31.01.2025 à 17:31
Nadim Fevrier
L’insoumission.fr et Informations Ouvrières s’associent pour proposer à leurs lecteurs des contenus sur les résistances et les luttes en cours aux quatre coins du pays. À retrouver sur tous les réseaux de l’Insoumission et d’Informations ouvrières.
Lundi 27 janvier, plus d’une centaine de personnes se sont rassemblées à l’appel de La France Insoumise du Rhône devant le siège de la Métropole de Lyon où se tenait le Conseil métropolitain. Tous sont venus forts d’une conviction très largement partagée et exprimée par les 1500 signataires de la pétition lancée par LFI…
Pour eux, il n’est pas possible de considérer comme « affaire classée » l’interdiction faite depuis le 1ᵉʳ janvier aux propriétaires d’un véhicule Crit’Air 3 de circuler ou stationner dans la ZFE (zone à faible émission, englobant tout ou partie des villes de Lyon, Villeurbanne, Vénissieux, Bron et Caluire à l’intérieur du périphérique, lui aussi intégré dans la ZFE ainsi que les sections d’autoroute M6 et M7) ! Ce, sous peine d’une amende de 68 €. À noter que les véhicules Crit’Air 3 sont les véhicules immatriculés avant 2011. Avec la ZFE, il est prévu au 1ᵉʳ janvier 2026 d’interdire les véhicules immatriculés avant 2015.
Des militants associatifs, de simples citoyens présents, ont tenu à apporter leurs témoignages au micro, faisant écho à l’incompréhension et la colère générales face à cette mesure qui touche les habitants les plus modestes. Entre 30 et 40 % des véhicules dont les propriétaires habitent Vaulx-en Velin, Saint-Fons, Vénissieux, Rillieux, Givors, etc., sont en Crit’Air 3. Une Clio de 2011, 75 CV ? Vous êtes Crit’Air 3. Une Ferrari de 700 CV, 2024 ? Vous êtes Crit’Air 1 ! Notre brève.
Les ZFE sont le résultat d’une loi macroniste de 2021, votée avec l’abstention de la droite et l’extrême droite. Le président de la Métropole de Lyon, Bruno Bernard, accuse l’État de « retard dans la mise en œuvre de la ZFE », notamment du fait « de la non livraison à ce jour des radars permettant de verbaliser les fautifs ». Certains élus de ces formations essaient maintenant de le cacher derrière de virulentes déclarations verbales.
Lucas Miguel, pour LFI 69, a rappelé les revendications portées par les insoumis, tant en direction de l’État que de la Métropole (moratoire sur les ZFE, arrêt des interdictions de circulation et de la verbalisation, gel des tarifs TCL et extension de la gratuité des TCL). Affirmant la nécessité d’une écologie populaire, il n’a pas manqué de rappeler l’urgence de censurer l’actuel gouvernement Bayrou mis en place par Macron pour tenter de multiplier des mesures plus austéritaires les unes que les autres.
Pour aller plus loin : Écologie – Une centaine de scientifiques et d’ONG signent une tribune en soutien au Nouveau Front populaire
La ZFE lyonnaise a été mise en œuvre avec une certaine gourmandise par l’exécutif écologiste dirigeant la Métropole sous la direction de son Président Bruno Bernard, en ignorant les conséquences sociales.
Florestan Groult, élu métropolitain insoumis, sorti de la séance du conseil pour rejoindre quelques instants le rassemblement, insistait a contrario sur le choix politique qui pourrait être celui de l’exécutif… en faisant preuve de « résistance institutionnelle à l’État » qui impose cette ZFE socialement injuste.
Sans « résistance institutionnelle », sans rupture avec les politiques suivies depuis des années, sans prise en comptes des revendications de la population, l’appel à la nécessaire amélioration de la qualité de l’air (4) est-il autre chose qu’un vœu pieu servant à justifier une « écologie » punitive, prétexte à injustices et discriminations ?
Comment améliorer la qualité de l’air ? En verbalisant les pauvres, vraiment ? Les gens qui rouleraient en voiture de 2011 le feraient par choix ? Et pour diminuer le nombre de voitures dans la ville, faut-il vraiment augmenter les tarifs des transports en commun en 2025, comme l’a décidé, la Métropole et son Président ? En en refusant la gratuité ne serait-ce qu’aux chômeurs et aux enfants ?
