombreuses cultures. En réalisant ce travail, je pose la question suivante : quelles leçons pouvons-nous tirer du passé pour préparer l'avenir ?

En savoir plus sur Stephanie Santana ici et là.

Interview de Liz Sales pour Lens Culture, adapté par la rédaction le 9/09/2024
Stephanie Santana - Les chemins du savoir générationnel

"Safe Passage," screenprint, monotype and hand-painted flashe on pieced, appliquéd and cotton textile, hand embroidery, machine quilting, 49 x 51.5 inches / 124.5 x 130.8 cm, unique, 2024 © Stephanie Santana

05.09.2024 à 16:31

Le dérèglement de tous les temps avec Stéphane Beauverger

L'Autre Quotidien

Publié en 2009 à La Volte, devenu depuis, de manière ô combien méritée, un véritable classique de la science-fiction française contemporaine, le quatrième roman de Stéphane Beauverger nous entraîne entre Caraïbes flibustières et déferlements de dérèglements temporels dans une langue somptueuse. Relu aujourd'hui, c'est toujours aussi bluffant.
Texte intégral (4280 mots)

Caraïbes flibustières et déferlements de dérèglements temporels : un classique instantané de la SF française contemporaine, dans une langue somptueuse.

À bord du Déchronologue après la débâcle (circa 1653)
Je suis le capitaine Henri Villon et je mourrai bientôt.
Non, ne ricanez pas en lisant cette sentencieuse présentation. N’est-ce pas l’ultime privilège d’un condamné d’annoncer son trépas comme il l’entend ? C’est mon droit. Et si vous ne me l’accordez pas, alors disons que je le prends. Quant à celles et ceux qui liront mon récit jusqu’au bout, j’espère qu’ils sauront pardonner un peu de mon impertinence et, à l’instant de refermer ces chroniques, m’accorder leur indulgence.
D’ici quelques minutes, une poignée d’heures tout au plus, les forces contre lesquelles je me suis battu en auront définitivement terminé avec moi et ceux qui m’ont suivi dans cette folle aventure. j’ai échoué et je vais mourir. Ma frégate n’est plus qu’une épave percée de part en part, aux ponts encombrés par les cris des mourants, aux coursives déjà noircies par les flammes. Ce n’est ni le premier bâtiment que je perds ni le premier naufrage que j’affronte, mais je sais que nul ne saurait survivre à la dévastation qui s’approche. Bientôt, pour témoigner de l’épopée de ce navire et de son équipage ne resteront que les pages de ce journal. Permettez donc que je prenne un peu du temps qu’il me reste pour les présenter comme je l’entends.
Je me nomme Henri Villon et suis l’unique capitaine de la merveille baptisée Déchronologue. Il s’agit de mon véritable patronyme. Je me dois de le préciser, tant il est courant d’en changer parmi les gens qui embrassent ma profession de coureur d’océans et de fortune. Français, je fus, davantage par défaut que par désir, et cette nationalité que je n’ai pas choisie ne m’a guère été d’un grand secours sur une mer caraïbe où les drapeaux feront toujours office de linceuls pour les crédules et les exaltés.
Pour des raisons d’honnêteté et de circonstances qui se révèleront ultérieurement, je ne saurais donner mon âge avec certitude, mais je peux dire que je suis né en la belle et éruptive terre de Saintonge au printemps de l’an 1599. Si j’en crois le décompte des jours notés dans le carnet qui ne quitte jamais ma poche, il semblerait que j’aie vécu environ un demi-siècle. Disons que c’est un nombre qui me convient. À propos de mes parents et de mon enfance, je ne dirai pas grand-chose, tant le sujet serait vite tari ; mais je préciserai tout de même que je grandis dans une famille suffisamment aisée pour qu’elle m’espérât une belle carrière de négociant ou d’officier, au terme d’une éducation solide qui sut – peut-être pour mon plus grand malheur – m’éveiller à la lecture des beaux textes et des grands esprits. En cette province instable, enfiévrée par les querelles de la foi, je crois que je n’avais été ni plus ni moins qu’un enfant de mon siècle, modelé à l’image de mes proches, pieux réformés et vaillants défenseurs du parti protestant. Si j’étais né plus tôt, lorsque l’Aquitaine constituait encore un des plus beaux joyaux de la couronne d’Outre-Manche, j’aurais aussi bien pu me découvrir anglais, et me faire mieux accueillir dans les ports fidèles à Charles Ier que dans ceux se réclamant de Louis XIII. Mais les hoquets de l’histoire et le courroux des rois m’avaient fait naître sujet de la couronne de France. je peux avouer aujourd’hui que je n’ai jamais, au gré de mes rencontres, accordé à ces questions de frontières plus d’importance que ne me le dicta la prudence.
Par mes précepteurs, j’ai autrefois appris le latin, mais je n’en fis guère d’autre usage que pour briller auprès des cervelles épaisses et des gredins en souliers vernis ; je parle suffisamment l’anglais pour savoir que ces gens-là ne sont pas pires que d’autres, et pas moins honnêtes qu’un négociant de Bordeaux ou de Nantes ; j’ai assez voyagé pour ne pas ignorer que mon métier de flibustier vient du néerlandais vrij buiter, qui pourrait se traduire par « libre butineur » ou « libre pilleur » ; je possède même quelques rudiments d’espagnol, car il est toujours préférable de comprendre ce que vous ordonne un adversaire. bref, pour tracer ma route en ce monde, j’ai su faire autant usage de mon verbe que de ma lame – que je manie cependant très correctement – et j’aime à penser que je n’ai jamais occis que ceux qui ne m’en ont pas laissé le choix.
Sur les raisons qui me firent embrasser la carrière de capitaine caraïbe, je ne me pencherai pas non plus outre mesure. De peur, peut-être, de tomber par-dessus bord à trop vouloir en discerner le fond ; par mésestime avouée, sûrement, des aumôniers, des juges et de tous ces gens tant désireux d’écosser autrui pour en sucer la fibre. Je crains de n’accorder que maigre valeur aux vertus de la confession, mais je dirai tout de même ceci : je fus, en mes lointaines années d’une foi moins avariée, parmi les insoumis de La Rochelle qui s’arc-boutèrent contre la crapulerie royale et catholique. Jusqu’à devenir plus infâmes que l’assiégeant, pour ne pas lui céder trop vite, en chassant de la cité femmes, enfants, vieillards au profit des seuls combattants. Pour gagner un peu de temps. Oui, du haut de ces remparts qui allaient bientôt être rasés par monsieur de Richelieu, je pris suffisamment part à l’avilissement et à la barbarie des hommes pour m’en aller chercher l’oubli à l’autre bout du monde. Et ne plus avoir envie d’en parler.

