18.07.2025 à 12:46
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« D’où venons-nous ? À la frontière soudano-libyenne, il y a les Rapid Support Forces soudanaises – émanation des janjawid pilleurs du Darfour – qui participent à un filtrage violent pour dissuader les migrations vers le nord sous couvert du « Khartoum Process », un accord entre pays européens et africains dont l’objectif est de réduire les départs vers l’Europe. Ces détentions sont souvent menées sans surveillance, avec impunité, et cachent fréquemment des pratiques corruptions et violences. Puis en Méditerranée, les garde-côtes libyens commandés par un criminel notoire qui agissent en mer en « agent » de l’Union européenne, interceptent les embarcations, participent à des refoulements collectifs, et orientent les migrants vers des camps où sévissent extorsions, maladies, violences et exploitation. Avec son « Pacific Solution » lancé en 2001, l’Australie envoie les demandeurs d’asile arrivés par voie maritime vers des centres offshore à Nauru ou sur l’île de Manus (Papouasie-Nouvelle-Guinée) pour dissuader les traversées et affirmer un contrôle total sur l’accès à son territoire. Une politique dénoncée par l’Organisation des Nations unies (ONU) qui a rapporté ces de nombreuses violations des droits humains (détention illimitée, suicides, violences) dans les centres d’accueil…»
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« D’où venons-nous ? À la frontière soudano-libyenne, il y a les Rapid Support Forces soudanaises – émanation des janjawid pilleurs du Darfour – qui participent à un filtrage violent pour dissuader les migrations vers le nord sous couvert du « Khartoum Process », un accord entre pays européens et africains dont l’objectif est de réduire les départs vers l’Europe. Ces détentions sont souvent menées sans surveillance, avec impunité, et cachent fréquemment des pratiques corruptions et violences. Puis en Méditerranée, les garde-côtes libyens commandés par un criminel notoire qui agissent en mer en « agent » de l’Union européenne, interceptent les embarcations, participent à des refoulements collectifs, et orientent les migrants vers des camps où sévissent extorsions, maladies, violences et exploitation.
Avec son « Pacific Solution » lancé en 2001, l’Australie envoie les demandeurs d’asile arrivés par voie maritime vers des centres offshore à Nauru ou sur l’île de Manus (Papouasie-Nouvelle-Guinée) pour dissuader les traversées et affirmer un contrôle total sur l’accès à son territoire. Une politique dénoncée par l’Organisation des Nations unies (ONU) qui a rapporté ces de nombreuses violations des droits humains (détention illimitée, suicides, violences) dans les centres d’accueil…»
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17.07.2025 à 17:03
Coline Laroche
Ce mercredi 16 juillet, la Commission européenne a dévoilé les grandes lignes de son cadre financier pluriannuel, ouvrant une séquence de débat sur l’avenir de l’Union. Si le budget global affiche une hausse ambitieuse, l’inquiétude gagne les agriculteurs face à la proposition d’une nouvelle architecture du financement de l’appareil productif européen. Dans un contexte déjà tendu, marqué par l’impact de la guerre en Ukraine sur le marché céréalier et la colère montante des collectivités territoriales, la politique agricole commune subit une profonde refonte. En quoi ces propositions suscitent-elles de fortes réactions parmi les acteurs du secteur ? Et quelles pourraient être les conséquences d’une telle orientation de la politique économique européenne ? Le point avec Sébastien Abis, chercheur associé à l’IRIS et directeur du Club DEMETER La Commission européenne a présenté le 16 juillet