C’est bien tout ça qui est en jeu pour la ZFE. Après ce premier jalon de mobilisation, nul doute que les exigences portées lors de ce rassemblement trouveront rapidement des suites…
31.01.2025 à 17:16
Nadim Fevrier
Une motion symbolique radicale sur l’immigration avancée par la droite allemande vient d’être votée grâce aux voix de l’extrême droite de l’AfD (Alternative für Deutschland), l’alliée de circonstance en Allemagne de Marine Le Pen et Jordan Bardella, au Parlement (Bundestag). Tout cela, le jour même où le Parlement allemand commémorait les 80 ans de la libération du camp d’Auschwitz et la mémoire des victimes du nazisme. Une situation inédite dans un pays où tout accord avec l’extrême droite était, jusqu’à présent, tabou et où un véritable cordon sanitaire était en place. Un rescapé allemand d’Auschwitz a annoncé rendre sa Croix de l’Ordre du mérite pour protester contre cette alliance, justifiant « Je crains que l’Histoire ne se répète. »
En réaction, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté en Allemagne pour dire leur refus d’un tel vote et d’une telle alliance. Surtout, cet accord laisse de facto entrevoir des perspectives inquiétantes pour le pays à quelques semaines des élections législatives, alors que l’extrême droite est haute dans les sondages. Notre article.
Berlin 2025, devant le siège du grand parti de droite allemande de la CDU, quelques centaines de manifestants se réunissent dans le froid de la nuit pour dénoncer une situation inédite dans le pays depuis la fin de la guerre. Il ne s’en excuse pas : « Les bonnes décisions ne deviennent pas mauvaises même si elles conviennent aux mauvaises personnes », le leader de la droite « traditionnelle » allemande, et probable futur chancelier, Friedrich Merz persiste et signe son accord de facto avec l’extrême droite de l’AFD.
Le cœur du débat : un énième plan sur l’immigration porté par le mouvement de droite Union (qui regroupe la CDU et son puissant parti frère Bavarois la CSU). Cette motion symbolique (Abstimmung) en 5 points, proposée en début de semaine au Parlement allemand (le Bundestag) s’avère particulièrement violente et autoritaire : elle prévoit notamment le renvoi systématique et sans décision de justice des réfugiés, même ceux dépendant du droit d’asile s’ils ne peuvent pas présenter de documents en règles.
En plus de cela, ce plan prévoit également la mise en place de contrôles permanents aux frontières, la création de centres d’internements pour migrants ou encore la primauté du droit allemand sur la juridiction européenne concernant le droit d’asile, vu comme « dysfonctionnelle », pour ne pas dire laxiste.
Cette mention n’a pu être adoptée qu’à l’arraché à seulement 3 voix près grâce à l’Alliance de l’Union, du parti libéral (FDP) et… d’Alternative für Deutschland (AfD). Une victoire à la Pyrrhus saignant sans doute pour de bon le cordon sanitaire contre l’extrême droite jusqu’ici relativement solide en Allemagne. En effet, en Allemagne aucun accord, même le plus infime, avec l’extrême droite n’est toléré. Contrairement à son voisin autrichien, les politiciens allemands, même les plus droitiers de l’Union, s’étaient refusés au niveau national à un accord avec l’AfD.
Le fameux « esprit de compromis » tant « incanté » par certains commentateurs français est un élément structurant de la culture politique allemande, et là réside le drame. En effet, l’Union et son leader Merz ne disposaient que de deux possibilités concernant leur texte : faire un compromis avec les sociaux-démocrates et en diminuer la radicalité, ou le faire adopter tel quel mais avec le soutien de l’AfD… et ils croquèrent dans la pomme.
Pour aller plus loin : L’extrême droite allemande (AfD) veut déporter 2 millions de personnes, Le Pen et Bardella lui fait un « accueil chaleureux »
L’angoisse vient aussi du contexte, car cette alliance de facto s’opère seulement quelques semaines avant les prochaines élections législatives en Allemagne prévues en février.
Surtout, la CDU/CSU (Union) apparaît comme favorite pour ces élections atteignant près de 30% des sondages, mais dans le système allemand, se pose la question de la future coalition gouvernementale. En effet, en Allemagne, après les élections législatives, s’ouvrent toujours les discussions entre les différents partis pour la désignation d’un chancelier et la mise en place d’un pacte de gouvernement.
Or, cette alliance de facto inédite sur un texte symbolique, non content d’apparaître comme une faute morale et politique, renvoie en réalité un signal effrayant pour le futur du pays.