Journal intime du capitaine de flibuste Henri Villon, couvrant une période apparemment comprise entre 1640 et 1653 (avec deux incursions décisives à la « fin du temps connu » et en 1655), en 27 chapitres à la chronologie soigneusement chahutée, aux quatre coins des Caraïbes comme des terres continentales et de l’Atlantique qui les bordent immédiatement, « Le Déchronologue » nous propose une narration formidable, à la fois imagée, guerrière, gouailleuse et… élusive en diable, tant les repères chronologiques y sont vite frappés de péremption accélérée. C’est que dans cet univers qui aurait peut-être pu être le nôtre, quelque chose ou quelqu’un a détraqué la trame du temps dans le futur, et des bouffées de cet avenir proche ou lointain – ou parfois de passés incertains – font désormais irruption dans le réel d’Henri Villon et de ses contemporains, sous forme d’artefacts industriels, d’instruments indéchiffrables, mais plus grave, et de loin, d’unités navales entières (on croisera ainsi par exemple des quadrirèmes dignes d’« Agora zéro » mais surtout un fantomatique et immense vaisseau gris que l’on jurerait issu du film « The Final Countdown » (1980), ou « Nimitz – Retour vers l’enfer » en français), de voyageurs d’outre-temps pas nécessairement exempts de tout reproche, voire – pour peu que l’on manipule sans les comprendre certaines maravillas « technologiques » – d’improbables fusions contre nature de bribes temporelles normalement disjointes.

Publié en 2009 à La Volte, devenu depuis, de manière ô combien méritée, un véritable classique de la science-fiction française contemporaine, le quatrième roman de Stéphane Beauverger, après la trilogie « Chromozone », entrechoque avec un extrême brio le récit flibustier irrigué de bizarre, à la manière du Tim Powers de « Sur des mers plus ignorées » (1987) ou du Valerio Evangelisti de la trilogie « Tortuga » / « Veracruz » / « Cartagena » (2008-2012) – dont hélas seul le premier volume a été traduit en français – sachant que les épopées navales de Patrick O’Brian (dont on finira bien, enfin, par vous parler sur ce blog) ou de Gilberto Villaroel ne sont sans doute pas si loin, avec les guerres temporelles familières aux lectrices et lecteurs de Poul Anderson (« La patrouille du temps », 1960), de Fritz Leiber (« Le grand jeu du temps », 1958), ou même de la si surprenante Amal El-Mohtar (« Les oiseaux du temps », 2019) – familiarité qu’il parvient toutefois ici à détourner et renouveler d’une manière magnifique.

La nuit était longue et bleue comme une lame de Tolède. Nos trois torches griffaient ses ténèbres, leurs grésillements accrochant des reflets sauvages aux bijoux et médailles de mes matelots pour conjurer les ombres. D’un pas lent, doigts serrés sur son poignard, le gros Perric ouvrait la marche pour notre cortège. Je voyais ses longs cheveux sales dégouliner de sa lourde tête de cheval de labour. Derrière moi, le Cierge et la Crevette suivaient sans bruit. L’obscurité qui avait englouti Port-Margot aurait pu receler cent périls, mais je n’en marchais pas moins au centre du triangle flamboyant de mon escorte : ce soir, le capitaine Villon souhaitait que son équipée fût aussi remarquable que remarquée. Avant notre descente à terre, tandis que les premières étoiles taquinaient le ciel, j’avais fait porter le Chronos au mouillage à l’écart du reste de notre petite escadre et ordonné la mise en perce d’un de mes précieux tonneaux de vin de Bourgogne, avant d’interdire à l’équipage de descendre à terre. J’étais certain d’être obéi : la nuit sucrée de Port-Margot exhalait le printemps caraïbe, le fer et le sang.
À la manière des autres colonies mal établies sur ce rivage hostile, les autochtones n’ignoraient point qu’ils ne tenaient ainsi, accrochés aux bourses trop pleines de l’empire espagnol, qu’à la faveur de cette indolence propre aux géants jamais trop prompts à se gratter le cul. Planté sur la côte nord-ouest de la grande île d’Hispaniola, fondé moins de dix ans plus tôt par quelques intrépides Français venus comme nous des rivages plus cléments de Saint-Christophe, le petit domaine de Port-Margot s’acharnait à exister. Il abritait plusieurs poignées de ruffians, trafiquants et négociants de mauvaise mine, cherche-fortune et traîne-misère, tous entassés à l’écart des regards catholiques, sous les toits glaiseux d’une vingtaine de masures jetées là à la manière de dés pipés. Parfois, quelques navires y faisaient aiguade. Rarement, leur nom méritait d’être retenu. Dans un sabir mal mélangé de gens de mer aux accents portugais, anglais, français, hollandais ou bretons, on y échangeait de la poudre contre des peaux, de l’indigo ou des bois précieux. Port-Margot : comptoir huguenot âgé de moins d’une décennie, puant l’impatience et la faim, incrusté dans l’échine hérissée de l’Espagnol haï, où des affaires complexes de politique et d’argent m’avaient amené à faire escale en compagnie de meilleurs patriotes que moi-même. Cette nuit, couteaux et complots y fredonnaient des refrains dont j’étais le chef de chœur. Cette nuit, les clairvoyants comme les circonspects avaient mouché leur chandelle et s’étaient faits tout petits.

