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Institut de Relations Internationales et Stratégiques - Think tank français spécialisé sur les questions géopolitiques et stratégiques

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07.05.2025 à 18:19

Trump peut-il refaire le monde ? Avec Philippe Etienne

stagiairedecomm@iris-france.org

Pascal Boniface · Trump peut-il refaire le monde ? Avec Philippe Etienne | Entretiens géopo Depuis son investiture en janvier 2025, Donald Trump mène une offensive sans précédent contre les institutions multilatérales. De l’ONU à l’OTAN, en passant par l’OMC ou la Cour pénale internationale, il remet en cause et contourne ces organisations comme le droit international. Une stratégie de retrait assumé même si elle ne marque pas un désengagement total : Washington continue d’agir ponctuellement sur certains dossiers clés, comme les négociations autour de la guerre en Ukraine. L’administration Trump exprime donc ouvertement une volonté de remodeler l’ordre mondial selon ses propres intérêts. Un positionnement entrainant un certain nombre de bouleversements sur la scène internationale et qui contribue à déstabiliser un équilibre déjà fragilisé par la montée des conflits. Dans quelle mesure le retrait progressif des États-Unis de la scène internationale redéfinit-il les équilibres géopolitiques mondiaux dans un contexte de conflits croissants ? Dans quelle mesure Donald Trump est-il en train de modifier les règles internationales et de s’affranchir du droit international ? Assiste-t-on à la fin du concept de « monde occidental » ? La démocratie étatsunienne est-elle en danger ? Autant de questions abordées dans ce podcast avec Philippe Étienne, ancien ambassadeur de France aux États-Unis.

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Depuis son investiture en janvier 2025, Donald Trump mène une offensive sans précédent contre les institutions multilatérales. De l’ONU à l’OTAN, en passant par l’OMC ou la Cour pénale internationale, il remet en cause et contourne ces organisations comme le droit international. Une stratégie de retrait assumé même si elle ne marque pas un désengagement total : Washington continue d’agir ponctuellement sur certains dossiers clés, comme les négociations autour de la guerre en Ukraine. L’administration Trump exprime donc ouvertement une volonté de remodeler l’ordre mondial selon ses propres intérêts. Un positionnement entrainant un certain nombre de bouleversements sur la scène internationale et qui contribue à déstabiliser un équilibre déjà fragilisé par la montée des conflits. Dans quelle mesure le retrait progressif des États-Unis de la scène internationale redéfinit-il les équilibres géopolitiques mondiaux dans un contexte de conflits croissants ? Dans quelle mesure Donald Trump est-il en train de modifier les règles internationales et de s’affranchir du droit international ? Assiste-t-on à la fin du concept de « monde occidental » ? La démocratie étatsunienne est-elle en danger ?

Autant de questions abordées dans ce podcast avec Philippe Étienne, ancien ambassadeur de France aux États-Unis.

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07.05.2025 à 18:16

L’« ocean stewardship » : entre référentiel éthique, cadre de gouvernance et outil stratégique

Coline Laroche              

L’océan occupe une place stratégique dans les équilibres écologiques, économiques et géopolitiques mondiaux. Pivot des dynamiques climatiques, il constitue également une infrastructure essentielle du commerce international et un réservoir de ressources naturelles. Pourtant, l’intensification des pressions anthropiques remet en question sa résilience et la stabilité des systèmes qui en dépendent. D’une part, le changement climatique altère profondément ses propriétés physiques et chimiques, provoquant notamment l’élévation du niveau de la mer et son acidification. En parallèle, l’industrialisation de la pêche et le développement des capacités d’opération – notamment en haute mer – provoquent une intensification de l’exploitation des ressources marines. Face à ces transformations, la gouvernance de l’océan demeure fragmentée, en tension entre souverainetés nationales et espaces internationaux régis par des cadres juridiques encore lacunaires et sectoriels. Le droit de la mer peine à encadrer efficacement l’exploitation des espaces maritimes au-delà des juridictions nationales : les négociations sur la gouvernance de la haute mer illustrent les défis de mise en œuvre effective et de cohérence institutionnelle dans la coordination entre États, organisations internationales et acteurs privés dans la définition de normes. C’est dans ce contexte qu’émerge la notion d’ocean stewardship – issue du concept plus large de stewardship environnemental –, qui est mobilisée par des acteurs aux intérêts divergents : les scientifiques l’envisagent comme un cadre écosystémique, les institutions internationales le promeuvent comme un principe de gestion durable, tandis que les entreprises maritimes l’intègrent dans leurs stratégies de responsabilité sociétale. Cette hétérogénéité d’interprétations, loin d’être anodine, interroge la cohérence et l’articulation des approches, conditions essentielles pour faire du concept un levier d’action. L’ocean stewardship oscille ainsi entre un cadre d’action fondé sur la compréhension et le respect des dynamiques écosystémiques, un référentiel normatif et une approche de régulation volontaire. Malgré son utilisation croissante, il demeure un concept aux contours flous, dont l’absence de définition harmonisée pourrait […]

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L’océan occupe une place stratégique dans les équilibres écologiques, économiques et géopolitiques mondiaux. Pivot des dynamiques climatiques, il constitue également une infrastructure essentielle du commerce international et un réservoir de ressources naturelles. Pourtant, l’intensification des pressions anthropiques remet en question sa résilience et la stabilité des systèmes qui en dépendent. D’une part, le changement climatique altère profondément ses propriétés physiques et chimiques, provoquant notamment l’élévation du niveau de la mer et son acidification. En parallèle, l’industrialisation de la pêche et le développement des capacités d’opération – notamment en haute mer – provoquent une intensification de l’exploitation des ressources marines. Face à ces transformations, la gouvernance de l’océan demeure fragmentée, en tension entre souverainetés nationales et espaces internationaux régis par des cadres juridiques encore lacunaires et sectoriels. Le droit de la mer peine à encadrer efficacement l’exploitation des espaces maritimes au-delà des juridictions nationales : les négociations sur la gouvernance de la haute mer illustrent les défis de mise en œuvre effective et de cohérence institutionnelle dans la coordination entre États, organisations internationales et acteurs privés dans la définition de normes.