sa proposition de budget pour la période 2028-2034. Pourquoi a-t-elle suscité de telles réactions dans la foulée ? Reconduite à la présidence de la Commission à l’été 2024, Ursula von der Leyen avait annoncé son souhait de revoir en profondeur l’architecture du budget européen, qui s’organise traditionnellement sur une période de 7 ans, d’où le terme de « cadre financier pluriannuel » (CFP). Ces derniers mois, elle a avancé dans cette direction, non sans susciter déjà des remous à ce sujet de la part de parlementaires européens, et des interrogations à Bruxelles, où de nombreux observateurs de la vie communautaire ont noté une tendance plus ferme et plus dirigiste de la part de l’Allemande. La présentation faite hier, au-delà d’une certaine confusion logistique n’ayant rien arrangé à l’affaire, n’est donc pas une surprise. Cela fait des mois que Ursula von der Leyen entend revoir pleinement le CFP. Or en termes de communication, elle a beau dire qu’il s’agit du projet de budget le plus ambitieux de l’histoire de l’UE, […]
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Ce mercredi 16 juillet, la Commission européenne a dévoilé les grandes lignes de son cadre financier pluriannuel, ouvrant une séquence de débat sur l’avenir de l’Union. Si le budget global affiche une hausse ambitieuse, l’inquiétude gagne les agriculteurs face à la proposition d’une nouvelle architecture du financement de l’appareil productif européen. Dans un contexte déjà tendu, marqué par l’impact de la guerre en Ukraine sur le marché céréalier et la colère montante des collectivités territoriales, la politique agricole commune subit une profonde refonte. En quoi ces propositions suscitent-elles de fortes réactions parmi les acteurs du secteur ? Et quelles pourraient être les conséquences d’une telle orientation de la politique économique européenne ? Le point avec Sébastien Abis, chercheur associé à l’IRIS et directeur du Club DEMETER
La Commission européenne a présenté le 16 juillet sa proposition de budget pour la période 2028-2034. Pourquoi a-t-elle suscité de telles réactions dans la foulée ?
Reconduite à la présidence de la Commission à l’été 2024, Ursula von der Leyen avait annoncé son souhait de revoir en profondeur l’architecture du budget européen, qui s’organise traditionnellement sur une période de 7 ans, d’où le terme de « cadre financier pluriannuel » (CFP). Ces derniers mois, elle a avancé dans cette direction, non sans susciter déjà des remous à ce sujet de la part de parlementaires européens, et des interrogations à Bruxelles, où de nombreux observateurs de la vie communautaire ont noté une tendance plus ferme et plus dirigiste de la part de l’Allemande. La présentation faite hier, au-delà d’une certaine confusion logistique n’ayant rien arrangé à l’affaire, n’est donc pas une surprise. Cela fait des mois que Ursula von der Leyen entend revoir pleinement le CFP. Or en termes de communication, elle a beau dire qu’il s’agit du projet de budget le plus ambitieux de l’histoire de l’UE, il s’avère qu’il est aussi le plus confus et potentiellement le plus controversé ! Les réactions se multiplient et les 18 à 24 mois qui viennent pour le négocier vont être assurément animés, sachant qu’il doit in fine être adopté à l’unanimité par le Conseil européen, après approbation du Parlement européen. Un processus long, démarré hier, par des coups de canon !
Pourquoi cela ? Que devons-nous comprendre pour le moment ?
Rien n’est définitif et nous devons donc nous étonner de conclusions trop hâtives. Néanmoins, la copie proposée annonce des tendances et augure de discussions musclées. À ce stade, faisons donc trois grands commentaires pour tenter de les cartographier.