Il y a quelques mois, les Libéraux-austéritaires du FDP, sur fond de différend budgétaire, ont fait exploser la coalition les liant aux socialistes et aux verts ayant porté et maintenu Olaf Scholz à la Chancellerie depuis 2021. Ce dernier, ne disposant plus de majorité au Bundestag n’eut pas d’autres choix que d’appeler à des élections législatives anticipées en février 2025, qui apparaissent aujourd’hui comme plus qu’incertaines.
En effet, les différents partis de cette coalition sortante apparaissent comme mal en point au niveau des sondages d’opinion contrairement à la droite de l’Union qui caracole en tête avec près de 30 % des intentions de vote. En embuscade ; l’AfD en plein pic de popularité est créditée de 20 à 25 %.
Dans le cadre d’un schéma traditionnel en Allemagne, ces élections de 2025 auraient sans doute conduit à une alliance de la droite avec les autres partis démocrates, libéraux, verts et/ou socialistes, comme ce fut souvent le cas, notamment lorsque Angela Merkel était aux commandes. Or, le droitier chef de la CDU, Merz, en franchissant une première fois le Rubicon en se liant à l’AFD pour cette motion symbolique ouvre des perspectives inquiétantes.
Si une alliance en bonne et due forme entre l’Union et l’AFD reste une hypothèse peu probable, une politique particulièrement droitière de la CDU/CSU pourrait ouvrir la voie à un scénario à la Suédoise (ou à la française) : le soutient sans la participation de l’AfD à un gouvernement CDU/CSU (et FDP ?).
En tout cas, selon les sondages, ces différents mouvements semblent bien partis pour obtenir la majorité absolue des sièges à deux ou à trois. Si rien n’est acté à ce sujet, ce premier accord pourrait laisser penser que le vers semble bien être dans le fruit.
D’un autre côté, il est aussi très envisageable que Merz vise à siphonner les voix d’AFD avec cette dérive droitière, évitant ainsi de multiplier les alliances avec plusieurs partenaires dans la future coalition. Cette stratégie, si elle fonctionne, pourrait peut-être permettre à la CDU/CSU de gouverner seule ou en alliance unique avec leurs alliés historiques du FDP. En tout cas, la tentation de jouer avec les limites sur les thématiques de l’AfD est palpable, mais à quel prix ?
Simple erreur de parcours, plan électoraliste ou énième indice de la porosité entre les libéraux-conservateurs radicalisés et l’extrême-droite ? La question semble légitime même en Allemagne, et ce malgré les vives critiques d’Angela Merkel à l’égard de son successeur Merz… réponses dans les prochaines semaines.
Vers qui la droite va-t-elle se tourner ?
31.01.2025 à 14:55
Nadim Fevrier
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31.01.2025 à 11:10
Nadim Fevrier
Alice Cordier. Quand l’extrême droite s’aventure sur des terres de gauche, c’est parfois à ses risques et périls. Une affiche de la fédération du Rassemblement National (RN) de la Creuse a mis le feu aux poudres : le parti lepéniste invite à sa galette des rois la présidente du collectif d’extrême droite Némésis, Alice Cordier.
Les réactions ne se font pas attendre, et une initiative de la gauche, notamment des Insoumis et l’insoumise Catherine Couturier, entend bien s’opposer à la venue de la dirigeante de ce groupuscule identitaire et raciste. Ainsi, toutes les organisations associatives, politiques et syndicales du camp humaniste s’apprêtent à la recevoir comme il se doit.
Toutes ? Non ! Un certain parti en quête de respectabilité serpente encore et toujours dans les atermoiements, sans les assumer, même face à l’extrême droite, il s’agit évidemment du Parti Socialiste et de ses alliés. Contactée par L’Insoumission.fr, l’insoumise Catherine Couturier promet un événement « festif » et antifasciste à Saint-Laurent, que la patronne de Némésis tienne sa conférence ou non. Si vous ne savez pas quoi faire le 7 février prochain, trouvez ou proposez un covoiturage vers Saint-Laurent ! Notre article.
Qu’on ne s’y trompe pas : Némésis est avant tout un groupuscule d’environ 200 membres dans tout le pays, qui bénéficie d’une forte audience dans les médias privés (notamment ceux de Bolloré) et sur les réseaux sociaux pour avancer ses idées racistes et identitaires.
Sa stratégie repose sur deux jambes. D’abord, Némésis cache ses obsessions racistes derrière un discours de défense des femmes françaises ou « européennes » (comprendre : « blanches ») contre les Violences Sexistes et Sexuelles (VSS), commises, selon elles par les « migrants », « étrangers », ou autre « OQTF ». Ce qui n’est pas sans rappeler l’imaginaire colonial français, où l’homme noir/maghrébin y est bestialisé et mis en opposition à la femme blanche, symbole de pureté et de civilisation.