C’est dans ce contexte qu’émerge la notion d’ocean stewardship – issue du concept plus large de stewardship environnemental –, qui est mobilisée par des acteurs aux intérêts divergents : les scientifiques l’envisagent comme un cadre écosystémique, les institutions internationales le promeuvent comme un principe de gestion durable, tandis que les entreprises maritimes l’intègrent dans leurs stratégies de responsabilité sociétale. Cette hétérogénéité d’interprétations, loin d’être anodine, interroge la cohérence et l’articulation des approches, conditions essentielles pour faire du concept un levier d’action. L’ocean stewardship oscille ainsi entre un cadre d’action fondé sur la compréhension et le respect des dynamiques écosystémiques, un référentiel normatif et une approche de régulation volontaire. Malgré son utilisation croissante, il demeure un concept aux contours flous, dont l’absence de définition harmonisée pourrait favoriser les usages opportunistes et affaiblir la portée.

Cette note aura ainsi pour but de clarifier les différentes acceptions du terme, d’identifier les convergences et divergences entre les principales catégories d’acteurs qui s’en emparent, et d’en proposer une définition opérationnelle qui permettrait de faire du stewardship un levier effectif de gouvernance maritime.

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06.05.2025 à 14:41

Le conclave catholique contemporain : vers une recomposition géopolitique de l’élection pontificale ?

admn_iris

Dans un contexte international marqué par la polarisation idéologique, les fractures Nord-Sud, la médiatisation globale et les tensions religieuses, le conclave catholique apparaît de plus en plus comme un processus où les dynamiques spirituelles se croisent avec des enjeux systémiques et géopolitiques. Cet article propose une lecture prospective du conclave, mobilisant les apports de la sociologie des organisations (Crozier-Friedberg) et la mise en perspective des tensions qui ont traversé le pontificat de François. Il s’achève par la mention de possibles « papabili ».

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Dans un contexte international marqué par la polarisation idéologique, les fractures Nord-Sud, la médiatisation globale et les tensions religieuses, le conclave catholique apparaît de plus en plus comme un processus où les dynamiques spirituelles se croisent avec des enjeux systémiques et géopolitiques.

Cet article propose une lecture prospective du conclave, mobilisant les apports de la sociologie des organisations (Crozier-Friedberg) et la mise en perspective des tensions qui ont traversé le pontificat de François. Il s’achève par la mention de possibles « papabili ».

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06.05.2025 à 14:32

Passer à la vitesse supérieure : pour une Agence européenne de mobilité stratégique

Coline Laroche              

Le terme de mobilité militaire a émergé depuis déjà longtemps, tant au sein de l’Union européenne (UE) que de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN)[1], comme le domaine d’action devant permettre le mouvement à la fois rapide et en masse des forces armées. Les politiques menées dans le domaine se concentrent sur le continent européen, mais nous pouvons également considérer, comme c’est le cas à l’UE, qu’il s’agit de permettre les mouvements dans le cadre d’une opération de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC) et ainsi, partout où les intérêts de sécurité de l’Union sont en jeu. Beaucoup d’initiatives ont déjà été lancées dans ces cadres, mais des difficultés majeures sont encore relevées par les militaires se déplaçant en Europe. En matière de développement capacitaire, elles sont structurelles et affectent gravement la crédibilité des Européens à se défendre ou à s’engager militairement pour défendre leurs intérêts. Le livre blanc européen tout juste publié souligne bien cet enjeu et place la mobilité militaire comme priorité capacitaire pour que les Européens soient prêts à se défendre à l’horizon 2030. Pour le mettre en œuvre, une nouvelle communication conjointe de la Commission européenne et du Service européen de l’Action extérieure (SEAE) devrait être publiée en juin afin de proposer des mesures. La création d’une Agence européenne de mobilité stratégique, elle-même propriétaire de moyens de transport et d’équipements logistiques, doit faire partie des propositions pour que l’UE facilite de manière concrète les déplacements des forces en Europe. Constat : beaucoup d’initiatives, qui n’ont pas encore porté tous leurs fruits À l’UE, les politiques se mettent en place tant dans le champ communautaire qu’intergouvernemental : Des difficultés capacitaires structurelles affectent la crédibilité des Européens Les armées européennes font partie des forces les plus déployées dans le monde et ont acquis une expérience significative […]

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Texte intégral (3537 mots)

Le terme de mobilité militaire a émergé depuis déjà longtemps, tant au sein de l’Union européenne (UE) que de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN)[1], comme le domaine d’action devant permettre le mouvement à la fois rapide et en masse des forces armées. Les politiques menées dans le domaine se concentrent sur le continent européen, mais nous pouvons également considérer, comme c’est le cas à l’UE, qu’il s’agit de permettre les mouvements dans le cadre d’une opération de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC) et ainsi, partout où les intérêts de sécurité de l’Union sont en jeu.

Beaucoup d’initiatives ont déjà été lancées dans ces cadres, mais des difficultés majeures sont encore relevées par les militaires se déplaçant en Europe. En matière de développement capacitaire, elles sont structurelles et affectent gravement la crédibilité des Européens à se défendre ou à s’engager militairement pour défendre leurs intérêts. Le livre blanc européen tout juste publié souligne bien cet enjeu et place la mobilité militaire comme priorité capacitaire pour que les Européens soient prêts à se défendre à l’horizon 2030. Pour le mettre en œuvre, une nouvelle communication conjointe de la Commission européenne et du Service européen de l’Action extérieure (SEAE) devrait être publiée en juin afin de proposer des mesures.