Premièrement, sur l’enveloppe générale. La présidente de la Commission a indiqué un CFP à près de 2 000 milliards d’euros pour 2028-2034, là où il est de 1 210 milliards en prix courants pour la période 2021-2027. Une hausse conséquente donc, mais qui comporte une nuance de taille. Le CFP actuel a été complété, en raison de la pandémie de Covid-19, par un instrument financier dit NextGenerationEU, doté de 750 milliards, soit optiquement plus de 2 000 milliards d’euros. Or il faut rappeler que cet instrument est une dette. Le projet présenté par Ursula von der Leyen indique qu’il faudra mobiliser 168 milliards d’euros entre 2028 et 2034 comme première tranche de remboursement, soit 24 milliards par an. Dit autrement, la Commission annonce une hausse du futur CFP, qui pèserait 1,26 % du revenu national brut (RNB) de l’Union européenne (UE) contre 1,13 % actuellement, mais une fois déduits les remboursements liés au plan de relance post-Covid, le taux effectif retombe à 1,15 %. Or de deux choses l’une : d’un côté des besoins qui s’amplifient pour l’UE au regard des défis contemporains et d’une reconquête de compétitivité comme l’a préconisé le Rapport Draghi ; de l’autre certains États membres (Allemagne, Pays-Bas, Suède, Danemark) qui refusent de telles hausses budgétaires du CFP, les jugeant irréalistes, et qui craignent de nouvelles dettes par ailleurs, là où l’Espagne plaide actuellement pour monter le CFP à 2 % du PIB européen et à la création d’un mécanisme permanent de dette commune…
Ensuite, la grande différence réside dans la structure, les priorités politiques et les modalités de gestion budgétaire, avec des ruptures notables par rapport au CFP 2021–2027, au nom d’une flexibilité accrue et d’une adaptation aux nouveaux enjeux selon Ursula von der Leyen. En effet, la Commission propose de regrouper plusieurs politiques de l’UE (notamment la PAC, les cohésions régionales/sociales, les pêches) dans un Fonds de partenariat national et régional (NRP) de 865 milliards d’euro, rompant avec la logique des enveloppes séparées. Cela réduit l’autonomie institutionnelle de la politique agricole commune (PAC), en la fondant dans une logique multifonds gérée plus directement par les 27 États membres et en réduisant donc la dimension commune de cette politique historique de l’UE. En outre, sur la PAC, le montant chuterait à 294 milliards, soit une diminution d’environ 20 % par rapport au montant actuellement à l’œuvre. La PAC, qui a toujours été dominante dans la répartition des fonds européens, accaparant un tiers des ressources budgétaires du CFP 2021-2027, verrait donc se poursuivre la progressive dégradation de cette dotation, comme lors des exercices précédents. Elle représentait deux tiers du budget de l’UE jusqu’aux années 1980 et encore la moitié dans les décennies 1990 et 2000. Là, le projet de la Commission pour le CFP à venir, situerait la PAC à 15 %. Pour contraster ce propos, mentionnons toutefois que le budget de la PAC a été multiplié par 5 depuis le début des années 1980, en raison de l’inflation, de l’élargissement de l’UE (et donc des contributions des nouveaux États membres) ainsi que par l’évolution des priorités agricoles et rurales.
Enfin, autre constat à ce stade, les choix effectués de renforcer en revanche le montant des fonds dédiés aux technologies et au numérique, aux politiques de sécurité et de défense et aux enjeux migratoires. Malgré un narratif d’un flou artistique majeur autour du pacte vert, cœur stratégique de la Commission précédente (2019-2024), qui en avait fait son leitmotiv pour la neutralité carbone dans l’UE en 2050, l’environnement et l’écologie restent prioritaires dans les orientations envisagées du CFP à venir. En agrégeant les chiffres, nous avons un gros tiers de ces 2000 milliards fléchés vers les financements pour le climat, soit davantage que dans le budget actuel. Nous n’avons donc pas de freins, a priori, en matière de verdissement, de décarbonation et de préservation de la biodiversité. Cela ne veut pas dire que les négociations, dans les prochains mois, ne seront pas vives à ce sujet, car d’aucuns réclameront un équilibre avec le social et l’économique. D’ailleurs, notons volontiers que le mot clef de l’actuelle Commission, c’est la « compétitivité durable », formule intelligente car cela combine les enjeux du développement et des transitions sans sous-estimer l’importance des moyens à avoir pour les relever. Pour faire simple et court, l’UE, les États membres et l’ensemble des acteurs ne peuvent pas durablement (ou massivement) investir dans le vert s’ils sont dans le rouge économiquement et dans le dur géopolitiquement. Or c’est hélas un peu la situation actuelle, si on schématise.
Que doit-on anticiper de la part du monde agricole si ces orientations se confirment ?