Comme il le montrera à nouveau avec un éclat singulier dans « Collisions par temps calme », en 2021, Stéphane Beauverger a toujours développé un intérêt spécifique pour le questionnement et l’exploration de l’utopie, de ce principe Espérance cher à Ernst Bloch. Dans « Le Déchronologue », le roman d’aventures géographiques et temporelles ne se fait donc pas faute d’aborder, un peu plus qu’incidemment mais avec toujours beaucoup de ruse et de subtilité, la réalité anarchiste qui peut se dissimuler derrière la fable flibustière. Rejoignant ici discrètement le travail littéraire et politique du si regretté Michel Le Bris (dont les « D’or, de rêves et de sang : l’épopée de la flibuste » et « Pirates et flibustiers des Caraïbes », tous deux de 2001, sont logiquement cités parmi les sources indiquées en annexe), se gardant (comme d’ailleurs le fait aussi Valerio Evangelisti) de l’idéalisme un peu trop béat qui a longtemps marqué certaines lectures contemporaines de la piraterie réputée libertaire (que l’on songe ainsi au célèbre « Zone Autonome Temporaire » d’Hakim Bey), « Le Déchronologue », avec son inventivité langagière forcenée et sa géopolitique trafiquée, à la fois familière et joliment incongrue, est sans doute, au fond,  plus proche du nouvel épique italien des Wu Ming (et, à nouveau, de Valerio Evangelisti) que de tout autre projet informel associant littérature, imaginaire et politique. Imaginant cette extraordinaire pré-apocalypse au XVIIème siècle dans toutes ses composantes romanesques et sociétales, Stéphane Beauverger peut ainsi malicieusement clamer ici, par la voix de l’un de ses nombreux personnages : « La révolution n’est pas un dîner de gala ! Ni un sujet de farce ! ».

Maintenant, à l’instant d’écrire ces lignes, tandis que l’ennemi victorieux braque une dernière fois ses canons vers mon bâtiment, l’oscille entre l’envie d’en dire davantage et la crainte de trop me répandre. J’ai réuni en ces pages éparses le récit véritable de ma vie de capitaine sans attache. Je veux croire que je n’en ai rien caché de honteux ou de méprisable. Si j’ai menti, triché, trahi parfois, ma loyauté ne fut ni plus ni moins décousue que celle des autres marins de grand large, qui n’ont jamais trop voulu croire les mensonges des puissants aux intérêts plus discrètement égoïstes.
Des événements auxquels je pris part, et dont il sera question dans ce récit, j’espère que chacun saura prendre la mesure avec clémence. Que le lecteur ose pardonner les effronteries et le grand désordre régnant dans ces cahiers, mais ma mémoire n’est plus ce qu’elle était, ni le temps ce qu’il paraît. « Fugit irreparabile tempus », écrivit le poète Virgile… Comme il avait tort ! Je sais, moi, que les voiles du temps se sont déchirées, pour porter jusqu’à mon siècle des choses qui n’auraient pas dû s’y échouer. À mes yeux, les calendriers n’ont plus aucun sens, et les dates comme les anniversaires ont pris des airs de garces mal maquillées. Dans mon obsession à découvrir l’origine de ces plaies ouvertes, j’ai approché les grands secrets de mon époque et œuvré pour les recoudre. Quelles chances avais-je donc d’y parvenir ? Aucune, sans doute… Que suis-je, sinon un marin un peu trop amoureux du tafia et de la guildive, un peu trop hâbleur et hardi pour avoir admis ses erreurs à temps, si vous me pardonnez ce déplaisant calembour ? Mort de moi, comme j’ai lutté pourtant, au nom de ce qui me paraissait juste !
Des regrets ? Trop pour m’épancher plus longtemps et pas assez pour ne pas accepter le sort qui m’attend. La seule femme que j’aie jamais aimée n’a pas voulu de mon amour. Tous mes amis les plus chers sont morts, et je fus souvent responsable de leur trépas. Puisque mes rêves ont révélé un goût de cendre, pourquoi craindre de disparaître ? Adieu donc, mon navire et ceux qui sont encore à bord. Adieu aussi au capitaine Brieuc, mon frère d’escales si plein d’idéal et mort avant de voir tous les trésors du Yucatan. Adieu, Féfé de Dieppe, fol enfant caraïbe assoiffé de liberté. Adieu, aussi, le Cierge, la Crevette, les frères Mayenne et Patte-de-Chien, adieu mes gorets crevés sur la route de Carthagène. Adieu surtout à toi Arcadio, qui m’en arracha pour faire de moi ton instrument de vengeance contre l’Espagnol honni. Adieu, enfin, vous tous, qui avez un peu connu, haï ou apprécié le capitaine Henri Villon, dont il fut dit pis que pendre quand il ne le méritait pas toujours.
Debout j’ai vécu, debout je m’en vais mourir. Que dire de plus qui ne sonnerait pas moins sincère ? Mon Déchronologue brûle et se consume d’un inextinguible feu, mon équipage se meurt, et l’ennemi passera bientôt pour nous achever tous. Adieu, mon aimée, adieu ma vie, adieu, puisque nous n’étions que des ombres glissant sur l’écume du temps.