La création d’une Agence européenne de mobilité stratégique, elle-même propriétaire de moyens de transport et d’équipements logistiques, doit faire partie des propositions pour que l’UE facilite de manière concrète les déplacements des forces en Europe.

À l’UE, les politiques se mettent en place tant dans le champ communautaire qu’intergouvernemental :

  • La Commission européenne dispose depuis 2021 d’une enveloppe budgétaire dédiée au financement des infrastructures de transport à usage dual (tant civil que militaire) de 1,5 milliard d’euros. Ce fonds fait partie du Mécanisme d’interconnexion en Europe (MIE), une politique pilotée par la DG MOVE, en lien avec l’État-major de l’UE (EMUE) pour assurer que les projets répondent bien à des besoins militaires (par exemple, la rénovation du terminal ferroviaire connecté au port de La Rochelle, ou encore des portions du Rail Baltica dans les États baltes). Les trois appels à projets qui ont été lancés à ce jour ont utilisé la totalité de l’enveloppe. Certaines limites de ce fonds sont connues, notamment le fait qu’il ne finance que des infrastructures à usage dual et non purement militaire, ce qui serait nécessaire. Mais une majorité d’États demandent une augmentation de l’enveloppe dédiée pour le prochain Cadre financier pluriannuel (CFP).
  • Dans le champ intergouvernemental, deux projets de la Coopération structurée permanente (CSP) traitent du sujet. Le premier, intitulé simplement Military Mobility, est piloté par les Pays-Bas et constitue un forum de coordination de toutes les politiques européennes en la matière, avec la présence de la Commission, l’Agence européenne de défense (AED), le SEAE et même l’OTAN et plusieurs États alliés (États-Unis, Canada, Norvège, Royaume-Uni). Le second est Network of Logistic Hubs in Support of Operations (NetLogHubs), et a pour objectif la consolidation d’un réseau de centres logistiques militaires en Europe, grâce à la déclaration des services logistiques (carburant, pièces détachées, logements, ravitaillement divers, etc.) des bases européennes sur une même plateforme, pour que les armées connaissent les moyens et les stocks présents et ainsi leur faciliter les déplacements à travers le continent.
  • Des projets capacitaires sont également en cours dans la CSP et participeront directement à la mobilité militaire dans les décennies à venir. Le Future Mid-size Tactical Cargo (FMTC) coordonné par la France a pour objectif de définir la future capacité européenne de transport tactique en replacement des CASA et des C-130. Le second, Strategic Air Transport for OutsizedCargo (SATOC), coordonné par l’Allemagne, vise l’étude d’une solution européenne pour le transport stratégique hors-gabarit pour remplacer à terme les appareils vieillissants de l’entreprise ukrainienne Antonov utilisés par plusieurs Alliés. Les deux projets bénéficient du Fonds européen de défense (FEDef) pour leur étude amont.
  • De plus, l’AED appuie les États membres en matière capacitaire, mais également en matière d’harmonisation des procédures de passage de frontières, point-clé de la mobilité militaire. Par exemple, les États européens rencontrent encore des difficultés à délivrer rapidement les autorisations de transit terrestre d’une autre armée sur leur sol ou même de survol. D’autres blocages concernent les réglementations différentes concernant le transport de matières dangereuses. Des arrangements techniques ont été signés en ce sens par la plupart des États membres afin d’harmoniser toutes ces procédures, mais la mise en œuvre de ces arrangements n’est pas encore effective dans la plupart des États.
  • De manière globale, la Commission et les États coopèrent bien en la matière. Couvrant tant le champ intergouvernemental que communautaire, un plan d’action pour la mobilité militaire a couvert la période 2018-2022 et un second a été rédigé pour 2022-2026. Ces deux plans ont été accompagnés de pledges politiques, l’un en 2018 et l’autre en 2024. Ils énoncent tous la nécessité de progresser en la matière, et plus précisément dans les domaines suivants : les infrastructures de transport (dont de l’énergie, et y compris leur cybersécurité) et de stockage, les matériels et moyens de mobilité, les procédures de franchissement des frontières intérieures (dans les trois milieux) et la coordination et la mutualisation des moyens (notamment avec l’OTAN).

Les armées européennes font partie des forces les plus déployées dans le monde et ont acquis une expérience significative en matière de mobilité et de logistique, tant dans la phase de déploiement rapide que de soutien sur la durée. Elles font ainsi le constat de freins persistants pour leur mobilité, notamment sur le territoire européen.

Dans les premières phases d’un déploiement rapide, les moyens de transport aérien stratégique sont indispensables, mais sont lacunaires. Le contrat de la « Solution internationale pour le transport aérien stratégique » (SALIS) permet à certains pays de bénéficier de 5 appareils An-124 Antonov, basés à Leipzig, et vieillissants – d’autant plus qu’Antonov est une entreprise ukrainienne, sous forte pression. Ce type d’appareil est également particulièrement utile pour transporter de grandes quantités de matériel, ou encore des véhicules et même des hélicoptères, beaucoup plus rapidement que par voie terrestre ou maritime. Cependant, ces appareils ne sont pas utiles aux forces européennes en permanence, ce qui rend peu soutenables le développement, la production et l’acquisition d’une telle capacité seulement pour des besoins militaires et en faible quantité au niveau national.