Beaucoup d’agriculteurs européens manifestaient hier à Bruxelles au moment de la présentation de ce projet de CFP 2028-2034. Beaucoup de commentaires depuis, en France, mais aussi dans d’autres États membres, sur ces dimensions agricoles revues dans la proposition de la Commission européenne. Nombreux sont ceux qui redoutaient de telles évolutions dans le projet porté par Ursula von der Leyen, tout en étant étonnés car celle-ci avait mis en place un dialogue stratégique sur l’agriculture au premier semestre 2024, pour répondre aux grandes vagues de protestations des milieux agricoles en janvier/février cette année-là, et ce avant les élections européennes et sa reconduite à la présidence de la Commission. Ces protestations, dans quasiment tous les pays membres, convergeaient vers une demande de cohérence accrue entre les politiques agricoles, environnementales et économiques, de simplification normative et de prévisibilité stratégique, tant sur le plan financier que des orientations de moyen-long terme. L’agriculture est une activité qui ne peut pas s’affranchir du temps long, qui se complexifie si les incohérences se multiplient, qui ne peut résister si les revenus des producteurs s’écroulent, qui ne peut s’adapter aux changements climatiques si l’innovation et la recherche patinent. Or ici, avec les annonces faites par la Commission, on se dirige droit vers une PAC affaiblie budgétairement, à la carte car fusionnant les politiques et renationalisant les politiques selon les propres desiderata des États membres. En somme une politique agricole toujours moins commune et toujours plus concurrentielle.
Il ne serait donc pas surprenant de voir au cours des prochains mois de nouvelles manifestations agricoles se mettre en place dans l’UE, car les questions de fond sont toujours sur la table et la première copie du projet de CFP post-2027 jette de l’huile sur un feu mal éteint. D’ailleurs, encore plus inflammable si l’on ajoute trois problématiques internationales : les taxes douanières des États-Unis qui pourraient sévèrement frapper les productions et les entreprises agroalimentaires européennes, l’accord de libre-échange de l’UE avec le Mercosur qui n’est ni signé ni écarté, mais Ursula comme Lula y tiennent et entendent avancer ces prochaines semaines, et enfin, l’Ukraine.
Pourquoi l’Ukraine pose question pour l’Union européenne et la politique agricole commune ?
La Commission propose d’allouer 100 milliards d’euros à ce pays dans le prochain CFP, soit 40 millions d’euros par jour et un tiers de ce qui serait donc octroyé à la PAC par ailleurs. D’ores et déjà l’UE et les États membres ont consacré environ 160 milliards en aides militaires, budgétaires et humanitaires à l’Ukraine de mars 2022 à mai 2025, soit 140 millions d’euros par jour. Et l’Ukraine a bénéficié pendant plusieurs mois d’un accès libre au marché européen pour ses produits agricoles, dispositif corrigé à partir de l’été 2023 pour contenir un tel afflux vers les États membres, sachant que cela a provoqué des distorsions considérables de concurrence pour les agriculteurs européens, notamment à l’Est de l’UE. Il faut évidemment aider l’Ukraine, qui souffre et se bat pour contrer l’invasion russe. Il faut bien entendu intégrer le fait que ce pays est désormais lancé dans un processus officiel d’adhésion à l’UE. Mais ces sommes ne sont pas neutres, au regard de l’état des finances européennes.
En outre, il faut ne jamais oublier qu’il s’agit d’une grande puissance agricole et que ce secteur pèsera fortement dans la suite des relations euro-ukrainiennes, quel que soit le scénario. Si l’Ukraine entre, les équilibres internes dans l’UE et pour la PAC en particulier seront significatifs. Si l’Ukraine n’entre pas, l’UE a un grand compétiteur dans son voisinage. D’où une question : le Kremlin pousse-t-il l’UE dans une course aux armements dont elle n’a pas les moyens et dans une division agricole grandissante qui servirait ses propres intérêts, la Russie étant un géant ambitieux en la matière ? Poutine a toujours dit qu’il refusait de voir l’Ukraine rejoindre l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Pas l’UE. Soit dit en passant, c’est aussi le même son de cloche aux États-Unis.