Hugues Charybde, le 9/09/2024
Stéphane Beauverger - Le Déchronologue - La Volte

L’acheter chez Charybde, ici

05.09.2024 à 16:18

Connexion : stay tuned avec Kae Tempest !

L'Autre Quotidien

Riche de son intensité et de sa sincérité, un poétique anti-manuel de développement personnel qui magnifie la connexion, l’empathie et la créativité collective.
Texte intégral (3449 mots)

Riche de son intensité et de sa sincérité, un poétique anti-manuel de développement personnel qui magnifie la connexion, l’empathie et la créativité collective.

Dans les chapitres qui suivent, je vais me lancer dans l’éloge de la créativité, l’éloge de la musique et du théâtre, l’éloge des rassemblements humains et du partage des émotions. Je sais bien qu’assister à un concert ou jouer sur les planches n’occupe pas la même place, dans l’ordre des priorités, que l’accès à un logement décent et abordable, à des conditions de travail où l’équité et les normes de sécurité sont respectées, à des soins médicaux, à des produits alimentaires sains et frais, à une eau potable qu’on se procure aisément et à un environnement où les enfants peuvent grandir sans être victimes de violence, de menaces, de traumatismes. Mais on ne m’enlèvera pas de l’idée qu’à côté de ces besoins fondamentaux, l’être humain ne peut et ne pourra jamais se priver de jeu, de créativité, d’introspection et d’expression personnelle.
Voici les mots que je compte employer pour explorer mes idées : créativité, connexion, connexion créative.
La créativité désigne l’aptitude à s’émerveiller, l’envie de réagir à ce qui nous bouscule. Ou, plus simplement, c’est un acte d’amour, quelle qu’en soit la nature. Quelque chose qu’on produit. D’ordinaire on réserve ce terme au domaine artistique, mais il s’applique aussi à toute activité réclamant de la concentration, de la technique et de l’ingéniosité. Il faut de la créativité pour s’habiller avec style, par exemple. Pour élever un enfant. Peindre un châssis de fenêtre. Accorder à la personne qu’on aime son attention pleine et entière.
La connexion, c’est la sensation de s’arrimer à l’instant présent. De s’absorber totalement dans l’expérience au moment où elle est vécue, l’esprit tout entier tendu vers chaque détail. C’est avoir conscience de la place négligeable qu’on occupe dans l’ordre de l’univers. Éprouver le sentiment d’avoir pris racine. Ici, et pas ailleurs. Peu importe que cet « ici » soit une zone de turbulences ou un havre de paix, un lieu de joie ou de souffrance.
La connexion créative, c’est l’emploi de la créativité au service de cette connexion, dans le but de la ressentir et d’investir une zone où des liens se nouent entre toi et les personnes qui t’accompagnent à cet instant.
Les artistes sont sans doute ceux qui empruntent le plus facilement cette passerelle vers un autre monde, un monde plus intime. À vrai dire, quiconque s’est livré à la méditation ou à la prière, quiconque a observé les étoiles, préparé un repas important pour ses proches, balancé son poing à la figure de quelqu’un, vu trente-six chandelles, fabriqué un objet de ses propres mains, développé une compétence parce qu’il n’avait pas d’autre solution, rendu un service, fait don de son temps, vacillé au bord de la folie ou du précipice, digéré une vérité douloureuse, fait passer les autres avant soi, bref, quiconque s’est véritablement mis en quatre pour son prochain a emprunté cette passerelle. La connexion n’est pas l’apanage exclusif des artistes mais l’art est un moyen avéré de comprendre ce qui jaillit de cet ailleurs, là où commence le collectif.
Quand je mentionne « le lecteur », je peux faire référence à la personne, je peux faire référence à la personne qui entame un dialogue avec un texte écrit, un morceau de musique ou une œuvre d’art, mais aussi à la personne qui engage une conversation avec des amis, des inconnus, l’être aimé, le monde en général. Je vois le lecteur comme une porte qui s’ouvre pour laisser entrer le sens.
Quand je mentionne « l’écrivain », je fais référence à la personne qui signe un texte ou compose une musique, mais aussi à la personne qui produit du vécu. Cette part en soi qui construit le récit de sa propre existence et qui cherche sans relâche un fil assez solide pour traverser les pages blanches de l’enchaînement des jours.

En sept chapitres aux intitulés rusés et fort à propos, filant la métaphore de la performance issue jadis de l’open mike (« Installer le matos », « Balances », « Portes », « Première partie », « S’échauffer », « Se lancer », « Sentir que ça prend »), Kae Tempest nous offre une plongée dans un exercice plutôt inhabituel, à l’aune de qui connaît sa poésie, son théâtre ou sa prose, dans les excellents « Les nouveaux anciens », « Inconditionnelles » ou encore « Écoute la ville tomber » (dont on finira bien par trouver le temps de vous parler sur ce blog). En compagnie de James Joyce, de James Baldwin, de Carl Jung (et tout particulièrement de son « Livre rouge »), de William Blake (qui est largement convoqué pour les rusés exergues de chaque chapitre), de Barbara Ehrenreich (« Le Sacre de la guerre »), de Killer Mike, de El-P ou encore de Czesław Miłosz, tous passés discrètement mais intensément au crible de l’expérience personnelle de Kae, qui use des meilleurs comme des pires moments de sa vie ou de sa carrière à date comme d’un puissant mix de liquides révélateurs, il s’agit bien ici, à plus d’un titre, de nous proposer une forme redoutable d’anti-manuel de développement personnel (comme l’aurait sûrement et joliment décrit Thierry Jobard), sous le signe de la connexion, de l’empathie et du pouvoir créatif du collectif.