Dans les phases suivantes, lorsqu’il faut apporter du soutien et l’approvisionnement des forces déployées sur le théâtre, un manque capacitaire en matière de transport de matériel est aussi à déplorer. Cela concerne principalement les trains et les navires de gros tonnage (rouliers). Les armées recourent aujourd’hui largement à l’externalisation, mais reposer sur des opérateurs privés peut s’avérer plus difficile en cas de conflit. En effet, les moyens civils seraient aussi la cible d’attaques, d’autant plus quand ils transportent des forces ou du matériel de guerre, et les entreprises pourraient légitimement limiter leurs activités à cette fin au vu des risques (freinant également l’implication des assurances et des banques ou du moins augmentant leurs prix). La concurrence des livraisons avec le secteur civil se ferait également sentir en temps de guerre, hors moyens légaux étatiques pour les contraindre (priorisation de la commande ou réquisition) – ce qui ne renforce pas l’attractivité des commandes militaires pour ces entreprises.

Mais assurer une meilleure mobilité militaire est également une question de crédibilité opérationnelle et donc, participerait à l’idée d’une dissuasion conventionnelle : les capacités européennes actuelles (sans parler des infrastructures de transport et de stockage, y compris énergétique) ne constituent pas un élément de crédibilité d’un engagement militaire sur le sol européen. Par ailleurs, l’un des principaux retours d’expérience du conflit en Ukraine rappelle aux Européens le caractère vital des capacités de logistique et d’approvisionnement[2]. Cela pourrait être la principale source de faiblesse des Européens en cas d’engagement majeur.

Le Livre blanc commun de la Commission européenne et du SEAE, publié le 19 mars 2025, place la mobilité militaire comme l’une des quatre missions pour lesquelles l’UE apporte sa valeur ajoutée en cas d’affrontement majeur en 2030. Le sujet est compris dans deux des sept priorités de financement capacitaire identifiées dans le document : dans sa dimension infrastructurelle d’abord, et dans la priorité « Facilitateurs stratégiques et protection des infrastructures critiques, » avec le transport stratégique, le ravitaillement aérien et les infrastructures pour l’énergie opérationnelle. Quelques éléments supplémentaires peuvent être énoncés ici :

  • Le livre blanc mentionne que la mobilité militaire participe à notre préparation, mais aussi à notre dissuasion.
  • C’est un axe d’effort qui sera également bénéfique au secteur civil (usage dual des infrastructures).
  • Quatre corridors prioritaires sont identifiés par la Commission, dans les trois milieux, ainsi que 500 hot-spotsà améliorer. En matière de transport de l’énergie, le livre blanc en appelle aux États membres et à l’OTAN pour compléter la cartographie des besoins.
  • De plus, les corridors seraient étendus à l’Ukraine, tant pour faciliter l’assistance militaire qu’en tant que garantie de sécurité durable.
  • La Commission devrait lister toutes les législations européennes ayant un impact sur la mobilité militaire (par exemple, sur le sujet de la prise de participation d’acteurs potentiellement malveillants dans des infrastructures critiques) et proposer des modifications.
  • La disponibilité de moyens spécialisés et à usage dual est aussi mentionnée.
  • Les projets infrastructurels bénéficieraient aussi d’une meilleure prévisibilité des financements européens.
  • Enfin, la mobilité militaire est ciblée dans l’instrument de prêt SAFE[3].

La Commission et le SEAE devraient enfin proposer une communication conjointe d’ici la fin de l’année sur la mobilité militaire pour proposer la mise en œuvre de nouvelles actions.

L’agence disposerait de moyens et matériels propres pour fournir des services ou bien les louer aux armées. Ces moyens et matériels seraient des véhicules terrestres plus ou moins lourds, des trains, des wagons et des containers pour le transport terrestre, des avions de transport de différentes tailles (notamment hors-gabarit) pour la voie aérienne, et des rouliers notamment pour la voie maritime.

Les moyens et services seraient à usage dual : le secteur commercial civil pourrait également demander de louer les moyens et bénéficier des services. Cet usage dual permettrait d’assurer la soutenabilité économique de l’agence. Les activités militaires seraient néanmoins prioritaires, en particulier en cas de crise. Par ailleurs, la gestion de crise civile pourrait également être un motif de priorisation et la protection civile un domaine dans lequel les moyens de l’agence pourraient être utilisés.

Son statut juridique serait un défi à relever :

  • Dans le cas d’une agence de l’UE (comme Frontex par exemple), celle-ci peut déjà disposer (acquérir et louer) de moyens propres. La difficulté juridique résiderait donc plutôt dans l’activité commerciale en parallèle des services rendus aux armées.
  • Une organisation internationale publique indépendante juridiquement de l’UE, bien que fortement liée, serait donc peut-être préférable. Cela faciliterait également l’utilisation de l’agence par des États non-membres qui s’associeraient au projet. Néanmoins, le format juridique pour permettre une telle activité serait innovant.
  • Une solution pourrait être le partenariat public-privé : les États et la Commission créeraient avec des entreprises privées une entité permettant la fourniture des services aux armées d’une part et l’activité commerciale d’autre part (modèle proche d’HeliDax en France par exemple, mais largement innovant à l’échelle européenne).
  • D’autres formes juridiques innovantes sont probablement à envisager, sans changer les traités de l’UE.

Sa gouvernance serait hybride, avec un comité exécutif composé de représentants des États membres participants, de la Commission, de l’EMUE et de l’AED, ainsi que des entreprises participantes.

Son budget serait composé de contributions nationales minimales au prorata du PIB afin d’atteindre le minimum viable pour le fonctionnement de l’agence (hors pays qui refuseraient de participer), et une contribution nationale supplémentaire serait laissée libre aux États pour bénéficier de davantage de services (davantage d’heures de vol, le service de carburant, mais aussi une priorité sur la location par exemple).

Le périmètre des actions réalisées par les armées avec les moyens de l’agence serait le territoire européen, mais aussi les mouvements nécessaires dans les opérations et missions de la PSDC depuis ou vers l’Europe.