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17.07.2025 à 10:52
admn_iris
Moscou qui expulse des dizaines de milliers de migrants d’Asie centrale s’attirant les foudres de ses cinq anciens sujets soviétiques centrasiatiques ; Tbilissi secouée par une loi « agents étrangers » controversée ; près de 100 000 Arméniens du Haut-Karabakh fuyant en exil ; l’Azerbaïdjan qui annule tous les événements culturels organisés avec des institutions russes en réponse à une rafle au sein de la diaspora azerbaïdjanaise à Iekaterinbourg ; l’Ukraine toujours embrasée par la guerre d’attrition menée par la Russie… Autant de soubresauts récents qui témoignent des profondes mutations à l’œuvre dans l’espace post-soviétique depuis 2022, a fortiori en 2025. Plus de trente ans après la chute de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), cet ensemble hétérogène est le théâtre de recompositions géopolitiques majeures, entre ruptures et continuités. Recomposition des alliances et des dépendances Depuis la fin de l’URSS, les jeux d’alliances dans l’ex-espace soviétique ont été bouleversés plusieurs fois : entre 1991 et 2014, entre 2014 et 2022, puis entre 2022 et aujourd’hui. Par étape, la Russie, puissance héritière de l’URSS, a eu recours à diverses stratégies en ex-URSS, oscillant entre soft et hard power. Pourtant, elle n’est plus le seul centre de gravité pour ses voisins. Il faut désormais compter sur la Chine, l’Union européenne, les États-Unis ou encore la Turquie. Certes, Moscou tente de maintenir son influence via des alliances formelles comme l’Organisation du traité de sécurité collective (alliance militaire dominée par la Russie) ou l’Union économique eurasienne. Toutefois, ces cadres peinent à contenir les tentatives d’émancipation progressive de plusieurs États. Depuis 2022 et l’invasion de l’Ukraine, les exemples sont légion. L’Arménie – pourtant alliée traditionnelle de Moscou – exprime son mécontentement envers l’inaction russe dans le conflit du Haut-Karabakh et a même refusé d’accueillir des manœuvres militaires russes en 2023. De son côté, le Kazakhstan affiche une politique étrangère « multivectorielle », ménageant la Russie […]
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Moscou qui expulse des dizaines de milliers de migrants d’Asie centrale s’attirant les foudres de ses cinq anciens sujets soviétiques centrasiatiques ; Tbilissi secouée par une loi « agents étrangers » controversée ; près de 100 000 Arméniens du Haut-Karabakh fuyant en exil ; l’Azerbaïdjan qui annule tous les événements culturels organisés avec des institutions russes en réponse à une rafle au sein de la diaspora azerbaïdjanaise à Iekaterinbourg ; l’Ukraine toujours embrasée par la guerre d’attrition menée par la Russie… Autant de soubresauts récents qui témoignent des profondes mutations à l’œuvre dans l’espace post-soviétique depuis 2022, a fortiori en 2025. Plus de trente ans après la chute de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), cet ensemble hétérogène est le théâtre de recompositions géopolitiques majeures, entre ruptures et continuités.
Depuis la fin de l’URSS, les jeux d’alliances dans l’ex-espace soviétique ont été bouleversés plusieurs fois : entre 1991 et 2014, entre 2014 et 2022, puis entre 2022 et aujourd’hui. Par étape, la Russie, puissance héritière de l’URSS, a eu recours à diverses stratégies en ex-URSS, oscillant entre soft et hard power. Pourtant, elle n’est plus le seul centre de gravité pour ses voisins. Il faut désormais compter sur la Chine, l’Union européenne, les États-Unis ou encore la Turquie. Certes, Moscou tente de maintenir son influence via des alliances formelles comme l’Organisation du traité de sécurité collective (alliance militaire dominée par la Russie) ou l’Union économique eurasienne. Toutefois, ces cadres peinent à contenir les tentatives d’émancipation progressive de plusieurs États.
Depuis 2022 et l’invasion de l’Ukraine, les exemples sont légion. L’Arménie – pourtant alliée traditionnelle de Moscou – exprime son mécontentement envers l’inaction russe dans le conflit du Haut-Karabakh et a même refusé d’accueillir des manœuvres militaires russes en 2023. De son côté, le Kazakhstan affiche une politique étrangère « multivectorielle », ménageant la Russie tout en renforçant ses liens avec la Chine, la Turquie et l’Occident. Les récentes tensions – comme la campagne russe de répression contre les travailleurs centrasiatiques (près de 85 000 expulsions au premier semestre 2024, un record) – suscitent des protestations diplomatiques prudentes de la part des États d’Asie centrale. Ces derniers réalisent que leur dépendance économique vis-à-vis de Moscou (migrants, commerce, énergie) peut se heurter à des comportements hostiles du Kremlin, les incitant à diversifier leurs partenariats.