Un jour James Joyce m’a dit : « Le particulier renferme l’universel. » Merci du conseil. Il m’a appris que plus j’accorde d’attention à mon « particulier », plus j’ai de chances de t’atteindre dans ton particulier à toi.
Depuis vingt ans maintenant, je saute sur chaque micro qu’on me tend, chaque occasion qui m’est offerte de parler et d’être entendu.e. Tout au long de ces vingt années, je ne compte plus les fois où j’ai franchi le seuil d’une salle de concert en me disant : Sérieux, je ne sais pas si ça va le faire ce soir. Je me suis senti•e jugée•e. Pas à ma place. J’ai regardé le public et, à mon tour, je l’ai jugé. Je me suis retrouvé•e devant des gens avec qui je n’avais rien en commun et je me suis dit : Pas moyen que vous et moi, on y arrive ensemble. Et je ne compte plus les fois où la suite m’a donné tort.
J’ai passé vingt ans un stylo à la main. Vingt ans à étudier l’art des mots qu’on prononce quelque part face à des gens. Ce que j’ai vu, je l’ai observé à travers le filtre de ma créativité : la fonction première de ma vie.
Ces pages contiennent mes réflexions sur l’écriture, la lecture et la scène, parce que c’est ce qui est vrai à mes yeux. J’aborderai spécifiquement ces thèmes et, par ricochet, d’autres plus vastes – l’identité, le mode de vie, l’altérité.
L’empathie, c’est se souvenir que chacun a une histoire. Une multiplicité d’histoires. Et se souvenir aussi de laisser assez de place aux autres pour qu’ils puissent raconter leur histoire avant de raconter la sienne.
Je suis quelqu’un qui aime profondément les gens. Dès que je suis sur le point de craquer, je me ressaisis en prêtant la plus grande attention à ceux que je croise dans mon quotidien.
Oui, j’écris pour ces autres qui me ressemblent. Ces autres qui n’ont pas trouvé leur place, et qui ne l’ont jamais trouvée. Des gouines, comme moi. Qui ont compris qu’il n’y a rien à gagner à rentrer dans le moule, que ce n’est même pas la peine d’essayer, et qui se retrouvent contraintes de tracer leur propre voie.
Ces autres qui n’ont pas encore jeté le monde aux chiottes.
Ces autres qui voient le beau avant le reste et qui assistent malgré eux au carnage.
Ces autres qui voient le carnage avant le reste et qui assistent malgré eux au spectacle du beau.
Et, à côté de ça, ceux qui ont trouvé leur place depuis le début.
Ceux qui se contrefoutent de tout.
Ceux qui n’ont vu le beau nulle part, jamais. Et le carnage encore moins. Simplement les grandes lignes et le temps qui passe.
Ceux qui partagent mes convictions et ceux qui les tournent en ridicule.
Tout le monde. Tout le temps. Quoi qu’il arrive.

Publié en 2020 et traduit en 2021 par Madeleine Nasalik chez L’Olivier, récit aussi émouvant que celui d’Amanda Palmer (« L’art de demander », dont on vous parlera prochainement sur ce blog, et dont le fil conducteur, sans être identique à celui de Kae Tempest ici, retravaille aussi en profondeur la forme de l’échange-don chère à Marcel Mauss), « Connexion » fait bien de l’échange et de l’empathie ainsi saisie et comprise une affaire authentiquement politique, comme chez la chanteuse jadis révélée au sein du duo des Dresden Dolls. Une lecture tonique, captivante, et qui répond en toute humilité à bien des interrogations secrètes rarement affirmées de la part de chacune et chacun, me semble-t-il.

James Baldwin décrit ainsi l’étau de l’amour obsessionnel dans La Chambre de Giovanni : « Dans cette chambre, j’avais l’impression de vivre sous la mer ; le temps passait au-dessus de nous, indifférent, les heures et les jours ne voulaient rien dire. » On patauge dans un marécage de même nature où rien n’est accessible, où le temps s’étire à l’infini, où tout est remis à plus tard. Un peu comme lorsqu’on se noie dans une relation toxique. Ça, je sais que je n’en veux pas. Mais je ne sais pas comment y échapper.
L’ordre établi compte sur ton apathie. Tu es là pour consommer. Tu n’as aucune autre utilité aux yeux de ceux qui gouvernent. Tu n’es rien. Tu graisses les rouages d’une machine qui s’appuie sur ta complicité et ta malléabilité fervente. On t’a martelé que tu étais une graine qui portait en elle un avenir radieux, absolument splendide, que pour vivre ta vie à fond, il te suffisait de prendre part à la compétition. D’être un winner. De consommer. Tu consommes, tes parents consommaient et tes grands-parents avant eux, et tes enfants consommeront. Voilà ton héritage. Depuis les Lumières, ce siècle sanctifié qui a vu l’Europe se vautrer dans le sang, qui a édifié son propre piédestal et diffusé sa propagande dans nos écoles, dans nos manuels pédagogiques et sur nos écrans de télévision, proclamant le mythe d’une ère d’excellence artistique et philosophique sans pareille, une ère de fraternité et d’esprit libertaire alors qu’elle était en réalité marquée par la violence, les guerres civiles et les conflits inter-États, les inégalités, la répression et la cruauté barbare. Arrosée de sang. Le sang des travailleurs. Le sang des humains à la peau brune ou noire, ces corps exploités, monnayés, tués au nom du progrès. Ensanglantés, avilis, debout sur des colonnes dans toutes ces villes épouvantables qui sont les nôtres, d’orgueilleux temples en pierre commémorant un siècle de ténèbres qu’on nous a vendu comme un siècle éblouissant. On vit encore à cette époque. Son chaos est toujours d’actualité. L’industrialisation des inégalités n’a jamais cessé. Ton apathie est nécessaire. Mon apathie l’est tout autant.
Et pourtant.