L’agence disposerait également de son propre personnel capable d’opérer les moyens. Néanmoins, les armées pourraient aussi les utiliser avec leurs militaires.

Dans le cadre de missions militaires, et en fonction du type de mission, les armées devraient assurer la protection des moyens et matériels, en les remettant à l’agence dans l’état d’origine, et compensant financièrement l’agence sinon.

L’entretien et le maintien en condition opérationnelle seraient à la charge de l’agence. La fourniture de carburant pourrait également faire partie des services, y compris le ravitaillement en vol.

Les mouvements militaires avec des moyens de l’agence disposeraient d’une liberté de transit et de survol sur le territoire des États membres reconnaissant et participant au fonctionnement de l’agence.

L’agence nécessiterait un investissement de départ conséquent de la part des États membres, avec plusieurs années de montée en puissance. Il faudrait que les moyens aériens soient localisés sur des aéroports, les moyens terrestres le long d’axes logistiques majeurs, et les rouliers dans les principaux ports européens.

Par ailleurs, le matériel acquis par l’entité ne peut être considéré comme du matériel de guerre et soumis aux contrôles export nationaux. La question se pose surtout pour les aéronefs, en prenant l’exemple susmentionné : SATOC (ou A800M) doit absolument être un appareil utilisé dans le secteur commercial, et doit faire partie des moyens acquis par l’agence.

Il est grand temps que la mobilité militaire et la logistique soient érigées en priorité de la défense européenne. Le livre blanc est à la hauteur de cet enjeu. Mais il faut réussir à le mettre en œuvre.

La création d’une Agence européenne de mobilité stratégique pourrait répondre au besoin des armées en leur permettant une plus grande agilité et rapidité de mouvements, et en bénéficiant d’investissements communs dans des moyens mutualisés. De surcroit, elle faciliterait l’opérationnalisation de la Capacité de Déploiement rapide, ainsi que l’efficacité de toutes les missions et opérations de la PSDC. Elle montrerait surtout la force et la plus-value de l’échelon européen dans la défense sans remettre en cause les prérogatives nationales en la matière. Enfin, elle renforcerait la défense de l’Europe dans la nouvelle ère de contestation des intérêts européens dans laquelle nous venons d’entrer.

Le statut juridique d’une telle entité représente un défi. Néanmoins, si elle voit le jour, elle démontrera toute la pertinence et la nécessité d’une plus grande interpénétration entre monde militaire et monde civil d’une part, et entre le secteur public et privé d’autre part, afin de décupler notre puissance collective en Europe.


[1] Les États membres et alliés s’accordent très largement sur la coopération entre l’UE et l’OTAN dans le domaine, avec des États non-membres qui participent des projets UE (CSP) par exemple.

[2] Lire par exemple : Ti, Ronald, and Christopher Kinsey. 2023. “Lessons from the Russo-Ukrainian Conflict: The Primacy of Logistics over Strategy.Defence Studies 23 (3): 381–98. doi:10.1080/14702436.2023.2238613.

[3] « Security Action for Europe (SAFE) through the reinforcement of European defence industry Instrument » qui fait l’objet d’une proposition de règlement.

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05.05.2025 à 18:06

Populism : Trump’s Political Response to Social Crisis

stagiaire-comm@iris-france.org

Often reduced to racism and protectionism by European public opinion, the notion of populism stems from a broad political history rooted in the United States. Although the concept shifts politically from right to left, a common denominator remains: a social unrest that emphasize a rejection of traditional political system and parties. A denorminator that Donald Trump, who took office in January 2025, took advantage of through his speeches and virulent rhetoric to won over voters during his campaign. To better understand the issues surrounding this topic, Don David Guttenplan, editor-in-chief of The Nation, answers our questions.

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Often reduced to racism and protectionism by European public opinion, the notion of populism stems from a broad political history rooted in the United States. Although the concept shifts politically from right to left, a common denominator remains: a social unrest that emphasize a rejection of traditional political system and parties. A denorminator that Donald Trump, who took office in January 2025, took advantage of through his speeches and virulent rhetoric to won over voters during his campaign. To better understand the issues surrounding this topic, Don David Guttenplan, editor-in-chief of The Nation, answers our questions.

  • How has the notion of populism evolved throughout U.S. history, and to what extent can it be linked to a particular political class?
  • While a resurgence of populism is often discussed in European political discourse, what is the situation in the United States under the Trump administration? Does the understanding of populism differ on either side of the Atlantic?
  • In a context of growing polarisation, to what extent does Donald Trump’s political agenda threaten the cohesion of the American federal state?

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05.05.2025 à 17:32

Netanyahou en roue libre

stagiairedecomm@iris-france.org

L’administration israélienne a annoncé, il y a quelques jours, le rappel de dizaines de milliers de réservistes afin de mettre la pression sur le Hamas. Benyamin Netanyahou est ainsi accusé, par certains membres de la société israélienne, de favoriser ses ambitions politiques à la tête de l’État hébreu plutôt que le retour des otages. En effet, les ministres d’extrême-droite Bezalel Smotrich et Itamar Ben-Gvir ont mis dans la balance leur départ du gouvernement en cas d’accord de cessez-le-feu – ce que Ben Gvir avait appliqué entre janvier et mars – ce qui signifierait la chute du gouvernement Netanyahou. Les premières victimes de ces manœuvres restent les Palestiniens. L’aide humanitaire est bloquée depuis deux mois à l’entrée de l’enclave. L’absence de ravitaillement, de soins, d’hygiène dans la bande de Gaza fait courir le risque d’une population décimée par la faim et l’épuisement, ce qui faciliterait les ambitions de Netanyahou de vider Gaza de sa population. L’inaction totale de la communauté internationale risque de concrétiser le plan de « Riviera » proposé par Donald Trump, poursuivi par le dirigeant israélien, malgré le rejet exprimé par la plupart des États. Et ce n’est pas par ignorance ou impuissance mais bien par indifférence que ces actions sont encore aujourd’hui possibles, comme je le démontre dans mon ouvrage Permis de tuer – Gaza : génocide, négationnisme et hasbara.