En parallèle, de nouvelles puissances gagnent en importance dans la région. La Chine s’impose désormais comme un acteur clé : elle investit massivement en Asie centrale via ses Nouvelles routes de la soie, organise des sommets exclusifs avec les cinq républiques centrasiatiques et devient un partenaire commercial incontournable. La Turquie, forte de ses liens culturels turcophones, étend également son influence de la mer Noire aux steppes d’Asie centrale. Ankara soutient activement l’Azerbaïdjan – son allié historique et énergétique – et promeut l’Organisation des États turciques comme forum alternatif d’intégration régionale. De plus, l’Union européenne (UE) et les États-Unis intensifient leur engagement : l’UE a accordé récemment le statut de candidat à l’adhésion à l’Ukraine, à la Moldavie (et même à la Géorgie fin 2023, sous conditions) et joue un rôle de médiation dans le Caucase, tandis que Washington a tenu en 2023 un sommet inédit avec les cinq présidences d’Asie centrale. Ainsi, l’espace post-soviétique devient multipolaire, traversé par des influences concurrentes où la Russie doit rivaliser avec la Chine, la Turquie ou l’Occident pour conserver ses alliés.
Si l’on observe l’évolution des quinze États issus de l’Union soviétique, on constate que leurs trajectoires politiques et géopolitiques ont profondément divergé. À une extrémité, les pays baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie) ont réussi une intégration rapide dans le giron occidental : démocraties membres de l’UE et de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) depuis 2004, elles figurent en 2025 à l’avant-garde du soutien à l’Ukraine et de la fermeté envers Moscou. À l’opposé, le Bélarus (Biélorussie) est resté le plus proche allié de la Russie, s’enfonçant depuis 2020 dans une dépendance quasi-fusionnelle – Minsk a même accepté le déploiement d’armes nucléaires russes sur son sol et sacrifie une part de sa souveraineté pour préserver le régime autoritaire d’Alexandre Loukachenko.
Entre ces deux pôles, on trouve une constellation de trajectoires hybrides. L’Ukraine symbolise la rupture la plus nette : après deux révolutions pro-démocratie (2004, 2014) et surtout depuis l’invasion russe de 2022, Kiev s’est irrémédiablement éloignée de l’orbite du Kremlin. En plein conflit pour sa survie, l’Ukraine s’est affirmée comme une nation résolument tournée vers l’Europe, obtenant le statut de candidat à l’UE et coopérant étroitement avec l’OTAN. La Moldavie voisine suit une voie comparable : longtemps tiraillée entre influence russe et aspiration européenne, elle a choisi le camp occidental sous la présidence réformatrice de Maia Sandu, malgré les pressions internes de régions pro-russes comme la Transnistrie ou la Gagaouzie.
Le Caucase du Sud offre un tableau plus contrasté. La Géorgie, précurseur dans les années 2000 d’une orientation pro-occidentale, se débat aujourd’hui avec des turbulences politiques internes. Si sa population aspire majoritairement à l’UE et proteste vigoureusement contre toute dérive autoritaire (comme l’a montré l’indignation face aux projets de loi inspirés du modèle russe sur les « agents étrangers »), le parti au pouvoir reste ambigu, entre rhétorique pro-européenne et gestes conciliants envers Moscou. L’Arménie, traditionnellement alignée sur la Russie pour des raisons sécuritaires, a vu ses certitudes ébranlées par l’abandon ressenti de Moscou dans le conflit du Haut-Karabakh. Après la défaite éclair de 2023 face à l’Azerbaïdjan (soutenu par la Turquie), Erevan prend ses distances vis-à-vis de son protecteur russe et cherche de nouvelles garanties auprès de l’Occident, tout en négociant un pénible accord de paix avec Bakou. L’Azerbaïdjan, triomphant, consolide son partenariat stratégique avec Ankara et se pose en puissance montante du Caucase, riche de son pétrole et fort de ses victoires militaires. Symbole fort, les deux États du Caucase du Sud procèdent actuellement à des négociations pour chercher un accord de paix… sans la Russie. Une situation inédite et un symbole du recul de l’influence russe dans la région.