Hugues Charybde, le 9/09/2024
Kae Tempest - Connexion - Points Seuil
l’acheter chez Charybde, ici

16.08.2024 à 11:15

L'existence déployée ou l'existence éternellement créatrice

L'Autre Quotidien

L'expression al-hikmat al-muta'āliyah comprend deux termes : al-hikmat (signifiant littéralement, sagesse ; et techniquement, philosophie , et par extension contextuelle théosophie ) et muta'āliyah (signifiant exalté ou transcendant ). La philosophie et l' ontologie de Mulla Sadra sont considérées comme tout aussi importantes pour la philosophie islamique que la philosophie de Martin Heidegger l'était plus tard pour la philosophie occidentale au 20e siècle. Mulla Sadra a apporté « une nouvelle vision philosophique du traitement de la nature de la réalité » et a créé « une transition majeure de l' essentialisme à l' existentialisme » dans la philosophie islamique. Le tout n’est d’ailleurs pas sans rapport avec le taoïsme et le bouddhisme zen.
Texte intégral (976 mots)

" Il est intéressant que les philosophes Hikmat (Ndt : la théosophie transcendante ou al-hikmat al-muta’li (حكمت متعالي) issue de Perse) en soient venus de cette manière à considérer la Réalité ultime comme " l'existence pure ", c'est-à-dire " l'existence " dans sa forme absolue. Ce fait est intéressant car dans d'autres traditions de la philosophie orientale, comme le taoïsme et le bouddhisme zen par exemple, précisément la même entité est conçue comme le Néant. À la base de cette conception négative se trouve la prise de conscience que l'Absolu, dans son absolu transcendant, se situe au-delà de l'opposition entre "existence" et "non-existence". De ce Néant métaphysique sans limite et sans commencement apparaît l'Existence, et à travers l'Existence, l'infinité d'existences concrètes s'épanouit pour constituer le monde de l'Être. Il est cependant facile d'observer que ce Néant absolu - le "Néant oriental" comme on l'appelle souvent - correspond exactement, même dans sa nature conceptuelle négative, à la conception d'Ibn 'Arabi du Mystère des mystères. Ainsi, l'Existence, qui dans les traditions non-islamiques n'apparaît que comme le stade qui suit immédiatement le Néant, correspond dans le système d'Ibn'Arabi au deuxième stade de l'"existence", le stade de la théophanie où se révèle l'"existence" du premier stade. Dans la philosophie Hikmat, ce deuxième stade de l'"existence" est conçu comme "l'existence déployée" ou "l'existence éternellement créatrice" (wujud munbasit), tandis que le premier stade de l'"existence" est appelé, comme nous venons de le voir, "existence pure", c'est-à-dire "l'existence" dans sa pureté absolue. "

Toshihiko Izutsu, La structure fondamentale de la métaphysique de Sabzawari.

Toshihiko Izutsu
, né le 4 mai 1914 et mort le 1er juillet 1993, est un islamologue, linguiste et philosophe japonais, qui parlait une trentaine de langues. Spécialiste de l'islam et du bouddhisme, il a été professeur à l'Institut d'Études culturelles et de linguistique de l'Université Keio à Tokyo, à l'Iranian Research Institute of Philosophy de Téhéran et à l'Université McGill à Montréal.

Mulla Hadi Sabziwari

09.07.2024 à 10:51

"Ultime écho" par Anne Masse, la nouvelle création originale de Bubble éditions s’attaque aux multivers (et à la fin du monde)

L'Autre Quotidien

Quand Ari, une chercheuse en astrophysique, découvre l’existence des univers parallèles, elle provoque l’effondrement de son monde et de tous les autres.
Texte intégral (2737 mots)

Quand Ari, une chercheuse en astrophysique, découvre l’existence des univers parallèles, elle provoque l’effondrement de son monde et de tous les autres.

lors que les mondes semblent se synchroniser de plus en plus vite, elle cherche sa place dans une histoire d’amour qui se répercute dans les multivers. 

À travers cette comédie dramatique, Ultime écho interroge sérieusement notre époque et ses obsessions à travers cette catastrophe à l’échelle des multivers. Anne Masse propose une nouvelle approche des univers parallèles avec un sens de l’humour qui tranche avec les codes habituels de la science-fiction. 

Avec ses variations graphiques et narratives sur un même personnage et ses designs attachants, le style très vivant d’Anne Masse est au carrefour de plusieurs influences et sur Ultime écho elle ajoute une touche plus poétique, dans son dessin, que dans ses travaux précédents.