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L’administration israélienne a annoncé, il y a quelques jours, le rappel de dizaines de milliers de réservistes afin de mettre la pression sur le Hamas. Benyamin Netanyahou est ainsi accusé, par certains membres de la société israélienne, de favoriser ses ambitions politiques à la tête de l’État hébreu plutôt que le retour des otages. En effet, les ministres d’extrême-droite Bezalel Smotrich et Itamar Ben-Gvir ont mis dans la balance leur départ du gouvernement en cas d’accord de cessez-le-feu – ce que Ben Gvir avait appliqué entre janvier et mars – ce qui signifierait la chute du gouvernement Netanyahou.


Les premières victimes de ces manœuvres restent les Palestiniens. L’aide humanitaire est bloquée depuis deux mois à l’entrée de l’enclave. L’absence de ravitaillement, de soins, d’hygiène dans la bande de Gaza fait courir le risque d’une population décimée par la faim et l’épuisement, ce qui faciliterait les ambitions de Netanyahou de vider Gaza de sa population. L’inaction totale de la communauté internationale risque de concrétiser le plan de « Riviera » proposé par Donald Trump, poursuivi par le dirigeant israélien, malgré le rejet exprimé par la plupart des États. Et ce n’est pas par ignorance ou impuissance mais bien par indifférence que ces actions sont encore aujourd’hui possibles, comme je le démontre dans mon ouvrage Permis de tuer – Gaza : génocide, négationnisme et hasbara.

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02.05.2025 à 15:05

Les enjeux économiques du sport en France

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À l’occasion des Rencontres géoéconomiques et géopolitiques consacrées au sport pour leur deuxième édition, organisées en partenariat avec NEOMA Business School, Virgile Caillet, Délégué général d’UNION Sport & Cycle a accepté de répondre aux questions de l’IRIS. Il revient, dans cet entretien, sur les nouveaux défis, notamment économiques et écologiques, auxquels fait face la filière sportive française. 🔎Programme détaillé de la 2e édition des Rencontres géoéconomiques et géopolitiques qui s’est tenue le 1er avril 2025

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À l’occasion des Rencontres géoéconomiques et géopolitiques consacrées au sport pour leur deuxième édition, organisées en partenariat avec NEOMA Business School, Virgile Caillet, Délégué général d’UNION Sport & Cycle a accepté de répondre aux questions de l’IRIS. Il revient, dans cet entretien, sur les nouveaux défis, notamment économiques et écologiques, auxquels fait face la filière sportive française.

🔎Programme détaillé de la 2e édition des Rencontres géoéconomiques et géopolitiques qui s’est tenue le 1er avril 2025

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02.05.2025 à 14:05

Conférence de Londres sur le Soudan : quelles perspectives après des résultats diplomatiques peu encourageants ?

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Le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, l’Union européenne et l’Union africaine ont coprésidé la Conférence de Londres sur le Soudan le 16 avril 2025, marquant le début d’une troisième année de combats. La guerre civile opposant les forces armées soudanaises (Sudanese Armed Forces – SAF), qui forment le gouvernement de facto, et les Forces de soutien rapide (Rapid Support Forces – RSF) a commencé en avril 2023, quand le général Abdel Fattah al-Burhan et le général Mohamed Hamdan Dagalo, dit Hemedti, se sont tournés l’un contre l’autre dans une lutte violente pour le pouvoir. Pourquoi Londres a-t-elle accueilli un sommet pour soutenir le Soudan ? Quels en étaient les objectifs, et quels résultats ont été obtenus ? La partition du Soudan est-elle une possibilité ? Les réponses de Clémence Noisette, assistante de recherche à l’IRIS. Pourquoi Londres a-t-elle accueilli le 16 avril 2025 un sommet pour soutenir le Soudan ? Le conflit au Soudan est, depuis deux ans, largement ignoré par la presse internationale, africaine comme occidentale. Le Soudan fait face à une crise structurelle de temps long, puisque le pays a connu plusieurs conflits internes depuis son indépendance, ce qui participe à la faible mobilisation des instances diplomatiques internationales. Il a pourtant entraîné la pire crise humanitaire du monde. Plus de onze millions de Soudanais sont déplacés en interne, près de quatre millions ont fui le pays, tandis que 64 % de la population a besoin d’assistance (OCHA). Le Soudan connait la pire crise de la faim actuelle : vingt-cinq millions de Soudanais sont en situation d’insécurité alimentaire aiguë et plus de six cent mille Soudanais font face à la famine (PAM). Malgré la situation humanitaire catastrophique, les mobilisations pour le Soudan restent rares et inefficaces. Ancienne puissance coloniale, le Royaume-Uni est resté investi sur la question soudanaise. Dans les années 1990, le pays a […]

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Texte intégral (2457 mots)

Pourquoi Londres a-t-elle accueilli le 16 avril 2025 un sommet pour soutenir le Soudan ?

Le conflit au Soudan est, depuis deux ans, largement ignoré par la presse internationale, africaine comme occidentale. Le Soudan fait face à une crise structurelle de temps long, puisque le pays a connu plusieurs conflits internes depuis son indépendance, ce qui participe à la faible mobilisation des instances diplomatiques internationales. Il a pourtant entraîné la pire crise humanitaire du monde. Plus de onze millions de Soudanais sont déplacés en interne, près de quatre millions ont fui le pays, tandis que 64 % de la population a besoin d’assistance (OCHA). Le Soudan connait la pire crise de la faim actuelle : vingt-cinq millions de Soudanais sont en situation d’insécurité alimentaire aiguë et plus de six cent mille Soudanais font face à la famine (PAM). Malgré la situation humanitaire catastrophique, les mobilisations pour le Soudan restent rares et inefficaces.