En Asie centrale, les cinq ex-républiques soviétiques avancent chacune selon un équilibre subtil. Le Kazakhstan et l’Ouzbékistan, poids lourds de la région, cultivent une relative autonomie vis-à-vis de Moscou en multipliant les partenaires (Chine, Turquie, Occident) sans rompre ouvertement avec la Russie. Le Kirghizstan et le Tadjikistan, plus petits et dépendants (économiquement et militairement) du soutien russe, restent arrimés à l’alliance de Moscou, bien qu’ils accueillent favorablement les investissements chinois ou les aides internationales. Le Turkménistan, pays le plus isolé, poursuit son cap autarcique de « neutralité permanente », vendant son gaz à qui veut bien l’acheter (surtout à la Chine) tout en évitant toute alliance contraignante. Ainsi, trente ans après l’URSS, l’espace post-soviétique n’est plus monolithique : on y retrouve des démocraties pleinement occidentalisées, des régimes autoritaires inféodés à Moscou, et de nombreux États intermédiaires jouant sur plusieurs tableaux pour préserver leurs intérêts.
L’invasion de l’Ukraine en 2022 a agi comme un véritable catalyseur des transformations géopolitiques dans tout l’espace post-soviétique. D’une part, ce conflit d’ampleur – le plus destructeur en Europe depuis 1945 – a brutalement ravivé l’attention mondiale sur cette région longtemps perçue comme périphérique. Les pays occidentaux, confrontés à l’agression russe, ont redoublé d’initiatives envers les autres États post-soviétiques pour les dissuader de soutenir Moscou et pour les arrimer à un ordre international fondé sur le droit. Les sanctions massives contre la Russie ont entraîné des répercussions en chaîne sur ses voisins, poussant ces derniers à rechercher des alternatives économiques (nouvelles routes commerciales contournant la Russie, sources d’énergie ou de débouchés diversifiés). Par exemple, le Kazakhstan et l’Ouzbékistan se sont coordonnés pour développer le corridor transcaspien vers l’Azerbaïdjan et la Turquie, réduisant leur dépendance au transit par le territoire russe. De même, l’Union européenne a intensifié ses offres de coopération énergétique à des pays comme l’Azerbaïdjan (pour compenser le gaz russe) ou le Turkménistan, redessinant les flux et les partenariats régionaux.
D’autre part, la guerre en Ukraine a profondément entamé le prestige stratégique de la Russie au sein de son ancien empire. L’armée russe, que l’on pensait toute-puissante, a montré ses limites sur le terrain ukrainien. Ce constat n’a pas échappé aux autres États post-soviétiques. Nombre d’entre eux ont pris acte de l’affaiblissement relatif de Moscou et de son absorption dans un conflit prolongé, ce qui la rend moins capable de projeter son pouvoir ailleurs. Cette nouvelle donne a encouragé certaines audaces : les dirigeants d’Asie centrale se permettent plus ouvertement de dialoguer avec Washington, Bruxelles ou Pékin sans craindre autant les représailles russes ; l’Arménie a osé organiser des exercices militaires avec les États-Unis ; la Géorgie, malgré son gouvernement prudent, voit sa société civile se tourner encore davantage vers l’Ouest. La neutralité bienveillante qu’affichaient traditionnellement plusieurs pays (comme le Kazakhstan ou l’Ouzbékistan) à l’égard de la Russie s’est muée en une forme de distance diplomatique : condamnation des annexions de territoire en Ukraine lors des votes à l’Organisation des Nations unies, discours affirmant le principe d’intégrité territoriale, et refus poli de participer aux contournements des sanctions internationales. En ce sens, le conflit ukrainien a accéléré la redéfinition des loyautés et des stratégies régionales. Il a souligné l’urgence pour chaque État de garantir sa sécurité de façon autonome, soit en renforçant ses propres capacités, soit en recherchant de nouveaux garants extérieurs (alliances avec d’autres puissances, demandes d’adhésion à l’UE ou à l’OTAN, etc.).