👀 Lire les 2 premiers chapitres ici

👤 Anne Masse commence à écrire et dessiner dans le fanzine et participe à de nombreuses conventions comme la Japan Expo ou la Y/CON avec son collectif les Ziggys. Avec une expérience dans le jeu vidéo, l’animation et l’UI design, elle se lance dans la bande dessinée en étant coloriste pour l’auteur de comics Jim Mahfood. Puis entame un premier webcomic traduit par un fan coréen qui lui permettra d’être repérée par la plateforme WEBTOON.

Elle réalise plusieurs séries au format webtoon, le road trip médiéval Azalaïs chez webtoon factory puis les séries fantastiques décalées Les Vampires Anonymes et Extra-Coloc qui vont rassembler plus de 19 000 abonnés.

Depuis la fin d’Extra-Coloc, elle consacre tout son temps à son nouveau projet Ultime écho. 

« C’est donc ça ce qu’on appelle le multiverse ? »

Il reste quelques jours pour la campagne de financement participatif qui met en avant le livre de Anne avec plusieurs belles surprises pour les fans de science-fiction : 

🎨 Une couverture alternative par Guillaume Singelin

👤 Après deux années en école de graphisme à l’EPSAA, Guillaume Singelinest remarqué par RUN, qui lui propose d’intégrer l’équipe de préproduction du long métrage Mutafukaz. Reconnu pour ses qualités de dessinateur, il est également passé maitre dans l’art de la narration, domaine où l’influence du cinéma est chez lui omniprésente.

Il travaille également pour divers projets de jeux vidéo en tant que designer. Pour le Label 619, dont il est l’un des membres permanents, Il est l’auteur de Loba Loca (spin-off de Mutafukaz), The Grocery, P.T.S.D. et d’histoires courtes dans Doggybags et LowReader.  Il signe avec son dernier album Frontier un récit puissant et moderne de science-fiction.

Roland Lehoucq

✍️ Une préface signée par l’astrophysicien Roland Lehoucq

👤 Roland Lehoucq est astrophysicien et enseignant, très impliqué dans la diffusion des connaissances scientifiques. Il est l’auteur de nombreux livres donnant au grand public un aperçu des dernières connaissances scientifiques et a été commissaire de plusieurs expositions. Il aussi conçu, avec Denis Savoie, le plus grand cadran solaire du monde sur la voûte du barrage de Castillon.

Mais il s’illustre aussi dans le domaine de la science-fiction à travers ses œuvres de vulgarisation ou chroniques dans la presse où il utilise les sciences pour décrypter la pop culture. Il décortique avec humour nos licences préférées : D’où viennent les pouvoirs de Superman ?, l’incontournable Faire de la science avec Star Wars ou encore Mais où est le Temple du Soleil, enquête scientifique au pays d’Hergé, écrit avec Robert Mochkovitch.

Récompensé par de nombreux prix et distinctions, les fans de SF le connaissent surtout pour son engagement envers ce genre depuis près de 25 ans, Roland Lehoucq est aujourd’hui président du festival les Utopiales depuis 2012 et l’un des rares êtres humains vivants au 21e siècle à ne jamais avoir eu de téléphone mobile.

Pourtant il a répondu à l’appel d’Ultime écho et vous invite à réfléchir à la beauté d’une hypothèse…

💡 Sur la page de la campagne, vous retrouverez également des planches originales, des goodies collector, et d’autres surprises. Pour tout savoir sur la campagne, découvrir l’avancée du projet et les news ça se passe par ici.

Thomas Mourier, le 10/07/2024
Anne Masse - Ultime écho - Bubble éditions

-> Les liens renvoient sur le site Bubble où vous trouverez plus d’informations sur les œuvres évoquées

09.07.2024 à 10:25

Mais qu'est-ce donc que la Zzyzx Road ? Histoire heurtée d'un spa au désert californien

L'Autre Quotidien

En 1944, Curtis Howe Springer, un prédicateur évangélique qui vivait à Los Angeles, a entendu parler d’une source naturelle nommée Soda Springs dans le désert de Mojave, dont la rumeur disait qu’elle avait des propriétés curatives. S’il avait toute d’abord appelé son centre Soda Springs Cam, Springer a finalement choisi le nom inhabituel de Zzyzx Mineral Springs and Health Resort pour son oasis de bien-être, car le fait d’avoir une liste avec deux z dans le nom garantissait que son complexe était « le dernier mot » en matière de bien-être.
Texte intégral (1821 mots)

Sur l’interstate 15, dans le désert Mojave en Californie, se trouve une sortie pour la route Zzyzx (Zzyzx Road), une sortie au nom étrange. Cette petite route partiellement bitumée de 7,2 km amène à un complexe abandonné du même nom, qui se prononce d’ailleurs « zi-zex », qui utilisait la source Soda Springs.

En 1944, Curtis Howe Springer, un prédicateur évangélique qui vivait à Los Angeles, a entendu parler d’une source naturelle nommée Soda Springs dans le désert de Mojave, dont la rumeur disait qu’elle avait des propriétés curatives.

Springer est alors parti en expédition pour localiser Soda Springs. Il a été tellement impressionné par ce qu’il a découvert qu’il a immédiatement déposé une demande de concession minière afin de pouvoir construire un centre de bien-être où il pourrait inciter les voyageurs à se baigner dans les eaux curatives de Soda Springs.

S’il avait toute d’abord appelé son centre Soda Springs Cam, Springer a finalement choisi le nom inhabituel de Zzyzx Mineral Springs and Health Resort pour son oasis de bien-être, car le fait d’avoir une liste avec deux z dans le nom garantissait que son complexe était « le dernier mot » en matière de bien-être.