Ancienne puissance coloniale, le Royaume-Uni est resté investi sur la question soudanaise. Dans les années 1990, le pays a formé une troïka avec les États-Unis et la Norvège pour soutenir les efforts de paix au Soudan et l’accès à l’indépendance du Soudan du Sud. Le Royaume-Uni est un des membres des « Friends of Sudan », le forum international le plus important pour le processus de transition soudanais. Le groupe a réuni des pays occidentaux, des acteurs régionaux et le gouvernement soudanais issu de la révolution démocratique de 2019 afin de suivre l’avancée de la transition.

Depuis sa nomination comme secrétaire d’État aux Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement en juillet 2024, David Lammy a tenté de faire bouger les lignes sur la question soudanaise. Lors de la présidence britannique du Conseil de sécurité de l’ONU de novembre 2024, le Royaume-Uni et la Sierra Leone avaient corédigé une résolution sur la protection des civils. Le projet de résolution visait à créer un mécanisme de mise en œuvre des engagements en matière de protection des civils issus de la Déclaration de Djeddah, signée par les RSF et les SAF en mai 2023. La résolution avait recueilli quatorze voix pour, mais le veto de la Russie avait empêché le Conseil de sécurité de l’ONU de l’adopter, Moscou ayant endossé la position des SAF. Le général al-Burhan reprochait au texte de mettre sur un pied d’égalité les RSF et les SAF, de violer la souveraineté du Soudan en mentionnant la possibilité d’une intervention militaire étrangère et en souhaitant une justice rendue par la Cour pénale internationale plutôt que par les autorités soudanaises. Le secrétaire d’État britannique s’est également déplacé en janvier 2025 afin de visiter la ville d’Adré, à la frontière entre le Tchad et le Soudan, et de rencontrer des réfugiés soudanais.

Dans la continuité de la Conférence pour le Soudan et les pays voisins, coorganisée à Paris par la France, l’Allemagne et l’Union européenne en avril 2024, David Lammy a réuni à Londres l’Arabie saoudite, le Canada, l’Égypte, les Émirats arabes unis, les États-Unis, l’Éthiopie, le Kenya, la Norvège, le Qatar, le Soudan du Sud, la Suisse, le Tchad, la Turquie et l’Ouganda. Des représentants de l’Union africaine, de l’Union européenne, de la Ligue arabe et des Nations unies étaient également présents. En unissant acteurs régionaux, instances politiques internationales et pays occidentaux, le sommet visait à trouver une position hégémonique multilatérale sur le règlement du conflit au Soudan.

Quels étaient les objectifs du sommet, et quels résultats ont été obtenus ?

L’objectif principal du sommet était de créer une cohérence politique entre les acteurs impliqués dans la réponse internationale. L’absence de représentants soudanais, des SAF comme des RSF, rendait claire l’impossibilité de signer un accord de cessez-le-feu à la sortie du sommet. Toutefois, l’idée demeurait de trouver un « chemin vers la paix », en unissant les voix et les efforts.

Alors que les ambitions apparaissaient déjà limitées, les résultats n’ont pas été à la hauteur des objectifs du sommet du fait d’un désaccord entre l’Égypte, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, qui exercent tous trois une influence sur le conflit.

Égypte : Le président Al-Sissi considère le général al-Burhan comme un allié-clef pour la stabilité régionale, notamment dans son conflit d’intérêts avec l’Éthiopie sur la construction du grand barrage de la Renaissance. Celui-ci fournirait à Addis Abeba la main sur la gestion des eaux du Nil ce qui inquiète le Soudan et l’Égypte. Le Caire a donc procuré un soutien militaire, financier et humanitaire au gouvernement d’al-Burhan depuis son coup d’État en 2021.

Arabie saoudite : Pour contenir l’influence industrielle et technologique iranienne au Soudan, Riyad a largement financé le gouvernement d’al-Burhan. Téhéran ne joue pas un jeu politique, mais s’est imposé par ses exportations de drones depuis le début de la guerre. L’Arabie saoudite tente surtout de s’établir comme un médiateur crédible. Jusqu’ici, seules les négociations de Djeddah ont mené à un accord signé par les SAF et les RSF, même si elles ne sont pas mises en œuvre.

Émirats arabes unis : Abu Dhabi est le mécène principal des RSF. Les Émirats semblent fournir une aide militaire par un corridor à la frontière entre le Tchad et le Soudan, contrevenant ainsi à l’embargo sur les armes imposé par l’ONU. Ils ont toujours nié ces accusations. Les Émirats, deuxième plus grand centre aurifère du monde, jouent également un rôle clef dans le secteur, car près de 90 % de l’or soudanais finirait dans le pays, par des circuits commerciaux légaux ou clandestins.

Le conflit soudanais est marqué par l’intervention d’acteurs régionaux. Londres comptait notamment sur la convergence entre ces trois États pour produire un communiqué conjoint. Or, pour la première fois, l’Égypte et l’Arabie saoudite ont exprimé publiquement leur désaccord avec le soutien prodigué aux RSF par les Émirats arabes unis. Par ailleurs, l’Égypte et l’Arabie saoudite défendaient l’inscription du respect des institutions d’État dans le communiqué conjoint, entérinant implicitement la légitimité du gouvernement des SAF. Les Émirats y préféraient une formulation invoquant une gouvernance civile. À cause de cette impasse, la conférence a été contrainte de se conclure sur une déclaration des coprésidents et n’a pas réussi à trouver un groupe de contact pour relancer une médiation indirecte.