Némésis, ce sont aussi des actions à fort impact médiatique. La tactique est simple : s’incruster dans des événements de gauche (meetings…), voire des événements non-politiques (défilés de carnaval) pour afficher leurs messages racistes, tout en misant sur l’hostilité de la salle. Les images sont ensuite diffusées sur leurs réseaux et par les médias Bolloré, où les membres peuvent ensuite se victimiser d’avoir été bousculées par « l’extrême gauche ». Eh oui : on tend le micro à des racistes qui se plaignent de subir l’antiracisme.
Ces dernières semaines, la stratégie de Némésis s’est élargie à des réunions publiques, comme ce fut le cas à Toulouse, où le trouble jeu du maire de droite Moudenc leur a permis de déverser leurs discours racistes librement. Là, la cheffe de la bande, Alice Cordier (Kerviel de son vrai nom) a annoncé déposer plainte contre la députée LFI Clémence Guetté, qui a osé dire les termes à leur sujet : Kerviel et ses sbires sont violentes et racistes.
Dans le village creusois de 600 habitants nommé Saint-Laurent, Alice Cordier/Kerviel doit tenir le crachoir aux militants RN locaux, le 7 février prochain. Évidemment chez les lepénistes, on raffole de ces activistes qui redonnent de nouvelles couleurs (blanches de préférence) au bon vieux suprémacisme blanc. C’était sans compter les initiatives locales antifascistes.
Pour aller plus loin : Copinage entre l’extrême droite et les riches : le projet « Périclès » de Pierre-Édouard Stérin met en danger la démocratie
Il n’en faut pas plus aux Insoumis de la Creuse pour sortir un premier communiqué et appeler les autres forces du NFP à la mobilisation antifasciste. Finalement, un communiqué d’une vingtaine d’organisations sort dans la presse locale. Même le Parti Socialiste a fini par rejoindre le communiqué, après de nombreux atermoiements.
Le PS Creusois n’est pourtant pas l’aile la plus à gauche du parti, c’est dire ! En 2023, son secrétaire fédéral avait soutenu le candidat anti-NUPES au congrès du PS, Nicolas Mayer-Rossignol. Pas les plus ardents antifascistes donc. On peut aussi interroger le comportement du maire de Saint-Laurent, proche du parti à la rose, Alain Clédière. Là encore, on voit qu’on n’a pas affaire au champion de la République contre l’extrême droite. Il se cache d’abord derrière un argument légaliste : « Je suis donc très à l’aise avec le fait d’avoir accordé ce créneau à ce parti, comme je l’aurais accordé à d’autres partis, car c’est une question de fonctionnement démocratique ».
M. le maire n’aurait dénoncé la réunion publique que lorsqu’il a su l’identité de l’invitée : il est surpris que l’extrême droite invite… quelqu’un d’extrême droite ! Pire, il craint encore davantage les manifestations antifascistes qui pourraient avoir lieu devant la réunion publique : « Nous devons penser aux biens et aux personnes dans la perspective de manifestations qui se dérouleraient… ». Ou comment mettre fascistes et antifascistes sur le même pied…
Le maire de Saint-Laurent se permet ensuite de dispenser un cours de lutte contre l’extrême droite : « Si 50 personnes du RN s’étaient réunies dans une salle, ce serait passé inaperçu… Mais si 1.000 personnes manifestent devant, tout de suite cela fait exister le sujet. Et même s’il n’y a pas de fond dans tout ça, ce bruit contribuera à placer le RN encore plus haut dans les votes la prochaine fois ». Pour l’édile, un discours raciste et réactionnaire n’existe pas s’il ne fait pas de bruit médiatique. Magnifique politique de l’autruche, qui en revanche ne propose aucune solution de lutte contre lesdits discours.
Dans la lutte contre l’extrême droite, le centre-gauche ne déçoit jamais. On sait qu’il apportera toujours des réponses tièdes : c’est comme jeter un verre d’eau dans une maison qui brûle. Fort heureusement, les Insoumis de la Creuse, dont Catherine Couturier, agissent, de même que la gauche associative et syndicale. Contactée par L’Insoumission.fr, l’insoumise Catherine Couturier promet un événement « festif » et antifasciste à Saint-Laurent, que la patronne de Némésis tienne sa conférence ou non. Si vous ne savez pas quoi faire le 7 février prochain, trouvez ou proposez un covoiturage vers Saint-Laurent !
Par Alexis Poyard