Zzyzx Mineral Springs and Health Spa par el-toro (CC BY-NC 2.0).

Zzyzx Mineral Springs and Health Resort, qui offrait un hébergement pour la nuit, un restaurant servant des fruits et légumes cultivés sur place et une salle de conférence où les visiteurs pouvaient entendre les sermons passionnés de Springer, a prospéré jusqu’en 1974, lorsque le Bureau of Land Management a saisi la propriété de Springer. parce que sa concession minière ne lui accordait pas le droit de construire une station balnéaire. Arnaque première, mais pas la seule. La suite est aussi croquignolesque…

Même si le centre comptait de nombreux fans à son apogée, Curtis Howe Springer avait aussi de nombreux détracteurs virulents. Ses opposants affirmaient que les « toniques santé » de Springer, comme le Hollywood Pep Cocktail, étaient principalement composés de sel d’Epsom commun et n’avaient pratiquement aucune propriété curative.

Springer avait également affirmé que Soda Springs était une source chaude naturelle. Il avait secrètement installé une série de tuyaux pour chauffer l’eau naturellement froide, afin de pouvoir vanter les propriétés curatives des sources et inciter les clients à rester plus longtemps et à dépenser plus d’argent. Le site a donc été momentanément abandonné.

Le complexe Zzyzx abandonné et récupéré

En 1976, l’Université d’État de Californie a repris la station thermale Zzyzx et a transformé la zone en un centre d’études sur le désert.

Les vestiges de plusieurs structures, comme l’ancien pool house du complexe, sont encore visibles. Les visiteurs peuvent admirer les ruines des sources minérales et du centre de santé de depuis les rives du paisible lac Tuendae, adjacent au centre d’études sur le désert. Le lac Tuendae, situé dans la réserve nationale de Mojave, est entouré d’un court sentier et d’une aire de pique-nique pittoresque qui constitue un excellent endroit pour observer les oiseaux. Ce site a servi de lieu de tournage pour certains scènes de Dune par David Lynch.

Bien que les vestiges de Zzyzx Mineral Springs and Health Resort soient situés sur un terrain appartenant à l’Université d’État de Californie, les rives du lac Tuendae offrent toujours une vue rapprochée de l’un des spas de bien-être ratés les plus notoires de Californie .

Avoir la chance d’observer le reflet d’une rangée de palmiers scintillant dans les eaux calmes du lac Tuendae, dans le désert aride de Mojave, vaut certainement la peine de cliquer sur votre clignotant lorsque vous apercevez le panneau indiquant Zzyzx Road. Les lieux permettent aussi évidemment d’apprécier la beauté du ciel de nuit dans le désert Mojave. Let’s go !

La route se trouve entre San Bernardino et Las Vegas à l’adresse suivante: Zzyzx Road, San Bernardino, Californie, États-Unis.

Ses coordonnées GPS sont: 35° 08′ 35″ N, 116° 06′ 15″ O.

Bill Burou, le 10/07/2024
Zzyzx Road


02.07.2024 à 13:18

Comment fabriquer des crayons de couleurs pour la forêt ? Réponse nippone

L'Autre Quotidien

La société Playfool profite du fait que le Japon soit recouvert de près de 70 % de forêts, une statistique remarquable à une époque où la demande de bois ne cesse d'augmenter et où les développements urbains s'étendent. Et pour éviter le gâchis et les coûts de transport abusifs en terme de bilan carbone, elle a trouvé une solution.
Texte intégral (1370 mots)

La société Playfool profite du fait que le Japon soit recouvert de près de 70 % de forêts, une statistique remarquable à une époque où la demande de bois ne cesse d'augmenter et où les développements urbains s'étendent. Et pour éviter le gâchis et les coûts de transport abusifs en terme de bilan carbone, elle a trouvé une solution.

A l'ère du commerce mondial, il est possible de faire traverser des océans à des forêts entières, ce qui a un impact sur les chaînes d'approvisionnement et modifie la façon dont les ressources locales sont utilisées. Et comme il est souvent plus abordable d'importer du bois d'ailleurs, les arbres coupés localement peuvent rester inutilisés. "Le Japon a trop de bois", déclare Daniel Coppen, qui a cofondé le studio de design Playfool avec Saki Maruyama.

En 2021, Daniel Coppen et Saki Maruyama ont participé à une résidence parrainée par le ministère japonais de l'agriculture, des forêts et de la pêche, au cours de laquelle ils se sont familiarisés avec le surplus unique du pays. Des entretiens avec une myriade de personnes liées à l'industrie des produits forestiers, des ouvriers des parcs à bois aux fabricants de meubles, leur ont permis de mieux comprendre les écosystèmes naturels, industriels et commerciaux des arbres du pays.

Au cours de leurs recherches, le duo a collecté des branches, des feuilles et des rondins qu'il a ramenés à l'atelier pour expérimenter le rasage, l'ébullition, le mélange et même la dégustation. Ils ont également réduit les matériaux en poudre très fine, ce qui a attiré leur attention sur la variété inhérente des teintes. Les poudres ont donné naissance à une sélection de pigments. Les "Forest Crayons" étaient nés.

Mélangés à de la cire fondue, les pigments sont coulés dans des moules pour créer des bâtons faciles à manipuler. Les couleurs reflètent le type d'arbre qui crée chaque nuance distinctive, du bogwood au cèdre en passant par le magnolia et le cyprès. Vous pouvez découvrir le processus méticuleux de fabrication de chacun d'entre eux dans une vidéo produite par V&A.

Bill Chapô, le 3/07/2024
Les crayons Playfool

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