Par ailleurs, la conférence ne permettra pas de soutenir les civils confrontés à la catastrophe humanitaire en cours. Au total, 950 millions d’euros d’aide, dont 282 millions d’euros de dons de l’Union européenne, ont été annoncés. Ce montant est loin de pouvoir assurer les besoins urgents du peuple soudanais. En effet, l’ONU estime que 6 milliards de dollars sont nécessaires pour répondre aux multiples crises, dont 4,2 pour la réponse humanitaire et 1,8 pour les déplacés externes dans les pays voisins. Ainsi, seul un sixième du financement des besoins urgents sera mis à disposition, si les moyens engagés sont effectivement déboursés. Les populations les plus vulnérables subissent déjà la tendance à la baisse de l’aide multilatérale. L’appel à garantir un accès humanitaire libre et sécurisé au Soudan ne s’est pour l’instant traduit par aucune mesure concrète. Le sommet n’est donc pas en mesure de répondre à la crise structurelle que rencontre le Soudan actuellement.

En parallèle du sommet, le général Hemedti a annoncé la création d’une administration parallèle à celle du général al-Burhan. La partition du Soudan est-elle une possibilité ?

Le général Hemedti a annoncé sur Telegram, le 16 avril 2025, la création d’une administration « de paix et d’unité ». La charte fondatrice avait été signée le 22 février 2025 à Nairobi par les RSF et vingt-trois autres mouvements rebelles. La création de cette nouvelle administration alimente les inquiétudes quant à une éventuelle partition de facto du Soudan. Jusqu’ici, les RSF ne prodiguaient pas de système administratif et n’offraient donc pas de solution alternative au gouvernement d’al-Burhan.  Désormais, si la ligne de front se stabilise, le Soudan pourrait se fragmenter entre les zones d’influence des deux belligérants.

Comme il s’agit d’une guerre pour le pouvoir et pour le contrôle des matières premières, aucun des deux généraux ne souhaite cesser les combats.  Les deux camps sont des héritiers politiques de la dictature militaire d’Omar el-Bechir (1989-2019), qui s’étaient alliés en 2021 pour contenir la révolution démocratique de 2019 avant de se tourner l’un contre l’autre en 2023. Tous deux accusés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, ils n’hésitent pas à mettre les civils en péril pour poursuivre leur conquête militaire. L’instrumentalisation des communautés et des groupes socio-ethniques – en faisant appel aux réminiscences des crises antérieures et aux tensions autour des ressources naturelles – leur garantit certains soutiens alliés. Par des déclarations successives, les généraux Hemedti et al-Burhan ont affirmé que la guerre ne cesserait que par une victoire militaire. Ainsi, la reprise de Khartoum par les FAS en mars 2025 aurait pu devenir un évènement décisif dans le cours du conflit. Toutefois, les RSF poursuivent leur offensive à Khartoum, accroissent leur coalition, notamment par un accord avec le Mouvement populaire de libération du Soudan-Nord (SPLM-North), un groupe actif à la frontière entre le Soudan et le Soudan du Sud, et étendent le théâtre d’opérations vers le nord du pays, jusqu’ici relativement épargné.

De nombreuses ressources naturelles, dont l’or, mais aussi les terres arables, le bétail, les minéraux et la gomme, influent sur la dynamique de la guerre au Soudan. L’or s’est rapidement manifesté un élément central du conflit, à la fois comme cause et comme moyen. Par le passé, le contrôle des zones riches en or, dont le nord du Darfour, a déjà motivé l’action violente des RSF pour accéder au contrôle de la production et de l’exportation aurifère. La valeur élevée de l’or et son rôle dans le financement des acteurs locaux et extérieurs en font un élément essentiel du maintien et de l’évolution du conflit actuel. Ce commerce lucratif rend donc peu probable la fin du conflit, puisque les deux belligérants s’arrimeront aux zones riches en ressource qu’ils contrôlent.

La fragmentation du pays est une ligne rouge pour tous les acteurs impliqués dans la résolution du conflit. Les coprésidents du Sommet de Londres ont souligné l’importance d’empêcher la partition du Soudan dans leur communiqué, tandis que l’Égypte et l’Union africaine ont réitéré ce même propos. Outre le non-respect de l’intégrité du territoire soudanais et du principe de l’intangibilité des frontières en Afrique, la fragmentation du pays risque de complexifier encore le chemin vers la paix et la surveillance internationale de la situation humanitaire.

La communauté internationale doit persévérer pour trouver une paix durable. Aujourd’hui, aucun général n’est considéré comme pleinement légitime pour diriger le Soudan. Après l’échec de la médiation américaine, l’administration Biden a émis en janvier 2025, à la toute fin de son mandat, des sanctions contre les RSF, accusés de génocide, puis contre les SAF. Par cette double décision, les États-Unis affirment que ni al-Burhan ni Hemedti n’encouragent un futur pacifique pour le Soudan. L’administration Trump n’a pour l’instant pas pris position sur la guerre au Soudan. De la même manière, aucun représentant soudanais n’a été convié au Sommet de Londres. De ce fait, les efforts internationaux doivent se concentrer sur la représentation des intérêts du peuple soudanais. Enfin, les puissances régionales doivent apporter des garanties de leurs engagements pour la paix. Chaque année, l’Égypte et les Émirats arabes unis signent des déclarations contre les interférences étrangères au Soudan, mais poursuivent leur soutien direct.

En organisant cette conférence, le Royaume-Uni a mis l’espace d’un instant le Soudan sur le devant de la scène diplomatique. Néanmoins, les résultats limités de la conférence et sa faible visibilité médiatique prouvent que les efforts diplomatiques vont devoir se répéter sur le temps long avant de parvenir à trouver une issue au conflit.

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