Malgré ces changements rapides, de nombreux héritages de l’époque soviétique continuent de façonner la géopolitique de la région. L’Union soviétique a laissé derrière elle un maillage serré d’infrastructures, de réseaux et de pratiques dont l’empreinte se fait encore sentir en 2025. Sur le plan énergétique, par exemple, les pipelines et les réseaux électriques construits avant 1991 lient encore entre eux plusieurs États post-soviétiques. Le gaz d’Asie centrale continue en partie de transiter par la Russie, les réseaux d’électricité du Belarus, de l’Ukraine ou des pays baltes étaient historiquement interconnectés à celui de Moscou (même si, symbole de la rupture, Ukraine et Moldavie se sont synchronisées au réseau européen en 2022, et les pays baltes s’en détachent progressivement). De même, les routes et les voies ferrées, pensées à l’échelle d’un empire unifié, contraignent les échanges régionaux : certaines républiques enclavées dépendent encore du transit par leurs voisins (par exemple, le Tadjikistan sans accès maritime reste tributaire des corridors via l’Ouzbékistan et le Kazakhstan pour commercer).
La langue russe constitue un autre héritage structurant. Trente ans après la fin de l’URSS, le russe demeure la lingua franca de communication entre de nombreux peuples de l’ex-Empire. Il reste langue officielle ou largement utilisée dans des pays comme le Kazakhstan, le Kirghizstan ou le Belarus, et continue d’ouvrir des débouchés professionnels (notamment pour les millions de migrants centrasiatiques en Russie). Bien que le prestige du russe décline au profit d’autres langues (anglais, chinois, turc, ou langues nationales renforcées), cet héritage linguistique maintient un certain espace culturel commun post-soviétique. De plus, les élites politiques et sécuritaires de plusieurs États sont encore en partie formées dans le moule soviétique ou russe. Les académies militaires de Moscou et Saint-Pétersbourg accueillent toujours de jeunes officiers d’Asie centrale ; les services de renseignement locaux sont souvent les descendants directs du KGB soviétique ; et l’équipement militaire de bon nombre d’armées post-soviétiques provient du stock russe ou soviétique, créant une interdépendance en matière de maintenance et de pièces détachées.
Enfin, des contentieux historiques non résolus depuis l’ère soviétique pèsent sur la stabilité régionale. Les frontières tracées arbitrairement à l’époque ont laissé des minorités en dehors de leur république d’origine, alimentant des conflits qui perdurent (comme en Moldavie avec la Transnistrie sécessionniste, en Géorgie avec l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud occupées par la Russie, ou en Asie centrale avec des différends frontaliers entre le Kirghizstan et le Tadjikistan dans la vallée du Ferghana). Ces conflits dits « gelés » ou intermittents rappellent que la fragmentation de l’URSS n’a pas effacé d’un coup les liens ni les lignes de fracture internes – ils constituent une continuité problématique, que la guerre en Ukraine a parfois ravivée ou, au contraire, contribuée à résoudre brutalement (comme dans le cas du Karabakh désormais repris en main par l’Azerbaïdjan).
En 2025, la géopolitique de l’espace post-soviétique oscille ainsi entre changements profonds et inerties tenaces. L’ordre régional n’y est plus dominé exclusivement par Moscou : de nouveaux équilibres se dessinent, portés par les choix souverains des États et les jeux d’influence des puissances émergentes. Les alliances se recomposent, entre une Russie affaiblie qui tente de garder son pré carré et des voisins explorant d’autres horizons (Chine, Turquie, Occident). Les trajectoires nationales n’ont jamais été aussi contrastées, du virage occidental de Kyiv et Chisinau à l’isolement de Minsk, en passant par les prudents équilibrismes de Bakou ou d’Astana. Dans le même temps, les continuités héritées de l’URSS – qu’elles soient infrastructurelles, linguistiques ou sociopolitiques – agissent comme des rappels que trente années sont peu de chose à l’échelle de l’Histoire. Le conflit ukrainien en cours a cristallisé ces dynamiques en accélérant les ruptures et en exacerbant les tensions, inaugurant peut-être une nouvelle ère où l’espace post-soviétique ne sera plus pensé comme une sphère homogène sous influence russe, mais comme un ensemble pluriel, définitivement entrouvert aux vents du multipolarisme mondial.
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